AUTEUR : François Vergniolle de Chantal, Docteur en Sciences Politiques de l'IEP de Paris, est Maître de Conférences en civilisation américaine à l'Université de Bourgogne.
Depuis une quarantaine d' années, les républicains se sont fait fort de réduire le poids de l' Etat fédéral .Or l' actuelle lutte contre le terrorisme, menée par une équipe républicaine qui , pourtant , adhère totalement à les critiques contre le Big Government , remettrait en cause l' engagement conservateur en faveur de la décentralisation .Les différentes mesures annoncées depuis septembre 2001 vont toutes dans le même sens, un considérable renforcement de la présence de l' Etat fédéral .Comme toutes les guerres menées par les Etats-Unis, celle entamée contre le terrorisme risquerait, elle aussi, de renforcer la centralisation . [interro] Quels sont les aspects de ce retour de l' Etat central ? [interro] Comment s' opère la recentralisation, et avec quelles conséquences dans l' équilibre fédéral ?Finalement, quelles sont les conclusions à tirer de cette évolution ? [Interro] En particulier, comment s' articule la lutte contre le terrorisme avec ' engagement conservateur en faveur de les Etats fédérés ?Selon nous, la lutte contre le terrorisme ne serait pas similaire aux évolutions entraînées par les autres conflits .Elle débouche en fait sur un activisme tous-azimut, qui concerne aussi bien l' Etat fédéral que les Etats fédérés et les autorités locales ( villes, comtés ) . [Il..._SN] Plutôt que de parler de centralisation, il faudrait évoquer un renforcement des fonctions légitimes de chacun des niveaux du gouvernement : la défense et la protections des citoyens pour le niveau fédéral ; les autorités locales, elles, gèrent les moyens de réponse immédiats aux agressions terroristes ( police, pompier, santé ) .L' essentiel des problèmes suscités par la protection du territoire contre le terrorisme réside dans la coordination entre les différents organes .L' administration actuelle s' engage résolument dans cette voie, et entame une réorganisation massive des administrations nationales .
Dans le mois qui a suivi l' attentat du 11 septembre, l' administration a procédé à un certain nombre d' initiatives spectaculaires à plus d'un titre, notamment par l' intrusion massive des autorités fédérales dans différents domaines où, jusqu'alors, l' interventionnisme fédéral n' était pas de mise .A commencer par la sécurité aérienne, au vu, bien sûr, du déroulement des attentats : les attaques contre des objectifs civils semblaient alors être l' objectif de prédilection des groupes islamistes . [Autre_SP] C' est pourquoi, sous la responsabilité du Secrétaire aux Transports, Norman Y. Mineta, un nouveau texte a été adopté par le Congrès dès le 19 novembre, le Aviation and Transportation Security Act ( ATSA, Public Law 107 - 71 ) . [SujetInv_SN] Ainsi est instituée la Transportation Security Administration (administrationA partir de février 2002, la nouvelle instance a " fédéralisé " les points de contrôle des 429 aéroports commerciaux des Etats-Unis, processus, qui, en fin de compte, devrait encore prendre quelques mois .Dorénavant, les compagnies privées de sécurité - jusqu'ici sous-traitantes de les compagnies aériennes - ne sont donc plus responsables du contrôle des passagers ; près de 28000 fonctionnaires fédéraux doivent maintenant prendre le relais, et leur recrutement devrait se faire avec des critères plus exigeants que ceux requis jusqu'alors .Pendant ce temps, les craintes d' attentats contre d'autres types de cibles civiles se multipliaient .Ainsi, un certain nombre d' élus démocrates ( dont le Sénateur de New York Hillary R. Clinton ) ont appelé en novembre à une prise en charge fédérale de la sécurité des 103 centrales nucléaires du pays par la Nuclear Regulatory Commission .Mais l' initiative est, pour le moment, restée lettre morte au Congrès : en l'état actuel de la situation, la protection des sites nucléaires est toujours assurée par les quelques 57000 réservistes et membres de la Garde Nationale qui ont été mobilisés suite à les attentats .Initialement chargés aussi de la sécurité dans les aéroports, ils en ont été rapidement relevés lors de la création de la TSA ; ils assurent maintenant exclusivement la défense des centrales nucléaires, et l' administration Bush semble s' en satisfaire .
Ces actions immédiates ont été renforcées par d'autres mesures, budgétaires, qui vont directement à l'encontre du libéralisme économique prôné par les républicains .Ainsi, le Président a immédiatement décidé des aides d'urgence : 40 milliards de dollars répartis entre l' Etat de New York et le FBI, les agences de renseignement et l' armée ; à ce montant s' ajoute 15 milliards de dollars pour aider les compagnies aériennes .Autant dire que le non interventionnisme économique de l' Etat fédéral a été immédiatement relegué au second rang devant l' urgence de la situation . La restriction budgétaire a tout de suite cédé la place à la nécessité de lutter contre le terrorisme .
Après quatre années d' excédents fédéraux, le budget de 2003 - qui débute en octobre 2002 - renoue avec les déficits .Sous l' effet conjugué du ralentissement économique et de la lutte contre le terrorisme ( les démocrates rajouteraient aussi les baisses d' impôts parmi les facteurs explicatifs ), le budget devrait afficher un déficit de l'ordre de 43 milliards de dollars .Les principaux postes budgétaires sont dorénavant la sécurité du territoire ( homeland security ) et la défense .Dans le premier cas, le budget passe de 15 milliards de dollars à 38 milliards, une part non négligeable ( un peu moins de trois milliards ) étant consacrée à la lutte contre le bioterrorisme .A un niveau institutionnel, et plus seulement fonctionnel, l' administration Bush a décidé de renforcer considérablement les polices locales, pompiers, et services d'urgence, qui, tous, constituent la première ligne de défense vis-à-vis des attaques terroristes .Environ 3,5 milliards de dollars - soit une multiplication par dix des financements antérieurs - sont ainsi destinés aux autorités locales, municipales et étatiques, c' est-à-dire aux échelons politiques responsables de ces différents corps .En ce qui concerne la défense, le Secrétaire, Donald Rumsfeld , se trouve maintenant à la tête du second poste dans le budget fédéral .Le Président a obtenu une rallonge budgétaire de 48 milliards de dollars, soit une enveloppe qui dépasse le montant du budget militaire annuel de n' importe quel autre pays dans le monde .L' effort ainsi consenti est comparable à celui engagé par Truman lors de la Guerre de Corée .Comme il y a cinquante ans, les Etats-Unis sont véritablement entrés dans un budget de guerre : celui -ci devrait atteindre 396 milliards de dollars en 2003, et, si les prévisions se concrétisent, se chiffrer à 470 milliards en 2007 .
A priori, l' administration Bush a adopté des dispositions budgétaires qui la placent en décalage par rapport à les discours républicains en faveur de la modestie budgétaire et de la nécessaire rigueur dans les dépenses .Dans ce domaine, l' Etat fédéral a bénéficié d' une nouvelle marge de manoeuvre, inespérée au vu de l' orientation politique de l' équipe dirigeante . [Autre] C' est d' autant plus vrai que ces mesures ne sont pas précisément des décisions sur lesquelles l' administration se serait engagée à revenir .au contraire, la Présidence a, dans un second temps de sa lutte contre le terrorisme, élaboré un cadre plus général qui cherche à pérenniser les décisions prises à l' automne .L' accroissement des pouvoirs de l' Etat fédéral ne tient pas de l' accident de parcours . [Present_SP] Il s' agit au contraire d' une priorité des pouvoirs publics .pouvoir
Le rapide panorama des mesures d'urgence que nous venons d' établir a pris place dans un cadre légal établi à l' automne 2001, puis complété par une réorganisation institutionnelle des structures de l' Etat fédéral au printemps 2002 .Ainsi, d' un point de vue législatif cette fois, l' administration Bush a fait présenter une loi de lutte contre le terrorisme .Massivement adoptée par le Congrès et signée par le Président le 26 octobre, le texte ( USA Patriot Act , ou Uniting and Strengthening America by Providing Appropriate Tools Required to Intercept and Obstruct Terrorism , PL 197 - 56 ) renforce considérablement la loi précédente, celle adoptée sous l' équipe Clinton après l' attentat d' Oklahoma City .A l'époque, un grand nombre de républicains avaient réussi à bloquer les principales extensions prévues du pouvoir fédéral, mettant en avant les incohérences des agences " gouvernementales " .Le FBI, chargé de la surveillance de le territoire , était en effet mis en accusation pour sa mauvaise gestion des confrontations avec une secte texane et différents mouvements " antigouvernementaux " .Dans ces conditions, la loi de mars 1996 avait été vidée de toute extension des possibilités de surveillance de l' Etat fédéral .
Rien de tel avec la loi du 26 octobre dernier . [NoSABERTopth_Pred] Celle -ci repose au contraire sur une extension considérable des possibilités de surveillance, notamment électroniques, et des écoutes téléphoniques .Elle donne une définition du terrorisme intérieur qui est extrêmement large .Ainsi, toute personne se déclarant comme représentant - sans forcément être membre - d' une organisation terroriste , est considérée comme terroriste .Toute aide, et, a fortiori, tout soutien financier, sont des activités terroristes s' ils ont contribué à faciliter une quelconque attaque .Les membres de la famille d' un terroriste peuvent eux -mêmes être considérés comme tels si le Garde des Sceaux le pense .Concrètement, la liste des activités dites terroristes regroupe : toute tentative, menace ou réalisation d' un détournement ou d' un sabotage de n' importe quel moyen de transport ; toute attaque contre une personne protégée par le droit international ( ambassadeur, titulaire de fonctions politiques etc . ) ; enfin, toute utilisation d' une arme en vu de porter atteinte à la tranquillité publique ou de détruire la propriété d' autrui, ce qui s' ajoute aux autres crimes ( incendie volontaire, explosion, meurtre, tentative de meurtre, etc ) déjà inscrits dans le droit pénaL' extension de la définition est telle que, pour certains observateurs, n' importe quelle dispute dans un bar pourrait maintenant tomber sous le coup d' une accusation de terrorisme !Seules les mesures les plus controversées - l' extension de la détention provisoire - ont une durée de validité de quatre ans .
Bien loin de vouloir revenir sur ces mesures adoptées dans l' urgence, l' administration républicaine, dans le cadre de sa nouvelle orientation budgétaire , tente de mettre en oeuvre une réorganisation des pouvoirs de l' administration fédérale .Un grand nombre de commentateurs y voient même une des tentatives les plus ambitieuses depuis la Seconde Guerre Mondiale .
Le 8 octobre 2001, le Président a nommé, par ordonnance, Tom Ridge, jusque là Gouverneur républicain de Pennsylvanie, responsable de la sécurité intérieure . [Il..._SP] Il était initialement chargé de coordonner depuis la Maison Blanche les activités de défense civile de près de 50 organismes fédéraux dont la CIA et le FBI ( même si le premier restait rattaché au Pentagone, et le second au Ministère de la Justice ) .Les observateurs étaient d'abord sceptiques sur ses chances de s' imposer dans le labyrinthe administratif que constitue la machinerie fédérale . [Autre] Et ce d' autant plus qu' il disposait d' une équipe de 16 personnes et d' un budget symbolique !
Mais en juin 2002, le Président a décidé de la création d' un Ministère de la Sécurité du Territoire ( Department of Homeland Security ), initiative approuvée à plus de 70 % par ' opinion publique, et relayée au Congrès par le Représentant Marc Thornberry ( républicain, l Texas ), et les Sénateurs Joe Lieberman ( démocrate, Connecticut ) et Arlen Specter ( républicain, Pennsylvanie ) .Ce tout nouveau ministère, dont Tom Ridge est le responsable , va regrouper 22 agences et services dépendant actuellement de 8 ministères différents ( ainsi des gardes-côtes, des douanes, et, peut-être, des services de l' immigration ) .Contrairement à la précédente structure instituée en octobre 2001, celle -ci ne regroupe ni le FBI ni la CIA . Le nouveau ministère serait pourtant le 3ème ministère en nombre de fonctionnaires ( selon les formules, entre 170.000 et 200.000 personnes ), et, regroupant une vaste palette de compétences, serait doté d' un budget d' environ 38 milliards de dollars .
Il complète le plan de réorganisation du FBI annoncé un mois auparavant .Secouée par les scandales et placée sous pression constante par ses autorités de tutelle et les pouvoirs politiques, l' agence est dans une position de plus en plus délicate .D' où la nécessité pour son récent directeur - Robert Mueller a pris ses fonctions une semaine avant les attentats du 11 septembre ! - de reprendre la situation en main . Son plan annonce l' affectation de 600 agents, ordinairement chargés de la lutte contre la criminalité classique, à la lutte anti terroriste ( ce qui représente une multiplication par quatre des effectifs anti terroristes actuels ) .D' ici septembre 2002, le Bureau devrait au total engager 900 nouveaux agents ( qui rejoignent les 7000 existants ) .Un nouveau bureau de renseignement devra centraliser toutes les informations sur la lutte contre le terrorisme .Il sera dirigé par un membre de la CIA ; et c' est là d'ailleurs une des grandes nouveautés introduites par ce plan, l' association plus étroite de la CIA dans le fonctionnement des activités anti terroristes du FBI . En effet, 25 membres de la CIA sont d'ores et déjà délégués au FBI, et d'autres doivent encore être répartis dans les bureaux les plus importants .Enfin, concernant ses missions, le Bureau a des pouvoirs plus étendus ( désormais, il peut par exemple espionner des espaces traditionnels de liberté d' expression, comme les lieux de culte, les bibliothèques et internet ) .Ainsi, l' extension de la mission anti terroriste serait en train de faire profondément évoluer le FBI : il quitterait même son rôle de police pour devenir une agence de renseignement intérieure, tout comme la CIA à ' étranger . l Ces deux initiatives institutionnelles, comme toutes celles évoquées jusqu'à présent, renforcent encore le poids de l' Etat fédéral .L' évaluation que nous venons de faire 0 des modalités de la lutte contre le terrorisme ne laisse donc que peu de place au doute .Bush Jr . risque de rejoindre son père comme un des présidents républicains qui a le plus contribué à la centralisation du pays au cours de les dernières années .Que ce soit pour le budget ou la justice, le poids du pouvoir central se renforce, et ce avec le soutien de l' écrasante majorité de l' opinion publique : les sondages font état d' un niveau de confiance élevé dans l' Etat fédéral, de l'ordre de ce qu' il était au début de les années soixante .Pendant l' administration Clinton, 20 % de les sondés déclaraient faire confiance à l' Etat fédéral ; immédiatement après les attentats, le taux a bondi à 66 % .il a un peu baissé depuis, il reste néanmoins très élevé, ce qui facilite grandement les mesures centralisatrices de l' équipe Bush .
Ces différents éléments plaident tous pour la même conclusion : le renforcement de l' autorité fédérale .Historiquement, pour faire face à des crises - économiques ou militaires - l ' pour faire face à des crises - économiques ou militaires - l' Etat fédéral a toujours été le principal moteur de l' action .Il a étendu, non seulement sa taille - telle que mesurée par exemple en nombre de fonctionnaires - mais aussi son champ de compétences .Les évolutions du New Deal ou de la Seconde Guerre Mondiale furent, de ce point de vue, exemplaires .Il semblerait en aller de même actuellement .
Or le puissant mouvement de centralisation auquel nous assistons depuis le 11 septembre ne contribue que très modestement à une extension des compétences dévolues à l' Etat fédéral .Les mesures de soutien économique annoncées à l' automne prennent principalement la forme d' exemptions fiscales et non pas de transfert monétaire .De même, les autorités " gouvernementales " ont, jusqu'à présent, refusé d' attribuer aux centrales nucléaires la même protection fédérale que celle dont bénéficient dorénavant les aéroports .D'autres exemples sont disponibles .Ainsi, malgré des sondages indiquant une ouverture de l' opinion publique sur ce point, les pouvoirs publics fédéraux se refusent toujours à établir une carte d' identité nationale .Seul le cas de la sécurité aérienne est clairement une extension - à la fois en termes de compétence et de fonctionnaires - du pouvoir fédéral .
Comment rendre compte de cette relative modestie ? Pour nous, la guerre contre le terrorisme a une spécificité en politique interne .Contrairement à une guerre " traditionnelle ", entre Etats souverains, elle contribue tout autant au renforcement des autorités fédérées que des autorités fédérales .Pendant la Seconde Guerre Mondiale, la gestion du conflit a été du ressort de l' Etat fédéral, au détriment de les Etats fédérés .Rien de tel dans le cas présent . Le jeu des relations entre niveaux de gouvernement est à somme positive : autrement dit, la lutte contre le terrorisme renforce - un peu - l' Etat fédéral, certes, mais aussi les Etats fédérés .Au moment de l' envoi des lettres porteuses du bacille du charbon, une douzaine d' Etats fédérés ont créé leur propre structure de défense civile, alors que Tommy Thompson, Secrétaire d' Etat à la Santé, ne semblait pas vraiment en position de mener une campagne d' envergure pour prévenir la panique naissante .
Les experts s' entendent pour souligner que l' actuelle lutte anti terroriste renforce l' Etat fédéral avant tout dans ses fonctions légitimes, à savoir protéger les citoyens, et assurer leur défense .En fait, plutôt que un renforcement unilatéral de l' Etat fédéral, on assisterait aussi à une participation accrue des Etats, des collectivités locales, voire du secteur privé ( dans la mesure où les usagers devront certainement payer pour des améliorations de leur sécurité quotidienne . Dans un territoire aussi vaste que celui des Etats-Unis, le nombre de cibles potentielles est difficilement gérable par une seule autorité . Dans ces conditions, la sécurité du territoire est forcément une activité décentralisée ; les fonctions sont dispersées entre les niveaux de gouvernement et ne peuvent pas être rassemblées sous une seule autorité : selon l' Office of Management and Budget, près de 70 agences - nationales ou locales - ont un poste budgétaire consacré à la lutte contre le terrorisme, et ceci ne tient pas compte des services des Départements d' Etat et de la Défense, ni des services secrets .De ce fait, une grande partie du succès de la lutte anti terroriste est due aux autorités locales .
L' Etat fédéral, lui , se concentre dans des domaines qui ont toujours été les siens : l' amélioration des services de sécurité, la protection des frontières et la lutte contre toute puissance extérieure qui soutiendrait d' une façon ou d' une autre les organisations terroristes .La récente réorganisation annoncée du FBI va dans ce sens .Dorénavant, le Bureau ne devrait plus se pencher autant sur les attaques à main armée dans n' importe quelle banque du pays, mais concentrer ses énergies sur une lutte nationale contre le terrorisme .Les autorités locales sont donc placées en première ligne, et ressentent d'ailleurs le coût des nouvelles attentes à leur endroit .En effet, une des conséquences des attentats du 11 septembre a été une forte réduction des services offerts par les Etats, les villes et les comtés, à tel point que certains Etats envisageraient maintenant de supprimer toute aide aux villes, renforçant par là -même le coût de la sécurité pour les gouvernements non étatiques .Le transfert des ressources fédérées vers le poste de la protection anti terroriste a donc été massif .Un article du Los Angeles Time soulignait ainsi que " Les autorités locales n' avaient pas eu une responsabilité de cette envergure en matière de défense depuis l' époque des Indiens et de la Frontière " .Ainsi, lorsque l' Etat fédéral a tenté, à l' automne, d' arrêter près de 5000 personnes pour les interroger, les polices locales ont été les premières concernées . [Cliv] Dès les attentats, ce sont bien les forces de sécuritésécuritéLa suite des événements a encore renforcé le poids des responsabilités sur les premiers secours ( first responders ), principalement du ressort des autorités locales .
Les autorités fédérales, outre leurs compétences propres , doivent en fait coordonner les différents acteurs subétatiques à l' oeuvre . [Cliv] C' est là le rôle essentiel du tout nouveau Secrétariat à la Protection du Territoire .Le thème est loin de être neuf : le trafic de drogue ou le crime international avaient déjà suscité ce genre de débat .Les échanges d' agents entre la CIA et le FBI ont été pratiqués depuis des années .Mais la lutte contre le terrorisme devrait entraîner une coordination à un niveau supérieur, par exemple celui des Secrétariats d' Etat .En ce sens, la création du nouveau ministère en juin dernier est une étape essentielle .Elle est complétée par la création, en avril 2002, d' un Commandement militaire spécifique et national ( Northern Command ) par Donald Rumsfeld .Ce nouvel outil est chargé des réactions d'urgence en cas de attaque terroriste, et peut mobiliser à la fois les moyens terrestres, navals, et aériens des forces armées nationales .Il peut aussi, bien entendu, assister les autorités locales le cas échéant .
Ces deux nouvelles structures ne sont pas assimilables à une tentative de centralisation imposée aux autorités subnationales .au contraire, elles reposent toutes deux sur une pleine et entière reconnaissance des compétences des Etats et des gouvernements locaux .Les rapports entre les nouvelles institutions nationales et les autres niveaux de gouvernement se déroulent donc sous le signe de la collaboration intergouvernementale .
Sur la scène politique américaine, la guerre contre le terrorisme ne remet pas fondamentalement en cause les équilibres fédéraux .L' activisme des pouvoirs publics - et aussi de le privé - est certain, mais ne s' effectue pas au détriment de les autorités étatiques et locales .Les problèmes potentiels résident en fait dans le fonctionnement de cette collaboration : le débat en cours autour de la formation du Département de la Sécurité du Territoire en est la meilleure illustration .Un certain nombre d' experts soulignent que ce futur ministère est chargé de trop de fonctions et devrait en fait se concentrer sur des objectifs plus précis .L' inclusion de la Federal Emergency Management Agency ( FEMA ) , par exemple , dans les compétences de ce nouveau Secrétariat obligerait ce dernier à intervenir dans des situations bien éloignées du terrorisme, comme les feux de forêts ou les inondations .
Néanmoins, au-delà de ces dispositions techniques, l' évolution en cours reste tout simplement dans le droit fil d' un fédéralisme dit " politique ", fait de collaboration entre les niveaux de gouvernement, et que la Cour Suprême avait reconnu comme le fonctionnement régulier des institutions dans l' arrêt Garcia ( 1985 ) .Si les mesures actuelles de l' équipe Bush sont certainement en porte-à-faux par rapport à la jurisprudence plus récente de la Cour, elles sont par contre en plein accord avec la pratique politique des républicains au pouvoir .L' équipe Bush Jr, comme les précédentes , n' hésite pas à utiliser les potentialités de l' administration fédérale lorsque cela est rendu nécessaire par les circonstances .Ni Reagan, ni Bush Sr, ni Gingrich n' ont fait exception à cette règle .Bush Jr renoue, sans hésiter, avec cette pratique .
AUTEUR : LAURENCE NARDON
Ce nouveau rapport du Centre français sur les Etats-Unis fait suite à le policy paper sur " Le Contrôle de l' imagerie satellitaire, un dilemme américain ", publié en septembre 2001, puis mis à jour dans une version en anglais en mars 2002 .
L' objectif initial du présent rapport était de présenter les résultats d' une étude menée par le National Security Council ( NSC ) sur le contrôle de la diffusion de l' imagerie commerciale par le gouvernement américain .Lancée au printemps 2001, cette étude devait s' achever en début de année 2002 .
Malheureusement, certaines difficultés structurelles et conjoncturelles sont apparues et cette étude officielle n' a pas encore vu le jour .Le groupe de réflexion chargé de l ' étude était une sous-commission particulière du Policy Coordinating Committee sur l' espace ( PCC-space ) créé par le NSC . Dans les faits, les efforts du NSC en matière spatiale n' ont pas été suffisants .L' autorité au sein des sous-groupes n' était pas clairement attribuée au NSC . Ed Bolton, Director for Space au NSC sous l' autorité de Frank Miller, n' était pas de rang suffisant pour imposer des compromis aux différentes agences réunies dans le PCC-Space .Surtout, les événements du 11 septembre ont axé les priorités du gouvernement sur l' action et non sur la réflexion .
La campagne d' Afghanistan a entraîné des innovations importantes dans les mécanismes de contrôle de la diffusion de l' imagerie .Mais aucune réflexion d' ensemble n' est intervenue et la situation est pour l' instant confuse .des changements de personnel à la Maison Blanche vont entraîner un recadrage dans les mois qui viennent .
A l' automne 2001, seule la compagnie Space Imaging proposait des images à haute résolution sur le marché commercial .Opérationnel depuis fin 1999, son satellite Ikonos produit des images à un mètre de résolution en mode panchromatique et à 4 mètres de résolution en mode multispectral .
Au moment de entamer l' opération Enduring Freedom en Afghanistan, l' administration Bush a voulu s' assurer que ces images ne pouvaient tomber entre des mains hostiles, susceptibles d' en faire un usage militaire .A ce niveau de détail, les images pouvaient montrer par exemple la mise en place de bases au sol américaines sur le territoire afghan, le déplacement des troupes américaines sur le terrain, le degré de visibilité des infrastructures Talibanes, etc ...Quoique moins facilement avouable car touchant à la censure, il était aussi important pour l' administration de contrôler l' usage de l' imagerie par les médias . Fin septembre 2001, Space Imaging était déjà en pourparler avec CNN pour vendre à la chaîne d' information télévisée des images des opérations .Le gouvernement ne pouvait courir le risque de voir sa politique commentée ou contestée avec des images, dont la charge émotionnelle est souvent importante .
Depuis l' adoption de la directive PPD - 23 en 1994, l' administration disposait d' un mécanisme pour interdire la diffusion d' imagerie commerciale par les entreprises privées, en cas de crise .Selon la directive, " le secrétaire au commerce peut décider de limiter les opérations d' un satellite commercial, soit lorsque le secrétaire à la défense estime que la sécurité nationale est en jeu, soit lorsque le secrétaire d' Etat estime que des obligations internationales et / ou des politiques étrangères pourraient être compromises " .
L' opérateur du satellite doit alors limiter la prise de vue au-dessus de le territoire concerné ou restreindre la distribution des images .Qui plus est, les communications entre le satellite et ses stations de réception doivent rester accessibles au gouvernement .
Cette procédure dite de shutter control faisait l' objet de critiques de la part de les médias .Notamment, la formulation des conditions dans lesquelles le shutter control pouvait être déclenché était beaucoup trop floue . [Il..._SN] Selon la jurisprudence relative au Premier amendement à la Constitution, qui garantit la liberté de la presse, il faut " un danger clair et présent " ou " une menace sérieuse et imminente pour la sécurité nationale " pour justifier une quelconque censure .Depuis 1994, des associations de journalistes avaient signalé leur intention d' intenter un procès au gouvernement dès la première utilisation du shutter control, pour en obtenir la reformulation .
Les producteurs d' imagerie spatiale déploraient aussi le choix du mécanisme de shutter control .En cas de application, les entreprises étrangères resteraient libres de vendre leurs images des zones en crise et opéreraient sur un marché d' où la concurrence américaine aurait disparu .
Pour éviter toute complication, le gouvernement a donc adopté une autre solution pour empêcher la diffusion de l' imagerie commerciale .Un accord commercial a été conclu entre la compagnie Space Imaging et l' agence de renseignement responsable de l' imagerie ( la National Imagery and Mapping Agency, NIMA ), accordant à cette dernière une exclusivité sur les images prises de l' Afghanistan .
Rendu public le 18 octobre, l' accord a été signé le 5 octobre pour une durée de un mois .Pour 1,9 millions de dollars, Space Imaging s' engage à ne plus vendre d' images de ' Afghanistan et de la région ( Pakistan, Ouzbékistan ) à d'autres clients que la NIMA . Chaque kilomètre carré imagé est facturé 20 dollars et les commandes ne peuvent porter sur moins de 10.000 km à la fois .L' accord a été renouvelé le 5 novembre pour un second mois .
Après le 5 décembre, l' accord n' a pas été renouvelé .La NIMA, redevenue un client comme les autres , a poursuivi ses commandes sans clause d' exclusivité .
Pour le gouvernement, l' accord de buy-to-deny présentait un certain nombre d' avantages par rapport à le shutter control .Tout d'abord, l' entreprise d' imagerie concernée ne pouvait plus se plaindre d' un manque à gagner, comme dans le cas de un shutter control interdisant la production .au contraire, elle a obtenu en deux mois une somme que l' on peut estimer à 13.2 millions de dollars .
L' association Reporter Sans Frontières et l' association américaine Radio-Television News Directors Association ( RTNDA ) sont plaintes pour leur part de la mesure adoptée .Dans des lettres adressées à Donald Rumsfeld, et aux responsables de la NIMA, elles ont comparé le buy-to-deny à de la censure .Elles n' ont toutefois pas intenté de procès, probablement parce que leurs chances de l' emporter étaient très minces dans le contexte de l' opération Enduring Freedom .
D' un point de vue pratique, l' accord de buy-to-deny était aussi plus facile à mettre en place que le shutter control .Ce dernier implique au moins deux secrétaires : le Secrétaire au commerce prend la décision sur la demande du Secrétaire à la défense ou du Secrétaire d' Etat . [Cliv_SN] C' est une décision politique qui implique la responsabilité du gouvernement .La décision du buy-to-deny est en revanche une décision commerciale et les négociations ont été discrètement menées par la NIMA .
Enfin, le gouvernement a souligné la grande utilité des images Ikonos pour les forces armées et les agences de renseignement américaines .Celles -ci peuvent les utiliser pour établir la cartographie du territoire, dans le cadre de missions opérationnelles, ainsi que pour communiquer plus facilement avec les forces alliées .Les images commerciales ne sont pas classifiées et peuvent être utilisées sans problème lors de briefings interalliés .
Ce que la presse a rapidement appelé l' accord de buy-to-deny ( " acheter pour empêcher l' utilisation " ), la NIMA l' appelle pour sa part l' accord de assured access, c' est-à-dire " d' accès assuré " .
L' accord initial semblait inclure une clause d' exclusivité à perpétuité sur les images achetées . [Il..._SN] Il semble néanmoins que les imagesimageClients et chercheurs peuvent désormais consulter la liste des images commandées par la NIMA à l' automne dernier .Steven Livingstone , professeur à la School of Media and Public Affairs de l' Université George Washington a analysé les images commandées par la NIMA pendant les deux mois couverts par l' accord .
Du 5 octobre au 5 décembre, un total de 470 000 km carrés d' imagerie a été acheté par la NIMA . Il s' avère que les images de l' Afghanistan achetées par la NIMA correspondent bien aux zones de front sur le territoire .Semaine après semaine, elles suivent les mêmes évolutions géographiques que les opérations armées .
[Il..._SN] Selon les conclusions de l' étude, il est possible que la NIMA ait utilisé les images IkonosimageL' administration ne disposait pas de cartes de tout le territoire afghan et il fallait rapidement pallier ce manque .La situation était la même en 1990, lors de les préparatifs de l' opération Desert Storm .Le Pentagone avait alors acheté des images Spot pour établir des cartes du sud de ' Irak .La NIMA a accompli cette mission en interne .Lors de sa création en 1996, elle a l accueilli les quelques 7000 employés de la Defense Mapping Agency ( DMA ) et l'une de ses missions est la cartographie .
Mais l' utilisation de ces images par les forces armées pour des missions opérationnelles semble avoir été plus difficile .La presse s' est fait l' écho de difficultés dans l' exploitation effective des images et notamment dans leur transmission aux forces sur le terrain .
Conformément à l' accord conclu avec la NIMA, les images de la zone en guerre prises par le satellite Ikonos ne pouvaient être transmises à la station de réception installée par Space Imaging dans les Emirats Arabes Unis ( à Abou Dhabi ) .Elles devaient être reçues et traitées dans les installations de la compagnie sur le territoire américain .Elles étaient donc reçues dans le Colorado ( Denver ) et en Alaska ( Fairbanks ) .Elles étaient ensuite envoyées par e-mail et par courrier spécial à la base aérienne de Bolling, à Washington, DC . Elles y étaient archivées par la NIMA, sans doute après leur exploitation pour la cartographie .
Dans un premier temps, le personnel de l' Air Force désireux d' utiliser les images Space Imaging devait se rendre sur la base de Bolling, copier les images sur des CD ou des disques durs d' ordinateurs portables, puis envoyer ces données par avion en Arabie Saoudite, où elles étaient réceptionnées sur la base de l' U.S . Air Force Prince Sultan .Elles pouvaient alors être distribuées aux soldats de l' Air Force dans une quinzaine de sites du théâtre d' opération .
Les livraisons de Bolling vers la base Prince Sultan étaient effectuées une fois par semaine au début de le conflit . [Cliv_SP] C' est à ce moment -là qu' elles ont acquis le surnom de Pony Express, du nom des courriers reçus par les pionniers du far West, au XIXème siècle .Elles ont ensuite été envoyées plus facilement par satellite, notamment grâce à le Global Broadcast Service .
[Il..._SN] Il semble probable que la NIMA a eu des difficultés à distribuer ce type de renseignement . [Present] Il n' y avait pas de procédure en place pour organiser la distribution ; les agents, qui manquent encore d'habitude face à ces produits différents, entretiennent une certaine méfiance envers une source d' approvisionnement qu' ils ne contrôlent pas totalement .
Au-delà de ces difficultés, certains responsables de l' Air Force et de Space Imaging ont évoqué à mots couverts la mauvaise volonté de la NIMA . L' agence de renseignement est avant tout soucieuse de maintenir des programmes d' observation " nationaux " importants dans les décennies à venir .Or, plus les besoins servis par les entreprises commerciales seront importants, plus les futurs programmes de satellites du NRO pourront être réduits .La NIMA a donc intérêt à restreindre l' accès des forces armées à ' imagerie commerciale, afin que elles ne prennent pas l' habitude d' utiliser ces nouveaux l produits .Elle veut éviter que les crédits destinés à l' acquisition de systèmes militaires soient consacrés à l'achat de produits commerciaux .
Le rapport Rumsfeld de janvier 2001 évalue à 50 % les besoins en renseignement de la NIMA qui pourraient être couverts par de l' imagerie à 50 cm de résolution .Le satellite QuickBird de l' entreprise DigitalGlobe , opérationnel à le printemps 2002 , annonce une résolution de 61 cm en mode panchromatique .La firme Space Imaging a reçu en décembre 2000 une licence pour construire son prochain satellite avec une résolution de 50 cm .L' offre croissante d' imagerie à haute résolution forcera sans doute la NIMA à s' adapter .
Au-delà de la communauté du renseignement et des forces armées américaines, les agences fédérales civiles font également usage d' imagerie spatiale pour mener à bien leur mission .Dans le cadre de une étude réalisée en 2001 pour le Sénat, le Congressional Research Service a tenté d' évaluer l' ampleur de leur recours à l' imagerie .
Sur un total de 19 agences ou ministères interrogés, quinze de données issues de l' observation de la Terre , avec un usage très important pour onze d' entre elles . quinze font usage de données issues de l' observation de la Terre, avec un usage très important pour onze d' entre elles . [SujetInv] Parmi les sources d' approvisionnement citées figurent les systèmes gouvernementaux civils ( Nasa, NOAA, USGS ), les systèmes commerciaux américains ( Space Imaging, OrbView ), et les systèmes étrangers institutionnels et commerciaux ( Spot, IRS, ERS, Radarsat ) .Les systèmes militaires américains sont plus rarement utilisés, pour des raisons de classification .Les agences fédérales civiles sont des utilisatrices potentiellement importantes de l' imagerie commerciale .
Les budgets qu' elles consacrent à l'achat d' imagerie commerciale sont difficiles à appréhender .Pour certaines agences comme USAID, ou le Département d' Etat, les budgets n' ont pu être reconstitués, car les fonds sont éparpillés entre les différents utilisateurs et les types de dépense ( software, personnel, images ) .D'autres agences, comme le Département de l' énergie , ont un accès gratuit aux images de la Nasa et de la NOAA . Ces deux dernières agences présentent à l' inverse des budgets surdimensionnés, qui recouvrent la maintenance des systèmes de données, des infrastructures et des stations-sol et certaines missions opérationnelles .
Certains autres budgets semblent plus prometteurs : le Département de l' agriculture, par exemple, a dépensé 38.3 millions en imagerie en 2000 et le Département des transports ( incluant les Coast Guard ) en a acheté pour 8 millions en 2001 .Mais d'autres chiffres sont trompeurs .Au sein du Département de la justice, l' Immigration and Naturalisation Service ( INS ) a acquis pour 35 millions de dollars d' imagerie en 2001 et a requis 55 millions pour 2002, mais il semble que ces sommes soient consacrées à l'achat d' imagerie aérienne ( voir détail page suivante ) .
Le total des budgets consacrés par les agences civiles à l'achat d' imagerie spatiale commerciale semble donc peu élevé pour l' instant .Le rapport du Sénat mentionne quelques moyens d' augmenter le recours à ce type de produit dans l' avenir .Il recommande par exemple la mise en place de centres de commande d' imagerie uniques au sein de chaque l' administration, afin de obtenir des prix et des services meilleurs de la part de les fournisseurs ; des investissements communs dans le software et dans la formation à l' interprétation des images ; la possibilité d' acquérir une licence d' exploitation des images valable pour l' administration entière, afin que les agences fédérales puissent se communiquer les images entre elles .
Plus l' usage de l' imagerie commerciale se répandra dans l' administration, plus il sera difficile pour la NIMA et le NRO de justifier la non utilisation de ces données .
L' accord d' octobre 2001 est une innovation judicieuse . [Il...] Il n' est pas sûr qu' il pourra être renouvelé dans le futur .Le nombre de fournisseurs américains et étrangers d' imagerie doit s' accroître dans les prochaines années .La NIMA ne peut adopter comme mécanisme de sécurité l' achat toutes les images dangereuses .
Pendant la campagne d' Afghanistan, seul le satellite Ikonos 2 produisait des images à haute résolution, avec des images optiques à 1 mètre et des images multispectrales à 4 mètres .Lors de une prochaine crise internationale, la NIMA pourrait avoir à acheter la production du satellite QuickBird 2 de DigitalGlobe, ( opérationnel au printemps 2002, résolutions de 61 cm en mode panchromatique et 2,44 mètres en mode multispectral ), du satellite OrbView 3 d' Orbimage ( lancement prévu en 2003, résolutions de un mètre en mode panchromatique et 4 mètres en mode multispectral ) et d' Ikonos 3 ( lancement prévu en 2004, 50 cm de résolution en mode panchromatique ) .L' achat de toutes les images produites serait sans doute coûteux et aléatoire .
[Il...] Quant à les entreprises étrangères, quel que soient leur nombre et la résolution de leurs images, il est peu probable qu' elles acceptent les propositions d' achat exclusif d' une agence de renseignement américaine comme la NIMA .
Le buy-to-deny a été une solution de court terme . [Il..._SP] De l' aveu des responsables de ' actuelle administration, il n' est pas non plus pensable de revenir au shutter control .L' administration doit donc maintenant s' attacher à trouver un nouveau mécanisme de contrôle .
Les premiers mois de l' administration Bush ont vu un désengagement de la Maison Blanche sur les questions spatiales, attribuées au Pentagone .Le National Security Council ( NSC ) a nommé une seule personne en charge de ces questions .Edward Bolton , lieutenant-général de l' armée de l' Air , résumait sa mission en soulignant que l' espace n' était pas la priorité du gouvernement Bush, que ce soit avant ou après le 11 septembre .Les groupes de travail dépendants de le PCC-Space n' ont pas été très dynamiques .Certains n' ont pas été réunis une seule fois .
En avril 2002, Gil Klinger a remplacé Ed Bolton au poste de Director for Space .Gil Klinger est un responsable de niveau plus élevé .Il a été Deputy Under Secretary of Defense for Space lors de la création de cette fonction en 1994 .Ce poste a été supprimé en 1998 et remplacé par un Assistant Secretary of Defense for Space ( qui chapeaute un " Directorat pour l' espace " ) .Gil Klinger a alors été nommé Director for Policy au National Reconnaissance Office, poste qu' il a conservé jusqu' en 2002 .
Gil Klinger est doté d' une forte personnalité .Il a été appelé à la Maison Blanche par le Senior Director for Defense and Arms Control Frank Miller, pour reprendre en main le dossier espace . [SujetInv] Parmi les thèmes dont il doit s' occuper en premier figurent le contrôle de l' imagerie, mais aussi le marché des lanceurs, le contrôle des exportations et le dialogue avec les pays étrangers .
Il compte réaffirmer l' autorité de la Maison Blanche face à les autres entités administratives .L' OSTP, la NOAA , le bureau de les exportations ( BXA ) et les autres agences qui participent à les groupes de travail de le PCC-Space devront sans doute à nouveau accepter l' autorité du NSC . Sous la conduite plus énergique de Gil Klinger, les groupes de réflexion pourront s' attaquer au problème des risques liés à la diffusion d' imagerie commerciale à haute résolution .
Autoriser la distribution de l' imagerie à un mètre de résolution sur le marché est un risque que l' administration a pris consciemment en 1994 .Les concurrents étrangers semblaient se diriger de toute manière vers la production de ce type d' imagerie et les Etats-Unis souhaitaient prendre les devants . [Il..._SN] Il faut maintenant gérer les risques associés à ' ouverture de cette " boîte de Pandore " .
Kevin O'Connell , senior analyst sur les questions d' imagerie spatiale à la Rand Corporation , a une opinion tranchée sur la question . [Il..._SP] Selon lui, il est inutile de s' acharner à contrôler la diffusion de l' imagerie commercialeimagerieTout l en précisant qu' il faut conserver les possibilités juridiques de restrictions, Kevin O'Connell propose de faire porter les efforts sur la sécurisation en aval .
La Maison Blanche rejoint Kevin O'Connell dans l' idée que le contrôle par l' administration américaine ne restera plus étanche très longtemps .Elle souhaite concentrer ses efforts sur la réponse à apporter aux situations où l' ennemi dispose d' imagerie métrique .Elle n' abandonne pas totalement l' idée du contrôle, mais le situe dans une perspective en amont plus globale .
A un stade très peu abouti de la réflexion des responsables, quelques éléments concrets sont mentionnés pour une nouvelle approche du problème .
Acceptant l' idée que l' ennemi ou la presse disposeront d' imagerie à haute résolution lors de futures opérations, le gouvernement doit mettre au point de les réponses appropriées .
Pour préparer la défense des troupes lors de opérations extérieures, le Département de la Défense devra organiser des exercices militaires spécifiques .des scénarios dans lesquels l' ennemi disposera , lui aussi , d' imagerie à un mètre de résolution , montreront à quels dangers supplémentaires les troupes sont exposées et quelles solutions peuvent être apportées .
L' idée de prendre de vitesse les forces ennemies dans l' obtention et l' exploitation de l' imagerie figurera sans aucun doute dans les enseignements tirés de ces exercices .L' imagerie doit parvenir plus vite aux forces américaines qu' aux forces ennemies .Elle doit aussi être mieux interprétée . [Il..._SN] Lors de une opération de type Enduring Freedom, il faudrait par exemple que le satellite IkonossatelliteLe délai total ne devrait pas excéder 24 heures .
[Il..._SN] Il est probable que les forces ennemies ne pourraient obtenir l' imagerie aussi rapidement et ne sauraient pas l' exploiter aussi bien .La diffusion d' imagerie auprès de elles serait moins dangereuse dans ces conditions .
L' Office of Homeland Security, à la Maison Blanche doit coordonner la réflexion en ce qui concerne la sécurité intérieure .La préparation consistera à voir quelle information opérationnelle l' imagerie métrique peut apporter pour préparer une action hostile sur le territoire américain . [Il..._SN] Il faudra par exemple recenser les cibles potentielles aux Etats-Unis : aéroports, centrales nucléaires, bases militaires, réservoirs d' eau potable ...Leur sécurisation passe par le camouflage et / ou le renforcement des structures, la révision des droits d' accès aux installations, la restriction des droits de survol et une mise en alerte des forces aériennes .
L' accès des médias à les images est un autre problème .La presse ou les ONG vérificatrices ( comme par exemple GlobalSecurity.com , dirigée par John Pike ) peuvent questionner la politique du gouvernement sur la base de images accusatrices .La prévention de ce risque très spécifique est délicate .Le gouvernement américain peut soit engager un dialogue avec les médias américains, soit exercer un droit de censure et de saisie .Mais cette seconde défense est illusoire .La transmission de l' information est devenue aujourd'hui trop rapide pour que les autorités fédérales puissent agir à temps ; l' internet et les médias étrangers restent quant à eux difficilement contrôlables .
Pour l' instant, le manque de fournisseurs d' imagerie métrique et la loyauté des médias américains fournissent un garde-fou . [Present] Mais il n' y a pas de solution claire au problème qui risque de se poser dans l' avenir .
L' administration doit étudier une nouvelle méthode de contrôle de la diffusion de l' imagerie .Celle -ci ne passera plus par l' interdiction de produire ou l' acquisition de droits d' exclusivité .Il lui faut sans doute exercer une influence très en amont sur la production .
Les entreprises survivent à l'heure actuelle grâce à les achats institutionnels .Mais ceux -ci trop limités pour permettre aux entreprises de décoller .Compte-tenu de les besoins en imagerie qui peuvent être couverts par ces entreprises et leurs systèmes , le gouvernement semble envisager d' accroître sensiblement le volume de ses achats, afin de mener ces entreprises à une sorte de prospérité .
La direction de la NIMA a mentionné une nouvelle Commercial Imagery Strategy ( dite CIS 2001 ), qui remplacerait la CIS de 1998 .Elle mettrait en place une " nouvelle alliance stratégique " fondée sur plusieurs éléments : la planification à l'avance des achats d' imagerie commerciale par la NIMA, pour permettre aux entreprises d' investir dans leurs systèmes futurs ; le transfert d' exigences de plus en plus raffinées, notamment le traitement de l' information, vers le secteur privé .Le NRO serait soulagé d' une partie de ses missions en résolution métrique et basse .
[Il..._SP] Il faut pour cela que la NIMA obtienne des fonds très importants du Congrès .L' application des CIS précédentes a montré que les parlementaires américains ne votaient toujours les budgets demandés pour l' achat d' imagerie commerciale par les agences de renseignement . [Il..._SN] Pour que la nouvelle architecture fonctionne, il faut aussi que le personnel de la NIMA accepte d' utiliser et de diffuser effectivement l' imagerie commerciale auprès de l' ensemble des forces .L' expérience de l' opération Enduring Freedom a montré que certains officiers de renseignement préfèrent conserver les financements pour leurs propres systèmes et résistent à l' évolution en cours .
A terme, l' application de la CIS 2001 signifierait que les entreprises d' imagerie commerciale américaines seraient très fortement intégrées dans l' architecture de renseignement fédérale .Il leur deviendrait difficile de désobéir aux souhaits du gouvernement en cas de crise .Le gouvernement bénéficierait d' un droit d' exclusivité implicite .
il il parvient à se mettre en place, un tel système serait l' objet de critiques : l' exclusivité gouvernementale irait à l'encontre des principes de l' ONU de 1986, selon lesquels un pays observé par un système commercial doit pouvoir acheter les images en question . [Cliv] Ce serait aussi la fin durable des efforts des entreprisesentrepriseLes entreprises américaines n' auraient plus de commercial que le nom et constitueraient en réalité un système para-public .
Le Département d' Etat aura la responsabilité d' entamer des discussions avec les pays qui possèdent des systèmes commerciaux .Selon la Maison Blanche, l' harmonisation des méthodes de contrôle semble un objectif très ambitieux à ce stade : la plupart des pays producteurs n' ont pas encore de système de contrôle particulier .
Les images vendues par les entreprises non américaines restent de résolution plus grossière et présentent pour l' instant moins de danger en termes de sécurité .Lors de la campagne d' Afghanistan, par exemple, Spot Image a reçu peu de commandes de la presse, car les images disponibles ( Spot 1, 2 et 4, résolution de 10 mètres en mode panchromatique ) n' étaient finalement pas assez parlantes pour le public .
[Cliv_SP] C' est pour cette raison que l' entreprise française se contente actuellement de respecter les décisions de l' ONU .résolutionEn accord avec ces résolutions, Spot Image garantit l' accès des pays observés aux photographies prises, dans des délais et pour un prix raisonnable .Le gouvernement français n' a pas adopté pour l' instant de mécanisme de contrôle plus strict .
Mais les satellites commerciaux non américains progressent eux aussi vers des résolutions plus fines, aux alentours de deux mètres .Le satellite israélien Eros s' approche de la résolution métrique avec une résolution de 1,8 mètres .Spot 5 , qui vient d' être lancé , présente une résolution de 2,5 mètres .Rocsat pour la Corée et Alos pour le Japon , dont les lancements sont prévus pour 2003 et 2004 respectivement , auront tous les deux une résolution proche de 2 mètres en mode panchromatique .La compagnie russe SovinformSpoutnik semble posséder actuellement un système opérationnel d' une résolution de 2 mètres .L' Inde prévoit le lancement du satellite de cartographie IRS-P5 pour 2002-2003 .L' intérêt de l' imagerie à deux mètres reste plus limitée pour des utilisateurs hostiles ou pour les médias .
Si son système de satellites à résolution métrique Pléiades est déployé dans la seconde partie de la décennie, Spot Image proposera alors des images potentiellement plus dangereuses .Les débats interministériels déjà entamés en France devront alors aboutir à l' adoption d' une politique de contrôle plus stricte .
La coordination de ces futurs mécanismes de contrôle avec ceux qui existeront à les Etats-Unis reste à inventer .Dans les situations de crise internationale post-guerre froide, la France, de même que la Russie et Israël , sont le plus souvent dans le même camp que les Etats-Unis .Un dialogue informatif et préparatoire doit être dès à présent entamé .Le Département d' Etat fera connaître ses positions et ses vulnérabilités, puis appréhendera la manière dont les administrations étrangères envisagent d' éventuels contrôles .
Une partie de ce dialogue portera sur la réforme possible des procédures de contrôle des exportations de matériel sensible américain .Les restrictions ne doivent plus être simplement fondées sur la résolution des images, mais pourraient prendre en compte les alliés destinataires des exportations et la nature des technologies considérées .
[Il..._SN] Il devrait être possible de négocier une harmonisation des attitudes des pays alliés en cas de crise .Ceci ne sera pas forcément vrai pour des pays comme la Chine ou l' Inde .Le contrôle des systèmes commerciaux étrangers doit donc aussi pouvoir reposer, en fin de compte, et selon la gravité du danger ressenti par les Etats-Unis, sur des systèmes militaires .
En conclusion, l' évolution qui se dessine semble constituer une certaine reformulation du concept d' information dominance .Ce concept élaboré dans les années 1990 a été largement adopté par le Pentagone sous l' administration Clinton .Il prévoit la maîtrise de l' information, notamment spatiale et commerciale, dans un but de domination militaire :
Information dominance may be defined as superiority in the generation, manipulation, and use of information sufficient to afford its possessors military dominance . "
Un élément important de l' information dominance est la possibilité d' entraver l' accès de l' ennemi à l' information .
au lendemain de l' opération Enduring Freedom, l' administration Bush repense son approche .Elle doit accepter la possible diffusion de l' imagerie spatiale .Les solutions explorées passent par un dialogue très en amont avec les producteurs américains et étrangers, une utilisation de l' imagerie meilleure et plus rapide que l' ennemi pendant les crises, la préparation dès à présent des ripostes à la diffusion de l' imagerie .
AUTEUR : LAURENCE NARDON
Avec l' arrivée au pouvoir de l' administration Bush, l' espace change de nature .La précédente administration avait privilégié une approche industrielle des questions spatiales .Au sein de la Maison blanche, le National Economic Council avait produit un certain nombre de directives facilitant les avancées commerciales des entreprises américaines ( observation, navigation, lanceurs ) .
L' espace de Bush est au contraire un dossier militaire .Donald Rumsfeld a des projets ambitieux en la matière, qui impliquent une réorganisation de l' Air Force, ainsi que des programmes militaires plus avancés .
Les secteurs spatiaux civils et industriels risquent de souffrir de cette évolution .La Nasa entre dans une période de remise en question . Son nouvel administrateur reçoit l' appui de la Maison Blanche pour remettre de l' ordre dans le mode de financement de ses programmes .Les industriels, pour leur part , n' obtiendront sans doute pas un assouplissement de la procédure d' exportation des satellites de télécommunication .
Les premiers mois de l' administration Bush avaient vu un désengagement de la Maison Blanche sur le dossier spatial, délégué au secrétaire à la défense .Mais cette attitude est en train de se modifier, avec un changement du personnel chargé de ces questions au sein de le NSC et de l' OSTP .
[Il..._SN] Alors que l' Europe progresse dans le domaine spatial, avec l' accroissement des compétences de l' Union ou le lancement du programme Galileo, il est particulièrement important de suivre les évolutions de la politique spatiale américaine .Celles -ci ont un impact direct sur l' effort spatial européen :
Les affaires spatiales à les Etats-Unis sont affectées par une réorganisation institutionnelle, qui trouve son origine dans les propositions d' une récente Commission parlementaire .L' actuel secrétaire à la défense Donald Rumsfeld a présidé, pendant les derniers mois de l' Administration Clinton, une commission indépendante chargée par le Congrès d' évaluer l' efficacité des structures de gestion des questions relatives à l' espace militaire ( Commission to Assess United States National Security Space Management and Organisation ) .
Le rapport final de cette Commission , publié en janvier 2001 , proposait le développement de capacités de défense active des moyens spatiaux ( armes anti satellites ), ainsi que des modifications institutionnelles assez radicales visant à donner une plus grande importance au domaine spatial .Le secrétaire à la défense s' est efforcé de mettre en oeuvre les propositions de sa Commission .
Les remaniements proposés affectaient la présidence, le Pentagone et l' Armée de l' Air .Certains ont été adoptés ou sont en cours de adoption ; d'autres ne sont pas repris .
En ce qui concerne le Département de la Défense, les grands axes du rapport Rumsfeld visant à développer l' espace militaire sont adoptés .Seules quelques modalités diffèrent de celles qui étaient précisément édictées dans le texte de janvier 2001 .
Donald Rumsfeld a obtenu la confirmation d' un certain nombre de personnes dotées d' une grande expérience des questions spatiales au plus haut niveau de son ministère ( au sein de l' Office of the Secretary of Defense - OSD ), de l' état-major interarmées et de l' Air Force .Cela confirme son intention de renforcer l' importance de l' espace dans les affaires militaires .
Compte tenu de la présence de nombreux spaceniks ( " fous de l' espace " ) dans ces postes hauts placés, l'une des recommandations du rapport Rumsfeld est devenue inutile : le poste d' Assistant Secretary for C3, devait être transformé en Under Secretary for Space Intelligence and Information .Un Under Secretary est hiérarchiquement supérieur à un Assistant Secretary .Ce nouvel Under Secretary aurait disposé de plus de moyens, de personnel et d' autorité pour traiter des questions de sa compétence . [Il..._SN] Dans la situation actuelle, il a semblé inutile de bouleverser l' organigramme, puisque Pete Aldridge ou Steve Cambone suivent de très près ces questions .
Un intérêt plus affirmé pour les questions spatiales au sein de le Département de la Défense pourrait avoir un impact sur celles -ci, au-delà de leurs aspects militaires .Le Pentagone a un avis à rendre sur les relations commerciales des Etats-Unis lorsqu' elles portent sur des matériels militaires ou à usage dual .Depuis le milieu des années 1990, les responsables militaires se déclarent dans l' ensemble favorables à un assouplissement des contrôles d' exportations .Ils pourraient soutenir plus activement les demandes de licences d' exportation de matériel spatial déposées par les industriels auprès de le Département du Commerce ou du Département d' Etat .
L' armée de l' Air revendique depuis les années soixante un rôle prépondérant en matière spatiale .Elle juge que la contiguïté de l' espace aérien et de l' espace extra-atmosphérique fait naturellement des programmes spatiaux - et des importants budgets qui y sont attachés -, une de ses prérogatives .L' armée de terre et la Navy ont évidemment des vues opposées .Or, les propositions que Donald Rumsfeld veut voir appliquées donneront un avantage définitif à l' Air Force .
Le secrétaire à la défense a annoncé des changements à l' automne 2001 .Dans un mémorandum adressé aux responsables du Département et des services armés, ainsi que au directeur de la CIA, il annonce une nouvelle répartition des rôles en matière spatiale parmi les différentes armes .Pete Aldridge ( Under Secretary for Acquisition ) et David Chu ( Under Secretary for Personnel and Readiness ) doivent mettre en route cette réorganisation, qui reprend les grandes lignes du rapport de la commission Rumsfeld .
L' Air Force doit devenir l' agent exécutif pour l' espace au sein de le Département de la Défense .James Roche , le secrétaire de l' Air Force , sera responsable de la planification, de la programmation et de l' acquisition des systèmes spatiaux militaires .L' Under Secretary of the Air Force Peter Teets devient responsable des acquisitions spatiales de l' Air Force et autorité de référence pour les acquisitions spatiales de tout le Pentagone .Sa fonction est jointe à celle de directeur du National Reconnaissance Office ( NRO ) .Le NRO acquiert et opère les satellites d' observation militaires .Les demandes programmatiques du NRO seront donc relayées au plus haut niveau de l' Air Force par l' Under Secretary Peter Teets .
Cette évolution va sûrement faire naître des controverses, car elle fait apparaître une deuxième voie pour l' acquisition des matériels .L' Under Secretary for Acquisition Aldridge sera responsable des grands programmes du Département ( navires, avions, nucléaire, ... ), mais tous les programmes de satellites ou de lanceur seront du ressort du secrétaire de l' Air Force .L' Air Force pourra faire approuver par son secrétaire ses propres requêtes programmatiques spatiales . [On...] On peut se demander si ce systèmesystème
Par ailleurs, la nomination d' un général de niveau quatre étoiles à la tête de le U.S. Air Force Space Command est adoptée .Ce général ne sera plus chargé en même temps de la direction du NORAD et du U.S. Space Command .Cette décision suit les recommandations du précédent titulaire de ce poste, le général Eberhart, qui avait déclaré avoir du mal à assurer les trois fonctions en même temps .
Le général Lord est à ce poste en avril 2002 .Ce général de niveau 4 étoiles a eu la responsabilité du pas de tir militaire de Vandenberg ( Californie ) de 1993 à 1995, mais son expérience des questions spatiales reste à part cela limitée . [Present] Il n' y a pas longtemps que l' Air ForceairCes " space cadets " n' ont pas encore atteint le rang de général à 3 ou 4 étoiles . [Il..._SN] Il a donc été difficile de trouver un général de niveau 4 étoiles pour remplir le poste de U.S. Air Force Commander .
L' Air Force est satisfaite de ces évolutions, qui consacrent sa prééminence en matière spatiale .Mais elle se trouve désormais dans une position délicate .Elle s' oppose bien sûr à toute évolution vers la création d' un corps spatial autonome .La formation d' une cinquième arme dédiée à l' espace affaiblirait considérablement l' Air Force .Elle devra donner aux programmes spatiaux militaires toute la place que Rumsfeld souhaite leur voir prendre, sans toutefois qu' ils acquièrent une importance telle que l' idée d' un space corps indépendant s' impose .
Le secrétaire à l' Air Force James Roche a fait carrière dans la Navy avant de devenir staffer au Sénat ( au Armed Services Committee ), puis de travailler chez Northrop Grumman .Le poste de secrétaire d' une arme est un poste civil . [Il..._SN] Il n' est pas rare qu' un civil ou un militaire d' une autre arme y soit nommé .Il reste à voir comment cet ancien marin appliquera les directives de Donald Rumsfeld au profit de l' Air Force .
Le rapport Rumsfeld proposait que la Maison Blanche donne une plus grande priorité aux questions spatiales .Cette direction n' a pas été adoptée au départ, mais la situation évolue au printemps 2002 .
La commission Rumsfeld proposait que l' espace soit élevé au rang de " priorité nationale " par le président .Ceci n' a pas été fait .
De même, le projet de création d' un Presidential Space Advisory Group n' est pas repris .Ce groupe de conseillers de très haut vol aurait compté des membres de la communauté scientifique civile, des chefs d' entreprises aéronautiques et spatiales, et des conseillers militaires .Il se serait réuni à la demande du président pour se prononcer sur les politiques spatiales aussi bien civiles que militaires, commerciales que scientifiques .Ce groupe n' aurait pas fait partie du gouvernement, à proprement parler .En cela, il différait du National Space Council, qui a existé de 1958 à 1973, puis de 1988 à 1993 .Ce conseil, qui était placé à le même niveau de l' exécutif , avait une existence plus formelle et un large pouvoir de décision .
Le président a jugé que ces évolutions n' étaient pas indispensables .Les questions spatiales, qu' elles soient civiles , militaires ou économiques , ne sont pas une priorité au plus haut niveau de l' exécutif .
Selon les conclusions de la Commission Rumsfeld, une cellule spatiale plus importante devait être rassemblée au sein de le National Security Council .Mais l' ancien système, dans lequel une seule personne , placée sous l' autorité de le Senior Director for Defense Policy and Arms Control , s' occupe de l' espace au sein de le NSC , a prévalu .
des groupes de travail interministériels , dits Policy Coordinating Committees ( PCC ) , sont organisés sous l'égide de le NSC . Un PCC sur l' espace a commencé à se réunir au printemps 2001 .Il a initié une cellule de réflexion sur le contrôle de l' imagerie spatiale commerciale par le gouvernement, une deuxième sur la question de l' attribution des fréquences radio, et une troisième sur l' avenir du transport spatial .
Mais ces groupes semblent pour l' instant peu actifs .L' autorité au sein de chaque cellule de réflexion a été déléguée à des agences extérieures : Nasa, NIMA, etc .Ceci n' est pas très efficace lorsqu' il s' agit d' amener des agences gouvernementales aux intérêts structurellement contradictoires à atteindre un compromis .Selon Jefferson Hofgard ( Boeing ), attribuer systématiquement l' autorité à le NSC est le seul moyen de forcer l' ensemble des participants à se mettre d' accord .
[Il..._SP] Il semble que au printemps 2002, la décision de modifier la situation ait été prise .Le Director for Space , Ed Bolton , peu dynamique et de rang modeste ( lieutenant colonel ) vient d' être remplacé par Gill Klinger .Ce dernier, déjà en poste à le Pentagone sous Clinton , est plus senior .Il est connu pour sa force de caractère et tiendra sans doute à reprendre l' autorité sur les sous-groups du PCC-espace .
[On..._SN] Pour les autres cellules de la Maison Blanche, on note les évolutions suivantes :
Comme pour le NSC, la pratique de la nouvelle administration a été jusqu'à présent de ne pas faire présider par l' OSTP les groupes de réflexion auxquels il participe . [Il..._SN] Il est possible que le départ de Scott Pace ait à voir avec ce mode de fonctionnement peu efficace .
Dans le cadre de la réorganisation de ses services, Donald Rumsfeld a également lancé des réformes favorables à une meilleure gestion des programmes spatiaux militaires .
Certains chiffres apparaissent dans le projet de budget pour 2003, présenté par la Maison Blanche le 4 février 2002 .Ils vont être discutés et modifiés par le Congrès avant d' être votés en fin d' année .Les chiffres présentés ici ne sont donc pas définitifs .
Le programme de défense anti missile ( MD ) reçoit 7.5 milliards de dollars dans le projet de budget pour 2003 . [Present] Il s' agit là du montant destiné à la composante sol de l' architecture MD ( stations radar et systèmes de missiles au sol, comme par exemple les installations en Alaska ) et à sa composante espace SBIRS-Low .Le système SBIRS-Low sera formé d' une constellation de missiles en orbite basse, chargée de faire du suivi au sol d' objets froids ( cold objects tracking ), de l' intelligence électronique, et du renseignement situationnel lors de les conflits ( battle space awareness ) .Ces deux parties de l' architecture anti missile sont gérées par la nouvelle Missile Defense Agency ( MDA ), qui remplace l' ancienne BMDO .
La troisième partie du système de MD est le programme SBIRS-High, qui verra le déploiement de satellites géostationnaires chargés de l' alerte avancée .Cette partie du programme, qui remplacera le système actuel DSP, est gérée par l' Air Force et non par la MDA . Elle reçoit 815 millions de dollars dans le budget 2003 et son coût total est évalué à 4.5 milliards de dollars .
[Il..._SN] En ce qui concerne les programmes spatiaux hors MD, il est difficile de faire le point des financements proposés à l'heure actuelle, car les lignes budgétaires restent éparpillées et le plus souvent non identifiables dans le projet de budget de la Maison Blanche .Par exemple, les termes " special projects " ou " Technology development " , dans le budget de l' Air Force , peuvent désigner un programme de brouillage des télécommunications .Le regroupement des budgets prévu par le nouveau secrétaire à la défense apportera une amélioration de cet état de fait, mais il n' est pas sûr que les données seront déclassifiées .Les débats dans les Commissions des forces armées de le Sénat et de la Chambre feront sans doute apparaître des précisions en cours de année .
[On..._SN] On cite le chiffre de 1 milliard de dollars supplémentaire pour les programmes spatiaux, demandé cette année par rapport à le projet 2002, ce qui amènerait le montant total à 8 milliards de dollars .Ce montant inclut l' ensemble des programmes spatiaux non classifiés, dont 920 millions pour ' Advanced Extremely-High Frequency Satellite l Communication System, et le système SBIRS, dans ses composantes High et Low .
Il inclut également les programmes plus innovants de R & D sur la militarisation de l' espace, qui se développent selon deux axes :
Tous ces programmes sont assez anciens et semblent avoir évolué lentement à cause de les réticences du Congrès à accepter le déploiement de systèmes spatiaux offensifs .Les programmes de R & D retenus pour l' instant ne prévoient pas de systèmes offensifs déployables dans l' espace .Dans le contexte de débat sur la militarisation de l' espace auquel on assiste actuellement, cela aurait sans doute un poids politique trop lourd à assumer pour le gouvernement américain .Qui plus est, certaines des technologies développées sont sans doute suffisamment en amont pour pouvoir être déployées sur des plates-formes orbitales dans l' avenir, le cas échéant .
Lorsque les Américains et les Soviétiques ont commencé à déployer des satellites dans les années 1950 et 1960, l' application la plus précieuse était le renseignement .Les satellites d' observation apportaient une information irremplaçable sur le territoire ennemi .Pour espionner avec efficacité, les systèmes déployés devaient rester les plus discrets possibles .L' administration Kennedy fit adopter en 1960 une décision de classification totale des systèmes spatiaux militaires . [Present_SN] Depuis cette date et jusque dans les années 1980, il n' y a eu aucune communication officielle sur ce sujet aux Etats-Unis .
Dans les années récentes, alors que ces systèmes étaient mieux connus, leur signification stratégique a été obscurcie par la polémique sur les systèmes de défense antimissile .L' architecture du futur système américain prévoit une composante spatiale .Mais l' espace militaire ne se résume pas à la défense antimissile, et regroupe d'autres éléments .
A la différence de les armes nucléaires, qui sont l' objet de discussions houleuses depuis les années 1960, les systèmes spatiaux militaires sont donc restés jusqu'à présent en dehors de le débat stratégique public .Mais la publication du rapport Rumsfeld en janvier 2001 semble avoir provoqué une prise de conscience .
En 2001 et 2002, plusieurs think-tanks de Washington organisent des séminaires ou des programmes de réflexion sur la militarisation de l' espace .Le Stimson Center tient à jour une bibliothèque électronique regroupant des ouvrages sur les questions de space weaponization ; Le Space Policy Institute de l' université George Washington a reçu une bourse de la fondation MacArthur pour organiser des déjeuners sur ce thème sur une durée de deux ans ; Le Eisenhower World Affairs Institute poursuit des groupes de travail sur l' espace entamés depuis longtemps, mais désormais plus nettement axés sur les aspects militaires ; Le Council on Foreign Relations réunit pour sa part un groupe d' étude sur le même thème ; le Center
Même si le débat se limite encore trop souvent aux seuls experts et a du mal à toucher le grand public, des échanges inédits s' engagent entre partisans et adversaires des projets du Pentagone . [On...] On assiste peut-être enfin à la naissance de un débat de nature stratégique sur l' espace militaire .
Les défenseurs de l' arms control sont très réservés face à la perspective d' une extension à l' espace de nouveaux types d' armement .Celle -ci leur semble condamnable par principe, mais aussi pour des raisons juridiques .Les armes antisatellites ne sont pas spécifiquement interdites par le Traité de 1967, qui ne prohibe que le déploiement d' armes nucléaires et de destruction massive .Mais le déploiement d' asats reste contraire à l' esprit du Traité et, plus généralement, va à l'encontre des efforts de désarmement intervenus depuis quelques décennies .
D'autres chercheurs se fondent sur des arguments stratégiques pour affirmer que le déploiement d' armements dans l' espace reste contraire aux intérêts américains : les adversaires potentiels des Américains n' ont pas envie d' initier ces déploiements, mais seraient amenés à l' imiter, si les Etats-Unis font les premiers pas .
Ils estiment également que ces moyens spatiaux nouveaux créent une tentation de frappe en premier et par surprise . [SujetInv] Dans une situation ou il existerait des moyens spatiaux indispensables et des moyens de les détruire, il serait tentant de lancer une attaque-surprise, pour désarmer l' adversaire avant qu' il ne prenne l' initiative lui -même .Les possibilités de frappe préemptive sont un facteur déstabilisant pour les relations internationales et les Etats-Unis ne doivent pas s' engager dans cette voie .
Le nouvel administrateur de la Nasa a finalement été nommé en décembre 2001 .Sean O'Keefe succède à Dan Goldin, en poste depuis 1992 .Sean O'Keefe a une certaine expérience des questions militaires : il a été secrétaire de la Navy, Staff Director chargé du budget de la défense à la Commission des Appropriations du Sénat et Comptroller au Département de la Défense .Mais son expertise en matière spatiale est réduite .
Sean O'Keefe est redouté pour ses pratiques de gestionnaire rigoureux .Il quitte pour venir à la Nasa les fonctions de directeur adjoint de ' Office of Management and l Budget ( OMB ) . [On...] On peut penser qu' il voudra sans état d' âme mettre fin aux dérives budgétaires qu' a connues l' agence récemment - notamment avec un dépassement de budget de 800 millions de dollars pour la station internationale .
Il dénonce également la procédure des fonds réservés, attribuables à la discrétion de le Congrès ( les earmarks ) . [On...] On se souvient que Dan Goldin avait essayé d' en faire autant, mais sans succès : l' administrateur de la Nasa n' a pas le pouvoir d' imposer au Congrès l' abandon de cette pratique .
Cette remise en question financière pourrait s' accompagner d' une réorganisation profonde de la Nasa .Un rapport récent intitulé Strategic Ressources Review analyse de manière critique les missions des différentes bases de la Nasa et propose l' élimination de certaines d' entre elles . [On...] On imagine mal comment faire accepter de telles mesures aux parlementaires représentant les Etats concernés par cette rationalisation .
Les liens d' amitié personnels de Sean O'Keefe avec le vice président Dick Cheney constitueront un atout précieux dans les tâches délicates du nouvel administrateur . [On...] Mais on doit s' attendre à ce que la Nasa mette en route toutes ses capacités de lobbying pour échapper à ces réformes .Dan Goldin , pourtant nommé dans le but de réformer les pratiques budgétaires de la Nasa , avait fini par épouser les pratiques traditionnelles de l' agence .
L' arrivée de Sean O'Keefe à la tête de la Nasa est vue par beaucoup comme le signe de nouvelles orientations programmatiques .Si le nouvel administrateur s' avoue toujours en phase de formation au sein de l' agence , certaines de ses décisions commencent à apparaître dans le projet de budget pour 2003 .
O'Keefe a mentionné à plusieurs reprises son désir de voir l' agence retourner à sa mission première de recherche et développement .Il a repris à son compte le slogan " back to basics ", déjà entendu .Cette fois-ci, les " basics " en question sont définis comme l' exploration et la découverte, selon des priorités bien ciblées .
Il recommande pour cela des missions automatiques, plutôt que de les missions habitées risquées et coûteuses .Dans le projet de budget pour 2003, la ligne " Sciences de l' Espace " augmente de 19 %, pour atteindre 3,415 milliards de dollars .Une partie de cette augmentation est consacrée à la recherche sur l' utilisation de l' énergie nucléaire en orbite pour les missions longues et le développement de systèmes de propulsion nucléaire pour l' exploration du système solaire lointain .Cette décision est critiquée par les écologistes américains, qui craignent les conséquences pour la population mondiale d' éventuels accidents lors de les lancements ou des réentrées des véhicules concernés .
Par ailleurs, l' exploration de l' Univers devrait être réorganisée au sein de un programme nommé " New Frontiers " .Il devrait succéder aux programmes Pluto-Kuiper et Europa Orbiter qui semblent annulés en tant que tels .Mais le Congrès pourrait à nouveau refuser l' annulation de ces deux programmes de sonde vers Pluton et Europe .En 2001, la sénatrice démocrate du Maryland Barbara Mikulski avait fait réintégrer le programme Pluto-Kuiper dans le budget de la Nasa pour 2002 .
En revanche, le budget Sciences de la Terre stagne, à 1625 millions de dollars .Si l' on considère que 60 millions de ce budget sont attribués aux opérations des réseaux au sol, une dépense qui était auparavant incluse dans la ligne budgétaire de le vol habité , on voit que ce budget est réellement en légère baisse .Comme on le soulignait l' an dernier, les études environnementales ne sont pas une priorité de l' Administration Bush .
Le programme de station spatiale internationale ( ISS ) et le programme de navette réutilisable sont regroupés dans la ligne budgétaire " Vols Habités " . [Cliv_SN] Avec 6,1 milliards de dollars demandés pour 2003, en baisse de 10 %, c' est la ligne la plus importante du budget de la Nasa .
Mais le programme de station internationale est l'une des premières cibles du nouvel administrateur . [Il...] Il faut dire que ce programmeprogrammeParu à l' automne 2001, le rapport Young a constitué une critique extrêmement forte de la gestion financière de la station dans les années récentes .
L' administration a donc décidé de mettre le programme de station " à l' essai " pendant deux ans .Les équipes de la Nasa en charge de le programme de station devront faire la preuve de leur sérieux dans la gestion du programme et l' estimation de ses coûts .
En attendant, l' architecture de la station est réduite à sa version minimale, dite " core complete ", qui pourra accueillir trois astronautes, au lieu de les sept prévus .La possibilité de mener des recherches à bord est quasiment nulle dans cette configuration .La contribution des partenaires étrangers ( Europe , Japon , Canada et Russie ) est affectée, mais l' administration se refuse à promettre la construction future de la station dans sa version complete à 7 astronautes .
Le budget pour construire la navette " core complete " n' est même pas totalement attribué selon les projets de financements 2002-2006, car il manque 603 millions sur cette période .Cette somme doit soi-disant être trouvée dans la réalisation d' économies - ce qui semble douteux .La requête financière 2003 pour l' ISS est de 1,8 milliards .Ce montant inclut les travaux de recherche relatifs à la station, déplacés dans une autre ligne budgétaire .
Après la fin du programme Apollo, la Nasa a choisi de se doter d' une navette habitée réutilisable, comme moyen principal d' accès à l' espace .La navette spatiale, dite RLV pour Reusable Launch Vehicle , représente la première génération de véhicule spatial réutilisable .Elle emporte un équipage en orbite et revient sur Terre après sa mission .aux Etats-Unis, les entreprises privées et l' Air Force exploitent des fusées traditionnelles à utilisation unique ( dites ELV pour Expendable Launch Vehicle ) .
Quatre exemplaires de la navette sont actuellement en activité .Endeavor, Atlantis , Discovery , et Columbia ont été construites par Rockwell ( maintenant intégré à Boeing ) .Leur maintenance est assurée par Boeing et Lockheed-Martin, dans le cadre de le consortium U.S. Space Alliance .
Mais ce RLV de première génération n' est pas tout à fait au point .La maintenance des navettes entre chaque vol est longue et coûteuse .La requête budgétaire 2003 pour le programme de navette est de 3,2 milliards ( incluse dans le pôle budgétaire " Vol Habité " ) .Ce financement est insuffisant pour assurer les 6 - 7 missions annuelles et leur nombre devrait être réduit à 4 - 5 par an .Les responsables du programme dénoncent un manque de 1 milliard de dollars sur les 5 prochaines années .
La Nasa doit donc se préparer à remplacer les navettes par un système moins coûteux et plus réactif .Souhaitant repousser les décisions à 2005, les responsables de l' agence ont lancé un programme dit " Integrated space transportation ", qui lance des travaux exploratoires dans deux directions .
Une série d' études doit d'une part chercher à améliorer la navette actuelle .Les responsables du programme déclarent que les quatre modèles n' ont atteint que 30 % de leur cycle de vie utile et qu' un shuttle upgrade pourrait suffire à assurer l' avenir sur le long terme .Les recherches portent notamment sur l' amélioration de la sécurité des vols .Elles prévoient un budget de 1,86 milliards de dollars pour la période 2001-2005 .
Mais un grand effort est engagé d'autre part pour tenter de développer un système totalement nouveau :
Le programme de Space Launcher Initiative ( SLI ) vise à développer un système de lanceur réutilisable entièrement inédit .Les entreprises privées recevront 4,8 milliards de dollars entre 2001 et 2006 pour réaliser des recherches sur ce thème .
Une partie des travaux porte sur les technologies de transport dites " Nasa-unique ", c' est-à-dire consacrées exclusivement aux vols habités .Une autre porte sur l' établissement d' un moyen d' accès commercial à la station spatiale . [Present_SP] Il s' agit d' encourager les entreprises privées à desservir la station avec leurs lanceurs traditionnels, ce qui constituerait une solution de rechange en cas de problème .
Mais la partie la plus importante de la SLI est le sous-programme de " Second generation RLV ", c' est-à-dire de lanceur réutilisable de seconde génération .L' élément principal du cahier des charges de ce véhicule est l' abaissement des coûts .Il devra ainsi pouvoir mettre en orbite une livre ( 454 grammes ) de matériel pour 1000 dollars contre 10.000 dollars pour la navette actuelle .
Dans le cadre de le système X - 33, qui a été abandonné l' an dernier, la Nasa avait voulu développer un système global .Elle a maintenant changé d' approche .Avec le programme SLI, la Nasa fait travailler un certain nombre d' entreprises sur différentes technologies aérospatiales, qu' il faudra ensuite combiner pour développer le futur lanceur .
Les technologies nécessaires ont été identifiées en 2000, pendant la première année du programme .Par un appel d' offre daté d' octobre 2000, les entreprises intéressées ont été appelées à établir des propositions pour un premier cycle de contrats .Ces contrats ont été conclus en deux fois en 2001 .Vingt-deux entreprises ont été choisies le 17 mai, pour des contrats d' une valeur totale de 766 millions de dollars .Le 17 décembre, 94,6 millions supplémentaires étaient attribués .
au premier rang des entreprises lauréates, Boeing a reçu 136 millions de dollars en mai pour aborder 5 domaines de recherche et 5,4 millions en décembre pour des études sur la survie et la protection des équipages ( dans le cadre de la mission " Nasa-unique " de vol habité ) .Pratt & Whitney reçoit 125 millions pour travailler sur les méthodes de propulsion et les étages supérieurs ; l' entreprise Kistler obtiendra 135 millions de dollars après avoir effectué le vol de démonstration de son lanceur K - 1 ( contrat de 10 millions de dollars avec une option de 125 millions ) .
En décembre, Northrop Grumann et Orbital Sciences Corp . se sont vu attribuer un montant combiné de 20,7 millions de dollars pour des études d' ingénierie système et de définition d' architecture .Rocketdyne reçoit 63 millions et TRW 5,4 millions pour des études sur la propulsion .
Toutes les entreprises retenues ont des chances de participer à la réalisation du futur lanceur de la Nasa .Dans tous les cas, les entreprises sélectionnées en 2001 resteront propriétaires des résultats de leurs travaux, qui auront sans doute des retombées sur les programmes de technologies lanceurs qu' elles poursuivent par ailleurs .
Les résultats du premier bilan intermédiaire ( milestone review ) seront connus début mai 2002 .Un deuxième cycle d' appel d' offres sera lancé par la Nasa en 2002 .Dans le projet de budget pour 2003, la ligne " technologies aérospatiales " connaît une augmentation de 12 %, soit 2,8 milliards, destinés principalement au projet SLI .
Sean O'Keefe a mentionné à plusieurs reprises la possibilité de coordonner les efforts de recherches de la Nasa et du Département de la Défense sur le futur lanceur réutilisable .L' étude " One Team " menée pendant 4 mois par l' agence et l' Air Force sur ce sujet s' est achevée en début de année 2002 .Elle devait identifier les possibilités de travaux conjoints entre les deux entités .
[Il..._SN] Mais il semble difficile de réconcilier les besoins des militaires et des scientifiques .En effet, le Département de la Défense a des exigences bien particulières en ce qui concerne son système de lanceur futur .Les militaires veulent pouvoir effectuer un lancement dans les 12 à 48 heures suivant la décision de lancement .Ils veulent aussi pouvoir lancer jusqu' à 20 fusées en deux ou trois semaines si la situation l' exige .En revanche_NEW_ le vol habité s' avère inutilement risqué et coûteux pour les militaires .
En revanche, les missions habitées apparaissent comme l'une des raisons d' être de la Nasa, et leur maintien reste jusqu'à présent une priorité .
[Il..._SN] Il semble donc difficile de pousser les recherches communes Nasa-AirNasa [Cliv] Si les conclusions de l' étude " One Team " ne sont pas encore rendues publiques, c' est peut-être parce que elles ne sont pas très optimistes .
Une autre voie explorée par Sean O'Keefe est celle de la privatisation de la navette .La shuttle privatization a été mentionnée sans beaucoup de précisions dans le projet de budget 2003 et dans diverses interventions du nouvel administrateur .Depuis l' accident de la navette Challenger en 1986, les navettes ne peuvent plus accomplir de missions commerciales .Le président Reagan n' avait pas voulu que la vie des équipages soit risquée pour mettre en orbite des satellites privés .
La présente Administration pourrait revenir sur cette loi .La privatisation de la navette pourrait se limiter au tourisme spatial, dont quelques expériences lucratives ont déjà eu lieu .
Par une convergence d' éléments très divers, l' espace semble être un secteur dans lequel les relations industrielles transatlantiques sont très limitées .
[Present] Tout d'abord, il n' y a pas de tradition de coopération entre industries spatiales américaines et européennes .Parce que ils ne souhaitaient pas voir proliférer les technologies balistiques, les Etats-Unis ont vu d' un mauvais oeil les efforts de mise au point de un lanceur européen. .La base industrielle européenne s' est donc développée de façon indépendante .
La restructuration des industries et la globalisation des échanges dans les années 1990 ont entraîné la mise en place de programmes de coopération dans de nombreux domaines, tels que l' automobile, la métallurgie ( aluminium ) et les hautes technologies .
Mais le domaine spatial n' a pas bénéficié de cette évolution .En effet, les programmes spatiaux restent marqués par des commandes finalement peu nombreuses et la prééminence des marchés publics .Ceux -ci imposent en Europe la procédure du juste retour industriel, qui est peu favorable à l' importation de composants américains .Parallèlement, les parlementaires américains sont jaloux des productions réalisées dans leur circonscription et ne souhaitent pas les voir sous-traitées à l' étranger .
[Cliv_SP] C' est dans le secteur des télécommunications par satellite, que les perspectives de profit sontsatellitedes coopérations significatives, entre Loral et Alcatel , ont été engagées depuis de nombreuses années .
Qui plus est, les espoirs de gain technologique sont rarement suffisants pour justifier des coopérations .Les technologies moteur de Snecma, qui ont suscité une coopération avec Pratt & Whitney forment un cas particulier .Hormis cet exemple, les technologies sélectionnées de part et d'autre de l' Atlantique sont trop similaires pour laisser beaucoup d' intérêt aux échanges de savoir-faire .
De même, du point de vue financier, la production spatiale n' est pas suffisante pour que son regroupement sur l' autre continent amène des économies d' échelle .
Enfin, l' éventuelle volonté des gouvernements de lancer une coopération internationale dans le domaine spatial , trouve son expression hors du domaine commercial et industriel .En effet, la plupart des applications spatiales sont duales, et dès lors très délicates à organiser dans un cadre multinational .Les institutionnels choisissent plutôt des programmes scientifiques comme celui de Station Spatiale Internationale pour lancer un partenariat à signification politique .
La rigidité des procédures américaines d' exportation de technologies et de matériels sensibles est une cause supplémentaire de difficulté des échanges industriels .Elle tient avant tout à l' attitude des parlementaires et à l' action parfois contradictoire des lobbies .Les espoirs d' évolution dans ce domaine n' ont pas abouti jusqu'à présent, mais renaissent avec chaque session parlementaire .
Les systèmes de satellites et de lanceurs sont gouvernés par différentes procédures d' exportation, selon qu' ils sont considérés comme des armements ou simplement des matériels à usage dual .Dans les années 1990, plusieurs firmes américaines ont été accusées d' avoir transmis des technologies balistiques protégées à la Chine, dans le cadre de exportation de satellites américains devant être lancés sur des fusées chinoises Longue Marche .Le Congrès a alors resserré les procédures d' exportation, au grand dam des constructeurs de satellite américains .
L' administration Bush est arrivée au pouvoir avec le projet de faire assouplir ces procédures par le Congrès, mais la session parlementaire 2001 n' a abouti à rien .La session 2002 devrait reprendre le dossier .
aux Etats-Unis, les exportations d' armement et de matériel à usage dual sont gouvernées par des systèmes différents .La loi fixe les grands principes .des règlements établissent ensuite la liste précise des matériels considérés ( liste des munitions, liste des matériels à usage dual, . ) .Enfin, les policy directives fixent l' attitude pratique des services qui traitent des demandes .Ces dernières ne sont pas toujours rendues publiques et peuvent même parfois ne pas faire l' objet d' un texte formel .
Pour les exportations d' armements, la loi actuellement en application, le Arms Control Exportation Act ( ACEA ), date de 1976 . Les décrets d' application, appelés International Trade in Arms Regulations ( ITAR ) sont établis par le Département d' Etat, après consultation du Département de la Défense et sur décision du président .Le Département d' Etat établit donc la liste des munitions, qui détermine les matériels qui seront considérés comme des armes .
La loi ACEA elle -même n' est pas remise en question . [Cliv_SN] Ce sont les ITAR qui font l' objet de fréquentes modifications et de constantes critiques .Dans sa plate-forme électorale, le président avait indiqué qu' il souhaitait modifier les réglementations d' exportation, sans néanmoins préciser sa démarche .
Pour les exportations de matériel dual, la loi appliquée est le Export Administration Act .Elle a été modifiée en 2000 ( 106ème Congrès ) .Les tentatives de modification n' ont pas abouti en 2001 ( 107ème Congrès ) . 10 Les règlements d' application, dits Export Administration Regulations, établissent cette liste et sont adoptés par le Département du Commerce .A nouveau, une procédure de consultation du Département d' Etat et du Département de la Défense est prévue .
Les procédures d' exportation de satellites forment deux cas particuliers, l'un pour les satellites de télécommunication, l' autre pour les satellites d' observation .Dans les faits, seule la première catégorie fait l' objet de fréquentes exportations .
Les satellites de télécommunication, même commerciaux , ont longtemps été portés sur la liste des munitions ( ITAR ) .Leur exportation était contrôlée au même titre que les armements .
Mais en 1990, le Congrès a souhaité renforcer la position des entreprises américaines, dans une perspective de conquête des marchés extérieurs .Le président Bush a transféré une partie des satellites de communication sur la liste des matériels duaux en 1992, et le président Clinton y a porté l' ensemble de ces satellites en 1996 .Leur exportation était dès lors contrôlée par le Département du Commerce, selon une procédure plus simple et plus rapide .
Dans la seconde moitié des années 1990, divers scandales ont éclaté .Les entreprises américaines Loral et Hughes ont été accusées d' avoir illégalement transmis à la Chine des technologies balistiques, lors de le lancement en 1996 de satellites américains sur des lanceurs Longue Marche .En 1998, le Congrès a ramené le pouvoir d' attribution des licences d' exportation au Département d' Etat ( Strom Thurmond Act du 17 octobre 1998 ) et les satellites de télécommunication sont revenus sur la liste de munitions ITAR à compter de le 15 mars 1999 . [Il...] Il faut noter toutefois que les transferts de technologies frauduleux étaient intervenus à l'occasion de l' exportation de satellites sous le régime ITAR d' avant 1992 !
La décision de 1998 a eu des répercussions sur les marchés spatiaux .Compte tenu de l' ampleur politique des scandales, le service responsable au sein de le Département d' Etat a traité les dossiers de demande de licence d' exportation de manière tatillonne et extrêmement lente .Certains clients étrangers ne peuvent attendre plusieurs années avant de savoir s' ils pourront acheter un satellite américain et ont préféré s' adresser à d'autres fournisseurs .Cela a bien sûr gêné les constructeurs de satellites américains .
[Il..._SN] Symétriquement, il est devenu difficile pour les entreprises étrangères d' obtenir des contrats de lancement de satellites américains .satelliteToutefois, l' aménagement de régimes spéciaux pour les pays Otan et les autres pays alliés, ainsi que pour l' entreprise Arianespace, lève les obstacles majeurs à l' exportation de satellites américains vers l' Europe et à leur lancement par l' entreprise européenne
[Il..._SP] Il reste difficile pour les constructeurs de satellites américains d' exporter vers le reste du Monde et les entreprises de lanceurs de ces régions restent pénalisées .
Le 3 mai 2001, Dana Rohrabacher , président de la sous-commission Espace et Aéronautique de la commission Science de la Chambre de les Représentants et Howard Berman , représentant démocrate de Californie , ont introduit une proposition de loi ( H.R. 1707 ), demandant que les licences d' exportation des satellites de communication soient à nouveau accordées par le Département du Commerce . 12 Plus précisément, c' est le hardware nécessaire à la construction de ces satellites qui devait être transféré de la liste des munitions à la liste des matériels duaux .
Pendant l' été, cette proposition est devenue un amendement à la proposition de loi visant à réformer l' exportation du matériel dual ( Export Administration Act ) .La proposition de loi et son amendement se sont ensuite enlisés dans les débats de fin d' année .
[Il..._SN] Il n' est pas sûr qu' une telle mesure aurait bénéficié aux entreprises européennes, car elle réintroduisait une plus large concurrence - de la part des constructeurs de satellites américains et de la part de les lanceurs du reste du monde - sur un marché étroit .
La question de l' exportation des satellites de télécommunication ne devrait pas être soulevée pendant la présente session .La situation internationale s' est fortement modifiée pour les Etats-Unis depuis l' année dernière et, même si la Maison Blanche poursuit sa réflexion sur le sujet, l' assouplissement des procédures d' exportation n' est pas à l'ordre de le jour .
Vers 1992, dans les premières années qui ont suivi la fin de la guerre froide, la robuste industrie américaine de l' observation spatiale a pu craindre que les agences de renseignement nationales lui commandent désormais moins de satellites d' observation dans l' avenir .La question de la commercialisation et de l' exportation d' imagerie et de systèmes clef en main s' est alors posée .
Les satellites d' observation spatiale voient leurs exportations gouvernées par une loi particulière, le Land Remote-Sensing Act ( actuellement dans une version de 1992 ) .Une Presidential Decision Directive ( PDD - 23 ) de 1994 établit une procédure distincte pour l' exportation de systèmes clef en main et pour l' exportation d' imagerie :
1 ) Le Département d' Etat , après consultation de le Département de la Défense et de le Département de le Commerce décide de l' exportation de systèmes de satellite d' observation clef en main .Les satellites d' observation figurent donc sur la liste des munitions ITAR et ce, quelle que soit leur résolution ( très haute pour des satellites d' observation de type militaire, ou très basse pour les satellites de météorologie ) .
[Il..._SN] Il a été prévu un temps d' introduire une distinction entre les satellites d' une résolution supérieure à 10 mètres, dont l' exportation aurait été autorisée par le Département du Commerce et les satellites d' une résolution inférieure, qui auraient été gouvernés par le Département d' Etat, mais cette mesure n' est jamais entrée en vigueur .
[Present] Concrètement, il n' y a jamais encore eu de cas d' exportation de systèmes de satellites d' observation clef en main, même de météorologie .Les Emirats Arabes Unis avaient demandé à acheter un satellite d' observation à haute résolution en 1992, c' est-àdire avant la PDD - 23, mais la demande a été refusée .Les exportations américaines restent jusqu' à aujourd'hui limitées aux satellites de télécommunication 13 .
2 ) Après consultation de le Département d' Etat ( Bureau of Political Military Affairs ) , de le Département de la Défense ( assistant secretary for C3-I ) , de le Département de l'intérieur ( chargé de les questions d' environnement ) et de les agences attribue les autorisations d' opération et de vente d' imagerie par les entreprises américaines .
[Present] Il n' y a pas de changement envisagé pour l' instant sur ce type de procédures d' exportation .La Maison-Blanche a cependant mis en place un comité de réflexion sur l' observation spatiale et les implications de la commercialisation d' imagerie sur la sécurité nationale .Les recommandations de ce groupe pourraient toucher aux questions d' exportation des satellites imageurs et de l' imagerie elle -même .
AUTEUR : May Chartouni-Dubarry
[Cliv] C' est devenu presque une tradition : chaque premier ministre en Israël entame sa législature en relançant l' option " Le Liban d'abord " .Dès son élection et la formation de son gouvernement en juin 1996, Benyamin Netanyahou a tenté de négocier via les Syriens un retrait israélien unilatéral du Liban-sud assorti de garanties de sécurité draconiennes, sans offrir aucune contrepartie sur le Golan, si ce n' est une vague promesse d' une réouverture des négociations syro-israéliennes interrompues en mars 1996 .Manoeuvre tactique de la part de un gouvernement qui a annoncé haut et fort sa détermination de ne céder aucun pouce du Golan ou prélude à un revirement de stratégie par rapport à la politique suivie par les travaillistes sous Itzhak Rabin puis Shimon Pér
Un an et demi après l' arrivée de l' équipe de Benyamin Netanyahou au pouvoir, l' option " Le Liban d'abord " semble avoir fait long feu .Cet écran de fumée s' est rapidement dissipé : le Liban n' est pas plus une priorité pour le présent gouvernement qu' il ne l' a été pour son prédécesseur .Loin de marquer une rupture avec la politique libanaise suivie par l' État hébreu depuis l' instauration de la zone de sécurité au sud Liban en 1985, cette initiative ressemble davantage à une manoeuvre tactique visant tout à la fois à " tester " l' acteur syrien, à montrer à l' opinion publique israélienne que le gouvernement tente de trouver une issue à l' inextricable problème libanais et à rectifier auprès de la communauté internationale une image négative de fossoyeur politique et juridique du processus de paix en se déclarant prêt à se conformer " sous certaines coCes " conditions " - un redéploiement progressif à négocier contre des garanties de la part de l' État libanais de désarmer la résistance libanaise et l' ouverture de négociations de paix séparées avec l' État hébreu - reproduisent dans leur formulation générale le schéma du traité israélo-libanais avorté du 17 mai 1983, qui, quinze ans plus tard, fait figure d' anathème pour le couple syro-libanais qui s' est formé à l'issue de les accords de Taëf en 1989 .
Fait significatif, l' option " Le Liban d'abord " omettait délibérément de faire mention d' un retrait simultané du Golan .au contraire, cette " ouverture " en direction de le Liban s' accompagnait d' une volonté claire de clore les négociations syro-israéliennes, voire d' en annuler tous les acquis et les avancées, en niant formellement qu' un quelconque engagement formel ait été pris par Itzhak Rabin dès 1994 concernant le principe d' un retrait du Golan . [Present] Selon Benyamin Netanyahou, il ne s' agirait là que d' hypothèses " parmi d'autres posées sur la table de négociations .Le gouvernement actuel ne s' estime donc ni politiquement, ni juridiquement lié par des promesses ou engagements qui n' ont fait l' objet de documents écrits, signés et ratifiés .Dès juin 1996, le Premier ministre exprimait cette position sans ambiguïté : " Le gouvernement considère le plateau du Golan comme vital à la sécurité de l' État ; le principe de la souveraineté israélienne sur le Golan est à la base de toute forme d' accord avec la Syrie " .En même temps que il fermait la porte à toute négociation avec Damas, celui -ci demandait donc implicitement aux Syriens de l' aider à s' extirper du bourbier libanais .
Alors que le gouvernement précédent avait totalement avalisé le principe de la " concomitance des deux volets ", syrien et libanais, Benyamin Netanyahou lançait un véritable défi à la Syrie en tentant de dissocier les deux occupations du Golan et du Liban-sud .Si cette manoeuvre était diplomatiquement prévisible , en revanche ce qui est plus étonnant depuis le retour à le pouvoir de le Likoud , c' est la prudence certaine dont il fait preuve dans sa gestion de la politique libanaise .Cette retenue contraste avec le discours musclé tenu tant à l'égard de la Syrie ou de l' Iran, co-parrains du Hezbollah, qu' à l'égard de l' État libanais menacé et sommé quotidiennement de se comporter en acteur souverain et d' étendre son autorité sur l' ensemble de son territoire faute de s' attirer les foudres de la puissante machine militaire israélienne .
Alors que l' on aurait pu en toute logique, dans un contexte non plus de gel mais de régression du processus de paix, s' attendre à une " réactivation " de les options militaires israéliennes notamment à le Liban , c' est l' inverse qui prévaut sur le terrain .Non que le Sud meurtri par plus d' un quart de siècle de guerre, dite de " faible intensité ", connaisse une période de répit . Mais le bilan plus que mitigé de la dernière opération israélienne en territoire libanais , appelée " Raisins de la colère " , a contribué avant même la victoire électorale de Benyamin Netanyahou à un rétrécissement des options israéliennes au Liban .En effet, le nouveau premier ministre hérite d' une situation ingérable au Liban-sud que son intransigeance vis-à-vis de la Syrie ne fait qu' accroître .
Le triangle syro-libano-israélien s' est rigidifié selon un schéma désormais bien connu où le Liban, bien que reconnu aux termes des accords de Taëf comme un État pleinement souverain, demeure le théâtre central où s' affrontent les deux acteurs syrien et israélien .Si cette configuration triangulaire n' a rien de bien nouveau , en revanche , les paramètres en ont été substantiellement modifiés par rapport à le modus vivendi syro-israélien instauré au lendemain du redéploiement israélien de 1985 . [SujetInv] au " dialogue de la dissuasion " dont la principale vertu avait été de prévenir tout risque d' escalade incontrôlé entre les deux armées présentes sur le sol libanais, s' est substitué un déséquilibre stratégique notable au détriment de la partie israélienne .Le piège du Liban-sud s' est refermé sur l' État hébreu : aucune option militaire ne semble viable et une issue politique est plus que jamais fonction de la volonté syrienne .
Cet article se situe précisément à ce tournant .Il vise à apporter un éclairage prospectif sur l' évolution, à moyen terme - dans les six ans à venir - de ce triangle syro-libano-israélien en fonction de les scénarios qui nous semblent les plus plausibles .L' analyse de la configuration actuelle, les enjeux de le volet syro-israélien de le processus de paix et l' imbrication étroite de le couple syro-libanais dans les dynamiques de ce triangle serviront de canevas à ces scénarios de crise .
L' année 1994 constitue probablement un tournant dans les négociations syro-israéliennes qui piétinaient depuis le lancement du processus de paix à Madrid en octobre 1991 .Trois événements majeurs vont contribuer à en relancer la dynamique : la rencontre à Genève entre Hafez al-Assad et le président Clinton au cours de laquelle le président syrien exprime officiellement son engagement pour la paix ; l' acceptation en juillet 1994 par Itzhak Rabin ( jamais confirmée officiellement ) du principe d' un retrait israélien du Golan jusqu' aux lignes du 4 juin 1967 ; et la signature de l' accord de paix jordano-israélien qui donne à la partie israélienne les coudées plus franches pour avancer sur le volet syrien .La définition de la position israélienne, résumée par la formule de Itzhak Rabin devenue célèbre depuis " la profondeur de le retrait ( de le Golan ) sera proportionnelle à la profondeur de la paix ", a permis de lever toute ambiguïté sur la reconnaissance par la partie israélienne de la résolution 242 des Nations unies comme la base des négociations de paix avec la Syrie .Itzhak Rabin a ainsi donné satisfaction à Hafez al-Assad qui exigeait comme point de départ des négociations un engagement israélien ferme sur un retrait total du Golan . [Il...] Dès le départ, il était clair que Hafez al-Assad n' accepterait pas moins que ce que Anouar al-Sadate avait obtenu .La rétrocession du Golan dans sa totalité constitue un objectif vital pour le président syrien pour des raisons symboliques et de légitimité - réparer l' honneur perdu de la défaite de 1967 alors qu' il était ministre de la Défense .La partie israélienne voulait compenser la perte du Golan par des mesures de sécurité drastiques, seul moyen d' obtenir l' adhésion de l' opinion publique israélienne à un accord de paix avec la Syrie .La normalisation devait en outre être pleine et entière : ouverture des frontières, libre circulation des hommes et des biens, échange d' ambassades ... [Cliv] Mais ce sont véritablement les pourparlers engagés à Maryland, de décembre 1995 à février 1996, qui ont permis d' avancer sur les quatre dossiers litigieux : l' étendue du retrait, les arrangements de sécurité, la normalisation des relations, et le calendrier de mise en oeuvre .Les discussions avaient comme base un document de travail élaboré et rédigé par les Américains, intitulé " Objectifs et principes des arrangements de sécurité " ( Aims and Principles of Security Arrangements ) qui réaffirme le principe selon lequel la sécurité de l'une des deux parties ne doit pas être aux dépens de la sécurité de l' autre partie .
En l' espace de quelques mois à peine, Israéliens et Syriens auraient accompli des progrès fulgurants dans leur marche vers la paix .Une nouvelle ère allait s' ouvrir pour la région grâce à la " clef " syrienne sans laquelle il n' y a pas de paix globale viable au Moyen-Orient .L' État hébreu allait pouvoir consolider les acquis obtenus sur les autres volets du processus de paix et se désengager progressivement du Liban-sud .L' un des principaux objectifs israéliens était bien entendu de s' extirper de ce triangle infernal dans lequel l' état de guerre froide avec la Syrie l' avait enfermé au Liban-sud .Mais l' année 1996 ne sera pas celle de la paix syro-israélienne . [On...] Nous examinerons plus loin les perceptions et les interprétations syriennes et israéliennes de ce " rendez-vous manqué " avec l' histoire .Mais ce court épisode des négociations avortées est riche d' enseignements quant à la mécanique de fonctionnement de ce triangle .En effet, alors que la Syrie gère son couple avec le Liban sur la base de la concomitance et l' indissociabilité des deux volets, la partie libanaise a brillé par son absence avant de disparaître complètement du paysage des négociations . [Il..._SP] Il est vrai qu' en s' accrochant avec entêtement à l' application inconditionnelle de la résolution 425, la délégation libanaise s' est engagée, dès l' ouverture du processus à Madrid en 1991, dans un dialogue de sourds avec les représentants israéliens qui refusaient de négocier sur la base de une résolution qui n' offre, selon eux, aucune garantie de sécurité pour l' État hébreu .Mais l' explication de l' inexistence des négociations libano-israéliennes réside ailleurs .Au moment où les pourparlers syro-israéliens démarrent sur des bases encore incertaines, le Liban - et non sa partie sud - constitue paradoxalement le seul point non litigieux entre les deux parties .Les projets grandioses du tandem Begin / Sharon au pays de le Cèdre ne constituent plus aujourd'hui qu' une parenthèse amère dans une politique qui, depuis l' entrée des troupes syriennes au Liban en 1976, s' est appuyée avec constance sur le " dialogue de la dissuasion " entre Damas et Tel-Aviv .Au-delà de ses aspects techniques, ce modus vivendi était bâti sur une reconnaissance mutuelle par ces deux puissances d' intérêts de sécurité vitaux dans ce pays .Loué par les uns pour sa fonction stabilisatrice, dénoncé par les autres pour son cynisme à l'égard de un pays réduit à n' être plus qu' une zone-tampon, cet accord a été sérieusement menacé par l' opération " Paix en Galilée " en 1982 dont l'un des objectifs majeurs était d' éliminer toute présence syrienne du Liban en y installant un État dominé par les maronites et allié d' Israël . Le redéploiement israélien en 1985 renouait avec la politique libanaise suivie par l' État hébreu dans les années 70 privilégiant le maintien du statu quo dans les relations avec Damas et limitant le champ de son intervention à la zone de sécurité qu' elle a établie depuis dans le sud du Liban .
La réalité stratégique du couple syro-libanais n' a pas constitué - et ne constituera pas - un obstacle dans les négociations syro-israéliennes .Résignés et même soulagés pour certains d' une prise en charge syrienne du Liban, les Israéliens soutiennent dans leur quasi-unanimité l' option d' un retrait conditionnel du Liban-sud qui renforcerait la sécurité de la frontière nord de l' État hébreu .L' un des leitmotivs de les responsables politiques et de les représentants de l' intelligentsia est qu' Israël n' a aucune visée territoriale ou revendication idéologique au Liban et particulièrement dans sa partie sud .L' autre réalité est le sentiment mélangé de désillusion, d' amertume et de ressentiment à l'égard de les Libanais et plus particulièrement des maronites .David Kimche , qui a pris une part active à les négociations israélo-libanaises et à l' élaboration de le traité avorté de le 17 mai 1983 , parle de terrible déception alors que Yossi Olmert, avec beaucoup moins de distance et de retenue, affirme qu' aucun Libanais, qu' il soit chrétien ou musulman, ne mérite que lui soit versé une seule goutte de sang israélien .
La version syrienne la plus élaborée et la plus détaillée en est fournie par le principal négociateur syrien, ambassadeur de Syrie à Washington, Walid al-Moualem .La responsabilité de l' échec des pourparlers de Wye Plantation est rejetée sur la partie israélienne et plus spécifiquement sur Shimon Pérès qui a décidé, dans la foulée, la suspension des négociations, l' organisation d' élections anticipées et le déclenchement d' une vaste offensive au Liban en avril 1996 .
Selon l' ambassadeur syrien, Itzhak Rabin et Shimon Pérès avaient chacun leur style et obéissaient à un rythme de négociations différent .Le premier était méfiant, réticent, avançait prudemment et à petits pas .Devenu Premier ministre, Shimon Pérès était mû par un sentiment d'urgence .Il désirait entrer en campagne électorale avec un accord syro-israélien clefs en main .Les deux pierres d' achoppement sur lesquelles butait l' accord final étaient liées aux arrangements en matière de sécurité et à la nature de la " normalisation " .Les exigences israéliennes en matière de sécurité étaient jugées inacceptables pour les Syriens qui réclamaient l' application du principe de symétrie concernant les postes de surveillance avancés et les zones démilitarisées .Sur le dossier de la normalisation, les Syriens opposaient à la vision israélienne d' une " paix chaude ", une normalisation graduelle, en faisant prévaloir qu' il est encore prématuré pour l' opinion publique syrienne d' assimiler et d' accepter un passage brutal d' une situation de guerre à une situation de paix .Sur le volet du retrait du Golan et de sa profondeur, Walid al-Moualem et le président Assad lui -même ont affirmé que les Israéliens, conformément à la condition posée par les Syriens comme préalable à la poursuite des négociations, s' étaient dès 1994 engagés sur le principe d' un retrait jusqu' aux lignes du 4 juin 1967 .
Si l' on a une version monolithique prévisible en Syrie, les Israéliens en revanche sont partagés sur l' interprétation et les implications de cette opportunité manquée .Le débat oppose ceux qui croient que la paix était une option stratégique réelle pour la Syrie à ceux qui restent convaincus que les objectifs de Hafez al-Assad, une situation de non belligérance, étaient fondamentalement différents de la paix telle que la conçoivent les Israéliens .Pour les tenants de la première thèse, un accord sous le forme d' une " Déclaration de principes " était sur le point d' être conclu .L' opportunité manquée serait due à une erreur de calcul de la part de le président Assad qui n' a pas voulu comprendre et entendre qu' il était de sa tâche de convaincre l' opinion publique israélienne, très réticente et en majorité encore opposée à un retrait total du Golan, de son engagement réel pour la paix .Une rencontre au sommet avec Shimon Pérès aurait contribué à créer une dynamique propre .En refusant d' effectuer ce geste symbolique en direction de les Israéliens, il aurait contraint celui -ci à suspendre les négociations et à provoquer des élections anticipées .Pour les tenants de l' autre thèse, le président syrien a fondamentalement peur de la paix en raison de ses implications sur la stabilité du régime et sur le poids stratégique régional de la Syrie .Son adhésion au processus de Madrid et au principe de " La terre contre la paix " n' aurait été qu' une manoeuvre tactique pour empocher les dividendes que lui valait en soi sa posture de négociation .À l' inverse, la paix aurait à terme contribué à la " banalisation " de l' acteur syrien en réduisant considérablement sa valeur stratégique .
L' un des enjeux du débat porte, comme de coutume en Israël, sur la personnalité de Hafez al-Assad .De plus en plus de voix s' élèvent qui considèrent que le président syrien constitue un obstacle à la paix et qu' Israël devrait attendre l' après-Assad avant de relancer un quelconque processus de négociations avec la Syrie .Certaines figures traditionnelles du Likoud, tel Yossi Olmert , mettent en cause la légendaire habileté politique et manoeuvrière du président syrien en affirmant que celui -ci n' a jamais su transformer les " cartes " dont il disposait en atouts tangibles .De l' autre côté du spectre politique, des personnalités telles que Itamar Rabinovitch, principal négociateur et fin connaisseur des questions syriennes, ne disent pas autre chose en qualifiant Hafez al-Assad d' homme du passé ", foncièrement conservateur et qui n' a jamais réussi à bien saisi
Personne n' est en mesure aujourd'hui de confirmer ou d' infirmer la thèse courante selon laquelle si Shimon Pérès avait remporté les élections, une " Déclaration de principes " aurait été signée en l' espace de quelques mois, prélude à un accord de paix global . [Il...] Rétrospectivement, il est assez troublant de constater que l' opinion publique israélienne ne conserve pas le sentiment d' une opportunité historique manquée avec la Syrie .Est -ce parce que Hafez al-Assad a, avec consistance, refusé de s' adresser directement à elle comme le lui demandait avec insistance la partie israélienne ? En outre, Itzhak Rabin s' était engagé à soumettre cet accord sur le Golan à référendum, prenant par là un gros risque, la société israélienne n' étant guère acquise à la formule " La paix en échange de la terre " appliquée à la Syrie .Enfin, deux visions quasi irréconciliables de la paix continuaient à s' opposer : la paix est conçue par Damas comme un moyen de contenir Israël dans ses frontières, alors que pour la partie adverse la paix constitue une fin en soi devant se traduire par une normalisation totale des relations tout en garantissant à l' État hébreu les conditions optimales de sécurité .
Selon toute probabilité, un arrangement était sur le point d' être conclu bien que il soit difficile d' en déterminer les termes et le contenu .Les responsables israéliens qui ont été impliqués très dans les négociations sont très évasifs sur le sujet . [Present_SN] Selon Itamar Rabinovitch, il n' y aurait eu aucun accord entre les deux parties sur les postes de surveillance avancés ou sur les zones démilitarisées .En outre, la délégation israélienne aurait bien demandé un redéploiement de l' armée syrienne mais non une réduction de la taille des forces armées, contrairement à les affirmations de la délégation syrienne .Quant au retrait du Golan, il n' aurait été abordé que de façon très hypothétique .La récurrence du terme " hypothétique " dans le discours officiel israélien , de droite comme de gauche , s' agissant de le principe même de le retrait laisse quelque peu sceptique quant à l' imminence de cette paix manquée . [Il..._SN] Il est évident que la grande prudence stratégique de Hafez al-Assad et ses réserves idéologiques concernant le processus de normalisation avec l' État hébreu ne sont pas seules en cause .Les perceptions israéliennes de la Syrie restent fondamentalement négatives et il n' est pas sûre qu' une poignée de main entre Shimon Pérès et Hafez al-Assad aurait suffi à calmer les craintes des Israéliens, nourries par trente ans de campagne selon laquelle renoncer au Golan, c' est renoncer à la sécurité de la Galilée . [On...] Enfin, on semble déceler quelques notes discordantes entre Shimon Pérès et Uri Savir d' un côté, et Itamar Rabinovitch - qui avait été nommé par Itzhak Rabin - de l' autre .Bien que il n' en ait jamais fait état publiquement, Itamar Rabinovitch ne semblait partager ni l' empressement de Shimon Pérès à vouloir conclure un accord, ni son enthousiasme pour donner un contenu nouveau plus économique et culturel aux négociations dans le cadre de sa vision du " Nouveau Moyen-Orient " .
L' anecdote qui illustre bien la distance " psychologique " qui séparait les deux parties , syrienne et israélienne , est celle relative à la volonté de Shimon Pérès, en pilote averti, de " voler haut et vite " ( to fly high and fast ) .Il usait de cette métaphore pour convaincre ses interlocuteurs syriens qu' il était dans leur intérêt et leur sécurité réciproques d' accélérer le rythme des négociations et d' en changer les modalités, en provoquant une rencontre au sommet avec Hafez al-Assad et en élevant les négociations directes au niveau de les chefs d' État et de gouvernement .À cela, les Syriens rétorquaient qu' il était certes important de " voler " mais qu' il était tout aussi important de ne pas se tromper sur le lieu et le moment de l' atterrissage .
Les deux scénarios identifiés et analysés ici sont ceux qui déterminent une configuration spécifique du triangle syro-libano-israélien, avec ses prolongements sur les situations internes, et ses implications régionales et internationales propres : le scénario du statu quo et l' option d' un retrait israélien du Liban-sud .Ces deux cas de figure comportent des variantes intermédiaires que sont les risques d' escalade militaire et même de guerre ouverte ou les percées et les progrès sur le front diplomatique .Néanmoins, l' effondrement de la dynamique et de l' architecture de le processus de paix israélo-arabe a réduit l' éventail des options .Le triangle syro-libano-israélien se situe aujourd'hui dans cette zone grise, intermédiaire, entre l' option de la paix et celle de la guerre, mais qui reste une zone de crise et de turbulences .
Le scénario de " ni guerre , ni paix " est sans aucun doute le plus plausible aujourd'hui concernant l' évolution à moyen terme du triangle syro-libano-israélien .La perspective d' une reprise des négociations s' éloigne au fur et à mesure que la confusion politique s' accroît en Israël . [Present] Contrairement à ce qui se passe sur le front intérieur, en Palestine, il n' y a pas ici de sentiment d'urgence pour Israël,IsraëlMais le gouvernement de Benyamin Netanyahou semble bien déterminé à ne céder sous aucun prétexte aux pressions qu' exerce Damas via le Hezbollah pour ramener la partie israélienne à la table des négociations, sur la base de la paix en échange du double retrait du Golan et du Liban-sud .D'ailleurs, le Premier ministre estime que le Golan ne constitue pas une priorité pour le président Assad .La stabilité interne, le rôle de la Syrie à le Liban , ses relations avec les États-Unis et son poids régional sont, selon lui, des enjeux autrement plus vitaux .
Parallèlement, les deux puissances israélienne et syrienne redoublent de vigilance pour éviter l' escalade et la confrontation militaire directe .Le retour de part et d'autre au discours belliqueux et radical qui caractérisait les relations entre les deux États avant Madrid , les rumeurs de surarmement et de mouvements de troupes , ne sauraient faire oublier que, depuis la guerre d' octobre de 1973 et les accords de désengagement sur le Golan, la frontière syro-israélienne est, comparée au foyer de tension permanent du Liban-sud, un îlot de paix .
Certains stratèges israéliens, minoritaires , ont pourtant élaboré des scénarios de conflit entre Damas et Tel-Aviv, qui se fondent sur l' hypothèse centrale que la situation de statu quo n' est viable ni pour l'une ni pour l' autre des deux parties soumises à des échéances internes et à des pressions internationales croissantes .Il ne fait pas de doute que la Syrie maintiendra au Liban-sud une pression militaire indirecte aussi forte que le lui permettent les lignes rouges fixées par l' accord de cessez-le-feu d' avril 1996 - sans impliquer ses 35 000 soldats stationnés au Liban - et aussi longtemps que le gouvernement israélien en place refusera de reprendre les négociations là où elles se sont arrêtées .Délimitée géographiquement à la zone de sécurité, la guerre d' usure que se livrent le Hezbollah ( 1 500 hommes ) et l' armée israélienne épaulée par l' ALS ( Armée de le Liban-sud qui compte 2 500 hommes ) , comporte certes des risques de dérapage, comme en 1993 et 1996, lors de les deux opérations " Justice rendue " et " Raisins de la colère " .Néanmoins, les règles du jeu scrupuleusement respectées par Israël et la Syrie depuis l' entrée de les troupes de Damas en 1976 - règles que la création de le Comité de surveillance de le cessez-le-feu n' a d'ailleurs fait que formaliser vingt ans plus tard - ont instauré des mécanismes efficaces d' endiguement de ces risques .Une escalade militaire généralisée dont le Liban-sud serait le détonateur ne pourrait, dans le contexte actuel, que venir d' une décision stratégique israélienne visant à en découdre par la force avec le Hezbollah, pacifier sa frontière nord sans avoir à payer un quelconque prix à la Syrie .Mais le syndrome libanais en Israël pèse de tout son poids, psychologique certes mais également politique .La succession de revers que continue à subir Tsahal à l' intérieur même de sa zone de sécurité ne fait que raviver ce sentiment d' échec et d' impuissance, relançant le débat public interne sur le maintien de la zone de sécurité, sur lequel nous reviendrons plus loin .Outre les fortes résistances de l' opinion publique à toute nouvelle expédition chez le petit voisin au nord, le gouvernement israélien doit également compter avec les oppositions et les divisions qui se sont développées au sein de son propre état-major sur l' opportunité d' une nouvelle action militaire pour " casser " le statu quo actuel et y imposer un nouvel ordre garantissant la sécurité " absolue " à la fois des populations du nord mais également celle des soldats de Tsahal .Que ce soit une opération punitive massive prenant en otage la population civile libanaise ( à l'instar de les " Raisins de la colère " ) ou l' extension de la zone de sécurité vers le nord ou encore une attaque ciblée contre les positions de l' armée syr aucune de ces trois variantes de l' option militaire n' apparaît dans le contexte actuel comme une stratégie gagnante .Aucune ne semble susceptible d' échapper à la logique de l' enlisement qui, depuis 1982-1985, est perçue comme une " malédiction " proprement libanaise où l' arme militaire finit par se retourner politiquement contre son utilisateur .
En outre, il va sans dire que le contexte régional et international actuel ne se prête guère à une nouvelle action militaire israélienne au Liban .Le désengagement et la passivité relatives de l' Administration américaine à le Proche-Orient sont incontestablement l'un des éléments du statu quo actuel .Dans le même temps, les conséquences diplomatiques du blocage du processus de paix et les réalignements géostratégiques qui se dessinent à le Moyen-Orient , en même temps que la vague croissante d' anti américanisme dans le monde arabe , n' augurent rien de bien rassurant à terme pour les intérêts et la position des États-Unis dans la région .L' activisme diplomatique tous azimuts que déploie la Syrie pour parer à les risques d' isolement que l' élection de Benyamin Netanyahou avait à un moment fait craindre, notamment par le biais de la consolidation des liens stratégiques avec la Turquie, a porté ses fruits .Le soutien réitéré apporté par l' Égypte et l' Arabie Saoudite à Damas , leur dénonciation quotidienne de la politique israélienne et de la complaisance américaine , leur refus de participer à le sommet économique de Doha de novembre 1997 , puis leur part constituent autant de signaux d'urgence lancés à Washington par ses deux alliés les plus fiables dans la région . [Il..._SP] Il est peu probable qu' à un moment où la capacité de médiateur de l' Administration américaine est sérieusement mise en cause par ses partenaires arabes, celle -ci avalise une action militaire israélienne au Liban .Échaudé par le coup de poker électoral qui a précipité Shimon Pérès dans la désastreuse opération " Raisins de la colère ", Washington ne voudrait en outre surtout pas prendre le risque de condamner ainsi le volet syrien des négociations, ce qui signerait l' arrêt de mort du processus . [SujetInv] Tant que la partie syrienne continuera à se montrer disposée à reprendre les négociations avec Israël sur la base de " ce_NEW_ continuera à se montrer disposée à reprendre les négociations avec Israël sur la base de " ce disposée à reprendre les négociations avec Israël sur la base de " ce avec Israël sur la base de " ce sur la base de " ce qui a été conclu à Wye Plantation ", les responsables américains veilleront à éviter toute escalade militaire dont l' objectif premier serait pour le gouvernement israélien d' imposer par la force l' option " Le Liban d'abord " .Le maintien du statu quo est un pis-aller aujourd'hui pour Washington qui a tant investi dans le processus de paix et qui peut se targuer d' avoir réalisé de remarquables percées sur le dossier syro-israélien en un laps de temps assez court, compte tenu de l' antagonisme profond qui opposait les deux parties .Il n' est pas question de revenir sur les acquis de Wye Plantation, qu' il faut geler en attendant que le verrou israélien se débloque, soit par un bouleversement de la donne interne, soit par un changement de l' état d' esprit de la communauté juive américaine et de ses puissants groupes de pression dans le sens de une plus grande fermeté à l'égard de le gouvernement actuel afin que il réactive le processus de paix .
[Present] À ce jour, il n' y a donc pas eu ce dangereux glissement que beaucoup redoutaient, entre le retour à un état de guerre froide entre Israël et la Syrie et une détérioration incontrôlable de la situation au Liban-sud . [Interro] L' autre front, celui de le Golan , pourrait -il se rallumer dans ce contexte de regain de tension ? [Interro] Le gouvernement israélien pourrait -il être tenté de porter le conflit en territoire syrien pour résoudre le dilemme dans lequel il se retrouve pris aujourd'hui au Liban-sud du fait de sa propre intransigeance sur le Golan et de l' absence d' une alternative militaire crédible pour sortir du bourbier libanais ?Cette option ne recueille pratiquement pas d' échos en Israël même parmi les milieux les plus " syrophobes " au sein de la coalition gouvernementale qui, redoutant l' ouverture d' un nouveau front sur le Golan, préconisent d' infliger enfin un coup fatal à la présence syrienne au Liban .Toutes les opérations israéliennes dans ce pays n' ont effectivement jamais pris pour cible les positions de l' armée syrienne dans la Békaa ( à l'exception de les frappes préventives de 1982 ), alors même que c' était Damas et non Beyrouth qui était politiquement visée . [Il..._SN] Il est peu probable que l' option militairesécurité
Certains stratèges israéliens, minoritaires , n' écartent pourtant plus l' éventualité d' une guerre limitée que déclencherait le président syrien pour sortir de l' impasse politique devenue intenable .Les tenants de ce scénario reprennent à contre-pied une thèse communément partagée - par des hommes politiques aussi différents que Itamar Rabinovitch et Benyamin Netanyahou - selon laquelle Hafez al-Assad n' aurait jamais été pressé de signer un accord de paix sur le Golan . [SujetInv_SP] au contraire rétorquent ceux -là, le président syrien se trouve aujourd'hui dans la même situation d'urgence que Yasser Arafat ou que Shimon Pérès à la veille des élections qui allaient sceller politiquement son sort .Il partagerait également ce même sentiment d' amertume et de frustration d' avoir laissé la " victoire " lui échapper alors qu' il était si proche de le but : le retour du Golan sous souveraineté syrienne .Privé d' options diplomatiques pour libérer le Golan et face à l' inertie de la communauté internationale, Hafez al-Assad pourrait être tenté par une opération militaire sur le modèle de la guerre d' octobre 1973, sous la forme de une incursion limitée au Golan dans la zone du mont Hermon, forçant ainsi Américains et Européens à intervenir rapidement pour prévenir les risques d' escalade et relancer les négociations .Ce scénario reste peu convaincant, ne serait -ce que par la place centrale qu' il accorde à la psychologie du président syrien qui, arrivant au seuil de son existence et à l'heure terrible des bilans, opterait brutalement pour un revirement de la stratégie qui a été la sienne depuis 1973 et qui a été globalement gagnante en termes de poids régional, pour se précipiter tête baissée dans une confrontation militaire avec Israël, dans une ultime tentative de jouer quitte ou double : c' est-à-dire récupérer le Golan ou perdre tous les acquis engrangés jusque-là, dont la mainm [On...] En outre et sans être un fin stratège, on voit mal selon quelle logique IsraëlIsraëlLe président Assad - qui a toujours dans ses calculs accordé une place centrale à les équilibres stratégiques - sait qu' une tentative syrienne pour occuper par la force une partie du Golan entraînera une riposte israélienne dévastatrice .Les conditions qui prévalent aujourd'hui sont en outre radicalement différentes du contexte régional et international qui a permis à Anouar al-Sadate de récolter les fruits politiques d' une opération militaire limitée dans ses objectifs .Le président égyptien disposait alors d' atouts stratégiques majeurs qui font défaut à Hafez al-Assad - et qui expliquent d'ailleurs le choix historique de la Syrie de renoncer à la parité stratégique avec l' État hébreu et d' accepter l' option de la paix : l' effondrement de l' Union soviétique, le découplage des divers volets égyptien, jordanien et palestinien, la disparition d' un " front " arabe commun, etc .Enfin, une défaite militaire de cette taille infligée à l' armée syrienne risquerait fort de provoquer un cataclysme interne .La dernière chose que souhaiterait le président syrien est de se retrouver piégé dans une confrontation militaire avec Israël .
Hafez al-Assad continuera à privilégier l' option actuelle de " ni guerre, ni paix " que la Syrie a connue de 1974 à 1991 avant qu' elle ne se rallie au processus de Madrid .La suspension des négociations a évidemment considérablement réduit ses options .Néanmoins, le président Assad a une longue expérience de ces situations de statu quo et il sait comment en exploiter les failles et tourner à son profit le processus de " pourrissement " actuel, pour préparer les conditions de nouvelles négociations de paix .Loin de le réduire à l' impuissance ou à la passivité, la perpétuation de ce scénario le poussera de plus en plus à jouer de sa capacité de nuisance en agissant sur quatre leviers : faire payer Israël un prix de plus en plus lourd au Liban-sud ; geler tout processus de normalisation entre Arabes et Israéliens et renforcer son soutien aux mouvements d' opposition aux accords d' Oslo ; jouer sur les tensions entre Tel-Aviv et Washington ; et enfin rentabiliser au mieux les deux cartes, iranienne et irakienne .
Le scénario du statu quo réduit donc plutôt que il ne favorise les risques d' escalade militaire .En revanche, il n' est pas immuable en ce sens que l' on est entré, non pas dans une situation de gel du processus de paix, comme l' auraient souhaité ses architectes américains, mais dans une phase de régression .En effet, tels les deux accords de paix égypto-israélien et jordano-israélien, si certains acquis semblent aujourd'hui irréversibles, la paix des peuples régresse de façon assez inquiétante .Pour certains, cela relève d' une vision romantique et angélique de la réconciliation historique des sociétés arabes et israélienne, bien éloignée des véritables impératifs et intérêts politiques, économiques et stratégiques censés guider le processus de paix .Mais, si les États arabes peuvent décider de faire la paix dans un premier temps sans leurs peuples, ils ne peuvent la faire contre eux .Le raidissement et même la radicalisation des opinions publiques arabes vis-à-vis d' Israël ont aujourd'hui des réminiscences d' une époque que l' on croyait révolue depuis une dizaine d' année : celle du refus du fait accompli israélien .Un tel état de chose, s' il se prolongeait , aurait des incidences politiques et stratégiques dans la mesure où la marge de manoeuvre des États arabes se retrouverait progressivement réduite vis-à-vis d' Israël mais aussi de Washington .Déjà affaiblis sur le plan interne, ils seront de plus en plus contraints à répondre de leurs choix face à des sociétés qui ne voient guère se matérialiser les dividendes de la paix et face à une contestation politique interne, majoritairement islamiste, opposée à la normalisation avec l' État hébreu .Autant que l' évolution politique interne en Israël ou la question de l' après-Assad, cette donnée est essentielle dans l' évaluation des différents scénarios et de leur probabilité .
La principale clef du statu quo actuel réside sans aucun doute en Israël .En dépit de l' opposition virulente de l' ensemble des élites - hommes politiques, intellectuels, armée, services de sécurité et de renseignements - et d' une position de plus en plus inconfortable au sein de son propre parti, le Premier ministre semble être passé maître dans l' art de la survie politique . [Autre] Si le maintien de Benyamin Netanyahou au pouvoir et sa réélection en l' an 2000 semblent constituer une garantie contre la reprise des négociations syro-israéliennes, rien ne permet d' affirmer aujourd'hui qu' un changement de la donne politique israélienne, à moyen terme, débloquera l' impasse actuelle .Dans tous les cas de figure envisagés, motion de censure contre le gouvernement ( qui requiert 61 voix au sein de la Knesseth ) ou contre le Premier ministre ( 80 voix ), provoquant des élections anticipées dans le premier cas, et la nomination d' un nouveau chef de gouvernement dans l' autre, il est probable que le Golan et la paix avec la Syrie ne constitueront pas des enjeux prioritaires tant au niveau de l' opinion publique que de la classe politique .Ce désintérêt s' explique par le fait que ces enjeux ne sont pas pour l' heure vitaux pour la sécurité d' Israël . [Il..._SN] Il est vrai que la frontière syro-israélienne est la plus sûre, à telle enseigne que le Golan et le lac de Tibériade sont aujourd'hui les lieux de villégiature privilégiés des Israéliens, les colons eux -mêmes se reconvertissant massivement dans le secteur touristique .
En dépit de ses professions de foi préélectorales que le Golan restera israélien et qu' il s' y emploiera pour cela, la position de Benyamin Netanyahou sur la paix avec la Syrie est plus ambivalente qu' il n' y paraît .Ainsi, à la veille de la première tournée dans la région du secrétaire d' État américain, Madeleine Albright , à le mois de septembre 1997 , de les rumeurs persistantes ont circulé dans les médias israéliens sur des messages secrets que le Premier ministre aurait fait parvenir à Hafez al-Assad, via Dennis Ross et / ou Uzi Arad, son conseiller politique, pour examiner les possibilités d' une reprise des négociations avec la Syrie .Le Premier ministre aurait proposé une version édulcorée de la formule lancée par Itzhak Rabin et reprise par Shimon Pérès, selon laquelle la profondeur du retrait n' est plus proportionnelle à la profondeur de la paix, mais aux garanties de sécurité que Damas est prête à concéder à l' État hébreu sur le Golan .Bien que le cabinet du Premier ministre ait confirmé la nouvelle, il a refusé d' en divulguer la teneur .Benyamin Netanyahou est prisonnier non seulement de son approche idéologique - que l' on peut résumer concernant la Syrie par " la paix avec le Golan " - mais également de ses impératifs de survie politique au quotidien .Toute concession sur le Golan risque en effet de provoquer l' effondrement de sa propre coalition .Avigdor Kahalani, ministre de la Sécurité intérieure et leader de le parti de la " Troisième voie " , l'un des officiers ayant combattu sur le Golan , est formellement opposé à toute forme de restitution du plateau vital, selon lui, pour la sécurité de l' État hébreu .
Impensable à la veille de l' opération " Raisins de la colère ", ce scénario avec toutes ses variantes fait désormais partie du domaine du " politiquement " envisageable . Il a été retenu ici en raison de l' évolution du débat en Israël sur le Liban qui, en moins de deux ans, a acquis une acuité sans précédent .Le tabou qui , depuis 1982 , inhibait la liberté de débattre de la politique libanaise de l' État hébreu a été levé .L' audience que recueille l' option de le retrait unilatéral de le Liban-sud s' est élargie de façon spectaculaire en l' espace de deux ans à peine .Les causes sont liées à la prise de conscience, déjà latente mais accélérée par le bilan négatif des " Raisins de la colère ", du fait qu' Israël n' a pas les moyens de gagner cette guerre d' usure au Liban-sud et que la zone de " sécurité " est devenue en soi une source d' insécurité où de jeunes soldats israéliens continuent de payer de leur vie une politique que certains jugent " archaïque " et dépassée .Une autre raison fondamentale à cette remise en question de la légitimité même de les arguments sécuritaires , qui justifient le maintien de la zone de sécurité , est liée à l' arrêt net et brutal du processus de paix avec la Syrie .Tant que les négociations syro-israéliennes semblaient en bonne voie et sur le point d' aboutir à un accord global, incluant le règlement du problème libanais, les victoires de la guérilla remportées par le Hezbollah avaient moins d'importance .L' impasse à le Liban-sud était vécue comme un mal nécessaire mais provisoire .Alors qu' aujourd'hui l' option de la paix avec la Syrie semble durablement enterrée, des voix de plus en plus nombreuses s' élèvent en Israël pour réclamer une révision de la politique libanaise et une redéfinition de ses objectifs à la lumière de la situation actuelle .Ce sentiment d'urgence au Liban-sud est exacerbé aussi par le nouveau cadre imposé par l' accord de cessez-le-feu qui a mis un terme à l' opération " Raisins de la colère " d' avril 1996 et a contribué à rétrécir considérablement le champ des options israéliennes .Cet arrangement impose des conditions restrictives à l' armée israélienne rendant à terme sa position intenable .Le système dans le cadre duquel opère l' armée israélienne à le Liban-sud est devenu de plus en plus rigide, ne serait -ce qu' en raison de l' existence du Comité de surveillance du cessez-le-feu qui bride l' action de l' armée israélienne et neutralise en grande partie sa puissance de feu en lui interdisant de s' en prendre aux civils .En outre, la présence d' Américains et de Français au sein de ce comité a de facto contribué à une forme d' internationalisation du conflit .Sur le plan militaire et en dépit de les récentes déclarations du ministre de la Défense sur les " bons résultats " obtenus par l' armée israélienne grâce à la mise en oeuvre de tactiques de combat plus performantes, Tsahal reste astreint à une position défensive face à le Hezbollah dont les méthodes de guérilla se sont considérablement affinées au cours de ces dix dernières années et qui semble contrôler parfaitement le terrain .Pour la première fois depuis l' instauration de la zone de sécurité, le nombre de tués israéliens a dépassé en 1997 celui des Libanais, civils et combattants du Hezbollah confondus .
La question du maintien de la zone de sécurité est devenue un facteur de division aussi bien parmi la classe politique qu' au sein de l' état-major de l' armée qui se garde pourtant d' étaler au grand jour ses discordances internes .L' option du retrait unilatéral, total ou partiel , provoque un débat public particulièrement vif entre partisans et opposants .Les prises de position sur cette question transcendent les lignes de clivages traditionnels Likoud / Parti travailliste et finissent par brouiller encore davantage un échiquier politique déjà confus .Ainsi, si la " colombe " travailliste, Yossi Beilin, et le " faucon " du Likoud et ministre des Infrastructures nationales, Ariel Sharon, soutiennent tous deux l' option du retrait unilatéral, leurs motivations sont loin de être les mêmes .L' architecte de l' opération de 1982 " Paix en Galilée ", qui rejoint par là les positions de le parti de la " Troisième voie " , est favorable à un retrait unilatéral, à la seule condition qu' il ne soit pas négocié avec les Syriens .L' objectif est non seulement de priver la Syrie de son atout-maître, mais également de dissocier les deux volets libanais et syrien . [Present_SN] Il ne s' agit plus de l' option "optionLe retrait se transforme alors en une carte contre la Syrie .Mais l'un des arguments majeurs de Ariel Sharon reste qu' Israël doit pouvoir décider en toute liberté du moment, des modalités et des conditions d' un retrait .Yossi Beilin et d'autres, dont l' Association des 4 mères " de soldats israéliens servant au Liban-sud, s' appuient davantage sur des arguments de type humanitaire pour démonter le raisonnement stratégique et sécuritaire qui sous-tend le maintien de cette Le nombre de soldats israéliens tués au Liban ( 1 200 environ depuis 1982 ) et le bilan chaque année un peu plus élevé devraient, selon eux, inciter les responsables israéliens à changer de politique .Ils soutiennent que Tsahal serait bien plus en mesure de défendre la sécurité de l' État d' Israël à partir de le territoire israélien . [On..._SN] À l' extrême gauche de l' échiquier politique, on retrouve des opposants au retrait tels que le député Yossi Sarid ( Meretz ) - l'un des plus virulents critiques de l' opération " Paix en Galilée " - qui redoute dans ce cas de figure un déluge de katioushas sur le nord d' Israël, contraignant l' armée israélienne à revenir en force au Liban en y lançant une invasion massive, terrestre et aérienne .
Le consensus apparent au sein de les forces armées sur la nécessité de maintenir cette zone-tampon aussi longtemps que Israël et la Syrie ne sont parvenus pas à un accord politique semble sérieusement ébranlé .Le doute commence à gagner un nombre croissant d' officiers supérieurs du Commandement de la région nord quant à l' efficacité d' une politique dont le but déclaré est de protéger la sécurité de la frontière nord d' Israël sans pour autant exposer la vie des soldats israéliens .Bien que ces responsables militaires ne fassent aucune déclaration publique sur une nécessaire révision de la stratégie israélienne au Liban, certaines " fuites " laissent à penser que l' option d' un retrait unilatéral fait de plus en plus d' émules jusqu' aux plus hauts échelons de la hiérarchie militaire .De l' avis de ces militaires, l' enlisement de Tsahal à le Liban-sud commence à affecter sérieusement le moral des troupes alors que l' assurance et la combativité du Hezbollah ne font que se renforcer sur le terrain .À l' inverse, l' ALS censée au départ être la cheville ouvrière de tout le dispositif israélien à le sud est devenue au fil de le temps et plus précisément depuis deux ans un allié de moins en moins fiable et de plus en plus difficile à gérer et à contenir .Plusieurs sources, israéliennes et autres , font état de défections de plus en plus nombreuses en son sein de jeunes combattants qui vont grossir les rangs du Hezbollah et / ou se transforment en agents doubles transmettant au Hezbollah des renseignements sur les mouvements et les opérations tactiques des troupes israéliennes .
Contre les tenants de cette thèse, un noyau dur d' officiers continue à défendre fermement le maintien de la zone de sécurité comme un moindre mal .Un retrait sans garantie de sécurité, même avec menaces de représailles massives en cas de attaques de le Hezbollah sur le nord d' Israël , serait un coup de poker aux risques incontrôlables, qui exposerait directement les populations civiles .Les combattants du Hezbollah s' étendraient tout au long de la frontière et tenteraient des opérations d' infiltration en territoire israélien .Le retrait porterait également un coup fatal au prestige de Tsahal vis-à-vis de l' opinion publique israélienne mais également arabe, contrainte pour la première fois de se replier sous la pression d' une guérilla de quelques milliers d' hommes .Ainsi, selon Uri Lubrani, coordinateur des opérations israéliennes à le Liban-sud , ce serait pure folie que d' envisager un retrait dans les conditions actuelles, même assorti de mesures sécuritaires et logistiques, impliquant une tierce partie, la France par exemple, qui en garantirait la bonne application .Il est convaincu que le maintien de la zone de sécurité est la situation la moins coûteuse pour Israël en termes de sécurité .Il considère l' option " Le Liban d'abord ", dans toutes ses formulations et déclinaisons, comme mort-née, mais n' est pas partisan pour autant de la réédition d' une attaque de type " Raisins de la colère " .
La pression croissante de l' opinion publique relayée par le malaise dans les rangs de l' armée face à les succès militaires remportés par le Hezbollah - notamment contre le fameux char d' assaut Merkava, fleuron de l' industrie de l' armement israélienne Néanmoins, la radicalisation de ce débat ne peut manquer à terme de faire éclater les contradictions - et peut-être bien les divisions internes - du gouvernement qui marche, par conservatisme ou absence de consensus interne, dans les pas de son prédécesseur mais sans avoir de direction précise . [interro] S' agit -il de ne rien entreprendre au Liban qui puisse y miner l' influence et la prédominance de la Syrie, seule puissance en mesure de garantir une pacification de la frontière nord d' Israël permettant aux troupes de Tsahal de se retirer en toute sécurité ? [Interro] Mais alors comment résoudre cette contradiction inhérente à la position israélienne qui reconnaît à la Syrie les pleins droits sur le Liban mais ne lui en concède aucun sur le Golan ?
Les probabilités d' un tel scénario de retrait unilatéral restent minces .En dépit de l' acuité du débat, l' opinion publique ne semble pas dans sa majorité gagnée par l' idée du retrait .L' une des raisons à cela est liée à la perception négative de la notion d' unilatéral " qui équivaudrait à " inconditionnel ", donc à une forme de reddition de l' armée israélienne .En réalité, aucun des acteurs principaux ne souhaite qu' Israël le mette en pratique, surtout dans sa version inconditionnelle et non concertée : ni les Syriens qui se retrouveraient privés de leur principal levier de pression sur Israël, ni l' État libanais qui redoute l' installation d' un vide stratégique au Liban-sud favorisant les tensions et les règlements de compte intra-libanais, ni Washington et ses alliés arabes - notamment l' Égypte et l' Arabie Saoudite qui ont officiellement avalisé et soutenu la stratégie syrienne sur la " concomitance des deux volets " - c
Un tel cas de figure présente pourtant bien des avantages du point de vue israélien, l' isolement du couple syro-libanais n' en est pas des moindres .Non point que l' État hébreu cherche à défaire ce couple ; comme il a été souligné plus haut, aucun dirigeant israélien de droite ou de gauche ne souhaite aujourd'hui s' immiscer dans les relations bilatérales entre la Syrie et le Liban .Mais, en renonçant à sa zone de sécurité, Israël aurait réussi à s' extirper de ce triangle hors duquel le couple syro-libanais perd l'un de ses éléments essentiels de cohésion et de légitimation .Le redéploiement des troupes syriennes, prévu par les accords de Taëf , serait de nouveau à l'ordre de le jour . [Il..._SN] Par ailleurs, il n' est pas du tout sûr, contrairement à les craintes exprimées par les opposants à un retrait unilatéral, que le Hezbollah " poursuive " l' armée israélienne en Israël pour deux raisons majeures .La première est qu' il est très délicat pour la Syrie d' apporter sa caution implicite à des opérations militaires menées en territoire israélien, par crainte à la fois de l' ampleur prévisible de la riposte israélienne et de la réprobation internationale que cela ne manquera pas de susciter, de la part aussi bien des États-Unis et de l' Union européenne que des alliés égyptien et saoudien de la Syrie .La deuxième raison tient à la stratégie proprement interne du Hezbollah qui prime sur toute autre considération d' ordre régional .La direction actuelle de le mouvement ne voudrait en aucun cas mettre en péril les bénéfices politiques de plus d' une douzaine d' années de résistance à l' occupation israélienne en " ouvrant ", en cas de retrait des troupes de Tsahal, un nouveau front sur la frontière libano-israélienne .Le capital de sympathie et de soutien dont il bénéficie sur le plan national et l' audience croissante qu' il s' est taillé au sein de la communauté chiite face à le mouvement Amal pourraient en être durablement affectés et menacer la survie même du mouvement sur la scène politique libanaise .
Malgré les avantages qu' elle présente, une telle initiative israélienne constituerait un coup de poker, tant les risques restent grands et imprévisibles .Un bien timide ballon d' essai a été lancé avec l' évacuation par l' ALS d' une douzaine de villages de la région de Jezzine .Cette manoeuvre visait à tester la capacité de l' État libanais à reprendre le contrôle des zones " libérées ", dans l' hypothèse d' un retrait par étapes ( autre variante du retrait unilatéral ) .Face à l' absence de réaction de la part tant du Hezbollah que de l' armée libanaise, le gouvernement israélien semble pour l' heure avoir renoncé à la carte " Jezzine d'abord " . Mais cette option comme celle d' un retrait total restent ouvertes . [SujetInv_SP] Beaucoup dépendra de la configuration future des rapports de forces internes en Israël dont il est difficile de saisir les contours, et de l' évolution de la relation avec Washington .Une impasse prolongée sur le dossier palestinien peut également pousser le gouvernement israélien à cette forme de fuite en avant en évacuant ses troupes de la zone de sécurité .Il n' est pas exclu que Benyamin Netanyahou ait, en son for intérieur, déjà pris cette décision et qu' il attende le moment opportun pour abattre une carte qu' il estime gagnante .L' ALS prend très au sérieux la possibilité d' un retrait subit et non concerté de Tsahal, comme le prouvent les déclarations de son commandant, Antoine Lahad, qui, pour la première fois, a publiquement menacé Israël de représailles en cas de retrait unilatéral .
Mais, si un tel retrait s' effectuait dans le contexte actuel de blocage diplomatique, même sous la bannière de la résolution 425, il ne contribuerait certainement pas à désamorcer le climat de tension .L' État libanais serait bien en peine de reprendre le contrôle du Liban-sud, bien que, techniquement, l' armée soit aujourd'hui tout à fait en mesure de remplir le rôle prévu par les accords de Taëf .Il devra faire face à un grave dilemme en cas de retrait : soit laisser le champ libre au Hezbollah - sur instructions syriennes -, soit déployer l' armée libanaise dans une région qui échappe totalement depuis 1978 à l' autorité du pouvoir central et remplir le rôle de garde-frontières au bénéfice de Israël .La Syrie, quant à elle , célébrera à grands renforts de médias et de déclarations triomphalistes la " libération " du Liban-sud comme la victoire de la résistance libano-syrienne .Mais le temps des festivités passé, le président Assad devra relever ce défi qui met à plat sa stratégie de négociation face à Israël .Il pourrait opter pour l' escalade mais encore faudrait -il qu' il puisse justifier au regard de la communauté internationale la poursuite d' actions de " résistance " en territoire israélien .des substituts au Hezbollah - trop identifié aujourd'hui à la résistance libanaise contre l' occupation israélienne - devront être trouvés qui agiront alors sous le slogan " Libérer la Palestine " .Le président Assad pourrait se servir des principaux mouvements d' opposition palestiniens qu' il abrite pour recréer un nouveau " fathland " au Liban-sud, comme aux heures de gloire de la résistance palestinienne au Liban .
L' autre alternative - qui semble la plus probable - est qu' il prendra sagement le temps de la réflexion, en évitant surtout de se lancer dans une action précipitée qui risquerait de menacer son emprise sur le Liban .Son réflexe premier sera plutôt de chercher à protéger la solidité du couple syro-libanais même s' il doit dans le même temps mettre entre parenthèses son " combat " pour libérer le Golan .Il sait qu' il dispose d' atouts non négligeables en cas de retrait unilatéral israélien .Le premier d' entre eux et le plus important est que personne - ni la troïka libanaise, ni les pays arabes, ni Israël, ni l' Iran, ni les États-Unis, ni même la France ou l' Union européenne - n' exigera de la Syrie qu' elle se conforme enfin aux dispositions des accords de Taëf qui prévoient le redéploiement puis le retrait des troupes syriennes, selon un échéancier bien précis mais sans cesse repoussé en raison de les " conditions exceptionnelles " que traverse le Liban, autrement dit l' occupation israélienne et la nécessité vitale d' y mettre un terme .La crainte réelle d' un basculement du Liban dans la guerre civile agit comme un repoussoir pour tous les acteurs régionaux ou internationaux impliqués directement ou indirectement sur la scène libanaise .Même l' Iran - qui figure en tête de la liste de les " rogue states " établie par l' Administration Clinton - ne serait pas favorable à une rupture du statu quo intercommunautaire libanais issu de Taëf qui a considérablement amélioré la position et le poids de la communauté chiite . [Il...] Il est important de souligner à cet égard, contrairement à la perception largement partagée en Israël, que Téhéran reste un acteur extérieur au triangle syro-libano-israélien et que son influence sur le Hezbollah a été démesurément exagérée . [Present_SP] Il ne s' agit pas de nier la réalité des faits, à savoir que ce mouvement est né en 1985 de l' alliance syro-iranienne au Liban, à un moment où il y avait une véritable prolifération de milices au Liban .Mais ce mouvement a réussi à se hisser au rang de parti politique et à s' affirmer, à travers sa participation au jeu électoral et sa forte représentation parlementaire, comme un acteur à part entière sur la scène politique libanaise - pour autant bien sûr que l' on puisse qualifier de vie politique, l' immobilisme et la paralysie qui frappent les institutions de la IIe République libanaise .En tout état de cause, le jeu de Téhéran à le Liban a toujours soigneusement évité de heurter de front ou de court-circuiter le " maître et seigneur des lieux " syrien .Les États-Unis s' abstiendront également d' exercer des pressions dans ce sens pour les raisons qui ont été évoquées plus haut - ménager la Syrie dans l' espoir d' un déblocage du processus de paix - et parce que ils ne font guère confiance à la capacité de l' État libanais à assurer la paix civile et à imposer son autorité sur l' ensemble du territoire .Quant aux Israéliens, ils seront plus que sensibles aux arguments que la Syrie ne manquera d' agiter comme autant d' épouvantails contre d' éventuelles pressions pour que elle retire ses troupes du Liban .Le premier de ses arguments concerne la " porosité " de la frontière libano-israélienne : seule Damas est aujourd'hui en mesure de contrôler les groupes potentiels qui voudront se lancer dans de nouvelles opérations de guérilla en territoire israélien .Le deuxième argument, tout aussi porteur , est lié à la question des 300 000 réfugiés palestiniens au Liban dont le sort est de plus en plus incertain, compte tenu à la fois du refus de l' État libanais d' envisager une quelconque solution d' intégration " et du déraillement du processus d' Oslo .Là encore, le rôle de la Syrie peut s' avérer vital .Enfin, la position commune de la France, de l' Union européenne et de la majorité de les pays arabes est que la Syrie doit demeurer une partie centrale de tout accord ou " désaccord " dans le cas de un retrait unilatéral israélien ...
Le triangle syro-libano-israélien est aujourd'hui complètement verrouillé par l' impasse du processus de paix . [Cliv] Des trois parties prenantes à ce jeu triangulaire, c' est sans conteste l' acteur israélien qui détient la clef d' un " déblocage " . [Il..._SN] au terme de cette étude, il semble probable que l' option du statu quooptionMais la scène politique israélienne reste confuse et son évolution, même à court terme, demeure imprévisible ; ce qui n' est pas sans déconcerter les amateurs de scénarios que nous sommes et qui avons appris qu' une démocratie offrait plus de transparence et de lisibilité au niveau de sa politique extérieure et de sa sécurité qu' une autocratie, et qu' elle était naturellement plus encline à opter pour la paix . [Il..._SN] Il n' est pas de notre propos ici d' analyser les mutations sociopolitiques diverses que connaît l' État d' Israël .Mais le processus de paix et son accélération en l' espace de trois ans à peine ont eu l' effet d' un séisme sur une société contrainte de se redéfinir dans son double rapport à son environnement resté étranger et à son identité propre .Le refus de l' assimilation que prône Benyamin Netanyahou n' est que l'une des expressions de ce choc historique . [Il..._SN] Il n' est dès lors pas acquis que son départ suffise à remettre sur les rails le processus de paix .Ehoud Barak , secrétaire général de le Parti travailliste , lui -même , se garde bien de s' engager clairement sur le sujet .Homme secret, il fait très peu de discours et se présente toujours comme le successeur de Itzhak Rabin . [On...] On suppose qu' une fois au pouvoir et disposant d' une majorité confortable, il donnerait la priorité au volet palestinien .Concernant les négociations avec le couple syro-libanais, il adoptera à n' en pas douter la même approche que Itzhak Rabin et Shimon Pérès, à savoir que la Syrie reste le passage obligé de tout règlement global .Au mois d' août 1997, il avait envoyé par l'intermédiaire de la délégation d' Arabes israéliens, en visite à Damas, une lettre au président syrien dans laquelle il s' engageait à suivre la voie de la paix tracée par Itzhak Rabin .
Hafez al-Assad qui , à cette occasion , a loué les vertus d' homme de paix de le président de le Parti travailliste , continuera à observer avec beaucoup d' attention les évolutions politiques internes en Israël .À mi-parcours entre la suspension des négociations début mars 1996 et la fin du mandat de Benyamin Netanyahou en l' an 2000, le président syrien n' a de meilleur choix que celui d' attendre en tablant sur le fait que le temps joue contre le premier ministre israélien et discrédite les options qu' il défend, en démontrant qu' il n' y aura pas de sécurité pour l' État hébreu sans paix réelle .Et cette paix doit passer par la restitution du Golan et l' évacuation du Liban-sud tout en préservant l'une des victoires les plus éclatantes de Hafez al-Assad : la consolidation de son hégémonie au Liban .
AUTEUR : Volker Perthes*
[Il..._SN] Il a fallu beaucoup de temps et de longs débats internes à la Syrie avant d' accepter l' idée que le processus de négociations bilatérales et multilatérales, lancé lors de la conférence de Madrid en 1991, pouvait à terme déboucher sur une paix réelle avec Israël .En effet, une large partie de l' élite politique comme intellectuelle redoutait les conséquences de la paix et de la " normalisation " sur la position régionale de la Syrie, sa stabilité interne et sa situation économique . Damas est demeurée pendant un long moment sceptique quant à la volonté réelle d' Israël de parvenir à un accord équitable et satisfaisant pour les deux parties . [Cliv] Ce n' est qu' en 1995 que les responsables syriens ont commencé à croire qu' une base commune pouvait être trouvée avec le gouvernement travailliste .Et de fait, les négociations tenues à Maryland de décembre 1995 à janvier 1996 ont été beaucoup plus sérieuses et poussées que tous les " rounds " précédents . [Cliv_SP] C' est à ce moment -là, semble -t-il, que les Syriens ont pris la décision de s' engager pleinement dans le processus de paix .
Mais les choses allaient se dérouler autrement que prévu .La victoire de Benyamin Netanyahou à les élections de 1996 a pris les responsables syriens par surprise ; ils ne l' avaient évidemment ni souhaitée, ni intégrée dans leur stratégie de négociation comme une éventualité plausible . [Autre] Mais rien ne pourra les contraindre aujourd'hui à renégocier avec le gouvernement du Likoud ce qui avait été déjà négocié avec ses prédécesseurs ou de revenir sur les bases de l' accord tel qu' il semblait se préciser avec les travaillistes, autrement dit un retrait israélien " total " du Golan en échange d' une paix " totale " .
Par conséquent, le scénario le plus probable , aussi longtemps que le Likoud demeurera à le pouvoir , est la prolongation de la situation de " ni paix, ni guerre " entre la Syrie et Israël, autrement dit la poursuite de la guerre d' usure au Liban-sud avec toujours les risques d' escalade généralisée et d' une confrontation directe entre les forces israéliennes et syriennes .À court et moyen termes, le scénario le plus improbable reste celui d' une reprise des négociations menant à terme à un accord de paix syro-israélien, en raison soit d' un changement de l' équipe au pouvoir en Israël, soit d' un revirement de stratégie de la part de le gouvernement actuel .
Cette étude tente, pour chacun de ces deux cas de figure, d' analyser les implications qui pourraient en résulter sur la situation interne de la Syrie, sa position et sa stratégie régionales, en mettant plus particulièrement l' accent sur les relations avec le Liban .La " question de la succession " de le pouvoir syrien actuel sera également abordée .Enfin, quelques suggestions seront faites concernant plus spécifiquement la politique européenne vis-à-vis de la Syrie, du volet syro-israélien des négociations et du " couple " syro-libanais .
Le lecteur devra garder à l' esprit les limites inhérentes à ce genre d' exercice .Les scénarios développés ici et leur probabilité de réalisation se fondent certes sur des informations et une analyse objectives . [Il..._SN] Il n' en demeure pas moins que les sociologues et politologues ne sont pas pourvus de dons de voyance qui rendraient leurs prévisions infaillibles .
[Il..._SN] En supposant que le gouvernement de Benyamin Netanyahou se maintienne au pouvoir en Israël, il est probable que l' impasse actuelle du processus de paix persiste surtout au niveau de son volet syrien .Cela d' autant plus que la prolongation de cette situation instable de " ni guerre , ni paix " - qui prévaut d'ailleurs entre Israël et la Syrie depuis 1974 - est perçue par beaucoup, notamment parmi les responsables de la politique moyen-orientale à Washington, comme étant la plus favorable . [SujetInv] Pour la ligne " dure " israélienne, un traité de paix avec la Syrie n' a jamais été considéré comme valant la perte du Golan ; les dirigeants syriens sont à cet égard honnêtes quand ils affirment que, pour eux, le temps ne presse pas .Si les deux parties peuvent s' accommoder du statu quo actuel, elles ont un égal intérêt à éviter la guerre ouverte et réussiront en toute probabilité - comme l' expérience passée tend à le démontrer - à le faire .
L' intransigeance israélienne et l' impasse du processus de paix ont contribué jusque-là à renforcer la position de la Syrie vis-à-vis de ses alliés dans la région .Dans le court et moyen termes au moins, les alliés arabes de la Syrie, autrement dit ses partenaires de la déclaration de Damas ( l' Égypte et les États du Conseil de coopération du Golfe ), continueront à lui apporter leur concours politique et financier .Damas pourra également compter sur le soutien moral et politique de la Ligue arabe, dont l' expression la plus forte a été la décision prise en 1996 de lier le processus de normalisation avec Israël aux progrès accomplis au niveau de les deux volets syro-israélien et israélo-palestinien .La reconnaissance de ce lien entre la " normalisation " régionale et les négociations bilatérales avec l' État hébreu conjure pour la Syrie le spectre de l' isolement dans le cadre de un " Nouveau Moyen-Orient " façonné par Israël, la Jordanie, certains États arabes du Golfe et du Maghreb auquel se joindrait peut-être la Turquie .Ce lien vient également rappeler aux Israéliens que Damas ( autant que Gaza ) demeure le passage obligé vers l' établissement de relations économiques et commerciales avec le monde arabe .Quant aux relations syro-iraniennes, elles ne sont pas tributaires de l' attitude de la Syrie vis-à-vis d' Israël mais sont fondées plus largement sur des intérêts communs . [Il..._SN] Il n' en demeure pas moins que le gel actuel des relations entre la Syrie et Israël supprime un facteur de tension potentiel entre les deux alliés .Le timide rapprochement esquissé avec l' Irak répond en large partie aux craintes que suscite le renforcement de l' alliance stratégique entre Israël et la Turquie . [Il..._SP] Il ne faut cependant pas s' attendre à voir se former une contre-alliance syro-irakienne .La méfiance réciproque reste forte entre Damas et Bagdad, et il est probable que les responsables syriens limiteront leurs relations avec le régime irakien en fonction de ce que leurs alliés arabes du Golfe jugeront acceptable .
Sur le plan international, les relations de la Syrie ne seront pas affectées outre mesure par l' impasse actuelle et cela tant que Damas continuera à faire la preuve de son engagement en faveur de la paix .L' Administration américaine, qui n' est pas sans ignorer que la collaboration de la Syrie est essentielle pour relancer le processus , ne cédera probablement pas aux pressions du Congrès en faveur de un durcissement de la politique américaine à l'égard de Damas .Pour l' Union européenne, un accord syro-israélien reste la clef de la paix et de la stabilité au Moyen-Orient et en Méditerranée .Conscients que leur contribution au volet syro-israélien des négociations est limitée, l' UE, et certains États européens individuellement , continueront à favoriser une plus grande participation de la Syrie et d' Israël dans le cadre de les projets de coopération euro - méditerranéenne, et notamment la négociation d' un accord d' association entre l' UE et la Syrie .Damas considère cette initiative européenne comme un moyen d' intégrer la mondialisation économique via l' Europe plutôt que par le biais de un " Nouveau Moyen-Orient " dominé par Israël .La Syrie acceptera l' assistance européenne pour accompagner le processus de réformes mais ne tolérera pas qu' on en lui dicte le rythme - que ce soit l' Europe plutôt que la Banque mondiale n' y changera rien . [Il..._SN] En outre, tant que le volet syro-israélien demeurera bloqué, il est peu probable que la Syrie soit soumise à des pressions américaines, européennes ou arabes pour desserrer son emprise sur le Liban .
Selon la vision " realpoliticienne " de Damas, la configuration des rapports de force à le Machrek reste essentiellement dominée par la compétition entre les deux principales puissances régionales : Israël et la Syrie .Dans cette perspective, les acteurs arabes " secondaires " - la Jordanie , les Palestiniens et le Liban - devraient dans leur intérêt propre accepter de se placer sous la houlette syrienne .Toute forme de relations que l'une de ses parties engagerait avec l' État hébreu, stratégique ou économique, sans coordination préalable avec Damas, contribuerait à affaiblir le camp arabe .Depuis que l' OLP et la Jordanie ont choisi de faire cavalier seul, la carte libanaise est devenue encore plus vitale pour Damas qui veille jalousement à travers son emprise sur tous les aspects de la politique libanaise à prévenir toute tentative de dissocier les deux volets syrien et libanais, à l'instar de l' option israélienne du " Le Liban d'abord " et de ses différentes variantes .La Syrie dispose des moyens nécessaires pour empêcher le Liban de s' engager dans une négociation séparée avec Israël et mettra toute l' énergie nécessaire afin que le règlement du problème libanais soit partie d' un accord global syro-israélien .En l'absence de progrès dans les négociations entre Damas et Tel-Aviv, la stratégie syrienne consistera à maintenir une pression constante, quoique limitée, sur Israël, à travers son soutien conditionnel au Hezbollah et autres groupes de résistance, mais toujours en évitant d' exposer les forces armées ou le territoire syriens .
[Present_SN] Il existe deux éventualités, quoique peu probables, qui pourraient bouleverser cette situation .La première est celle d' un retrait unilatéral des forces israéliennes du Liban - en application de la résolution 425 du Conseil de sécurité des Nations unies - avec menace de représailles massives en cas de attaques en territoire israélien .L' autre possibilité serait une escalade de la violence entre les forces israéliennes et le Hezbollah qui pourrait amener Israël à lancer une attaque de large envergure contre le Liban et contre des cibles syriennes .Dans ces deux cas de figure, la Syrie se retrouverait dans une situation embarrassante .Elle pourrait difficilement dénoncer un retrait israélien du Liban-sud mais, dans le même temps, elle deviendrait de facto responsable de la sécurité de la frontière nord d' Israël sans avoir en contrepartie gagné l' engagement d' un retrait israélien du Golan .Damas pourrait être tentée de faire avorter une telle manoeuvre israélienne en encourageant le Hezbollah à intensifier ses activités .Une initiative de ce type serait néanmoins pleine de risques, dans la mesure où Damas serait condamnée par la communauté internationale pour avoir fait échouer une démarche de paix .Sans oublier qu' une intensification de les activités de le Hezbollah finirait par provoquer une escalade généralisée avec cette fois de les raids israéliens contre des cibles syriennes . Damas pourrait difficilement s' abstenir de riposter au cas où ses troupes seraient attaquées, mais elle n' est pas sans ignorer les lourdes pertes que cela lui coûterait .
[Il..._SN] En réalité, il est peu probable que le gouvernement Netanyahou veuille appliquer la résolution 425 en se retirant unilatéralement et sans conditions du Liban-sud .Sa proposition " Le Liban d'abord " visait à parvenir à un règlement sur le front libanais assorti de garanties syriennes .Dans le même temps, Damas a tout intérêt à éviter une escalade incontrôlable au Liban-sud et considère que le Comité de surveillance du cessez-le-feu remplit parfaitement cette mission en contenant le conflit dans ses limites propres .Une guerre ouverte conduirait à une défaite syrienne .Israël réussira sans aucun doute à bouter la Syrie hors du Liban, mais elle devra dans le même temps renoncer à son projet de normalisation de ses relations avec l' ensemble du monde arabe pour une décennie, ou plus encore, et prendre le risque de s' exposer à des attaques à l' intérieur même de son territoire et peut-être aussi à une guerre d' usure sur les deux fronts, libanais et syrien .Par conséquent, les deux parties israélienne et syrienne n' ont aucun intérêt à laisser se développer un tel scénario .
Sur le plan de la situation interne au Liban, l' impasse actuelle de le processus ne peut que renforcer la détermination de la Syrie à maintenir la forme de stabilité très spécifique qu' elle a contribuée à asseoir dans ce pays .Cela se traduit par un soutien actif au gouvernement libanais dans ses efforts pour développer son appareil de sécurité et pour imposer d'une main de fer l' ordre public et la sécurité interne dans les régions sous son contrôle effectif ; cela exclut la zone de sécurité occupée par Israël et certaines zones de combat périphériques .Mais le type même de stabilité que Damas cherche à promouvoir à le Liban y limite singulièrement les perspectives de changements politiques .Le régime syrien préfère collaborer avec le même groupe de personnes sur le long terme ; il n' a aucun intérêt à encourager une alternance au niveau de le pouvoir libanais et veillera à maintenir l' équilibre actuel entre les principaux piliers de la coalition gouvernementale .Les élections législatives de 1996 ont illustré clairement cette stratégie de maintien du système en place . [Present] Il y a certes eu de " vraies " élections dans la mesure où il existait une large marge de compétition et de choix possibles .Néanmoins, l' influence syrienne a joué un rôle décisif, et parfois ouvertement, dans la finalisation des listes électorales dans les zones sensibles de manière à y garantir une place pour toutes les forces proches du régime issu de Taëf, tout en maintenant un savant équilibre entre les différents candidats .De la même manière, un deuxième renouvellement du mandat du président Hraoui n' est pas à exclure .Dans le même temps, Damas se gardera d' intervenir dans la définition de la politique économique et sociale au Liban, à la seule condition que la main-d'oeuvre et les produits syriens soient épargnés par les mesures de nature protectionniste que le gouvernement libanais jugera bon de prendre .La Syrie a tout intérêt à ce que le processus de reconstruction aboutisse en raison à la fois des opportunités de travail que ce marché pourrait offrir aux chômeurs en Syrie et, à plus long terme, de la contribution libanaise à la modernisation de l' économie syrienne .Bien que certains Syriens considèrent le Liban un peu comme le Hong-Kong de la Syrie, l' objectif de Damas n' est pas de réaliser une union politique avec ce pays et encore moins de l' annexer .L' une des raisons principales à cela et non de les moindres est qu' une telle initiative contribuerait à bouleverser tant l' équilibre régional que la situation intérieure des deux pays - des risques que le régime syrien cherche à tout prix à éviter .
Bien que la prolongation pour une période indéfinie de cette situation de " ni guerre, ni paix " convienne à la majeure partie de l' establishment syrien, elle n' augure rien de bon à moyen et long termes pour les perspectives de développement du pays .En effet, cette situation ne peut que favoriser l' immobilisme sur le plan interne à un moment où la Syrie devrait s' engager dans des réformes politiques et économiques vitales pour affronter les défis de la prochaine décennie et au-delà .Dans la prochaine décennie, l' économie syrienne devra chaque année gérer quelque 200 000 à 250 000 nouveaux arrivés sur le marché de l' emploi ( actuellement, celui -ci ne peut en absorber que la moitié ) ; cela dans un contexte de baisse des revenus pétroliers, d' un épuisement probable des réserves pétrolières, d' une sévère crise de la balance des paiements - à moins de attirer les investisseurs étrangers et de renforcer la flexibilité et la compétitivité des industries de production syriennes - et enfin dans un contexte de risques d' une paupérisation accrue .Afin de faire face à l' ensemble de ces défis, la Syrie devra relancer et accélérer le train de réformes économiques timidement entreprises à la fin de les années 80 et au début de les années 90 mais qui a évité de s' attaquer aux enjeux les plus sensibles tels que la privatisation des banques, le développement du marché boursier, ainsi que la libéralisation des investissements commerciaux et industriels .La Syrie devra en outre développer ses ressources humaines - ses étudiants, ses technocrates, sa main-d'oeuvre en général, ainsi que ses élites intellectuelle, administrative et bureaucratique .Enfin, dans le but de créer un environnement propice aux investisseurs locaux et internationaux, la Syrie devra également se conformer aux règles d' un État de droit, avec un gouvernement responsable et un système juridique fiable .
Toutefois, la prolongation du rapport de forces existant sur les plans interne et externe - l' absence de progrès dans les négociations et le maintien de le pouvoir actuel - n' incitera pas le régime syrien à prendre les décisions nécessaires pour accélérer les réformes économiques et encore moins politiques .D'abord, la configuration politique interne n' est pas de nature à y encourager les forces en faveur de un changement .La marge de manoeuvre de ceux qui militent pour des réformes en profondeur est limitée ; toute initiative dans ce sens menacerait les intérêts et les privilèges de larges secteurs de la base de soutien au régime . [On..._SP] On ne peut non plus compter sur des soulèvements de nature politique ou sociale .La Syrie est pratiquement devenue un État dépourvu d' opposition ( sérieuse ) ; la situation économique connaît une amélioration certaine comparée aux années 80 et le régime sera probablement en mesure de prévenir toute crise d' envergure dans les prochaines années - en cas de urgence, l' Arabie Saoudite et le Koweit restent toujours disposés à apporter leur aide .Le Président lui -même a gagné en popularité du fait de sa capacité à stabiliser le pays et à gérer au mieux le processus de paix comme les relations de la Syrie avec le reste des pays arabes .
Deuxièmement, les décisions fondamentales de nature à provoquer l' opposition d' une grande partie de la bureaucratie ou d'autres piliers du régime ne peuvent être prises que par le sommet, c' est-à-dire par le Président lui -même .Cependant, pour Hafez al-Assad, la politique économique reste secondaire, à moins de avoir une incidence ou un lien directs avec la sécurité de l' État ou du régime . Le président syrien est peut-être conscient du besoin impérieux de réformes dans son pays, mais il n' entreprendra rien qui puisse mécontenter la principale base de soutien à son régime tant que le processus de paix n' aura pas abouti .Le régime syrien est convaincu, semble -t-il, qu' aussi longtemps que l' éventualité d' une guerre contre Israël n' est pas totalement écartée, il serait très mal avisé de démanteler les fondements de l' économie étatiste, tel le secteur de l' industrie publique, et ce, quels que soient ses dysfonctionnements propres .Hormis quelques mesures de changement purement formelles, le régime se gardera bien d' engager le pays sur la voie de réformes d' ordre structurel susceptibles de provoquer un mouvement de mécontentement social ou de favoriser l' émergence de centres de pouvoir économiques autonomes - comme cela pourrait être le cas avec une privatisation massive ou avec l' établissement d' un secteur bancaire privé .
Troisièmement, la nature et la structure du pouvoir en Syrie ne changeront pas tant que persistera la menace d' une confrontation militaire .Le pluralisme contrôlé permet à certains réformateurs à l'intérieur de le régime et aux milieux d' affaires de faire entendre leur voix .Mais aucune véritable mesure de libéralisation politique - telle que l' autorisation de créer 0 des partis politiques indépendants de le Front national progressiste dirigé par le Ba'th , une compétition électorale entre ces partis ou une presse indépendante - ne sera envisagée ou tolérée tant que les conditions régionales exigeront de la Syrie qu' elle serre les rangs " .Enfin, le président Assad ne modifiera pas la composition de l' équipe au pouvoir sans la perspective de résultats positifs concrets au niveau de le processus de paix .Certains des fidèles du président Assad ont atteint l' âge de la retraite et sont sur le point d' être remplacés .Une nouvelle génération d' officiers de l' armée et de les services de sécurité ont été formés pour prendre la relève .Les personnalités-clefs telles que Abdel-Halim Khaddam , Hikmat al-Shihabi , Mustafa Tlas et quelques autres conserveront néanmoins leurs fonctions ne serait -ce que pour aider le président syrien à gérer le processus de paix .Cela est d' autant plus probable que ce processus est aujourd'hui extrêmement précaire .des personnalités plus jeunes, telles que l' ambassadeur de Syrie à Washington , continueront à mener l' essentiel de les négociations mais le rôle de la vieille équipe à le pouvoir formée de militaires d' expérience et de confiance , ainsi que de " gesti restera indispensable pour gérer les véritables défis : soit la finalisation et le succès des négociations, soit, dans le pire des cas, l' effondrement de celles -ci menant à la confrontation militaire .
L' ensemble de ces facteurs vont dans le sens de la continuité ; ils contribuent également à rendre la Syrie fiable et permettent à ses partenaires comme à ses adversaires de calculer et de prévoir l' attitude de ses dirigeants .Cela est important pour une issue heureuse au processus de paix .Dans le même temps et paradoxalement, cet état de choses favorise l' immobilisme qui caractérise la vie politique en Syrie, la peur du changement, et augmente les risques de se retrouver loin derrière les autres acteurs régionaux qui ont d'ores et déjà commencé à se préparer pour intégrer la nouvelle division du travail au Moyen-Orient .
La Syrie a réitéré à maintes reprises et de façon explicite sa volonté de reprendre les négociations avec Israël .des discussions sérieuses - et non pas le type de négociations purement formelles qui ont dominé la période allant de Madrid à la défaite de le gouvernement Shamir - ne sauraient cependant être envisagées sans un changement de majorité en Israël ou, perspective plus improbable, sans un revirement dans la stratégie du gouvernement de Netanyahou vis-à-vis de la Syrie et d' un éventuel retrait du Golan .Dans les deux cas, les négociations ne reprendront pas nécessairement " là où elles ont été suspendues " ( comme le réclame officiellement la Syrie ), mais plus vraisemblablement sur la base de un accord de principe selon lequel l' objectif du processus est de parvenir à une " paix totale " en échange d' un " retrait total " .À cet égard, la formule de Itzhak Rabin " la profondeur de le retrait sera proportionnelle à la profondeur de la paix " est aujourd'hui perçue par des responsables au sein de les services de sécurité en Syrie comme un principe rationnel et opérationnel . [Il..._SP] Si les deux parties en manifestaient une égale volonté politique, il ne faudrait pas plus d' un an, et peut-être moins encore, pour parvenir à un règlement .Celui -ci comprendra sans aucun doute des arrangements de sécurité, tels que les dispositions concernant la présence de forces internationales sur les hauteurs du Golan ; un calendrier fixant les étapes du retrait israélien ( militaires et colons compris ) ; le principe de la normalisation des relations ; et un compromis sur la définition des frontières qui permettra à la Syrie de récupérer la majeure partie des territoires à l' ouest de ladite " frontière internationale " de 1923 ( qui correspond à la frontière séparant les territoires sous mandat britannique et françai)Parallèlement à la phase finale des négociations syro-israéliennes, les deux parties mettront au point les arrangements concernant spécifiquement le Liban .Ceux -ci, quoique négociés officiellement entre les deux délégations libanaise et israélienne, définiront les termes d' un accord de paix et d' un retrait israélien de la zone de sécurité au Liban-sud, les modalités du désarmement du Hezbollah et de la mi
Une percée significative dans les négociations de paix syro-israéliennes ouvrirait la voie à une normalisation entre l' État hébreu et le monde arabe dans son ensemble .L' impossibilité pour Israël d' établir 0 des liens avec les États arabes plus périphériques tant que il n' a satisfait pas à les revendications territoriales de la Syrie constitue en fait l'un des atouts-clefs de Damas dans le cadre de négociations futures avec Tel-Aviv . [Il..._SN] Même en cas de paix, il ne faut pas escompter un développement significatif des relations économiques et sociales entre ces deux États qui, en tout état de cause, resteront tributaires de la lutte d' influence et de prééminence régionale qui continuera pendant un temps encore à les opposer .La Syrie mettra donc en garde les autres États arabes, et notamment les pays du CCG ( Conseil de coopération du Golfe ), contre une normalisation trop hâtive avec Israël .Néanmoins, avec la restitution de ses territoires, Damas perdra l'un de ses principaux moyens de pression sur les États arabes du Golfe qui, sans pour autant lui retirer leur soutien, ne se sentiront plus redevables à la Syrie qui a toujours su monnayer sa position dans le conflit israélo-arabe .au contraire, les États du CCG seront même en mesure de exiger de la Syrie en contrepartie qu' elle soutienne sans ambiguïté leur politique et leurs intérêts dans la région .Plutôt que de continuer à lui apporter une aide financière, ils rechercheront les opportunités d' investissement, poussant ainsi la Syrie à créer un environnement économique plus favorable .
Dans un contexte de paix, la Syrie demeurera un acteur central au Moyen-Orient comme au sein de la Ligue arabe .N' étant plus soumise à la menace directe d' une guerre avec Israël, elle verra sa sécurité renforcée et son intégrité territoriale rétablie .Ses relations avec la Jordanie et l' OLP connaîtront une amélioration sensible dans la mesure où les sources de tension avec ces deux acteurs régionaux étaient causées par les divergences autour de le processus de paix . [Autre_SP] Quant à ses liens avec l' Égypte et le CCG, tout porte à croire qu' ils demeureront solides .Washington honorera la signature d' un traité de paix syro-israélien en rayant la Syrie de la liste des pays " soutenant le terrorisme ", en lui apportant une aide économique limitée et en n' opposant plus son veto aux programmes de la Banque mondiale .L' Europe, enfin , effacera sans doute une grande partie de la dette syrienne .
Dans le même temps, la Syrie verra son importance stratégique se réduire .Elle sera peut-être enfin considérée par l' Occident comme un pays ami mais perdra en contrepartie son statut d' acteur essentiel .Bruxelles, par exemple , continuera à insister sur le rôle de la Syrie en tant que partenaire à part entière dans le cadre de le projet euro - méditerranéen, mais aucun traitement privilégié ne lui sera concédé au cas où elle refuserait de se conformer aux mêmes conditions que les autres pays arabes ( application graduelle du libre-échange, introduction d' un régime d' État de droit, etc . ) . [On...] On peut également supposer que les pressions politiques sur la Syrie se renforceront, notamment de la part de les États-Unis, pour un retrait ou un redéploiement significatif de ses troupes au Liban une fois le Hezbollah désarmé .
Un accord de paix syro-israélien ne fera sans doute aucune référence explicite au Liban .Israël acceptera, selon toute vraisemblance, un maintien des troupes syriennes dans ce pays pour une période intérimaire, afin de s' assurer du désarmement effectif du Hezbollah et des autres groupes de résistance .Néanmoins, sur le moyen et long termes, la Syrie sera forcée d' adopter un profil plus bas au Liban, non pas tant suite à des pressions israéliennes ou occidentales - qui irriteront certes Damas mais auxquelles elle saura résister - que pour des raisons inhérentes aux évolutions internes propres à la Syrie et au Liban .L' impératif purement stratégique pour Damas de maintenir 0 des positions militaires avancées au pays de le Cèdre faiblira une fois que les troupes israéliennes auront évacué le Liban-sud .Sans la supprimer complètement, un accord de paix réduira de façon significative la menace d' une attaque sur la Syrie à partir de le territoire libanais et particulièrement de la Békaa .En outre, un retrait israélien et le désarmement du Hezbollah contribueront à renforcer la stabilité interne au Liban . [Present] Il y aura donc d' autant moins de raisons pour les troupes syriennes de remplir le rôle de forces de police .
Le régime syrien est également conscient du fait que l' opposition à la tutelle syrienne ira croissant une fois le Liban débarrassé de l' occupation israélienne .Il procédera sans doute à une révision " rationnelle " de sa politique libanaise .Par la suite, le degré d' interférence de la Syrie dans les affaires intérieures de son petit voisin dépendra, en large partie, de la capacité des hommes politiques libanais à rompre avec cette tradition historique consistant à entraîner de façon active les acteurs extérieurs dans leurs conflits internes .ils ils réussissaient à se prendre en main et à résoudre les problèmes politiques et sociaux de leur pays sans " assistance " étrangère, on pourrait s' attendre à ce que le redéploiement, sans cesse reporté, des troupes syriennes ait enfin lieu dans un contexte de " réduction graduelle " de la domination politique de Damas sur le Liban .La réduction graduelle signifie que la Syrie veillera à maintenir une certaine influence sur les affaires politiques et de sécurité de ce pays, principalement en plaçant des hommes de confiance aux postes les plus sensibles au sein de l' armée libanaise et du Deuxième Bureau, en soutenant des forces politiques ayant fait la preuve de leur loyauté envers Damas et enfin en opposant son veto à l' ascension " politique de personnes connues pour lui être ouvertement hostiles et qui brigueraient des postes gouvernementaux haut placés .De plus, la série d' accords conclus entre les deux États et qui couvrent tous les domaines de la coopération ( tels que la sécurité , le commerce , le travail , l' agriculture , la santé et le partage des eaux de l' Oronte ) garantira la pérennité des intérêts de la Syrie au Liban et préservera le caractère privilégié de ses relations avec ce pays même avec la fin de son système de tutelle actuel .Néanmoins, une réduction plus hâtive et même désordonnée de la présence et de l' influence syriennes n' est pas à exclure au cas où se produirait un changement de régime brutal à Damas .
Contrairement à les affirmations de certains observateurs, le président Assad n' a plus besoin de maintenir le pays dans un état de guerre pour des raisons de légitimité interne .Son régime jouit d' une popularité plus grande aujourd'hui qu' il y a dix ou quinze ans .Sa gestion du processus de paix - en engageant son pays sur la voie de la paix régionale mais sans y s' précipiter tête baissée - semble recueillir l' assentiment des partisans du pouvoir comme de ses opposants .La perspective d' une paix avec Israël a dès le départ été présentée à l' opinion publique comme " la paix des braves " et surtout pas comme une mise au rabais des aspirations nationales du peuple syrien .
La concrétisation de la paix entre les deux États conduira certainement à des évolutions significatives sur la scène politique syrienne .En tout premier lieu, le président Assad devra procéder à des changements de personnes au sein de son équipe .Cela ne soulèvera pas trop de difficultés dans la mesure où ses vieux fidèles seront d'ici là complètement exténués et probablement soulagés de prendre une retraite bien méritée .Le sentiment d' un grand nombre au sein de l' establishment syrien est que cette équipe aura fait son temps au moment où le Golan sera libéré .Le Président lui -même ne se retirera sans doute pas de la vie politique, mais s' appliquera à promouvoir à des postes de responsabilité des éléments plus jeunes, notamment parmi les officiers supérieurs travaillant en étroite coopération avec son fils et quelques technocrates " modernistes " ayant une expérience du secteur privé .Deuxièmement, une fois le traité de paix conclu ( et probablement avant qu' il ne soit ratifié par le Parlement ), Hafez al-Assad cherchera à se rallier le soutien officiel des institutions plus traditionnelles du régime, à savoir le parti Ba'th et le Front national progressiste . [Il..._SN] Il est quasi certain qu' une conférence générale du Ba'th aura lieu, afin de intégrer en son sein la jeune génération de dirigeants et avaliser l' accord de paix .Cela ne pourra se faire sans procéder à certains amendements dans les statuts et les principes du parti, très marqués par les références à l' éternel conflit avec l' entité sioniste, et ouvrira ainsi la voie à une libéralisation significative du système politique .Cela est d' autant plus probable que, jusque-là, les rigidités du système ont été justifiées par la permanence de l' état de guerre .La primauté de la confrontation avec Israël et l' impératif de serrer les rangs pour y faire face font partie des arguments légitimant le maintien de la loi d'urgence et la restriction des activités politiques au seul et unique Front national progressiste .Nombreux sont ceux qui, en Syrie, s' attendent à ce que la paix avec Israël conduise à l' instauration d' un régime plus ouvert, plus libéral et même démocratique .Ces attentes sont, nous semble -t-il, quelque peu exagérées . [Present] Aussi longtemps que le président Assad tiendra les rênes du pays, il n' y aura pas d' auto-dissolution du régimerégimePlus vraisemblablement, quelques mesures seront prises dans le sens de un renforcement du processus de pluralisme contrôlé lancé par le régime dans la première moitié des années 90 .Le modèle à suivre en l'occurrence sera probablement celui de l' Égypte - et non pas celui de la Turquie, comme le souhaiteraient certains libéraux en Syrie -, c' est-à-dire un régime aux structures encore fondamentalement autoritaires mais qui introduirait une certaine dose de pluralisme et quelques rudiments de base d' un État de droit, ce qui le rendrait plus " fréquentable " sur la scène internationale .Troisièmement, le régime entreprendra d' accélérer le train des réformes économiques .L' argument sécuritaire justifiant le maintien d' un secteur public pléthorique ne jouera plus avec la fin de l' état de guerre .Une privatisation sélective sera discutée et certains des dossiers clefs qui ne peuvent être tranchés que par le haut, comme l' établissement d' un marché financier, finiront par attirer l' attention du Président lui -même .De plus, un accord de paix syro-israélien, loin de engendrer un " Nouveau Moyen-Orient " intégré , créera nécessairement de nouvelles formes de compétition entre les économies régionales .Dans la mesure où la paix renforcera la stabilité de la région, les investisseurs internationaux commenceront à songer sérieusement à y placer leurs capitaux, et les acteurs régionaux entreront en compétition pour attirer ces investisseurs potentiels .La Syrie, comme d'autres , devra déployer de véritables efforts pour moderniser et ouvrir son économie afin de créer un environnement plus attractif pour les milieux d' affaires . [Cliv_SN] Ce sont les facteurs politiques internes qui détermineront la rapidité et l' efficacité avec lesquelles la Syrie répondra à ces pressions structurelles .Un changement qualitatif, quoique limité, au niveau de le personnel compétent, lui permettra de relever ces défis . [Il...] Il est significatif de constater qu' au sein de l' élite politico-intellectuelle syrienne, les partisans de la libéralisation économique comme ses opposants se rejoignent pour établir un lien très clair entre la " paix régionale " et " la réforme interne " .
Toute initiative dans le sens du changement se heurtera à certaines résistances . [Present_SN] Il y aura des divergences d' opinion au sein de le parti Ba'th, de la machine bureaucratique et des syndicats . [Present] Au niveau de l' appareil de sécurité, il n' y aura vraisemblablement pas d' opposition significative .Les militaires auront leur mot à dire dans la phase finale des négociations et ils considéreront le traité de paix comme étant en grande partie le leur ; par ailleurs, nombreux sont ceux qui, au sein de les services de sécurité, ont pris la mesure de l' urgente nécessité de réformer le système politique et l' économie en Syrie .Dans le même temps, Hafez al-Assad fera en sorte de protéger les intérêts corporatistes de l' appareil de sécurité .Dans ce contexte, il ne fait pas de doute que le président syrien réussira à passer outre aux oppositions émanant de la base de pouvoir traditionnelle du régime .
[Il..._SN] Quant à l' État hébreu - et contrairement à ce que pensent certains Israéliens -, il lui sera plus facile, et probablement moins risqué, de faire la paixpaixLe régime qui succédera à celui de Hafez al-Assad sera, quel qu' il soit, moins stable .Il devra en premier lieu faire la preuve de sa légitimité nationaliste à travers une surenchère dans la rhétorique populiste et ne sera de ce fait certainement pas disposé à faire davantage de concessions sur le dossier des négociations avec Israël .Les conditions syriennes pour la paix resteront donc grosso modo les mêmes .Le président Assad et la signature qu' il apposera à le bas d' un traité de paix garantiraient - dans la mesure où il existe des " garanties " en politique internationale - ce que tout autre successeur serait incapable de faire : à savoir la pérennité d' un accord et son respect même en cas de changement de régime, ainsi que la bonne mise en oeuvre de toutes les dispositions concernant la normalisation et les arrangements de sécurité .
Dans la mesure où le régime syrien est fortement personnalisé, un changement au sommet pourrait bien bouleverser l' équilibre interne et tout au moins ouvrir une ère nouvelle pour la Syrie en y modifiant l' ordre des priorités politiques .Le régime qui succédera à celui -ci sera, selon toute probabilité, plus libéral et donnera la priorité aux réformes politiques et sociales plutôt que aux questions de politique régionale .Le successeur de Hafez al-Assad sera moins expérimenté que l' homme qui a présidé aux destinées de la Syrie depuis 1970 . [Il..._SN] Il lui sera extrêmement difficile de maintenir le rôle que la Syrie a réussi à jouer pendant un quart de siècle au Moyen-Orient et cherchera de ce fait à " comprimer " sa politique régionale .La façon la plus aisée de y s' prendre est de limiter l' engagement politique et militaire au Liban - en cantonnant les forces syriennes dans une mission sécuritaire et en se désengageant de la vie politique interne du Liban - ou même d' y mettre un terme .La Syrie ne pourra plus en tout état de cause exercer le même droit de regard sur les affaires intérieures libanaises .Néanmoins, cela n' empêchera pas le développement des relations syro-libanaises, plus particulièrement dans le domaine de la coopération économique et technique .
Ces prévisions se basent sur l' hypothèse selon laquelle l' arrivée au pouvoir du successeur de Hafez al-Assad ( à la suite de le décès de ce dernier ou, moins vraisemblablement, de son renversement ou de sa propre démission ) se déroulera sans graves troubles internes ou régionaux .La pseudo-question de la succession en Syrie a été débattue pendant plus d' une décennie et demeure l' objet des spéculations les plus diverses .L' enjeu central du débat porte sur la manière dont la succession aura effectivement lieu .Deux scénarios s' affrontent . s' affrontent .Le premier affirme que la mort du Président fera immanquablement basculer la Syrie dans l' anarchie, les conflits interconfessionnels et même dans une longue guerre civile avec les risques d' éclatement du pays en mini-États communautaires .Selon ce même scénario, l' installation d' une situation d' anarchie en Syrie conduirait vraisemblablement à un départ précipité et même désordonné des troupes syriennes du Liban .Selon que le pouvoir central réussisse ou non à conserver le contrôle de ses troupes, celles -ci soit seront acheminées pour reprendre en main la capitale ou d'autres parties du territoire syrien, soit refuseront de se soumettre et tenteront de s' emparer de toute parcelle d' autorité ou de territoire qui sera à leur portée .Même si la Syrie ne devait pas se désintégrer en de petites entités ou tomber dans un scénario à la libanaise et même si l' autorité du pouvoir central devrait être rétablie à l'issue de la guerre civile, l' État syrien serait de toute manière considérablement affaibli comparé à aujourd'hui, se rapprochant davantage de la Syrie des années 50 que de l' acteur-clef qu' il était devenu au Moyen-Orient sous Hafez al-Assad .
Bien que l' on ne puisse pas écarter complètement le scénario de l' anarchie, il est loin de être le plus réaliste, ou même le plus honnête intellectuellement .Il exprime, au moins en partie, une forme de " wishful thinking " de la part de ceux qui le défendent .
Le scénario alternatif - que l' auteur considère comme le plus plausible - part de l' hypothèse selon laquelle l' État syrien sera tout à fait capable de faire face à la fois à la mort du Président et à un changement de régime . encore Ni les affrontements interconfessionnels, ni une situation d' anarchie, ni moins encore la_NEW_ la guerre civile ne constituent des options sérieuses et cela pour de nombreuses raisons .La plus importante est que la légitimité de l' État n' est plus remise en cause aujourd'hui - comme c' était le cas dans les années 50 et 60 - et un sentiment d' appartenance nationale s' est développé dans l' ensemble du pays .Toutes les composantes ou presque de la société syrienne, la bourgeoisie et l' appareil de sécurité inclus , ont intérêt au maintien de l' État, de sa stabilité et, autant que possible, de son poids régional .La quasi-situation de guerre civile qui a prévalu de 1979 à 1982 constitue une expérience qu' aucun des plus importants acteurs sociétaux ne souhaiterait revivre .L' intérêt général à éviter toute forme de déstabilisation est tel que l' on ne saurait exclure, dans le cas de une vacance du pouvoir présidentiel, que les institutions de l' État jouent pleinement leur rôle .Ainsi, dans le but de prévenir les risques de chaos, les responsables militaires et de la sécurité respecteraient les dispositions constitutionnelles réglant le problème de la succession, comme ce fut le cas en Égypte lorsque Anouar al-Sadate succéda à Gamal Abdel Nasser . [Present] À la différence des années 60, il n' existe plus aujourd'hui un corps d' officiers hautement politisé dont l' objectif serait de bouleverser les structures socioéconomiques existantes .L' appareil sécuritaire s' est transformé en une force conservatrice, capable de préserver à la fois ses intérêts corporatistes et les structures sociétales actuelles .De plus, l' armée syrienne a démontré jusque-là un degré de cohésion interne certain .Au cas où les officiers de l' armée viendraient à douter de la capacité d' un régime civil post-Assad à remplir son rôle, ils auraient probablement recours à une prise de pouvoir militaire . [On...] De même, on ne saurait sous-estimer la capacité des différentes branches des services de sécuritésécuritéEn dépit de leurs divergences d' intérêt dans d'autres domaines, les principaux " barons " de la sécurité en Syrie voudront coûte que coûte conserver le contrôle de la rue et sauront parfaitement s' y prendre .
[Interro] Même parmi ceux qui estiment une transition relativement douce du pouvoir syrien actuel plus probable que le scénario du chaos, il existe 0 des différences sur l' identité même de le successeur de Hafez al-Assad : serait -ce, avec l' accord tacite ou explicite des forces de sécurité, un autre officier alaouite, peut-être même le fils du président, Bachar, ou alors un responsable politique ou militaire sunnite ?Toutes les réponses restent spéculatives .Et bien que la question de savoir qui sera aux commandes en Syrie soit d' une grande importance, l' avenir de ce pays - de son évolution interne comme de son poids régional - ne dépend ni de l' enjeu confessionnel ( si le prochain président est alaouite ou sunnite ), ni de la nature et de la forme de la succession au pouvoir actuel, " dynastique " ( au cas où Bachar al-Assad succéderait à son père ) ou plus républicain . [Il..._SP] Il faudrait plutôt s' interroger sur la future élite politico-administrative qui sera en charge des affaires du pays .Pour gérer efficacement les défis internes et régionaux à moyen terme, la Syrie devra se doter de dirigeants politiques et administratifs ( à tous les échelons du pouvoir et pas seulement au sommet ) dont la vision du monde soit radicalement différente de celle de la classe politique actuelle .Cette nouvelle élite devra adopter une approche qualitativement différente de l' État, de l' économie et de la notion de sécurité nationale : elle devra penser en termes de citoyenneté plutôt que en termes de contrôle, en termes de compétence plutôt que de favoritisme et enfin en termes de sécurité mutuelle plutôt que de équilibres à somme nulle .
L' Europe a un intérêt réel à établir une relation de partenariat solide avec la Syrie et à l' intégrer dans une architecture de sécurité euro - méditerranéenne .Le but de cette étude n' est pas de fournir une liste de prescriptions à l' intention des responsables européens .Seules quelques suggestions sont proposées sur les principes qui, selon l' auteur et à la lumière de les scénarios décrits plus haut, devraient guider les politiques européennes vis-à-vis de la Syrie .
L' UE et certains États européens pris individuellement ne pourront jouer qu' un rôle très limité dans le processus de négociations entre Israël et la Syrie .La Syrie, tout comme le Liban et les Palestiniens , fait peut-être davantage confiance à l' UE qu' aux États-Unis .Mais, connaissant les limites des pressions que l' Europe est en mesure de exercer efficacement sur l' État hébreu, ils continueront à solliciter la médiation américaine lorsqu' ils estimeront qu' une intervention extérieure de poids est nécessaire pour finaliser un accord .La politique méditerranéenne de l' Europe peut néanmoins apporter une contribution spécifique au processus de paix, en fournissant notamment le cadre d' un dialogue permanent même quand les négociations directes sont dans l' impasse . [Il..._SN] Afin de corriger cette perception d' un Occident globalement plus favorable à l' État hébreu, il est tout aussi important que l' Europe maintienne fermement ses positions de principe soutenant une paix globale qui garantirait à la fois la sécurité d' Israël, le droit des Palestiniens à l' autodétermination et le rétablissement de l' intégrité territoriale de la Syrie et du Liban .L' Europe devrait exprimer très clairement sa volonté d' apporter un soutien financier et technique à un éventuel accord de paix ( y compris l' engagement de troupes de certains États européens ou l' envoi d' un contingent européen dans le cadre de forces de maintien de la paix dans le Golan ou au Liban-sud, au cas où les pays concernés le souhaiteraient ) .Dans le même temps, l' UE devrait tenter de faire entendre aux Israéliens que, s' ils désirent réellement parvenir à un règlement satisfaisant avec la Syrie, ils seraient beaucoup plus avisés de négocier aujourd'hui avec Hafez al-Assad plutôt que de attendre ses successeurs éventuels .
La politique méditerranéenne de l' Europe et les relations bilatérales syro-européennes constituent un élément fondamental de la nouvelle configuration régionale au Moyen-Orient de l' après-paix .Ces deux facteurs alimentent les attentes de la Syrie ( comme celles d'autres pays ) sur ce que sera et à quoi ressemblera l' environnement régional au lendemain d' un règlement du conflit israélo-arabe .De ce fait, en traitant la Syrie comme la pierre angulaire du partenariat euro - méditerranéen, l' UE peut et devrait s' employer à calmer les craintes syriennes d' une marginalisation dans le cadre de un " Nouveau Moyen-Orient ", selon l' idée chère à Shimon Pérès et à rassurer la Syrie sur l' importance du rôle qu' elle sera amenée à jouer dans la nouvelle division régionale du travail en période de paix .
L' un des principes directeurs de la politique européenne devrait être de traiter avec le Liban comme avec une entité autonome et indépendante - et non point comme une annexe de la Syrie .L' Europe ne peut et ne doit pas consentir à ce que Damas exerce un droit de regard sur les relations libano-européennes .L' Europe doit également être très claire sur le fait qu' elle considère la présence militaire syrienne au Liban comme légitime mais provisoire - et légitime seulement dans la mesure où elle demeure provisoire et dans le cadre défini par les accords de Taëf .
La politique de l' Europe à l'égard de la Syrie devrait concentrer ses efforts pour aider ce pays à s' adapter à un environnement régional en mutation .La Syrie n' est pas un État pauvre et l' aide financière européenne dont elle bénéficie, bien que appréciée, n' atteindra jamais ni le niveau ni l' adéquation de l' aide en provenance de les pays arabes du Golfe .Là où l' Europe est mieux équipée que les riches alliés pétroliers de la Syrie, c' est au niveau de l' aide qu' elle peut apporter pour lui permettre de développer son système légal et institutionnel, son infrastructure éducative et, surtout, ses ressources humaines ( dans le secteur privé comme dans l' administration publique ) afin
AUTEUR : Joseph Bahout*
[On...] On a trop souvent tendance à oublier que l' accord de Taëf - mettant fin à la guerre du Liban - comprenait presque sur pied d' égalité deux volets consacrés à l' interne et à l' externe ; tandis que le premier incluait un ensemble de réaménagements de l' édifice institutionnel et politique, le second était consacré à la souveraineté libanaise avec, pour partie principale, les lignes directrices des futures relations libano-syriennes . [On...] On a aussi trop tendance à oublier que c' est au moment où ces mêmes accords de Taëf devenaient effectifs qu' un nouvel ordre stratégico-politique s' ébauchait au Moyen-Orient dans la foulée de la deuxième guerre du Golfe et que c' est, surtout, à ce même moment que s' annonçaient les voies du processus de paix entamé quelque temps plus tard à Madrid .Cet enchaînement faisait d'ailleurs un bien curieux écho à quantité d' analyses averties, récurrentes dans les milieux libanais depuis 1975, ainsi que à des certitudes populaires bien ancrées, selon lesquelles il ne saurait y avoir de solution au conflit libanais sans solution durable de la question israélo-arabe .
[Il...] Si les causalités sont loin de être aussi directes - et les déterminismes aussi simples - entre les deux dossiers belligènes, il n' en demeure pas moins frappant qu' à l'heure où le processus de paix semble durablement enlisé, la question d' un avenir viable pour le Liban peut être à nouveau légitimement posée aujourd'hui .Dans un premier temps, par sa structure à deux étages, l' accord de Taëf faisait de la Syrie le garant principal de l' application des réformes et y liait ainsi en partie sa présence dans ce pays .Dans un deuxième temps, et par le fait d' évolutions régionales et plus proprement libanaises qu' il n' y a pas lieu de rappeler ici, la Syrie faisait passer son rôle libanais à un stade supérieur, devenant un acteur interne de la vie politique libanaise, quitte à y apparaître parfois comme le décideur exclusif .L' entrée de la Syrie dans le processus de paix , sans en être l' explication unique , est sans doute pour beaucoup dans ce processus de tutellisation rampante .Elle l' est, d'abord, par l' acquiescement implicite dont cette tutellisation fait l' objet de la part de les États-Unis, parrains et architectes en chef des négociations, soucieux de rassurer le plus possible Damas quant à son principal acquis régional à l'heure où tout, dans la région, connaît des transitions aussi rapides qu' imprévisibles .Elle l' est, ensuite, par le fait que cet acquis devient de plus en plus précieux pour la Syrie après les paix séparées d' Oslo et de Wadi Arba qui voient les Palestiniens et la Jordanie échapper à la coordination arabe telle que la comprend Hafez al-Assad .Ainsi laissé par la majeure partie de la communauté internationale en tête-à-tête avec son puissant voisin syrien, le Liban voyait le temps mort de la négociation l' effacer graduellement comme sujet sur le plan diplomatique, et son tuteur mettre à profit cette fenêtre d' opportunité pour institutionnaliser son emprise et rendre l' ingestion le plus difficilement réversible .D' où l' hypothèse la plus partagée, et qu' il s' agira de soumettre à l' examen ici, selon laquelle un déblocage des négociations et l' aboutissement à un règlement syro-israelien ne manqueraient pas de se traduire par un affaiblissement de l' emprise syrienne
Le présent article se propose donc d' explorer les avenirs possibles du Liban dans un tel contexte, en prenant en considération les champs politico-sécuritaires et socioéconomiques .aux niveaux de la situation du Sud, de la relation régissant le couple syro-libanais, des institutions et forces politiques internes, et de la reconstruction et de le socioéconomique , le diagnostic de l' effet pervers de l' état actuel de " ni paix , ni guerre " qui se prolonge dans la région sur la situation libanaise conduira à constater une déperdition croissante de la réalité libanaise en termes de souveraineté et de vitalité politique .Si l' ordre actuel au Liban est celui de la fin d' un état de guerre, il est encore loin de être celui d' une pleine paix civile dont le sens s' imposerait à tous . [Present] À partir de cet état des lieux, il s' agira alors d' examiner, par une approche aussi prospective que possible, les probabilités d' inversion de la dégradation en cours, et ce, en cas de reprise sérieuse des négociations de paix et en cas de percée réelle sur le volet syro-israélien .
Sept ans après le début du processus de paix ouvert à Madrid en 1991, la situation du Liban comme acteur étatique et comme négociateur à part entière a quelque chose d' ironiquement paradoxal . De tous les États appelés à se joindre à la négociation, le Liban était en effet le seul dont la lettre d' invitation faisait figurer autre chose que la seule résolution 242 comme base de règlement de son contentieux avec Israël .Fort, lui , d' une autre résolution de le Conseil de sécurité ( la 425 ) , il s' écartait ainsi insensiblement du principe directeur de la négociation, à savoir " La terre contre la paix ", pour - du moins la diplomatie libanaise l' a -t-elle pensé un moment - aller devant les instances internationales réclamer tout simplement, serait -on tenté de dire, un retrait israélien inconditionnel du sud du Liban .À ceux qui, au sein de la classe politique libanaise issue de Taëf, considéraient alors qu' en entrant dans un forum où les retraits étaient conditionnés par des traités de paix, le Liban perdait sa carte diplomatique maîtresse, ou encore à ceux qui, au sein de la même classe, estimaient que l' attitude du Liban constituait un écart à leurs yeux inacceptable par rapport à la stratégie syrienne résumée par la résolution 242, la diplomatie libanaise répondait par un argumentaire en deux temps : la 425 devra uniquement assurer un retrait militaire du Sud et cette étape ne s [Cliv] C' est alors que le Liban se joindra à ses pairs arabes, étape politique et diplomatique, pour signer avec eux, et pas avant, une paix " juste et globale " basée sur la résolution 242 .Pour logique qu' il soit, cet argumentaire occultait deux choses : d'une part, il n' intégrait pas réellement ce qui se passait au même moment sur le terrain, c' est-à-dire dans le Sud occupé, où la résistance opérée par le Hezbollah doublait la dynamique politique des négociations libano-israéliennes par une logique militaire qui finirait, forcément, par imposer d'autres temporalités et d'autres équations .L' argumentaire n' admettait pas assez, d'autre part, que l' objet de ses propres négociations, le Sud, ne soit plus exclusivement sien, mais revête maintenant une fonctionnalité essentielle dans la stratégie négociatrice syrienne, comme l'un des derniers leviers à même de amener Israël, sous la pression des coups portés par la résistance, à débloquer l' impasse sur le Golan d'abord et à y concéder davantage ensuite . [Cliv_SN] C' est l' alignement graduel de la position officielle libanaise sur ce dernier point, ainsi que l' instrumentalisation à outrance par la Syrie de la carte libanaise, qui vont progressivement mettre un terme à la singularité et à la distinction offerte au Liban par la résolution 425 et miner son existence comme acteur régional autonome .Alors que les négociations libano-israéliennes s' arrêtent définitivement au bout de le 12e round, la Syrie reprend les siennes en incluant dans ses dossiers la question du Sud ; négociations dont elle tient quand même le Liban informé - a posteriori, il est vrai .La " concomitance de les deux volets " ( Talazum al-masarayn ) , comme l' appelle désormais le lexique officiel libanais , devient dès lors l' unique doctrine diplomatique du pays ; seulement, elle n' est nullement comprise comme un parallélisme résultant de la coordination entre deux acteurs étatiques agissant de concert, mais comme l' attente libanaise passive que quelque chose se débloque sur le front syrien pour pouvoir revenir dans le jeu .De cette subordination en découlent alors bien d'autres, qui ont pour résultat de dévoyer le rapport existant au départ entre la présence syrienne au Liban et les dynamiques internes en cours dans ce pays . [SujetInv_SP] À l' équation de Taëf qui liait la mise en oeuvre des réformes à le redéploiement militaire syrien et à la redéfinition de les " relations privilégiées " , succède une équation qui, implicitement, fait de la présence syrienne une fonction de la donne régionale .D' où l' évidence selon laquelle le temps mort des négociations est un temps durant lequel se perpétue et s' aggrave le rapport inégal syro-libanais, avec les conséquences politiques et économiques internes qui en résultent .
[Il..._SN] Il est désormais admis que la carte libanaise est l' atout régional le plus précieux entre les mains de la Syrie . [Cliv_SP] Aussi, c' est sur le couple syro-libanais que se concentreraient pressions des uns et réactions des autres pour tenter de modifier le statu quo, et dans un contexte pareil, l' utilisation du terrain libanais pour amener la Syrie à plus de souplesse dans la négociation n' est pas à exclure .L' éventail des instruments est à ce niveau multiple, empruntant le biais du socioéconomique et de la dette libanaise croissante, jouant sur le ressentiment politique du camp chrétien, ou prenant aussi le visage de la " légalité internationale " en ouvrant plusieurs registres sur lesquels le Liban est perçu comme en manquement ( drogue, asiles de terroristes recherchés, ou encore droits de l' homme non respectés ... ) .Un degré supérieur de pression serait par ailleurs celui de la déstabilisation sécuritaire de faible ou moyenne intensité .Face à les cas de figure évoqués, l' alternative de Damas serait de s' agripper avec encore plus de force à son acquis régional .Dans ces cas extrêmes, le recours de la Syrie elle -même à la violence n' est pas totalement à exclure .Toutefois, une logique de ce type est lourde de risques, ne serait -ce que parce que elle mettrait en lumière une carence essentielle du rôle dévolu par la communauté internationale à la Syrie au Liban, à savoir celui de mettre à profit le temps de sa gestion libanaise pour y consolider la paix civile .
En cas de blocage prolongé dans la région, et aussi éloignée qu' une telle éventualité puisse paraître, le retour de la violence armée sur la scène libanaise ne saurait être exclu .L' ancienne équation " paix libanaise si paix régionale " redeviendrait alors opératoire . Nombre de dynamiques internes libanaises se prêtent d'ailleurs à un tel appel belligène .La guerre s' est achevée sur un sentiment de réconciliation incomplète ; perçu ou réel, ce sentiment exprime l' idée que la guerre a clairement fait des vainqueurs et des vaincus .À d'autres niveaux aussi, beaucoup de comptes sont encore à régler entre les différentes factions libanaises, et leur règlement par les armes n' est pas - comme on pourrait le penser - unanimement rejeté, si les conditions régionales le permettaient - en assurant l' approvisionnement en armes et les prolongements d' alliances .De telles attitudes trouvent des relais jusqu' au sein de le pouvoir, dont les pratiques ont généralisé un regain de crispation communautaire devenue depuis sept ans une véritable culture politique dominante . [Autre] Aussi, force est de constater qu' aujourd'hui au Liban s' expriment dans certains milieux, et se lisent à certains indices, des perceptions qu' un climat semblable à celui de l' année 1975 couve sous la cendre ...Bien sûr, d'autres forces travaillent les sociétés civile et politique libanaises ; des forces qui tentent de démontrer que la guerre a été une véritable leçon et que la violence ne saurait rien régler .La transversalité de ces forces est toutefois encore bien faible et leur impact limité à certains cercles élitaires, sinon marginal .Il l' est d' autant plus que les partenaires extérieurs du Liban, ignorant trop souvent ces dynamiques pourtant dignes d' être investies, préfèrent se donner pour seul interlocuteur un Liban certes officiel, mais lourdement hypothéqué .
L' éventualité d' un regain de tension violente à le Liban acquerrait plus de consistance encore - mais aussi plus de complexité - si elle venait à se greffer sur, ou à avoir lieu à un moment où la situation interne syrienne risque de se compliquer en raison de la transition délicate que ne manquera pas d' ouvrir la succession du président Assad .Ce texte n' est bien sûr pas le lieu d' envisager des scénarios de cet ordre, mais il est nécessaire de remarquer que l' imbrication des espaces politiques libanais et syrien a atteint un degré tel qu' il est difficile d' en séparer les dynamiques strictement internes et d' en délimiter des effets circonscrits .Le va-et-vient entre ces deux espaces est loin de être à sens unique ; depuis vingt ans maintenant que le pouvoir syrien pratique et fréquente le Liban, ses crises et ses modes de production sociales et politiques, nul ne sait plus très bien qui des deux acteurs a le plus teinté l' autre . [Il...] Dans ce domaine comme dans d'autres, plutôt que de parler uniquement de domination à sens unique ou d' hégémonie unilatérale, il conviendrait aussi de parler de convergence entre deux régimes et deux types de fonctionnement .Dans un cas de figure comme celui -ci, l' espace libanais ne serait plus un espace neutre où se projette seulement la puissance syrienne, mais un espace où se projettent également les rivalités des " barons " de cette puissance .Plus encore, plusieurs indices montrent que le Liban est aussi pour eux un espace-ressource et - par procuration - un vivier de forces d' appoint pour leurs propres luttes d' influence .
En cas de blocage persistant et durable au niveau de les négociations, et si la dégradation sécuritaire était exclue - la Syrie ne pouvant ainsi contribuer à nier sa propre raison d' être au Liban -, Damas a tout de même largement d'autres moyens de s' y assurer le contrôle quasi exclusif, pour un temps du moins, en profitant de sa maîtrise devenue inégalée de toutes les ressources du jeu local . [Il..._SP] Dans pareil cas de figure, il faut s' attendre à la perpétuation sous égide syrienne des modes de gestion politique en cours aujourd'hui au Liban, sans exclure, de plus, de brusques durcissements sur des dossiers sensibles ou à même de le devenir .
L' ensemble de l' édifice politique mis en place au Liban depuis Taëf est dans ce sens parfaitement instrumentalisable .D'abord, la " troïka " présidentielle - née d' un enchevêtrement savamment dosé de les pouvoirs et de les prérogatives entre les deux branches de l' exécutif , et entre elles et le législatif - est une structure doublement propice .Elle est génératrice de divisions durables et infinies d'une part, permettant, à chaque fois, à Damas d' en réconcilier in extremis les acteurs .Elle est, d'autre part, génératrice d' immobilisme et de statu quo décisionnel, ce qui permet, à chaque fois aussi, à Damas de trancher pour l' option qui a sa faveur .En perpétuant ainsi le besoin d' arbitrage syrien, la structure constitutionnelle libanaise assure à la Syrie un " monitoring " permanent et sans failles, tout comme elle la prémunit contre tout risque de dérapage et contre toute velléité - de quelque partie libanaise qu' elle émane - d' élargissement de marge de manoeuvre .Le pouvoir étatique ainsi tenu, le contrôle s' étend par la suite à l' ensemble de la classe politique institutionnelle ou à l' activité agréée ou admise .au terme de deux scrutins législatifs, d' un long travail de pénétration du terrain qui dure depuis parfois deux décennies, d' innombrables retournements d' alliances entre les forces locales sur la scène libanaise et d' une connaissance profonde des ressorts de la sociologie politique libanai Damas peut être assurée aujourd'hui de contrôler la quasi-totalité des membres du Parlement, des partis politiques en exercice, des forces, groupes et associations à capacité mobilisatrice plus ou moins notable .Elle profite, de surcroît, en cela de la dislocation des forces traditionnellement opposées à sa politique libanaise ( les Forces libanaises, l' ossature de certaines anciennes brigades de l' armée, le mouvement aouniste, certains groupes islamistes, des réseaux arafatistes ou proches de l' OLP, les sympathisants du Ba'th irakien rival ... ) .Enfin, maîtresse des échéances diverses, Damas peut, tour à tour, les utiliser pour renforcer et consolider ses instruments de contrôle ( élections législatives, par exemple ) ou, au contraire, pour les geler et les annuler afin de éviter des tests difficiles ou gênants selon la conjoncture ( élections municipales, jusque-là ; élection présidentielle de 1995 ) .Aussi, au nom de les " circonstances ( régionales ) exceptionnelles " et des " dangers qui menacent la sécurité nationale et la paix civile ", le déficit démocratique ne cesse de se creuser au niveau de l' exercice du pouvoir, mais aussi - de façon croissante - à celui de l' exercice et de l' expression des libertés et des droits fondamentaux .
Dans un tel contexte, l' équilibre actuel - imposé mais fluctuant , entre les trois principales forces politiques libanaises que représentent Rafiq Hariri , le Hezbollah et l' armée libanaise - est appelé à perdurer . [Il..._SP] Concernant ce triangle, il est possible de parler de trois projets politiques sensiblement divergents en termes d' objectifs, de stratégies et d' alliances locales et régionales .Leur compétition et leurs différends restent toutefois pour l' heure inscrits dans une équation de conflit et de coopération très précisément rythmée et dosée par l' impératif de leur subordination à ce que les libanais appellent désormais le " plafond syrien " ( As-saqf as-sury ) .
Par son ambitieux projet de reconstruction, et la dynamique économique que cela provoque et entretient, Rafiq Hariri joue sur un besoin syrien de stabilité économique et sociale au Liban dans la période d' attente qu' imposent à tous les négociations . [Cliv_SN] C' est cette logique qui a largement présidé à sa nomination comme Premier ministre en 1992, à l'issue de les élections législatives controversées auxquelles il n' avait pas directement pris part, et à un moment où la crise économique libanaise atteignait la côte d' alerte .Certes, par ailleurs, Rafiq Hariri incarne et représente bien d'autres aspects et bien d'autres fonctionnalités .Présent dans les coulisses du jeu politique libanais depuis près de quinze ans, son entregent, sa surface financière et ses réseaux lui confèrent une possibilité non négligeable de convertir l' ensemble des forces politiques de la guerre en forces de gouvernement .D'autre part, sa facette saoudienne, ses relations d' affaires et personnelles avec plusieurs dirigeants de le Golfe , d'autres parties de le monde arabe et de certains pays industrialisés , constituent des atouts sur lesquels Damas peut s' appuyer pour gérer la période difficile d' adaptation aux nouvelles règles du jeu international, de négociations et de gestion de la carte libanaise dans un environnement volatil .
Considérant la centralité que la résistance au sud occupe dans la stratégie négociatrice syrienne, le Hezbollah acquiert une place prépondérante, et souvent à part, dans le jeu politique libanais .Son exception provient bien sûr de l' activité militaire qu' il est désormais pratiquement le seul à entreprendre contre Israël, ce qui l' a exempté de se soumettre à la dissolution des milices à la fin de la guerre .Mais elle provient aussi de ce qu' il est l' expression la plus évidente de l' alliance syro-iranienne .D' un point de vue strictement libanais, les analyses et les degrés d' acceptation du fait que représente le Hezbollah sont multiples et diverses . " Contre-société " potentiellement dangereuse ( car porteuse de projet de théocratisation de la vie politique ) pour les uns, vecteur d' ingérence syro-iranienne ( à l'origine de la prolongation de l' épreuve du Liban-sud ) pour d'autres, le Hezbollah est aussi considéré par beaucoup comme un parti politique - aux spécificités certes notables - somme toute parfaitement intégré au jeu politique libanais, voire banalisé . [Autre] Ce qui est invoqué à cet égard est l' entrée du parti dans le paysage parlementaire dès 1992, ses positions relativement modérées sur plusieurs questions internes et ses relations très largement étendues à toutes les parties libanaises : autant de caractéristiques qui font de lui une force semblable à d'autres forces dites de " l' opposition institutionnelle " . [Il..._SN] Il reste évident que l' importance du Hezbollah s' impose à tous, ne serait -ce qu' en raison de sa fonction - en concurrence avec le mouvement Amal - d' encadrement et de mobilisation effective et symbolique d' une partie de la communauté chiite, et de la place qu' occupe désormais cette dernière dans tous les équilibres libanais .
La fin de la guerre a fait apparaître un besoin pressant de sécurité .L' armée libanaise, devenue au fil de le conflit l'un de ses acteurs majeurs , se voit alors confier, en étroite collaboration avec les troupes syriennes stationnées au Liban, le rôle de gardien de l' ordre et de la paix civile . [NoSaber] À la croissance numérique qu' un tel rôle impose, s' ajouteront par la suite d'autres fonctions que l' armée se donnera .Face à le projet de la résistance et à ses débordements potentiels, l' armée joue - vis-à-vis des parrains du processus - le rôle de garant, afin que les termes de tout arrangement soient respectés ; corollairement, elle suggère, également aux partenaires étrangers, qu' en cas de défaillance soudaine de la présence armée syrienne - pour des raisons qu' il n' est pas possible de discuter ici - elle serait prête à remplir le vide sécuritaire, mais aussi à parer à toute potentielle défaillance politique .Face au projet " tout-économique ", l' armée se donne une image de creuset intégrateur de la nation et de ses générations montantes, multipliant publications, camps de jeunes et campagnes diverses de civisme .Plus encore, face à la dégradation de l' image de la classe politique libanaise, elle se pose aussi en recours possible, en jouant de surcroît sur une opinion dont de vastes segments ne seraient pas hostiles à un scénario bonapartiste .
Représentant la reconstruction, la résistance et la sécurité, ces trois forces expriment - parfois lourdement - des divergences découlant de leurs logiques intrinsèques, mais dont les expressions reflètent aussi les positions nuancées de leurs propres alliés et protecteurs respectifs au sein de le leadership syrien, quant à les politiques à suivre au Liban ou envers le dossier régional .Les membres de ce leadership, en retour , jouent de ces différences, afin de mettre en avant telle ou telle option en fonction de l' état d' avancement du processus lui -même .
La divergence la plus flagrante , la plus profonde aussi , est celle qui oppose Rafiq Hariri au Hezbollah .En la matière, tout ou presque a été dévoilé durant les deux semaines d' avril 1996, lors de l' opération " Raisins de la colère " .Pour le Premier ministre dont la priorité absolue est son projet de reconstruction, la libération du Sud doit - autant que possible - être obtenue par la négociation .La résistance est en ce sens coûteuse, au sens propre du terme, surtout si elle devait mener Israël à exécuter sa menace de destruction des infrastructures, en riposte à sa vulnérabilité au Sud . [Cliv_SN] D'autre part, c' est la véritable opposition entre deux " projets de société " qui sépare les deux forces, les valeurs sociétales véhiculées par le Hezbollah pouvant difficilement s' acclimater avec l' imagerie du Liban de demain incarnée par les technocrates d' une économie de services, extravertie et dépendante .En présentant sa bataille législative à l' été 1996 comme étant celle de la " modération contre l' extrémisme ", Rafiq Hariri pointait aussi bien cela du doigt .Aussi, il fait peu de doute que le modus vivendi entre la formation islamiste et Rafiq Hariri doive presque exclusivement à la pression syrienne .
Entre Rafiq Hariri et l' armée libanaise, les crises ont été tout aussi fréquentes et pas toujours feutrées .des promotions d' officiers - dont le numéro deux de les renseignements militaires - bloquées par le Premier ministre , à les accusations directes lancées à les " services " pour leur immixtion dans plusieurs manifestations de la vie civile , en passant p est longue .Par deux fois, Rafiq Hariri ira jusqu' à sous-entendre que l'une des raisons essentielles de la crise économique est à rechercher dans le budget démesuré alloué aux forces armées et au traitement de la troupe .Effectivement, en absorbant une bonne partie des milices dissoutes, l' armée a vu ses effectifs s' hypertrophier depuis le début de la décennie . [SujetInv] Mais à ce développement numérique correspond aussi un changement assez profond de structure, l' armée se présentant aujourd'hui comme un corps où les officiers sont en surnombre et où les avantages sociaux et matériels qui leur sont conférés sont en croissance constante .D' instrument militaire, l' armée est en passe de devenir un véritable corps social, doté de ses logiques propres et de ses revendications corporatistes . [NoSaber] Par ailleurs, se greffent sur ces évolutions des lectures politico-communautaires de la troupe .Alors que, traditionnellement au Liban, l' armée était considérée comme l'un des outils privilégiés de l' hégémonie maronite, elle est aujourd'hui perçue comme le vecteur d' une ascendance chiite au sein de les appareils de l' État . [Cliv] Plus profondément, c' est là encore deux quasi - " projets de société " qui s' affrontent et qui cherchent, chacun, à se placer d'ores et déjà comme l' acteur de réserve idéal en cas de règlement régional .
En cas de avancée des négociations, non seulement ces équilibres seront modifiés, mais la nature et l' action mêmes de chacun de ses acteurs ( pour deux d' entre eux du moins ) seront appelées à varier sensiblement .La déflation du conflit israélo-libanais poussera sans aucun doute vers une plus grande conversion du Hezbollah en force exclusivement politique et vers une plus grande intégration de cette dernière dans les rouages institutionnels . [Cliv] C' est en ce sens que une ligne de plus en plus affirmée au sein de les cadres du parti prône, depuis un certain temps déjà, la " libanisation ", c' est-à-dire une plus grande distance à prendre par rapport à les impératifs stratégiques proprement iraniens, même si la filiation idéologique et spirituelle avec Téhéran n' est pas à remettre en question .La Syrie aura - encore plus qu' actuellement - un rôle essentiel à jouer dans ce processus, en faisant accepter à son allié local les logiques du règlement régional et en obtenant probablement pour lui, en compensation, des concessions substantielles à l'intérieur de le système libanais .Dans le cas contraire, la conversion du Hezbollah pourrait s' avérer plus problématique .L' option du désarmement forcé de le Hezbollah serait alors imposée à la Syrie ou encore à l' armée libanaise .Tant l'une que l' autre ont déjà eu des affrontements avec le Hezbollah : en 1987, lorsque l' armée syrienne ne put entrer dans la banlieue sud qu' après un assaut qui fit 27 morts dans les rangs du Hezbollah ; et, en septembre 1993, lorsque l' armée libanaise tira sur des manifestants du parti qui protestaient contre la signat faisant 13 morts dans leurs rangs . Si les rancoeurs se sont depuis éteintes, elles pourraient être suscitées à nouveau .La reconversion pourrait d'autre part être freinée - ou compliquée - par la relance, de la part de les États-Unis le plus probablement, de demandes judiciaires concernant des affaires passées de " terrorisme " et pouvant atteindre certains cadres aujourd'hui bien en vue de le Hezbollah, dont des parlementaires .Cette dernière éventualité étant bien entendu sujette à l' état des relations libano-américaines et syro-américaines à ce moment là . Quant à la coexistence du Hezbollah avec le projet Hariri dans un système où ce dernier, toutes choses étant égales par ailleurs , sera une force probablement plus autonome , elle sera sans doute fonction de l' état des relations entre la Syrie, les États du Golfe - essentiellement l' Arabie Saoudite - et l' Iran . [Il...] Il faut toutefois se figurer ce que pourrait devenir le Hezbollah comme force politique interne, si la carte de la résistance au Sud ne faisait plus partie de son arsenal discursif et mobilisateur .Dans ce sens, le parti a déjà entamé une diversification de ses thèmes d' action et de revendication, en se portant présent sur les fronts de la revendication sociale et des libertés publiques où il montre d'ailleurs une capacité notable à lier des alliances avec des forces très disparates sur l' échiquier politique libanais, jouant en cela d' une forte légitimité acquise sur le champ de bataille .Par ailleurs, une reconcentration du parti sur des thèmes politiques proches de ceux de les autres mouvements islamistes de la région - avec lesquels le Hezbollah est d'ailleurs en relation - n' est pas à exclure ; elle a toutefois pour limite de faire alors réapparaître un clivage communautaire entre les deux grandes familles de l' Islam .
Quant à l' armée, son rôle dans l' après-règlement continuerait d' être crucial .Aussi, au nom de la nécessité d' assumer l' engagement sécuritaire au Sud, elle plaidera probablement pour un accroissement de ses effectifs et de ses moyens, surtout si elle devait à la fois assurer le déploiement dans la partie méridionale et dans le reste du pays . [Cliv_SP] C' est sur cette économie des forces arméespaixLe déploiement de forces étrangères de maintien de la paix dans le cadre de les arrangements à prévoir serait en ce sens un moyen de sortir de cette logique . [Cliv] C' est du reste en se présentant comme la force concrète de substitution à l' armée syrienne que l' armée libanaise tente de promouvoir son image tant auprès de les franges anti syriennes de l' opinion qu' auprès - plus discrètement - des Etats-Unis dont elle a traditionnellement toujours été très proche .À cet égard, le travail de contrôle syrien à l' oeuvre au sein de l' armée depuis 1991 , et dont attestent le traité de défense commune et les sessions d' entraînement de les officiers libanais en Syrie , est supposé constituer pour Damas la garantie que les forces armées libanaises ne seront pas entraînées, comme elles l' ont souvent été, dans des actions hostiles à la politique libanaise . [Autre] C' est pourquoi il serait à craindre qu' en cas de divergences sérieuses entre la Syrie et les parties tierces, autour de la gestion du terrain libanais en situation de paix, l' armée ne soit l' objet de polarisations . [Il..._SN] À plus long terme, il serait cependant plus probable que la pacification de la région entraîne une diminution de l' importance de l' armée dans l' équation politique, même si elle devait conserver l' essentiel de ses acquis sociaux . [Il...] À cet égard, il faut rappeler que ce débat est propre à l' ensemble des États de la région : la démobilisation entraînera -t-elle un recul d' influence des militaires dans la vie politique des sociétés concernées ou, au contraire, cette influence sera -t-elle appelée à s' affirmer, parfois sous l' encouragement des parrains de la paix, pour garantir les engagements pris ?Dans le cas du Liban, un facteur supplémentaire s' ajoute à cela .La coexistence entre l' armée et le projet Hariri, toujours en cas de pacification , pourrait se faire sur le mode " taiwanais ", c' est-à-dire celui de la nécessité d' assurer les investisseurs étrangers et leurs capitaux contre des risques de mécontentement social ...
En cas de percée sur le volet syro-israélo-libanais des négociations et en cas de desserrement de l' emprise syrienne sur le Liban, la relève libanaise et la viabilité politique de le pays dépendraient encore d'autres facteurs, largement internes .Les hypothèques à ce niveau sont nombreuses .En premier lieu, la grande fragmentation de la société libanaise, aggravée par quinze années de guerre, et dont l' histoire montre qu' elle est une source récurrente d' appel à l' ingérence extérieure dans les affaires du pays mais aussi de ses communautés . La classe politique libanaise reflète, amplifie et sans doute recrée les conditions de cette fragmentation ; elle y ajoute un égoïsme indépassable et une culture politique souvent étroite et " paroissiale " .En contrepartie, une contre-élite foncièrement différente - et à même de jouer des rôles de nature et d' envergure qualitativement autres - n' a pas émergé ou, du moins, n' est pas prête d' être structurée autour de projets lisibles et repérables .Pour une bonne part, elle est d'ailleurs le fait de personnalités de l' ancienne classe politique ou de ses héritiers, souvent marquée par des velléités revanchardes .des personnalités politiques se détachent pourtant, et contribuent encore, par des positions courageuses et notables, à préserver un minimum d' immunité à la vie politique libanaise .Leur action reste toutefois individuelle et le moindre de leurs échecs n' est pas justement cette incapacité à fédérer des positions par ailleurs attendues par une large part de la société .Le poids de la tutelle et celui de les blocages régionaux sont certainement à cet égard un facteur à prendre en compte . [Il..._SN] Il reste que la nécessité de recréer les circuits de recrutement et de mobilité d' une nouvelle élite politique, mais aussi administrative, est pressante si le Liban doit, dans un Proche-Orient pacifié, affronter des défis d' un tout autre ordre que ceux qu' il a connus jusqu'ici .Dans ce sens, l'un des atouts majeurs du projet Hariri est justement de pouvoir se présenter comme un vecteur politique de transversalité dans la société libanaise et comme porteur d' une modernisation - certes coûteuse et autoritaire . [SujetInv] Reste que la culture politique suggérée tant par son discours que par certaines des mesures prises depuis cinq ans laissent entrevoir une distance certaine entre ce projet et des pratiques pleinement démocratiques .Quoi qu' il en soit, la principale limite du projet Hariri reste dans sa propre surévaluation .En accréditant - ou ne laissant se confirmer - la thèse de la " non alternative " ( La badil ) à ce projet, le Liban court le risque - auquel il a jusque-là échappé - d' aligner son système politique sur celui de l' ensemble des États arabes de la région, en raison du manque total d' alternance et de la non circulation de leurs élites, tal d' alternance et de la non circulation de leurs élites, leur difficulté à entrevoir avec sérénité la succession politique ou naturelle de leurs dirigeants .
La perpétuation du statu quo actuel se paie d'ores et déjà en forte déperdition du potentiel économique libanais . [Il...] Il est difficile de ne pas voir que l' essentiel du projet économique engagé après la guerre, et qui prendra une ampleur et une vitesse grandissantes à partir de 1992 avec l' arrivée directe au pouvoir de Rafiq Hariri, est basé sur l' hypothèse, faite alors, que la paix serait installée dans l' ensemble de la région quelque deux à trois ans plus tard .Au moment de son entrée en fonctions en octobre 1992, le Premier ministre promettait aux Libanais des réalisations considérables pour le printemps suivant .La plupart des rapports rédigés au tout début des années 90 prévoyaient la réduction quasi totale du déficit public libanais dès 1994-1995, un taux de croissance soutenu de 8 à 9 % à partir de ces mêmes années, le début du passage de l' investissement public en travaux d' infrastructure à des investissements plus productifs, etc . [Il...] Il est facile de constater aujourd'hui le caractère plus qu' optimiste de ces projections et de ces promesses .Bien sûr, la réparation de l' infrastructure physique du pays a été largement entamée .Elle est toutefois encore insuffisante alors qu' une majeure partie des sommes qui lui étaient allouées ont été dépensées .Ces dépenses comprennent une large part de coûts et de frais non pris en compte au départ, et que l' on peut sans risque attribuer à la situation alarmante de l' administration, mais aussi et surtout aux blocages et nuisances politiques - locales et régionales - qu' il s' agit chaque fois de surmonter ou de contourner financièrement .Alors que le coût global de la reconstruction était censé se chiffrer à environ 20 milliards de dollars, la seule dette publique libanaise - interne et externe - atteint déjà 13 milliards de dollars .
[Il..._SP] En cas de blocage durable des négociations, il faut s' attendre à la perpétuation de la morosité économique, à la dégradation de l' état des finances publiques, à l' accroissement de la dette - ou au moins de son service - sans décollage réel de l' activité productive .Les taux d' intérêt élevés , outils d' une politique monétaire restrictive destinée avant tout à la défense de la stabilité de la monnaie nationale , découragent une bonne partie des investissements productifs au plan local, réduisent le niveau de la consommation et gonflent artificiellement la bulle spéculative foncière .Les investisseurs étrangers, lorsqu' ils s' installent à le Liban , le font en " stand-by ", par le biais de petites structures, mobiles et peu coûteuses, dans une logique de prise d' options au cas où les choses se débloqueraient dans la région . [Present] Quant à les capitaux libanais à l' étranger, estimés à plus de 30 milliards de dollars, et sur lesquels beaucoup d' espoirs se fondent, il s' agit d'abord de voir quel est leur degré de mobilité, quel est encore leur degré de " libanité " et, enfin, quelles sont les conditions politiques que leurs détenteurs attendent pour les diriger vers leur pays d' origine .Dans le même temps, les pesanteurs et blocages politiques rendront pratiquement impossibles et vaines les tentatives de réforme administrative - si elles ont lieu .Ainsi, la corruption qui grève les finances publiques est appelée à perdurer .Un déficit accru par le fait que la situation sociale devenant de plus en plus critique , il sera difficile à l' ensemble de la classe politique de priver le corps social des fonctionnaires de la prébende que constituent pour eux l' emploi public et ses avantages en nature .Ces considérations macroéconomiques se traduisent douloureusement sur le niveau de vie des Libanais .Si la classe moyenne à l' assise autrefois large n' en finit pas de s' étioler depuis le début de la guerre, l' après-guerre a vu se développer une nouvelle pauvreté aux proportions objectivement alarmantes . [Cliv] C' est dire que le blocage persistant de la situation régionale aura donc pour effet d' entamer sérieusement la crédibilité et l' image - au départ très avantageuses - de Rafiq Hariri comme opérateur économique et comme homme miracle de la convalescence libanaise d' après-guerre .Si cette situation s' envenimait , ses effets pourraient même s' avérer politiquement dangereux et devenir, par contrecoup, des facteurs de crise économique syrienne, ne serait -ce que par le biais de le marché de l' emploi que le chantier libanais offre au surplus de main-d'oeuvre syrienne . [Cliv] Ce n' est d'ailleurs là pas la moindre des fonctions syriennes du projet Hariri, à savoir celui de générateur de prospérité pour la Syrie .
En dépit de tous ces signaux négatifs, l' économie libanaise garde quand même de grandes ressources de viabilité si le blocage régional était levé .Certes, comme tous les autres États de la région, le Liban aura à vivre des adaptations difficiles et parfois douloureuses, la nouvelle division régionale du travail imposant sacrifices et contraintes de type nouveau . [Il..._SN] Il est d'ores et déjà probable que le Proche-Orient économique dans l' après-paix se dessinera autour de deux ensembles plus ou moins intégrés, dont les relations seront sujettes aux considérations politiques, mais aussi à celles de l' avantage comparatif .Si la première de ces zones regroupe les " trois " - Palestine , Jordanie et Israël - , une zone " à deux " devra lui faire contrepartie, regroupant la Syrie et le Liban .Dans ce sens, les dynamiques à l' oeuvre dès maintenant dans le couple syro-libanais sont essentielles et constituent autant de chances que de pesanteurs . [Il..._SP] et Si la perception actuellement dominante est celle du modèle Chine / Hong-Kong, il est vrai qu' à maints égards, le Liban remplit pour la Syrie la fonction d' un espace économique compensatoire, il n' en demeure pas moins que le fonctionnement optimal de cet ensemble pour le bénéfice des deux parties comporte ses conditions .Il appartiendra donc au pouvoir libanais de rééquilibrer la mise en oeuvre des traités économiques entre le Liban et la Syrie, en faisant jouer pleinement la règle des avantages comparatifs, en réduisant les protectionnismes appuyés sur les rapports de force inégaux entre les deux pays et en s' éloignant - le plus tôt serait le mieux - de pratiques plus proches de la prédation économique que la Syrie exerce sur certains secteurs libanais .À ce niveau, le problème de la main-d'oeuvre syrienne , dont les estimations les plus prudentes chiffrent la ponction à un minimum de 1 milliard de dollars par an , se pose en termes particulièrement complexes, tant il mêle les considérations économiques à d'autres, plus psychosociologiques, engageant des représentations dangereusement négatives de l' autre .Par ailleurs, le Liban peut être envisagé par la Syrie aussi comme un espace de spécialisation par procuration .Certains faits signalent déjà que plusieurs entreprises libanaises servent dès aujourd'hui d' école à des cadres syriens formés pour la plupart à l' étranger .au sens plus large, d'ailleurs, l' entrée dans le marché libanais de la reconstruction d' un certain nombre d' entrepreneurs syriens contribue à l' acquisition par ces derniers de réflexes propres à une économie de marché ouverte et plus compétitive .
Les conditions économiques de la paix imposeront au Liban une double adaptation : avec l' économie syrienne, mais aussi avec celle d' Israël .Dans ce sens, plusieurs secteurs devront être sacrifiés, d'autres développés plus encore et mieux dans une perspective de spécialisation et d' excellence ( banque, hospitalisation, système éducatif, informatique et télécommunication ... ) .À plus long terme, et si les blocages étaient véritablement levés, la possibilité que le Liban serve d' espace intermédiaire entre le marché israélien et les marchés arabes - et plus spécifiquement syrien - ne peut pas être exclue .De pareilles perspectives ne manqueront pas, cependant, de placer les entrepreneurs libanais dans des situations de tension, difficiles à tenir si les échanges commerciaux continuaient d' être idéologisés dans une logique de refus de normalisation totale même après la paix .
Relever ces défis nécessite dès maintenant que le Liban s' engage sur la voie de certaines corrections et réformes de son environnement économique et social .Les conditions du miracle économique des années 50 , 60 et 70 ont drastiquement changé et la guerre n' y est certainement pas pour peu .À titre d' exemple uniquement, l' économie libanaise devra progressivement accommoder un nombre croissant de nouveaux venus sur son marché du travail, en raison de une pyramide des âges en rajeunissement constant depuis un certain temps .Le système éducatif et de formation professionnelle devra retrouver son rôle central de qualification . [Cliv_SP] C' est de lui, ainsi que d' un système fiscal plus juste, que dépend la recréation d' une classe moyenne importante .Une grande partie des entreprises devront moderniser leurs structures organisationnelles et consolider leur capitalisation ; à l' ère de la compétition régionale et de la mondialisation, il y a peu de place pour des entreprises essentiellement familiales et parfois sous-capitalisées .L' avantage comparatif du Liban en termes de tourisme ne pourra être exploité si des actions résolument volontaires n' étaient entreprises pour arrêter la dégradation catastrophique de son environnement naturel ...
L' économie libanaise dans un Proche-Orient en voie de pacification , voire même le couple économique syro-libanais dans un tel environnement , sera aussi largement dépendant de ce que les négociations multilatérales dessineront comme cadres et comme contraintes .Concernant le Liban, cela est vrai pour deux domaines au moins : celui de l' eau et celui des réfugiés .Si la position officielle israélienne, maintes fois réitérée, est de n' avoir aucune visée territoriale sur le Liban , cela ne saurait exclure que des arrangements concernant l' eau libanaise ne soit mis sur la table des négociations .À tort ou à raison, le Liban est présenté comme un pays excédentaire en eau, dans une région où sa rareté fait loi .À cet égard, Israël pourrait invoquer le précédent du traité libano-syrien de partage des eaux de l' Oronte, où le Liban s' est montré légèrement généreux, pour exiger à son tour, et sur d'autres cours d' eau, le droit à l' utilisation de certaines quantités .Pareil point renvoie à la question plus globale des négociations multilatérales et à ce qui y attend le Liban .
Pour politiquement défendable que soit la position libanaise de boycott des négociations multilatérales, celle -ci aura eu jusque-là, et aura davantage encore à l'avenir, un prix plus élevé pour le Liban que pour le partenaire syrien, dans la mesure où le Liban est concerné de façon vitale par le dossier des réfugiés où se joue le sort des quelque 300 000 Palestiniens stationnés sur son sol .il il peut continuer à s' en tenir à une stricte rhétorique juridique en la matière, le Liban ne pourra pas longtemps ignorer qu' en cas de paix, ce genre de question sera plutôt réglée selon des modes de transnationalité, modes qui revisiteront sans doute largement les principes traditionnels du droit international public au profit de mécanismes juridiques plus souples et plus inventifs aujourd'hui envisagés sans lui .Si l' absence aux négociations multilatérales a ses raisons, un palliatif momentané serait, pour le Liban, d' être aussi présent que possible au sein de autres forums - multilatéraux mais moins chargés diplomatiquement et politiquement .Outre que le Liban, s' il y était traité comme acteur autonome réaffirmerait ainsi son identité diplomatique, il y gagnerait aussi par le fait que ses représentants prendraient là le pouls de ce qui se prépare pour lui et pour la région dans différents domaines .
[On...] À cet égard, on peut légitimement s' inquiéter de l' état d' impréparation " du négociateur libanais en ce qui a trait à certains dossiers techniquement pointus .Sur des questions cruciales comme celle de l' eau, des réfugiés palestiniens, de l' intégration économique ou des futurs systèmes de sécurité collective, le consensus national est loin de être formé, l' accumulation de connaissances et d' expertises est embryonnaire, la mise à contribution des spécialistes est au mieux informelle et dispersée, quand elle n' est pas simplement écartée pour des raisons de conformité politique .Le temps mort depuis l' arrêt de les négociations libano-israéliennes aurait pu être mis à profit pour avancer sur la maîtrise de ces dossiers .Dans ce sens, en se montrant aussi craintif et réticent à l'encontre de toute présence d' experts libanais dans des cénacles internationaux portant sur ces sujets, Beyrouth se prive d' opportunités sérieuses de construction de capacités négociatrices futures .
Si, selon certaines analyses, la Syrie peut - ou préfère - ni guerre ", s' accommoder de l' état de " ni paix, le Liban, lui , a clairement intérêt à un déblocage et à une issue rapides des négociations .Là n' est n' est pas la moindre de ses différences avec la Syrie .Le Liban joue aujourd'hui sa viabilité dans une course contre la montre et chaque jour passé dans la situation actuelle se paie cher : en vies humaines au Sud, en déliquescence politique à l' intérieur, en marasme économique, en ponction de plus en plus lourde opérée par son protecteur sur ses ressources, en désenchantement tous les jours plus profond que vivent ses citoyens .
Est -ce à dire que c' est dans la paix que réside la seule clef de l' entier recouvrement du Liban ? La relation syro-libanaise dans sa forme actuelle est sans doute appelée à se prolonger pour un temps encore . [Present] Il s' agit là d' un processus tissé sur le long terme, dont les configurations sont fluides et à même de accommoder les pressions exogènes .La Syrie a créé au Liban des facteurs de contrôle durable, dont le moindre n' est pas sa maîtrise du complexe que constituent l' élite politique et une partie importante des forces sociales effectives .Le Document d' entente nationale mettant fin à la guerre devait être compris, au départ, comme un arrangement intérimaire, adaptable et améliorable, une plateforme offrant des perspectives ouvertes sur des relations syro-libanaises plus mutuellement bénéfiques et sur des équilibres internes plus novateurs .Toutefois, la conjoncture régionale et internationale des premières années de la décennie 90 , ainsi que les rapports de force interarabes et intra-libanais , avaient alors laissé le champ libre à une lecture unilatérale - et fermée - par la Syrie du sens de l' accord de Taëf et avaient ainsi gravement dévoyé la relation syro-libanaise .L' impact simple et direct d' une percée réelle du processus de paix sur cette relation reste donc limité, contrairement à ce qu' un " wishfull thinking " largement répandu chez les Libanais laisserait croire .Quand bien même un tel processus entraînerait le retrait, le redéploiement ou l' allégement des effectifs militaires syriens au Liban, d'autres types de contrôle pourraient aisément s' y substituer ou en prendre le relais .Dans ce sens, si le retrait militaire syrien est nécessaire, il n' est en aucune façon suffisant .Un véritable rééquilibrage des relations syro-libanaises reposera largement sur la capacité qu' auront - à partir de les données du Liban actuel - de nouvelles forces sociales et politiques à mettre à profit les marges offertes par la nouvelle donne régionale, par la vitalité économique du pays, et par leur formulation commune d' un projet de vie politique - où les Libanais seront réconciliés autant avec eux -mêmes qu' avec leur environnement, pour réaffirmer une véritable souveraineté libanaise .
Celle -ci ne devra, en aucun cas, se reconstruire contre la Syrie ou sur le ressentiment aveugle envers elle .De telles tendances existent .En effet, malgré le côté incantatoire des déclarations officielles libanaises sur la fraternité qui caractérise désormais les relations entre les deux pays, malgré le slogan du président Assad lui -même selon lequel Libanais et Syriens sont " un seul peuple dans de l' aspect idyllique d' une telle relation est démenti par les détails du vécu quotidien .Les échauffourées sanglantes de la Cité sportive, qui ont opposé à le mois de juin 1997 les supporters de les équipes syrienne et libanaise de football , ne sont qu' un spécimen des rancoeurs accumulées entre les deux sociétés, où se mêlent l' économique et le social à l' identitaire et au patriotique .
Aussi, l' avenir d' une réelle coopération syro-libanaise qu' exige un Proche-Orient en paix passe, en grande partie, par un travail de réajustement des perceptions croisées de ces deux sociétés .D'une part, la Syrie a été véritablement intériorisée par la représentation collective libanaise comme le démiurge et le régulateur des crises, comme la partie prenante et l' arbitre, omnisciente, omnipotente et omniprésente . [On...] De l' autre côté, on oublie parfois que le Liban a fini par devenir partie intégrante du système syrien lui -même .Le régime du Mouvement rectificatif du président Assad vit avec le Liban - et avec sa crise - sans interruption aucune depuis au moins 1976 .Une grande partie de son édifice politique et militaire s' est structuré au Liban, s' est même parfois structuré par le Liban . [Il..._SN] Il est vrai que des pratiques uniformisées de part et d'autre de la frontière ont peut-être progressivement lissé les deux espaces ; mais elles ont aussi exacerbé les plus petites différences . [Cliv] C' est justement entre ces deux extrêmes, celui de la fusion et celui du rejet, que le Liban et la Syrie - seuls mais ensemble - devront réapprendre à vivre .
AUTEUR : Eddy Fougier
A la fin des années 1980, un consensus semble se dégager en France autour de l' idée de la fin de ce que l' on appelait l' exception française " .Les clivages idéologiques irréconciliables et l' atmosphère de guerre civile larvée ont disparu, tandis que les grands conflits sociaux, mais aussi l' engagement et la participation politique, sont en net déclin . [Autre_SN] C' est pourquoi l' apparition d' une forte contestation de la mondialisationmondialisationElle paraît contredire cette forme de " fin de l' histoire " à la française, c' est-à-dire cette reconnaissance quasi généralisée des principes de l' alternance démocratique, mais aussi, et surtout, de l' économie de marché . [On...] On peut dès lors se demander si cette contestation témoigne d' un retour de cette fameuse " exception française " ou si elle est seulement le symptôme des difficultés traversées par une société confrontée aux défis de l' actuel processus de mondialisation .
La contestation française de la mondialisation n' est pas tant singulière par ses caractéristiques, que par son influence notable sur la société et sur le débat politique .Cette contestation à la française est née, en grande partie, dans le sillage de le débat sur Maastricht, mais aussi de la réapparition de mouvements sociaux importants, avec les actions des " sans " ( logement, travail, papier ) et surtout les grèves du secteur public fin 1995 .La création, en juin 1998 , d' ATTAC et son succès rapide , l' intense campagne menée par la Coordination contre l' AMI ( Accord multilatéral sur l' investissement négocié à l' OCDE ) et le démontage de le restaurant McDonald's à Millau par des militants font de la France à travers ses figures médiatiques, notamment celle de José Bové, l'un des hauts lieux de la lutte contre la " mondialisation libérale ", avant même l' organisation des manifestations deElle le reste et le sera tout particulièrement en 2003 puisqu' elle devrait accueillir deux des grands événements de l' année sur le front contestataire : les manifestations à l'occasion de le sommet du G8 à Evian du 1er au 3 juin 2003, et le Forum social européen, qui se déroulera à Saint-Denis du 29 octobre au 3 novembre 2003 .
[Present] Il n' existe pas pour autant un mouvement antimondialisationmouvement [On..._SP] On doit davantage parler d' une mouvance ou d' une nébuleuse de groupes souvent très disparates par leurs structures, leurs objectifs ou leurs effectifs que d' un mouvement structuré .En outre, la contestation française apparaît plutôt altermondialiste qu' antimondialiste, dans la mesure où les protestataires défendent une autre mondialisation que l' actuelle " mondialisation libérale " .Ses acteurs apparaissent donc assez diversifiés et éloignés des clichés réduisant la critique de la mondialisation en France aux groupes ou aux personnalités les plus visibles lors de les manifestations à l'occasion de les sommets internationaux ou des réunions propres aux contestataires ( Forum social mondial et, aujourd'hui, Forum social européen ) ou dans les médias, à savoir José Bové et ATTAC . En effet, les activités protestataires ne se résument pas à ces manifestations .Les groupes s' expriment également à travers une intense activité de lobbying auprès de les " décideurs " ou du grand public en réalisant un certain nombre de campagnes sur des thèmes spécifiques comme la dette, la taxe Tobin ou les organismes génétiquement modifiés ( OGM ) ; une activité d' information, d' analyse, de pédagogie et de publications ; et de contre-expertise sous la forme de une surveillance et d' une évaluation de la politique menée par diverses institutions ( nationales ou internationales ) ou par des entreprises, fondement d' un véritable contre-pouvoirAinsi, bien plus qu' ATTAC et la Confédération paysanne de José Bové, les groupes les plus impliqués dans les campagnes sont d'abord des organisations de solidarité international ( OSI ), souvent d' origine confessionnelle, telles Agir ici, AITEC, Artisans du monde, le CCFD, le CRID, Peuples solidaires, le Réseau Afrique-Europe Foi et justice, RITIMO, Solagral ou Terre des hommes, ou d'autres ONG, comme des groupes écologistes ( Les Amis de la Terre et Greenpeace ) et l' association de défense des droits de l' homme de Danielle Mitterrand, France Libertés .En fait, la mouvance contestataire française est composée de trois types de groupes : les ONG, les mouvements sociaux et les " nouveaux groupes contestataires " .
Les ONG appartenant à la mouvance sont des organisations spécialisées dans l' aide au développement et la lutte contre la pauvreté dans les pays du Sud ou la protection de l' environnement .Mais d'autres ONG tendent également à s' impliquer dans la critique de la " mondialisation libérale ", comme celles qui défendent les droits de l' homme, la condition féminine ou les minorités sexuelles .Elles s' expriment principalement par le biais de campagnes, surtout axées sur l' amélioration de la situation des pays du Sud ( développement durable, annulation de leur dette, lutte contre la politique menée par les institutions financières internationales ) .Une part notable de la contestation française, à l'instar de la situation existant dans d'autres pays , est ainsi composée d' organisations d' origine confessionnelle, rappelant que l' Église est également un pôle important de critique du capitalisme .Les mouvements sociaux comprennent des mouvements de défense des exclus - les " sans " -, des mouvements paysans et des syndicats radicaux, comme Sud-PTT . Ils s' expriment en particulier par le biais de manifestations, souvent assez spectaculaires, mais aussi de campagnes contre l' OMC . Enfin, les nouveaux groupes contestataires, contemporains de la mondialisation, ont été spécifiquement créés en liaison avec ce thème .Ils comprennent des associations, comme ATTAC, des réseaux, des observatoires et des " groupes de surveillance " qui s' expriment par le biais de campagne, de publications ou de promotion de telle ou telle action .Ils sont surtout présents dans la lutte contre l' OMC . On peut distinguer parmi eux des groupes réformistes, qui sont dans une logique d' engagement plus que d' affrontement face à les " acteurs " de la mondialisation ( gouvernements, entreprises, institutions internationales ) et qui acceptent d' entrer dans des mécanismes de consultation mis en place par ces derniers, et des groupes radicaux qui, eux, sont plutôt dans une logique d' affrontement et se refusent à tout compromis avec le " système " .Pourtant, concrètement, leurs différences apparaissent beaucoup plus floues, en tout cas plus de degré que de nature .
Ces groupes incarnent une certaine continuité historique avec les formes de contestation passées ( ouvrière, intellectuelle, " anarchiste ", mais aussi celle de l' Église ) et dans la tonalité de leurs critiques .Mais ils s' inspirent également de courants plus contemporains, comme les mouvements " post-matérialistes " des années 1960-1970 ou la mouvance ONG . Par ailleurs, ils ont une structuration inédite et de nouveaux objectifs .A la différence de la contestation ouvrière et marxiste d' autrefois, les groupes protestataires actuels n' aspirent plus au " Grand soir ", c' est-à-dire à une forme de prise de pouvoir politique et de transformation radicale de la société par la force, ou de toute révolution de type socialiste impliquant, par exemple, une appropriation collective des moyens de production .Ainsi, personne, au sein de la mouvance contestataire , ne défend l' expérience soviétique en tant que modèle alternatif au capitalisme .Un groupe comme ATTAC affirme même ne refuser ni l' existence du marché, ni celle de l' entreprise privée . Leur objectif réside donc plutôt dans la formation de contre-pouvoirs efficaces, et non dans la prise de pouvoir politique ou même une éventuelle participation gouvernementale .La contestation française présente donc de nombreuses similitudes avec la nébuleuse contestataire internationale , mais aussi quelques particularités , avec d' un côté , une quasi absence de think tanks , de groupes spécialisés sur la mondialisation , d' se structure également autour de les grandes campagnes internationales ( contre l' OMC et les institutions de Bretton Woods, et en faveur de la taxe Tobin et de la remise de)
[Present_SN] Il existe une contestationcontestationSon influence est tangible tant sur la société que sur le discours politique .Elle peut être mesurée par le nombre d' adhérents ou de sympathisants des groupes protestataires .Le cas d' ATTAC est particulièrement emblématique de ce point de vue .L' association compte aujourd'hui environ 30 000 adhérents et 230 comités locaux, y compris dans les universités et les grandes écoles .Les résultats aux élections professionnelles des syndicats appartenant à la mouvance montrent que ces groupes ont une représentativité certaine dans des secteurs qui tendent à fournir une grande partie des soutiens à la contestation de la mondialisation en France : l' agriculture, le secteur public et l' enseignement .La Confédération paysanne a obtenu 28 % des suffrages lors de les élections aux chambres d' agriculture en janvier 2001 .Le syndicat Sud obtient des scores importants lors de les élections de représentants des salariés au conseil d' administration de grandes entreprises du secteur public ( second syndicat à la Poste et à France Télécom, troisième à la SNCF ) ou même d' entreprises privées ( second syndicat chez Michelin ) .Enfin, la FSU est la première fédération syndicale du personnel enseignant, mais aussi de la fonction publique de l' État .Les succès éditoriaux ( ouvrages de José Bové , de Susan George , de Viviane Forrester ou de Pierre Bourdieu , l' évolution des ventes du Monde diplomatique ) ou le nombre important de signataires de pétitions ( 110 000 en faveur de la taxe Tobin , 520 00 sont également les symptômes .
Les enquêtes d' opinion soulignent enfin que la perception des contestataires et surtout de leurs principales propositions est largement positive et tend même à dépasser les clivages partisans traditionnels, sauf si ces groupes sont bien identifiés à gauche .Ainsi une très importante majorité des personnes interrogées est favorable à la taxe Tobin et à l' annulation de la dette . [On...] On ne peut pas parler pour autant de France contestataire .Les Français ne sont pas majoritairement et foncièrement hostiles à la mondialisation, et n' apparaissent pas globalement partisans d' une fermeture économique et culturelle .Ils se montrent néanmoins plutôt inquiets face à les conséquences les plus négatives de ce processus et tendent à soutenir les propositions de régulation et d' humanisation " .
L' influence des contestataires est également évidente sur la politique et sur le débat .Mais elle apparaît faible sur la décision politique à proprement parler .En effet, au-delà de leur impact très notable sur le discours politique, leur effet sur la décision paraît assez limité .Ceci est illustré par l' étude de deux cas où la France a joué un rôle fondamental : l' échec des négociations sur l' Accord multilatéral sur l' investissement ( AMI ), suite à son retrait, et l' adoption d' une législation sur la taxe Tobin .Dans le premier cas, considéré comme la première " victoire " des contestataires, leur rôle sur la décision française a été beaucoup plus réduit que ce qu' ils affirment eux -mêmes, tandis que dans le second, la législation adoptée n' a aucune incidence pratique et le gouvernement, malgré une rhétorique plutôt favorable, s' est montré fermement opposé à toute mise en place effective d' une taxe Tobin .En fait, l' étude du processus de décision indique que les contestataires sont influents lorsque deux conditions sont réunies : lorsqu' ils font la promotion de micro propositions concrètes et techniques sur lesquelles le gouvernement français peut avoir prise, et
En définitive, leur influence la plus notable est sur le débat .La grande victoire des contestataires français est, en effet, d' avoir réussi à influencer la perception globale de la mondialisation en France et à définir les termes mêmes du débat .Les résultats des élections présidentielles et législatives de mai - juin 2002 en ont, par exemple, été une illustration .La gauche au pouvoir, écartelée entre , d'une part , une approche pragmatique et réaliste de l' économie de marché et de la mondialisation et , d'autre part , un discours souvent assez proche de les thématiques de les contestataires , a certainement souffert électoralement de ces contradictions, alors qu' un grand nombre de sympathisants de gauche étaient séduits par le discours contestataire défendant une " gauche de gauche " .Cette influence est également perceptible dans les débats au sein de une gauche en crise suite à ces défaites, en particulier chez ceux qui souhaitent que sa pratique s' adapte à son discours et qui reprennent à leur compte nombre d' analyses et de propositions contestataires .
Malgré sa vigueur, la contestation en France n' a pourtant, pour le moment, pas véritablement modifié les trois grandes tendances durables de la société française : la pacification idéologique, sociale et politique .Elle ne constitue donc pas le ferment d' une nouvelle " exception française ", celle -ci n' ayant pas vraiment créé de nouvel antagonisme idéologique fondamental autour de la mondialisation et les Français, globalement, n' étant pas opposés à son processus .La contestation apparaît en fait comme le symptôme d' une crise, celle de la difficile adaptation du " modèle social français " - crise d' adaptation de l' économie, de la société et du gouvernement, au sens large du terme - et du " modèle républicain " - crise de la représentation, de la démocratie représentative et du politique - au contexte contemporain marqué par la mondialisation .Elle soulève également l'un des principaux défis économique, social et politique en liaison avec les effets de la mondialisation, à savoir l' intégration économique,
AUTEUR : François Vergniolle de Chantal
Les dernières élections de mi-mandat sont en opposition avec les schémas électoraux traditionnels : ce point a été souligné à maintes reprises dans la presse .La victoire du GOP ( Grand Old Party ) s' inscrit en faux contre cette " loi d' airain " de la démocratie américaine selon laquelle le parti du Président au pouvoir perd des sièges aux élections de mi-mandat .L' élection de 2002 rejoint en ceci les précédents de 1934 et de 1998, où des Présidents démocrates ont réussi à enregistrer des gains électoraux durant leur mandat . A chaque fois, l' Exécutif a pris avantage de cette situation pour faire passer son programme dans des conditions aisées .Le cas de FDR est, de ce point de vue, exemplaire .En 2002, le résultat de Bush est d' autant plus surprenant que le Législatif est rarement de la même orientation politique que le Président, et ce de manière de plus en plus fréquente depuis la fin des années soixante . A un premier niveau, il semble ainsi que l' élection de 2002 mette un terme aux blocages partisans trop souvent caractéristiques de la vie politique américaine .Le Parti républicain est maintenant en position de totale responsabilité, tandis que le souvenir de la dernière présidentielle s' efface et, avec lui, le discrédit qui entachait à la fois la Cour Suprême et la Présidence .Néanmoins, dans les faits, cette conclusion exagère l' impact de la victoire républicaine .Comme on le verra, la fin d' un Congrès démocrate est loin de être suffisant pour modifier les équilibres institutionnels : le mandat de Bush est fragile, et les contraintes qui pèsent sur ses décisions restent puissantes . [On...] A partir de un bilan ponctuel de ces élections, on tentera donc de valider notre évaluation plus générale .
Les élections mettaient en jeu les 435 sièges de la Chambre des Représentants, 34 sièges au Sénat, et 36 postes de Gouverneurs .Malgré le second tour de l' élection sénatoriale en Louisiane le 7 décembre dernier et l' élection d' une Sénatrice démocrate, les résultats définitifs constituent une victoire assez nette pour les républicains : ils détiennent dorénavant une majorité de 51 sièges au Sénat ( 47 démocrates ), de 228 sièges à la Chambre ( 203 démocrates ), et de 26 Gouverneurs ( 24 démocrates ) .Ainsi, ils possèdent maintenant tous les leviers institutionnels du pouvoir - la Cour Suprême étant majoritairement conservatrice depuis les années quatre-vingt -, ce qui constitue une configuration extrêmement rare à l' aune de la pratique politique des vingt dernières années .Le " divided government ", l' opposition partisane entre Congrès et Présidence, caractérisant la vie politique américaine de façon particulièrement marquée depuis la fin des années soixante . Bush Jr . se retrouve maintenant en position de force ; et tous les commentateurs ont souligné la facilité que cela lui procurait dans la lutte anti terroriste, aussi bien que dans la gestion de la crise irakienne 2 . [On...] Nous allons ici nous pencher sur les conséquences purement partisanes et politiques sur la scène publique américaine .
[Il...] Mais auparavant, il faut immédiatement souligner que ce succès est imputable à la stratégie individuelle du Président Bush .Il s' est personnellement impliqué dans le déroulement de la campagne, en jouant pleinement sur les règles localistes du scrutin . [Il..._SN] En première approche, il semble que cette participation individuelle extrêmement forte, en proportion inverse de sa fragilité issue de 2000, ait eu des conséquences positives pour les républicains .républicainSa popularité personnelle très solide ( 60 % de satisfaits ) a rejailli sur son parti .Néanmoins, une analyse plus fine révèle rapidement que le comportement du Président a surtout eu des conséquences sur le camp adverse, celui des démocrates .Ils ont été privés de toute marge de manoeuvre pour se distancier d' un Président qui n' a pas hésité à jouer la carte nationaliste pour s' assurer une vaste popularité . [Cliv] C' est donc d'abord la focalisation sur le Président, sensible pendant toute la campagne, qui a conduit à la défaite des démocrates .Leur absence de message fort a été flagrante .Tout comme le manque de figure charismatique pour se faire entendre, à l' exception, contestable, de Tom Daschle, Sénateur démocrate du Dakota du Sud ( depuis 1986 ), et actuel président du groupe démocrate au Sénat ( Senate Minority Leader depuis 1995 ) . Si on prend les trois grands thèmes importants - les impôts, la sécurité du territoire ( homeland security ), et l' Irak - les démocrates ont apporté la preuve de leurs divisions, tout particulièrement en ce qui concerne la sécurité du territoire .En effet, la réorganisation de l' Etat fédéral impulsée par l' équipe Bush a une conséquence sociale lourde : elle conduit à modifier le statut de plusieurs catégories de fonctionnaires fédéraux, dans le sens de la remise en cause de certains de leurs acquis sociaux .Le mouvement de consolidation des structures fédérales à l' oeuvre se traduit concrètement par le regroupement des fonctionnaires fédéraux sur le plus petit dénominateur social commun .Etant donné le poids de les syndicats au sein de le Parti démocrate , on aurait pu s' attendre à une réaction vigoureuse de leur part .Or il n' en a rien été .Le discours nationaliste l' ayant très largement emporté de part et d'autre , il s' est avéré être un piège électoral particulièrement efficace pour les démocrates .Au niveau des classes moyennes modérées, les électeurs se sont tournés de préférence vers l' original plutôt que vers la copie : ils ont suivi les républicains plutôt que les démocrates .A l' inverse, au niveau des électeurs traditionnellement démocrates, le parti a souffert de son manque d' affirmation, de sa faible différenciation par rapport à le GOP . Sur les autres sujets, le Président est aussi en mesure de mettre en oeuvre son programme .Il peut créer son fameux " Ministère de la Sécurité du Territoire " .Il va pouvoir aussi faire pérenniser plus facilement son programme de baisse des impôts : Thomas Daschle n' est plus en position de s' opposer .De même, d'autres projets devraient bénéficier de cette nouvelle configuration politique : celui de la privatisation des retraites ( Social Security ), ou encore l' exploitation des réserves énergétiques de l' ANWR ( Alaska National Wildlife Refugee ), chère à un grand nombre des contributeurs de la campagne républicaine 3 .En fin de compte, le Parti démocrate donne l' impression d' avoir perdu sur les deux tableaux . [Il..._SN] Il semble également que les responsables du partipartiReagan avait déjà utilisé cette caractéristique de la vie politique américaine, qui revient régulièrement sur le devant de la scène depuis Andrew Jackson dans les années 1830 4 .Dans une période de crise et d' incertitude, les discours de type " Axe de le Mal " sont bien perçus par l' électorat, à la différence de les flottements enregistrés côté démocrate .Les responsables démocrates ont laissé une impression d' inutile sophistication . [On...] On pourrait aisément prendre d'autres exemples en politique interne, mais l' idée resterait la même : les démocrates n' ont pas saisi ce besoin de proximité des électeurs, à la différence de un Président qui, lui, en use et abuse, notamment avec la lutte anti terroriste .
[Cliv_SP] C' est dans ce cadre général que prend place la recomposition des forces au Congrès et au niveau de les Etats . [On...] Nous aimerions maintenant évoquer quelques-unes des personnalités marquantes qui émergent de cette élection, en commençant par le Congrès, puis en se penchant sur les Gouverneurs . [On..._SP] Une fois ce panorama achevé, nous conclurons sur les limites qui, à court terme, vont sans doute conduire le Présidentprésident [On..._SP] Enfin, nous tenterons de tirer quelques conclusions générales sur l' état du système politique américain .
[Cliv] C' est bien sûr au Congrès que la situation évoluecongrèsFace au Président Bush, les démocrates semblent tiraillés entre un besoin de retour aux sources idéologiques et une poursuite de la politique de modération mise en oeuvre par Bill Clinton .Le choix de Nancy Pelosi, élue de San Francisco , comme Minority Leader ( responsable de la minorité démocrate ) à la Chambre de les Représentants , et le maintien de Tom Daschle à la tête de le groupe démocrate à le Sénat traduisent, respectivement, cette tension .Nancy Patricia d' Alesandro Pelosi est une des plus élues les plus " libérales " de la nation, c' est-à-dire, engagée à gauche .Elle représente le 8ème district de Californie depuis 1987, en étant confortablement réélue à chaque fois .Elle a construit sa carrière sur la lutte contre le SIDA, et la fermeté de sa position vis-à-vis de la Chine .Malgré son opposition au Président Clinton sur de nombreux points - et en particulier la question chinoise - elle est un des plus efficaces contributeurs ( fund-raiser ) du Parti démocrate 6 .Elle siège par ailleurs à la Commission du Renseignement ( Intelligence Committee ) depuis le 107ème Congrès, et dans celle d' attribution des crédits ( Appropriations Committee ) depuis le 102ème Congrès .Dès janvier 2002, elle avait obtenu le poste de Minority Whip, ce qui l' avait propulsé à un des deux postes les plus importants du groupe minoritaire . [Cliv_SN] A première vue, ce sont les contributions financières obtenues par Pelosi qui lui ont valu cette importante promotion . [Il..._SN] Mais il reste que le message idéologique est également clair : son engagement à gauche est un signal de radicalisation des démocrate .
Face à cette recomposition démocrate, les républicains ne sont pas en reste .Tout comme chez leurs adversaires, la tendance est nettement à la radicalisation idéologique .Nancy Pelosi doit ainsi apprendre à cohabiter avec le Représentant Tom Delay, Whip du parti, allié indispensable du Speaker J. Dennis Hastert, et élu du Texas depuis 1984 .Sa réputation de strict conservateur n' est plus à faire . [Cliv] Malgré ses relations tumultueuses avec l' ancien Speaker Newt Gingrich, c' est bien T. Delay qui a rédigé l' essentiel du programme conservateur de 1994 ( Le Contrat avec l' Amérique ), en s' en prenant notamment à l' extension du pouvoir fédéral .Il aurait largement contribué à la chute de Gingrich en 1997 et son remplacement par Hastert, le tout avec le soutien du " Majority Leader " Dick Armey .Ce trio - avec T.Delay occupant donc la troisième place - est plus que jamais fermement à la tête du Parti républicain .Hastert est clairement le plus modéré des trois .Ancien professeur d' histoire, Hastert est un élu républicain depuis 1986 pour la 14ème circonscription de l' Illinois .Sa promotion de Chief Deputy Majority Whip à celle de Speaker remonte à 1998, et fut organisée avec comme message explicite de calmer les haines partisanes au sein de la Chambre . [On...] On ne peut pas en dire autant du Majority Leader, Dick Armey, nettement plus idéologue .Elu de la 26ème circonscription de le Texas depuis 1986 , il est un ancien universitaire, économiste, partisan acharné de Reagan, et qui acquiert sa position de prééminence lors de le 104ème Congrès .Ses conceptions fiscales extrêmement conservatrices sont connues : il est partisan d' un taux unique d' impôt fédéral sur le revenu - la fameuse " flat tax " à 17 % - et s' était violemment opposé à Bush Sr lors de l' augmentation des impôts en 1990 .Son activité intellectuelle est encore intense : outre une partie du programme de 1994, il a aussi écrit une série de livres d' actualité sur les nécessaires réformes à mener : Price Theory : A Policy-Welfare Approach ( 1977 ), The Freedom Revolution ( 1995 ) et The Flat Tax ( 1996 ) .
au Sénat, la situation est plus stable par définition .Mais là aussi, le constat est identique : l' activisme idéologique est de plus en plus marqué, tout particulièrement du côté républicain .Côté démocrate, en effet, le pragmatisme de les " Nouveaux démocrates " chers à Bill Clinton semble se poursuivre .Tom Daschle , Senate Minority Leader depuis plusieurs années , représente, avec, jusqu' à récemment, Richard Gephart à la Chambre, une poursuite du pragmatisme clintonien .Le Président trouvait en eux d' utiles relais au sein de le législatif, même si les ambitions des uns et des autres pouvaient occasionnellement perturber les relations .Après les derniers résultats, la démission de Gephart a ouvert la voie à Pelosi, Daschle restant seul .Sa pratique des républicains au cours de le 104ème Congrès l' a habitué à adopter une position souple, tout en tenant efficacement la base .Il a ainsi pu réformer les règles du Sénat lors de le 107ème Congrès dans un sens favorable aux démocrates .Son opposition au programme de Bush Jr est ferme - comme p . ex . sur les baisses d' impôts - mais sans caractère idéologique ou revendicatif comme certains le craignent de Pelosi .Daschle est maintenant considéré comme un des présidentiables démocrates potentiels en 2004, et ce d' autant plus que Gore a officiellement annoncé en décembre dernier qu' il ne se représenterait pas .Mais au sein du GOP, la situation est radicalement différente .Malgré le départ de certains " poids lourds " de la droite républicaine - Jesse Helms ( Caroline du Nord ) et Strom Thurmond ( Caroline du Sud ) - la relève est assurée par des élus clairement ancrés à droite : en l'occurrence Elizabeth Dole ( élue à 54 % ) et Lindsay Graham ( qui recueille 55 % des voix ) .Le principal responsable de le groupe républicain était le Sénateur du Missouri Trent Lott jusqu' en décembre 2002 .Elu en 1988 , il devient le " Majority Leader " du Sénat en 1996, à la fin de le 104ème Congrès, lorsque Bob Dole se lance dans la campagne présidentielle 7 . Son parcours de républicain modéré - il travaillait pour un Représentant démocrate lorsqu' il est arrivé à Washington en 1968 - a été régulièrement marqué par des déclarations embarrassantes .Par ailleurs, son arrivée comme " Majority Leader " a coincidé avec l' érosion de la majorité républicaine . Lott n' a jamais réellement réussi à consolider ses troupes .Ses tentatives pour atteindre un consensus sont fragiles, et ne résistent pas à sa propension à tenir haut et fort des propos trop controversés .Le pragmatisme contrarié de Lott est le résultat direct de l' amenuisement de la majorité républicaine jusqu' en 2002 .Qu' en est -il maintenant que le GOP est dans une situation plus confortable, non seulement au Sénat, mais également à la Chambre et au niveau de les Etats ? [interro] Peut -on s' attendre à une évolution sensible, peut-être plus radicale, du Parti républicain ?Pour l' instant, le nouveau responsable du GOP à le Sénat , B. Frist , semble adopter une politique de stricte adhésion à la Présidence Bush 8 .Mais il est encore trop tôt pour dire s' il va s' agir d' une personnalité de transition ou bien s' il pourra s' affirmer .
Au niveau des Gouverneurs, les changements sont moins massifs qu' au sein de le Législatif . [Cliv] Néanmoins, ce n' est pas une fonction à négliger : tous les derniers Présidents d' envergure - Clinton, Bush Sr, Reagan et Carter - ont été des Gouverneurs avant d' atteindre la Présidence .Que ce soit l' Arkansas, la Californie, ou le Texas, l' accession à le poste de Gouverneur semble maintenant être un marche-pied efficace pour atteindre le poste le plus élevé du pays .A ce niveau, une autre figure montante du Parti démocrate a acquis une certaine visibilité 9 . [Present_SP] Il s' agit de Bill Richardson, qui vient d' être élu Gouverneur du Nouveau Mexique en battant le républicain John Sanchez, 57 % à 38 % .En Europe, sa réputation vient essentiellement de son action diplomatique, notamment à l' ONU, entre 1997 et 1998 .Il était devenu membre de l' équipe présidentielle de Clinton en 1998, comme Secrétaire à l' Energie, avant de se lancer dans une carrière politique nationale .Sa récente élection constitue ainsi son premier succès sur la voie de l' enracinement électoral, un élément qui, jusqu'à présent, avait toujours manqué à ce haut fonctionnaire .Ses prises de position traduisent une modération certaine, même si ses engagements en faveur de la lutte contre la pollution ou l' extension de la couverture-santé ( health care ) sont solides .A part ce nouveau venu sur la scène étatique, les autres résultats étaient attendus .La réelection de Jeb Bush en Floride n' est pas une surprise étant donné la soutien massif que son Président de frère lui a apporté : 56 % contre 43 % pour Bill McBride 10 .En Californie, le démocrate modéré Gray Davis a été aisément réélu ( 48 % contre 42 % pour son adversaire, Bill Simon ), de même que le républicain - lui aussi modéré et lui aussi élu en 1994 - de New York, George Pataki ( à 50 % contre 33 % pour Carl McCall ) .La seule " surprise " vient peut-être du changement à Hawaï : cet Etat, historiquement démocrate, est passé aux républicains en élisant Linda Lingle à 52 % contre 47 % pour son adversaire .Les démocrates ont aussi reculé en Géorgie, en Caroline du Sud et dans le Maryland, où leur candidate, Kathleen Kennedy Towsend, est la fille aînée de Robert Kennedy .Ils ne l' ont emporté clairement que dans des Etats industriels comme l' Illinois, le Michigan ( avec Jennifer Granholm, une des élues les plus en vue de le Parti démocrate ), et la Pennsylvanie .
[On..._SN] Au-delà de ces résultats, on peut lire les élections de 2002électionCertes, les attentats du 11 septembre 2001 ont déjà très largement permis au Président d' asseoir sa légitimité .Cette victoire charismatique a d'ores et déjà été mise au crédit du Président .L' apport des dernières élections est un peu différent, mais tout aussi sensible .Comme on le sait, la fragile majorité républicaine du 107ème Congrès ( 2000-2002 ) avait été remise en cause par la défection d' un Sénateur républicain modéré, qui, en se déclarant non inscrit, avait fait passer la majorité du Sénat aux démocrates 11 .Cet accident de parcours a maintenant été effacé .Les républicains ont récupéré leur majorité et ne dépendent plus du vote d' un Sénateur non inscrit .De même, la Cour Suprême a maintenant retrouvé de son prestige, pourtant largement entamé par la " résolution " de la crise de l' élection présidentielle en 2000 .Son soutien en faveur du candidat Bush Jr se trouve maintenant validé politiquement .Le Président peut ainsi considérer à nouveau la possibilité de nommer des Juges conservateurs non seulement à la Cour Suprême mais aussi aux cours fédérales inférieures .Alberto Gonzales est de plus en plus cité comme choix potentiel du Président en remplacement de Rehnquist, actuellement Président de la Cour ( Chief Justice ), ou de la Juge O'Connor .Par ailleurs, le Président pourrait aussi tenter à nouveau de choisir le Juge Charles W. Pickering pour un poste dans une Cour d' Appel, pourtant rejeté par la Commission Judiciaire du Sénat en mars 2002 12 .En clair, et plus généralement, les élections de 2002 constituent une sortie de la crise de légitimité issue de la présidentielle de 2000 .Tous les éléments ralentis ou décrédibilisés depuis la début de la Présidence Bush sont dorénavant débloqués politiquement et institutionnellement .
[Il..._SN] Néanmoins, malgré cette situation, situation, il semble que le parti du Président doive modérer ses ambitions et gérer un grand nombre de contraintes . [Il..._SN] Ainsi, en dépit de la victoire des républicains, il faut largement en nuancer l' importance .Les caractéristiques de l' élection sont telles qu' il faut se garder de toute conclusion de long terme quant à la présidentielle de 2004 .
La participation électorale ne permet pas d' avoir une vue complète de l' électorat .La participation s' est établie à 39.3 %, en hausse légère de 2 points par rapport à l' an 2000 .La participation n' a été véritablement élevée que dans quelques Etats bien précis, comme le Minnesota ( avec le soudain décès du Sénateur P. Wellstone et la mobilisation autour de son remplacement ), le Dakota du Sud, Etat d' origine de Tom Daschle : dans ces deux cas, la participation a pu atteindre 60 % .Certains taux sont par contre curieusement bas .Ainsi des 45 % du Maine, où la participation est normalement beaucoup plus élevée . Ou encore, la Floride, dont le taux ne dépasse pas 43 %, alors que les enjeux y étaient particulièrement importants . Le Gouverneur de l' Etat, Jeb Bush , ayant en effet bénéficié d' un important soutien de le Président , la médiatisation de l' élection a été particulièrement intense . [Present] Dans ces conditions, il n' y a pas vraiment de raz-de-marée électoral en faveur de le Président, et encore moins de réalignement électoral .Une analyse plus précise confirme aisément ce diagnostic :
Au Sénat par exemple, la vraie majorité n' est pas de 50, mais de 60, puisque c' est là la majorité nécessaire pour empêcher une obstruction parlementaire ( filibuster ) .Dans ces conditions, et malgré le renforcement de la majorité républicaine, la continuité devrait être la règle en pratique !Le GOP n' a aucune chance d' atteindre ce seuil .D' une manière plus générale, et comme toujours dans le système américain, la complexité de la procédure législative est telle, qu' elle assure une modération des républicains majoritaires .Autre élément qui devrait favoriser la prudence de l' équipe actuelle, la fragilité de la structure électorale du GOP . Le Nord-Est est une partie du pays déterminante pour les futurs succès du GOP : en effet, le Maine ayant élu deux Sénatrices républicaines modérées, Susan Collins et Olympia Snowe, et celles -ci sont tout à fait nécessaires pour n' importe quelle majorité, même simple, au Sénat .Or ces deux élues sont tout particulièrement modérées sur les questions de moeurs ( l'une d' elle, Olympia Snowe, est même pro-choice ) .Dans ces conditions, le Parti républicain ne peut qu' adoucir ses prises de position, afin de conserver ses légers avantages sur les démocrates .Et ceci non seulement dans le domaine social, mais aussi dans d'autres . Ainsi, les derniers changements à la tête de la Commission de l' Environnement ( Environment and Public Works ) à le Sénat en témoignent .La réputation d' opposant systématique à l' EPA ( Environment Protection Agency ) de le nouveau Président , James M. Inhofe , devrait s' altérer devant les nécessités du compromis partisan 13 .Ce schéma devrait se répéter et se généraliser au niveau de la collaboration institutionnelle .
Les élections de 2002 ne permettent pas de conclure sur un mandat clair pour le Président Bush .Sa victoire, indéniable , est somme toute modeste, et les gains enregistrés au Congrès ne sont pas tels qu' ils permettent au Président d' assurer le passage de ses principales mesures .A l' inverse, l' opinion publique, elle , perçoit bien les républicains comme étant maintenant responsables à part entière .Dans ces conditions, les démocrates peuvent s' assurer un certain rebond électoral s' ils évitent la marginalisation partisane qui est leur principal risque .La seule conclusion à long terme que l' on semble pouvoir tirer de ces élections est le quasi-équilibre entre les différentes institutions . [Present_SN] Il y a une forme d' entropie institutionnelle qui ressort des chiffres définitifs de l' élection rappelés au début de cet essai .Cette situation est en clair contraste avec les élections de 1994 : l' engagement idéologique avait été tel que les impasses auxquelles cela a conduit ont traumatisé les élus .Depuis lors, les responsables politiques jouent de préférence la carte de la modération, au point que le rapport de force partisan s' équilibre et bloque le processus décisionnel .En effet, la recherche de la modération ne va pas jusqu' à cultiver le consensus avec le parti adverse . [Il...] Il semble tout simplement que le risque politique ne paie plus sur la scène publique américaine .
AUTEUR : David BARAN David Baran est le pseudonyme d'un journaliste indépendant, ancien consultant en relations internationales pour le Moyen-Orient.
Le renversement d' un régime n' a jamais permis d' en faire table rase .Comme on le constate déjà avec le recyclage des forces de police, d' une dépravation notoire, l' Irak ne fera pas exception .Mais l' héritage de l' ère précédente ne manquera pourtant pas de surprendre - et même d' indigner - tous ceux qui ont communié dans l' anathème de Saddam Hussein .Et ils sont nombreux .En effet, le cadre moral imposé au débat sur le bien-fondé d' une guerre contre l' Irak obligeait chacun à une dénonciation unanime et convenue de la brutalité du régime .La moindre critique émise à l'encontre de la politique des Etats-Unis était retournée en un cautionnement des pratiques les plus condamnables du tyran ( de la même façon, toute dénonciation des abus commis par Israël est taxé d' antisémitisme ) .Cet argumentaire culpabilisateur disqualifiait éthiquement les détracteurs de la guerre et structurait le débat, en interdisant de concevoir le régime autrement que d' un point de vue moral .D'autres points de vue existent .En Irak, par exemple, la population avait beau être lasse des exactions bien réelles du pouvoir en place, elle s' interrogeait sur l' avenir non pas en des termes généraux, comme celui de " liberté ", mais de façon pragmatique . [Interro] Comment le nouveau pouvoir pourrait -il être démocratique ?Comment éviter des conflits interethniques ? [interro] Qui assurera la sécurité - notamment, qui protégera le centre ville de Bagdad contre la population déshéritée des faubourgs ? [Interro] Combien de temps dureront les pénuries ?Hors d' Irak, au lieu de engager une discussion technique devant apporter des réponses convaincantes à ces questions, les différentes parties au débat restaient prisonnières d' une vision strictement négative du régime, dont la chute ne pouvait être que souhaitable ... et advienne que pourra .Or ce régime, aussi brutal et illégitime fût -il, constituait de fait un dispositif sophistiqué de gestion d' une population traversée de tensions .Loin de être fruste et purement répressif, il répondait, par sa complexité, à la complexité de la réalité sociale à laquelle il était confronté . [On...] On peut donc s' inquiéter de ce que la politique des Etats-Unis soit justement fondée sur la négation de cette complexité, que le régime lui -même n' a jamais cessé de prendre au sérieux .Le scénario de la guerre était des plus élémentaires : les héros américains, au prix de quelques balafres, abattent le vilain dans son repère digne d' un film de James Bond, les opprimés en liesse célèbrent leurs libérateurs ... et la vie devient meilleure, tout simplement .Grande perdante de ce scénario laconique, cette complexité de la réalité irakienne semble prête à prendre sa revanche sur une Administration, celle de George W. Bush, qui n' a aucune arme à lui opposer .
Le projet des Etats-Unis se réduit apparemment à restaurer l' appareil d' Etat existant, au sommet duquel prendrait place un nouveau type de gouvernement .des problèmes se posent déjà au sommet, mais les plus insolubles proviennent sans doute de la base .Saddam Hussein a laissé en héritage un appareil d' Etat dysfonctionnel, voire irrécupérable .Doublé d' un appareil de parti et d' un appareil présidentiel, concurrencé par un rôle social croissant des communautés, ruiné par l' embargo, symboliquement synonyme de corruption plus que d' une quelconque universalité, l' Etat " irakien , à vrai dire , n' en est pas un au sens propre et ne risque pas de le redevenir . [Il..._SN] D'une part, alors qu' il faut, avec Max Weber, D'une part, alors qu' il faut, avec Max Weber, " concevoir l' Etat contemporain comme une communauté humaine qui, dans les limites d' un territoire déterminé ( ... ), revendique avec succès pour son propre compte le monopole de la violence il apparaît que ce monopole en IrakIrakD'autre part, la culture de prédation instaurée par le régime de Saddam Hussein , couplée à cette dispersion de la violence , non seulement compliquera les relations entre la population et l' Etat, mais minera inévitablement celui -ci de l'intérieur .
Avant-guerre, le recours à la force et l' usage de la violence ne relevaient que marginalement de l' Etat .Certes, l' armée jouait un rôle en matière de répression interne et la police, sous tutelle du ministère de l' Intérieur, était théoriquement chargée de la lutte contre les délits et les crimes en milieu urbain .L' appareil judiciaire prononçait certaines peines, et le ministère du Travail et des Affaires sociales gérait une partie du système pénitentiaire .Cela dit, de nombreux autres acteurs, indépendants de l' Etat, intervenaient en parallèle .Le parti Baas, très actif en ville , assurait l' essentiel des fonctions de police en milieu rural, en collaboration avec les tribus .Les Fedayins de Saddam faisaient office de police de choc, spécialisée dans les opérations musclées .Partisans et Fedayins disposaient de leurs propres cellules de détention .D'autres formations paramilitaires, comme la Garde républicaine et les forces d' intervention d'urgence , servaient d' instrument de répression, aux côtés de l' armée ou en son lieu et place .Ces organes n' offraient pas au régime une maîtrise totale, " totalitaire " pour reprendre un terme utilisé à tort et à travers, de la force .Consacré prioritairement à la défense de ses intérêts particuliers, le régime tendait à déléguer certaines de ses prérogatives .Les tribus puissantes localisées le long de les frontières recevaient des armes ( pick-up équipés de mitrailleuses lourdes, fusils-mitrailleurs de modèles plus récents que l' armée, etc . ) au nom de une mission, en principe régalienne, de contrôle du territoire .Pour se faire, elles opéraient en coordination avec le Parti et le renseignement, rendaient des comptes directement à la Présidence et n' avaient aucun rapport, à cet égard, avec l' Etat .Autre délégation de compétence, la justice tribale a largement supplanté la justice civile, corrompue et sinistrée .du meurtre à l' accident de voiture, en passant par le divorce, un nombre croissant de litiges débouchent désormais sur des procédures tribales de règlement .Les assassins condamnés à mort par la justice civile voyaient même leur peine commuée en prison à vie pour peu que ils versent aux plaignants le " fasl ", c' est-à-dire les " dommages et intérêts " prévus par le droit tribal .Le régime a été jusqu' à autoriser chacun à faire sa loi, dans le cas dit des " crimes d' honneur ", commis impunément par les parents masculins d' une femme considérée coupable de mauvaises moeurs .Prompt à écraser certaines conduites subversives, le régime savait aussi faire preuve d' une grande mesure quant il semblait que cela était à son avantage .des tribus ont pu piller des dépôts d' armes, attaquer des locaux de l' appareil d' Etat ou éliminer des fonctionnaires, tels que les représentants honnis du ministère de l' Irrigation, sans encourir de sanctions majeures .Exemple plus parlant, les tribus du gouvernorat d' al-Anbar ont longtemps racketté les voyageurs sur la route entre Amman et Bagdad, unique moyen d' accès en Irak jusqu' à la fin de les années 1990, avant que le régime ne se décide à mettre un terme à ce banditisme .Alors que des images d' une répression brutale viennent forcément à l' esprit, les méthodes employées donnent à méditer sur la subtilité des rapports entre le pouvoir central et les pouvoirs locaux que sont devenues les tribus : Saddam Hussein a dépêché un émissaire éminent auprès de les cheikhs rassemblés en congrès, auxquels il a seulement rappelé leurs nobles devoirs de maintien de l' ordre .La force, qui génère le cercle vicieux de les représailles , restait ici à l' état d' une menace tacite, bien comprise des chefs de tribus .A ceux -ci, le régime, conscient de la vexation qu' il commettrait en les accusant ouvertement de les vols et en exigeant leur sujétion , ménageait adroitement une porte de sortie honorable .
La politique en Irak ne se réduisait donc pas à l' exercice permanent de la violence .En encourageant la renaissance des tribus et les phénomènes de communautarisation en général, le régime s' est placé au coeur d' un jeu dont il possédait seul la capacité d' arbitrage .Unique garantie d' un quelconque intérêt général, il s' est investi d' un rôle modérateur des tensions qu' il a lui -même attisées ...Il tirait d'ailleurs l' essentiel de sa légitimité, y compris auprès de ses détracteurs, de cette qualité minimale de rempart contre le chaos . [Interro] Pourquoi la disparition du pouvoir signifierait -elle forcément l' anarchie ?Déjà, parce que trop d' armes circulent au sein de la population irakienne . Les prix en vigueur sur le marché noir en début de année aident à s' en faire une idée .Le meilleur modèle de kalachnikov, à savoir le modèle russe , léger et pliable , utilisé par la Garde républicaine , coûtait 100 dollars au plus .Les fusils dits " GC " , d' un format , d' un calibre et d' une portée supérieurs à le kalachnikov , oscillaient entre 100 et 350 dollars, selon l' origine ( Iran ou Etats-Unis ) .Un lance-roquettes RPG en bon état de marche valait à peine plus de 150 dollars .A titre de comparaison, une arme rare comme un pistolet italien Beretta dépasse les 800 dollars . [Cliv] C' est dire la banalité du RPG ...Cet excédent d' armes légères, né de l' effort de guerre contre l' Iran , alimentait d'ailleurs un trafic illégal, mais lucratif, vers la Syrie et l' Arabie Saoudite .
La dispersion d' un tel arsenal nourrissait évidemment une violence chronique .des problèmes d' accès à l'eau pouvaient se solder par des tirs rangés entre voisins à la campagne .des combats très graves entre deux tribus rivales, qui s' étaient approprié des stocks d' arme chimique pendant la débâcle de 1991 , ont été rapportés .D'autres conflits locaux ont impliqué des Howitzers, de grosses pièces d' artillerie .Face à ces accès de violence, le régime restait le seul garde-fou .Bien que il n' ait jamais pu confisquer les armes légères en circulation, d'une part, et qu' il ait lui -même armé certains de ses alliés, de l' autre, ses capacités vigoureuses d' intervention et son monopole sur les blindés lui assuraient cependant la suprématie en toutes circonstances .A cet égard, la force d' occupation américaine se retrouve dans le même cas . [interro] Mais comment pourrait -elle s' entremettre à chacun des innombrables conflits qui ne manqueront pas de surgir ? [Interro] Pour pacifier le pays, comment collectera -t-elle des armes faciles à cacher, voire à enterrer, et à qui les Irakiens tiendront d' autant plus qu' ils craindront l' anarchie ? [Interro] Quant aux futures forces irakiennes, bras armé d' un nouveau régime dont on peine à imaginer la légitimité , ne renoueront -elles pas tout simplement avec les méthodes tant réprouvées de l' ancien ?
[SujetInv] A ce scénario catastrophiste s' oppose la vision américaine d' un Irak apaisé, prospère et démocratique .La prospérité pourrait être en effet la seule arme efficace contre les dissensions et la violence .Mais, plutôt que de attendre sa réalisation miraculeuse, pourquoi, là encore, ne pas la concevoir en des termes techniques ? [On...] On sait déjà qu' elle n' a de chance d' apparaître qu' à quelques conditions, dont on peut citer les plus évidentes :
Ce dernier obstacle n' est pas des moindres .Les pillages qui ont fait suite à l' effondrement de le régime n' étaient qu' une manifestation particulièrement visible de toute une culture de prédation, née des pénuries et des incertitudes dont souffre la population irakienne depuis 1991 .Cette culture consiste en une appropriation immédiate et sauvage, au détriment de la collectivité, des ressources matérielles disponibles tant que il est encore temps .Cette logique s' est traduite de multiples façons .Elle inspirait évidemment les pratiques de l' élite au pouvoir, qui se comportait comme si elle n' avait effectivement pas de lendemain .Un mois avant cette guerre perçue comme imminente , Ahmed Watban Ibrahim al-Hassan , fils d' un demi-frère de Saddam Hussein , s' accaparait encore, par exemple, le terrain d' un souk populaire du quartier d' al-Mansour, à Bagdad, investissant jusqu'au dernier moment dans l' immobilier !Quant à le fils aîné de Saddam Hussein, Oudeï, il personnifiait, par ses prédations non seulement commerciales mais sexuelles, l' attitude générale des hauts responsables du régime .
Néanmoins, la focalisation sur leurs personnes néglige les phénomènes beaucoup plus vastes, endémiques, de corruption et de racket qui formaient en Irak une sorte d' économie généralisée de l' intérêt particulier .Une majorité de fonctionnaires complétaient leurs maigres salaires grâce à les bakchichs .Chaque métier donnait lieu à des stratégies de rançonnage spécifiques .Les professeurs, quant ils ne mettaient pas directement leur complaisance à prix, gagnaient leur vie par des cours particuliers coûteux et ambigus, car devenus une condition sine qua non de la réussite aux examens .Les tarifs s' envolaient d'ailleurs à l'approche de ceux -ci .des instituteurs allaient jusqu' à dépouiller quotidiennement leurs élèves de leurs barres chocolatées, revendues par la suite .des agents de l' irrigation autorisaient des pompages illicites contre rémunération .des officiers dans l' armée faisaient payer des dérogations au service militaire ou des affectations privilégiées .Même de soi-disant " gardiens " de parkings publics exigeaient des automobilistes une rétribution excessive en se faisant passer pour des collaborateurs de l' inquiétant Comité olympique, quartier général d' Oudeï .La corruption s' étendait en outre à des secteurs sensibles, comme la sûreté ou le renseignement, chacun tirant de son pouvoir de circonstance des revenus plus ou moins ingénieux .Le tout s' organisait en une économie proprement cannibale, dans laquelle une voiture ou une maison abandonnée était immédiatement désossée par les plus pauvres, qui, n' ayant aucun pouvoir de circonstance à exploiter, métabolisaient en quelque sorte les résidus .Le régime tirait naturellement profit de ce qu' une chercheuse a récemment qualifié de " dictature des besoins " .Les prétendues largesses de Saddam Hussein , distribuées à les Tikritis et autres alliés , ont été largement exagérées .Les Fedayins de Saddam, pourtant totalement dévoués à la cause de le régime , ne touchaient pas plus de 50 000 dinars par mois ( environ 25 dollars ) .Le salaire d' un lieutenant colonel du Renseignement militaire ne dépassait guère 70 000 dinars .Quant à les gardes rapprochés de Saddam Hussein, dont l' entraînement extrêmement sévère faisait de nombreuses victimes parmi les rangs, leur pécule estimé de 2 à 3 millions ( soit de 1 000 à 1 500 dollars ) peut paraître plutôt modeste pour une élite absolue . [On...] Alors que des célibataires du célèbre quartier populaire de Saddam City considéraient 100 000 dinars comme la somme nécessaire pour vivre dignement, on comprend mieux les efforts déployés par beaucoup pour améliorer leur quotidien en multipliant les sources de revenu, quitte à se compromettre en cumulant les avantages du parti Baas, les gratifications offertes par la Présidence, les primes de " l' Association des amis du président ", etc .De tels arrangements pragmatiques expliquent pourquoi la population déshéritée du sud de l' Irak, majoritairement chiite et hostile au régime, n' en était pas moins majori-tairement baasiste .Les exemples de cynisme dans les relations à le pouvoir sont nombreux .En voici un concernant les tribus . En mai 2002, une réunion très discrète, tenue à Amman par des cheikhs pour discuter de les perspectives de changement politique , était dominée par les Shammar Jerba et les Baradost .Or les Shammar Jerba, notamment la puissante famille de les Al Mohammed , ont notoirement entretenu des rapports étroits avec le régime, dont leurs activités commerciales ont beaucoup profité .Quant aux Baradost, ces kurdes sont apparentés aux Zibar, mercenaires de Bagdad employés contre le nationalisme kurde dans les années 1970 et contre l' Iran dans les années 1980 .Quand le vent a tourné, en 1991, les Baradost sont entrés en compétition avec les deux partis kurdes ( l' UPK et le PDK ) pour le partage du pouvoir au Kurdistan autonome, avant de revenir, dépités, dans le giron du régime . [Cliv] Mais ce sont sans doute ces policiers qui reprennent aujourd'hui du service qui fournissent le meilleur exemple de l' opportunisme ambiant .Issus des mêmes milieux sociaux que les pillards, ces policiers suscitaient bien des craintes avant la guerre de la part de la population irakienne, qui s' attendait justement à ce que ils se rangent du côté de les voleurs à la faveur du chaos .Ces " volontaires " que les Etats-Unis présentent comme un modèle de coopération n' ont fait que trouver un nouveau maître cautionnant leurs abus . [SujetInv_SN] Partout réapparaissent les pratiques en vigueur sous l' ancien régime .Les " opposants " apportés dans leurs bagages par les " libérateurs " de l' Irak ne seront pas les derniers à les imiter .Le nouveau gouverneur autoproclamé de Mossoul, Mish'an Rakkad al-Damin al-Jebouri , est un archétype en la matière .Placé arbitrairement par Saddam Hussein à la tête de sa tribu, couvert de privilèges, sollicité pour l' enrôlement de recrues dans la Garde républicaine au début des années 1980, il a longtemps servi de conseiller du tyran pour les affaires tribales, avant de s' installer à l' étranger .Conspué dès sa réapparition à Mossoul, il doit son retour en politique à l' instrumentalisation de la puissance américaine pour imposer son autorité ...Conscients de la fragilité de leur pouvoir dans un pays où s' annonce une guerre de tous contre tous, les successeurs de l' ancien régime risquent fort d' adopter la logique de prédation qui prévalait jusqu'ici .Décrite par un Irakien comme la loi du " easy come, easy go ", cette logique se fonde précisément sur l' incertitude qui pèse sur l' avenir .Or cette incertitude, alors que les tensions qui traversent l' Irak commencent à s' exprimer sans entraves, n' est pas prête d' être levée .
AUTEUR : Barry R. POSEN
Depuis la fin de la guerre froide, les spécialistes de politique étrangère se sont demandé quel nouvel ordre mondial succéderait à la bipolarité Est-Ouest, et quelle nouvelle doctrine remplacerait pour les Etats-Unis celle du containment .Ceux qui pensent que nous sommes arrivés à un " moment unipolaire " de l' Histoire et prônent pour les Etats-Unis une politique de " suprématie ", c' est-à-dire d' hégémonie, l' ont apparemment emporté sur ceux qui pariaient sur l' émergence d' un monde mul-tipolaire et penchaient pour une politique étrangère plus retenue .Certains estiment peut-être que ce " moment unipolaire " sera court ; mais tout montre au contraire qu' il pourrait bien durer .Unipolarité et hégémonie vont cependant durer un certain temps, même si d' aucuns estiment que les Etats-Unis pourraient eux -mêmes contribuer, par indiscipline ou hyperactivité, à en précipiter la fin .L' un des piliers de l' hégémonie des Etats-Unis est leur immense puissance militaire .Les seules données économiques suffiraient à leur donner une large marge de supériorité : ce pays dépense plus pour la défense que la quasi-totalité des autres grandes puissances militaires, dont la plupart sont d'ailleurs ses alliés .Certains estiment que les Etats-Unis bénéficient aussi d' un avantage qualitatif unique, décisif, concernant l' utilisation militaire des technologies de l' information - on parle à ce sujet de " révolution dans les affaires militaires " .Ces pages proposent une analyse plus nuancée .D'abord, en définissant les domaines d' intervention dans lesquels les Etats-Unis disposent d' une réelle maîtrise - au sens de " maîtrise des mers " . Puis en se demandant si cette " maîtrise " fonde leur hégémonie et si elle ne pourrait être confrontée pas bientôt à un défi à sa mesure . Enfin, en rappelant qu' il existe encore des zones dans lesquelles cette maîtrise est contestée, ou du moins contestable, par des adversaires grands ou petits .
L' appareil militaire américain a, aujourd'hui, la maîtrise globale des " espaces communs " : la mer, le ciel, et l' espace .Celle -ci est comparable à la " suprématie navale " chère à Paul Kennedy .Ces " espaces communs " ne relèvent de la souveraineté d' aucun pays et constituent les voies de circulation et d' accès de notre monde .Le ciel appartient en principe aux pays qui se trouvent en dessous, mais rares sont les Etats qui peuvent interdire le survol des avions américains au-delà de 15 000 pieds .La " maîtrise " américaine ne signifie pas que d'autres pays ne peuvent accéder à ces zones en temps de paix, ni qu' ils ne peuvent y déployer des systèmes d' armes si les Etats-Unis n' y font pas obstacle .Elle signifie que les Etats-Unis, plus que tout autre pays, peuvent en faire un large usage militaire ; qu' ils peuvent de façon crédible menacer d' en dénier l' usage aux autres ; et qu' ils peuvent défaire tout Etat qui tenterait par la force de les empêcher d' en disposer : le challenger ne pourrait avant longtemps reconstituer ses forces, tandis que les Etats-Unis n' auraient pas de difficulté à préserver, restaurer, ou renforcer leur emprise après la bataille .
Cette maîtrise des espaces est le facteur militaire clef de la prééminence globale des Etats-Unis .Elle leur permet d' utiliser de façon plus poussée d'autres éléments de puissance, dont leurs propres forces économiques et militaires, et celles de leurs alliés .Elle aide les Etats-Unis à affaiblir leurs adversaires en restreignant leurs possibilités d' accès au soutien extérieur, économique, militaire ou politique, et leur fournit de puissants atouts pour fixer les conditions d' une bataille éventuelle dans les zones contestées qui seront évoquées ci-après .Elle permet aux Etats-Unis de se jeter dans la guerre sans long préavis, même dans des régions où leur présence militaire est réduite, comme le montre la guerre menée en Afghanistan contre les Talibans après les attentats du 11 septembre .La maîtrise des espaces donne aux Etats-Unis un potentiel militaire qui peut être mobilisé au service de une politique étrangère hégémonique à un point qu' aucune puissance maritime n' a connu dans le passé .au XIXe siècle, quand la Grande-Bretagne avait la maîtrise des mers, ses capacités de projection de forces n' allaient guère plus loin que la portée des canons des navires de la Royal Navy : celle -ci pouvait transporter une armée un peu partout dans le monde, mais elle avait souvent devant elle, une fois débarquée, un parcours long et difficile ; et sans débarquement, les Britanniques n' avaient qu' une capacité d' influence limitée sur les événements .Les Etats-Unis bénéficient d' une maîtrise des mers similaire et peuvent également transporter partout dans le monde des forces armées importantes .La maîtrise de l' espace exo-atmosphérique leur permet de scruter en profondeur tous les territoires et de collecter sur eux plus d' informations qu' ils ne peuvent en traiter .Dans des conditions favorables, les Etats-Unis peuvent localiser et identifier d' importantes cibles militaires et transmettre rapidement ces données à leurs " tireurs " .Leur puissance aérienne, à terre ou embarquée , peut atteindre des cibles situées très loin à l'intérieur de les terres, et les munitions de précision leur permettent souvent de les frapper et de les détruire .Si les forces terrestres s' aventurent à terre, elles rencontrent donc un adversaire affaibli et disposent d' informations fiables, de bonnes cartes et d' une connaissance précise de leurs propres positions .Les Etats-Unis peuvent enfin recourir à des frappes aériennes réactives, précises et destructrices qui garantissent aux troupes terrestres une grande liberté de manoeuvre, même si elles ne déterminent pas toujours à elles seules l' issue de la bataille .
[interro] Quelles sont les origines de cette maîtrise des espaces ?La première, évidente , est tout simplement le poids économique des Etats-Unis - 23 % du produit brut mondial d' après la CIA . A titre de comparaison, la Chine et le Japon, qui sont les deuxième et troisième puissances, n' en représentent respectivement que 10 % et 7 % .En outre, en consacrant 3,5 % de leur budget national à la défense ( soit 1 % du produit brut mondial ), les Etats-Unis peuvent entreprendre des projets plus importants que n' importe quel autre pays dans le domaine militaire .Les armements et les plates-formes nécessaires pour s' assurer de cette maîtrise de les espaces , et en user , sont en effet coûteux : leur conception et leur fabrication reposent sur un énorme complexe scientifique et industriel .En 2001, les Etats-Unis ont engagé autant d' argent pour la recherche et développement ( R & D ) militaire que l' Allemagne et la France pour la totalité de leur défense .L' utilisation militaire des nouvelles technologies de l' information, domaine où les Etats-Unis excellent, joue ici un rôle-clef . Les systèmes nécessaires à la maîtrise de les espaces requièrent des compétences pointues dans l' intégration des systèmes et la gestion de projets industriels à grande échelle, autres domaines d' excellence des Etats-Unis .La conception d' armements nouveaux et de nouvelles tactiques repose sur une expérience accumulée sur des décennies et s' incarne dans la mémoire institutionnelle des centres de R & D, privés et publics, qui oeuvrent dans le domaine militaire . [Il..._SN] Il faut enfin, pour gérer ces systèmes, un personnel hautement qualifié et très bien formé .Pour toutes ces raisons, un Etat qui voudrait acquérir 0 des capacités militaires concurrençant celles de les Etats-Unis devrait s' acquitter de " droits d' entrée " très élevés .
Les satellites de reconnaissance, de navigation et de communication fournissent aux Etats-Unis l' infrastructure globale nécessaire à leurs opérations militaires .Selon le général Michael Ryan, ancien chef d' état-major de l' U.S . Air Force, les Etats-Unis disposent de 100 satellites militaires et de 150 satellites commerciaux, soit plus de la moitié de tous les satellites aujourd'hui actifs dans l' espace .Le chiffre exact de leurs dépenses spatiales militaires n' est pas disponible, mais un expert l' évalue pour 1998 à un peu moins de 14 milliards de dollars - soit le budget de la NASA . Ce chiffre a sûrement progressé depuis et continuera de progresser compte tenu de l' importance accordée à l' espace par Donald Rumsfeld .des satellites commerciaux sont certes utilisés à des fins militaires de reconnaissance et de communication ; mais la plupart sont contrôlés par des entreprises américaines ou alliées, et leur exploitation peut être interrompue par les Etats-Unis . [Il...] Il reste qu' en matière de projection de forces, les Etats-Unis dépendent beaucoup de leurs satellites, et que ceux -ci représentent du même coup une cible particulièrement attrayante pour leurs adversaires .Tous les satellites ne sont cependant pas également vulnérables .La plupart des tactiques et techniques qu' un adversaire plus faible utiliserait contre les Etats-Unis ne fonctionneraient sans doute qu' une fois : par exemple les mines spatiales ou un " micro-satellite " d' interception en orbite .En outre, les Etats-Unis possèdent des capacités anti satellites naissantes qu' ils pourraient utiliser en cas de conflit .Même sans disposer de tout l' éventail des techniques spatiales, leurs capacités de frappe de précision sont conséquentes et peuvent détruire ou neutraliser les éléments terrestres des forces spatiales adverses .En cas de conflit, les capacités satellitaires des Etats-Unis seraient mises à mal, ce qui compliquerait pour un temps leurs opérations militaires ; mais toute bataille spatiale aurait probablement pour effet de dénier à l' adversaire les moyens d' accéder de nouveau à l' espace .
La maîtrise des lignes de communication maritimes permet aux Etats-Unis de projeter leur puissance militaire sur de vastes distances .Elle repose à la fois sur les capacités de l' U.S . Navy et sur un réseau très élaboré de bases navales .Les sous-marins nucléaires d' attaque ( SNA ) sont peut-être l' atout essentiel en matière de guerre anti sous-marine en haute mer, laquelle est elle -même la clef de la maîtrise durable des espaces maritimes .L' Union soviétique a longtemps rivalisé avec les Etats-Unis grâce à sa flotte de SNA, mais elle n' a pu l' emporter .A plus de 1 milliard de dollars pièce ( et plus de 2 pour le dernier modèle américain ), rares sont les pays qui peuvent s' offrir des SNA modernes : seules la Grande-Bretagne, la France, la Russie et la Chine en produisent - et cette dernière très difficilement .A la fin des années 1990, de nombreux SNA en cours de fabrication sont demeurés dans les chantiers russes : aucun SNA nouveau n' a été mis en service .L' U.S . Navy dispose de 55 SNA, quatre étant en construction . Elle prévoit d' en construire en gros deux tous les trois ans, et de convertir quatre sous-marins nucléaires lanceurs d' engins ( SNLE ) Ohio en sous-marins dotés de missiles de croisière non nucléaires en vue de attaques terrestres .La Navy domine aussi la surface des océans, avec 12 porte-avions ( dont neuf à propulsion nucléaire ) emportant des avions très performants .A part la France, qui en possède désormais un, aucun autre pays n' a de porte-avions nucléaire . [On...] A 5 milliards de dollars le porte-avions de classe Nimitz, on comprend pourquoi .Par ailleurs, le Marine Corps dispose de 12 porte-aéronefs, chacun au moins deux fois plus grand que les trois navires comparables de la Royal Navy ( classe Invincible ) .Pour protéger leurs porte-avions et équipements amphibies, les Etats-Unis se sont équipés, depuis 1991, de 38 destroyers multifonctions de classe Arleigh Burke, d' une valeur de plusieurs milliards de dollars, qui sont en mesure de effectuer des frappes terrestres et des missions antiaériennes et anti sous-marines en environnement dangereux . [Present] Il s' agit certainement là du navire de surface le plus performant au monde .Même si les Etats-Unis ont réduit depuis 1990 leurs forces basées à l' étranger et ont abandonné certaines installations, par exemple aux Philippines, le système de bases hérité de la guerre froide est resté pour l' essentiel intact, et l' expansion de l' OTAN a même fourni des bases supplémentaires dans l' est et le sud de l' Europe .Depuis la guerre du Golfe, l' accès aux régions-clefs a été amélioré, les Etats-Unis ayant développé un réseau de bases aériennes, d' installations portuaires et de centres de commandement dans tout le golfe Persique où troupes et avions se relaient en permanence .Ils ont installé des stocks de munitions et des équipements de soutien et de combat tout autour de le monde, sur terre et sur mer, qui représentent l' équivalent de trois divisions et demie .Depuis 1991, les Etats-Unis ont également amélioré de façon significative leurs capacités de transport aérien et maritime sur longue distance .
Une panoplie d' engins volants spécialisés dans l' attaque, le brouillage et l' acquisition électronique de le renseignement donne aux Etats-Unis une capacité de " suppression " ( destruction ou neutralisation ) des défenses aériennes ennemies ( SEAD ) .Elle limite l' efficacité des missiles sol-air ennemis et d' éventuels chasseurs, et permet aux Etats-Unis d' user, sans trop de risques, du ciel de l' adversaire au-dessus de 15 000 pieds .A cette altitude, leurs avions sont hors de portée des moyens de défense " rustiques ", comme les canons automatiques .Les Etats-Unis possèdent d' importants stocks de munitions aériennes de précision : leurs pilotes peuvent donc, même à cette altitude, détruire de façon fiable des cibles aussi réduites que des chars ou des bunkers .Tout un éventail d' engins tels que les satellites , les avions de reconnaissance et les drones leur fournit aussi des informations, importantes même si imparfaites, sur la localisation et l' identification des cibles majeures .Ces capacités sont apparues durant l' opération Rolling Thunder, au Vietnam ( 1965-1968 ) ; les résultats présents sont donc le fruit de plus de trois décennies d' effort .Aucun autre Etat dans le monde, à l' exception possible d' Israël , ne dispose de moyens aussi sophistiqués en matière de SEAD ou de frappes de précision .La maîtrise des espaces communs est au coeur de la puissance des Etats-Unis, au point qu' elle est rarement explicitement reconnue ...Sa pleine exploitation est rendue nécessaire par les difficultés qui attendent leurs forces au contact de l' adversaire .En dessous de 15 000 pieds, à quelques centaines de kilomètres des côtes ennemies et au sol, les Etats-Unis entrent en effet dans une zone où leur domination est contestée .Les militaires américains espèrent atteindre dans ces zones la même marge de supériorité que celle dont ils disposent dans les " espaces communs " .Mais cela n' est pas le cas, et ne le sera sans doute jamais .
Les adversaires rencontrés par les Etats-Unis depuis 1990 se sont rarement montrés coopératifs .Ils savent quels sont les points forts de ce pays et s' emploient à les neutraliser .Les militaires américains utilisent le terme de " menace asymétrique " pour désigner le recours par un adversaire aux armes de destruction massive, au terrorisme ou à n' importe quelle autre méthode classique prenant en compte les atouts des Etats-Unis . [On...] En inventant un terme spécifique, on tombe cependant dans une sorte de piège logique : les adversaires intelligents sont désignés par un terme spécial, ce qui signifie implicitement que les autres sont censés être stupides . [Il...] Or, il est peu probable qu' il en aille ainsi, et il est de toute façon dangereux de raisonner de la sorte en matière militaire .En réalité, plus les Etats-Unis s' approcheront du territoire tenu par l' ennemi, plus celui -ci se montrera efficace, sous l'effet de facteurs politiques, physiques et technologiques combinés .Les cas de l' Irak, de la Serbie , de la Somalie , de l' Iran , les embuscades rencontrées en Afghanistan au cours de l' opération Anaconda montrent qu' il est possible de lutter militairement avec les Etats-Unis .Seuls les Somaliens peuvent revendiquer quelque chose qui ressemble à une victoire ; mais les autres ont imposé aux Etats-Unis des coûts inattendus, préservé leurs forces, et souvent survécu à l' affrontement jusqu' à pouvoir hélas colporter entre eux leurs recettes .Ces pays ou entités étaient petits, pauvres, et souvent très en retard militairement .Ces exemples appellent à la prudence .Les facteurs essentiels sont ici les suivants .En premier lieu, la guerre a en général pour les acteurs locaux un intérêt politique de premier ordre, souvent bien plus important que celui des Etats-Unis .Leur tolérance à la souffrance est donc plus grande .En deuxième lieu, en dépit de leur taille réduite, ces acteurs supplantent d' ordinaire les Etats-Unis dans une ressource précise : le nombre d' hommes en âge de combattre .Même s' il n' est plus l' élément déterminant de la guerre terrestre, il reste un facteur critique, notamment en ville, dans la jungle ou en montagne .Troisièmement, les " locaux " disposent en général d' un avantage : ils jouent à domicile .Si les Etats-Unis ont constitué au fil de les décennies la mémoire institutionnelle qui leur permet de maintenir leur maîtrise des espaces, les acteurs locaux ont fait un travail similaire sur leur propre pays .Ils connaissent intimement le terrain et la météo, et ont mis au point, sur des décennies, voire des siècles, des tactiques et des stratégies adaptées à leurs milieux .Quatrièmement, nombre des chefs militaires de ces Etats ou entités ont été formés dans le monde développé - pendant la guerre froide, la formation militaire fut souvent utilisée comme instrument d' influence politique .Ils ont appris les tactiques en vigueur en Occident, comme l' usage des armes occidentales, et les meilleurs d' entre eux peuvent tourner ces connaissances contre les Etats-Unis .Certains rapports montrent d'ailleurs que les adversaires des Etats-Unis ont échangé leurs expériences .Cinquièmement, l' arsenal nécessaire à le combat rapproché , à terre , dans les airs à basse altitude ou dans les eaux territoriales est beaucoup moins coûteux que les armements nécessaires à la guerre dans les " espaces communs " .En outre, la diffusion des capacités économiques et technologiques civiles trouve son parallèle dans le domaine militaire : de nouveaux fabricants apparaissent, cherchant des débouchés à l' export, et l' arsenal pour le combat rapproché connaît un perfectionnement constant .Tous ces facteurs se renforcent et contribuent à créer une " zone contestée " .Dans une telle zone, les interactions entre les Etats-Unis et les forces locales vont souvent prendre la forme d' un véritable affrontement .Tout ceci n' annonce pas forcément une défaite américaine, mais nombre de difficultés .
Depuis la fin de la guerre froide, l' U.S . Navy a voulu montrer qu' elle offrait des réponses adaptées aux réalités contemporaines .Au début des années 1990, n' ayant plus d' adversaire en mer, elle a commencé à se réorienter afin de influer sur le combat terrestre .Les premiers documents en ce sens s' intitulent, de façon révélatrice, From the Sea et Forward from the Sea .Le chef des opérations navales a récemment mis l' accent sur les missions de la Navy à proximité du littoral adverse, dans un document de doctrine : Sea Power 219 .La Navy admet que le " combat littoral " est une mission différente de celles pour lesquelles elle s' était spécialisée, exigeant compétences et moyens particuliers ; mais elle n' a réalisé que peu de progrès depuis dix ans .Nombreux sont les pays experts en combat littoral .La Suède, l' Allemagne et Israël , probablement la Corée de le Sud , sont sans doute les meilleurs pour combiner les arsenaux et les technologies les plus modernes, ainsi que un entraînement et des tactiques appropriés .La Chine, Taiwan , la Corée de le Nord et l' Iran ont développé des forces militaires considérables dans ce domaine, même si tous souffrent de quelques lacunes .Une force structurée pour le combat littoral combine plusieurs éléments : mines, missiles anti navires, sous-marins diesels, vedettes d' attaque rapides, radars et moyens électroniques, batteries mobiles de missiles sol-air ( SAM ) à longue portée, avions et hélicoptères .Ces systèmes sont relativement peu coûteux .Ces dernières années, aucune grande puissance n' a eu à combattre une marine côtière de bon niveau, mais les mines et les missiles anti navires ont touché ou coulé plusieurs navires britanniques et américains depuis 1980, des îles Malouines au golfe Persique .Prises séparément, ces armes sont un obstacle et un danger potentiel mortel .Ensemble, elles créent des synergies difficiles à briser, surtout si la nature du " terrain " est favorable à la défense, par exemple dans des eaux closes comme celles du golfe Persique .L' U.S . Navy pourrait sans doute démanteler une défense littorale performante, mais avec du temps et de lourdes pertes en hommes et en matériel .
En dessous de 15 000 pieds, les avions de combat tactiques sophistiqués et coûteux restent vulnérables à l' action de moyens pléthoriques et peu coûteux comme l' artillerie anti aérienne automatique ( AAA ) légère de tout calibre, les SAM, et surtout les systèmes portables à guidage infrarouge comme les missiles américains Stinger .En dépit de un taux de pertes très bas, 71 % de celles subies par les forces aériennes alliées pendant la guerre de le Golfe furent provoquées par l' AAA et des SAM infrarouges à courte portée .Les forces aériennes occidentales volent donc au-dessus de 15 000 pieds afin de éviter ce type d' armement . [Autre] Ce qui réduit sensiblement les pertes mais compromet la localisation des forces ennemiesforcesdes moyens de défense anti aérienne simples, peu coûteux , permettent donc de protéger les forces au sol, même s' ils n' abattent que peu d' avions adverses .Les moyens de défense anti aérienne sont encore plus efficaces s' ils sont structurés dans un système de défense anti aérienne intégré ( SDAI ), qui relie les systèmes à courte portée, intercepteurs de combat et autres SAM à moyenne et longue portée à des radars, des moyens de renseignement électronique et un système de communication .Dans ce cas, pour que les forces aériennes occidentales puissent opérer sans risque, les radars, les communications et les SAM de l' adversaire doivent être neutralisés ou détruits . [Il..._SP] Il faut pour cela disposer de toute une panoplie d' instruments, et l' espace aérien adverseespaceLes militaires chargés de la défense anti aérienne ont appris qu' il leur suffit de survivre pour accomplir une partie de leur mission, à savoir la protection des forces au sol .Aussi ne s' exposent ne s' exposent -ils que lorsqu' ils le souhaitent, ce qui n' en contraint pas moins les Etats-Unis à rassembler à chaque fois l' ensemble de leurs moyens SEAD, pourtant rares et coûteux .Les opérations de " suppression " sont détectables par le renseignement électronique et les moyens d' alerte avancée ennemis .La défense peut ainsi " rationner " les attaques et être alertée à l'avance .Si les défenseurs sont suffisamment patients, ils se trouveront de temps à autre dans une situation tactique qui leur permettra d' abattre un avion .En 1999, l' armée serbe a montré qu' une AAA de basse altitude et un SDAI bien structuré - quoique obsolète - pour les altitudes moyenne et haute, constituaient un soutien puissant pour des forces au sol tentant de survivre aux attaques de l' U.S . Air Force .Ces forces terrestres présentaient un large éventail de cibles petites et mobiles ; les Serbes surent camoufler leurs tanks, véhicules et canons .Ils usèrent d' une grande variété de leurres pour tromper les pilotes américains, et la plupart des SAM mobiles serbes échappèrent aux attaques .Les Etats-Unis durent donc entreprendre chaque jour des opérations de " suppresion " ( SEAD ), alertant ainsi les Serbes à l'avance .Certes, le succès de ces derniers ne pouvait être que limité .Qu' il s' agisse de réseaux de transport ou d' infrastructures économiques, les objectifs fixes de grande taille comme les ponts et les centrales électriques ne pouvaient être déplacées ou camouflées , et ils furent donc détruits . [Il...] il fut sans doute décourageant pour les forces serbes d' abattre aussi peu d' avions ennemis, l' OTAN infligea finalement assez peu de dommages aux forces terrestres serbes déployées au Kosovo .
L' opération Tempête du désert suggère qu' il est peu de forces terrestres au monde qui puissent rivaliser avec l' armée américaine, en terrain ouvert et dans le cadre de une bataille mécanisée .Mais il est d'autres configurations de combat terrestre : en ville ou en montagne, dans la jungle ou dans les marais .Et les Etats-Unis doivent avoir conscience des difficultés qui peuvent les y attendre .La première est une simple question d' effectifs .Les trois pays désignés comme appartenant à l' axe de le Mal " - la Corée de le Nord , l' Irak et l' Iran - ont des armées de conscription .Elles représentent en tout 16 millions d' hommes âgés de 18 à 32 ans .Sans doute_NEW_ ces hommes sont -ils entraînés très inégalement .Mais ce nombre donne tout de même une idée du potentiel dont disposent ces pays : les hommes constituent une importante ressource militaire, ici et ailleurs .La population de la planète devrait passer d' environ 6 milliards en 2003 à 8 milliards en 2025, l' essentiel de cette augmentation touchant les pays en développement .Les futurs fantassins devraient n' avoir aucun mal à s' équiper . [Present_SP] Il y aurait dans le monde quelque 250 millions d' armes légères à usage militaire ou policier, y compris les mortiers et les armes antichars portables .Les stratèges américains doivent aussi prendre conscience du problème de police qui risque de se poser si les Etats-Unis tentent de conquérir et de réorganiser politiquement des pays peuplés .Occuper par exemple l' Irak, pays de 22 millions d' habitants , et y maintenir l' ordre exigerait la présence sur place de 50 000 hommes, à condition que après la victoire, comme le prévoient de façon optimiste les responsables militaires, le ratio policiers / population des Etats-Unis convienne également en Irak ( 2,3 pour 1 000 ) .Ces 50 000 hommes représentent 10 % des effectifs actifs de l' armée des Etats-Unis, et sans doute un cinquième des troupes de combat .Or le personnel militaire est devenu presque trop cher à recruter aux Etats-Unis .Pour faire des économies, une récente étude du Pentagone suggérait d'ailleurs de réduire les effectifs de 90 000 hommes, soit une division active sur dix : mais cette recommandation n' a pas été retenue .Il est tentant de croire que les gros bataillons de l' infanterie légère adverse seront aisément battus par des forces terrestres lourdes et " high-tech " .Les cas de la Somalie et de l' Afghanistan montrent que ce n' est pas si simple .Les forces d' élite envoyées à Mogadiscio en 1993 ont souffert de lourdes pertes, en partie du fait de leurs propres erreurs .Les combattants somaliens se sont battus avec courage et habileté, aidés par l' environnement urbain . [Present] Il existe d'ailleurs des " fantassins urbains " encore mieux armés et préparés, comme les Russes l' ont découvert à Grozny .Et les informations trouvées dans les camps d' entraînement d' Al-Qaida en Afghanistan montrent qu' une infanterie peut être formée de façon efficace avec des méthodes relativement simples et " low-tech " .L' opération Anaconda, en terrain montagneux , témoigne du succès de cet entraînement .L' adversaire, camouflé , s' y est montré extrêmement habile : une colonne d' alliés afghans a été prise en embuscade de très près .Et tous les moyens de reconnaissance et de renseignement américains n' ont probablement pu localiser que la moitié des positions préparées par l' ennemi dans la vallée de Shah y Kot .Tous les hélicoptères d' attaque envoyés en appui ont été criblés de balles, et l' infanterie a souvent dû se déployer sous des tirs précis de mortier, ce qui explique la plus grande part des deux douzaines de blessés infligées aux Etats-Unis le premier jour .Au bout de plusieurs jours de combat, de nombreux éléments d' Al-Qaida ont pu s' échapper à la faveur du mauvais temps .Durant cette opération, Al-Qaida s' est battue avec des armes simples et très répandues de type soviétique : fusils d' assaut, lance-grenades, mortiers et mitrailleuses .Mais de nouvelles générations d' armes d' infanterie, peu coûteuses , seront bientôt accessibles aux adversaires potentiels des Etats-Unis .En bref, un grand nombre d' hommes en âge de combattre , un terrain favorable , un bon entraînement , et de grandes quantités d' armes peu coûteuses peuvent constituer un défi significatif pour les forces militaires américaines .
Les Etats-Unis ont jusqu'ici eu la chance de ne combattre que des ennemis disposant seulement d' une des trois capacités de base - aérienne, terrestre ou maritime .Et quand l' adversaire se spécialisait dans l'une d' elles, il n' était pas toujours du meilleur niveau .Les Serbes étaient très efficaces, mais leurs meilleures armes avaient une génération de retard, voire plus .En outre, bien que ils se soient battus rudement, la guerre n' avait pour eux qu' un objectif limité .Les Somaliens se sont battus avec ténacité et ont tout simplement chassé les Etats-Unis .Mais ils n' étaient ni aussi bien armés, ni aussi bien entraînés que les combattants d' Al-Qaida dans la vallée de Shah Y Kot .Ces derniers n' étant pas aussi bien armés que le seront certains de les adversaires futurs que les Etats-Unis pourraient affronter - ils n' étaient d'ailleurs que quelques centaines sur le champ de bataille .Enfin, les actions menées le long des littoraux par l' U.S . Navy pendant la guerre de le Golfe ont bénéficié de conditions tout à fait fortuites, l' Irak ne s' étant pas préparé sérieusement au combat naval . [On...] On ne peut prédire avec certitude si les Etats-Unis auront un jour à affronter un adversaire doté de l' éventail complet des capacités créant la " zone contestée " .Et il il venait à se présenter, ils pourraient refuser le défi . [Il..._SN] A horizon de dix ans, pourtant, il est plausible que l' Iran et la Chine auront acquis la maîtrise de certaines capacités aériennes, terrestres et maritimes .La Corée de le Nord est sans doute assez performante dans le domaine de le combat rapproché au sol, mais plus médiocre en matière de défense antiaérienne et de combat littoral .Les capacités actuelles de l' Irak sont difficiles à évaluer précisément .La Russie sera probablement la principale source des meilleurs systèmes de défense anti aérienne vendus dans le monde, mais la Chine ne tardera pas à entrer sur le marché .La Russie vend également des systèmes d' armes très performants pour la défense côtière . [Il...] Il est d'ailleurs probable qu' elle conservera sa compétence en matière de défense anti aérienne et qu' elle réinvestira le domaine du combat littoral .Mais elle rencontrera plus de difficultés en matière de forces terrestres, et en particulier d' infanterie .
Nul ne doute que les Etats-Unis soient aujourd'hui la plus grande puissance militaire du monde, et la plus grande puissance globale depuis l' avènement de la voile . Leur suprématie militaire est à la fois une conséquence et une cause de l' inégale distribution de la puissance aujourd'hui .Si les Etats-Unis n' étaient pas dominants économiquement et technologiquement, ils ne seraient pas la première puissance militaire .
Cette domination militaire est aussi la conséquence de certains choix, comme celui d' avoir de vastes budgets d' armement, ou de certains types de dépenses .Les Etats-Unis jouissent d' une supériorité dans les capacités militaires qui leur permet une projection globale de puissance .La maîtrise des espaces communs - air , mer , espace - , leur offre toute une gamme d' options stratégiques dont les autres pays sont privés, bien que ils profitent, eux aussi, de ce " bien collectif " .Aussi longtemps que les Etats-Unis feront bon usage de cette maîtrise, nombre d' Etats jugeront que leur prééminence sert leurs intérêts . [Il..._SP] Il sera donc difficile, pour d'autres, de la remettre en cause avant longtemps . [Il..._SN] Pour autant, il est essentiel que les Etats-Unis ne concluent pas que les capacités qui leur assurent la maîtrise des espaces, ainsi que la possibilité d' accéder à tous les champs d' opérations, leur promettent un même niveau de supériorité dans toutes les circonstances .Pour des raisons démographiques, politiques et technologiques, le " combat rapproché " restera très probablement difficile .Les responsables civils et militaires du Pentagone partent souvent du principe selon lequel la supériorité technologique des Etats-Unis dans les zones " maîtrisées " peut être reproduite dans les zones contestées, pour peu que on investisse suffisamment dans la technologie . [Cliv] C' est sans doute une chimère .Les Etats-Unis devraient réfléchir à une stratégie raisonnable, qui leur permette d' exploiter concrètement la supériorité que leur confère la maîtrise des espaces pour créer les conditions les plus favorables aux affrontements dans les zones contestées .Une stratégie militaire exploitant pleinement cette maîtrise de les espaces n' est pas compliquée dans son principe .La maîtrise des mers permet aux Etats-Unis de rassembler leurs propres forces, et celles de leurs alliés, pour disposer localement d' une supériorité matérielle massive et couper l' adversaire de ses soutiens politiques et militaires .La maîtrise de l' espace exo-atmosphérique permet d' étudier attentivement l' ennemi et d' adapter en conséquence les forces à employer contre lui .La maîtrise de l' air permet d' épuiser prudemment les forces restantes de l' adversaire .Au bon moment, les Etats-Unis et leurs alliés peuvent frontalement défier un adversaire très affaibli dans la zone contestée .Ces éléments, onéreux et durables , de la supériorité de les Etats-Unis leur donnent de telles capacités - même si leur mobilisation peut s' avérer lente - que bien peu d' Etats seront tentés de s' y mesurer . [Il...] Si tel était pourtant le cas, il suffirait aux Etats-Unis de mettre en oeuvre une stratégie exploitant patiemment leur maîtrise des espaces communs : peu d' adversaires pourraient la supporter, ou y résister .
AUTEUR : David BARAN
L' Irak, disaient les spécialistes à la fin de les années 1980, était l'un des pays les plus méconnus au monde .Avec l' embargo, les années 1990 ont encore aggravé cette situation, en isolant ce pays autrefois fréquentable .En dépit de un contexte de guerre annoncée, l' adversaire irakien de Washington reste insaisissable, si ce n' est par des analyses se focalisant sur les " capacités militaires " de Saddam Hussein .Or les guerres, pour reprendre l' expression d' un expert , ne tiennent jamais à des " facteurs tangibles ", c' est-à-dire chiffrables ( nombre d' hommes, de chars ou de missiles dans chaque camp ) .Le régime actuel a survécu plus de 30 ans à d' innombrables dangers qui ont contribué à forger un dispositif de sécurité sophistiqué, dont le rôle durant le conflit pourrait être déterminant .Ce dispositif, initialement simple , s' est enrichi dans l' épreuve, pragmatiquement .Il est le résultat d' une sorte d' apprentissage, fait d' erreurs, de corrections, de perfectionnements .Par sa plasticité, il offre à Saddam, au-delà de les seules capacités militaires, un ensemble de ressources qui pourraient se révéler utiles en temps de guerre .
Le régime actuel a pris le pouvoir à l'occasion de un coup d' Etat militaire, orchestré par le parti Baas, qui demeure le parti unique en Irak à ce jour .Pour asseoir son autorité, il a procédé au remaniement de l' appareil de sécurité et au développement d' institutions propres .Il a hérité d' un dispositif de coercition classique, comprenant une armée de taille modérée ( née en 1921 et incluant une force aérienne, la plus ancienne du monde arabe ), un service de renseignement militaire dit Istikhbarat ( chargé, depuis le début des années 1930, à la fois d' informer l' armée et de garantir sa loyauté ) et une police politique connue sous le nom de Amn, ou Sûreté ( remontant aux années 1920 ) . [SujetInv] A ces vénérables ancêtres datant 0 de la Monarchie s' ajoutait une innovation ultérieure majeure, la Garde républicaine, formée en 1963 à partir de éléments de l' armée régulière .Consacré à la protection de la Présidence et agissant sous son autorité directe, ce corps d' élite est l' aïeul des fameuses Gardes républicaines de Saddam Hussein .
De ces quatre structures, l' armée est celle qui a connu les transformations les plus spectaculaires .Rassemblant 50 000 hommes en 1968, elle en aurait compté près de dix fois plus en 1980 .Cet élargissement s' est accompagné de la pénétration de l' institution militaire par le Parti .L' admission à l' Académie militaire a été restreinte aux seuls membres du Baas .La peine de mort est venue sanctionner toute activité politique alternative dans l' armée .Comme il était théoriquement possible à l'ancienne génération de demeurer apolitique, les soldats ont été encouragés à désobéir aux ordres d' officiers non baasistes au cas où ils les jugeraient " suspects " .
Le recrutement militaire, répondant à des critères idéologiques nouveaux , maintenait cependant d' anciens principes de ségrégation communautaire .Les Anglais, sous la Monarchie , avaient rapidement institué une politique discriminatoire d' admission à l' école militaire, favorisant les Arabes sunnites au détriment de les Kurdes et des Arabes chiites .En outre, le déclin économique amorcé à cette époque par la bourgade de Tikrit , patrie de Saddam , avait engendré de nombreuses vocations militaires . [SujetInv] Préexistait donc au coup d' Etat de 1968 une sorte de corps sur lequel les nouveaux dirigeants politiques, eux -mêmes sunnites et originaires de Tikrit, pouvaient compter .Le régime n' a fait qu' accentuer ces tendances sectaires au sein de l' armée .Lorsque Saddam Hussein a revêtu les fonctions de président de la République, en 1979, des Tikriti occupaient presque tous les postes prééminents de commandement .
Parallèlement à ces réformes, le régime a inauguré des instruments inédits en matière de sécurité .Deux d' entre eux méritent mention . [Present_SP] Il s' agit de l' Armée populaire et d'arméeIssus du Parti et formant d'emblée des organes relativement sûrs, ils venaient concurrencer l' armée régulière et la Sûreté, deux institutions dont la fidélité n' était pas acquise a priori .Mise sur pied au début de les années 1970, l' Armée populaire est l' avatar d' une milice aussi éphémère que redoutable, responsable des quelques mois de terreur post-révolutionnaire qui ont suivi la première et brève accession des baasistes au pouvoir en 1963 .Les Moukhabarat, établis en tant que tels vers 1973 , sont issus d' un organe de sécurité interne élaboré par le Parti, contraint d' agir, entre 1963 et 1968, dans la clandestinité .Saddam Hussein , réputé être l' architecte de cet organe implacable , rassemblant un noyau dur de militants de les plus engagés , y a certainement été à bonne école .En 1973, une spectaculaire tentative d' assassinat lui fournit le prétexte nécessaire à une véritable refonte : préparée par le directeur général de la Sûreté, Nadhem Gezar, elle ne visait pas moins que le président de la République, Ahmed Hassan al-Bakr, et l' homme fort du moment, Saddam Hussein .Seul le ministre de la Défense y a perdu la vie ; le régime, lui, gagnait une excellente occasion d' asseoir son pouvoir .Outre diverses mesures renforçant l' autorité du président et des hautes instances du régime, l' affaire Gezar a justifié le remaniement et l' expansion soudaine des services de sécurité .Elle a favorisé l' établissement des Moukhabarat comme organe concurrent de la Sûreté .Quant à l' armée populaire, encadrée par le Parti mais placée par précaution sous le contrôle opérationnel des Moukhabarat, elle a amorcé une forte progression de façon à accompagner la croissance de l' armée .Mobilisant 50 000 hommes en 1977, elle en rassemblait 250 000 en 1980 .
Pour verrouiller son emprise sur ce dispositif en pleine croissance, Saddam Hussein a eu recours à deux formes de centralisation de l' autorité .L' une consistait à nommer des proches à des postes-clefs, tout en veillant à se prémunir de leurs ambitions personnelles .Taha Yassin Ramadhan, camarade de lutte d' une loyauté sans faille , commandant 0 de l' armée populaire à partir de 1974 , était ainsi flanqué d' un second rapportant directement à Saddam .Dans un même esprit, celui -ci nommait son demi-frère, Barzan Ibrahim al-Hassan, adjoint au directeur général des Moukhabarat dès leur conception .L' autre forme de centralisation, plus institutionnelle, consistait à court-circuiter les hiérarchies traditionnelles dans certains secteurs sensibles .Ainsi, les escadrons d' attaque de la Force aérienne sont passés dès 1978 sous la coupe de Saddam Hussein .Plus tard, la Sûreté et les Istikhbarat, soustraits à les ministères de l' Intérieur et de la Défense , respectivement , ont de même été soumis à la tutelle d' une présidence concentrant toujours plus d' autorité .
Tout ce processus sera renforcé par le développement de l' image de l' ennemi intérieur, relais des " impérialistes " et autres " sionistes ", avant que l' identification des minorités irakiennes " complices " soit bientôt doublée de celle d' un ennemi extérieur autrement important : l' Iran .
Ayant pris officiellement les commandes du pays, sûr de ses forces, persuadé de pouvoir vaincre l' Iran en quelques opérations décisives, Saddam Hussein a jeté l' Irak dans un conflit inutile et épuisant .L' armistice du 8 août 1988 a arrêté les comptes, selon les estimations les plus pessimistes, à 500 000 morts dans chaque camp .Pourtant, huit ans de combats acharnés ont à peine altéré le tracé des frontières .A l'intérieur du pays, en revanche, la situation a considérablement changé : à bien des égards, l' Irak s' est ruiné par son énorme effort de guerre .Mais les forces armées et l' appareil de sécurité se sont épanouis, leur renforcement dans les années 1970 cédant la place à une formidable explosion .
L' armée, bénéficiant d' un programme d' armement massif , a connu à cette époque une nouvelle inflation, comptant près de un million d' hommes à la fin de la décennie .Ce chiffre évocateur a aidé à faire de l' Irak, après l' invasion du Koweït, cet ennemi terrible requérant une coalition de 33 pays, dont les plus puissants au monde .En fait, la croissance numérique de l' armée, autant que son surarmement , servait à compenser de graves déficiences .Elle souffrait d'abord d' un style rigide de commandement .Politique et hyper centralisé, celui -ci laissait peu d' initiative aux professionnels de la guerre .Une planification excessive des opérations aboutissait à un manque fatal de réactivité .Les plans d' attaque, fixant parfois 0 des objectifs chimériques , étaient élaborés sous la supervision personnelle du commandant en chef des Forces armées, c' est-à-dire de Saddam .Les unités sur le front ne pouvaient ni annuler un assaut, ni frapper des cibles impromptues sans en référer aux quartiers généraux .Le succès du concept d' armée idéologique est un second handicap à relever .L' armée, placée sous la surveillance de les Istikhbarat , était aussi traversée d' un maillage de structures du Parti doublant la hiérarchie militaire et veillant au respect de une stricte orthodoxie politique .Le " bureau militaire " de le Baas et les Istikhbarat examinaient séparément les candidatures aux postes d' officiers .Peu attentif aux aptitudes militaires, ils scrutaient les activités civiles des gradés .Les commandants sélectionnés, craignant constamment les accusations de déloyauté , se pliaient ensuite à des ordres absurdes pour manifester leur totale soumission .Ces considérations politiques ont d'abord promu une norme de médiocrité militaire au sein de l' armée .Il subsistait naturellement des commandants valeureux .Les besoins en personnel avaient d'ailleurs eu le mérite d' ouvrir plus équitablement le recrutement des gradés à la population chiite, qui ne fournissait pas seulement, comme on l' a parfois prétendu, la " chair à canon " .Nombre d' officiers chiites compétents ont pris la tête de corps d' armée et les héros acclamés parmi eux n' étaient pas l' exception .La guerre, qu' il fallait bien gagner , obligeait le régime à ne pas trop s' aliéner une hiérarchie frustrée de ses prérogatives et allant jusqu' à donner quelques signes de mutinerie .Confronté à de cuisantes défaites et à la stratégie iranienne de " marée humaine ", Saddam a dû s' en remettre, finalement, aux conseils de quelques commandants de confiance .Ce changement ne signifiait pas la consécration publique du talent militaire, au contraire .A ce moment, Saddam Hussein a justement modifié sa stratégie médiatique, reléguant dans l' ombre les officiers les plus illustres pour se protéger de leur popularité .Une série d' accidents suspects, causant notamment la mort d' Adnan Kheirallah Tulfah , cousin et beau-frère de le président , cumulant les postes de commandant en chef adjoint de les forces armées , de ministre de la Défense et de vice-Premier ministre , a incité les héros ayant survécu au conflit à opter d' eux -mêmes pour la plus grande modestie et la plus parfaite discrétion .
Conformément à sa vocation de contrepouvoir, l' Armée populaire s' est étendue proportionnellement aux forces régulières .Selon son commandant Taha Yassin Ramadhan, elle dépassait en 1984 les 500 000 conscrits et venait d' être dotée d' armes lourdes .Son rôle sur le front la plaçait surtout en soutien à l' armée .Palliant le vide créé par la concentration des forces à l' est, elle assurait aussi des campagnes d' arrestation de déserteurs et diverses fonctions de logistique et de contrôle dans l' arrière-pays .
Dans le courant de la guerre, deux autres formations sont venues peser dans ce jeu de contrepoids .La Garde républicaine, initialement prétorienne , s' est muée en une vaste force offensive, s' ajoutant aux armées régulière et populaire .Et l' expansion de la force aérienne a conduit au déploiement d' un Corps aérien de l' armée, pourvu essentiellement d' hélicoptères et indépendant du reste de l' aviation .Redoutant ses propres avions, le régime a également réduit, par un entraînement minimal, les capacités opérationnelles des pilotes d' attaque .Autre signe de défiance, la Garde républicaine et l' Armée populaire ont été équipées d' un arsenal de D.C.A. considéré supérieur à celui de la Défense aérienne, qui relevait de l' armée .Malgré une organisation et une doctrine comparables, d' inspiration soviétique, la Garde se distinguait de l' armée par sa capacité à mener des opérations plus complexes et impliquant des blindés .Recevant l' équipement le plus moderne grâce à un système d' approvisionnement spécifique et prioritaire, elle devait son efficacité à un personnel de qualité, motivé par le prestige de ses fonctions et par les avantages qui y étaient attachés, en terme de soldes, primes, permissions, rations, achats subventionnés, etc . [SujetInv] S' ébauchait ainsi un système de préséances que le régime a systématisé par la suite .La Garde inaugurait en outre une forme nouvelle de recrutement, faisant appel aux contingents de quelques grandes tribus arabes et sunnites, alliées du régime .Ainsi, le régime désavouait ouvertement le concept d' armée idéologique, fondement même de l' armée .Les effectifs de la Garde républicaine ont été particulièrement renforcés au cours de les deux dernières années du conflit .Elle dépassait les 100 000 hommes lors de l' armistice et atteignit sa taille maximale de 150 000 hommes à la fin de la décennie .Multipliant les succès face à un ennemi affaibli, elle a joué un rôle concluant dans la " victoire " finale de l' Irak contre l' Iran .Performante et loyale, rompue à l'usage des gaz de combats employés en coordination avec le Corps aérien pour endiguer les " marées humaines " iraniennes, la Garde républicaine s' annonçait enfin comme une arme de choix en politique intérieure .
Deux formations apparues dans la première moitié des années 1980 restent aujourd'hui encore aussi obscures que décisives . [Present_SP] Il s' agit de la Sécurité spéciale,sécuritéSelon les avis, elle serait issue d' unités de la Garde stationnées à Bagdad pendant la guerre ou d' un premier bras armé de la Sécurité spéciale .Quoi qu' il en soit, elle apparaît comme une structure bien délimitée par une tâche unique : isoler physiquement les centres névralgiques du régime de leur environnement menaçant .Cet objectif simple implique en fait une extrême polyvalence, pour garder les édifices vitaux du pouvoir, tenir front à une sédition de blindés ou couvrir les déplacements furtifs de Saddam Hussein .La Garde républicaine spéciale a en outre reçu très tôt ses propres armes de D.C.A., ce qui illustre à quel point la notion de redondance est un précepte structurant du dispositif de sécurité irakien .Les origines de la Sécurité spéciale, service le plus secret et le plus sensible de le régime , sont encore plus incertaines .Sa structure précise et l' étendue exacte de ses affectations ne sont pas accessibles à un observateur extérieur au monde du renseignement . [Il...] Il serait d'ailleurs surprenant que même les agents de ce service aient une vision complète et détaillée de son organisation . [On..._SP] Néanmoins, on peut tenter de la décrire grossièrement en deux points .D'une part, la Sécurité spéciale s' est imposée comme l' instrument de contrôle d' un appareil militaire et de sécurité en pleine effervescence .La guerre contre l' Iran et le développement économique du pays, impliquant une importante présence étrangère en Irak , a commandé une forte expansion des Istikhbarat et des Moukhabarat, s' ajoutant à celle de l' armée, de l' Armée populaire et de la Garde républicaine .Les effectifs de la Sûreté ont également progressé durant les années 1980, bien que ils aient été purgés par Ali Hassan al-Majid, cousin de Saddam, et que son importance relative au sein de l' appareil de sécurité ait eu tendance à diminuer .Chargée de déceler toute dissidence, la Sécurité spéciale s' est appuyée dans chacune de ces institutions sur des éléments recrutés discrètement, cooptés pour un loyalisme absolu et préalablement éprouvé .
D'autre part, elle s' est affirmée comme une sorte de pouvoir exécutif propre aux intérêts supérieurs du régime .Les ordres émis ou transmis par ses agents sont indiscutables .Son intervention signifie toujours que l' affaire est d'importance en haut lieu .Ainsi, la Garde républicaine, relevant officiellement de le Commandement en chef de les forces armées , lui a été fonctionnellement subrdonnée . [Cliv] Mais c' est surtout dans le domaine dit de l' industrialisation militaire " que son rôle d' exécutif occulte s' est révélé .Hussein Kamel Hassan al-Majid , neveu et gendre de Saddam Hussein , cerveau de l' industrialisation militaire et architecte supposé de la Sécurité spéciale , a mis celle -ci au service de le programme ambitieux d' armement et d' approvisionnement militaire, secteur exigeant, sensible et formateur s' il en est .La Sécurité spéciale a notamment joué un rôle-clef dans la mise en place d' un réseau de fournisseurs via des sociétés-écrans, dans le détournement d' infrastructures civiles à des fins militaires, dans la coordination des acteurs divers du secteur et dans la protection de l' information, grâce à un cloisonnement accru de l' appareil de sécurité et à la mise en oeuvre des techniques de dissimulation indispensables à ce programme .Bref, les années 1980, ponctuées par une guerre ogresse , par des besoins insatiables en armement et par une terrible opération de répression ( dite Anfal ) à le Kurdistan , ont été les années d' une activité intense du point de vue de l' appareil de sécurité .Les horreurs de l' opération Anfal, orchestrée par Ali Hassan al-Majid , ont laissé comme symbole le gazage de Halabja .du point de vue de l' appareil de sécurité, elles ont démontré l' efficacité de petites unités paramilitaires, composées d' éléments tribaux, de militants baasistes et d' agents de l' appareil de sécurité, milices dont l' usage s' est aujourd'hui systématisé .
La stratégie adoptée pour envahir le Koweït, en août 1990 , signalait le déclin de l' armée .La maîtrise des airs, assurée par la Force aérienne , a permis le largage, par des hélicoptères du Corps aérien, de commandos de la Garde républicaine aux points stratégiques de l' émirat .L' armée n' a servi, plus tard, que de force d' occupation . [Cliv_SP] Pour la petite histoire, c' est par la radio que le ministre de la Défense et le chef d' état-major de l' armée auraient pris connaissance de l' invasion .L' humiliation de l' institution militaire entérinait la perte progressive, durant les années 1980, de ses fonctions de répression interne et de socialisation de la population dans une perspective de construction nationale, etc .Face à la coalition des Alliés, l' armée a d'ailleurs cédé à une débandade quasi généralisée .La Garde républicaine, à le contraire , s' est montrée digne des espoirs que le régime avait placés en elle .
La défaite patente de l' Irak montrait à l'évidence la faillite d' une stratégie dépassée .Statique et essentiellement défensive, inspirée des tactiques soviétiques et de la guerre contre l' Iran, minée par des considérations sécuritaires et d' incroyables erreurs de jugement, cette stratégie ignorait surtout que aucune guerre classique ne pouvait être gagnée contre les Etats-Unis .L' armée irakienne n' avait jamais réussi à maîtriser des opérations coordonnées complexes .La supériorité technique acquise face à les Iraniens , précisément pour compenser de telles défaillances , devenait dérisoire comparée à l'avance de l' OTAN . Saddam Hussein a vite compris qu' il existait des réponses imaginatives et non technologiques à opposer aux armements de l' ennemi .Confronté à la suprématie aérienne américaine, le régime a ordonné aux servants de la Défense aérienne d' évacuer leurs positions de tir en moins de trois minutes, initiant la technique des tirs furtifs .Il a disséminé de nombreux blindés dans les villes, notamment à Bagdad, où sont restées intactes jusqu' à la fin de la guerre des unités entières de la Garde républicaine .Les avions rescapés de les premières nuits de bombardement ont également été dispersés, garés dans des zones urbaines, intégrés à des sites archéologiques, abrités sur des routes détournées ou encore dissimulés dans des hangars déjà détruits .Le Corps aérien, rivé à le sol et escamoté d'emblée , n' a ainsi perdu en tout que six hélicoptères .De même, les employés de l' appareil de sécurité ont déserté leurs locaux officiels .Certains dormaient dans leurs voitures ou s' invitaient dans des familles qui ne pouvaient guère leur refuser l' hospitalité .D'autres disposaient déjà de locaux banalisés .Dès les années 1970, la Sûreté avait installé des antennes locales dans les quartiers, rachetant des pavillons d' habitation à des prix imposés .Cette politique s' est étendue après les bombardements massifs de 1991 . [Il...] Il est notoire que Saddam Hussein lui -même, pendant les frappes, a eu recours à une mobilité constante plutôt que aux fortifications, quitte à passer lui aussi la nuit " chez l'habitant ", entouré de gardes du corps .Les Etats-Unis, sait -on aujourd'hui, souhaitaient pourtant le localiser pour le tuer d' un missile bien placé .
Ces exemples d' esquive convergent vers une doctrine nouvelle et tacite de préservation . Trois facteurs majeurs ont contribué à la survie du régime . ont contribué à la survie du régime .Tout d'abord, la préservation de Bagdad comme sanctuaire , malgré de nombreux sacrifices , a fait paraître Saddam Hussein comme difficilement " délogeable ", à moins de une invasion hasardeuse de la capitale .Ensuite, la préservation au sein des forces armées de les forces dites " frappantes " ( quwat dhareba ) a autorisé de surprenantes contre-attaques face à un adversaire enorgueilli par la faible résistance de l' armée .Plus fidèles et plus motivées que les unités régulières, ces unités d' élite spécialisées dans les opérations ponctuelles s' étaient justement éclipsées durant la première phase du conflit, s' abritant dans le tissu urbain de Bagdad . Enfin, la préservation de l' appareil de sécurité, dans ses dimensions préemptive et répressive , assurait au régime, affaibli, de rester maître de sa population .Avec les encouragements de Georges Bush, des révoltes ont éclaté lors de le retrait allié dans presque tout le pays, d'abord dans le sud chiite, puis au Kurdistan .Les soulèvements ont touché jusqu' à certains secteurs de la capitale .Ce qu' on a appelé une " Intifada " ressemblait beaucoup, à vrai dire, à des émeutes désordonnées .Pillages et carnages y étaient la norme en l'absence de direction politique .Le pouvoir en place a étouffé sans mal ce feu de paille attisé puis délaissé par Washington .Les villes, les campagnes et surtout les mémoires portent aujourd'hui encore les marques d' une répression dont la Garde républicaine et, dans une moindre mesure, le Corps aérien ont été les instruments de prédilection .Les Irakiens, dont beaucoup avaient d'abord cru à le régime , voire adulé Saddam Hussein , n' en étaient certes pas à leurs premiers désenchantements .Néanmoins, la guerre et l' Intifada ont signé un divorce plus formel entre le pouvoir et la population .Cette fois, chacun avait irrémédiablement failli à l' autre .L' embargo a facilité cette rupture en devenant le responsable désigné de la souffrance du peuple et du retard du pays .Dispensé de prodiguer un quelconque bien-être social, conscient de l' inanité de toute relance idéologique, le régime est dès lors consacré à la seule défense de ses intérêts vitaux .
Les transformations de son dispositif militaire après la guerre résument bien la révision de ses ambitions .Saddam a pris acte de l' ampleur de la débâcle et des limitations imposées par la tutelle internationale à la fabrication et à l' importation d' armements nouveaux .L' armée régulière aurait été réduite à 350 000 hommes environ .Au-delà des chiffres, elle souffre surtout de la démoralisation des soldats, de la défiance du régime et d' une grave pénurie de pièces de rechanges pour un armement extrêmement diversifié . [SujetInv_SN] Lui a été retiré le commandement de la Défense aérienne, formation qui s' est distinguée par sa vaillance et son utilité durant le conflit .Contrepartie douteuse, un département des Istikhbarat, la Sécurité militaire , en a été détaché en 1992 pour former un troisième organe de surveillance imposé à l' armée .Sécurité militaire et Défense aérienne sont passés sous le contrôle direct de la Présidence, conformément à une logique de centralisation toujours renforcée .La Force aérienne et l' Armée populaire ont également pâti des restructurations d' après-guerre .Après une prestation lamentable face à les Alliés, l' aviation s' est vu couper les ailes par la mise en place d' immenses zones d' exclusion aérienne, limitant ses capacités d' intervention et d' entraînement .L' Armée populaire, réformée en tant que telle , s' est réincarnée sous diverses formes dégénérées, dont l' Armée de libération de Jérusalem ( jeish tahrir al-quds ) n' est que la dernière en date .Né en 1998, ce monstre de 7 millions de soi-disant " volontaires " , burlesques et démotivés , sert des fonctions de propagande et de domination qui n' ont rien de militaire .En revanche, le régime a patronné trois formations importantes .Bien que il ait réduit de moitié les effectifs de la Garde républicaine, passée de 150 000 à 70 000 hommes, il a veillé à en reconstituer les précieuses unités mécanisées et blindées .Pour ce faire_NEW_ il a eu recours, outre quelques importations illégales, à la cannibalisation des matériels rescapés du pilonnage, souvent au détriment de l' armée .Le régime s' est aussi détourné de son aviation au profit de un Corps aérien plus opérationnel .Il en a consolidé les escadrons habitués à opérer en coordination étroite avec la Garde républicaine .L' importation de pièces de rechange est d'ailleurs révélée plus facile pour les hélicoptères, qui bénéficient d' un double statut civil et militaire .Enfin, les incursions quasi quotidiennes des avions anglo-saxons dans les zones d' exclusion aérienne et les " frappes " régulières de missiles de croisière ont stimulé l' intérêt porté par Saddam Hussein à la Défense aérienne, rénovée et amadouée par des privilèges semblables à ceux dont bénéficie la Garde républicaine . [On...] On ne saurait souligner assez que c' est là la principale disposition militaire classique prise par l' Irak contre un adversaire étranger .
En somme, le régime a remodelé et réorienté ses forces armées pour aller vers un système plus sûr et plus compact, au caractère répressif et défensif .Dans cette configuration, il ne représente plus guère, en dépit de les accusations des Etats-Unis, une menace pour ses voisins .Saddam Hussein perçoit plutôt l' armée, la Garde républicaine et le Corps aérien comme une menace à son encontre, bien que ils garantissent son hégémonie grâce à le monopole de l' artillerie lourde et des blindés .Depuis 1988, la Garde républicaine est cantonnée à la périphérie de la capitale, où elle délimite à son tour un périmètre d' accès interdit à l' armée régulière .Dans tout le pays, un réseau de checkpoints détecte le moindre mouvement de troupes .A chacun de ces checkpoints, au moins dix plantons relevant de hiérarchies différentes incarnent la méfiance ambiante . [SujetInv_SP] Reste à dire que chaque unité comprend un agent de renseignement officiel, disposant de plus d' autorité que son commandant effectif, et d'autres rapporteurs plus officieux, pour mesurer à quel point les considérations sécuritaires priment sur toutes les autres formes d' efficience, notamment militaire .
Quant à l' armement non conventionnel du régime, qu' il existe ou non, il ne peut avoir d' utilité sans l' appui de forces conventionnelles, sauf en cas de agression .Il paraît de toute façon exagéré par les Etats les plus va-t-en-guerre .La réactivation des programmes des années 1980 exigerait l' importation illégale mais facilement décelable de toutes sortes d' équipements, étant donnée l' ampleur du démantèlement des infrastructures réalisé par l' ancienne commission en désarmement des Nations unies ( UNSCOM ) .Elle offrirait donc, en toute logique, des pièces à conviction abondantes .En temps normal, la survie de Saddam Hussein découle d' une savante mainmise sur le pays .En politique intérieure, ses principales sources de contrariété ont trouvé des solutions durables au cours de les années 1990 .Le régime a malmené la communauté chiite et décapité sa hiérarchie religieuse .Il a mené à bien l' assèchement des marais, au sud, ancien sanctuaire de déserteurs et d' opposants .L' autonomie octroyée aux trois " gouvernorats " de le Nord a réglé le problème que posait l' asile inexpugnable des montagnes du Kurdistan .Dernier refuge naturel, de luxuriantes palmeraies ont été détruites sur des surfaces considérables .Quant au tissu urbain, il reste quadrillé par un maillage d' informateurs renseignant efficacement Moukhabarat et Sûreté .Pour parfaire son contrôle du territoire, le régime a élargi son dispositif sécuritaire en y intégrant les tribus, jugées responsables de leurs membres et des régions qu' elles occupent .Lorsque des troubles localisés surgissent, le régime applique un principe de responsabilité collective et intervient brutalement .Une technique usuelle consiste à encercler, voire bombarder, le village ou le quartier concerné avant d' y mener des rafles .La Sécurité Spéciale, les Moukhabarat , la Sûreté et le Parti disposent tous de leurs bras armés paramilitaires, qui opèrent souvent en collaboration avec la Garde républicaine et les troupes régulières .L' usage simultané de plusieurs de ces formations illustre une fois encore la notion de redondance .Pour compliquer ce jeu de contrepoids, le fils aîné de Saddam Hussein , Oudei , y a ajouté en 1995 sa propre milice, probablement pour contrer l' emprise de son frère cadet Qousei sur l' appareil de sécurité .Formés de jeunes déshérités, triés sur le volet, endoctrinés et soumis à un entraînement sévère, ces " Fedayin de Saddam " n' apportent pourtant rien de nouveau à un appareil amplement suffisant pour maîtriser une population essentiellement inerte .
au plan interne, les menaces les plus sérieuses viendraient donc de l' appareil de sécurité lui -même ... s' il n' avait été soigneusement verrouillé . [Il..._SP] A vrai dire, il est impossible de rendre compte de la pléthore de précautions prises en réponse à les tentatives d' assassinat, aux coups d' Etat manqués, aux complots ourdis jusqu' au sein de la Garde spéciale, aux trahisons de proches tels que Hussein Kamel, ainsi que aux moyens dispensés à l' étranger pour subvertir le système . [SujetInv] Se mêlent recouvrements de compétences, concurrence entre services, contrôles croisés, dédoublement des mécanismes de commandement, redistribution permanente du personnel, fabrication de " conspirations-hameçons ", etc .Cette complexité ne doit pas, d'ailleurs, faire illusion .L' appareil de sécurité n' est pas une machinerie parfaite, rationalisée .La Sûreté et les Moukhabarat, par exemple , sont minés par une corruption notoire, non seulement tolérée mais intégrée et instrumentalisée par le régime . [Cliv] C' est là le point important : cette architecture est perpétuellement en mouvement .Or le mouvement est une ressource de ce régime qui est tout sauf conservateur .
La plasticité du régime est un facteur ignoré dans toutes les anticipations de la guerre .Constatant que les " options militaires " de l' Irak sont limitées, les analystes n' envisagent comme alternative à ces options classiques que le scénario catastrophe des " armes de destruction massive " .Ils n' entrevoient rien, semble -t-il, entre une débandade assurée des forces armées irakiennes et une sorte d' apocalypse, renvoyant à l' imaginaire du dictateur fou . [On...] En Irak, pourtant, on craint moins la possibilité d' un suicide dévastateur que celle d' un usage stratégique et retors de gaz de combat, qui serait éventuellement attribué à l' armée des Etats-Unis pour galvaniser l' opposition populaire contre " l' agresseur " .Saddam Hussein , pragmatique , s' est assurément aguerri face à les menaces extérieures .Les " frappes " et autres ingérences étrangères l' ont préparé à cette confrontation ultime .Elles lui ont appris à escamoter ses cibles les plus vitales, à savoir la personne physique des hauts responsables, les missiles sol-air de la Défense aérienne et d' éventuelles armes de destruction massive .Les inspecteurs eux -mêmes lui ont montré les limites et les failles des méthodes de surveillance occidentale .Il oblige ainsi ses ennemis à se rabattre sur des cibles offertes, coquilles vides des édifices officiels ou centres de commandements de la Défense aérienne, centres dont l' importance au sein de le système de défense n' est plus nécessairement cruciale .Le régime escamote parfois jusqu' aux cibles les plus ordinaires .Lors des bombardements de 1998, des écoles, ainsi que de les installations industrielles et de les hangars alimentaires , ont accueilli des dépôts de munitions .Ces écoles abritent actuellement les membres du Parti chargés de maintenir l' ordre dans chaque quartier .Ceux -ci ont quitté leurs locaux officiels, imitant l' ensemble de l' appareil de sécurité .
Le régime compte sur la dispersion de son personnel pour maintenir la population dans l' inertie, peut-être même pour mener des opérations de guérilla contre des forces américaines obligées de s' engager dans le pays profond .Toutes les formations paramilitaires citées plus haut sont rompues aux combats de rue .Extrêmement mobiles, elles opèrent au besoin en civil et bénéficient d' une connaissance intime du terrain . [interro] Resterons -elles loyales ? [On...] On peut supposer que l' immense majorité des Irakiens ne combattra volontiers ni pour défendre le pouvoir, ni pour le défier .Tous redoutent la capacité de survie fabuleuse de Saddam Hussein, conjuguée à sa capacité - non moins fantastique - de répression .Ils pourraient obéir longtemps, mais sans zèle, aux consignes du régime, en attendant la certitude de sa chute .Il suffirait alors que la guerre traîne, qu' elle engendre des pénuries et de nombreuses victimes, pour que Saddam galvanise ses troupes les plus fidèles, maintiennent les plus déloyales dans l' irrésolution et gagne ainsi du temps .Ceci n' est qu' un des scénarios possibles, évidemment, aux côtés de une guerre éclair, propre et sans surprise . [Autre_SN] Ce qui est sûr , c' est que les dispositions prises par le régimerégimeSaddam Hussein ne se soucie guère, semble -t-il, d' opposer une armée crédible contre les Etats-Unis . [interro] Alors, où est donc l' adversaire irakien ?Dans l' imprévu, justement .
AUTEUR : Pierre Noël, * Economiste du pétrole ; Docteur en science politique. Chercheur au Centre français sur les Etats-Unis à l'Ifri ; chercheur associé au LEPIIEPE, université de Grenoble. noel.cfe@ifri.org
La naissance et le développement de l' industrie pétrolière américaine ne furent pas une " affaire d' Etat " ; pour l' essentiel, cette histoire est une histoire d' entrepreneurs .En cela, les Etats-Unis se distinguent de tous les autres pays, industrialisés ou non . [On...] Nous verrons plus loin qu' il ne fallut pas attendre très longtemps les premières interventions publiques dans le secteur, interventions multiformes et de grande ampleur . [On...] Mais on ne trouve aux Etats-Unis aucun des attributs quasi-universels de l' industrie pétrolière, tellement répandus qu' ils apparaissent parfois comme naturels : ni entreprise publique ; ni monopole sur l' exploration, la production, le transport ou la distribution ; ni subordination de l' industrie à des objectifs " supérieurs ", de politique industrielle ou de politique étrangère .Les Etats-Unis font même exception à la règle de la propriété publique sur les ressources - exception plus discrète peut-être que les précédentes, mais qui porte plus loin .
Les ressources naturelles contenues dans le sous-sol sont en général propriété publique .Investir en vue de l' exploitation minière ou pétrolière requiert, partout dans le monde ou presque, l' obtention d' un droit auprès de la puissance publique, par exemple sous la forme de une licence . [Autre] Tel n' est pas le cas aux Etats-Unis,Etats-Unis [Il..._SN] Pour forer sur une parcelle donnée, il faut et il suffit d' obtenir un droit de son propriétaire légitime .Le contrat par lequel ce droit est transféré s' appelle un lease ; c' est un contrat de droit privé .
[On...] On ne saurait exagérer l' importance de cette singularité juridique ; osons affirmer qu' elle représente un des principaux déterminants de l' histoire pétrolière des Etats-Unis .La propriété sur la terre étant très peu concentrée , même à l'échelle de une province pétrolière , le marché de les droits d' exploration est nécessairement concurrentiel .Cette absence de contrôle sur le marché de l' exploration induit à son tour la concurrence sur le marché du pétrole lui -même .L' économie industrielle a redécouvert, ces trois dernières décennies et sous l' influence de Ronald Coase, le déterminisme juridique dans l' organisation économique .Dans le cas de l' industrie pétrolière américaine, la règle de droit semble induire mécaniquement la concurrence .Et il il fallait chercher un fil rouge courant tout au long de l' histoire pétrolière des Etats-Unis, on le trouverait dans l' affrontement permanent entre la dynamique concurrentielle et les forces contraires, puissances " organisatrices " publiques ou privées .
souvent de très nombreux entrepreneurs, des aventuriers risquant leur fortune personnelle , tentèrent leur chance dans l' exploration pétrolière à partir de les années 1860 .Acquérant des droits sur de minuscules parcelles ou sur des milliers d' hectares, ils furent les acteurs de l' ère héroïque de l' histoire pétrolière américaine .Mais l' amont pétrolier ( exploration et production ) est une activité extrêmement risquée et pour beaucoup de ces pionniers l' expérience tourna court .La plupart ne découvrirent rien mais ceux qui eurent la chance d' accéder au stade de la production affrontèrent la dure réalité d' un marché libre de matière première .Le développement intensif des premières découvertes précipita rapidement une chute du prix du pétrole, qui passa de $ 37 à $ 7 entre 1870 et 18904 . [SujetInv_SN] S' ensuivit une vague de faillites et un mouvement de consolidation de l' industrie ( sélection et concentration ) .
Dans cet univers de concurrence " sauvage ", la première manifestation des forces organisatrices ( ou plus exactement : planificatrices ) ne vint pas de l' extérieur - de la puissance publique - mais de l' industrie elle -même .Un jeune homme de 25 ans, John D. Rockefeller , après avoir tenté brièvement sa chance dans l' amont , délaissa ce jeu " où s' épuisent les pauvres gens " pour se concentrer sur le raffinage, à la tête de la Standard Oil .Très tôt Rockefeller comprit l' intérêt de l' intégration horizontale, c' est-à-dire l' absorption ou les alliances avec les concurrents, et verticale, d'abord dans le transport ( en amont et en aval des raffineries ), plus tard dans la production .Son ascension fut fulgurante .En 1873, la Standard Oil détenait déjà entre 30 et 40 % des capacités de raffinage du pays, et jusqu' à 90 % en 1878 .au tournant du siècle, la S.O. exportait 50 % de sa production ; les Etats-Unis étaient, de très loin, le premier exportateur de pétrole au monde, et l' huile était au second rang des produits d' exportations américains, après le coton .
L' accession de la Standard Oil a une situation de quasi-monopole sur l' aval pétrolier - et, par là, au statut de " régulateur " de l' industrie dans son ensemble - devait donner lieu au premier grand procès antitrust de l' histoire économique des Etats-Unis .En cela, l' aventure de Rockefeller revêt une importance qui dépasse la sphère pétrolière .La principale loi antitrust américaine, le Sherman Act de 1890 , fut largement rédigée en référence au cas S.O. En 1909, au terme de plusieurs années d' une procédure initiée par le département de la Justice, une cour fédérale établissait l' existence de pratiques anti concurrentielles dans les activités de la S.O. - en particulier ses " accords " préférentiels avec les transporteurs ferroviaires - et décidait de dissoudre le trust en 35 entités indépendantes, sur la base de le Sherman Act ( décision confirmée par la Cour Suprême en 1911 ) .Plusieurs des grandes compagnies pétrolières américaines sont issues de ce démembrement .Cet événement marque un tournant dans l' histoire pétrolière du pays et symbolise l' entrée dans l' ère des interventions publiques .
A partir des années 1920 et jusqu' au début des années 1980, le marché pétrolier américain a vécu sous un régime de très forte intervention publique . [On..._SN] On distinguera les mesures dites de proration, le contrôle des importations, et le contrôle des prix .
La mise en place de la politique de proration, entre le début de les années 1920 et le milieu de les années 1930 , correspond à un immense effort de la puissance publique - d'abord au niveau de les Etats, puis du gouvernement fédéral - pour soustraire la coordination des producteurs de pétrole au processus concurrentiel et la soumettre à un très haut degré de planification centrale .La proration est née d' une volonté de limiter le " gaspillage " et la " surproduction " que le régime concurrentiel était sensé entraîner .Concrètement, les grands Etats producteurs ( Oklahoma , Texas , Louisiane - à l' exception notable de la Californie , qui ne fut jamais " prorationniste " ) décidèrent de limiter leur production pétrolière en attribuant des quotas à chaque champs, puis à chaque puits en activité, afin de maintenir un prix largement supérieur au prix concurrentiel .Ces efforts locaux étaient coordonnés au sein de une instance inter-étatique, l' interstate compact .Plus tard, dans le cadre du New Deal, la puissance fédérale pris en charge la coordination et une partie de la mise en oeuvre du régime de proration .
La crise des années 1930 , survenant juste après les découvertes géantes de Seminole et de l' East Texas , précipita une chute des prix qui renforça la perception du caractère destructeur de la libre concurrence .En fait, le principal problème était de nature juridique - le droit, encore .La règle dite de " capture " , qu' imposèrent les tribunaux de common law à la fin de le XIXe siècle , autorisait un producteur à forer dans un réservoir déjà exploité par un autre producteur opérant depuis un terrain voisin .Cette règle introduisait des incitations économiques perverses et générait, effectivement, une importante surproduction en même temps que nombre de puits inutiles .Mais la proration ne réglait pas ce problème, au contraire : parce que les puits les moins productifs étaient exemptés de quotas, le système généra un énorme gaspillage de ressources .Le régime de proration, qui survécut jusqu' au début de les années 1970 , servait essentiellement les intérêts des milliers de petits producteurs les moins performants, et des hommes politiques qui contrôlaient un système profondément corrompu .L' industrie pétrolière, qui est certainement un de les symboles de le capitalisme américain , fut pendant plus d' un demi-siècle soumise à un régime - certes incomplet - de planification centralisée .
Le contrôle des importations représentait un complément naturel et indispensable du régime de proration .La trop forte pénétration du pétrole vénézuelien et moyen-oriental eût réduit à néant les efforts des Etats " prorationnistes " pour défendre un prix supérieur au prix de concurrence .Plus généralement, la concurrence du pétrole importé représente une menace permanente pour l' industrie pétrolière américaine, et ce dès l' entre-deux-guerres .En conséquence, la tentation protectionniste traverse toute l' histoire pétrolière américaine .Les mesures les plus célèbres , parmi de nombreuses autres , sont les voluntary oil import quotas de 1949 et les mandatory oil import quotas de 1959 .
Au début des années 1970, les objectifs de l' intervention publique sur le marché pétrolier changèrent brutalement . [On..._SP] Du soutien des prix intérieurs par la réglementation de l' offre et des importations, on passa à la lutte contre les effets de la hausse des prix .prix [On..._SP] On pourrait dire : de la protection des producteurs à la protection des raffineurs et des consommateurs .Un système complexe de contrôle des prix et de réglementation de la commercialisation fut mis en place, par strates successives, avec des effets pervers très importants . [On...] On citera en particulier les entraves à l' allocation marchande du brut et des produits pétroliers, qui jouèrent un rôle décisif dans les pénuries consécutives à l' embargo pétrolier arabe de 1974 et à la révolution iranienne de 1979 - les fameuses gasoline lines qui traumatisèrent l' Amérique ; mais aussi, plus structurellement, les " subventions aux importations " introduites par le système des entitlements, par lequel les raffineurs s' approvisionnant en pétrole " domestique " subventionnaient ceux qui recouraient aux importations .A la fin des années 1970, l' administration Carter souhaitait libéraliser le marché pétrolier mais se heurtait à de fortes résistances au Congrès .Une loi votée en 1978 prévoyait un decontrol progressif étalé sur 10 ans ; l' administration Reagan le réalisa en un mois .
Le premier mandat de Ronald Reagan à la Maison Blanche , et même les premiers mois de ce mandat , apparaissent rétrospectivement comme une période charnière dans l' histoire pétrolière américaine, où furent prises des orientations rompant avec le passé et engageant l' avenir .La politique conduite par l' administration Reagan était inspirée par l' idée que l' efficacité et la sécurité énergétiques ne s' obtiennent pas contre les forces du marché, mais en s' appuyant sur elles .
R. Reagan prononça son discours inaugural le 20 janvier 1981 ; le 28 janvier, il signait l' Executive Order n° 12287 ( le premier de son mandat ), dont la première section dispose : " All crude oil and refined petroleum products are exempted from the price and allocation controls adopted pursuant to the Emergency Petroleum Allocation Act of 1973, as amended .The Secretary of Energy shall promptly take such action as is necessary to revoke the price and allocation regulations made unnecessary by this Order . " L' Executive Order prenait effet le jour même .
Le Congrès, beaucoup plus interventionniste que l' administration , ne désarma pas et en mars 1982 le Sénat vota le Standby Petroleum Allocation Act, qui octroyait au Président le pouvoir d' instaurer, en cas de crise, un contrôle des prix et des mesures d' allocation administrative du pétrole et des produits .R. Reagan opposa son veto à cette loi le 20 mars 1982 .Le président écrit, dans sa lettre de " retour sans approbation " transmise au Sénat : " this legislation grew from an assumption, which has been demonstrated to be invalid, that giving the Federal Government the power to allocate and set prices will result in an equitable and orderly response to a supply interruption .We can all still recall that sincere efforts to allow bureaucratic allocation of fuel supplies actually harmed our citizens and economy, adding to inequity and turmoil . " Face à une rupture d' approvisionnement, c' est au contraire le libre fonctionnement du marché ( " free trade among our citizens " ) qui, précise le président, est le plus à même de réduire le coût supporté par l' économie américaine .
La déréglementation du marché pétrolier américain correspond aussi à une réintégration complète dans le marché mondial .A partir de 1982, le prix intérieur est à nouveau strictement aligné sur le prix mondial .Au cours des deux mandats de R. Reagan la faible_NEW_ Reagan la faible taxe sur les importations n' a pas été supprimée, mais l' administration résista, à plusieurs reprises et notamment après le " contre-choc " pétrolier de 1985-1986, à de fortes pressions du Congrès pour l' augmenter de manière significative .
Le decontrol américain eut également un effet non anticipé sur les structures du marché pétrolier international : il accéléra la substitution de transactions de court terme aux contrats de long terme et la généralisation de la référence au prix " spot " .Pleinement exposés aux aléas du marché mondial ( jusque-là atténués par le contrôle des prix et les mécanismes de redistribution physique ), les raffineurs américains modifièrent leurs pratiques commerciales ; les activités de trading ont explosé aux Etats-Unis au début de les années quatre-vingt, et le NYMEX a lancé son marché de contrats à terme sur le pétrole brut en 1983 .
Les gouvernements successifs, républicains et démocrates , ne sont pas revenus sur la réforme fondamentale initiée par l' administration Reagan .Dans les années 1990, la politique pétrolière de l' administration Clinton ( largement " encadrée " , il est vrai , par un Congrès républicain ) fut une politique libérale non seulement " passive " - absence de remise en cause de la déréglementation - mais active . [On..._SN] Parmi les mesures d' inspiration libérale prises au cours de cette période, on peut citer la levée de l' interdiction d' exporter le brut d' Alaska, l' accélération du leasing dans l' offshore fédéral, les exemptions de royalty sur l' offshore profond ( Deep Offshore Royalty Relief Act ), ou encore la privatisation partielle des Naval Petroleum Reserves .
L' option libérale prise sous Reagan, et qui structure depuis la politique pétrolière américaine, ne se limite pas à la déréglementation de le marché intérieur ; elle a d' importantes implications internationales .Le primat économique dans la formulation de la politique énergétique - plus précisément , l' idée que l' approvisionnement énergétique doit reposer sur le fonctionnement de marchés libres et concurrentiels - a, en matière pétrolière, un corollaire : l' acceptation du recours massif aux importations .Recourir au marché, c' est recourir au marché mondial .Le taux de couverture de la demande par les importations dépend, sur longue période, de l' évolution relative des coûts de développement aux Etats-Unis et dans le reste du monde .L' option fondamentale d' une politique énergétique libérale impliquait donc nécessairement, pour les Etats-Unis, un approfondissement de la " dépendance " pétrolière .De fait, le moment Reagan correspond à l' entrée des Etats-Unis dans une ère de dépendance acceptée et assumée .
[Cliv_SP] C' est en 1949 que les Etats-Unis sont devenus importateurs net, c' est-à-dire que leurs importations ont dépassé leurs exportations .Entre 1949 et 1970, la part de la demande couverte par le pétrole importé est passée de 10 % à 23 % .Entre 1978 et 1985, les importations ont fortement baissé, tant en valeur absolue ( - 3,8 Mb / j ) que relative ( - 16 points de part de marché ) .Deux facteurs expliquent ce phénomène : le développement du champ géant de Prudhoe Bay en Alaska, et la chute de la demande pétrolière liée au second " choc pétrolier " de 1979 et à la récession économique .A partir de 1985, la part du pétrole importé dans la couverture de la demande n' a cessé d' augmenter, jusqu' à aujourd'hui .
La production américaine baisse au rythme de 2 % par an en moyenne, même si cette baisse est moins forte depuis 1990 .Les importations ont progressé de plus de 5 % par an en moyenne sur 15 ans, pour atteindre leur maximum historique en 2000 .Elles s' élevaient alors à 11 Mb / j, soit 54 % de la consommation totale .En 2020, ces chiffres pourraient passer à 17 Mb / j et 70 % .
Dépendance croissante, donc . Mais dépendance acceptée et assumée, disions -nous .L' option libérale prise au début des années 1980 n' équivaut pas à une politique de laisser-faire ; elle s' accompagne de politiques publiques ambitieuses relevant de la sécurisation et de la construction du marché pétrolier mondial .
La sécurisation du marché regroupe des mesures aussi différentes que la mise en place de la Strategic Petroleum Reserve ( SPR ) d'une part, la création d' un dispositif militaire d' intervention rapide au Moyen-Orient d'autre part .La SPR fut créée dans le cadre de l' Energy Production and Conservation Act à la fin de 1975 mais resta " virtuelle " pendant cinq ans, en raison de dysfonctionnements administratifs et surtout d' un manque de volonté politique .L' administration Reagan fit du remplissage de la SPR une priorité de sa politique pétrolière . [SujetInv] A la fin du premier mandat de R. Reagan le volume stocké était de 450 millions de barils ( Mb ), et 560 Mb fin 1988 - niveau auquel on est encore aujourd'hui .80 % du pétrole stocké dans la SPR l' a été sous Reagan, dont plus de 60 % entre 1981 et 1984 .La réserve pétrolière stratégique, entièrement détenue et opérée par le gouvernement fédéral , a une capacité de " relâchement " de 4 Mb / j - soit la moitié de la production saoudienne moyenne en 2002 - pendant 130 jours .Ou encore, la SPR peut suppléer intégralement un producteur comme le Koweït pendant près de neuf mois .
La " sanctuarisation " militaire de le Moyen-Orient n' est certes pas réductible à une politique énergétique .Toutefois, cette dimension était certainement présente .La logique, de le point de vue pétrolier , est la même que pour la SPR, même si l' instrument est très différent .Accepter que l' approvisionnement américain repose sur un marché mondialisé dominé par les transactions de court terme , supposait la mise en place d' une sécurisation en amont, ou " par le haut ", dont le coût s' apparente à la souscription d' une assurance .Libéralisation et sécurisation ne s' opposent pas, mais constituent deux faces d' une même politique .Tout comme la libéralisation, les mesures de sécurisation du marché initiées sous R. Reagan ont été assumées par tous les gouvernements depuis lors, et demeurent un élément essentiel de la politique pétrolière américaine .
L' effort de construction du marché consiste à améliorer l' accessibilité des ressources pétrolières mondiales aux capitaux privés d' exploration et production . [Present_SP] Il s' agit, pour les Etats-Unis, d' une préoccupation très ancienne, qui prit notamment la forme, dans l' entre-deux-guerres, de la politique de l' Open Door ( porte ouverte ) au Moyen-Orient .A partir des années 1980, cette politique fut relancée et renouvelée dans ses objectifs comme dans ses moyens .L' objectif était de favoriser la diversification durable de l' offre pétrolière mondiale, donc d' affaiblir le pouvoir de marché de l' OPEP . L' administration Reagan lança, dès 1981, une politique juridique internationale très ambitieuse, destinée à réformer le droit applicable aux investissements pétroliers .Cette politique fut relayée par la Banque Mondiale, dans les années 1980, auprès de les pays en développement .Dans les années 1990, les Etats-Unis investirent d' importantes ressources dans les négociations sur les instruments multilatéraux sur les investissements ( ALENA chap . 11, Traité sur la Charte de l' Energie, AMI ), et dans la signature de traités bilatéraux sur les investissements avec les pays riverains de la mer Caspienne .
[SujetInv] En dépit de un discours politique récurent sur la nécessité de contenir, voir de réduire, la dépendance pétrolière du pays - discours qui jouit d' une très forte légitimité depuis les attentats du 11 septembre 2001 - l' option libérale prise il y a plus de vingt ans n' est pas remise en question, au contraire .Dans ces conditions, l' approfondissement de la dépendance pétrolière des Etats-Unis au cours de les décennies à venir est une quasi-certitude .Après la " crise " de 2000-2002 comme après celle de 1990-1991, le grand débat de politique énergétique initié par l' administration accouche essentiellement de non mesures .
[On..._SN] On pourrait invoquer les lourdeurs du processus législatif américain, qui permet aux groupes de pression d' entraver toute action réformatrice . [On...] On préférera souligner qu' il n' existe pas, aujourd'hui, d' alternative raisonnable aux importations pétrolières massives .Les études économiques montrent que le coût d' une réduction significative de la " dépendance ", tant par la stimulation de l' offre intérieure que par la maîtrise de la demande, seraient largement supérieurs aux bénéfices attendus en matière de sécurité énergétique . [Present] En d'autres termes, il n' existe qu' un potentiel très limité de réduction profitable du recours aux importations pétrolières .Les Etats-Unis devraient donc continuer, dans l' avenir prévisible et en attendant une révolution technologique dans les transports, d' investir massivement dans la sécurisation et la construction du marché pétrolier mondial .
AUTEUR : Thierry de Montbrial, directeur de l'Ifri, membre de l'Académie des sciences morales et politiques 13 juillet 2002
Selon toute vraisemblance, la date du 11 septembre 2001 est entrée dans l' histoire universelle .Elle est et restera considérée comme dividing, selon le mot américain, c' est-à-dire que l' on distingue et distinguera un " avant " et un " après " . [Cliv] Ce n' est pas que le monde ait brusquement changé avec la réussite des attaques contre le World Trade Center - celle qui a le plus frappé - et contre le Pentagone . [Autre] Ce qui a changé, c' est la manière d' interpréter le passé et de raisonner sur l' avenir .
[On...] On ne peut pas prétendre que pareil événement n' avait pas été " prévu " .En vérité, la possibilité et même la probabilité d' un " hyperterrorisme " font l' objet de débats d' experts et même d' oeuvres romanesques ( Tom Clancy ) depuis des années . [On...] Pareillement, le jour où des armes de destruction massive - nucléaires, chimiques ou bactériologiques - seraient utilisées effectivement par une unité active étatique ou non étatique, on ne pourrait pas dire que cela n' avait pas été " prévu " .Toute la difficulté tient dans ce que les sociétés humaines ne prennent les catastrophes au sérieux que lorsqu' elles se produisent, et, lorsque c' est le cas, elles ont tendance à les oublier : on peut donner entre autres l' exemple du respect des règles de sécurité dans les zones sismiques . [Il...] il en est ainsi, c' est que, pour prévenir ou limiter les conséquences d' une catastrophe possible, il faut des mesures qui se heurtent aux intérêts tangibles de toutes sortes d'autres unités actives, lesquelles s' emploient à les empêcher ou à les atténuer .La prévention est un art de même nature et aussi complexe que la réforme .
De ce point de vue, l' autopsie du 11 septembre est aisée . [Autre_SN] Ce qui est en cause , c' est d'abord une conception des libertés . [Il..._SP] aux États-Unis, il était possible de se présenter dans une école de pilotage sans avoir à justifier de son identité, et de payer les cours en espèces, en précisant que l' on n' avait pas besoin d' apprendre à décoller ou à atterrir, tout cela sans susciter de réactions particulières .En Grande-Bretagne, des groupes islamistes peuvent avoir pignon sur rue, et les conditions d' extradition sont tellement restrictives que les criminels se sentent protégés, au point que certains vont jusqu' à se demander s' il n' existe pas une sorte d' accord implicite du type : immunité du territoire britannique contre immunité des réseaux qui y sont implantés .La question du financement du terrorisme se rattache à celle des droits civils . [Il..._SN] Pour mettre en place et développer un réseau comme Al-Qaida, il faut beaucoup d' organisation et beaucoup de ressources .La lutte contre le terrorisme passe donc par une surveillance étroite des flux financiers, de leur origine et de leur destination, laquelle se heurte à une conception du secret bancaire que l' on a tendance à rattacher à la question des libertés .Le même genre de remarques peut s' appliquer à la sécurité du transport aérien en général .L' abaissement de la sécurité dans les aéroports comme pour le trafic lui -même est la conséquence d' une conception étroite de la compétitivité, où l' on oublie que l' économie est au service de l' homme et non l' inverse . [On..._SN] On pourrait poursuivre l' exercice .
L' incapacité des services américains, la CIA ( Central Intelligence Agency ) et le FBI ( Federal Bureau of Investigation ) principalement , à anticiper et à déjouer les attentats de le 11 septembre , qui les ont , en fait , pris à le dépourvu , s' analyse en dernier ressort par l' inadaptation d' agences engluées dans des routines et par les très classiques conflits bureaucratiques .Dans le même ordre d' idées, comme le phénomène de la mondialisation concerne les unités actives de toute nature, y compris les organisations criminelles, la lutte contre le crime organisé - et en particulier le terrorisme - suppose des formes de coopération originales entre les États, notamment au niveau de leurs services secrets, de leurs polices et de leurs institutions judiciaires . [Present_SP] Il s' agit de domaines où les traditions coopératives sont limitées et où, là encore, l' adaptation se heurte aux habitudes et aux intérêts corporatistes ou bureaucratiques .
Les observations précédentes n' ont aucune prétention à l' exhaustivité . [Interro] Elles visent seulement à expliquer ce qui, sur le coup, a pu paraître incompréhensible ou aberrant : comment un pays aussi puissant que les États-Unis, qui consacre des ressources aussi immenses à sa sécurité, a -t-il pu se laisser de la sorte agresser par surprise ? [On...] Après un choc tellement considérable, on peut penser que chacun des pays potentiellement menacés a entrepris de surmonter les obstacles qui s' opposent à une prévention efficace .Mais, aux États-Unis comme ailleurs, les résistances sont énormes .Pour certains Américains et non des moindres ( George Soros ), la " guerre contre le terrorisme " risque de saper les fondements mêmes de l' unité du pays .Les résistances sont également considérables sur le plan international, quand il s' agit de coordonner les activités de plusieurs États, car à l' affrontement des intérêts les plus tangibles se superposent les malentendus politiques au sens large, malentendus qui - on le rappellera dans la suite de ce texte - n' ont pas tardé à apparaître entre Washington et ses alliés, anciens ou nouveaux, après une brève union sacrée .Ainsi, dès le mois de décembre 2001, le Parlement européen s' opposait -il à une coopération judiciaire renforcée avec les États-Unis .
Dans les heures qui ont suivi les attaques, le président George W.Bush a d'abord donné l' impression de s' en prendre à l' Islam en adoptant la rhétorique du " choc des civilisations " et en parlant d' une " guerre du Bien contre le Mal " .Très rapidement, il a pris conscience du piège et adopté la formule de la " guerre contre le terrorisme " . [Present_SN] car Expression ambiguë toutefois, il n' existe aucune définition universellement acceptée du terrorisme, et, dans bien des cas, la frontière entre terrorisme et résistance est difficile, sinon impossible à tracer .Ephraïm Halévy , le chef de le Mossad , le service de renseignement israélien , avait peu de chances de faire l' unanimité en déclarant : " La distinction entre bon et mauvais terrorisme n' a plus lieu d' être .Chacun doit choisir son camp : pour ou contre la terreur . " De fait, Israël, l' Inde, la Russie ou encore la Chine se sont engouffrés dans le boulevard ouvert par le président des États-Unis en assimilant les Palestiniens, les Pakistanais, les Tchétchènes et les Ouïgours aux criminels du 11 septembre .Au début de l' année 2002, le président du Conseil espagnol, José Maria Aznar , déclarait ne faire " aucune différence " entre ces criminels et l' ETA ( Euskadi Ta Askartasuna, " Patrie basque et liberté " ) .
En pratique, Washington a immédiatement accusé Al-Qaida et son chef Oussama Ben Laden .En identifiant aussi promptement l' agresseur, la Maison-Blanche a produit un immense soulagement, car rien n' était plus angoissant pour les opinions publiques américaine et même européennes que cette impression d' un ennemi mortel innommable et invisible . [On...] Avec Al-Qaida, on désignait aussi un État,état [On...] On savait en effet que le milliardaire saoudien, lui aussi à sa manière un apôtre de la guerre du Bien contre le Mal, tirait les ficelles du sinistre régime de ce mollah Omar dont les outrances, au fil des mois, avaient de plus en plus attiré l' attention du monde . [Cliv] C' est donc contre l' Afghanistan que les États-Unis sont entrés en guerre dès le 7octobre, en se donnant pour objectif de renverser l' ordre taliban, de détruire les bases d' Al-Qaida et de saisir leurs chefs .
Contrairement à ce qui a été si souvent écrit ou dit, cette guerre a été des plus classiques, c' est-à-dire d' État à État . Ses objectifs ont été partiellement mais rapidement atteints .Les Talibans ont perdu le pouvoir et les infrastructures d' Al-Qaida ont été anéanties .Ces résultats furent salutaires pour le moral des Américains, mais aussi pour l' image des États-Unis dans le monde .Le nouveau gouvernement mis en place par les vainqueurs, dirigé par le Pachtoune royaliste Hamid Karzaï , n' a cependant guère les moyens d' instaurer son autorité sur l' ensemble du territoire afghan, malgré la Loya Jirga réunie au mois de juin .Le pays reste largement soumis à la rivalité des seigneurs de la guerre .L' influence talibane n' a pas disparu, et les réseaux de Ben Laden ont été d' autant moins démantelés qu' ils disposent d' appuis conséquents au Pakistan occidental .Quant à Ben Laden et au mollah Omar, ils courent toujours .De nombreux indices suggèrent qu' une partie de ces réseaux, bien implantés dans les pays occidentaux, conservent leur capacité de nuire .Les intérêts occidentaux, dans la mesure où ils constituent les cibles de Ben Laden et de ses émules , sont toujours menacés, même si des agressions en série, d' ampleur comparable à celles du 11 septembre, paraissent peu probables .
Pour venir à bout d' Al-Qaida, toute la panoplie des mesures antiterroristes doit être mise en oeuvre, et nous avons vu plus haut que les principaux obstacles se situent au sein même des unités politiques menacées .Cela dit, il est vraisemblable qu' en affaiblissant les bases territoriales des organisations terroristes, on en a réduit considérablement les capacités, et donc le potentiel .A priori, de telles bases ne peuvent être localisées que dans les États qualifiés par les Américains de rogue states, expression que l' on peut traduire par " États voyous ", ou de failed states, c' est-à-dire les " États manqués " ou " incomplets " .Dans son discours sur l' état de l' Union, au début de 2002, George W.Bush a désigné les principaux rogue states, en les réunissant dans un " axe du mal " .L' Afghanistan étant maintenant neutralisé , il s' agit principalement de l' Iran, de l' Irak et de la Corée du Nord ; mais le concept est assez large pour inclure, le cas échéant, des pays tels que la Syrie ou la Libye .Par extension, le chef de l' exécutif américain situe les mouvements islamistes dans cet axe du mal . [Present] Quant à les failed states - c' est-à-dire les États où le gouvernement n' exerce pas ou mal son autorité sur l' ensemble de son territoire -, il y en a hélas beaucoup à des degrés divers, tels la Somalie, le Yémen, les Philippines, mais aussi la Colombie ou le Tadjikistan .Au cours des derniers mois, l' Amérique s' est efforcée d' élaborer des stratégies susceptibles de réduire les risques provenant de ces divers États : stratégie d' intervention dans les failed states ( envoi de forces spéciales aux Philippines et au Yémen par exemple, et il semble que la CIA pousse également ses pions en Algérie ) ; stratégie de prévention à l'encontre des rogue states .
Une doctrine d' action préventive pourrait se heurter à de très sérieuses objections .En s' arrogeant le droit d' intervenir préemptivement et unilatéralement, c' est-à-dire sans l' accord de la " communauté internationale " incarnée par le Conseil de sécurité des Nations unies, les États-Unis prendraient des risques, même vis-à-vis de leurs alliés les plus proches comme la Grande-Bretagne .Le cas de l' Irak est au centre de les préoccupations, car, depuis son élection, George W.Bush paraît déterminé à renverser Saddam Hussein . [Present] Il ne s' agit pas seulement d' aller jusqu'au bout du processus engagé par son père en 1991, à la suite de l' invasion du Koweït .En installant à Bagdad un régime qui leur serait favorable, les Américains renforceraient la sécurité d' Israël et accroîtraient considérablement leur marge de manoeuvre, tant vis-à-vis de l' Iran que de l' Arabie Saoudite, cette dernière étant particulièrement suspecte à leurs yeux depuis le 11 septembre . [SujetInv] Encore faudrait -il pouvoir monter des opérations militaires permettant d' aboutir rapidement et sans provoquer l' éclatement du pays, et mettre en place un gouvernement efficace .Les alliés des États-Unis - ou du moins leurs gouvernements - ne manifestent aucune sympathie pour Saddam .Mais, d'une part, ils ne se montrent pas convaincus, à tort ou à raison, par les arguments de Washington sur une éventuelle complicité de Bagdad avec Al-Qaida ou sur l' imminence de l' acquisition de l' arme nucléaire par l' Irak ; et, d'autre part, ils redoutent les effets sur les opinions publiques des pays arabo-musulmans d' une opé-ration mal justifiée, et leurs conséquences .Cela dit, ils ne feront pas obstacle à la volonté des Américains, si leur détermination à agir militairement est suffisamment forte, quitte à adapter leur attitude en fonction de les résultats .En ce qui concerne l' Iran, les Européens rejettent depuis longtemps la politique de double endiguement consistant à traiter ce pays comme l' Irak .Ils estiment que le régime des ayatollahs est de toute façon miné de l'intérieur comme l' était l' URSS de Brejnev .Quant à la Corée du Nord, les États-Unis eux -mêmes ont décidé de renouer le dialogue avec elle .
D' une manière générale, les partenaires de l' Amérique considèrent que, même dans un système international hétérogène, aucun État ou groupe d' États n' a le droit d' attaquer un autre au seul motif qu' il pourrait s' en prendre à ses intérêts vitaux .aux pires moments de la guerre froide, les États-Unis n' ont jamais envisagé une attaque préventive contre l' URSS, même lorsque le rapport des forces le leur aurait permis . [On...] On comprend donc pourquoi ceux -là mêmes, à l' extérieur des États-Unis, qui furent le plus sincèrement indignés par les attaques du 11 septembre ont par la suite exprimé, certes de façon généralement feutrée, des réserves vis-à-vis de certains aspects de la politique de Washington .Des réserves que le secrétaire d' État Colin Powell donne parfois l' impression de partager, comme lorsqu' il déclarait, au mois de juin : Any use of preemptive force must be decisive . " Encore faut -il s' entendre sur le sens du mot decisive .
[Il...] À ce stade, il convient d' aborder la difficile question des causes du terrorisme .Le lecteur se rapportera au chapitre rédigé par Michel Wieviorka pour un traitement général du sujet - et à celui de Gilles Kepel pour l' analyse des liens entre terrorisme et islamisme . [On...] On se bornera ici à quelques remarques .Pour que une activité terroriste soit durable, il faut deux conditions . La première est l' existence d' unités actives - telles qu' Al-Qaida, le Jihad islamique ou l' ETA à l'époque contemporaine, l' Irgoun ou le groupe Stern au siècle dernier - et donc de groupes organisés partageant une même culture ou une même idéologie combative .La seconde est l' existence d' un réservoir humain permettant à ces groupes de se renouveler et de s' élargir .De ce point de vue, il en est des organisations terroristes comme des mouvements de libération dans les situations coloniales .Si les organisations terroristes qui ont sévi en Europe occidentale dans les années 1970 et au début de les années 1980 n' ont pas survécu, ce n' est pas seulement grâce à l' efficacité des gouvernements, mais aussi et peut-être principalement parce que la force d' entraînement de l' idéologie anticapitaliste qui cimentait ces groupes était insuffisante pour assurer leur survie . [Topicalisation] Si, à l' inverse, les organisations terroristes irlandaises, basques ou corses résistent durablement à les contre-mesures , c' est qu' elles trouvent dans les peuples dont elles sont issues les ressources humaines nécessaires .
[Autre_SN] Ce qui distingue Al-Qaida des formes plus ordinaires du terrorisme, c' est la conjugaison de l' ampleur des moyens hautement coordonnés mis en oeuvre, et de l' inhabituelle obscurité de l' idéologie dont ce réseau se réclame pour fonder ses actions .Chacun peut comprendre, ce qui ne veut pas dire approuver, que des groupes veuillent se battre par tous les moyens pour l' indépendance " de l' Irlande du Nord, du pays basque ou de la Corse . [On...] On notera, incidemment, qu' à l'instar de la plupart des unités actives, les buts réels mais non avoués des organisations terroristes tendent à se déplacer et, en l'occurrence, à s' étendre à des activités criminelles ou " mafieuses " de toute nature, ce qui complique singulièrement les choses .
[interro] Mais que veulent Ben Laden et ses partisans ? [Interro] La haine des États-Unis et, plus généralement , de la culture occidentale est -elle un fondement idéologique suffisant pour assurer la survie d' une organisation comme Al-Qaida ? [interro] Faut -il penser que son gourou est l' expression d' un nouveau type de nihilisme ?Olivier Roy rejette le terme et lui préfère celui de néo-fondamentalisme . " ( ... ) Tous ces néo-fondamentalistes, loin de incarner la résistance d' une authenticité musulmane face à l' occidentalisation, sont à la fois des produits et des agents de la déculturation dans un monde globalisé . ( ... ) Ben Laden n' est pas une réaction de l' islam traditionnel, mais un avatar aberrant de la globalisation, tant dans les instruments de son efficacité ( technicité, compétence, organisation ) que dans la déconnexion de son action par rapport à les sociétés réelles .Dans les cibles visées et dans l' anti américanisme virulent, il reprend une tradition très occidentale du terrorisme symbolique, propre à la bande à Baader ou à Action directe, mais repensé à l'échelle de les jeux vidéos et des films catastrophes d' Hollywood . " Ou bien faut -il supposer, avec Alexandre Adler, que Ben Laden est un stratège génial comme le fut Adolf Hitler, ou dans un autre genre Mao Zedong, qu' il a conçu un projet grandiose pour édifier une sorte de califat ou de théocratie capable de s' opposer à l' empire du Mal, c' est-à-dire, dans son imaginaire,
Selon cette perspective, le but des attentats du 11 septembre aurait été de déstabiliser l' Amérique, de la pousser à la faute et de provoquer des soulèvements en chaîne dans les terres islamiques, avec pour buts ultimes l' Égypte et l' Arabie Saoudite .Si l' on préfère la comparaison avec les Bolcheviks, pareille vision ne serait pas sans analogie avec les projets de révolution mondiale au début de le XXe siècle .Ben Contrairement à Lénine, à Mao ou à Hitler, Laden n' a apparemment développé ses idées ni par écrit ni par oral, de sorte que ses adversaires en sont réduits à spéculer . [On..._SP] Quoi qu' il en soit, on aurait tort d' écarter des hypothèses sous le prétexte qu' elles seraient apparemment folles .Certes, la révolution mondiale ne s' est pas produite comme l' avait rêvée les Bolcheviks, mais sans eux et sans leur délire la révolution d' Octobre n' eût pas eu lieu et l' histoire du siècle dernier eût été différente . [Il...] Et il est vrai qu' Hitler a échoué, on peut penser qu' en prenant Mein Kampf à la lettre, le grand drame de la Seconde Guerre mondiale eût été épargné .En d'autres termes, le risque d' une déstabilisation à grande échelle de le monde arabo-islamique doit être pris au sérieux . [Il..._SN] Pour y faire face, il est nécessaire de dépasser le cadre conceptuel, beaucoup trop étriqué, de la " guerre contre le terrorisme " . [Autre] C' est pourquoi on n' échappe pas au débat sur les " causes du terrorisme " . [SujetInv] Encore faut -il en poser correctement les termes .
Bien souvent, en effet, le problème est formulé de façon partiale ou partielle . [On...] Par exemple, à l' argument selon lequel la pauvreté ou les inégalités seraient à la racine du terrorisme, on peut opposer que Ben Laden est milliardaire et que les exécutants d' Al-Qaida étaient des personnes sophistiquées et non de vulgaires endoctrinés des madrasas . [Il...] À ceux qui établissent un lien direct entre la politique pro-israélienne des États-Unis et les attentats du 11 septembre, il est également facile de rétorquer que Ben Laden ne s' est jamais référé que marginalement au conflit israélo-palestinien .Le centre de gravité de sa propre mappemonde est situé plus à l' est .Certaines formulations ont l' inconvénient d' apparaître comme des critiques plus ou moins déguisées des États-Unis, accusés à la limite d' être eux -mêmes responsables du drame dont ils ont été les principales victimes .
[Cliv] Ce que l' on peut et doit dire , en revanche , c' est que les cerveaux d' Al-Qaida ont l' art d' exploiter les misères du monde arabo-musulman pour y puiser des ressources humaines et y faire retentir leur idéologie .Que des révolutionnaires soient souvent issus de milieux privilégiés est une constante de l' Histoire .Rien de surprenant non plus à ce que les actions politiques des États-Unis, unique superpuissance depuis la chute de l' URSS, soient jugées dans le reste du monde à travers les lunettes de chacun . [Topicalisation] Que la politique américaine au Proche-Orient soit perçue comme excessivement pro-israélienne dans le monde arabo-islamique, ou que le soutien de Washington à certains régimes dits modérés - mais en tout cas non démocratiques - de la région ( Arabie Saoudite , Égypte ) y soit considéré comme cynique , ce sont là des faits politiques incontestables dont il convient d' apprécier justement la portée . [SujetInv] Lorsque le prince Abdallah ou le président Moubarak, mais aussi la plupart des Européens, font grief à Washington de ses oscillations face à la guerre israélo-palestinienne, qui n' a cessé de s' étendre dramatiquement depuis l' été 2001, et désapprouvent désapprouvent - quoique de façon feutrée - l' exigence formulée par le président Bush, le 24 juin, du remplacement de Yasser Arafat, ils expriment des attitudes non pas morales, mais politiques . [On...] On y reviendra plus loin .Les leaders arabes dits modérés , dont la légitimité interne n' est pas supérieure à celle de le vieux combattant palestinien , redoutent d' être pris entre le marteau américain et l' enclume de leurs populations .Les gouvernements européens, qui ont de le monde arabo-musulman une longue expérience , savent que le risque d' une déstabilisation est réel .S' agissant de l' Autorité palestinienne, les uns et les autres partagent sans doute ce jugement d' Edward Saïd : " Il faut édifier les fondements de la réforme à partir de forces vives de la société, celles qui, jour après jour, ont résisté à l' invasion et à l' occupation ( ... ) 6 . "
La politique internationale forme un tout, et ce, dans la durée .Après le retrait de l' URSS d' Afghanistan en 1989, les États-Unis se sont aussitôt détournés de ce pays, mais aussi du Pakistan, devenu sans intérêt à leurs yeux .Ils n' ont pas vu le danger du régime des Talibans et des connexions avec Islamabad .En pratique, ils ont même encouragé ces développements .Les moudjahidines avaient été leurs alliés pendant l' occupation soviétique et un Ben Laden se trouvait alors du " bon côté " .Ni les Américains, ni, semble -t-il, les Européens ne semblent avoir prêté attention à la complexité de la situation tribale et à la portée des camps où furent formés, entre autres, ces fameux
Afghans " qui devaient contribuer à mettre l' Algérie à feu et à sang . Dans les années 1990, des responsables américains ont même caressé un moment l' idée de favoriser l' avènement d' un régime islamiste à Alger .
Rappeler ces faits n' est pas insinuer que les Américains sont responsables de leur propre malheur et de celui des autres . [Present] Il s' agit seulement de montrer que certaines décisions qui n' ont pas immédiatement des conséquences globales peuvent en avoir par la suite . [Cliv] Lorsque les dirigeants arabes dits modérés et les Européens invitent les États-Unis à la prudence, ce n' est pas par pusillanimité, mais par prévoyance .En politique comme dans les affaires privées, la prudence est une vertu cardinale . [Cliv_SP] Si l' on peut effectivement faire un reproche à la politique américaine, c' est de ne pas suffisamment prendre en compte l' expérience et le point de vue des autres .Nul n' a le monopole d' avoir raison " .Mais l' Amérique est aujourd'hui menacée par l' hubris .Je reviendrai plus loin sur cette question, à propos de l' unilatéralisme " .
Dans l'immédiat, les attentats du 11 septembre ont provoqué un rééquilibrage du système international .Le trait principal, à mon sens , en est le renforcement des États .Cela peut surprendre à une époque où l' on s' inquiète surtout de la dissolution des notions de territoire ou de souveraineté .Le paradoxe n' est qu' apparent, car il s' agit justement d' empêcher que le monde ne s' enfonce dans le chaos d' une mondialisation des tribalismes .
Le renforcement des États est manifeste dans ce que l' on peut appeler le retour de la Russie, un phénomène amorcé en fait, comme bien d'autres, avant le 11 septembre .Sur le plan intérieur, Vladimir Poutine est parvenu à redresser l' autorité du gouvernement central en reprenant largement en mains les " sujets " de la Fédération, en limitant l' emprise des " oligarques ", et en prenant ses distances vis-à-vis de la " famille " ( c' est-à-dire du clan Eltsine ), quitte à prêter le flanc à la critique du point de vue des pratiques démocratiques occidentales contemporaines . [Il..._SP] Il faut insister sur le dernier mot, car, encore à l'époque de le général de Gaulle, en France, le ministre de l' Information surveillait la télévision de très près . [On..._SN] Dès le mois d' août 2001, au moment de le voyage de Condoleezza Rice à Moscou, on pouvait déceler les termes d' une nouvelle donne américano-russe, la Russie se résignant à un élargissement de l' Organisation du traité de l' Atlantique Nord ( OTAN ) s' étendant aux pays Baltes ainsi que à l' abrogation du traité ABM ( Anti- Ballistic Missiles Treaty ) de 1972, avec, en contrepartie, une main plus libre en Tchétchénie et la perspective d' une adhésion à l' Organisation mondiale du commerce ( OMC ) .
Le 11 septembre, le président Poutine a instantanément saisi les potentialités de la situation, et, au grand dam des conservateurs néo-communistes, il a fait clairement le choix d' une sorte de " Sainte-Alliance " avec les États-Unis .Ce choix avait des fondements objectifs .Depuis longtemps, déjà, Moscou s' efforçait de convaincre les Occidentaux de l' existence d' une menace terroriste à grande échelle d' origine islamiste et inscrivait le problème tchétchène dans cette perspective, alors qu' Américains et Européens privilégiaient les droits de l' homme comme unique grille de lecture . [On...] On comprend aussi pourquoi les Russes ont pu finalement trouver un intérêt au principe d' une défense antimissile essentiellement dirigée contre les " nouvelles menaces " liées au phénomène terroriste . [Cliv_SP] C' est pour la même raison que, dans les mois suivants, le Kremlin n' a pas cherché à s' opposer au déploiement de forces américaines au Caucase et en Asie centrale - ce qui, naguère encore, était à peine concevable .L' équipe de Poutine est parvenue à la conclusion que, dans la situation économique difficile que traverse durablement le pays, ces déploiements pouvaient utilement contribuer à soulager l' effort de défense . [Present_SN] Évidemment, il y a des limites à ce qui est acceptable, et Moscou ne verrait pas d' un bon oeil un excès d' activisme américain dans les anciennes républiques soviétiques concernées .Mais le Kremlin compte à la fois sur le jugement des dirigeants de ces pays et sur la vigilance de leurs autres voisins, principalement la Chine et l' Iran .L' avenir décidera de la pertinence de ces calculs .
En ce qui concerne l' OTAN, les dirigeants de la Russie croient désormais ou affectent de croire que, puisque la menace d' un conflit traditionnel a disparu sur le théâtre européen, cette organisation a d' autant plus perdu de sa pertinence qu' elle n' est guère adaptée au phénomène du terrorisme .Sincèrement ou non, ils jugent que le nouvel élargissement, particulièrement aux pays baltes, sera pour l' OTAN davantage une source de problèmes que de solutions .Ils notent, comme les Européens eux -mêmes, que l' Alliance atlantique ne joue plus qu' un rôle marginal dans la nouvelle approche géostratégique américaine, si perspective d' une adhésion à l' Organisation mondiale du commerce ( OMC ) .
Le 11 septembre, le président Poutine a instantanément saisi les potentialités de la situation, et, au grand dam des conservateurs néo-communistes, il a fait clairement le choix d' une sorte de " Sainte-Alliance " avec les États-Unis .Ce choix avait des fondements objectifs .Depuis longtemps, déjà, Moscou s' efforçait de convaincre les Occidentaux de l' existence d' une menace terroriste à grande échelle d' origine islamiste et inscrivait le problème tchétchène dans cette perspective, alors qu' Américains et Européens privilégiaient les droits de l' homme comme unique grille de lecture . [On...] On comprend aussi pourquoi les Russes ont pu finalement trouver un intérêt au principe d' une défense antimissile essentiellement dirigée contre les " nouvelles menaces " liées au phénomène terroriste . [Cliv_SP] C' est pour la même raison que, dans les mois suivants, le Kremlin n' a pas cherché à s' opposer au déploiement de forces américaines au Caucase et en Asie centrale - ce qui, naguère encore, était à peine concevable .L' équipe de Poutine est parvenue à la conclusion que, dans la situation économique difficile que traverse durablement le pays, ces déploiements pouvaient utilement contribuer à soulager l' effort de défense . [Present_SN] Évidemment, il y a des limites à ce qui est acceptable, et Moscou ne verrait pas d' un bon oeil un excès d' activisme américain dans les anciennes républiques soviétiques concernées .Mais le Kremlin compte à la fois sur le jugement des dirigeants de ces pays et sur la vigilance de leurs autres voisins, principalement la Chine et l' Iran .L' avenir décidera de la pertinence de ces calculs .
En ce qui concerne l' OTAN, les dirigeants de la Russie croient désormais ou affectent de croire que, puisque la menace d' un conflit traditionnel a disparu sur le théâtre européen, cette organisation a d' autant plus perdu de sa pertinence qu' elle n' est guère adaptée au phénomène du terrorisme .Sincèrement ou non, ils jugent que le nouvel élargissement, particulièrement aux pays baltes, sera pour l' OTAN davantage une source de problèmes que de solutions .Ils notent, comme les Européens eux -mêmes, que l' Alliance atlantique ne joue plus qu' un rôle marginal dans la nouvelle approche géostratégique américaine, si ce n' est qu' elle demeure, sur le plan politique, le principal forum de sécurité transatlantique .À cet égard, ils attachent une grande importance à la revalorisation des relations entre l' OTAN et la Russie .Celle -ci s' est manifestée, en mai 2002, par l' entrée en vigueur d' un nouveau Conseil OTAN-Russie, en même temps que un accord sur la réduction des deux tiers des arsenaux nucléaires des deux anciennes superpuissances .Désormais, la Russie dispose, non pas d' un droit de veto, mais d' une voix significative au sein de l' organisation .
[On...] On doit certes toujours se souvenir de ce mot de Bismarck : " La Russie n' est jamais ni aussi forte ni aussi faible qu' il n' y paraît . " Il n' empêche que, dans le contexte actuel, tous ces résultats de la diplomatie du Kremlin sont assez remarquables .Mieux encore : grâce au choix de Poutine le 11 septembre, Bush, né à les relations internationales après la guerre froide , et qui dit considérer son partenaire moscovite comme " un homme moderne " , a définitivement enterré la hache de guerre .La guerre froide est vraiment " terminée " .Anticipant sur l' avenir, Américains et Européens ont décidé de reconnaître à la Russie le statut d' économie de marché, lui ouvrant ainsi effectivement la perspective d' une prochaine adhésion à l' OMC . Pour couronner le tout, lors de la réunion de Kananaskis ( Canada ), à la fin de le mois de juin, la Russie s' est vu offrir - en même temps que des engagements financiers importants pour renforcer la sécurité de ses armements nucléaires - un fauteuil à part entière au G8, qui, désormais, mérite pleinement son sigle .Enfin, aussi bien les Américains que les Européens envisagent dorénavant le partenariat énergétique avec la Russie de manière plus constructive, avec moins d' arrière-pensées . Dans leur évaluation des risques, les premiers ne sont désormais pas loin de considérer que la Russie est plus sûre que le Moyen-Orient .Le développement de l' industrie du pétrole et de le gaz est au centre de la stratégie de reconstruction économique de Moscou . [Cliv_SN] Dans ces conditions, c' est toute la géopolitique du Moyen-Orient, mais aussi celle du Caucase et de l' Asie centrale - laquelle est au centre de les préoccupations de l' Administration américaine, et d'abord du vice-président Dick Cheney, dont on connaît le rôle auprès de George W.Bush - qui vont se trouver modifiées .
Quoique de façon moins spectaculaire que la Russie, la République populaire de Chine ( RPC ) n' a pas, elle non plus, hésité à se joindre à la Sainte-Alliance . L' annonce en a été faite à l'occasion de une réunion au sommet du Forum de coopération économique Asie-Pacifique ( APEC ), à Shanghai, quelques semaines après les attentats .Là encore, le rapprochement avec les États-Unis était en fait entamé avant le 11 septembre, après des relations difficiles pendant les premiers mois de la présidence de George W. Bush, celui -ci n' ayant pas encore décidé s' il devait considérer l' empire du Milieu comme un partenaire ou comme le futur rival ou adversaire à la place de la défunte URSS . Certes, la Russie a des raisons plus solides que la Chine de vouloir s' ancrer à l' Occident .Plus de 85 % de sa population vit à l' ouest de l' Oural, et la petite vingtaine de millions d' habitants répartie dans les extrémités de l' est se trouve bien isolée face à l' Asie surpeuplée .De plus, bien que la culture russe soit profondément singulière, elle se rattache évidemment davantage à l' Europe qu' à l' Asie .
Mais la Chine avait deux raisons principales d' affirmer sa solidarité avec les États-Unis au lendemain du 11 septembre .D'une part, elle doit faire face à ses propres problèmes de minorité, essentiellement au Xinjiang et au Tibet .Un peu comme la Russie à le Caucase , elle espère désormais davantage de compréhension du côté occidental .D'autre part, et là encore comme la Russie, quoique dans des conditions tout à fait différentes, la Chine entend se consacrer durablement à son développement économique et à la solution des immenses problèmes sociaux qui en résultent, et préparer ainsi la " quatrième modernisation ", celle de la démocratie . [Il..._SN] Pour cela, il faut minimiser les occasions de conflits extérieurs .Une bonne entente avec les États-Unis est donc cruciale .
En pratique, Pékin a joué un rôle déterminant auprès de Islamabad, après le 11 septembre .Les deux pays, qui forment une alliance de revers par rapport à l' Inde , sont en effet très proches et leur lien a survécu aux vicissitudes de l' histoire du second XXe siècle . [SujetInv] En faisant pression sur le général Moucharraf pour que celui -ci lâche les Talibans ( dont les systèmes de commandement dépendaient de les Pakistanais ) et accepte de coopérer avec les États-Unis, la RPC a apporté sa contribution à la victoire de George W.Bush contre le régime du mollah Omar .Avant même le 11 septembre, le spectre d' une alliance sino-russe aux dépens de les Occidentaux avait par ailleurs été écarté .Certes, les deux pays avaient signé, en juillet 2001, un traité d' amitié et de coopération pour 20ans .Pareil traité se justifie en soi, étant donné les priorités des uns et des autres .Sitôt signé, Vladimir Poutine avait pris soin de déclarer qu' il n' y aurait pas d' alliance anti américaine avec la Chine .La question pouvait se poser à l'époque .Depuis le 11 septembre, elle est devenue complètement caduque .
Les relations entre les grands pays du Nord étant ainsi affermies , la question-clef de le Pakistan se présente sous de meilleurs auspices . [On..._SP] Question-clef, car, depuis la partition de 1947, et même après l' indépendance du Bangladesh, en 1971, on s' interroge sur la viabilité d' une unité politique particulièrement fragile,politiqueSur le plan idéologique, les Occidentaux n' ont jamais manifesté de sympathie pour un pays qu' ils comprennent mal et dont les gouvernements démocratiques - ou d' apparence démocratique - sont régulièrement balayés par des coups d' État, le dernier en date étant celui qui a porté le général Moucharraf au pouvoir en octobre 1999 .À tort ou à raison, beaucoup d' observateurs pensent que l' unité du Pakistan ne tient qu' à l' existence de la tension avec l' Inde à propos de le Cachemire, laquelle servirait à justifier l' ampleur et le rôle des forces armées, en particulier le niveau élevé du budget de défense .
Comme en Inde, l' accès à l' arme nucléaire a été une préoccupation constante des militaires pakistanais, et, dans les années 1970, alors que l' Inde s' activait avec succès dans cette direction, on agitait déjà le spectre de la " bombe islamique " .La crainte de cette " bombe islamique " a d'ailleurs joué un rôle décisif dans la politique de non prolifération de l' Administration Carter, à laquelle la France, auparavant laxiste dans ce domaine, s' est ralliée sous l' autorité du président Giscard d' Estaing .Malgré tous les efforts pour les en empêcher, Indiens et Pakistanais sont parvenus à leurs fins .La victoire des nationalistes hindous en 1998 a mis en quelque sorte le feu aux poudres .En procédant à des essais nucléaires, l' Inde a brisé le tabou, et le Pakistan lui a aussitôt emboîté le pas .
Concrètement, la question se posait au lendemain du 11 septembre de savoir si le général Moucharraf contrôlait effectivement son pays . [Interro] Jusqu' à quel point, se demandait -on comme naguère à propos de l' Algérie, l' armée était -elle noyautée par les forces islamistes, en particulier par Al-Qaida ? [Interro] Dans quelle mesure le gouvernement pouvait -il contrôler l' ISI ( Inter Service Intelligence ), c' est-à-dire la puissante organisation de services secrets à laquelle on impute aussi bien l' invention " des Talibans que l' entretien de la guerre au Cachemire ? [Interro] Peut-être Ben Laden a -t-il spéculé sur la fragilité du Pakistan : en attirant les Américains dans le piège pachtoune, le pays n' allait -il pas se casser ? [Interro] Al-Qaida n' allait -elle pas mettre la main sur l' ISI et sur la bombe ?Si tel a bien été le calcul, il a été déjoué, en tout cas jusqu' à ce jour, et ce, au moins pour trois raisons .Sans doute_NEW_ l' armée est -elle moins " noyautée " et l' ISI moins autonome qu' on ne le pense .De plus, toutes les pressions internationales qui se sont exercées sur le général Moucharraf ont pointé dans la même direction .Enfin, celui -ci a réagi en homme d' État, avec sang-froid et courage .Dans un discours de janvier 2002, il n' a pas hésité à se prononcer clairement pour un État de droit .
Cela dit, la question fondamentale de la fragilité du Pakistan demeure .Moucharraf a lâché les Talibans . [Il..._SN] Il est cependant probable que les réseaux d' Al-Qaida sont encore actifs sur le territoire pakistanais .Peut-être Ben Laden et le mollah Omar y vivent -ils cachés .Mais tout indique que ce lâchage n' est pas une duperie . [Il..._SN] Il semble également que le général-président coopère avec les États-Unis pour que la " bombe islamique " ne tombe pas entre les mains des islamistes . [Interro] Mais le général peut -il se permettre de céder aussi sur le Cachemire sans risque de saper le pouvoir qu' il est jusqu'ici parvenu à maintenir ?
Comme l' affaire israélo-palestinienne, la question du Cachemire est de celles qui paraissent simples quand on les considère de loin et sans passion, et deviennent inextricables lorsque l' on s' en rapproche, a fortiori lorsque l' on y est engagé émotionnellement .du point de vue de Sirius, le dossier pakistanais est plutôt convaincant, puisque, après la partition, le rattachement du Cachemire à l' Inde n' a tenu qu' à la décision d' un maharadja sans doute manipulé, alors que la raison démographique ou géographique aurait conduit à l' autre branche de l' alternative .Depuis 1947, le désaccord sur le Cachemire est la manifestation vivante du drame d' une séparation jamais complètement acceptée du côté indien .La victoire du BJP ( Parti du peuple indien ) et de le nationaliste Atal Bihari Vajpayee , en mars 1998 , a ravivé des braises jamais éteintes, d' autant plus que le nouveau Premier ministre a fait procéder, comme on l' a rappelé, à des essais nucléaires . [Interro] L' ISI est -il à l'origine des attentats contre le Parlement de New Delhi, en décembre 2001, et au Cachemire ?Et s' il en est ainsi, comme on peut l' imaginer, jusqu' à quel point le général Moucharraf lui -même a -t-il été obligé de participer à les décisions ?
En tout cas, la tension n' a cessé de monter au fil des mois .au printemps, Washington avait toutes les raisons de craindre que le Pakistan ne dégarnisse sa frontière avec l' Afghanistan, pour redéployer les forces en direction de l' Himalaya . [Il...] Pour les États-Unis, il est clair que la question du Cachemire est devenue cruciale puisqu' un dérapage pourrait y avoir des conséquences catastrophiques pour la lutte contre Al-Qaida .Imagine-ton, dans le contexte actuel, le retentissement d' un échange nucléaire entre les deux frères séparés ? [Autre_SN] C' est pourquoi le président Bush a dépêché dans la région son ministre de la Défense, Donald Rumsfeld ( en juin ) .Mais Washington ne saurait se contenter d' ordonner à Islamabad d' empêcher les attentats au Cachemire . [Present] Qu' on le veuille ou non, il y a terrorisme et terrorisme, et une bonne stratégie antiterroriste n' est possible que sur la base de une juste analyse des causes de tels actes .
En fait, dans la vaste révision d' ensemble de leur politique étrangère, les États-Unis sont désormais obligés de trouver une voie pour, à la fois, renforcer les liens avec l' Inde ( d'autant que de graves problèmes risquent de surgir au Népal où sévit un mouvement révolutionnaire " maoïste " ) et avec le Pakistan, dont le maintien de l' unité revêt désormais un caractère vital .En particulier, la superpuissance ne peut éviter de s' interposer dans le conflit du Cachemire, pas plus qu' elle ne peut laisser Israéliens et Palestiniens face à face .du temps de la guerre froide, le jeu régional était dominé par le croisement de deux alliances implicites, celle entre l' Union soviétique et l' Inde, et celle entre les États-Unis et le Pakistan, que venait compliquer le facteur chinois .Dorénavant, la recherche d' un modus vivendi, sinon d' une réconciliation, entre les frères séparés est devenu une priorité . [On...] Là comme ailleurs, on peut prévoir que le réalisme va, au moins pour un temps, l' emporter sur l' idéologie : mieux vaut, dans l'immédiat, un Pakistan effectivement gouverné par un régime autoritaire, mais un État solide participant activement à la Sainte-Alliance, qu' un Pakistan théoriquement démocratique mais corrompu, impuissant et, en définitive, friable .
Face à ces événements, l' Europe n' apparaît pas grandie .Certes, l' immense majorité des Européens a fortement ressenti l' émotion si bien traduite dans un article rédigé à chaud par le directeur du journal Le Monde, Jean-Marie Colombani, et commençant par cette phrase : " Dans ce moment tragique où les mots paraissent si pauvres pour dire le choc que l' on ressent, la première chose qui vient à l' esprit est celle -ci : nous sommes tous Américains ! " Mais, en politique, les émotions ne dominent pas durablement la scène .George W.Bush a rapidement signifié que les États-Unis entendaient régler seuls leur querelle, et que, dans la guerre contre Al-Qaida, ils n' attendaient des Européens que des concours ponctuels, lesquels ne leur ont pas été marchandés .Certes, sur l' insistance de Lord Robertson, le 12 septembre, l' OTAN a décidé d' activer le fameux article du traité de l' Atlantique Nord, mais il ne pouvait s' agir que d' un symbole dont l' impact fut à peu près nul .À long terme cependant, la coopération des États européens est indispensable, comme l' est celle des États-Unis, pour toutes les questions déjà évoquées ici, telles que le renseignement, la lutte contre le blanchiment de l' argent, etc .Dans l'immédiat et dans l' ordre des opérations militaires, les Européens et l' Union européenne, en tant que telle , furent marginalisés . [On...] On peut penser que tel aurait aussi été le cas si, au lieu de s' en prendre au sol américain, Al-Qaida avait frappé des cibles sur le Vieux Continent . [On...] Et l' on peut craindre que tel serait le cas si pareille tragédie devait se produire . [Il...] Il en est ainsi parce que notre Union ne s' est pas encore dotée d' une véritable défense commune, ni au niveau de les procédures de décision, ni au niveau de les moyens . [Cliv] Ce n' est pas la seule raison .
[On...] On ne saurait concevoir une politique de défense réellement communepolitique [Present_SN] Il y a une trentaine d' années, on discutait gravement de la notion d' Union économique et monétaire ( UEM ) et de la question de savoir si l' union économique devait précéder l' union monétaire - ou inversement . [On..._SN] Dans la réalité, on a fait les deux dans un même élan stratégique . [Il...] Incidemment, il convient de saluer l' extraordinaire succès du passage concret à l' euro, au début de l' année 2002, c' est-à-dire la mise en circulation des billets et des pièces de la nouvelle monnaie . [Il...] S' agissant de la politique étrangère et de sécurité commune ( PESC ), il en ira nécessairement de même .Certes, des petits pas significatifs ont été accomplis dans la bonne direction, particulièrement depuis la rencontre franco-britannique de Saint-Malo, en 1998, en ce qui concerne la défense ; et, dans le domaine de la politique étrangère, on ne doit pas sous-estimer les avancées .Par exemple, en août 2001, Javier Solana , le Haut représentant pour la PESC , a largement contribué à forger un arrangement compliqué mais viable en Macédoine, qui a abouti au désarmement de la guérilla albanaise .L' Union européenne s' apprête également à assumer les responsabilités de l' OTAN au Kosovo .Elle a agi de façon cohérente vis-à-vis de l' ex-Yougoslavie, dont le dernier avatar est une nouvelle fédération entre la Serbie et le Monténégro .Peut-être cependant l' Union devrait -elle se montrer plus active dans cette région, car les ressentiments demeurent chez les Serbes, dont beaucoup suivent avec sympathie la pugnacité de Milosevic au Tribunal pénal international pour l' ex-Yougoslavie de La Haye .
Dans l'état actuel des choses, l' Union européenne en tant que telle reste incapable d' affirmer et de défendre ses intérêts les plus fondamentaux, pour ne pas dire vitaux . [On..._SN] On prendra deux exemples : la Russie et le Proche ou Moyen-Orient .Il est géopolitiquement évident que, dans le contexte post-soviétique, l' idée même d' Union européenne implique la formulation d' un concept russo - euro - péen .Les Russes y aspirent, car, dans cette phase très perturbée de leur histoire, ils ressentent avec lucidité notre communauté de destin . [Present] Il existe désormais un Conseil OTAN-Russie et un G8, mais pas encore de structure où l' Union européenne en tant que telle et la Russie puissent débattre et discuter de leurs intérêts communs, par exemple à propos de Kaliningrad .Dès lors que la Lituanie entre dans l' Union, la question du transit entre cette ville - dont on ne saurait remettre en cause l' appartenance à la Fédération de Russie sans bousculer tout l' édifice mis en place en 1990, au moment de la réunification allemande - et le reste du pays devient en effet u
[Cliv] Quant au Proche et au Moyen-Orient, c' est, également dans une perspective à long terme, une région d' intérêt vital pour l' Europe, à cause de la géographie .Qu' il s' agisse du conflit israélo-palestinien, de l' Irak ou de l' Iran, ceux de les pays européens auxquels l' histoire a conféré un poids pour ces sujets raisonnent à peu près de la même façon .Ils préconisent une approche plus équilibrée entre Israéliens et Palestiniens, une politique de containment vis-à-vis de l' Irak, mais sans intervention militaire massive aussi longtemps que une situation de légitime défense n' aura pas été établie, et une politique de détente bien contrôlée à l'égard de l' Iran .Dans les trois cas, les principaux pays européens divergent beaucoup moins entre eux qu' entre chacun d' eux et les États-Unis .Mais, étant divisés pour des raisons secondaires, ils en sont réduits à un rôle supplétif - ce qui ne veut pas dire nul - par rapport à les États-Unis et à des gestes dérisoires, comme de financer les infrastructures de l' Autorité palestinienne avant d' assister, impuissants, à leur destruction, puis sans doute d' être conviés à les financer de nouveau .
La nécessité de s' adapter à un monde nouveau interdit de renvoyer la question de la politique extérieure commune aux calendes grecques . [Il..._SN] Certes, pour que une unité politique puisse élaborer et mettre en oeuvre une politique extérieure commune, il faut que cette unité en soit effectivement une .Or les arguments contraires ne manquent pas, et l' existence de bureaucraties anciennes souvent pénétrées de leurs traditions, au demeurant fort respectables, n' arrange pas les choses .Pourtant, lorsque l' on regarde concrètement, et non plus abstraitement, les grands enjeux planétaires, comment ne pas conclure à la possibilité sinon à la nécessité d' une Union qui en soit une ?
J' ai développé ailleurs un parallèle entre la construction européenne au sens de le processus en cours depuis maintenant 45ans, et la construction nationale telle qu' en parlait Ernest Renan .Les deux aventures sont différentes mais se ressemblent . [Present_SP] Il s' agit de traduire dans les faits, et donc d'abord dans des institutions, un " vouloir vivre ensemble " fondé sur une intelligence du passé et sur un projet commun .Il est tentant, à propos de l' Europe, de transposer ce cri de Massimo D' Azeglio, l'un des chefs modérés du Risorgimento, lors de la première session du Parlement du royaume d' Italie nouvellement unifié : " Nous avons fait l' Italie, maintenant nous devons faire les Italiens . " À présent, la priorité est de faire l' Europe, avant de faire les Européens, encore que la combinaison de la libre circulation et de l' euro y contribue puissamment .Le défi est principalement d' ordre institutionnel .En décembre 2001, le Conseil européen de Laeken a décidé de créer une Convention sur l' avenir de l' Union européenne, afin de préparer la réforme des institutions, et de porter à sa tête l' ancien président Valéry Giscard d' Estaing .La tâche est immense et mérite le qualificatif d' historique .L' élargissement de l' Union est inscrit dans les faits, et son hétérogénéité augmente . [NoSaber] Ainsi, au cours des derniers mois, a -t-on assisté à la victoire des socialistes ( ex-communistes ) en Pologne, et à une remise en cause des disciplines économiques et financières .Une Union de plus en plus large , hétérogène et bancale sur le plan institutionnel , serait vouée à l' éclatement .Comment aboutir au contraire à une Union effectivement large, mais cohérente et bien gouvernée ? [Autre] Tel est le défi que la Convention doit surmonter .En attendant l' aboutissement de ses travaux, l' Europe continuera d' être marginalisée dans les grandes affaires du monde .
[Interro] Ben Laden a -t-il spéculé sur un affaiblissement du moral de l' Amérique après le 11 septembre ?Si tel fut le cas, il s' est évidemment trompé .La mobilisation patriotique a été extraordinaire et durable .La nation s' est massivement rangée derrière George W.Bush, qui s' est ainsi trouvé une mission à la hauteur de l' Histoire .Sa popularité, qui commençait à fléchir au milieu de 2001 , est brusquement remontée pour atteindre des sommets sans précédents depuis Franklin D.Roosevelt .Pendant des mois, la " guerre contre le terrorisme " aura été le principal sinon l' unique objet de ses préoccupations et aura servi de sésame pour tenter de restaurer une autorité présidentielle sévèrement affaiblie depuis le Watergate, au début de les années 1970 . [Cliv] C' est seulement à l'approche de les mid-term elections de novembre 2002 que la petite politique tend à reprendre le dessus, au moins de manière apparente car elle n' a jamais vraiment disparu .Le peuple américain a donc remarquablement réagi, mais, au moins sur un plan, avec une certaine naïveté collective . [Interro] D' où vient, demande en effet l' homme de la rue depuis le 11 septembre, " qu' on ne nous aime pas et même qu' on nous haïsse à ce point " ?L' un des traits de la culture américaine auquel participent aussi bien les citoyens fraîchement naturalisés , et qui constitue une force autant que une faiblesse , est en effet cette modalité d' ethnocentrisme selon laquelle on affirme de bonne foi l' universalité et donc la supériorité absolue de sa culture .
L' immense majorité des Américains, dont George W.Bush est à cet égard un représentant exemplaire , ne doutent pas que le " modèle américain " soit l' horizon indépassable pour tout habitant de notre planète . [On...] Et lorsque des voix contraires parviennent à se faire entendre, on les ignore ou on les attribue à des forces obscurantistes . [Autre_SN] Tel est souvent le cas dans les conférences internationales où les pays du Tiers-Monde disposent d' un siège à part entière, comme à la conférence mondiale contre le racisme et les discriminations, réunie à Durban quelques jours seulement avant les attentats . [On..._SP] On y assista à une véritable levée de boucliers contre la prétention des Occidentaux à imposer leurs valeurs et contre leur hypocrisie, puisqu' ils utilisent souvent, en pratique, deux poids et deux mesures .Certes, à Durban, les États-Unis ont fait une concession à l' air du temps en acceptant de s' excuser " pour l' esclavage .Ils n' en ont pas moins, avec Israël, claqué la porte le 3 septembre, lorsque l' accusation de racisme a été retournée contre eux .Évidemment, la bonne conscience américaine suscite de l' animosité et même de la haine, lorsque, dans l' exercice de la politique extérieure, elle se conjugue à la force au sens le plus large du terme .Tout ceci n' explique pas directement Ben Laden, et le justifie encore moins, pas plus que des considérations purement sociologiques suffiraient à expliquer Hitler . [Present] Mais il y a toujours des diables d' homme parmi les hommes .Ben Laden en est un, et il a su exploiter un anti occidentalisme, et particulièrement un anti américanisme, dont les racines s' étaient sourdement étendues depuis la chute de l' URSS, cependant que les vainqueurs de la guerre froide projetaient leurs rêves sonores sur la fin de l' histoire .
La politique étrangère des États-Unis reflète nécessairement l' universalisme ethnocentrique inhérent à ce pays .Dans ce domaine comme dans d'autres, la forme et le fond sont intimement liés, mais l'un ne détermine pas entièrement l' autre .De ce point de vue, le style très direct et même abrupt du président George W.Bush convient incontestablement mieux à l' intérieur qu' à l' extérieur de son pays . [On...] On dirait que le 43e président s' ingénie à heurter les Barbares . [Topicalisation] Les Barbares, ce sont les autres, de même que les Arabes distinguent la " terre de l' islam " ( Dar al Islam ) et la " terre de la guerre " ( Dar al Harb ) . [On..._SN] Parmi les manifestations les plus récentes de cette forme de violence, on notera le conflit sur l' acier, mais surtout le rejet catégorique et sans nuance de la Cour pénale internationale et, début juillet, le coup de force américain au Conseil de sécurité des Nations unies ( chantage sur la prorogation du mandat de la Mission des Nations unies en Bosnie-Herzégovine ( MINUBH ) ) pour modifier le statut de la Cour à leur convenance .Isolée, Washington a dû renoncer à certaines de ses exigences et accepter un compromis .Mais ni le droit international, ni le Conseil de sécurité n' en sont sortis totalement indemnes .À force de répétition, ce type de comportement ne contribue pas à atténuer les effets de ce qui est ressenti par le reste du monde comme de l' arrogance .Or, la première puissance mondiale est simplement convaincue de son bon droit, sa Constitution et son Bill of Rights l' emportant, pour elle, sur les lois internationales .
Sur le fond, la politique extérieure américaine manifeste structurellement une méfiance profonde vis-à-vis des institutions internationales et, plus généralement, du " multilatéralisme " .Les Français sont bien placés pour le comprendre, car le temps n' est pas si loin où le général de Gaulle qualifiait l' ONU de " machin " .La France s' est progressivement accoutumée à cette nouvelle forme de diplomatie, d'une part parce que elle participe de l' essence du processus européen, et d'autre part en raison de la diminution du poids relatif de notre pays dans le monde .De nos jours, les Américains ont parfois tendance à voir dans l' ONU une machine de guerre à leur encontre .Ils tolèrent mal le partage de la décision au sein de l' OTAN, comme on l' a constaté en 1999, à l'occasion de les opérations contre la Serbie de Milosevic, où le général Clark n' a cessé de se plaindre de ne pas avoir les coudées suffisamment franches .Les événements du 11 septembre ont certes conduit les États-Unis, par mesure de précaution, à régler leurs arriérés de paiement à l' ONU . Ils ont également favorisé, comme on l' a vu, l' aboutissement d' un accord avec la Russie sur le désarmement nucléaire .Mais, en ce qui concerne les Nations unies, une mesure tactique n' est pas un changement de stratégie .Quant à la nouvelle relation avec la Russie, elle ne traduit d'aucune manière un retour à la philosophie de l' arms control ", élaborée et mise en oeuvre pendant la période soviétique .
[Cliv] Ce que l' on appelle " unilatéralisme " , c' est d'abord le rejet du multilatéralisme institutionnalisé, qu' il convient de distinguer du " multilatéralisme à la carte ", nouvelle dénomination mise à la mode par Richard Haass, le directeur du Policy Planning Staff du département d' État . [Present] Il s' agit là d' une dénomination équivoque, car elle ne vise que les coalitions de circonstance .Le rejet n' est pas total : les États-Unis ont appris à s' accommoder de l' OMC . Mais il l' est pour ce qui concerne les grandes affaires politiques .Sur ce point, l' immense État américain n' a pas de meilleur allié que le petit État israélien, lequel, typiquement, a signé le traité créant la Cour pénale internationale en décembre 2000, mais n' est pas près de le ratifier, la CPI étant d'avance soupçonnée d' impartialité, malgré toutes les précautions prises .
Cela dit, la question du multilatéralisme, dans l' état actuel des relations internationales, ne se pose pas en termes de tout ou rien .Les grands États ( grands par la superficie et la population comme la Chine , l' Inde ou même la Russie ), dont la situation le leur permet , s' efforcent autant que possible d' en rester à la diplomatie bilatérale traditionnelle . [Cliv] Quand on parle de l' unilatéralisme américain, c' est aussi, plus spécifiquement, à la nature de leurs relations avec leurs alliés que l' on pense . [On...] À l' époque de la guerre froide, dans le cadre de l' Alliance atlantique, on débattait ad nauseam de l' équilibre ou plutôt du déséquilibre du processus décisionnel au sein de l' organisation, et du contenu de la notion de " consultation " entre le grand frère et les autres .À présent, l' OTAN n' a plus la même centralité dans les relations transatlantiques, et les questions naguère jugées périphériques occupent le devant de la scène .L' asymétrie n' en est que plus frappante .
[Autre] Tel est le cas face à le conflit israélo-palestinien .Après une phase initiale d' indifférence, due notamment à l' échec de la politique de Bill Clinton, le nouveau président avait compris, dès avant le 11 septembre, la nécessité de s' impliquer dans le dossier .au lendemain des attentats, il a d'abord semblé vouloir rééquilibrer la politique américaine en se prononçant explicitement, dès le 2octobre, puis le 10 novembre à l' Assemblée générale des Nations unies - ce qu' aucun de ses prédécesseurs n' avait osé faire - en faveur de un État palestinien .En mars 2002, la résolution 1397 de le Conseil de sécurité de l' ONU , introduite par les États-Unis , a affirmé une " vision de la région où deux États, Israël et la Palestine, vivent côte à côte dans des frontières sûres et reconnues " .
En pratique, cependant, George W.Bush a laissé les mains libres à Ariel Sharon, allant même, après l' intervention pour le moins musclée de Tsahal à Jénine, jusqu' à qualifier le chef du gouvernement israélien d' homme de paix ", ce qui a dû surprendre l' intéressé lui -même .À cette époque, le président avait demandé au Premier ministre de retirer " sans délai " les troupes engagées dans les villes sous autorité palestinienne, mais les délais ont été bien longs et le retrait réversible .Le 19avril, les États-Unis ont introduit la résolution 1405 du Conseil de sécurité, décidant de l' envoi d' une commission d' établissement des faits " à Jénine ; puis ils ont changé d' avis et mis Kofi Annan dans une situation fort embarrassante .Washington a ensuite proposé l' ouverture d' une conférence internationale sur le Moyen-Orient, mais la Maison-Blanche s' est aussitôt employée à en minimiser la portée .Le 24juin, le président ne l' a pas même mentionnée .Dans son discours ce jour -là, il a subordonné tout progrès vers la création d' un État palestinien au remplacement de Yasser Arafat, ajoutant ce nom illustre à la liste des leaders arabo-musulmans dont les États-Unis veulent la tête .
En fait, George W.Bush a oscillé au rythme de les nombreuses visites d' Ariel Sharon .Tous les observateurs voient dans cette attitude l' effet de ce qu' outre-Atlantique on appelle les lobbies : lobby juif mais aussi lobby des chrétiens conservateurs . [Cliv_SN] Ce sont ces mêmes lobbies qui ont fait campagne sur le thème de la pusillanimité, voire de l' antisémitisme, des Européens en général, et des Français en particulier, au point de provoquer l' étonnement du Conseil représentatif des institutions juives de France ( CRIF ) et une vigoureuse réaction du président Jacques Chirac .Bush, quant à lui , songe aux élections de novembre 2002 .Il veut que les républicains récupèrent une partie d' un électorat traditionnellement acquis aux démocrates . [Cliv] Ce que l' on appelle unilatéralisme , c' est aussi la surdétermination de certains aspects cruciaux de la politique étrangère par la politique intérieure .
[On..._SN] du côté européen, on peut résumer l' attitude vis-à-vis du conflit israélo-palestinien de la façon suivante : Arafat ne s' est pas montré à la hauteur de l' Histoire depuis Camp David II, et la corruption de l' Autorité palestinienne n' est pas douteuse ; mais la responsabilité de Sharon - qui s' est toujours opposé aux plans de paix, que ce soit le traité avec l' Égypte ou le processus d' Oslo, et qui s' est engouffré dans la brèche du 11 septembre en présentant la guerre contre les Palestiniens comme une modalité de la grande guerre contre le terrorisme - est non moinsPour parvenir à la paix, la communauté internationale doit mettre en oeuvre les moyens de pression considérables - positifs et négatifs - dont elle dispose vis-à-vis des deux parties, lesquelles dépendent en effet massivement de l' extérieur pour leur survie .Pour atteindre un objectif final - sur lequel ils sont aujourd'hui largement d' accord -, une action mieux coordonnée entre Américains et Européens est nécessaire, les uns et les autres ayant vocation à être les garants ultimes du maintien de la paix une fois rétablie, laquelle pourrait être en particulier assurée par une force d' interposition présente sur le terrain .
Sur un plan évidemment moins dramatique, la surdétermination de la politique étrangère par la politique intérieure s' est également manifestée, au cours de les derniers mois, sur le plan commercial .En décidant brutalement de protéger par des barrières tarifaires le secteur sidérurgique, en perdition parce que il n' a pas su entreprendre les restructurations nécessaires, et d' augmenter massivement les subventions aux agriculteurs, le président Bush est allé à l'encontre de la politique de libre-échange dont il avait fait un axe majeur de son projet initial, quitte à susciter l' ire de plusieurs de ses partenaires étrangers, et même celle d' une partie de la droite républicaine bien représentée par le Wall Street Journal .Mais il n' en a cure .Dans les deux cas, les décisions ont été prises exclusivement en fonction de considérations électorales, à charge pour le talentueux représentant pour le Commerce, Robert Zoellick, de défendre imperturbablement l' indéfendable en bâtissant un discours dont il ne croit probablement pas un mot .Les États-Unis se sont cependant engagés dans un nouveau cycle de négociations commerciales multilatérales à Doha, et, en décembre 2001, le président a obtenu, par une voix de majorité à la Chambre des représentants, un vote favorable pour la Trade Promotion Authority ( TPA ), auparavant appelée Fast Track, laquelle doit donner à l' exécutif des moyens de négocier des compromis .
[On..._SN] Pour conclure ces remarques complémentaires sur la politique extérieure américaine depuis le 11 septembre, on ajoutera quelques mots sur l' Amérique latine .Au début de sa présidence, George W.Bush , qui est texan , avait fait une priorité de la constitution d' une zone de libre-échange couvrant l' ensemble du continent . [SujetInv] Peut-être aurait -il activement poursuivi ce but si les circonstances n' avaient durablement détourné son attention .
Dans la pratique, la politique latino-américaine de la nouvelle Administration, conduite par Otto Reich , une personnalité très controversée qui n' a été confirmée toujours pas par le Sénat , suscite des interrogations .D' un côté, il semble bien que les États-Unis n' aient pas été étrangers à la tentative de coup d' État contre le président vénézuélien Hugo Chavez, dont le populisme a tout pour leur déplaire .Cette tentative a échoué .De l' autre, Washington a complètement laissé tomber l' Argentine, dont une fraction importante de la population s' enfonce dans la misère . [On...] On dirait que, pour Washington, aujourd'hui, contrairement à un pays dont les difficultés économiques sont également sévères comme la Turquie, la valeur géopolitique de la carte argentine est nulle .Si Buenos Aires veut 0 de l' aide , il faut d'abord réformer .Et si aucun des gouvernements qui y s' succèdent n' y parvient, advienne que pourra .Sur quelle configuration le chaos argentin peut -il déboucher ? [interro] Quel type d' événements serait de nature à forcer Washington à réagir ?Autant de questions sur lesquelles on ne peut, actuellement, que spéculer . [On...] Dans l'immédiat, ni aux États-Unis, ni au Brésil, on ne semble craindre la propagation d' une crise considérée comme très spécifique .La défiance des marchés financiers à l'égard de le Brésil tient davantage à l' incertitude qui entoure la succession du président Fernando Henrique Cardoso .
[SujetInv] En introduction du précédent RAMSES, j' avais retenu pour commencer le thème du ralentissement économique .Un an plus tard, alors qu' elle a subi deux chocs supplémentaires, l' économie mondiale résiste .Le premier choc, celui de le 11 septembre , a été remarquablement absorbé, malgré son effet direct sur d' importants secteurs d' activités, comme les transports aériens ou les assurances, et son effet indirect sur la consommation des ménages aux États-Unis .Un mois à peine après les attentats, la bourse de New York a pu rouvrir avec succès, malgré la désorganisation de Wall Street .Le second choc fut l' affaire Enron et celles qui s' ensuivirent . [Cliv_SN] Cette fois, c' est la confiance dans la bonne gouvernance du système capitaliste qui s' est trouvée gravement ébranlée .
En fait, en moins de deux ans, trois mythes particulièrement porteurs se sont évaporés : les cycles économiques avaient disparu, l' Amérique était invulnérable, et la concurrence avait atteint un tel degré de perfection que le marché attribuait sa vraie valeur à chaque entreprise .L' attitude péremptoire des thuriféraires de la mondialisation qui déclinaient ces mythes sans exprimer la moindre réserve a d'ailleurs contribué à susciter des réactions parfois excessives mais souvent salutaires . [Il..._SP] En tout cas, il a fallu se résoudre à reconnaître que l' on n' en avait pas fini avec les cycles, et qu' à l'aube d' une nouvelle révolution industrielle, de grandes entreprises peuvent commettre de grandes erreurs .La puissante Amérique a été ensanglantée dans deux de ses symboles, et elle sait maintenant que elle vit à l' ombre d' une épée de Damoclès .Enfin, l' opprobre est brusquement jeté sur le capitalisme, que l' on disait transparent grâce à les analystes financiers, aux agences de notation et naturellement aux sociétés d' audit .
Il n' est pas surprenant, dans ces conditions, que les bourses se soient trouvées malmenées, avec des mouvements de grande ampleur .L' une des raisons pour lesquelles l' économie réelle n' a pas , jusqu'à présent , davantage souffert de le faisceau de les circonstances défavorables est l' efficacité de la coopération entre les banques centrales, déterminante dans les périodes critiques .Cela dit, si la crise boursière devait s' aggraver, on voit mal comment l' économie réelle ne finirait pas par en être affectée .Le moindre indice favorable ou défavorable sur la croissance de l' activité à les États-Unis suscite une réaction excessive des marchés, extrêmement nerveux .L' incertitude est lourde à court terme .
À moyen et long terme, les raisons d' optimisme ne manquent pas .La révolution des technologies de l' information n' a pas été abolie par les faux pas de certaines entreprises, et, d' une manière générale, comme l' a si bien démontré Schumpeter dans son ouvrage célèbre Capitalisme, socialisme et démocratie, le capitalisme survit en s' adaptant et en se transformant sans cesse .Quant aux États-Unis, ils ont déjà prouvé qu' aucun Al-Qaida n' était près de les mettre à genoux .Cela dit, la prévision est l' art le plus frustrant .La mondialisation nous réserve sûrement bien d'autres " surprises " .Dans un essai aussi concis que brillant où elle soutient que le monde est déjà devenu chaotique, Thérèse Delpech manifeste un pessimisme excessif à mes yeux, mais elle trouve le mot juste en disant que le " phénomène de surprise stratégique pourrait à lui seul caractériser la période qui s' ouvre " .La plus étonnante des surprises stratégiques, dans la première année de le siècle , sera venue d' une grotte quelque part en Afghanistan .
AUTEUR : PIERRE NOËL
En mai 2001, un groupe de hauts responsables de le gouvernement fédéral , présidé par le Vice-Président Richard Cheney , rendait public un rapport consacré à la politique énergétique des États-Unis .Ce document, que nous désignerons comme le " rapport Cheney " , présente un état des lieux de la situation énergétique du pays, dominé par une tonalité pessimiste voire alarmiste, suivi d' un certain nombre de propositions ou d' orientations pour l' action publique, susceptibles de remédier aux problèmes identifiés .
Ce rapport peut être vu comme une manifestation éminente du retour des affaires énergétiques sur le devant de la scène politique outre-Atlantique, plus précisément des préoccupations de sécurité énergétique, après une décennie dominée par les débats environnementaux .La chute des prix du pétrole en 1998 , puis leur hausse brutale et leur maintien à un niveau élevé en 1999 , 2000 et sur la première moitié de 2001 , ont constitué le facteur déclenchant de ce regain d' intérêt .En 2000, l' envolée des prix du gaz naturel sur le marché américain , puis les ruptures d' approvisionnement électrique en Californie , ont fait du discours sur la " crise énergétique " un aspect incontournable du débat politique américain .
A la différence des épisodes précédents ( 1973 - 74 , 1979 - 80 , 1990 - 91 ), la situation pétrolière ne constitue pas aujourd'hui l' unique motif d' inquiétude et de mobilisation .Elle en est toutefois une composante importante .La forte hausse des prix des carburants fut très largement interprétée comme le signe d' une crise structurelle, analysée en des termes identiques à ceux entendus dix ans plus tôt lors de la crise du Golfe : l' Amérique est trop " dépendante " de fournisseurs extérieurs, trop exposée à un marché mondial " instable ", ce qui induit une menace permanente sur sa " sécurité énergétique ", menace dont la crise récente ne serait que la dernière manifestation, en annonçant d'autres .
Ce discours alarmiste est, depuis plusieurs mois, considérablement atténué, les prix des carburants et du gaz naturel étant revenus à leurs niveaux d' avant la " crise " .Toutefois, les attentats du 11 septembre, l' action militaire en Afghanistan , l' approfondissement de la crise israelo-palestinienne et la volonté affichée d' une action militaire contre l' Irak , ont contribué à alimenter le débat sur la " dépendance " pétrolière et la gestion des approvisionnements, notamment au Congrès .
Cette étude prend prétexte de la " crise énergétique " de 2000-2001, du rapport Cheney et du débat sur la " dépendance pétrolière ", pour présenter une réflexion critique sur la situation pétrolière des Etats-Unis, sa perception dans les milieux politiques américains, et les politiques publiques mises en oeuvre au cours de les dernières décennies .
La première section est consacrée à l' étude de l' approvisionnement pétrolier des Etats-Unis : évolution de la demande, de la production intérieure et des importations, de la structure géographique des approvisionnements extérieurs .L' approche choisie veut didactique . [On...] On fait largement appel à des séries statistiques couvrant un demi siècle ( 1949 - 2000 ), que l' on croise avec des analyses économiques afin de faire clairement ressortir les tendances lourdes de l' approvisionnement pétrolier des États-Unis, les grandes inflexions et leurs déterminants . [On...] On évoque, lorsque c' est utile, l' évolution de la situation pétrolière américaine d' ici 2020, telle qu' elle ressort de certains exercices de prospective modélisée .L' objectif général est de fournir des éléments d' analyse permettant d' apprécier les marges de manoeuvre des politiques publiques en matière pétrolière .La principale conclusion de cette première section est qu' elles sont beaucoup très limitées .
[On..._SN] Dans la seconde section, on étudie le lien entre la structure de l' approvisionnement pétrolier ( part des importations dans la couverture de la demande, répartition géographique des approvisionnements extérieurs ) et la sécurité énergétique des États-Unis . [On..._SP] On est amené à relativiser ce lien . [On..._SP] Dans l' étude de la politique pétrolière américaine sur longue période, on est amené à mettre l' accent sur les orientations prises par l' administration Reagan au début de les années 1980 .Depuis ce " tournant ", les États-Unis ont une politique pétrolière assez cohérente, centrée sur la libéralisation du marché intérieur, la sécurisation et la construction du marché mondial .L' objectif de cette politique n' est pas de réduire la " dépendance ", mais au contraire de créer les conditions d' un recours massif et inévitablement croissant aux approvisionnements extérieurs .
Au cours de l' année 2000, les États-Unis ont consommé un peu plus de 7 milliards de barils de pétrole, soit 19,5 millions de barils par jour ( Mb / j ), un volume identique à celui de 1999 . [Present_SP] Il s' agit du plus haut niveau de demande pétrolière de toute l' histoire américaine,demandeCe volume représente plus de deux fois la production saoudienne pour cette même année ( 9,1 Mb / j ), et le quart de la consommation mondiale ( 74 Mb / j ) .
La demande de pétrole a plus que triplé depuis le début des années cinquante ( Figure 2, p ).Mais cette progression s' est faite en deux périodes bien distinctes, que sépare la " crise pétrolière " des années soixante-dix .Le rythme de croissance de la consommation est nettement plus faible au cours de la seconde période .Entre 1949 et 1973, la croissance annuelle moyenne est proche de 5 % ; entre 1985 et 2000, le taux de croissance annuel moyen est de 1.5 % ( Figure 1, p ).Ce taux de croissance de la demande de pétrole correspond à celui des autres pays de l' OCDE .
Pourtant, la croissance économique américaine a été très soutenue entre 1985 et 2000, le PIB progressant à un rythme moyen ( 3.3 % ) proche de le taux observé sur 1949 - 2000 ( 3.6 % ) . [Cliv_SN] Si la demande pétrolière a progressé à un rythme nettement inférieur à la tendance historique, c' est que l' intensité pétrolière du PIB américain a très fortement chuté à partir de la fin des années soixante-dix .Le " contenu en pétrole " d' un dollar de PIB réel , qui avait augmenté de 10 % entre 1949 et 1976 , a diminué de près de 55 % entre 1977 et 2000 ( Figure 3, p ).
En dollars de 1996, un baril de pétrole générait 13 $ de PIB en 2000 contre 6,5 $ en 1973 .La baisse de l' intensité énergétique et pétrolière du PIB américain ne paraît pas devoir s' essouffler ; il semble même qu' elle s' accélère depuis la fin des années 1990 .
La part de la consommation d' énergie primaire couverte par le pétrole est pratiquement identique en 1949 et 2000, soit un peu moins de 40 % ( Figure 4, p ).Cependant cette part avait augmenté de 10 points entre 1949 et 1977, puis a chuté de près de 8 points entre 1977 et 1985 ; elle est pratiquement stable depuis 1990 .La structure de l' approvisionnement des États-Unis en énergie primaire connaît une remarquable stabilité depuis la fin des années quatre-vingt : le pétrole couvre 40 % des besoins, le gaz et le charbon se partagent à parts égales environ 45 % de la demande, le nucléaire et les renouvelables ( y compris l' hydroélectrique ) couvrant chacun la moitié des 15 % restant .Cela signifie que la demande pour chacune de ces sources d' énergie croît à peu près au même rythme que la demande totale d' énergie primaire .
Si la part du pétrole dans l' approvisionnement énergétique est relativement stable sur les 50 dernières années, la structure de la consommation pétrolière s' est déformée au cours de le temps, en particulier à partir de la fin des années soixante-dix .Le secteur des transports est devenu le principal moteur de la croissance de la demande de pétrole ( Figure 5, p ).Il est responsable de 73 % de l' augmentation de la consommation entre 1949 et 2000, et de 85 % de cette augmentation entre 1985 et 2000 .La part du transport dans la consommation pétrolière augmente, passant de 54 % en 1978 à 67 % en 2000 ( Tableau 1, p ).
Par contraste, la part du secteur industriel est stable sur l' ensemble de la période, à environ 25 % .L' industrie est responsable d'une part décroissante de l' augmentation de la demande : 26 % sur 1949 - 2000, 15 % sur 1980-2000 .Les autres secteurs ( résidentiel , commercial , et production d' électricité ) ont tendance à devenir marginaux : ils représentaient 22 % de la demande en 1949, 21 % en 1978 et 8 % en 2000 ; leur consommation est stable en valeur absolue depuis 1983, après avoir baissé entre 1978 et 1982 .
La part de marché des produits pétroliers dans le secteur de les transports semble, dans l' état actuel des technologies, strictement insensible aux prix relatifs des énergies . [Present_SP] En d'autres termes, il s' agit d' un usage captif, où le pétrole n' est pas substituable .Comme le montre la Figure 6 ( p . 19 )_NEW_ la part de marché du pétrole dans ce secteur tend vers 100 % .Dans les autres secteurs au contraire, les produits pétroliers ont été largement évincés : leur part dans les secteurs résidentiel et commercial baisse dès les années soixante ; le fuel disparaît pratiquement de la production d' électricité au cours de les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix .Dans l' industrie, le pétrole a perdu 7 points de part de marché depuis 1979 ( cette part étant revenue en 2000 à son niveau de 1949 ) .
A l'avenir, la demande pétrolière américaine continuera d' être principalement tirée par le secteur des transports et, dans une mesure moindre, certains usages industriels dont la pétrochimie .Dans les autres secteurs, en particulier la production d' électricité, le pétrole est devenu une source d' énergie marginale .Deux conséquences importantes en découlent :
[Present] Il existe au moins deux leviers que pourraient actionner les pouvoirs publics fédéraux pour peser sur la demande énergétique liée au transport .Le premier est d' augmenter les taxes sur les carburants, qui se situent à un niveau six fois inférieur à la moyenne des autres pays de l' OCDE . Cette mesure aurait un effet direct sur la demande, via la modification des comportements - effet d' autant plus important que l' on part d' une situation où les prix sont bas, donc où les agents ne sont pas incités à rationaliser l' usage de leurs véhicules .Elle aurait également un effet indirect, l' augmentation des prix des carburants introduisant une forte incitation pour les constructeurs à proposer des véhicules plus sobres, donc à réduire la demande pour un niveau et des modalités donnés d' utilisation des véhicules .
Le second type de mesures envisageable consiste à durcir les normes de consommation pour les véhicules neufs, qui n' ont pas été modifiées depuis 1990 pour les véhicules de tourisme ( passenger cars ), et 1996 pour les light trucks .L' efficacité énergétique moyenne du parc automobile américain s' était améliorée entre 1979 et 1991, mais stagne depuis cette date ( Figure 7, p ).L' efficacité des véhicules neufs, tous types confondus , est aujourd'hui au même niveau qu' en 1982 .Les Américains utilisent de plus en plus, pour leurs déplacements quotidiens, des light trucks et autres Sport Utility Vehicles, dont la consommation moyenne est nettement supérieure aux véhicules légers traditionnels, et qui sont soumis à des normes moins sévères .Cette modification structurelle du parc automobile a largement compensé le renforcement ponctuel des normes de consommation des véhicules légers . [impératif] Notons que l' effet d' un durcissement des normes est conditionné par le rythme de renouvellement du parc, et que ce dernier serait d' autant plus rapide que l' action sur les normes s' accompagnerait d' une action sur les prix des carburants, dont la hausse augmente l' incitation économique à se séparer des véhicules les moins efficaces .
Les autres mesures possibles concernent le soutien au développement et à la commercialisation de technologies alternatives au moteur à explosion et / ou aux carburants pétroliers .
Le rapport Cheney n' envisage pas la possibilité d' augmenter les taxes sur les carburants .Cette question est extrêmement sensible aux Etats-Unis . [Il..._SN] Il semble que aucun responsable politiquepolitiqueL' administration Clinton en fit l' expérience au début de les années 90, qui vit un important projet de taxe sur toutes les consommations d' énergie ( BTU tax ) laminé par le Congrès, pour n' aboutir qu' à une modeste augmentation de la fiscalité sur les carburants .Le rapport évoque ( chapitre 4 ) la " révision " des normes de consommation imposées aux constructeurs automobiles ( Corporate Average Fuel Economy Standards, ou CAFEs ) et l' objectif de les fixer de manière " responsable ", en sorte d' augmenter l' efficacité énergétique des véhicules " sans affecter négativement l' industrie automobile " .Un récent rapport de l' Académie des sciences a proposé une amélioration du système en vigueur consistant à attribuer aux constructeurs qui vont au-delà de la norme des " bons d' économie ", qu' ils peuvent soit stocker, soit revendre aux constructeurs qui sont en retard par rapport à la norme - chaque constructeur étant tenu soit de respecter la norme, soit d' être en possession de bons d' économie pour un montant équivalent à la différence entre sa performance effective et la norme .Ce système fonctionne sur le même principe que le marché de droits à consommer du carburant ; il s' agit en fait d' un " marché de droits à ne pas respecter les normes de consommation " .
Pour favoriser la pénétration des nouvelles technologies, le rapport Cheney envisage un crédit d' impôt pour l' acquisition de véhicules économes ( hybrides, piles à combustibles ) .Le soutien au programme de piles à combustible pour les bus est réaffirmé . [On...] On évoque par ailleurs une gestion du trafic urbain à base de instruments de marché ( type péage, ou permis de circulation négociables ), qui tendent à faire supporter à l' automobiliste le vrai coût de sa présence sur la route .
[Il..._SN] Il est évidemment très difficile, vu le niveau de généralité du rapport Cheney, d' évaluer l' impact potentiel des mesures destinées à infléchir la consommation de pétrolepétroleDe manière générale, toute augmentation significative de le coût d' utilisation de l' automobile semble être politiquement impossible aux États-Unis .L' Administration Clinton avait dû abandonner ses projets en la matière, tant la taxe sur la consommation énergétique que le durcissement des normes de consommation .Le recours aux services rendus par l' automobile semble revêtir en Amérique une dimension éminemment culturelle .La compréhension des contraintes spécifiques de la politique énergétique américaine serait certainement améliorée par des travaux de nature sociologique sur la place de la voiture ( et avec elle du pétrole ) dans l' American way of life . [Il..._SN] au plan économique, il est vrai que le relèvement des prix des carburantsprix [Present_SP] Il s' agit d' un problème très classique en économie de la réglementation ( on parle de coûts " échoués " ) ; dans ce cas, il est rendu particulièrement délicat politiquement du fait du montant des actifs en jeu, et de l' importance du groupe social concerné ( les propriétaires de véhicules automobiles ) .au printemps 2002, le secrétaire à l' Energie, Spencer Abraham , a levé les incertitudes du rapport Cheney quant à les normes de consommation des véhicules, en annonçant officiellement à Detroit ( capitale de l' industrie automobile américaine ) qu' elles ne seraient pas relevées .
L' automobile semble être la pierre de touche de la politique pétrolière américaine .Pour le reste, ce pays n' a pas échappé à la rationalisation des usages du pétrole et à l' éviction massive de cette forme d' énergie, que l' on retrouve dans tous les pays de l' OCDE .
En 1949, les importations pétrolières des États-Unis dépassaient pour la première fois leurs exportations .Depuis cette date, la part du pétrole importé dans la couverture des besoins des agents américains a augmenté de manière continue, à l'exception de la période 1978 - 85 ( Figure 10, p ). [On...] Pour expliquer cette croissance, absolue et relative, des importations pétrolières, on évoque couramment " l' épuisement " des réserves américaines .Cette analyse demande à être précisée .La disponibilité relative de la production intérieure et de le pétrole importé est d'abord une question de coûts et de prix .La progression continue de la part de les importations dans la couverture de la demande reflète la dégradation de la compétitivité marginale de la production intérieure, laquelle s' explique par la différence grandissante entre les coûts de développement aux États-Unis et à l' étranger .
L' amorce du déclin de la production intérieure en 1970 ne modifie pas fondamentalement les données du problème .Certes, de très nombreux champs dans les 48 États " continentaux " sont entrés en phase de déclin irrémédiable, en ce sens que il n' existe probablement aucun niveau de prix auquel les réserves pourraient être renouvelées . [Present] Mais il existe toujours un niveau de prixprixL' interdépendance entre les coûts de production, le prix de le pétrole , le niveau de l' offre domestique et de les importations n' est pas rompue par l' entrée de nombreux champs américains dans une phase de déclin " absolu " .
La compétition entre production intérieure et pétrole importé est naturellement influencée par les éventuelles barrières protectionnistes .Le protectionnisme pétrolier est une tentation permanente aux États-Unis, et fut longtemps une réalité .La mesure la plus radicale consista à mettre en place des quotas d' importation ( mandatory oil import quotas ), entre 1959 et 1973 ; ces quotas faisaient suite à les ( soi-disant ) voluntary oil import quotas ( 1949 - 1958 ), qui avaient eux -mêmes succédé aux tentatives infructueuses d' administration des importations par les États fédérés ( en particulier le Texas ) dans les années trente .Depuis 1982, le marché pétrolier américain est totalement intégré au marché mondial .Le prix sur le marché intérieur est le prix mondial du pétrole brut ; la concurrence entre production intérieure et pétroles importés est exempte de toute distorsion .
Entre 1949 et 1970, la production pétrolière américaine ( brut et " condensats " ) est multipliée par deux ; dans le même temps, la part de la demande couverte par le pétrole importé passe de 10 % à 23 % .La croissance de la production intérieure atteste que le coût de renouvellement du " stock ", c' est-àdire des réserves, était compatible avec le prix en vigueur à l'époque .Toutefois, sur l' ensemble de cette période, la dépense nécessaire à l' ajout d' un baril de réserves à le Moyen-Orient représente une petite fraction de celle requise aux États-Unis, et cette fraction diminue .Le pétrole du Moyen-Orient ( mais aussi du Venezuela, et d'ailleurs ) exerce donc, à partir de les années cinquante, une pression concurrentielle très forte sur le marché américain .En l'absence de barrières protectionnistes, la croissance des importations aurait été nettement plus rapide, tant en valeur absolue que relative .
A partir de 1970, toutes les formes d' investissement susceptibles d' augmenter les réserves de pétrole connaissent, aux États-Unis, des coûts fortement croissants .Les évènements de 1973 introduisent de nouveaux paramètres, en particulier réglementaires .L' explosion des prix de le brut aurait dû favoriser un relatif redressement de la production intérieure et une baisse de la demande, donc une décroissance des importations .Mais les dispositions législatives prises pour soulager les raffineurs face à l' augmentation de leurs coûts d' approvisionnement ( entitlements system ) fonctionnent comme une subvention aux importations .Combinée à la réglementation des prix du brut à la production, ces mesures entravent la diffusion du signal prix et distordent les incitations : le développement pétrolier intérieur est ralenti, la demande est artificiellement soutenue .
Entre 1978 et 1985, deux effets se conjuguent pour précipiter une chute des importations ( Figure 10, Figure 11 ) :
En conséquence, les importations chutent sur cette période, tant en valeur absolue ( - 3,8 Mb / j ) que relative ( - 16 points de part de marché ) .
De 1985 à aujourd'hui, la part du pétrole importé dans la couverture de la demande ne cesse d' augmenter . La production américaine baisse au rythme de 2 % par an en moyenne .Cette baisse ralentit après 1990, grâce notamment à la forte progression de l' offshore dans le Golfe du Mexique, stimulée par des mesures fiscales et par les progrès technologiques ( cf . infra ) .Les importations ont progressé de plus de 5 % par an en moyenne sur 15 ans, pour atteindre leur maximum historique en 2000 .Elles s' élèvent alors à 11 Mb / j, soit 54 % des besoins de l' économie et de la société américaines ( Figure 10 ) .
Le rapport Cheney prévoit, dans son chapitre 5, plusieurs mesures de stimulation de l' offre pétrolière intérieure : promotion de la récupération assistée ; développement d' un partenariat public-privé en vue de l' amélioration des technologies d' exploration ; extension de la politique d' octroi de licences sur les terres fédérales ; octroi d' incitations fiscales à l' exploration et au développement dans les zones " frontières ", les gisements difficiles, trop petits ou trop risqués pour être rentables aux conditions du marché .Enfin, la mesure la plus attendue et la plus controversée consiste à préconiser l' ouverture aux activités pétrolières de la réserve naturelle nationale d' Alaska ( ANWR ) . [Interro] Ces propositions, si elles étaient mises effectivement en oeuvre , sont -elle de nature à ralentir le déclin de la production intérieure et la hausse des importations ?La réponse est certainement négative .
[Il...] Il importe de noter que toutes ces mesures, excepté l' ouverture de l' ANWR, sont déjà appliquées à des degrés divers . [Present] Il ne s' agit donc au mieux que de les prolonger et les amplifier .Le partenariat public-privé en matière technologique est déjà une réalité, de même que les exemptions aux législations antitrust pour certaines activité de recherche et développement, notamment dans l' offshore .Dès 1993, le gouvernement fédéral a mis en place un système d' incitation fiscale à l' exploration et développement dans l' offshore profond, renforcé en 1995 par le Deep Offshore Royalty Relief Act .Enfin, la politique de leasing sur terres fédérales n' a cessé d' être assouplie depuis une quinzaine d' années .Les réserves pétrolières nationales ( champs situés sur des terres fédérales et conservés pour servir de réserve stratégique " naturelle " ) ont été partiellement ou totalement privatisées ( selon les cas ), et sont donc développées selon une logique purement commerciale par les compagnies concessionnaires .
Toutes ces mesures de stimulation de l' offre intérieure ( à laquelle il faudrait ajouter la levée , en 1995 , de l' interdiction d' exporter le brut d' Alaska ) n' ont pas été sans effet : elles ont contribué au renouveau de la production offshore dans le Golfe du Mexique, au redressement des investissements d' exploration et développement en Alaska, et plus généralement au ralentissement de la baisse de la production pétrolière américaine dans les années 1990 .Elles ont donc amplifié les effets positifs des progrès technologiques sur la productivité de l' effort d' exploration et développement .La prolongation de ces dispositions et leur approfondissement éventuel ne peuvent avoir qu' un effet positif sur l' offre intérieure .Mais elles ne changeront pas la tendance lourde à la croissance des importations dans la couverture de la demande, sauf dans le cas ( improbable ) où celle -ci chuterait fortement dans un contexte de prix mondial très élevé .
[SujetInv_SN] Reste le potentiel de l' ANWR . On estime dans les milieux pétroliers que les ressources récupérables s' élèveraient à 10 milliards de barils, avec un rythme de production en pointe proche de 2 Mb / j .Ces chiffres, ils ils devaient s' avérer exacts - ce qui est loin de être acquis - sont impressionnants ; ils mettent l' ANWR au niveau de le North Slope, c' est-à-dire qu' ils en font une " seconde Alaska " .Mais l' effet sur le niveau des importations est impossible à prévoir, car il dépend du prix mondial .Dans un contexte d' offre excédentaire, le brut de l' ANWR ferait baisser le prix mondial et se substituerait largement à du pétrole américain moins compétitif .Il ne remplacerait du pétrole importé que si les pays de l' OPEP limitaient leur production pour défendre un prix élevé, ou si les États-Unis rétablissaient des barrières protectionnistes ( taxe ou quotas ) afin de maintenir le prix intérieur au-dessus de le prix mondial .Le projet de loi de la Chambre de Représentants prévoit l' ouverture de l' ANWR, mais pas celui voté au Sénat .
La différence entre les coûts marginaux de développement à les États-Unis et dans de nombreuses provinces pétrolières plus compétitives à l' étranger - le Moyen-Orient étant un cas extrême - est aujourd'hui très importante, et continue d' augmenter .Dans ces conditions, le taux de contribution de l' offre intérieure à l' approvisionnement de les États-Unis sera principalement déterminé par les politiques pétrolières de l' Arabie Saoudite, du Koweït, de l' Iran, de l' Irak et du Venezuela, ainsi que par la capacité de l' industrie pétrolière internationale à renouveler ses réserves hors de l' OPEP . Les marges de manoeuvre des autorités américaines sont extrêmement limitées .L' effet des mesures de stimulation de l' offre est difficile à appréhender avec précision .La plus prometteuse d' entre elles , à savoir l' accélération de l' ouverture de les terres fédérales à les activités pétrolières est soumise à une forte incertitude politique .
[On..._SP] On peut donc affirmer avec un degré élevé de certitude que toute augmentation de la demande de pétrole se traduira par une augmentation plus que proportionnelle des importations .Sauf révolution technologique dans le secteur des transports, une telle augmentation va se produire .
L' importation de pétrole brut et de produits raffinés est une activité libre aux États-Unis .Les restrictions administratives sont limitées aux pays sur lesquels pèsent des sanctions économiques ( Iran et Libye ) .L' évolution de la structure géographique des importations américaines reflète donc les arbitrages économiques des agents américains ( raffineurs, traders, gros utilisateurs de produits pétroliers telles les compagnies aériennes ), et plus généralement des acteurs du marché pétrolier mondial .En fait, l' allocation géographique de l' offre pétrolière mondiale est largement le produit d' un processus anonyme impliquant des centaines d' agents économiques cherchant à maximiser la valeur du pétrole qu' ils possèdent, et / ou à minimiser le coût de leur approvisionnement .Le marché américain est une composante de ce système mondial marchand .Les expressions du type " les États-Unis importent davantage du Canada que d' Arabie Saoudite " doivent donc être utilisées avec précaution . [Cliv_SN] Ce sont des acteurs privés qui importent, et leurs choix sont dictés par des considérations de coût et de convenance, en particulier quant à les caractéristiques techniques des différents bruts et produits .
Depuis le premier choc pétrolier, deux tendances majeures nous semblent mériter un intérêt particulier : d'une part l' évolution de la contribution du Golfe persique aux approvisionnements américains ; d'autre part la régionalisation des importations américaines au cours de les années 1990 . [On...] On évoquera aussi les développements récents ( 1998-2000 ), et l' avenir des importations américaines .
Le Golfe persique est, sur le marché pétrolier américain, un fournisseur parmi d'autres .En moyenne, sur une période de 25 ans, les importations en provenance de cette région couvrent moins de 10 % de la consommation pétrolière des Etats-Unis ( 13 % en 1999 et 2000 ), et cette part n' augmente pas ( Figure 13, p ).Les Figure 12 et Figure 14 montrent que le Golfe occupe dans les approvisionnements extérieurs des États-Unis une place ni négligeable, ni prépondérante . [Autre] Ce qui frappe également dans ces graphiques , c' est le mouvement d' éviction du Golfe entre 1980 et 1985, suivi d' un retour au cours de les cinq années suivantes .De fait, cette région ( c' est-à-dire , sur le marché américain , principalement l' Arabie Saoudite et l' Irak ) se singularise moins par le niveau de sa contribution aux importations américaines que par les fluctuations de sa part dans ces importations .
Ces fluctuations ont une explication simple .Le pétrole brut s' échange à un prix mondial unique ( net des coûts de transport et des différentiels de qualité ), déterminé sur un marché " spot " .Les pays du Golfe, qui ont à tout moment la possibilité d' augmenter rapidement leur offre à des coûts représentant une petite fraction du prix en vigueur ( soit en exploitant plus intensément leurs capacités installées, soit en les augmentant ), ont donc A l' inverse, lorsqu' ils diminuent leur production ( ou simplement ne l' augmentent pas alors que la demande croît ) pour défendre un niveau de prix, ils perdent des parts de marché si d'autres producteurs sont capables de couvrir la demande au prix en vigueur ; dans le cas contraire le prix augmente .Entre 1980 et 1985, l' Arabie Saoudite réduit continuellement sa production pour soutenir le prix dans un contexte de baisse de la demande mondiale ; cela se traduit par une forte chute des exportations du Golfe persique vers les États-Unis .Après 1985, l' Arabie Saoudite s' engage dans une stratégie de reconquête de ses parts de marché : ses exportations vers les États-Unis passent de 0,2 Mb / j en 1985 à 1,4 Mb / j en 1989 ( Figure 15, p ).
Dans les années 1990 et ceci pour la première fois, la part du Golfe a baissé alors que les importations américaines augmentaient .Pendant cette période, l' offre pétrolière mondiale ( hors Golfe ) est restée très dynamique, contraignant les producteurs du Golfe à contenir leurs niveaux de production pour éviter une chute des prix ( qui s' est finalement produite en 1997 - 98 ) .La part du Golfe dans les importations américaines a donc baissé jusque 1997 .Son redressement entre 1998 et 2000 est entièrement dû au retour du pétrole irakien sur le marché américain : 700 000 b / j en 1999 contre 0 en 1996 .
[On...] On pourrait donc dire que les producteurs du Golfe, et notamment l' Arabie Saoudite, déterminent largement eux -mêmes l' évolution de leur part de marché aux États-Unis ( et sur le marché mondial en général ) . [Il...] Il leur suffit de produire davantage pour que cette part augmente, au prix d' une baisse, éventuellement forte, des cours du brut .Sur l' ensemble de la période couverte ici, la contribution du Golfe à les approvisionnements américains se situe à un niveau très nettement inférieur à ce que il serait en l'absence de restriction .Entre 1949 et 1973, le mécanisme de restriction se situait aux Etats-Unis ( limitation des importations ) ; depuis 1973, ce sont les États du Golfe qui limitent leur production .Si ces producteurs se désintéressaient du prix ( donc augmentaient leur production jusqu'à ce que le coût d' une unité supplémentaire et le prix mondial s' égalisent ), le prix du pétrole s' établirait probablement en dessous de 5 $ et le Golfe couvrirait une part largement prépondérante des importations américaines, dont le niveau serait beaucoup plus élevé qu' aujourd'hui .
Les importations en provenance du Canada et de les pays d' Amérique latine ont augmenté continuellement et assez régulièrement depuis la fin des années 1970 ( Figure 14, Figure 15 ) .Le contraste avec les fluctuations du Golfe persique apparaît de manière saisissante . [On..._SN] En conséquence, on observe un mouvement de régionalisation des importations américaines .importationL' hémisphère occidental ( selon l' expression consacrée aux États-Unis ) représentait 50 % des importations en 1997, contre 35 % en 1990 et 20 % en 1980 ( Figure 16, p . 42 ) .Cette progression a permis de compenser la baisse de la production américaine pour maintenir autour de 70 % le taux de régionalisation de l' approvisionnement pétrolier des États-Unis ( production intérieure comprise ) .
Face à la chute des prix survenue en 1997 - 98, les pays de l' OPEP ont décidé de retirer du marché des quantités très importantes de pétrole ( par exemple 3,5 Mb / j pour la seule année 2001, et environ 5 Mb / j depuis 1999 ), aidés ponctuellement par le Mexique et la Norvège, marginalement par le sultanat d' Oman et la Russie .Les effets sur le prix mondial ont été très importants .Ils sont également fait sentir très directement sur la structure des importations américaines ( Figure 15 ) .Le volume en provenance du Venezuela a chuté de plus de 300 000 b / j entre 1997 et 1999, et la progression des exportations mexicaines vers les États-Unis, qui avoisinait 10 % par an depuis 1992, a brusquement stoppé .Seules les exportations saoudiennes vers les États-Unis n' ont pas diminué ( à l' inverse de ce qui s' était passé dans les années 80 ) .
La compensation de ces volumes " perdus " est venue d' Europe et surtout du Canada, pays dont les exportations vers les États-Unis ont atteint un record historique en 2000, en hausse de 20 % par rapport à 1999 .Le voisin du nord est aujourd'hui le premier exportateur de pétrole vers les États-Unis . [Cliv] Mais c' est surtout le pétrole irakienpétroleL' Amérique est le premier " client " de l' Irak dans le cadre de le programme " pétrole contre nourriture " .Jamais les États-Unis n' avaient importé autant de pétrole irakien qu' en 1999 et 2000 .
Les projections du DOE anticipent une modification sensible de la structure des importations pétrolières américaines au cours de les vingt prochaines années .Les importations en provenance du Golfe persique représenteraient près de 20 % de la consommation en 2020, contre 13 % aujourd'hui .Elles progresseraient donc plus rapidement que le total des importations, croissant elles -mêmes plus vite que la demande .Cette tendance reflète la croissance de la contribution du Moyen-Orient à l' offre pétrolière mondiale .
[On..._SN] On ne peut discuter ici dans le détail ces projections . [On...] On fera simplement deux remarques .La première est que la capacité des modèles à appréhender correctement l' évolution de l' offre " hors Golfe ", et même " hors OPEP ", est incertaine .des facteurs comme les progrès technologiques, l' évolution de la fiscalité et de le cadre juridique de les investissements , qui ont un impact tout à fait décisif sur les coûts et les risques assumés par les compagnies pétrolières , donc sur les décision sont très difficiles à intégrer dans une approche modélisée .La seconde remarque est que les modèles traitent en général la production du Golfe persique ( et parfois de l' OPEP ) comme un volume résiduel : elle couvre la différence entre la demande mondiale et la production " hors Golfe " ( le cas échéant " hors OPEP " ) .Or le paysage énergétique en 2020 sera très différent selon que les pays du Golfe ( auxquels il faut ajouter le Venezuela et la Libye ) adopteront, comme ils le font depuis trente ans, une politique de limitation de leur production en vue de la défense d' un niveau de prix, ou que s' enclenchera une course aux parts de marché au sein de l' OPEP . Parmi les facteurs qui pourraient favoriser l' option concurrentielle, citons la levée des sanctions sur l' Irak ou la défection d' un membre important de l' OPEP, quittant l' organisation de fait ou de droit .A l' inverse, la capacité de l' OPEP à associer durablement de nouveaux producteurs à son action ( Mexique , Norvège , Russie ) , éloignerait le risque d' un éclatement du cartel .
Les incertitudes sont donc très importantes .Le volume de production que les principaux modèles attribuent à le Golfe persique en 2020 correspond à un doublement des capacités par rapport à 2000 ( on passerait en gros de 20 à 40 Mb / j ) .Les prévisions de prix varient mais n' anticipent pas d' augmentation significative, en termes réels, sur les vingt prochaines années .Si les États du Moyen-Orient n' effectuaient pas les investissements requis ( rappelons que les capacités de production dans le Golfe n' ont pas augmenté depuis 30 ans ), le prix du pétrole pourrait être nettement plus élevé, la demande plus faible, et la production " hors Golfe " plus soutenue .Les importations américaines seraient alors plus faibles que ne l' anticipent les modèles et nettement moins concentrées sur le Moyen-Orient .A l' inverse, si le processus concurrentiel s' enclenchait entre producteurs à coûts de production très bas, le prix s' effondrerait, stimulant la demande et déprimant la production " hors Golfe " .Les importations américaines seraient encore plus fortes qu' escompté, ainsi que la part du Moyen-Orient dans les approvisionnements extérieurs .
[On...] On a souligné plus haut que les facteurs qui détermineront le niveau des importations pétrolières américaines échappent largement au gouvernement des États-Unis .Cette conclusion vaut également pour la structure géographique des approvisionnements .Les décisions les plus structurantes , qui détermineront la contribution de les provinces les plus compétitives à la couverture de la demande mondiale , donc le niveau de les prix , seront prises par les gouvernements des pays du Moyen-Orient et du Venezuela .Elles le seront soit dans le cadre coopératif de l' OPEP, soit individuellement, soit, et c' est le plus probable, dans un entre-deux où les décisions collectives viendront consacrer les options individuelles de quelques-uns .
Face au poids des tendances lourdes, les marges de manoeuvre des politiques publiques américaines sont réduites, quoi qu' en disent certains responsables de l' administration et du Congrès .Le rapport Cheney annonce la continuation et l' approfondissement d' une politique d' offre, donnant à l' industrie pétrolière toutes les chances de découvrir, développer et produire les ressources pétrolières intérieures .Cette politique contribuera de manière très limitée à l' objectif de réduire la " dépendance " pétrolière extérieure .De ce point de vue, une action sur la demande de pétrole aurait un impact potentiel supérieur ( en particulier l' augmentation des taxes sur les carburants et l' amélioration de l' efficacité énergétique des véhicules automobiles . ) Le rapport Cheney reste extrêmement prudent dans ses orientations en matière de gestion de la demande de pétrole liée au transport .
La tendance la plus probable est que les importations pétrolières américaines vont continuer d' augmenter au cours de les vingt prochaines années, vont couvrir une part croissante de la demande intérieure, et seront plus concentrées sur les pays du Moyen-Orient .L' intensité de ces évolutions est soumise à forte incertitude .
[SujetInv_SP] Reste à étudier l' impact d' un approfondissement de la " dépendance " sur la sécurité énergétique des Etats-Unis, question traitée dans le second volet de ce travail .
La croissance des importations dans la couverture de la demande pétrolière , qui va se poursuivre au cours de les années et décennies à venir , est très souvent décrite comme menaçant la " sécurité énergétique " des Etats-Unis .Même s' ils ne proposent pas d' atteindre l' autosuffisance énergétique ou pétrolière, le rapport Cheney comme les propositions de loi votées à la Chambre et à le Sénat en 2001 et 2002 reprennent à leur compte cette analyse , et établissent explicitement une corrélation entre objectif de sécurité et objectif de limitation ( ou de réduction ) de la dépendance .Une appréciation rigoureuse du fonctionnement du marché pétrolier montre au contraire que la sécurité énergétique, quel que soit le contenu précis qu' on lui donne ( disponibilité physique des approvisionnements, niveau et stabilité des prix, exposition aux crises ), est quasi indifférente au niveau de les importations pétrolières, au taux de dépendance extérieure, et à la provenance géographique du pétrole .
Toute discussion sur la sécurité énergétique et les approvisionnements pétroliers doit partir de cette réalité : le pétrole est une matière première " fongible " échangée sur un marché mondial techniquement et économiquement intégré .L' équilibre entre offre et demande est un équilibre mondial, qui détermine un prix mondial révélé par des marchés " spot " .
Le marché est techniquement unifié car le pétrole se transporte sur longues distances à des coûts relativement faibles : environ 10 $ par tonne par exemple entre le Golfe persique et les grands marchés de consommation, soit environ 1,4 $ / baril .La plupart des bruts n' ont pas de marchés régionaux strictement captifs et peuvent être raffinés en Europe, aux Etats-Unis ou en Asie ( même si certaines caractéristiques physico-chimiques limitent les possibilités de substituer rapidement un brut à un autre dans certaines raffineries ) .La " substituabilité " de les différents bruts dans les raffineries américaines a augmenté ces dernières années à la faveur de travaux de modernisation de l' appareil de raffinage .Ainsi, les opérateurs de marché ( les traders ) peuvent effectuer des arbitrages afin de profiter des différences de prix entre les marchés locaux, différences qui ne peuvent donc se prolonger dans le temps : l' unité technique du marché induit son unité économique . [Present_SN] Une fois déduits les coûts de transport et les différentiels de qualité ( teneur en soufre, gravité ), il existe un seul prix mondial du pétrole brut .prix
L' allocation de l' offre de pétrole entre les demandeurs se fait par un processus purement marchand, anonyme, proche de celui que décrivent les manuels de microéconomie . [Cliv_SN] Ce sont les acheteurs individuels ( traders, raffineurs ) qui sont en concurrence pour s' approvisionner, et non les Etats ou les économies nationales .Le mécanisme des prix, qui répartit le pétrole entre les milliers de consommateurs effectifs et potentiels , transcende les frontières : les agents américains sont en concurrence entre eux comme avec les agents européens, sud-américains, asiatiques et autres .
Une autre manière d' exprimer l' idée d' un marché mondial intégré consiste à parler de " one great pool " .L' image est due à M. Adelman, qui voit le marché pétrolier comme une " grande bassine ", dans laquelle se déversent toutes les productions - quelle que soit leur localisation géographique, qu' elles donnent lieu à échange international ou non - et dans laquelle puisent tous les consommateurs .Si cette représentation correspond à le fonctionnement réel de le marché , alors les prix doivent évoluer de manière identique sur tous les marchés locaux, et tendre vers un prix unique ( net des coûts de transport ) .Les tests économétriques effectués ont largement confirmé l' hypothèse du one great pool, ou du marché intégré .Ils montrent en outre que l' intégration a fortement progressé à la faveur du développement de nouveaux modes de commercialisation, en particulier de la multiplication des instruments financiers dérivés ( futures, swaps, options ) permettant d' optimiser les stratégies d' approvisionnement en facilitant les arbitrages dans le temps et dans l' espace .Le marché pétrolier est devenu un marché de " commodité " comme un autre : entre l' amont et l' aval de l' industrie, forcément localisés, s' interpose un " midstream " autonome et mondialisé, qui assure par des mécanismes purement marchands l' optimisation des flux physiques et la révélation en temps réel de prix spot et à terme, sur la base desquels les agents effectuent leurs décisions .
Les mécanismes qui viennent d' être décrits impliquent qu' il ne peut exister de rupture physique dans les approvisionnements pétroliers d' une région ou d' un pays quelconque .Une crise pétrolière, même lorsqu' elle a pour cause la défection ( accidentelle ou volontaire ) d' un producteur , se manifeste toujours par une hausse des prix, ressentie par tous les consommateurs de pétrole où que ils soient dans le monde .Si on laisse fonctionner le mécanisme des prix, c' est-à-dire qu' on laisse monter les cours, les arbitrages - ou, plus précisément , les anticipations sur les arbitrages - diffusent instantanément l' augmentation sur tous les marchés .Les mécanismes marchands fonctionnent donc comme une machine à transformer une rupture physique d' approvisionnement ( qui est un phénomène local ) en une hausse du prix ( qui est un phénomène mondial ) .
[impératif] Signalons que la hausse des prix, qui est le symptôme de la pénurie, est aussi le principal remède à la pénurie .Elle " signale " aux consommateurs qui le peuvent qu' ils ont intérêt à s' effacer, partiellement ou entièrement ; elle " signale " en outre aux producteurs qui le peuvent qu' ils ont intérêt à produire plus .La hausse des prix est donc le moyen par lequel le marché diffuse à tous les agents concernés l' information sur la rareté relative du pétrole, et engendre les incitations à adopter des comportements individuels contribuant à rétablir l' équilibre entre offre et demande mondiales .Pour toutes ces raisons, la liberté des prix du pétrole, surtout en temps de " crise " , est un élément central de toute politique pétrolière rationnelle .
Un autre corollaire de ce constat fondamental sur l' intégration de le marché pétrolier mondial est que les embargos sélectifs ne constituent pas une menace crédible . [Il..._SP] Par exemple, il n' est pas possible pour l' Arabie Saoudite, ou pour tout autre producteur ou groupe de producteurs, de restreindre ou de stopper ses exportations vers les Etats-Unis . [impératif] Admettons, par hypothèse, qu' il soit possible d' interdire aux cargos ayant chargé du pétrole saoudien de le livrer aux Etats-Unis ( ce qui suppose un accompagnement maritime de tous les pétroliers qui chargent en Arabie Saoudite ) .Les raffineurs américains touchés par l' embargo - ceux qui raffinent habituellement 0 du brut saoudien - se retourneraient vers le marché spot pour compenser les approvisionnements manquants .Ils obtiendraient tout le pétrole pour lequel ils sont prêts à payer, sachant que le prix spot augmenterait brutalement du fait de leur comportement : le marché transformerait une pénurie physique concernant quelques dizaines d' agents en une hausse de prix ressentie par des milliers .
Sur cette base, deux scénarios sont possibles . sont possibles .Soit l' Arabie Saoudite maintient son niveau global d' exportations et se contente " d' interdire " toute livraison aux Etats-Unis ; dans ce cas la hausse des prix serait limitée au temps nécessaire à la réorganisation des circuits de commercialisation vers l' Amérique du Nord .Soit l' Arabie Saoudite réduit ses exportations totales de le montant habituellement livré à les Etats-Unis ; l' embargo s' apparente alors à une réduction de l' offre mondiale et la durée de la hausse des prix dépend du temps nécessaire aux autres producteurs pour prendre la part de marché abandonnée par l' Arabie Saoudite .Dans les deux cas les conséquences ressenties spécifiquement par les agents américains, par exemple sous forme de pénuries physiques , seraient faibles ou nulles ( à condition que il n' y ait pas d' entrave à le libre fonctionnement de le marché : ni réglementation de le prix , ni allocation administrative de le pétrole ) . sous forme de pén s physiques, seraient faibles ou nulles ( à condition que il n' y ait pas d' entrave au libre fonctionnement du marché : ni réglementation du prix, ni allocation administrative du pétrole ) .De manière générale, si un Etat exportateur souhaite " punir " un Etat importateur ou faire pression sur lui, il ne peut le faire que de manière non sélective, en faisant supporter à tous les consommateurs une hausse du prix mondial .
Historiquement, l' embargo pétrolier sélectif n' a été tenté qu' une seule fois, en 1973, par les producteurs arabes de l' OPAEP, à l'encontre des Etats-Unis et des Pays-Bas .Cet embargo, contrairement à une légende tenace , n' a eu aucun effet direct notable - même s' il a contribué à engendrer des comportements de panique, aggravés par le contrôle des prix sur le marché américain .Il n' obtint d'ailleurs aucun résultat politique .Depuis les années quatre-vingt, le phénomène des embargos fonctionne en sens inverse : les Etats-Unis interdisent l' importation de pétrole libyen ( depuis 1982 ) et iranien ( depuis 1980 ), et l' ONU administre les exportations irakiennes dans le cadre de un programme dit " pétrole contre nourriture " ( depuis 1991 ) .Pour l' Iran et la Libye, l' embargo est tout aussi inefficace dans ce sens que dans l' autre : son effet mécanique est d' augmenter les importations américaines en provenance de autres pays et les exportations libyennes vers l' Europe, iraniennes vers l' Asie .Pour ces deux pays ( et surtout pour l' Irak ), la prohibition des investissements d' exploration et production est un problème plus sérieux, mais extérieur à notre sujet .
[On...] Une fois acquise l' idée que le marché pétrolier est intégré mondialement, on comprend que le lien entre dépendance extérieure et sécurité énergétique doit être nettement relativisé .Les conséquences pour les Etats-Unis d' une rupture dans l' offre pétrolière quelque part dans le monde ne sont pas liées au niveau de les importations en provenance de la région concernée, ni à la part des importations dans l' approvisionnement du marché américain .Une crise pétrolière se manifeste par une hausse du prix mondial, et le prix sur le marché américain est le prix mondial du pétrole .La véritable " dépendance " est donc celle de l' économie américaine à l'égard de le pétrole, plus exactement du marché pétrolier mondial, et non des importations, du Moyen Orient ou de l' Arabie Saoudite .
La sensibilité de l' économie américaine à une crise pétrolière n' est pas liée au taux de dépendance extérieure ; en revanche, le degré de concentration de l' offre pétrolière mondiale est une variable importante de la sécurité énergétique .La gravité d' une crise pétrolière est déterminée par le rapport entre le volume d' offre qui vient à manquer et le total de l' offre mondiale .La sécurité énergétique des consommateurs de pétrole ( où que ils se trouvent ) est donc renforcée par la diversification géographique de la production pétrolière mondiale et, réciproquement, un mouvement de relative concentration augmente les risques .Le risque est d' autant plus élevé que l' offre est concentrée sur des pays ou régions où la probabilité d' une rupture de la production est élevée .
Depuis plus de 25 ans, l' offre pétrolière mondiale s' est profondément diversifiée ; elle l' est aujourd'hui beaucoup plus qu' à aucune autre époque de l' histoire pétrolière .Entre 1945 et 1973, la production du Moyen-Orient augmentait beaucoup plus vite que la production mondiale : la part de cette région est passée de 7 % en 1945 à 40 % en 1973 .Après avoir nettement baissé dans les années 1980, cette part est revenue aujourd'hui à 40 % et semble se stabiliser depuis le début des années 1990 .Depuis 1985, les prévisions d' un fort mouvement de re-concentration de l' offre pétrolière sur le Moyen-Orient ont été démenties .Toutefois, les principales projections disponibles aujourd'hui ( par exemple l' International Energy Outlook de l' Energy Information Administration , le World Energy Outlook de l' Agence Internationale de l' Energie ) montrent encore une forte progression de la part de le Golfe persique dans l' offre pétrolière d' ici à 202049 .La variable clé, en dehors de l' évolution de la demande , est la capacité de l' industrie pétrolière internationale à maintenir le rythme de développement de la production dans le segment concurrentiel du marché mondial .Cette capacité dépend de plusieurs facteurs parmi lesquels :
[Il...] Il ressort de cette analyse que la réduction de la dépendance pétrolière, à supposer qu' elle soit possible, ne constitue pas un objectif raisonnable .Les Etats-Unis se priveraient des gains à l' échange avec les producteurs les plus compétitifs, sans compensation notable en matière de sécurité énergétique ; ils n' obtiendraient en particulier aucune réduction notable de la sensibilité de l' économie américaine aux crises pétrolières .Dans un contexte où le marché pétrolier est intégré mondialement, les politiques de sécurité efficaces sont des politiques de construction et de sécurisation du marché, et non des politiques de limitation du recours au marché ( réduction de la demande ou des importations ) . [Cliv_SP] C' est sur la base de ces conclusions que nous allons étudier l' évolution de la politique pétrolière américaine depuis les années 1920 .
L' Amérique est sortie de la première guerre mondiale avec le souci aigu d' une possible " dépendance pétrolière " . [Cliv] C' est alors que furent créées les Naval Petroleum Reserves, champs pétroliers fédéraux maintenus en " réserve " pour assurer, en cas de guerre, l' approvisionnement de la marine . [Cliv] C' est aussi à cette époque que la diplomatie américaine entreprit d' obtenir des Britanniques et des Français l' entrée des compagnies américaines dans les zones les plus prometteuses, notamment en Mésopotamie - politique de l' Open Door qui devait aboutir à l' entrée de Jersey Standard ( Exxon ) et Socony ( Mobil ) dans la Turkish Petroleum Company, avant que ce consortium ne referme la porte du Moyen-Orient par le célèbre accord de la " ligne rouge ", en 1928 .
Mais l' anticipation de la pénurie fit rapidement place à la difficile gestion de l' abondance avec l' entrée en production, après 1925, des découvertes géantes effectuées en Oklahoma ( champ de Seminole ) et, surtout, au Texas ( champ de l' East Texas ) .Ces découvertes géantes se conjuguèrent à la crise de 1929 pour précipiter un effondrement des prix qui heurta très durement l' industrie pétrolière, en particulier les milliers de petits producteurs qui opéraient les puits les moins productifs .Les autorités de ces deux États réagirent en édictant des législations destinées à limiter la " surproduction " et le " gaspillage " . [Cliv_SN] Ce fut le début d' un vaste effort politico-juridique, relayé par les pouvoirs fédéraux dans les années 1930, qui mit fin à l' ère concurrentielle de l' histoire pétrolière américaine .Du milieu des années 1920 au début de les années 1970, l' industrie pétrolière vécut sous le régime de la " proration " ; tous les puits, à l'exception de les moins productifs, se voyaient octroyer des quotas de production définis au niveau de les États ; le commerce inter-étatique était strictement contrôlé et limité .
[On..._SP] Pour justifier le maintien de ce régime né dans des circonstances historiques très particulières, on continua d' invoquer pendant près de cinquante ans la lutte contre la " surproduction " que générerait nécessairement la libre concurrence dans l' industrie pétrolière .Les meilleurs économistes du pétrole ( P. Bradley et M. Adelman , entre autres ) ont montré que la libre concurrence eut été tout à fait praticable, en particulier si on avait modifié le régime juridique de propriété sur les ressources et / ou imposé des règles d' unification des réservoirs .Le système de proration fut maintenu car un équilibre politique durable s' était formé en sa faveur : les petits producteurs étaient les grands gagnants ; pour les majors le manque à gagner local ( aux Etats-Unis ) était largement compensé par le soutien qu' apportait le contrôle du marché américain ( et les quotas d' importations, cf . infra ) à leurs accords anti concurrentiels au plan mondial ; et les milieux politiques, tant fédéraux qu' étatiques et même locaux, se partageaient les prérogatives liées à l' administration d' un système très complexe - et, pour certain
au plan économique, la proration généra une augmentation du volume global de rentes par rapport à une situation concurrentielle, et une redistribution de ces rentes vers les petits producteurs d'une part, l' administration d'autre part .Par ailleurs, les quotas entraînaient l' apparition de capacités de production inutilisées ( exactement comme, plus tard, les quotas de l' OPEP ), qui sont un facteur d' instabilité du marché .Enfin, les puits les moins productifs étant exempts de quotas , les petits producteurs avaient intérêt à forer toujours plus afin de gagner artificiellement des parts de marché aux dépens de les puits plus productifs .Motivé par la lutte contre un " gaspillage " conjoncturel, le système de proration en généra un beaucoup plus structurel, et de grande ampleur, tout en augmentant le coût de l' approvisionnement pétrolier américain .
Le contrôle des importations pétrolières représente l' autre face de l' interventionnisme pétrolier américain .Dès les années 1930, et plus encore après 1945, le pétrole du Venezuela et de le Mexique , puis de le Moyen-Orient , exerçait une forte pression sur le marché intérieur américain .La mise en place de barrières protectionnistes s' imposait comme une nécessité sous peine de ruiner le système de proration : les deux faces de l' interventionnisme pétrolier sont donc étroitement liées .Concrètement, la protection prit la forme de quotas et de taxes .Les quotas furent d'abord " volontaires " ( 1949 - 1958 ), puis obligatoires dans le cadre de le Mandatory Oil Import Program ( 1959-1973 ) .En 1932, le Revenue Act imposa, pour la première fois, des taxes sur les importations pétrolières ( pétrole brut et certains produits raffinés ) ; elles furent progressivement réduites à la faveur d' accords avec le Venezuela et le Mexique, et de la signature du GATT en 1947 .Cette forte réduction des taxes fut à l'origine de la réglementation par les quantités ( quotas ) à partir de 1949 .Les taxes ne furent pas pour autant abolies, et furent réorganisées en 1962 dans le cadre de le Trade Expansion Act .La pénétration du pétrole importé fut néanmoins très importante sur cette période ( cf . Figure 10, p . 31 ) ; elle eut été nettement supérieure en situation de libre-échange .
Les cinquante années qui précèdent les chocs pétroliers représentent une période de forte intervention publique dans le fonctionnement du marché américain .La réglementation de la production intérieure et le contrôle des importations sont les deux faces, inséparables, d' une même politique consistant à contraindre le processus concurrentiel pour protéger les intérêts des producteurs " indépendants ", en particulier les moins efficaces d' entre eux, mais aussi, indirectement, les intérêts des grandes compagnies engagées par ailleurs dans des accords de contrôle du marché mondial . [Present_SP] Il s' agit d' une politique destinéeimportation
Les années 1970 furent un prolongement des cinquante ans d' interventionnisme, dans une conjoncture radicalement différente : il s' agissait désormais de lutter contre la hausse des prix et non plus de prévenir leur baisse .Dès avant 1973, les prix du pétrole étaient affectés par les mesures générales de lutte contre l' inflation, dans le cadre de le Economic Stabilization Act ( 1970 ) .La période ouverte par la crise pétrolière de 1973-1974 fut marquée par une forte activité en matière de politique énergétique, mais aussi par beaucoup d' erreurs et une certaine confusion .Après le premier choc pétrolier, le président des Etats-Unis affirmait solennellement que son pays atteindrait l' indépendance énergétique en 1980, et que cette quête représentait " l' équivalent moral de la guerre " .Cet objectif hautement improbable ne fut pas atteint, loin de là : les distorsions introduites par le contrôle des prix devaient conduire à une explosion des importations, qui augmentèrent de près de 50 % entre 1974 et 1978 .Côté législatif, le nombre de textes est impressionnant : Emergency Petroleum Allocation Act ( 1973 ), Energy Policy and Conservation Act ( 1975 ), Energy Conservation and Production Act ( 1976 ), National Energy Act ( 1978 ) .
A la fin de la période, les dispositifs de contrôle des prix, d' allocation physique de le pétrole et de subventions croisées entre raffineurs avaient atteint un très haut degré de complexité .Leur objectif était de protéger les raffineurs et les consommateurs contre la hausse des prix mondiaux .Ils engendrèrent des effets pervers massifs ( sous-production, stimulation de la demande, subvention des importations, pénuries locales ... ) et furent largement à l'origine des " files d' attente " qui symbolisèrent, aux Etats-Unis, les crises pétrolières des années 1970 .En 1978 et face à les conséquences très déstabilisatrices de la réglementation en vigueur, l' administration Carter réussit à faire voter une loi prévoyant la libéralisation progressive des prix du pétrole .L' élection de R. Reagan devait accélérer brutalement le calendrier, mais aussi l' approfondir .
A partir de l' élection de R. Reagan à la présidence, la politique pétrolière des Etats-Unis allait rompre avec 60 ans d' interventionnisme motivé par des objectifs divers, ayant généré des mesures contradictoires et, pour beaucoup d' entre elles, désastreuses au plan de l' efficacité économique et / ou de la sécurité énergétique .La politique conduite par l' administration Reagan était inspirée par l' idée que l' efficacité et la sécurité énergétiques ne s' obtiennent pas contre les forces du marché, mais en s' appuyant sur elles .Cette idée-force prenait à contre-pied l' opinion dominante dans les milieux politiques à l'époque, non seulement aux Etats-Unis mais dans tous les grands pays industrialisés et au sein de les organisations internationales . [On...] On classera ici en trois grandes catégories les actions accomplies ou initiées par l' administration Reagan : libéralisation du marché, sécurisation du marché, construction du marché .
R. Reagan prononça son discours inaugural le 20 janvier 1981 ; le 28 janvier, il signait l' Executive Order n° 12287 ( le premier de son mandat ), dont la première section dispose : " All crude oil and refined petroleum products are exempted from the price and allocation controls adopted pursuant to the Emergency Petroleum Allocation Act of 1973, as amended .The Secretary of Energy shall promptly take such action as is necessary to revoke the price and allocation regulations made unnecessary by this Order . " L' Executive Order prenait effet le jour même .
Le Congrès ne désarma pas et en mars 1982 le Sénat vota le Standby Petroleum Allocation Act, qui octroyait au Président le pouvoir d' instaurer, en cas de crise, un contrôle des prix et des mesures d' allocation administrative du pétrole et des produits .R. Reagan opposa son veto à cette loi le 20 mars 1982 .Le président écrit, dans sa lettre de " retour sans approbation " transmise au Sénat : " this legislation grew from an assumption, which has been demonstrated to be invalid, that giving the Federal Government the power to allocate and set prices will result in an equitable and orderly response to a supply interruption .We can all still recall that sincere efforts to allow bureaucratic allocation of fuel supplies actually harmed our citizens and economy, adding to inequity and turmoil . " Face à une rupture d' approvisionnement, c' est au contraire le libre fonctionnement du marché ( " free trade among our citizens " ) qui, précise le président, est le plus à même de réduire le coût supporté par l' économie américaine .Sur ce point, R. Reagan semble avoir été fermement convaincu par les démonstrations des économistes selon lesquelles le marché libre est toujours supérieur à l' allocation administrative, même ( et surtout ) en temps de crise .
La déréglementation du marché pétrolier américain correspond aussi à une réintégration complète dans le marché mondial .A partir de 1982, le prix intérieur est à nouveau strictement aligné sur le prix mondial ( voir Figure 1, p ).Au cours des deux mandats de R. Reagan la faible_NEW_ Reagan la faible taxe sur les importations n' a pas été supprimée, mais l' administration a résisté, à plusieurs reprises, à de fortes pressions du Congrès pour l' augmenter de manière significative .Le decontrol américain a également eu un effet non anticipé, sur les structures du marché pétrolier international : elle a accéléré la substitution de transactions de court terme aux contrats de long terme et la généralisation de la référence au prix spot .Pleinement exposés aux aléas du marché mondial ( jusque-là atténués par le contrôle des prix et les mécanismes de redistribution physique ), les raffineurs américains ont modifié leurs pratiques commerciales ; les activités de trading ont explosé aux Etats-Unis au début de les années quatre-vingt, et le NYMEX a lancé son contrat à terme de pétrole brut en 1983 ( après avoir lancé, en 1978, les contrats à terme de heating oil ) ( voir Figure 18, p ).
Les gouvernements successifs, républicains et démocrates , ne sont pas revenus sur la réforme fondamentale initiée par l' administration Reagan .Dans les années 1990, la politique pétrolière de l' administration Clinton ( largement " encadrée " , il est vrai , par un Congrès républicain ) fut une politique libérale . [Present_SN] Il n' y eut aucun retour sur la déréglementation du marché pétrolier .marché [On..._SN] Parmi les mesures d' inspiration libérale prises au cours de cette période, on peut citer la levée de l' interdiction d' exporter le brut d' Alaska, l' accélération du leasing dans l' offshore fédéral, les exemptions de royalty sur l' offshore profond ( Deep Offshore Royalty Relief Act ), ou encore la privatisation ( partielle ) des Naval Petroleum Reserves .
La libéralisation du marché intérieur s' est accompagnée de la mise en place d' un important dispositif public de sécurisation du marché . [Present_SP] Il s' agit du second pilier de la politique pétrolière américaine mise en place sous l' administration Reagan .politique [On..._SP] On peut regrouper dans cette catégorie des mesures aussi différentes que la mise en place de la Strategic Petroleum Reserve d'une part, la création d' une force d' intervention rapide au Moyen-Orient ( la Rapid Deployment Force ) d'autre part .
La Strategic Petroleum Reserve ( SPR ) fut crée dans le cadre de l' EPCA à la fin de 1975 mais resta " virtuelle " pendant cinq ans, en raison de dysfonctionnements administratifs et surtout d' un manque de volonté politique .Les pays exportateurs, et notamment l' Arabie Saoudite, ont dénoncé la SPR dès sa création, et menacé les Etats-Unis de restreindre leur production si elle était mise en place .En 1978, un accord secret entre le président Carter et les Saoudiens avait " échangé " le non remplissage de la SPR contre le maintien d' un " haut " niveau de production .A la fin de 1980, la SPR ne contenait que 107 millions de barils de pétrole .L' administration Reagan allait faire du remplissage une priorité de sa politique pétrolière, complémentaire de la libéralisation du marché intérieur .A la fin du premier mandat de R. Reagan le_NEW_ Reagan le volume stocké était de 450 Mb, et 560 Mb fin 1988 - niveau auquel on est encore aujourd'hui ( voir Figure 19, p ).Le rythme moyen de remplissage était de 77 000 b / j entre 1976 et 1980 ; il est passé à 290 000 b / j en 1981 ( année fiscale ) et 215 000 b / j en 1982 .80 % du pétrole stocké dans la SPR l' a été sous Reagan, dont plus de 60 % entre 1981 et 1984 .
Le renforcement de la présence militaire américaine dans le Golfe Persique répondait certainement à des considérations stratégiques plus larges que la seule prévention d' une rupture de l' approvisionnement pétrolier mondial .La création de la RDF venait après l' invasion soviétique en Afghanistan et s' inscrivait dans le cadre de la " doctrine Carter " ( sanctuarisation du Moyen-Orient ), qui n' est pas réductible à une politique énergétique .Toutefois, cette dimension était certainement présente .La logique est alors la même que pour la SPR, même si l' instrument est très différent .Accepter que l' approvisionnement pétrolier repose sur un marché mondialisé , concurrentiel et dominé par les transactions de court terme , supposait la mise en place d' une sécurisation en amont, ou " par le haut ", dont le coût s' apparente à une assurance contre les conséquences économiques d' une défaillance de l' offre mondiale .Libéralisation et sécurisation ne s' opposent pas, mais constituent deux faces d' une même politique .
Tout comme la libéralisation, les mesures de sécurisation du marché initiée sous R. Reagan ont été assumées par tous les gouvernements depuis 1988, et demeurent un élément essentiel de la politique pétrolière américaine .Au cours des années 1990, la SPR a connu plusieurs améliorations techniques au niveau de le stockage et des modalités d' utilisation ; quant à la présence militaire au Moyen-Orient, elle est aujourd'hui beaucoup plus forte qu' elle n' était en 1990 ( avant la guerre du Golfe ) .
La troisième orientation de la politique pétrolière américaine est moins connue que les deux premières . [Present_SP] Il s' agit de l' effort de construction ( ou de reconstruction ) du marché international des permis d' exploration et production, après les bouleversements juridiques et politiques des années 1970 .Dans le sillage de la " révolution OPEP ", de nombreux pays ont nationalisé leur industrie pétrolière et fermé leur sous-sol aux compagnies étrangères, ou durci considérablement les conditions juridiques et fiscales offertes aux investisseurs .En conséquence, l' industrie pétrolière internationale a recentré ses investissements d' exploration et développement sur les pays de l' OCDE, essentiellement les Etats-Unis ( dont l' Alaska et le Golfe du Mexique ) et la Mer du Nord .
Les zones les plus prometteuses en dehors de l' OPEP se trouvaient donc marginalisées dans les stratégies des compagnies pétrolières .Pour corriger cette situation très défavorable à la diversification de l' offre pétrolière à long terme, il avait été décidé dans le cadre de le G7 de créer, au sein de la Banque mondiale, une " filiale énergie " destinée à aider les Etats exclus du marché des capitaux pétroliers privés à entreprendre la prospection et l' exploitation de leurs ressources énergétiques .Ce projet s' est vu opposer un veto américain en 1981 .L' administration Reagan a imposé l' idée selon laquelle les institutions internationales devaient encourager les pays en développement à adapter leurs législations et leurs fiscalités, et non les soustraire au marché en apportant des financements publics .Cette idée d' une nécessaire adaptation des termes législatifs et contractuels dans les pays en développement était défendue par les compagnies pétrolières internationales, qui y voyaient la condition d' un retour de l' industrie dans ces pays .L' action de la Banque mondiale a été réorientée en ce sens ; entre 1985 et 1995, plusieurs dizaines d' Etats ont bénéficié des conseils économiques et juridiques de la Banque pour réformer leurs législations et rendre leurs sous-sols plus attractifs sur le marché des contrats pétroliers .
Parallèlement, l' administration Reagan a lancé, dès 1981, une politique juridique internationale très ambitieuse, destinée à réformer le régime juridique international des investissements .Les objectifs poursuivis étaient : l' octroi d' un haut niveau de protection des investisseurs étrangers ( application du principe du " traitement national " ) ; le respect des contrats entre investisseurs et Etats ; la liberté de rapatriement des profits ; l' internationalisation du droit s' appliquant à la relation contractuelle ; enfin - point capital - le règlement des différends relatifs aux investissements devant des tribunaux arbitraux dont les sentences sont garanties par le droit international public .La régulation juridique des contrats pétroliers, pour lesquels ces principes revêtent une importance capitale , représentait une motivation essentielle de cette initiative .Ces principes étaient initialement promus à travers un programme de traités bilatéraux sur les investissements ( TBI ), qui a ouvert la voie à une nouvelle génération de TBI portée par tous les grands pays de l' OCDE, qui ont repris, dans les années 1990, les principales dispositions des TBI américains .Ensuite, l' influence américaine s' est fait sentir dans les négociations sur les instruments multilatéraux régionaux ( ALENA chap ).11 ), sectoriels ( Traité sur la Charte de l' Energie ), ou mondiaux ( AMI ) . Vingt ans après le lancement de l' initiative américaine, les principes que l' administration Reagan avait commencé de promouvoir dans l' hostilité générale - et notamment de la part de les pays en développement propriétaires de ressources naturelles - sont aujourd'hui au fondement du nouveau régime juridique international des investissements, auquel ont adhéré la plupart des pays en développement actifs sur le marché des permis pétroliers, ou souhaitant entrer sur ce marché .Cette réforme juridique a joué un rôle important dans le redéploiement des investissements privés d' exploration et développement vers les pays d' Afrique, d' Amérique latine et d' Asie - et aujourd'hui vers les pays de l' ex-URSS .
La politique pétrolière initiée sous la première administration Reagan est motivée par l' idée qu' il n' existe pas de " coût externe " de sécurité lié à la consommation de pétrole, même si cela implique un recours croissant au pétrole importé .Plus exactement, même il il existe une " externalité ", aucune mesure de politique énergétique ne peut la corriger à un coût inférieur à son bénéfice social .Dans ces conditions, la politique énergétique doit consister à laisser fonctionner les mécanismes marchands, qui garantissent la minimisation du coût d' approvisionnement, à sécuriser le marché contre les perturbations exogènes, et à rechercher l' extension géographique maximale du marché, qui améliore son efficacité .
Cette politique pétrolière n' a pas été remise en cause dans ses principes ; même si le discours politique met souvent l' accent sur les risques associés à la " dépendance " et sur la nécessité de la contenir, la réalité est que R. Reagan a fait entrer les Etats-Unis dans l' ère de la dépendance pétrolière acceptée et assumée . [SujetInv_SP] Reste à étudier les chances d' une réorientation sensible de cette politiquedemande
[Interro] La politique pétrolière de l' administration Bush, telle qu' elle est envisagée dans le plan Cheney , traduit -elle une évolution dans la manière d' appréhender la " dépendance pétrolière ", ou augure -t-elle d' une continuation de la politique conduite depuis vingt ans ?L' analyse des propositions contenues dans le rapport montre, de manière très nette, qu' il s' inscrit dans la continuité beaucoup plus que dans la rupture . [Cliv] Au-delà de l' association rhétorique entre maîtrise de la " dépendance " et renforcement de la sécurité, c' est bien la libéralisation, la sécurisation et la construction du marché qui dominent très largement les propositions concrètes .Le fonctionnement des mécanismes marchands est au centre de la vision de l' approvisionnement pétrolier développée par le rapport Cheney, ce qui implique l' acceptation d' un recours croissant aux importations .
Les mesures visant à maîtriser la demande pétrolière sont très timides ; en l'absence de durcissement des normes de consommation ( CAFE standards ), il s' agit essentiellement de crédits d' impôts pour l' acquisition de véhicules efficaces ( hybrides ou piles à combustible ) .
Le rapport prévoit neuf mesures destinées à stimuler la production intérieure, parmi lesquelles la continuation du soutien public à la R & D en matière de technologie d' exploration et production, l' accélération du leasing sur les terres fédérales et l' ouverture de certaines zones jusque là fermées aux activités de forage, en particulier l' ANWR en Alaska . [Il...] Il importe de noter que, en l'absence de barrières aux importations et aux exportations, l' évolution de l' offre intérieure se " dissout " dans l' évolution de l' offre mondiale .L' ouverture des terres fédérales peut donc s' apparenter à une mesure d' extension du marché mondial des permis d' exploration et production .
Le chapitre 8 de le rapport Cheney , consacré à la " sécurité énergétique nationale et à les rapports internationaux " , concentre l' essentiel des mesures pertinentes du point de vue la gestion de la dépendance pétrolière .Sur les 35 recommandations du chapitre, 18 ( soit 50 % ) constituent des mesures de construction du marché, qui peuvent être regroupées en trois sous-catégories :
Pour la première fois dans un document officiel, la politique juridique extérieure des Etats-Unis en matière de régulation de les investissements transnationaux est reconnue comme un instrument de politique énergétique .Le rapport fait explicitement référence à la signature d' un traité bilatéral sur les investissements avec le Venezuela, et de " consultations formelles " avec le Brésil en vue de améliorer le climat des investissements énergétiques .
L' importance des mesures de construction des marchés énergétiques internationaux dans le rapport Cheney est remarquable .Elle témoigne d' une réelle prise en compte de l' interdépendance des systèmes énergétiques, donc du fait que la sécurité, pour l' essentiel, se construit globalement et non localement . [On..._SN] De ce point de vue, on peut noter une véritable différence avec le Livre Vert publié fin 2000 par la Commission européenne, qui semble n' accorder qu' une importance très relative aux dispositifs de construction du marché . [Present] Il s' agit cependant, rappelons -le, du maintien d' une préoccupation constante des Etats-Unis depuis le début des années 1980, et non d' une innovation de la présente administration . [On..._SP] On doit aussi inclure dans les mesures de construction du marchémarché
Le chapitre 8 de le rapport contient en outre six recommandations relevant de la sécurisation du marché .L' importance de la SPR est réaffirmée, et l' augmentation de son volume est envisagée, en des termes très prudents .En revanche, rien n' est dit n' est dit sur la réforme des règles et modalités d' utilisation de la SPR ; au contraire, le rapport précise que la SPR n' a pas vocation à être un instrument de gestion du prix, et reste destinée à " répondre à une rupture imminente ou réelle des approvisionnement pétroliers " - faisant l' impasse sur la question cruciale de la définition et de l' identification d' une rupture d' approvisionnements, qui passe forcément par une référence au prix du pétrole .Le rapport évoque la possibilité de louer à d'autres pays les capacités inutilisées de la SPR, de manière à permettre à des Etats qui n' ont pas de réserve stratégique d' en développer une à coût réduit .Enfin, la question des stocks stratégiques dans les pays d' Asie non membres de l' OCDE , qui n' en possèdent pas , est évoquée .
Entre libéralisation, construction et sécurisation du marché, le rapport Cheney marque, sur les questions pétrolières, une forte continuité avec la politique initiée sous R. Reagan et poursuivie depuis avec constance . [Il..._SN] Après le débat législatif, il n' est même pas certain que les mesures les plus fortes, côté offre comme côté demande, soient préservées .La proposition de loi votée par la Chambre octroie de fortes aides fiscales à l' exploration et autorise l' ouverture de l' ANWR ; le Sénat ( dominé par les démocrates ) a réduit les déductions fiscales et supprimé l' ouverture de la réserve écologique d' Alaska, troquée contre des subventions aux bio-carburants .Le texte de compromis qui émergera - à supposer qu' il y en ait un - sera en retrait par rapport à le rapport Cheney et ne comportera aucune mesure significative .
Alors que la " dépendance " extérieure a atteint son maximum historique, et que son approfondissement est une quasi certitude pour les deux décennies à venir , les Etats-Unis ne semblent pas devoir modifier radicalement leur politique pétrolière .au contraire, les grandes orientations définies il y a vingt ans sont confirmées, mêmes si c' est par défaut : après la " crise " de 2000-2002 comme après celle de 1990-1991, le grand débat de politique énergétique initié par l' administration accouche essentiellement de non mesures, c' est-à-dire qu' il confirme l' approche libérale qui structure la politique énergétique américaine depuis le tournant des années 1980 .
Pour l' économiste, cette politique reste raisonnable même si elle implique une croissance régulière de la " dépendance pétrolière " .La plupart des études sur les coûts de réduction des importations américaines coûts ( ou du taux de croissance des importations ), tant par la stimulation de l' offre intérieure que par la maîtrise de la demande , concluent à la faiblesse des marges de manoeuvre en la matière .Le seuil au-delà duquel les coûts de la réduction sont supérieurs à les bénéfices en termes de sécurité énergétique est très vite atteint ; il n' existe qu' un potentiel très limité de réduction profitable de la " dépendance " pétrolière .Si cette analyse coûts / avantages semble effectivement inspirer la politique pétrolière américaine dans la durée, elle paraît toujours aussi difficile à soutenir explicitement dans le débat public .Les références à la réduction de la dépendance énergétique comme source de sécurité sont omniprésentes dans le rapport Cheney , comme dans le débat qui a eu lieu depuis à le Congrès , et servent à justifier les mesures les plus diverses ( de la relance du nucléaire à l' assouplissement des normes environnementales sur le charbon, en passant par les subventions à la culture du colza et aux énergies renouvelables ), y compris celles dont l' impact sur le niveau des importations pétrolières ou sur la sécurité énergétique est plus que douteux . [On..._SP] Plus généralement, on observe depuis plus de vingt ans une différence saisissante entre la tonalité très interventionniste du débat public sur l' énergie aux Etats-Unis, et la reconduction - voire l' approfondissement - d' une politique essentiellement libérale .
D' aucun_NEW_ D' aucun voudront expliquer ce décalage par les dysfonctionnements du processus législatif américain, sa perméabilité à l' action des groupes d' intérêt, sa pente naturelle au compromis ( bipartisan d'une part, entre législatif et exécutif d'autre part ), toutes caractéristiques propres à laminer les ambitieux projets de réforme, et notamment les comprehensive energy policy plans élaborés à intervalles réguliers par l' administration ou les majorités parlementaires .Cette analyse doit être complétée par la prise en compte du fait que les débats de politique énergétique ont toujours lieu, aux Etats-Unis, dans le sillage de " crises ", c' est-à-dire d' épisodes de forte hausse - éventuellement de fortes baisses - des prix de l' énergie : 1973 - 74, 1979 - 80, 1985 - 86, 1990 - 91, 2000-2001 .Dans ces contextes marqués par un sentiment d'urgence plus ou moins justifié, le débat politique est nécessairement dominé par une " prime à l' intervention " : à situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles .Ceci n' est évidemment pas propice à l' évaluation froide et rationnelle des orientations proposées .En temps de crise plus encore qu' en temps normal, les affaires énergétiques et notamment pétrolières sont entourées, selon le mot de M. Adelman, d' une " aura romantique " susceptible de " rendre plausible n' importe quel non sens " .Le sentiment d'urgence s' effaçant comme il était venu avec le retour à une situation normale sur les marchés de l' énergie , il devient impossible au moment décisif de réunir une majorité parlementaire sur des mesures dont la rationalité est plus que douteuse - d' où le sentiment, a posteriori, que la montagne a accouché d' une souris .A bien y regarder, les " lourdeurs " de le processus législatif américain constituent peut-être un garde-fou, au moins autant que une entrave à l' action réformatrice .
AUTEUR : Steven C. Clemons
Le lobbying n' est peut-être pas le plus vieux métier du monde, mais peu s' en faut .Dès l' instant où des souverains ont eu besoin d' intendants et de conseillers pour gérer leurs affaires et administrer leur politique, d' aucuns à ont cherché à les courtiser par le biais de leurs plus proches serviteurs .Il est intéressant de noter qu' aussi bien en Europe qu' en Asie, rois et empereurs disposaient d' un vaste appareil destiné à entretenir membres de la cour et favoris .L' empereur chinois comme le shogun japonais étaient entourés d' une foule de courtisans , et ceux qui étaient en quête de faveurs cherchaient souvent à soudoyer les hauts dignitaires pour peser sur leurs décisions .
Chaque fois que les pouvoirs publics envisagent des politiques propres à faire des gagnants et des perdants, opposants et partisans s' organisent pour défendre leurs intérêts .Cette joute entre groupes d' intérêts et adversaires politiques se livre dans la plupart des systèmes politiques, démocratiques ou non, à tous les échelons de l' administration, au niveau tant local que national .Or aujourd'hui, pour ceux qui veulent infléchir le cours des grandes décisions politiques, la première scène du monde, voire de l' Histoire , est à Washington, D.C., ville née d' une transaction politique entre forces opposées qui s' est soldée par des gagnants et des perdants, mais où certains ont récupéré plus que leur mise .La genèse de la création d' une nouvelle capitale dans les tous jeunes Etats-Unis d' Amérique a ouvert la voie au lobbying et en a fait un terme incontournable de l' équation de toutes les grandes décisions de l' Etat .Sous la présidence du général Washington, Alexander Hamilton , le secrétaire à le Trésor , soucieux d' asseoir le crédit de la jeune nation , décide d' assumer les dettes héritées de la révolution .Thomas Jefferson et James Madison , deux de ses adversaires politiques , s' opposent à son plan, tout en faisant eux -mêmes l' objet d' un lobbying de la part de les Etats et des groupes d' intérêts qui redoutent de voir leur prospérité entamée si la nation honore ses dettes .Mais Hamilton sait que ce qui importe davantage encore à Madison, c' est le débat sur le lieu d' installation du futur siège du Congrès, pour lequel cinq sites sont envisagés .Les spéculateurs immobiliers ne pouvant que profiter de l' opération , quel que soit le site choisi pour le Capitole , Hamilton s' assure le soutien de ses adversaires sur la question du budget en se ralliant au projet d' installer la capitale fédérale dans une zone marécageuse sur le Potomac, à côté de la Virginie, Etat d' où Madison et Jefferson sont originaires .Les amis de Madison en profitent et la fierté de la Virginie s' en trouve confortée .Le compromis politique n' est donc pas chose nouvelle, et souvent la définition de la politique officielle est le fruit de l' âpre rivalité qui, en coulisses, oppose entre eux les responsables politiques légitimes, mais aussi les acteurs puissants et officieux, voire illégitimes, qui oeuvrent au sein de l' appareil politique .
Si les rédacteurs de la Constitution des Etats-Unis n' ont pas prévu le lobbying dans leur traité sur le gouvernement, les lobbyistes constituent pourtant un rouage essentiel de l' appareil d' Etat depuis le début de sa création .Dans son acception initiale, le terme de " lobbyiste " désigne toute personne ou tout groupe qui essaie d' influer sur la politique ; mais, au fil de le temps, il a été utilisé plus généralement pour qualifier tout simplement un agent d' influence rémunéré, un défenseur de dossiers, souvent avocat ou chargé de relations publiques, ou encore ancien membre du gouvernement, dont la connaissance des représentants et des coulisses du pouvoir peut conférer à des intérêts privés l' avantage d' influer sur une décision politique .
au Sénat comme à la Chambre des représentants, la correspondance que reçoit le bureau d' un parlementaire est, en règle générale, codifiée et enregistrée différemment selon que le courrier postal ou électronique reçu fait partie d' un envoi massif ou qu' il est unique .Si le courrier provient du district ou de l' Etat d' origine du parlementaire, il bénéficie d' une attention plus grande que s' il émane d' une lointaine localité .Or, la catégorie qui se voit accorder une attention prioritaire est souvent qualifiée de " point rouge ", ce qui signifie que le membre du Congrès lit ce courrier et y répond souvent personnellement . [Il...] Pour bénéficier du statut de " point rouge ", il ne suffit pas d' envoyer une proposition de mesure particulièrement intéressante et utile pour la collectivité ; il vaut mieux effectuer des dons importants - du niveau maximal autorisé par la loi - sur le compte de campagne de l' élu . [On..._SP] On peut aussi aider à mettre sur pied un comité d' action politique qui versera, toujours dans le respect de la légalité, des sommes importantes au parti politique dudit parlementaire, ou contribuera financièrement à ce comité .A l'évidence, l' argent règne en maître et il en a toujours été ainsi .Une participation financière permet de faire entendre sa voix, et les lobbyistes exercent leur influence en mobilisant leurs réseaux traditionnels, mais aussi en exploitant leur aptitude à collecter des fonds et à susciter la contribution d' un grand nombre de " points rouges ", ainsi que en démontrant leur capacité à obtenir les résultats politiques escomptés par leurs clients .
Les cabinets de lobbying de Washington - la légion de les " points rouges " - sont concentrés sur " K Street ", dans le district de Columbia .A vrai dire, " les lobbyistes d' entreprise ont tellement pénétré dans la culture de la Cité qu' on a parfois le sentiment qu' ils font partie de l' appareil d' Etat lui -même " .Le secteur du lobbying a pris désormais une place si importante que certains grands journaux de la presse nationale, comme le Washington Post, le National Journal et Roll Call, lui consacrent une rubrique spéciale .
[NoSABERTopth_Pred] L' archétype du lobbyiste, tel qu' il a été croqué aux Etats-Unis dans certaines des caricatures politiques les plus incisives du XXe siècle, a longtemps été un personnage ventripotent qui fume le cigare et rôde dans l' ombre d' un homme politique dont il remplit les poches de dollars .Aujourd'hui, les lobbyistes sont devenus des acteurs plus sophistiqués du jeu politique .Toutefois, des efforts sont en cours pour endiguer le pouvoir de ces éminences grises et instaurer davantage de transparence sur les liens qu' ils entretiennent avec les responsables politiques .Auparavant, les lobbyistes avaient leurs entrées dans les " vestiaires " du Congrès, ces antichambres privées dont disposent les délégations des partis dans chacune des deux chambres, ce qui n' est pas le cas du citoyen moyen .Ce privilège leur a été retiré, mais le monde des " points rouges " détient encore nombre de privilèges officieux, en particulier au Congrès, dont le simple citoyen ne bénéficie pas non plus .Récemment, Chris Dodd ( sénateur démocrate , Connecticut ) , président de le Senate Rules and Administration Committee ( Commission sénatoriale de les règlements et de l' administration ) , a voulu une fois encore accroître les prérogatives des lobbyistes par rapport à les citoyens ordinaires pour ce qui est de leurs entrées au Capitole : il a proposé un dispositif leur permettant d' y accéder plus rapidement et plus aisément pour contacter les parlementaires et leurs collaborateurs - une sorte de coupe-file analogue à la carte proposée aux VIP par la compagnie aérienne United AiNéanmoins, les relations financières entre responsables politiques et lobbyistes sont strictement réglementées : repas, voyages ou dons financés par des groupes d' intérêts par le biais de les seconds au profit de les premiers sont soit devenus illicites, soit désormais réglementés par plusieurs bureaux de contrôle déontologique au sein de le Congrès et de l' Exécutif .
[SujetInv] Dans un article écrit après la promulgation de l' interdiction de dons aux sénateurs, en 1996, sous le titre " How to Still Make a Senator Smile ? " ( " Comment faire encore sourire un sénateur ? " ), j' examine comment le monde de l' influence peut encore induire en tentation les législateurs et leurs équipes, malgré la profusion de règles et règlements nouveaux qui ont été adoptés aussi bien à la Chambre des représentants qu' au Sénat concernant leurs liens avec les lobbyistes . [Cliv] C' est ainsi que la cafétéria du Sénat - et sa nourriture bon marché mais tout à fait honnête - a remplacé les restaurants renommés pour devenir le lieu privilégié où les lobbyistes invitent les collaborateurs personnels ( staffers ) des membres du Congrès ou les parlementaires eux -mêmes, car c' est un endroit où ils peuvent leur offrir un nombre illimité de repas non enregistrés sans dépasser la limite annuelle imposée par les nouvelles règles .Le Code de déontologie du Sénat est un document de 562 pages qui recense ce qui est autorisé et ne l' est pas entre, d'une part, les sénateurs et leurs collaborateurs et, d'autre part, les groupes d' intérêts .Une partie des dispositions concernant les dons est libellée comme suit :Règlement du Sénat 35.1 ( a )
Le terme " don " désigne toute forme de gratification, de faveur, de remise, d' invitation, de prêt ou d' exonération ou tout autre élément ayant une valeur monétaire .Il englobe les dons de services, de formation, de transport, d' hébergement et de repas, qu' ils soient fournis en nature, par l' achat d' un billet, par un paiement anticipé, ou par le remboursement des dépenses engagées . " Toutefois, si certains collaborateurs personnels des parlementaires peuvent toujours continuer à bénéficier de repas offerts par des lobbyistes au service de intérêts aussi divers que les droits de pacage, les licences d' utilisation du spectre électromagnétique, la levée des sanctions unilatérales visant Cuba ou le Soudan, ou l' exploration pétroli
[On...] Sans entrer dans le détail des dispositions qui régissent désormais les rapports entre lobbyistes et membres du Congrès ou de l' Administration, on constate néanmoins que s' est mise en place une véritable " seconde économie " de l' influence politique .Au lieu de se contenter des contacts privilégiés et directs qu' ils entretiennent avec les membres de l' exécutif, les lobbyistes recourent de plus en plus à des forums de " sensibilisation des responsables publics " et à des think tanks ( " laboratoires d' idées " ) pour démarcher les parlementaires ou leurs assistants .Le code de déontologie autorise les collaborateurs politiques à assister à des réunions " largement ouvertes " - définies comme étant simplement celles auxquelles assistent un minimum de dix personnes - et à profiter des repas et autres avantages offerts à cette occasion .Il autorise aussi les parlementaires et leurs assistants à effectuer des voyages à l' intérieur et à l' extérieur des Etats-Unis, aux frais de leur hôte, si l' objet de ces voyages relève de leurs obligations et si le financement en est assuré par un organisme sans but lucratif sélectionné par un bureau de déontologie .
Fait étonnant, malgré cette exigence de contrôle déontologique, l' organisme de financement ne rencontre aucun problème et n' enfreint aucune loi s' il sert de vecteur à une opération de blanchiment d' argent pour le financement, par des entreprises ou des fonctionnaires étrangers, de programmes ou de voyages destinés à des responsables publics . [Cliv] C' est ainsi que le gouvernement chinois peut inviter des membres du personnel du Congrès en finançant un organisme sans but lucratif chargé de l' organisation de la visite et de l' invitation des assistants des parlementaires, voire, dans certains cas, des parlementaires eux -mêmes .Le gouvernement taiwanais fait voyager tous les collaborateurs invités des membres du Congrès en première classe sur China Airlines et leur offre un accueil pour VIP dans les meilleurs hôtels de Taipei, où ceux -ci ont le privilège tout à fait inhabituel d' avoir chacun un serveur d' étage personnel . [Cliv] C' est ainsi que un de ces collaborateurs, ayant changé de domaine d' intervention au sein de l' équipe d' un membre de la Chambre des représentants, m' a fait savoir qu' il était " disponible " pour effectuer des visites partout dans le monde si celles -ci avaient trait à ses nouvelles responsabilités dans le domaine de la politique des télécommunications .Nombre de programmes financés par des entreprises, voire par des gouvernements étrangers , offrent effectivement d' excellentes occasions de sensibiliser les participants aux dossiers de politique publique ; mais beaucoup ne sont en fait qu' un simple moyen de voyager aux frais de la princesse, et visent davantage à corrompre qu' à éclairer l' esprit et le choix des hauts responsables des politiques publiques .
Jeremy Azrael , analyste de la RAND Corporation , a beaucoup écrit sur les seconde et tierce économies de l' ex-Union soviétique et des nouveaux Etats indépendants d' Europe orientale, estimant que la corruption qui s' est manifestée au sein de ces appareils politiques était une nécessité naturelle et prévisible compte tenu de l' inadéquation de l' économie centralement planifiée .Si l' Etat n' est pas en mesure de assurer une distribution efficace de pain et de chaussures dans le pays , de les marchés parallèles se mettent en place pour répondre à la demande .Certes, les règles de comportement jouent un rôle - le comportement étant influencé via la tactique de la carotte et du bâton -, mais si les règles d' une économie politique vont trop à l'encontre de la demande de certains biens ou services, le fournisseur cherchera d'autres moyens de survivre et de prospérer .Un bon exemple d' une telle situation est offert par l' économie de la drogue aux Etats-Unis et dans d'autres systèmes fortement régulés de lutte contre la production et la consommation de drogues illicites .L' économie souterraine du secteur de la drogue outre-Atlantique semble en effet prospérer, et ce, malgré l' énorme effort d' investissement déployé par l' Administration pour lutter contre la production, l' offre et la distribution de drogues illicites . [On..._SP] On peut aussi voir dans le vol de propriété intellectuelle pratiqué en Chine un autre cas où le dispositif de lois et règlements n' est pas encore suffisamment élaboré pour battre en brèche l' économie illicite qui consiste à copier, produire et distribuer des copies piratées de disques compacts à succès, voire à publier une série de nouveaux Harry Potter que J. K. Rowling n' a jamais écrits, sans parler des nombreuses copies piratées de ceux qui sont réellement de son cru .
En réalité, face au contrôle et à la réglementation accrus du secteur du lobbying, les lobbyistes ont cherché d'autres moyens de défendre leurs intérêts : or, l'une des stratégies les plus habiles, déjà employées par les entreprises et d'autres groupes d' intérêt, consiste à se servir des think tanks pour relayer leurs propositions en matière de politiques publiques .La plupart des think tanks sont organisés en vertu de le droit américain des sociétés selon les mêmes dispositions que celles régissant les organisations caritatives et éducatives, ce que l' on appelle les " organisations 501 ( c ) " .Si DaimlerChrysler veut sensibiliser 0 des parlementaires ou leurs assistants à le problème de le non respect par la Corée de les termes de l' accord bilatéral sur l' automobile passé entre ce pays et les Etats-Unis , ou si la Biotechnology Industry Assoc pourraient s' adresser, par exemple, à des organisations comme celle à laquelCes groupes d' intérêt spécifiques pourraient demander à une organisation sans but lucratif, telle que le Congressional Economic Leadership Institute ou la New America Foundation, de mettre sur pied un voyage à Sydney, en Australie, pour étudier la problématique des biotechnologies, ou à Séoul ou Bruxelles pour comparer les caractéristiques respectives du commerce européen et coréen de l' automobile .Dans la mesure où les membres du Congrès disposent souvent, en propre, de budgets de mission pour leurs bureaux personnels ou pour les commissions auxquelles ils appartiennent, une tactique intéressante employée par l' organisme sans but lucratif ou l' équipe de liaison de le groupe d' intérêt concerné consiste à sensibiliser les épouses desdits parlementaires aux dossiers de politique publique et à les faire participer simultanément à des voyages qui poursuivent les objectifs du bureau personnel de ces parlementaires ou de leur commission .
Suivant une tradition instaurée au sein de la vieille Europe, des individus et de les institutions fortunés ont souvent mis sur pied des associations caritatives destinées à aider les défavorisés .Londres regorge encore aujourd'hui de ces vénérables " fondations de bienfaisance " ( les charities ) créées pour éduquer la jeunesse, aider les sans-abri et s' attaquer à toutes sortes de maux sociaux .Sous une forme quelque peu différente, ce type de fondation, issu d' une opulence révolue , est légion en Italie, en France, en Allemagne et dans d'autres pays d' Europe .aux Etats-Unis, des particuliers fortunés, d' Andrew Carnegie à Bill Gates , se sont acquittés de leurs responsabilités de citoyens privilégiés en créant des fondations privées .La Ford Foundation de Henry Ford a été l'une des premières grandes fondations à s' engager dans les affaires du monde .Des libéraux de la société civile comme Norman Lear et des politiciens conservateurs comme John Olin ont créé des fondations et des fonds destinés à aider des projets et des individus s' inscrivant dans leurs camps politiques respectifs . Mais des entreprises ont fait de même .DaimlerChrysler, AT & T , Federal Expression , Philip Morris , Toyota , AIG Citigroup : partout dans le monde , de les entreprises allouent des fonds issus de leur trésorerie propre ou de leurs fondations respectives, créées autour de leurs thèmes d' intérêt spécifiques, pour financer aussi bien un orchestre philharmonique ou un bal d' investiture à l'issue de l' élection présidentielle, que des voyages ou des programmes de réflexion politique destinés aux responsables publics .
La société civile à les Etats-Unis regroupe un éventail diversifié d' acteurs et de points de vue qui couvrent tout l' échiquier politique et s' affrontent pour avoir le dessus, les gagnants d' un jour pouvant être contraints à battre en retraite le lendemain .Partis politiques, organismes de défense d' intérêts particuliers constituent ainsi l'un des plus riches tissus sociaux du monde .Préserver la bonne santé de la démocratie nécessite, entre autres, d' empêcher des monopoles de pouvoir, qu' ils soient financiers ou politiques, de déséquilibrer ce système de concessions mutuelles entre adversaires . [interro] Où se situent les lobbyistes et leurs cabinets dans ce paysage ?En général, ils sont dénués de moralité et prêts à défendre la plupart des dossiers en échange d' une rémunération appropriée . [Present_SN] Il existe des lobbyisteslobbyisteLes lobbyistes ont envahi le système, mais, en tant que groupe, ils sont pratiquement invisibles puisqu' ils ont revêtu l' apparence de leurs clients .Comme l' a déclaré Jonathan Rauch dans un entretien sur l' impossibilité de distinguer entre l' emprise omniprésente des lobbyistes sur le gouvernement et l' intérêt véritable des citoyens, les lobbyistes sont des citoyens, les citoyens sont des lobbyistes " .
[SujetInv_SP] Toutefois, comme les outils du lobbying, et notamment leur faculté de solliciter des faveurs contre de l' argent , sont de plus en plus réglementés et transparents, les professionnels de l' influence ont découvert que les think tanks - qui sont eux aussi réglementés en théorie, mais beaucoup moins en pratique - constituent un vecteur efficace pour promouvoir leurs dossiers .
Aux termes des règles de l' Internal Revenue Service ( IRS ), les organisations 501 ( c ) bénéficient d' un régime fiscal particulier en tant que organisations au service de l' intérêt public .Un établissement de soins palliatifs pour malades de le sida , une école privée , les Boy Scouts d' Amérique ( BSA ) sont autant d' institutions constituées en organisations sans but lucratif dont l' objet n' est pas officiellement de réaliser des bénéfices financiers mais bien de servir l' intérêt public .Or les think tanks sont généralement régis par les mêmes dispositions du Code des impôts .
En tant que organisations 501 ( c ) traitant de questions d' intérêt public, les think tanks ne sont pas autorisés à consacrer plus de 5 % de leurs ressources totales au lobbying et à la promotion de points du vue politiques .Ils doivent se doter d' un conseil d' administration et rendre librement accessibles le compte rendu des séances de ce conseil ainsi que les formulaires 990 de déclaration fiscale .Lors de la demande de statut d' organisation sans but lucratif, l' IRS vérifie les règles d' adhésion, notamment le caractère non discriminatoire, les programmes envisagés et le caractère public, ainsi que les publications prévues et les modalités administratives qui en régissent le choix .Cependant, une fois le statut accordé, et tant que elle dépose les déclarations fiscales requises, l' organisation n' est que très rarement soumise à des investigations concernant le respect du caractère non lucratif de ses activités .L' une des rares exceptions à cette règle est le litige qui oppose de longue date l' IRS et l' Eglise de scientologie, constituée en association sans but lucratif d' intérêt public . [Cliv_SN] Si les règles régissant les organisations sans but lucratif, à la différence de celles applicables aux entreprises classiques, intéressent tellement les institutions actives dans le domaine de les politiques publiques et les organismes à vocation sociale, c' est que les contributions qui leur sont versées par des particuliers, des entreprises et des fondations sont déductibles du revenu imposable .En d'autres termes, des particuliers fortunés, inquiets par exemple de l' incidence négative que pourrait avoir pour leurs affaires une détérioration de les échanges commerciaux avec la Chine , peuvent soit donner de l' argent à des parlementaires, soit faire un don à des partis politiques, ni l'un ni l' autre n' étant déductibles du revenu imposable ; mais ils peuvent aussi verser une contribution illimitée à des think tanks pour que ceux -ci organisent à l' intention d' assistants parlementaires des dîners, des colloques et des missions, ou encore subventionner des travaux
Cette pratique, souvent qualifiée de " lobbying de fond " , est mise en oeuvre depuis de nombreuses années .Elle l' a été au premier chef par Roger Milliken, magnat du textile de Caroline-du-Sud, qui a discrètement combattu l' Accord de libre-échange nord-américain ( ALENA ), l' Initiative concernant le bassin des Caraïbes ( CBI ), la législation " accélérée " et autres réglementations visant à s' attaquer aux protections dont bénéficiait le secteur du textile aux Etats-Unis .Si les efforts de Milliken ont souvent échoué, sa fortune lui a permis de gagner du temps et de devenir en coulisses un acteur décisif de la scène publique .Le soutien qu' il a apporté en sous-main à Ross Perot , en 1992 et 1996 , a vraisemblablement coûté leur élection à l' ancien président George Bush et au sénateur Robert Dole . [Cliv] Malgré la fortune de Perot, ce furent en fait le financement par Milliken du Manufacturing Policy Project lancé par Pat Choate et ses liens avec Pat Buchanan qui ont véritablement entravé la capacité du Parti républicain à lancer une offensive efficace contre Bill Clinton .Les tentatives cyniques mais couronnées de succès de George W. Bush pour acheter le soutien de ceux qui étaient désireux de protéger l' industrie sidérurgique ou de voir augmenter les subventions à l' agriculture - mesures allant toutes à l'encontre du me visent aussi à empêcher d'autres magnats de l' industrie du type de Roger Milliken de placer sur le chemin du président sortant, en les finançant, des adversaires susceptibles de le mettre en danger lors de les élections de 2004 .
Les think tanks ont toujours reçu des contributions de particuliers, de fondations et d' entreprises défendant des causes politiques spécifiques . [Cliv] C' est ainsi que la Ford Foundation, soucieuse de réhabiliter à bien des égards la mémoire de son fondateur, qui était antisémite et pétri de préjugés divers, est devenue le champion des mesures anti discriminatoires aux Etats-Unis .Les organisations qui ne respectent pas une diversité ethnique et une représentation de les deux sexes effectives sur le plan quantitatif ne sont pas financées par cette fondation ; et celles qui s' interrogent sur la question, particulièrement sensible, de savoir si de telles mesures ne sont pas devenues anachroniques ne bénéficient pas non plus d' une aide de la fondation, même si celle -ci est tout à fait favorable, par ailleurs, à tel ou tel projet desdites organisations . [Il..._SP] Il en va de même pour les entreprises et les syndicats .entrepriseAucune fondation liée à un syndicat ne s' adressera à un think tank qui a produit force travaux de recherche en faveur de le libre-échange mondial .Et des entreprises qui ont mené une guerre de tranchée contre une politique de sanctions unilatérales ne soutiendront pas des intellectuels ou des institutions qui considèrent qu' actuellement une grande partie du monde profite de la situation créée par la décision des Etats-Unis de sacrifier des avantages économiques aux intérêts supérieurs de la sécurité nationale .
[Il..._SN] il n' est pas nouveau que les think tanksthinkCes études défendaient bien sûr des points de vue divergents, mais leurs éclairages respectifs étaient étayés par une mise en perspective historique, des analyses, des données empiriques, des modélisations, et des réflexions stratégiques approfondies .Parallèlement, d'autres acteurs occupaient d'autres fonctions .Les médias servaient non pas à approfondir les dossiers mais à porter les faits sur la place publique et à informer les citoyens .Divers intérêts opposés poursuivaient des objectifs spécifiques plus limités mais n' étaient pas censés être la conscience intellectuelle du processus d' élaboration des politiques publiques .Les think tanks et, dans une certaine mesure , les universités sont essentiellement des centres de recherche et d' analyse politiques : or, ce sont précisément cette fonction et la légitimité dont les think tanks jouissent auprès de l' Administration et des médias que les lobbyistes se sont évertués à s' approprier et à mettre au service de leurs propres stratégies .
Cet article ne prétend pas présenter le type de données " évolutives " propres à nourrir une réflexion approfondie sur la corruption des think tanks par le secteur du lobbying .Il vise plutôt à dégager de grandes tendances et à mettre en lumière la donne radicalement nouvelle introduite par l' inventivité tous azimuts dont font preuve les lobbyistes pour trouver auprès de les think tanks de nouveaux moyens d' atteindre leurs objectifs .Cette mutation s' explique par toutes sortes de raisons, la principale étant tout simplement qu' aux Etats-Unis, le lobbying fait désormais l' objet d' un contrôle de plus en plus strict .Les efforts démesurés déployés par le sénateur McCain aux côtés de Trevor Potter , l' ancien président de la Commission de les élections fédérales ( FEC ) , pour réformer le financement de les campagnes électorales rendent encore plus difficile, quoique toujours possible, pour des intérêts spéciaux de verser pour des campagnes politiques des sommes pratiquement illimitées sous forme de soft money, ces contributions aux partis qui échappent au plafonnement, à la différence de celles allouées aux candidats .Bien entendu, les assistants des sénateurs sont aujourd'hui contraints soit de s' accommoder des plafonds annuels auxquels sont soumis les repas auxquels ils sont conviés, qui sont certes agréables mais en comité restreint, soit d' obtenir des lobbyistes qu' ils leur offrent une multitude de repas " à moins de 10 dollars " à la cafétéria du Congrès .
Le secteur des think tanks, pléthorique à Washington , prospère essentiellement grâce à les milliards de dollars qui y sont injectés .Malgré le caractère apparemment passionné de nombre de batailles politiques auxquelles ils participent, les think tanks s' investissent de moins en moins dans des études politiques approfondies destinées à mieux éclairer le choix des décideurs, et s' attachent plutôt à creuser plus avant les ornières d' un débat déjà bien enlisé et menacé de paralysie par le pouvoir antagoniste des gagnants et des perdants potentiels, poursuivis sans relâche par une armée de lobbyistes .La vulnérabilité croissante des think tanks, petits ou grands , face à les quatre volontés de lobbies qui n' ont de cesse d' atteindre leurs visées politiques , s' explique en partie par leur prolifération accélérée et par le nombre croissant d' acteurs qui se partagent la masse de dollars consacrée au champ politique .
Pour prospérer en tant que institution, un think tank est tenu de signer une sorte de pacte faustien qui consiste à accepter l' argent des donateurs tout en maintenant une apparence d' objectivité et de sérieux politiques, alors même qu' il exécute les ordres de tel ou tel lobbyiste .De surcroît, le manque de moyens de l' IRS pour mener de véritables investigations sur le secteur sans but lucratif , conjugué à la difficulté de faire précisément la différence entre le lobbying et ce que l' on qualifie d' actions de sensibilisation " à l' intention vient nourrir le terreau sur lequel prospère la corruption des think tanks .
Lorsque je travaillais encore au Sénat, une fondation dont l' objet était de promouvoir le tennis en tant que activité périscolaire m' avait invité à assister au Legg Mason Tennis Championship dans l'une des luxueuses tribunes réservées par IBM . L' invitation ne faisait aucune référence à cette entreprise, et il ne m' avait pas été signalé que j' avais été spécialement sélectionné par elle pour participer à cette manifestation caritative .Dans la tribune, pendant que l' on me régalait de caviar, de champagne et de toutes sortes de mets délicieux, j' ai rencontré une quinzaine des plus prestigieux collaborateurs politiques du Sénat - chefs des assistants des commissions et des bureaux personnels des parlementaires - des deux partis, qui avaient presque tous aidé IBM et une coalition d'autres entreprises à faire adopter au Sénat une nouvelle disposition appelée le Team Act visant à réformer une partie de la loi sur les relations du travail qui interdisait les négociations non réglementées entre un nombre re [On..._SP] En fait, on nous récompensait pour nos bons et loyaux services .
Le Code de déontologie du Sénat comporte les exemples suivants :
Exemple 22 . Le Washington Press Club ( organisation sans but lucratif ) invite des membres du Sénat à son dîner annuel de remise du prix de la Presse auquel participeront des représentants de nombreux organismes de presse et leurs épouses . Le Press Club fournira deux billets à chaque membre désireux d' y participer, l'un pour le membre, l' autre pour son épouse .Les sénateurs sont autorisés à accepter ces billets et à convier leurs épouses au dîner .
Exemple 30 . Une association caritative sans but lucratif qui organise un tournoi de golf invite plusieurs sénateurs et nombre d'autres célébrités à y participer .L' association propose aux sénateurs de payer le billet d' entrée d' un montant de 150 dollars afin de inciter d'autres personnes à financer ses activités caritatives en contrepartie de la possibilité de jouer avec des célébrités .Les sénateurs sont autorisés à accepter l' invitation car celle -ci émane de l' association caritative qui organise la manifestation . "
[SujetInv] Autrement dit, si, en tant que lobbyiste d' entreprise, vous voulez inviter le collaborateur d' un membre du Congrès à un dîner de gala organisé par un think tank comme la New America Foundation, vous n' avez pas le droit d' acheter des billets pour cette manifestation et de les donner à ce collaborateur ou à un parlementaire ; mais vous pouvez donner une liste de noms à l' organisation sans but lucratif et faire ainsi en sorte que celle -ci invite ledit collaborateur .Lors du dîner de gala, le collaborateur se retrouvera tout naturellement assis à côté de vous .Cette pratique, qui est devenue extrêmement courante à Washington , n' est rien d' autre qu' une opération de blanchiment d' argent destinée à contourner l' esprit du Code de déontologie .Les dîners annuels organisés par le Cato Institute, la Heritage Foundation et l' American Enterprise Institute - qui , de tous les événements organisés sur les dossiers de politiques publiques , figurent parmi les manifestations annuelles les plus courues réunissent une foule de responsables de l' Administration et du Congrès dont la participation est payée par des entreprises qui ont blanchi les fonds consacrés à leur soutien et à l' invitation de ces responsables par le biais de le think tank .
Les invitations à dîner que les lobbyistes avaient l' habitude d' adresser tout à fait ouvertement à les membres de le Congrès et à leurs principaux assistants passent désormais de plus en plus par des organisations sans but lucratif qui servent d' intermédiaires .Lorsque je travaillais au Sénat, ceux qui étaient parmi les plus friands de ces manifestations offertes par les lobbyistes proclamaient : " Nous respectons la lettre du Code, rien que la lettre . "
Mais la forme d' intervention en faveur de dossiers de politique publique que les lobbyistes ont obtenue désormais de les think tanks revêt un caractère beaucoup plus ambitieux et subtil que des invitations à des dîners en smoking ou des voyages à Bali ou Singapour .En effet, non seulement les think tanks réalisent des travaux d' analyse politique ; mais, surtout, ils les diffusent tous azimuts dans le but de convaincre l' opinion publique et les responsables publics . [Cliv] C' est ainsi que les chercheurs principaux de la Brookings Institution ont la réputation de produire des travaux beaucoup plus théoriques que la plupart des conseillers politiques de Washington et qu' ils publient leurs analyses dans des livres plus fréquemment que ceux de la Heritage Foundation, par exemple, qui recourent plutôt à l' envoi par télécopie de synthèses politiques ou à la publication de points de vue dans les pages de libre expression du Washington Times et d'autres journaux ou magazines .Toutefois, au cours de la décennie 1990, le phénomène observé dans le domaine du financement de la recherche-développement scientifique s' est produit dans celui de l' analyse des politiques publiques .Dans le champ scientifique, au lieu de financer la recherche fondamentale, les bailleurs de fond réclament de plus en plus de recherches appliquées dont les objectifs sont plus précis et moins incertains .De même, s' agissant des think tanks, alors que nombre d' organismes de financement, en particulier les entreprises, syndicats et fondations, semblaient se satisfaire d' un éventail diversifié de recherches sur les politiques, ils sont aujourd'hui de plus en plus demandeurs de résultats susceptibles de contribuer positivement à leur bilan financier .Les exemples abondent .
L' Economic Strategy Institute ( ESI ), qui était l'une des plus importantes institutions de Washington à travailler sur l' incidence de les politiques microéconomiques , s' est transformé pour devenir un cabinet-conseil constitué en organisation sans but lucratif . [SujetInv_SN] Autrement dit, les entreprises ou les associations patronalesintérêt [Cliv] Et ce n' est pas médire de cette institution puisque son directeur et son économiste en chef faisaient régulièrement référence, en public, aux compétences de l' ESI en matière de conseil et de lobbying .
[SujetInv] Parmi les lobbyistes clients de cet institut figurait ainsi un groupe d' entreprises désireuses de produire des rapports intellectuellement solides pour contrer les initiatives en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique .Une fois, alors qu' il était question du débat très vif qui voyait s' affronter dans le secteur des télécommunications les opérateurs longue distance et les opérateurs locaux, tous deux toujours à les prises avec la lettre et l' esprit de la loi de 1996 sur les télécommunications , plusieurs membres de l' ESI ont proposé de faire pencher la balance du côté de ceux qui apporteraient le soutien financier le plus important à l' institut .Cette histoire n' est pas unique en son genre et elle n' est même pas inhabituelle .
La Progress and Freedom Foundation reçoit une large part de son financement d' opérateurs de télécommunications locaux et d' entreprises opposées à l' hégémonie de Microsoft dans le secteur de l' informatique ; pourtant, lors de sa création, cette fondation s' était fixé un objet beaucoup plus large que les questions de réglementation dans les domaines des télécommunications et de l' informatique .Les synthèses politiques et les pages de libre expression publiées par cette institution ressemblent pourtant fort à des plaidoyers qui pourraient avoir été rédigés par les entreprises ou les organisations professionnelles concernées .Or, en l'occurrence, le rapport a été élaboré par une institution sans but lucratif qui bénéficie d' un régime fiscal spécial et est exemptée de l' impôt sur les sociétés .Autre exemple : dans un dossier où s' affrontaient des sociétés américaines de transport en messagerie express et une société étrangère nouvelle venue sur le marché américain, l' Economic Strategy Institute a organisé une réunion d' information à l' intention des décideurs publics et des médias et publié un rapport sur les pratiques du nouveau venu sans en indiquer l' auteur .L' absence de nom tenait au fait que les lobbyistes de l' entreprise avaient rédigé ce rapport et l' avaient publié par l'intermédiaire de cet institut de recherche sans but lucratif .
[Present] Il s' agit là, certes, d' exemples patents d' utilisation de l' appareil des organisations sans but lucratif par des intérêts particuliers pour promouvoir leur cause, mais de tels agissements sont relativement monnaie courante à Washington .La majorité des observateurs estiment que l' ensemble des grandes institutions se livrent à ce genre de pratiques, même si ce n' est pas de façon aussi évidente .Dans le domaine de la politique étrangère, deux exemples démontrent bien la vulnérabilité du secteur des think tanks face à la détermination sans faille des lobbyistes .
Le premier est fourni par USA*Engage, un imposant organisme de lobbying qui a été créé pour combattre la prolifération des sanctions unilatérales instaurées par les Etats-Unis contre les pays qu' ils estimaient avoir menacé leurs intérêts vitaux de sécurité nationale . [SujetInv_SP] Comme les sanctions des Etats-Unis contre le Soudan , Cuba, la Birmanie et d'autres pays ne s' accompagnaient pas de sanctions analogues de la part de nos principaux alliés européens et asiatiques, les entreprises américaines se sont vues privées d' un grand nombre d' opportunités commerciales dans ces pays, opportunités sur lesquelles l' Allemagne, la France, le Japon et même Israël étaient prêts à bondir, d'autant que les multinationales américaines étaient ligotées par les décisions fédérales .La mobilisation des lobbyistes a permis de rassembler plus de 600 membres, dont des multinationales de renom comme Eastman Kodak, IBM, Unocal, Boeing, General Electric et Caterpillar .Ainsi que l' écrivait Jacob Heilbrunn, en 1998, dans une brillante analyse sur cet organisme : " USA*Engage, comme son nom l' indique, vise à établir une équation entre commerce et internationalisme, sanctions unilatérales et isolationnisme .Cette organisation n' est pas opposée à des sanctions multilatérales : elle refuse simplement que les Etats-Unis fassent cavalier seul et qu' ils se retrouvent isolés, qu' ils perdent des marchés et qu' ils s' aliènent leurs alliés .Ses responsables ajoutent que, loin de être de cupides soutiens des dictatures, les entreprises sont les derniers internationalistes, rien moins que la nouvelle avant-garde de la démocratie . "
[On...] Même en étant totalement favorable aux objectifs de USA*Engage, on ne peut que considérer que ce projet -là dépendait en partie de sa capacité à recruter des think tanks qui, à la fois, disposaient de praticiens renommés des politiques publiques, comme indiqué précédemment, et s' alliaient les meilleurs théoriciens des Etats-Unis sur ces questions pour plaider en faveur de les objectifs politiques de l' organisme, et non pour être des commentateurs impartiaux et non corrompus sur la totale absurdité et les limites évidentes d' une application à grande échelle de sanctionComme l' indique Heilbrunn, a financé un rapport élaboré par l' Institute for a financé un rapport élaboré par l' Institute for International Economics ( IIE ), qui est sans doute la première institution de Washington spécialisée en politique macroéconomique, et l' a communiqué aux médias lors de une conférence de presse convoquée en avril 1997 .De fait, rien dans le rapport établi par l' IIE ne va à l'encontre de la perspective générale adoptée dans la plupart de ses rapports .Toutefois, si cet institut n' a certes pas rédigé ce rapport avant la création de USA*Engage, il l' a toutefois élaboré à l'aide de un financement extérieur - même si ce document est thématiquement cohérent avec ses autres travaux -, et il a franchi la ligne jaune en rendant publique une analyse politique lors de une manifestation qui s' inscrivait dans une action de lobbying / sensibilisation destinée à influencer les médias et le gouvernement .
Dans les milieux de Washington, la grande majorité des protagonistes ne se soucient absolument pas de la distinction qui est faite ici entre, d'une part, la question du financement d' importants travaux de politique générale et du moment où ils sont introduits dans le débat public, et, d'autre part, les lobbyistes qui en sont les commanditaires . [On...] On pourrait dire que l' IIE a profité de l' opération lancée par USA*Engage, et non l' inverse . [Topicalisation] Le fond du problème, c' est que, même si, à bien des égards, les objectifs de USA*Engage sont louables pour des gens convaincus des avantages du commerce néo-libéral - et donc des limites inhérentes aux arbitrages économiques et sécuritaires pour atteindre des objectifs de politique étrangère axés sur des sanctions -, la mission de cet organisme de lobbying n' est pas de défendre des intérêts publics incontestables, alors que telle est celle de l' IIE, qui bénéficie d' avantages fiscaux pour ce faire .Heilbrunn indique aussi que USA*Engage et l'un de ses membres phares, la National Association of Manufacturers, ont financé une étude de la Georgetown University sur la " très lourde facture à payer pour les intérêts commerciaux américains " . L' influence de cet organisme de lobbying s' est fait aussi sentir dans un large éventail de programmes et de synthèses politiques élaborés par le Cato Institute et la Heritage Foundation .
Un autre exemple de cette pratique - quoique sous une forme plus insidieuse et avec des objectifs totalement cyniques , ce qui n' est pas le cas de les travaux de USA*Engage - est fourni par le cabinet de lobbying Jefferson Waterman International ( JWI ) qui, selon le journaliste Ken Silverstein, " a promu des despotes sur trois continents " .JWI se compose de responsables qui occupaient auparavant des postes importants dans le secteur de la sécurité nationale au sein de le gouvernement, notamment à la Central Intelligence Agency ( CIA ) ; il a souvent travaillé pour de grandes entreprises américaines de l' industrie de l' énergie et de la défense, tout en oeuvrant activement pour des gouvernements étrangers . [Cliv] Malheureusement, c' était aussi un protagoniste majeur de la coalition d' entreprises réuniesentrepriseComme l' écrit Silverstein : Un des premiers gros clients de JWI a été Franjo Tudjman, le président de la Croatie, qui a fait appel aux services de ce cabinet vers 1995 pendant la guerre en ex-Yougoslavie ( ... ) .Dans une note adressée au dirigeant croate, Waterman écrivait que la politique étrangère et de défense des Etats-Unis était " élaborée au premier chef " par le président, sur la base de consultations avec le département d' Etat, le Pentagone, le Conseil national de sécurité ( NSC ) et la CIA . " Il importe ( ... ) d' avoir dans toutes ces instances des contacts officiels et personnels aux niveaux appropriés, ajoutait -il . [On..._SP] Comme vous le savez, nous sommes bien placés pour vous aider dans ce domaine " . "
Jefferson Waterman a également informé Tudjman qu' il assurerait le contrôle de son image dans les médias " quelle qu' en soit la difficulté ", et qu' il contribuerait à mobiliser les grands ténors des think tanks spécialistes des politiques publiques en faveur de le président croate si celui -ci jugeait nécessaire de prendre le contrôle de territoires surveillés par les Casques bleus des Nations unies .L' ensemble des objectifs et de les visées de JWI apparaissent clairement dans les dossiers déposés à la section chargée de l' application de la loi sur l' enregistrement des agents étrangers, au Service de la justice pénale du ministère américain de la Justice .N' importe qui peut étudier de près les dossiers sur les cabinets de lobbying et leurs stratégies pour infléchir les politiques au nom de leurs clients étrangers . Une consultation rapide de ces milliers de dossiers montre qu' il y est souvent fait référence au milieu de les think tanks, à divers intellectuels spécialistes des politiques publiques disposés à offrir leurs services, et aux médias, comme autant d' acteurs susceptibles de monter au créneau sur ordre du lobbyiste .La fonction des think tanks sans but lucratif, qui est de servir l' intérêt public, n' est absolument pas respectée : au contraire, il ressort de ces documents que leur légitimité et le rôle particulier qu' ils jouent dans l' élaboration des politiques sont assurément là pour être exploités et récupérés sans coup férir à leur profit par le lobbyiste et son gouvernement client .
[Present] Il existe bien d'autres exemples de ce franchissement quotidien de la ligne jaune entre intérêt général et intérêt particulier dans le cadre de les collaborations et des rapports entre institutions sans but lucratif et lobbyistes .Parmi les cas récents, l'un des plus intéressants concerne l' actuel " ambassadeur " des Etats-Unis à Taiwan, qui porte officiellement le titre de directeur de l' American Institute in Taiwan ( AIT ), organisation en principe sans but lucratif ( aussi paradoxal que cela puisse paraître ) et remplissant toutes les fonctions d' une ambassade sans en être une, puisque les Etats-Unis ne reconnaissent plus la souveraineté de l' île .Douglas Paal , le directeur de l' AIT, a été conseiller spécial pour l' Asie de l' Est du président George H.W. Bush .Quand il a quitté ses fonctions, Douglas Paal a fondé son propre think tank, l' Asia Pacific Policy Center ( APPC ) .D' après une importante enquête sur Paal et ses activités, publiée par Joshua Micah Marshall dans l' hebdomadaire The New Republic, la majeure partie de l' équipe de Douglas Paal - c' est-à-dire les collaborateurs permanents de le Centre eux -mêmes ! - pensait que l' APPC était un cabinet de conseil-lobbying .L' APPC a lancé une lettre d' information dont l' abonnement annuel s' élevait à plusieurs milliers de dollars et qui était diffusée essentiellement auprès de importants organismes gouvernementaux asiatiques : ceux -ci pouvaient certes être intéressés par cette lettre, mais leur intérêt était surtout de promouvoir la carrière d' un proche de le président .
L' APPC n' organisait pas de programmes sur les grands dossiers politiques à l' intention du public, pas plus qu' il ne publiait, via Internet ou d'autres supports, des documents d' information .Plusieurs personnalités mentionnées comme faisant partie de son conseil d' administration, dont Brent Scowcroft, l' ancien parlementaire Dave McCurdy et l' ancien chef du Pentagone Frank Carlucci, firent part de leur étonnement quand ils apprirent qu' ils La dernière année où des documents ont été fournis au fisc, les trois principaux bailleurs de fonds de cette organisation d' intérêt public sans but lucratif étaient le gouvernement de Singapour, le JETRO ( Japan External Trade Organization, organisme japonais du commerce extérieur relevant du ministère japonais de l' Economie, du Commerce et de l' Industrie ), Itochu ( maison de commerce japonaise ) et Mitsui Marine & Fire Insurance ( société d' assurance japonaise ) .L' APPC organisait de nombreux voyages à haut niveau en Malaisie pour des membres du Congrès, en particulier du Sénat, voyages financés par des sources malaisiennes publiques et privées qui versaient directement des fonds sur les comptes bancaires du Centre en tant que organisateur agréé des missions de parlementaires à l' étranger, ce que le Comité de déontologie du Sénat acceptait encore à cette époque .D' aucuns que affirment que Douglas Paal était généreusement rémunéré par le vice-Premier ministre malaisien Anwar Ibrahim qui était à l'époque le dauphin du Premier ministre Mahathir .Les résultats de l' enquête de Joshua Marshall , qui remplirent un article de 4 500 mots dans un hebdomadaire phare , n' empêchèrent pas Douglas Paal d' être nommé à Taipei, même si cet article a vraisemblablement retardé son départ de plusieurs mois .La question qui se pose ici est que l' APPC, organisation censée être sans but lucratif, ne s' est pas comportée comme les Boy Scouts d' Amérique ( BSA ) ou la Brookings Institution, ou encore comme un établissement de soins palliatifs pour malades du sida ou d'autres institutions à vocation sociale . [On...] En un sens, on pourrait affirmer que son comportement relève d' une forme de criminalité d' entreprise car, à la différence de les organisations sans but lucratif, les cabinets de conseil sont soumis à l' impôt sur les sociétés .
En 1997, j' ai rédigé un projet de loi qui a été adopté au Sénat mais n' a pas franchi le cap de la commission mixte paritaire, et qui aurait rendu obligatoire pour les organismes de relations publiques sans but lucratif de déclarer s' ils recevaient de gouvernements étrangers, directement ou indirectement, des sommes supérieures à 10 000 dollars .Lors du débat sur ce projet de loi, l' American Civil Liberties Union l' a combattu au motif que les BSA ou d'autres organisations de ce type seraient tenus à cette déclaration s' ils recevaient des fonds de gouvernements étrangers, risquant ainsi de passer pour des agents étrangers, ce qui serait extrêmement dommageable pour leur activité . [Cliv] C' est ainsi que rien n' a été fait pour régler un problème bien réel, pourtant constaté par le Congrès, à savoir que un nombre croissant d' organisations 501 ( c ) sans but lucratif, au financement opaque, mènent des actions de lobbying auprès de le Congrès sur des questions comme l' établissement de relations commerciales normales permanentes avec la Chine tout en prétendant qu' il s' agit d' actions de sensibilisation des responsables publics " .La solution réside dans la transparence, mais rares sont ceux qui ont trouvé une méthode satisfaisante pour parvenir à une transparence plausible concernant le financement et les visées des institutions sans but lucratif, dont beaucoup ont été créées ou sont contrôlées par des lobbies .
L' un des membres de la direction de l' American Enterprise Institute ( AEI ) m' a entretenu de ce projet de loi .Notre conversation s' est déroulée à peu près en ces termes :
AEI : Steve , le projet de loi de le Sénat part à l'évidence d' une bonne intention .La transparence concernant les financements étrangers est une question très importante, mais vous omettez un élément quand vous vous focalisez sur le montant en dollars au lieu de prendre en compte le pourcentage de budget que représente l' aide allouée .
[Interro] S. Clemons : J' entends bien, mais cela ne reviendrait -il pas à permettre aux grandes organisations, qui reçoivent des subventions relativement considérables, d' échapper à cette obligation, et à contraindre les petites à déclarer ces contributions ?
AEI : Peut-être , mais s' agissant de l' AEI , par exemple , il se trouve que divers instituts de recherche de Taiwan ont été d' importants bailleurs de fonds de notre Asia Studies Center ; or, comme vous le savez sans doute, ces instituts sont eux -mêmes financés par le gouvernement taiwanais .Et, comme ce dispositif a été reconduit chaque année, l' AEI figure désormais au budget du gouvernement taiwanais .Or, le montant global du financement que nous recevons de Taiwan , il est important pour une organisation de petite taille, est restreint par rapport à celle de notre Institut . [impératif] Peut-être devriez -vous prendre en compte non pas le montant en dollars, mais un pourcentage du budget global, de l'ordre de 20 ou 30 % par exemple . "
Cette conversation a de quoi surprendre .Tout comme on peut s' étonner que, malgré le débat soulevé par le fait que Douglas Paal gérait une organisation sans but lucratif comme un cabinet de conseil, une institution de premier plan comme l' AEI considère qu' en raison de sa taille, elle est à l'abri de les influences et des visées lobbyistes de gouvernements étrangers .Bien entendu, Douglas Paal est un important intellectuel dans le débat sur les politiques publiques, qui voulait probablement faire de son centre une organisation de premier plan dans le domaine de l' analyse politique et qui se heurtait à des difficultés pour réunir le type de financement capable de lui donner toute latitude pour mener des travaux de recherche sérieux .Et il a fait siens les objectifs à courte vue axés sur les seuls résultats financiers des bailleurs de fonds de l' APPC . Mais son organisation était globalement plus petite que l' Asia Studies Center de l' AEI, centre réputé à Washington pour son soutien indéfectible aux intérêts de Taiwan .
L' étude du secteur du lobbying de Washington, notamment de les organisations qui mènent 0 des travaux de politique étrangère , ne doit plus se cantonner aux seules institutions elles -mêmes et aux relations qu' elles entretiennent et dont elles rendent compte consciencieusement comme leur en fait obligation le Lobbying Disclosure Act ( loi de 1995 sur les groupes de pression ) .Car une seconde économie s' est mise en place au sein de laquelle les lobbies profitent d' organisations sans but lucratif moins réglementées et qui mènent des travaux sur les politiques publiques, les récupèrent, les détournent et les manipulent, voire en créent de nouvelles .Souvent, ces think tanks servent de refuge à des responsables publics qui ont été remerciés lors de un changement de gouvernement et qui y attendent l' heure où ils seront rappelés à de hautes fonctions .
[NoSaber] Dans cette analyse, ont été mis en lumière certains aspects structurels de la nouvelle donne introduite récemment par le secteur du lobbying dans le milieu des think tanks .Les questions soulevées par cette mutation ont été explicitées, car la communauté des spécialistes des politiques publiques de Washington joue un rôle important dans ce jeu vigoureux mais subtil entre forces et intérêts antagonistes qui caractérise ce que nous appelons la " société civile " .Laisser les lobbyistes infiltrer en toute liberté le secteur de les organisations sans but lucratif oeuvrant dans le domaine de les politiques publiques menace de saper définitivement la légitimité des think tanks et le rôle important qu' ils jouent dans l' élaboration des politiques publiques .A l'instar de tant d'autres secteurs de la société qui sont tombés sous le coup d' accusations de corruption ou qui y ont succombé, le secteur des think tanks n' est nullement à l'abri de un tel risque .Enfin, les problèmes de corruption des think tanks sont systémiques, donc difficiles à résoudre .L' inquiétante pratique de le " lobbying de fond " et de le trafic d' influence via des institutions de recherche mérite d' être analysée de façon approfondie et sérieuse .L' IRS doit prendre des mesures à l'encontre des organisations sans but lucratif qui ne servent pas l' intérêt public de façon crédible et qui, en règle générale, ont davantage pour fonction de procurer des revenus non imposables à leurs principaux dirigeants . [Il...] De surcroît, il convient d' accroître la transparence concernant les dons importants aux organisations sans but lucratif de façon à pouvoir évaluer les prestations de ces institutions à l' aune des fonds alloués par leurs donateurs ou leurs " clients ", selon le cas .La New America Foundation fait un effort remarquable pour maintenir un équilibre entre les bailleurs de fonds et éviter ainsi que tel ou tel ne cherche à infléchir ses activités dans un sens ou dans l' autre .Toutefois, même cette organisation n' est pas totalement à l'abri de cabinets ou de fondations qui chercheraient à l' utiliser au service de leur cause politique .Même si nous répétons à l'envi, comme d'autres institutions, que nous n' entendons rien faire qui ne s' inscrive dans notre vision globale du monde et dans notre perspective de " centre radical ", la teneur de nos travaux et leur financement ou le moment choisi pour les publier sont parfois un peu trop étroitement imbriqués .Cette étude n' entend pas se prévaloir d' une quelconque supériorité .Elle veut à la fois une confession et une simple observation de comportements nouveaux dans le secteur des think tanks, induits par l' avidité et l' inventivité des lobbyistes de Washington .Cette évolution relativement récente mérite un examen attentif pour éviter qu' elle ne sape la formidable dynamique de la société civile aux Etats-Unis .
AUTEUR : Alan Philip
Le système de gouvernement de l' Union européenne est unique .Ce simple fait exige des groupes de pression qu' ils recourent à des stratégies variées tout en conservant à l' esprit les multiples contraintes qui résultent de la structure même de l' Union, de sa grande diversité culturelle et politique, ainsi que des nombreux intérêts qui la traversent . [On..._SN] Pendant longtemps, on accusa le système européen de prise de décision d' être une sortedécisionL' aspect hermétique du système européen résulte certes de cette absence de transparence à certains moments-clefs de la prise de décision, mais il découle aussi de la complexité et de la spécificité de ce système ainsi que de son éloignement de la plupart des capitales nationales .
La première caractéristique importante du système de gouvernance européen concerne son cadre légal, déterminé par une série de six ( bientôt sept ? ) traités dont l' application relève des tribunaux, en particulier de la Cour de justice des Communautés européennes ( CJCE ) .Les traités définissent, et théoriquement limitent, les compétences des institutions européennes, bien que il faille admettre que toute initiative relevant d' une logique fondée sur un approfondissement des principes du marché unique est susceptible d' être justifiée par les articles 95 et 308 ( anciennement 100a et 235 du traité initial instituant la CEE ) . [Present_SN] En pratique, il existe peu de contraintes empêchant l' Union d' investir de nouveaux domaines politiques, à la condition expresse que tous les Etats membres y soient disposés et que la Commission et le Parlement européens y apportent leur soutien . [Il..._SP] Il en va de même pour la politique étrangère, les questions de sécurité, les aspects judiciaires et les affaires intérieures, si ce n' est que la Commission et le Parlement n' ont pas d' influence directe .
En second lieu, les instruments législatifs utilisés par l' Union ont des caractéristiques dont les spécificités doivent être assimilées par les organes de lobbying .La directive, adressée par l' Union à tous les Etats membres , définit les objectifs d' une politique, mais en laisse les moyens à l' appréciation des gouvernements nationaux .Pour un groupe de pression, cela signifie qu' il peut promouvoir ses intérêts au moins à deux niveaux .Le règlement s' applique à l' ensemble de l' Union et ne peut être modifié par les gouvernements des Etats membres .Il est généralement assez détaillé et précis, et peut très bien intervenir dans le cadre plus large d' une directive .Une décision de l' Union, pouvant provenir de la Commission , de la CJCE ou de le Conseil de les ministres avec ou sans le concours de le Parlement européen , est obligatoire seulement pour ceux auxquels elle s' adresse - par exemple une entreprise ou un Etat membre, pris individuellement .Enfin, une recommandation de l' Union est un avis non contraignant souvent destiné à exprimer une préférence politique commune à la plupart des Etats membres, et peut être prise en considération par la CJCE lorsque celle -ci se prononce sur une affaire .
Un troisième aspect qu' il faut garder à l' esprit concerne les emplacements géographiques .La plupart des principales institutions européennes sont situées à Bruxelles, mais pas toutes .Le Luxembourg abrite la CJCE, la Banque européenne d' investissement ( BEI ) et le secrétariat du Parlement européen .Strasbourg accueille les séances plénières du Parlement, qui exigent la présence physique de plusieurs commissaires européens, accompagnés de leur équipe, ainsi que de presque tous les députés européens, et donc de nombreux membres actifs de groupes de pression, tous contraints à un pénible pèlerinage mensuel dans la capitale gastronomique de l' Europe !Les agences para-étatiques de l' Union sont éparpillées dans tous les Etats membres, et les avant-postes de la recherche menée en interne se trouvent en Belgique, en Italie, en Allemagne et au Royaume-Uni .
Certaines des caractéristiques les moins plaisantes de les organisations internationales se retrouvent aussi dans le cas de l' Union . [On..._SN] On observe une tendance à rechercher en permanence une répartition équitable des prérogatives, notamment pour l' attribution des postes politico-administratifs importants au sein de les institutions européennes .La CJCE a catégoriquement condamné toute nomination ou mutation qui ne serait pas fondée sur le mérite, mais cela ne semble pas avoir infléchi beaucoup une pratique qui est devenue monnaie courante .
La prise de décision au sein de l' Union dépend toujours des dispositions hybrides introduites par le traité de Maastricht en 1992 .Les principales politiques économiques communes ainsi que beaucoup d'autres sont élaborées dans le cadre de le premier pilier, la Communauté européenne, et sont soumises aux exigences institutionnelles de l' Union .La Commission a l' initiative des propositions législatives, que peuvent amender le Parlement européen et le Conseil des ministres .La CJCE juge toute infraction à la législation ainsi adoptée et tranche lorsqu' un doute apparaît dans des affaires particulières ou concernant les fondements mêmes du traité .Le second des trois piliers définit la politique étrangère et de sécurité commune ( PESC ), dont l' objectif est d' assurer une plus grande coordination et une meilleure entente entre les Etats membres sur une série de questions étrangères, militaires et sécuritaires .La Commission et le Parlement ont une marge d' action très limitée au regard du second pilier, et la prise de décision relève essentiellement des Etats, qui agissent à l'abri de les regards .Bien que la PESC soit aujourd'hui représentée publiquement par Javier Solana, qui est attaché au Conseil des ministres, les opportunités offertes aux groupes de pression pour agir à le niveau européen restent très circonscrites .Dans la mesure où, dans ce domaine, la plupart des décisions ne sont prises que lorsqu' un consensus a été trouvé à le Conseil , la meilleure stratégie à adopter pour ceux qui cherchent à avoir une influence sur ces politiques consiste à se rapprocher de certains gouvernements dans un cadre national .Ceci suppose que les représentants des lobbies sachent ce qui est en cours de discussion au Conseil, et de telles informations ( jugées généralement confidentielles ) sont souvent plus accessibles à Bruxelles qu' ailleurs .Dans leurs grandes lignes, ces considérations sont valables pour le troisième pilier qui recouvre les affaires judiciaires et intérieures ( voir l' annexe ci après ) .
Le rôle des principales institutions européennes est décrit dans le document joint à cet article, mais quelques remarques complémentaires devraient permettre une meilleure compréhension .Jusqu' en 2005, la Commission continuera à être dirigée par aux moins 20 commissaires nommés par les Etats membres, mais son président ( actuellement Romano Prodi ) verra son rôle renforcé avec de plus amples pouvoirs pour remanier et réorganiser son équipe, et une responsabilité plus affirmée devant le Parlement .Depuis la démission forcée, le 16 mars 1999, de la Commission Santer, beaucoup considèrent que la Commission a perdu de son influence et de sa confiance en elle . [SujetInv] Sans doute s' efforce -t-elle de moins légiférer et de trouver de nouvelles façons d' impliquer davantage d' acteurs dans les décisions collectives ( voir infra ), mais son rôle de moteur du système européen au regard de l' intégration économique et politique demeure inchangé .La Commission est toujours directement responsable de la conduite des affaires dans des secteurs-clefs tels que les relations extérieures ( dont le commerce international ), la gestion des marchés agricoles et la politique de concurrence de l' Union, donnant ainsi son aval aux fusions et aux aides étatiques, tout en traitant des affaires antitrust plus classiques .
En outre, la Commission, qui détient toujours l' unique droit d' initiative " dans le système politique de la Communauté , représente nécessairement la première étape pour ceux qui ont des intérêts à promouvoir, dans la mesure où elle reste l' initiatrice " par excellence " de la politique européenne . [Cliv_SP] De surcroît, c' est à la Commissioncommission [Cliv_SP] C' est à elle qu' incombe la tâche délicate de convaincre les Etats membres réticents de mettre en oeuvre les engagements communautaires pris à Bruxelles et, si nécessaire, de conduire les gouvernements nationaux récalcitrants devant la CJCE . C' est aussi la Commission qui, sur la base de décisions prises en accord avec le Conseil et le Parlement européens, organise la distribution des subventions provenant des fonds structurels, des programmes de recherches et autres mannes communautaires .
[Il..._SN] Il peut que l' électorat se désintéresse du Parlement européen ( la participation lors de les élections de 1999 n' était que de 52 % ), mais son pouvoir a été accru du fait des modifications introduites par les nouveaux traités .En effet, l' Acte unique européen de 1986 soumettait la plupart des mesures relatives au marché unique à un vote à la majorité pondérée au Conseil et autorisait le Parlement, une fois exprimées les opinions du Conseil, à exercer un droit de regard, et éventuellement de veto .Le Parlement continue à rencontrer des problèmes dans l' accomplissement de ses nombreuses attributions et souffre de son incapacité à traiter convenablement toutes les questions importantes .Mais il a suffisamment de pouvoir, du fait de la nouvelle procédure de codécision où il partage le dernier mot avec le Conseil des ministres, pour exercer, dans la plupart des cas, une influence cruciale lors de la phase finale de la prise de décision .Les dernières étapes, qui nécessitent un processus de conciliation , offrent aussi d' importantes opportunités au lobbyiste astucieux et bien informé .Quoique l' on accorde une grande attention aux séances plénières du Parlement, auxquelles se réfèrent fréquemment les commissaires et les représentants du Conseil, le détail de ses travaux est effectué par ses vingt comités permanents, dont le président et le rapporteur sont, dans chaque cas particulier, des acteurs importants .
au Parlement européen, les partis politiques ressemblent plus à de vagues coalitions de gens de même sensibilité ou de mouvements qui se trouvent porter le même nom .Sur les questions d'importance nationale, leur discipline interne est souvent mise à mal, bien que il existe des signes d' une cohésion partisane croissante . [Cliv] Ce sont cependant les neuf groupes politiquesgroupeDans la mesure où il est peu probable qu' un groupe soit un jour susceptible d' être majoritaire au Parlement, et étant donné la nécessité imposée par les traités de se prononcer à la majorité absolue sur les principaux défis qui se présentent aux autres institutions européennes, le Parlement est le plus efficace lorsqu' il est capable d' établir un large consensus à travers les différents groupes .
Le Conseil des ministres et le sommet des chefs d' Etat et de gouvernement de l' Union connu sous le nom de Conseil européen prennent aussi plus d'importance à mesure que le programme de l' Union s' étoffe . [Cliv] C' est notamment le Conseil, et non la Commission,commissionCependant le secrétariat du Conseil ne s' accommode guère du lobbying dans la mesure où il n' a pas le même pouvoir discrétionnaire que la Commission .Ainsi, ceux qui ont 0 des intérêts à promouvoir doivent s' efforcer de se faire entendre dans les capitales nationales ou auprès de les délégations permanentes des Etats membres à Bruxelles .Dans son travail, le Conseil est aujourd'hui subdivisé en trois sections : l' agriculture, la PESC ... et le reste .Mais presque toutes les délégations nationales viennent à ces réunions avec des instructions de leur gouvernement .D' où l' accent placé sur les efforts de lobbying au niveau national pour faire pression sur le Conseil . Cela peut se révéler particulièrement fructueux si un Etat membre est sur le point d' en assumer la présidence .En effet, chaque présidence est amenée à élaborer une série d' objectifs pour la durée de son mandat, et elle a une influence sur l' ordre de priorité des discussions lors de les réunions du Conseil qu' elle anime .
Le Conseil des ministres multiplie aussi les groupes de travail constitués de responsables nationaux qui examinent la législation et d'autres questions . [Present] Il existe en permanence plus de 200 groupes de ce type en activité .Bien que il ne soit pas possible d' exercer une pression directe sur ces groupes, des lobbyistes dévoués sont présents " à leurs marges ", donnant leur avis aux élus qui sortent de ces réunions afin que ils puissent aider les responsables à mieux comprendre les implications des idées qui ont émergé au cours de le débat .
La CJCE de Luxembourg n' est pas du tout réceptive aux formes habituelles du lobbying, mais son influence va croissant tandis que de plus en plus d' affaires sont portées à sa connaissance ( et à celle de sa cour adjointe, le Tribunal de première instance ) . [Cliv_SN] C' est le résultat logique de l' élargissement des compétences de l' Union et deunionLa CJCE peut cependant constituer une étape importante dans les campagnes menées par les groupes de pression, et elle a pris des décisions importantes au regard de la politique sociale et de celle de la concurrence, pour lesquelles la législation existante reste incomplète, obligeant ainsi à une interprétation des principes contenus dans les traités .Syndicats et entreprises ont fréquemment porté des affaires devant elle afin de évaluer ce que les droits et principes que renferment les traités et le droit jurisprudentiel signifient réellement dans la pratique .La décision rendue en 1986 dans l' affaire Nouvelles frontières , par exemple , a certainement accéléré la dérégulation des services proposés aux passagers des avions dans la Communauté européenne .L' affaire Barber , en 1990 , a eu pour effet de modifier radicalement les dispositions relatives aux régimes de retraite dans la plupart des Etats membres .
Ces commentaires visent à expliciter comment chacune des quatre grandes institutions européennes prend part au processus de décision au sein de l' Union .Cependant, le lobbyiste doit aussi savoir où réside le pouvoir dans l' ensemble du système politique .L' Union est clairement devenue un acteur politique plus important, à la fois internationalement et au regard de la politique intérieure de chaque Etat membre .Le Conseil continue d' être le principal acteur politique sur la scène européenne, mais sa marge de manoeuvre est limitée par d'autres acteurs .Historiquement, les progrès de la Communauté et de l' Union européenne ont dépendu du " dialogue " entre le Conseil et la Commission .Les Commissions Delors ( 1985-1994 ) étaient réputées énergiques, et il se peut que la rapidité avec laquelle progressait l' intégration ait inquiété, mais leurs actions se fondaient sur une étroite collaboration avec le Conseil .Depuis 1995, la Commission a perdu de sa confiance en elle, a été affaiblie par des scandales et est aujourd'hui absorbée par sa propre réforme .Cela a considérablement renforcé l' influence du Conseil, mais il reste que l' on ne peut envisager de véritables progrès au sein de l' Union sans que la Commission soit de la partie .Dans le même temps, les pouvoirs du Parlement européen ont été progressivement renforcés, notamment avec l' invention et l' extension de la procédure de codécision, mais aussi par rapport à la Commission, surtout depuis que celle -ci est affaiblie .Cela a encore accentué le marchandage, mené dans la confidentialité, entre les différentes institutions .Ainsi, et alors que les principales institutions européennes voudraient accroître leurs pouvoirs, la prééminence du Conseil reste la principale caractéristique du système décisionnel de l' Union, et cela semble devoir durer .
Le rôle futur de la Commission et les différentes manières d' éviter une centralisation excessive au sein de l' Union font l' objet d' un débat permanent .Une solution a consisté à séparer un certain nombre d' agences européennes indépendantes du noyau institutionnel de l' Union .Ces agences sont aujourd'hui une douzaine .De fait, la première d' entre elles fut la Banque européenne d' investissement ( BEI ), crée en 1959, à Luxembourg .Elle a été délibérément détachée des autres institutions européennes, bien que elle soit régie par des éléments du socle conventionnel, les Etats membres étant directement impliqués dans la direction de cette banque à travers la nomination des membres de son conseil d' administration .Europol, formée en marge de La Haye dans les années 1990 , comporte certaines similitudes avec la BEI, du fait de l' étroite participation des Etats membres à ses activités . [Present] Mais il s' agit là d' exceptions au modèle habituel des agences de l' Union, pour lequel la principale contribution des gouvernements nationaux se situe beaucoup plus en amont, lorsqu' il s' agit de s' assurer de l' installation d' une institution européenne sur le territoire national !Après cela, chaque agence travaille dans un cadre fixé par la législation européenne, mais peut évidemment faire l' objet de pressions considérables de la part de les entreprises - au premier rang desquelles on peut citer celles subies par l' Agence européenne pour l' évaluation des médicaments ( EMEA ), située à Londres, qui délivre les autorisations de commercialisation des produits médicaux pour l' ensemble de l' Union .Une autre agence mérite d' être mentionnée : l' Agence européenne pour l' environnement ( AEE ), située à Copenhague .Son rôle consiste à surveiller l' état de l' environnement en Europe et à contrôler la mise en place et l' efficacité de la législation environnementale européenne .Son travail repose en grande partie sur une coopération avec les autorités nationales de chaque Etat membre, une relation symbiotique se développant ainsi entre les deux niveaux . [Il..._SN] En fin de compte, si l' AEE se trouve insatisfaite des critères environnementaux d' un Etat membre, il est probable que ce mécontentement se répandra à travers le système bruxellois et aura des conséquences négatives pour le pays en question . [Il..._SP] Il est donc dans l' intérêt des Etats membres de maintenir de bonnes relations avec l' agence et de chercher à dissiper rapidement tout incertitude quant à leurs états de service et à leurs pratiques en matière de environnement .
L' Union doit faire face à un futur plutôt incertain, la perspective de l' élargissement venant modifier ses priorités institutionnelles et l' équilibre financier entre les contributeurs et les bénéficiaires nets du budget européen - tout cela au moment où la légitimité démocratique de l' Union est de plus en plus mise en question .
[Il..._SN] du point de vue des groupes de pression, il n' est pas du tout évident que des pays comme l' Espagne et l' Irlande, qui ont beaucoup profité des transferts de fonds d' Etats membres plus riches, soient toujours aussi enthousiasmé par les activités de l' Union alors que leurs avantages à être membres apparaissent moins clairement .Et si le traité de Nice ( 23 février 2001 ) achève le processus de ratification, les grands Etats membres ne seront plus représentés à la Commission que par un commissaire à partir de 2005, les petits Etats - dont, désormais, beaucoup de nouveaux pays d' Europe centrale et orientale - accroissant toujours un peu plus leur emprise sur cet organe .L' élargissement va évidemment gonfler le nombre des députés européens, des juges à la CJCE, des membres du Comité économique et social ( ECOSOC ) et du Comité des régions ( CDR ), diluant soi-disant le pouvoir des grands Etats de l' ouest de l' Europe .Cependant, une reconfiguration complexe du système de vote à la majorité qualifiée au Conseil des ministres doit permettre aux plus grands Etats membres de récupérer une partie de leur pouvoir .Les quatre plus grands pays ( l' Allemagne , la France , l' Italie et le Royaume-Uni ) ainsi que l' Espagne ou la Pologne seront en mesure de bloquer les décisions au Conseil des ministres, qui comprendra alors 25 Etats . [Il..._SN] Il peut que l' axe franco-allemand soit encore un peu plus affaibli, mais les grands acteurs européens auront toujours la possibilité de diriger les affaires, quoique d' une autre manière .En tout cas, l' élargissement pourrait entraîner une modification des priorités politiques de l' Union, qui reflétera le nouvel équilibre des intérêts au sein de un groupe plus vaste d' Etats membres . [On..._SP] En un mot, on doit s' attendre à un intérêt plus faibleintérêt
L' élargissement de l' Union devrait centrer l' attention sur l' application du principe de subsidiarité adopté lors de le traité de Maastricht .Jusqu'ici, cette déclaration d' intention ne semble pas avoir entraîné de modification tangible du travail des institutions européennes, si ce n' est une diminution de la production législative .Mais la diversité des situations va s' accroître avec l' incorporation, dans le processus décisionnel, de tant de nouveaux Etats membres . [On..._SN] On peut alors envisager un regain d' intérêtintérêtLa Commission elle -même pourrait bien se trouver submergée par l' énorme tâche consistant à s' assurer du respect des 80 000 pages de l' acquis communautaire sur un territoire aussi vaste et divers .Ces deux évolutions parallèles pourraient à leur tour susciter des demandes de renationalisation des politiques actuellement menées depuis Bruxelles, la plus souvent citée étant l' agriculture .La Convention sur l' avenir de l' Europe ( notamment composée de représentants des Etats membres et des pays candidats ) cherche aussi des moyens d' enraciner le principe de subsidiarité avant la conférence intergouvernementale de 2004 .A lui seul, cet événement peut reconfigurer la structure de prise de décision ainsi que les compétences de l' Union, et ce qui découlera de cette situation particulièrement ingérable est loin de être clair .Une Constitution européenne simplifiée permettrait peut-être aux citoyens et aux gouvernements nationaux de contester devant les tribunaux certains aspects des projets politiques européens qui outrepasseraient leurs compétences ou violeraient le principe de subsidiarité .
[Il..._SP] Dans le même temps, il faut conserver à l' esprit deux autres éventualités .L' une d' elles est que le rôle de la Commission elle -même pourrait changer devant l' ampleur du défi bureaucratique que constitue l' élargissement .La Commission pourrait s' orienter davantage vers une activité de soutien ou de médiation dans l' évolution politique, en fondant son influence et son autorité sur sa position centrale, au carrefour de nombreux réseaux politiques et de communautés " épistémiques " .Un autre scénario pourrait voir la Commission, avec le concours des Etats membres et d' un large échantillon de groupements d' intérêts, élaborer, dans des domaines précis, un programme politique européen fondé sur le consensus et des mesures concertées prises simultanément à plusieurs niveaux ( local, national, européen ) .Cette " méthode ouverte de coordination " a été amorcée par les décisions prises lors de la rencontre au sommet des dirigeants de l' Union, à Lisbonne, en avril 2000, et elle est en cours de application dans des domaines politiques aussi variés que l' éducation, les retraites, l' exclusion, l' immigration ou la compétitivité industrielle .Dans quelle mesure cela représente -t-il une perte d' influence pour la Commission ou le Parlement ? Il est trop tôt pour le savoir . [Il..._SN] Mais il paraît évident que ce processus laisse des occasions aux gouvernements nationaux et aux groupes d' intérêts pour modifier l' agenda européen, en intervenant politique par politique .
Le mot " lobby " est un terme vague, employé pour caractériser une nébuleuse d' intérêts cherchant à se faire représenter et à exercer une influence dans les centres de pouvoir où sont prises les décisions .Dans le cas de Bruxelles, la pratique du lobbying est particulièrement opaque : les règles régissant les rapports entre les groupes de pression et ceux qui la subissent sont très imprécises, et la frontière entre les organisations pratiquant le lobbying et les structures gouvernementales sont souvent ténues .Le mot renvoie ici à tous les acteurs du processus décisionnel autres que les institutions européennes elles -mêmes, ce qui comprend les intérêts sectoriels, les groupes défendant des convictions et, parfois, les gouvernements de pays tiers .
[Il..._SN] Il serait trop facile de circonscrire le phénomène du lobbying européen aux 800 et quelques fédérations paneuropéennes d' associations et / ou d' entreprises nationales spécialistes des arcanes de la vie politique, qui forment une sorte de club fermélobbyingEn réalité, des centaines d'autres entités sont régulièrement de la partie : cabinets d' avocats, agences comptables, cabinets de conseil en gestion, services de consultants en politique et / ou en affaires publiques, associations fédératives nationales, associations commerciales et élus locaux . [Present] A Bruxelles, il existe aujourd'hui environ 1 800 organisations qui s' adonnent au lobbying,lobbying [Present_SN] Il y a vingt ans, elles étaient au nombre de 400 pour environ 3 000 employés .Ces organisations ne sont pas toutes présentes dans tous les Etats de l' Union, certains de leurs membres ne travaillent pas sur son territoire, et une large minorité d' entre elles n' ont pas leur siège à Bruxelles .Certaines associations industrielles n' acceptent pas, parmi leurs membres, les producteurs japonais installés en Europe ( comme les constructeurs automobiles ), tandis que d'autres sont très influencées par les investisseurs étrangers ( les fabricants d' appareils électriques, par exemple ) .En outre, le lobbying prend de plus en plus la forme de coalitions temporaires et de structures ad hoc constituées en vue de réagir à des propositions ou des événements particuliers . [Present] Il y a ensuite les activités des gouvernements,lobbying
[NoSaber] En réalité, n' importe qui peut faire du lobbying auprès de l' Union, mais peu de gens savent comment s' y prendre .Le lobbying n' est pas véritablement réglementé, bien que la Commission tienne à jour sa propre liste d' informations sur quelque 700 organisations .Mais cette liste omet les intermédiaires rémunérés par de nombreux groupes d' intérêts ainsi que les organisations éphémères issues d' un Etat membre n' ayant pas d' affaires régulières à Bruxelles .
Le Parlement européen essaie aussi de limiter le nombre de laissez-passer accordés aux membres des groupes de pression ( et qui constituent un avantage pour ceux qui travaillent régulièrement à Bruxelles ) afin de éviter aux députés d' être contraints de consacrer trop de temps à l' examen de telle ou telle préoccupation dans le cadre de leurs activités parlementaires .La Commission et le Parlement européens ont aujourd'hui des règlements stricts interdisant à leurs membres ou à leur personnel de recevoir des cadeaux importants, mais le Parlement, depuis le rapport Ford de 1996, semble rencontrer des difficultés à s' assurer que tous les députés suivent scrupuleusement ce nouveau code de conduite .Deux groupes de consultants en lobbying ont rédigé des chartes déontologiques à l' intention de leurs membres, mais seule une petite douzaine d' entreprises les ont paraphées, cette décision étant totalement facultative .Tout le reste de l' activité des lobbies n' est pas réglementée à Bruxelles, si ce n' est peut-être indirectement du fait du statut légal des organisations en Belgique qui les laisse libres de décider pour elles -mêmes .
Depuis le milieu des années 1980, les universitaires ont fait des efforts croissants pour comprendre l' essence et le degré d' influence des organisations pratiquant le lobbying à Bruxelles .Les théoriciens de l' intégration considèrent depuis longtemps les groupes d' intérêts comme un indicateur fondamental du caractère des institutions européennes : soit leur influence est faible, et le cadre institutionnel européen peut être considéré comme intergouvernemental ; soit elle est importante, et ce cadre se rapproche alors du modèle fédéraliste ou fonctionnaliste .Ce débat, qui agite la communauté universitaire , est loin de être clos, mais il semble que les opinions s' articulent autour de deux pôles .Le premier est le pôle " intergouvernemental libéral ", aujourd'hui plus enclin à accepter que certaines organisations non gouvernementales ( ONG ) aient du pouvoir au sein de le système européen .L' autre est le pôle " néo-institutionnel ", qui soutient que les Etats membres, les groupes d' intérêts et les institutions européennes interagissent et s' influencent mutuellement .L' émergence, dans les années 1990 , de la nouvelle école institutionnaliste a principalement découlé d' études de cas sur la prise de décision au niveau politique et individuel .Ces études montraient que des groupes d' intérêt sectoriels ou sous-sectoriels - qu' ils soient ancrés dans le monde de l' entreprise ou axés sur la promotion de convictions - pouvaient jouer, et jouaient effectivement, un rôle important dans le processus de prise de décision de la Communauté / Union européenne . [Cliv] Ce n' est que lorsqu' il s' agit de questions " politiques de la plus haute importance " que les groupes d' intérêt sont plus ou moins exclus du processus de prise de décision .En d'autres termes, lorsqu' il s' agit de questions techniques, non politisées et de peu d'importance, les ONG peuvent exercer une grande influence .Mais, plus une question devient politique et met en jeu des intérêt gouvernementaux, plus il sera difficile pour les groupes d' intérêt de contrôler le débat, sans parler d' influencer les résultats .
Quand la Communauté européenne est devenue l' Union européenne et que de nouveaux traités ont étendu les compétences de ses institutions, une autre évidence s' est faite jour : la structure du lobbying avait changé .Dans les années 1960, ces activités concernaient essentiellement l' agriculture et l' alimentation ; les intérêts sociaux et environnementaux commencèrent à s' organiser collectivement seulement dans les deux décennies suivantes ; la perspective du marché unique fit naître de nouvelles préoccupations commerciales en mal de représentation ; les traités de Maastricht et d' Amsterdam incitèrent à la promotion de nouveaux intérêts recouvrant le social, la santé, l' éducation, la justice et l' immigration .Globalement, plus l' Union est devenue un acteur international fort et cohérent ( sur les questions commerciales et environnementales, par exemple ), plus le dialogue institutionnel s' est extrait des zones périphériques du pouvoir à Bruxelles comme dans l' ensemble de l' Union .Ainsi, ces dernières années, le Trans-Atlantic Business Dialogue ( TABD , " Dialogue transatlantique de les milieux d' affaires " ) , né il y a à peine dix ans, est devenu l'un des plus importants forums représentant l' opinion étrangère " à Bruxelles . [Il...] Il n' est pas non plus possible de prétendre que les opinions des milieux d' affaires des Etats-Unis ont été, par le passé, relativement sous-représentées auprès de les institutions européennes, dans la mesure où l' on s' accorde à dire que le comité européen de la Chambre de commerce américaine ( AMCHAM ) est l'un des lobbies les plus efficaces sur la scène bruxelloise . [On...] En revanche, on peut affirmer qu' étant donné les intérêts économiques concurrents de l' Union et des Etats-Unis en matière de commerce international, ajoutés à une traditionnelle propension à se brouiller sur certaines questions, un nouveau forum était nécessaire pour améliorer la compréhension mutuelle et insister sur les intérêts stratégiques que partagent les deux partenaires .
La souplesse et l' opportunisme caractérisant la pratique de le lobbying à Bruxelles doivent aussi être analysés .Le lobbying ne s' y déploie pas dans un cadre bien établi, et les structures dans lesquelles la représentation des groupes d' intérêt est préalablement déterminée ( comme le Comité économique et social ou les centaines de comités consultatifs officiels ) ne sont souvent pas les plus efficaces . [Il..._SP] Si, dans le dispositif institutionnel actuel, l' expression de certains intérêts particulièrement importants n' est pas possible, il est facile de créer de nouvelles structures ou de trouver de nouveaux canaux pour faire entendre ces points de vue .Le plus important est de savoir comment jouer la partie politique à Bruxelles .Les organisations qui y sont établies doivent savoir ce qu' il faut qu' elles fassent .Etant donné la qualité de les systèmes de communication modernes , les organisations et les professionnels de le lobbying qui réussissent n' ont pas toujours besoin d' être présents à Bruxelles .Un déficit de compétences ou de connaissances dans une campagne précise de lobbying peut toujours être comblé par le recours à l' univers hautement concurrentiel des cabinets de conseil .Une étude plus approfondie de les styles de lobbying sera entreprise plus loin .
[On..._SN] au coeur du processus décisionnel bruxellois ( qui articule évidemment un niveau national , et parfois aussi infra-national ), on trouve le besoin de la Commission de recueillir des informationscommissionCes renseignements sont fréquemment indisponibles et ne peuvent parfois pas être fournis par les gouvernements des Etats membres .La Commission se tourne donc inévitablement vers les organes représentatifs afin de obtenir informations et opinions pouvant orienter son action . [Cliv] C' est là le fondement de la relation symbiotique entre la Commission et les groupes d' intérêts, qui, à leur tour, se renseignent sur les opinions et les projets de la CommissionintérêtL' état de dépendance mutuelle où se trouvent ces deux groupes d' acteurs a été renforcée par l' hégémonie du Conseil des ministres dans la plupart des grandes décisions de l' Union .Mais un partenariat solide entre la Commission et de les groupes d' intérêts bien organisés à le niveau européen peut permettre parfois de véritablement contourner le Conseil, ou du moins de marginaliser un Etat membre qui exprimerait de vigoureuses objections .Ainsi, l' alliance, à la fin de les années 1970 , entre la Commission et EUROFER ( Association européenne de la sidérurgie ) a permis de contrer les réserves allemandes à propos de une intervention sur le marché de l' acier, alors très touché par la crise .Et l' enthousiasme des banquiers français, à la fin de les années 1970 , en faveur de la libéralisation de leur environnement économique intérieur l' emporta grâce à le concours de la Commission et des institutions européennes, et malgré les objections de Paris .
[Present_SN] Depuis 1986, il y a eu plusieurs changements importants dans le système décisionnel de la Communauté / Union européenne, lesquels ont aussi influencé la nature du lobbying sur beaucoup de points .Les quatre traités, ou amendements aux traités existants, conclus par les Etats membres depuis la conférence intergouvernementale de Luxembourg , en 1985 , ont consacré la généralisation progressive du recours au vote à la majorité qualifiée au Conseil des ministres, ce qui a rendu du pouvoir à la Commission et au Parlement .Le rôle de celui -ci a été élargi depuis l' institution du suffrage universel direct en 1979, mais le changement le plus important a été l' adoption de la procédure de codécision ( instaurée par le traité de Maastricht ) qui donne au Parlement des prérogatives décisionnelles communes à celles du Conseil des ministres dans un nombre croissant de domaines politiques ( pour une grande partie des politiques relatives au marché unique et à l' environnement, par exemple ), la Commission intervenant parfois comme médiateur en cas de désaccord entre le Conseil et le Parlement .Dans l' Union, toute prise de décision se fait dans le cadre de un règlement très complexe qui émane des fondements contractuels et législatifs relatifs au secteur en question et au type de décision devant être pris . [On...] On dit qu' il existe au moins vingt-trois structures décisionnelles différentes en exercice au sein de l' Union, et les stratégies de lobbying doivent ainsi s' adapter à la fois à l' état du règlement et à l' équilibre des forces politiques en présence .Selon les domaines, la Commission ou le Conseil peuvent prédominer, tandis que le Parlement peut bloquer les progrès sur certaines questions et qu' un recours devant la CJCE en suivant la procédure légale peut se révéler très efficace .Ceux qui veulent promouvoir véritablement leurs intérêts à Bruxelles avec des chances de succès doivent ainsi élaborer une stratégie spécifique pour chaque question politique et chaque étape du processus décisionnel .
Le système de prise de décision au sein de l' Union est un mélange unique de styles de lobbying, où coexistent des cultures politiques très diverses, de sources continentales et anglo-saxonnes, combinées aux contraintes d' une configuration institutionnelle particulière .Confrontées à un sujet précis, la plupart des organisations de lobbying doivent d'abord déterminer le degré auquel elles souhaitent s' investir .Très souvent, ces organisations sont réticentes ou inaptes à consacrer beaucoup de ressources à cette activité, ce qui confère un avantage à celles qui s' en donnent la peine .
[Il...] En général, il convient de suivre quelques règles importantes .
Au niveau de l' Union, les efforts de lobbying sont traditionnellement et principalement concentrés sur des questions politiques intérieures, notamment celles touchant au marché unique et au développement du commerce .Le commerce a cependant des dimensions à la fois intérieures et extérieures, et dans la mesure où les institutions européennes cherchent à réglementer ou autoriser les relations commerciales entre des pays tiers et le marché intérieur européen, ces relations comportent une dimension de politique étrangère .L' Union se rend parfois coupable de ne pas reconnaître pleinement les implications extérieures de ses décisions politiques intérieures, l' exemple récent le plus évident en étant le fameux Livre blanc de 1985 sur l' achèvement du marché intérieur qui omit totalement de les aborder .Cet aspect quelque peu introverti d' une grande partie de la politique de l' Union rend d' autant plus important pour les acteurs extérieurs ( gouvernements et entreprises ayant des intérêts sur le marché européen ) le fait d' être représentés à Bruxelles et d' exercer des pressions sur les décideurs de l' Union au niveau national, en plus du niveau européen . [Il...] Il n' est pas exagéré d' affirmer que les gouvernements des pays tiersgouvernement
Ce type de lobbying excède désormais les questions liées au commerce depuis que les second et troisième piliers des compétences de l' Union, spécifiés dans le traité de Maastricht et approfondis dans le traité d' Amsterdam, sont d' actualité . [Il..._SN] Il peut que le système décisionnel intergouvernemental soit quelque peu différent, mais l' intérêt des pays tiers pour les domaines politiques couvert par la PESC et la coopération en matière de justice et d' affaires intérieures ( JAI ) est évident .Cet intérêt des pays tiers peut se manifester dans un cadre strictement bilatéral, lorsque le gouvernement ou son territoire sont directement concernés ; ou bien, dans un cadre plus collectif, lorsque, par exemple, un accord international est en cours de négociation sur des sujets tels que le terrorisme, le blanchiment d' argent, le trafic de stupéfiants ou la création d' une Cour pénale internationale .
[Il..._SP] Il est peut-être utile d' insister dès maintenant sur le fait que la politique étrangère est un concept plutôt large et mal délimité .Le terme est employé ici pour caractériser toute politique menée par un gouvernement national en relation avec d'autres pays ou des organisations internationales .Les forces de la mondialisation ont étendu le champ d' action de la politique étrangère au commerce des services et des biens, aux marchés financiers, à la criminalité internationale, au terrorisme, etc .Du fait de la croissance rapide du commerce mondial depuis 1945, les préoccupations de la politique étrangère sont devenues plus économiques et commerciales .D' où l' intérêt de beaucoup de gouvernements de pays tiers pour les décisions de la Communauté européenne bien avant que les années 1990 ne donnent jour aux traités de Maastricht et d' Amsterdam . L' Union est la plus grande entité commerciale du monde, et ses décisions sont d' une grande importance pour la plupart des pays impliqués dans le commerce international .
La Communauté européenne n' a pas craint non plus d' établir des liens entre la politique commerciale et la politique étrangère . [Cliv] Ce fut clairement le cas en 1982, lorsqu' elle décida d' un embargo à l'encontre de tous les biens provenant d' Argentine, après l' invasion, par ce pays, des îles Malouines .En 1986, elle menaça aussi de suspendre son accord commercial avec la Syrie en réponse à les éléments, dans l' affaire Hindawi, attestant que la Syrie avait hébergé en connaissance de cause une organisation terroriste ainsi que les véritables auteurs d' une tentative d' attentat contre un avion de ligne israélien à l' aéroport de Heathrow .
[On..._SN] On trouve un autre exemple important dans la longue liste des conflits commerciaux entre les Etats-Unis et la Communauté / Union européenne .En 1982, l' Administration Reagan se soucia des implications stratégiques qui découlaient, pour l' Europe occidentale, de la construction d' un pipeline destiné à l' importation de ressources énergétiques russes sur le marché européen .La Maison-Blanche craignait qu' une dépendance énergétique si importante à l'égard de l' Union soviétique entame la capacité de l' Europe à répondre vigoureusement à une menace sécuritaire émanant du bloc communiste .Les Etats-Unis menacèrent donc de mettre sur liste noire toute entreprise américaine ou étrangère fournissant des pièces ( voire des services ) pour la construction de ce pipeline, les entreprises ainsi mises à l' index étant exclues des appels d' offre de la Maison-Blanche et ne pouvant obtenir de contrat privé avec les entreprises américaines .La Communauté européenne annonça des mesures de représailles commerciales au cas où la menace serait suivie d' effets, et une entreprise au moins, British Aerospace, se trouva au banc des accusés pour avoir ignoré l' embargo .La position des Etats-Unis suscita des critiques très virulentes dans le monde entier et fut d'ailleurs rapidement abandonnée .
Peu d' aspects de la politique de l' Union auront suscité de débats plus douloureux et d' activités de lobbying plus intenses que la question de la réglementation du régime européen d' importation des bananes .des gouvernements du monde entier ainsi que de les groupements d' intérêt économique et de les ONG ont passé plus d' une décennie à faire pression sur l' Union et à porter leurs revendications devant la CJCE, l' Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce ( General Agreement on Trade and Tariffs, GATT ) et l' Organisation mondiale du commerce ( OMC ) .Les résultats et conséquences des décisions de l' Union ont été évoqués de façon dramatique : le libre-échange contre le commerce équitable ; la survie économique de quelques micro-Etats des Caraïbes ; l' obligation morale des ex-puissances coloniales européennes de soutenir leurs anciennes colonies ; l' incitation à la culture de drogues illicites comme seule alternative viable à la culture de bananes ; la capacité des multinationales américaines à adapter les règles commerciales à leur avantage sans considération pour les autres, notamment avec l'aide de Washington .
Le problème du régime d' importation des bananes date des débuts de la CEE : la signature de le traité de Rome fut retardée de plusieurs jours pendant qu' un protocole final était adopté qui autorisait l' Allemagne à importer des bananes sans taxes ( et donc peu chères ), tandis que la France et les autres pays pouvaient garantir l' accès à leur marché à leur anciennes colonies et aux DOM-TOM, à des prix plus élevés .Cet accord constituait une dénégation du principe de marché unique .Et lorsque d'autres Etats, comme la Grande-Bretagne, rejoignirent la Communauté / Union européenne, l' accord fut étendu, puis inclus dans la Convention de Lomé par laquelle l' Union accordait un accès préférentiel au marché unique européen pour de nombreux produits des pays d' Afrique, des Caraïbes et du Pacifique ( ACP, aujourd'hui au nombre de 77 ), ainsi que une aide financière et alimentaire, un partage de compétences et des systèmes de stabilisation des recettes d' exportation .Le fondement de ces dispositions complexes fut remis en question par le Livre blanc sur l' achèvement du marché intérieur, publié par la Commission en 1985, et en particulier par la promesse d' abolir tous les contrôles aux frontières au sein de la Communauté .Les quotas et les taxes d' importation différenciées , qui avaient permis à les marchés nationaux voisins de définir les conditions de le commerce de la banane complètement différemment les uns de les autres , commencèrent à devenir inutiles et inopérantes . [Il..._SN] Il fallait soit mettre en place un marché libre de la bananeintérêtPlusieurs grands Etats européens s' étant publiquement prononcés en faveur de la seconde option dans le but de protéger leurs intérêts locaux et ceux de leurs ex-colonies , il était évident, dès 1986, que la solution du marché libre ne serait pas retenue et qu' un nouveau régime d' importation devait être élaboré .Cela ne fut réalisé qu' en 1993, six mois après l' entrée en vigueur du nouveau marché unique, tellement il fut difficile de trouver un accord entre les parties .Mais ce nouveau régime ne devait pas durer longtemps .
Les intérêts impliqués dans le processus de lobbying sur cette question étaient à la fois puissants et divers .De toute évidence, les producteurs européens locaux des Açores, de les Canaries , de Crète et de Laconie avaient trouvé une oreille attentive auprès de leurs gouvernements respectifs ( le Portugal, l' Espagne et la Grèce ), tous représentés au Conseil des ministres, lequel devait donner son aval à la nouvelle réglementation sur la banane .Les producteurs martiniquais et guadeloupéens, ainsi que ceux de beaucoup d' anciennes colonies , pouvaient compter sur la bienveillance du gouvernement français, soucieux de les aider .Les producteurs des anciennes colonies et dépendances britanniques de les Caraïbes et de le Pacifique trouvèrent un gouvernement britannique tout aussi disposé à les assister .Les Italiens ne tenaient pas à délaisser les intérêts des producteurs somaliens, autre ancienne colonie .Par ailleurs, les gouvernements caribéens constituèrent, avec les principales entreprises cultivant la banane sur leur territoire, une association, la CBEA ( Caribbean Banana Exporters Association ) .Parallèlement, les producteurs d' Amérique latine adoptèrent une attitude discrète mais comptaient sur leurs gouvernements ( la plupart des Etats d' Amérique centrale, la Colombie et l' Equateur ) pour défendre leur point de vue .Ils se déclaraient en faveur de un respect rigoureux des principes du libre-échange - ce que l' Union est normalement disposée à accepter - afin de pouvoir tirer pleinement bénéfice de leurs faibles coûts de production, avantage qu' ils avaient sur les autres pays ACP, notamment caribéens .La Maison-Blanche entra aussi dans la partie à la demande des multinationales américaines ( notamment Chiquita / United Brands ) une fois que il fut évident que l' Union avait décidé de soutenir un régime d' importation de bananes qui pouvait être en désaccord avec les règles du GATT ( et plus tard de l' OMC ) .Chiquita et son directeur général de l' époque, Carl Lindner , ont ouvertement admis avoir octroyé d' importantes donations aux Partis démocrate et républicain afin de s' assurer que leur voix serait entendue tout au long de le débat sur le régime européen d' importation des bananes dans les années 1990 .
[Present_SP] Voilà pour les acteurs gouvernementaux .Les acteurs industriels adoptèrent plusieurs approches différentes tandis que les problèmes émergeaient .Parmi les entreprises productrices, certaines choisirent de se battre ouvertement en association étroite avec leur gouvernement ( Chiquita et l' Administration des Etats-Unis, Noboa et le gouvernement équatorien ) ; d'autres décidèrent de se prémunir et de développer des stratégies commerciales leur permettant de résister aux conséquences les plus prévisibles ( Dole, Del Monte et l' anglo-irlandais Fyffes ) ; tandis que d'autres encore furent tentées de laisser les gouvernements des pays dans lesquels elles cultivaient la banane se charger de l' effort politique ( à nouvA l' autre bout de la chaîne, les entreprises commercialisant les bananes dans l' Union étaient représentées par leur association commerciale ( l' European Community Banana Trade Association, ECBTA ), mais ne semblent pas avoir influencé d' importantes décisions sur la question .En effet, la nature de leur association changea durant la période du fait du rachat des plus importantes filières de distribution de fruits par les principaux producteurs et convoyeurs de bananes - une conséquence évidente de l' intégration verticale du marché du secteur, rendue nécessaire par l' intensification de la concurrence .
des ONG ont également manifesté un vif intérêt pour ce débat, pour l' essentiel des organisations humanitaires et caritatives, comme Oxfam ( Oxford Committee for Famine Relief ), des groupes impliqués dans le développement des pays du Tiers-Monde, et beaucoup d' organisations confessionnelles .Leurs efforts conjoints ont permis de mobiliser des centaines de milliers de gens qui ont protesté auprès de leurs gouvernements à propos de la situation critique dans laquelle se trouvaient les producteurs de bananes des pays ACP, attirant l' attention des médias sur la question du commerce des bananes : de nombreux documentaires télévisés et campagnes pétitionnaires s' ensuivirent !
[Il..._SN] Arrivés à ce point, il nous faut résumer l' histoire et l' évolution du conflit commercial autour de l' importation des bananes dans l' Union .Cette histoire est longue et complexe .
Les origines du conflit commercial sur la banane remontent à la création de la CEE . La signature du traité de Rome, en mars 1957, fut retardée de quatre jours tandis que un accord était recherché sur le protocole très contesté concernant la banane .Celui -ci accorda à la République fédérale d' Allemagne ( RFA ) une exemption du tarif extérieur commun pour les bananes que tous les autres Etats membres étaient tenus d' appliquer .Le consommateur allemand a joué un rôle important tout au long de ce débat en persuadant son gouvernement de recourir à tous les moyens possibles pour maintenir l' approvisionnement du marché allemand en bananes à bas prix .Comme on peut s' y attendre, les Allemands détiennent le record de consommation de banane par habitant pour toute l' Union . Et l' Union dans son ensemble représente 30 % en volume du commerce mondial de la banane ( 45 % en valeur ) .
[SujetInv] Quand fut lancé, en 1985, le programme destiné à achever le marché unique, il devint tout à fait clair que la fragmentation délibérée du marché de la CEE résultant de l' organisation du commerce de la banane ne pouvait plus durer, du fait de l' élimination des contrôles aux frontières à l'intérieur de la Communauté .Un nouveau régime d' importation des bananes commun à l' ensemble de la Communauté devait être élaboré, comme dans le cas de les voitures neuves .L' article 115 de le traité de la CEE fournissait à chaque Etat membre la possibilité d' adopter un régime d' importation des bananes spécifique puis de le faire valider et appliquer par la Communauté .Les séries de conventions de Yaoundé et de Lomé promettaient, dès 1991, qu' aucun pays ACP ne serait " placé, en ce qui concerne ses marchés traditionnels et ses avantages sur ces marchés, dans une position moins favorable que par le passé ou qu' aujourd'hui " .
[Autre] Ainsi, tout était prêt pour de longues et classiques négociations au sein de la Communauté, lesquelles débouchèrent sur la décision, prise en 1993, d' introduire un régime d' importation de bananes commun, se caractérisant par un système de quota pour l' importation des " bananes dollars " ( initialement établi à 2 millions de tonnes ) et un tarif extérieur commun de 20 % .Douze Etats ACP continuaient à bénéficier d' un accès détaxé au marché à hauteur de 620 000 tonnes de bananes par an .La Commission devait conserver un quota discrétionnaire qu' elle pouvait répartir librement tandis que le marché de la banane continuait son expansion .Les importations de bananes dollars étaient cependant contrôlées par un système de licences uniquement accordées aux importateurs promettant de vendre des bananes provenant des pays ACP ou d' Europe . [On...] On prévoyait que le nouveau système accorderait 30 % des licences d' importation ( en volume de ventes ) aux négociants ayant commercialisé des bananes en provenance de les pays ACP traditionnels, 60 % aux négociants ayant commercialisé des bananes dollars et 10 % aux nouveaux venus sur le marché et aux négociants en bananes cultivées en Europe .Le système est administré par le Comité de gestion de la banane de l' Union et par la Commission .
Le nouvel accord fut entériné avec beaucoup de difficulté par un vote à la majorité qualifiée, le changement d' avis du Danemark se révélant décisif .Cet accord fut violemment attaqué par l' Allemagne qui le contesta, sans succès, devant la CJCE, l' accusant d' être contraire aux principes économiques garantis par le traité de Rome .Une autre attaque fut lancée dans le cadre de le GATT par les Etats-Unis et plusieurs producteurs de bananes dollars d' Amérique latine .La décision du GATT sur le nouveau régime d' importation conduisit à une augmentation du quota de bananes dollars à 2,1 millions de tonnes .Cela signifiait qu' avec la fin du GATT, en 1994, la procédure de résolution du litige sous l'égide de l' OMC devait repartir de zéro, cette fois à l' instigation de l' Equateur et des Etats-Unis .En 1997, l' OMC se prononça contre le régime européen d' importation de bananes, le déclarant discriminatoire à l'encontre des producteurs d' Amérique latine .L' Union introduisit des modifications dans son régime d' importation qui entrèrent en vigueur en janvier 1999, mais un panel de l' OMC décida en avril 1999 que, même modifié, ce régime perpétuait cette discrimination .Avant que l' Union ait proposé une réponse à cette dernière décision, le gouvernement des Etats-Unis introduisait un système de sanctions commerciales révisables ( " carrousel approach " ) d' un montant de 200 millions de dollars contre les Etats européens, notamment ceux favorables au régime européen d' importation des bananes .L' Union déclara que les Etats-Unis enfreignaient les règles de l' OMC en agissant de la sorte, mais il était évident que la Maison-Blanche était alors exaspérée par les retards européens .En janvier 2001, Chiquita, l'un des principaux producteurs et négociants de bananes dollars , intenta un procès pour dommages et intérêts à hauteur de 525 millions de dollars ( soit, à l'époque, 564 millions d' euros ), invoquant les pertes subies depuis que le nouveau régime avait été mis en place en janvier 1999 .En avril 2001, cependant, l' Union semblait avoir trouvé un compromis avec les Etats-Unis, se fondant sur une révision du système de licences afin de favoriser les fournisseurs traditionnels du marché européen, au grand dam d' un autre producteur et négociant américain, Dole, et du gouvernement équatorien .
La question du commerce de la banane illustre bien les forces et faiblesses institutionnelles de l' Union .Les divisions au sein du Conseil des ministres furent profondes, et le règlement du conflit par l' application du vote à la majorité qualifiée obligea simplement la minorité dissidente à rechercher, sans succès, un secours du côté de la CJCE . Dans cette affaire, la Commission eut la malchance d' être emmenée par la DG VI ( celle de l' agriculture ) qui prend toujours fait et cause pour les producteurs plutôt que pour les consommateurs .Mais faire évoluer la position adoptée par la DG VI fut un véritable casse-tête " acronymique " de directions générales, chacune avec son lot d' organisations de lobbying - la DG I ( relations extérieures ), la DG III ( affaires industrielles ), la DG VIII ( développement et coopération ), la DG XV ( marché intérieur ), la DG XVI ( affaires régionales ) - auxquelles il faut ajouter le Comité européen d' administration de la banane .
[Cliv] C' est donc toute une superposition de problématiques qu' il fallut démêler .Les pays en développement ( PED ) étaient profondément divisés en deux camps : les pays ACP et les pays non ACP . Les principes du marché unique étaient en jeu, favorisant la consolidation du régime d' importation de la banane au niveau de l' Union ; mais la libéralisation de l' accès à ce marché nouvellement intégré devait être mis en balance avec les politiques protectionnistes destinées à préserver le niveau de vie de gens comptant parmi les plus pauvres du monde .Sur cette question, les lignes de clivage traditionnelles entre les Etats pratiquant le libre-échange et ceux plus enclins à le protectionnisme se désagrégèrent, le Royaume-Uni adoptant un point de vue plus protectionniste ( soutenu par la France, l' Italie et les Pays-Bas ) en raison de les intérêts des PED . Finalement, et c' est peut-être le plus important, l' ensemble des relations de l' Union avec les Amériques furent menacées par ce conflit commercial : entre l' Union et les Etats-Unis ( relations qui se dégraderont encore sur d'autres questions ), entre les Etats ca
L' acceptation par l' Union, en 1997 , de les propositions de le protocole de Kyoto sur la réduction de les émissions de gaz à effets de serre a eu des répercussions pour les constructeurs automobiles et les compagnies pétrolières présents sur le marché européen .L' Union a accepté de réduire ses émissions de 8 % d' ici à 2010 par rapport à le niveau de 1990 .Mais ces réductions devront être plus importantes dans certains pays ( 12 % pour le Royaume-Uni ), tandis que d'autres ( l' Irlande ) seront autorisés à accroître leur niveau d' émissions ( jusqu' à 13 % ) .Le protocole de Kyoto affecte les intérêts des entreprises en Europe, alors qu' elles doivent déjà faire face à d' intenses pressions réglementaires de Bruxelles pour parvenir à une allocation plus efficace des ressources, une pollution automobile plus faible et un meilleur recyclage .Ces pressions reflètent les préoccupations écologiques d' un grand nombre d' Etats membres ( six d' entre eux sont considérés comme constituant l' avant-garde de la politique environnementale ) et du Parlement européen .Les deux principaux groupements d' intérêt concernés et menacés ( les constructeurs automobiles et les compagnies pétrolières , représentés par des fédérations paneuropéennes telles que l' Association de les constructeurs européens d' automobile ( ACEA ) ne se sont pas laissé imposer séparément un agenda déterminé par les institutions européennes selon des critères politiques plus qu' industriels .Ils ont au contraire annoncé, en 1996, qu' ils feraient des propositions communes pour aider à réaliser les objectifs environnementaux de l' Union, puis ceux définis à Kyoto en matière de émissions de gaz automobile d' ici à 2008-2012, le tout en concertation avec la Commission et sous réserve de l' approbation finale du Conseil des ministres et du Parlement .D'autres accords ont aussi été conclus avec les constructeurs automobiles japonais et coréens .Malgré les appréhensions de beaucoup de députés européens, cette approche a été acceptée et le premier programme Auto-Oil voté - et ce, en dépit de désaccords ouverts entre les deux industries concernées sur la façon de répartir le fardeau de la réduction des émissions de gaz d' origine automobile .des ONG écologistes prétendent aussi que ces deux industries ont édulcoré les exigences politiques de l' Union .Un second programme Auto-Oil est actuellement en cours de négociations, avec une plus grande harmonie entre les deux secteurs et une plus grande implication des ONG .
Ce processus soulève d' importantes questions touchant la légitimité démocratique et la nature de l' autorité habilitée à élaborer, appliquer et évaluer une politique publique .Il permet aussi aux intérêts industriels d' exercer un plus grand contrôle sur l' agenda politique, et d' être hostiles au protocole de Kyoto d' un côté de l' Atlantique tout en se montrant apparemment disposés à aider à la réalisation des objectifs de Kyoto sur l' autre rive de l' océan .
Au premier abord, le lobbying peut être considéré comme un élément inévitable du processus démocratique .Les lobbyistes sont en droit de faire connaître directement leurs points de vue aux décideurs européens ainsi que aux membres du Parlement .Chose rare, ce dernier n' est pas le seul organe législatif au sein de le dispositif décisionnel européen ( il partage ce rôle avec le Conseil des ministres ) et il n' a pas non plus l' initiative des propositions législatives ( qui relève de la Commission ) . [On...] Ainsi, on peut considérer de façon simpliste que le lobbying est une manifestation de la démocratie à l' oeuvre, et qu' il est susceptible de garantir une certaine responsabilité des institutions européennes au moins devant ceux qui sont le plus concernés par les décisions de l' Union .Le lobbying se révèle aussi très utile à la Commission, qui cherche à sonder l' opinion des entreprises et des ONG avant de prendre des initiatives politiques radicalement nouvelles .Elle compte alors souvent, avant de se déterminer, sur des associations commerciales et professionnelles pour obtenir des données et des analyses sur les secteurs concernés .Compte tenu de la dimension relativement réduite de la Commission et de l' impossibilité où sont ses fonctionnaires de connaître par eux -mêmes toutes les spécificités sectorielles de chaque Etat membre, l' échange d' informations entre la Commission et les groupes de pression est souvent essentiel pour les deux parties .Une Commission bien informée a plus de chances de faire des propositions politiques légitimes et susceptibles d' être mises en oeuvre .Le raisonnement consiste à dire que le lobbying peut conduire à un processus politique plus efficace, dans lequel les décideurs sont finalement conduits à adopter les mesures ayant le plus de chances d' aboutir aux résultats politiques escomptés, en prenant pleinement en compte les réalités et les aspects pratiques tels qu' ils sont perçus sur le terrain par les intérêts immédiatement concernés .Les mêmes groupes d' intérêt peuvent donner leurs impressions sur la mise en oeuvre de la politique de l' Union en recourant à des méthodes identiques vis-àvis de la Commission .
Le processus de lobbying est aussi de plus en plus interactif dans la mesure où les différents intérêts sont en concurrence pour obtenir gain de cause et où les lobbyistes, pour se faire vraiment écouter, doivent essayer de développer une vision européenne globale qui aborde les questions-clefs de leur domaine politique à l'échelle de l' Union .Deux conséquences pourraient en résulter . pourraient en résulter .La première serait l' élaboration de consensus au niveau européen dans la mesure où un ensemble d' intérêts se cherchant des alliés est contraint de se préoccuper des autres, qui n' ont pas nécessairement des intérêts compatibles .L' autre conséquence, qui pourrait émerger parallèlement à le développement de le consensus , serait que le contact direct avec les institutions européennes favorise le processus d' intégration sur le long terme au travers de une influence progressive sur ceux qui façonnent les opinions, une dialectique que les universitaires ont appelé " engrenage " .
Le lobbying au niveau européen est très critiqué pour des raisons relevant de considérations démocratiques . [Present] Il y a d'abord le relatif secret qui entoure à la fois le processus de prise de décision et la pratique du lobbying .Ce secret nourrit les soupçons selon lesquels les accords sont conclu, à l'abri de les regards, entre les entreprises et les décideurs européens, sans grands égards pour l' intérêt général ou le bien public .Ainsi les structures démocratiques se trouvent -elles en un sens contournées et la responsabilité devant les citoyens marginalisée au profit de une responsabilité prise par rapport à quelques intérêts particuliers .Une multinationale étrangère pourrait obtenir une plus grande attention de Bruxelles à ses points de vue qu' un groupe inexpérimenté de citoyens européens .
Ces soupçons sont renforcés par le fait qu' il est fort coûteux de faire pression avec succès sur les institutions européennes, tout comme cela exige du temps et des compétences .D' une façon générale, l' univers du lobbying à Bruxelles est dominé par des groupes de pression commerciaux qui défendent des intérêts économiques pour lesquels ils sont souvent en mesure - et disposés - à payer le prix fort .Une telle démarche n' est pas envisageable pour des groupes poursuivant des objectifs plus généraux ou altruistes, comme ceux représentant les intérêts des réfugiés, des travailleurs immigrés, des personnes handicapées ou des chômeurs .Le raisonnement est donc que l' équilibre atteint au sein de l' Union entre les différents intérêts penche nettement en faveur de ceux pouvant consacrer beaucoup d' argent à la promotion de leur cause ( d' une façon générale, il s' agit des intérêts des entreprises et des gouvernements ) .La Commission reconnaît le bien-fondé de cet argument en subventionnant quelque soixante ONG actives à l' échelle européenne, mais cette réponse comporte aussi le risque de compromettre l' indépendance des organisations mises en places pour représenter de tels intérêts .
Une autre inquiétude concerne la représentativité des organisations censées incarner l' opinion européenne sur tel ou tel sujet .La Commission prête attention à la structure et au nombre de membres des organisations qui prétendent représenter des groupes sociaux, économiques ou professionnels particuliers .Une question tout aussi importante consiste à savoir dans quelle mesure les positions adoptées par une organisation au niveau européen prennent réellement en compte les préoccupations et les exigences des associations nationales, et si elles ont été validées démocratiquement au sein de l' organisation .L' arrivée d' Internet et de la messagerie électronique a certainement modifié les moyens, pour une ONG basée à Bruxelles, de rester en contact étroit avec ses membres au niveau national . [Il..._SP] Mais il est encore difficile de savoir dans quelle mesure ces pratiques ont permis une décentralisation et une plus large contribution à la prise de décision, auparavant dévolue aux initiés qui dirigent les groupes d' intérêts à Bruxelles .
En fin de compte, les fonctionnaires de la Commission et les députés européens font souvent référence à l'excès de lobbying, alors même que la structure fragmentée du processus de décision européen en est une des causes . [On...] On peut ainsi affirmer que les intenses efforts de lobbying,lobbying
Malgré l' élargissement à 25 prévu pour 2004, la structure et les évolutions futures de l' Union sont plutôt incertaines .Pour les organisations de lobbying, l' élargissement signifie que tout un ensemble d' intérêts entièrement nouveaux ( et parfois contradictoires ) devront être intégrés au sein de organisations particulières, et assimilés par les institutions européennes .L' élargissement devrait aussi éloigner le Conseil des ministres des préoccupations écologiques et le réorienter vers les questions de sécurité .
L' élargissement accentuera certainement la tension existant entre ceux qui recherchent une plus grande standardisation européenne et ceux qui donnent la priorité au principe de subsidiarité .Beaucoup d' entreprises aimeraient une plus grande centralisation du pouvoir de décision .Leur vie serait simplifiée, et leur coûts réduits, si les décisions prises à Bruxelles s' appliquaient partout sur le territoire de l' Union . [Cliv_SN] C' est la raison pour laquelle les grands groupes d' intérêt représentant les entreprises firent cause commune avec les écologistes, en 1992, contre la proposition de Jacques Delors en faveur de règles environnementales décidées et administrées au niveau national .En ouvrant la voie à davantage de variations nationales et régionales dans la définition et l' application des règles, les partisans de la subsidiarité courent inévitablement le risque de s' éloigner de la notion de concurrence " sur un pied d' égalité " entre les entreprises, notion constitutive du marché unique . [Interro] Mais cela ne sera -t-il pas la conséquence inévitable du prochain élargissement, même sans aucun renforcement du principe de subsidiarité ?
Une autre question est celle du processus décisionnel alternatif annoncé au sommet de Lisbonne, en 2000 : la " méthode ouverte de coordination ", mentionnée plus haut .Bien que elle envisage un partenariat interactif entre les institutions européennes, les gouvernements nationaux et les principaux groupes d' intérêts pour développer 0 des réponses politiques dans des domaines pour lesquels plusieurs niveaux de gouvernement , dont celui de l' Union , sont compétents , les inquiétudes sont déjà légion quant à le risque d' exclure les élus du processus et de n' y inclure que les groupes d' intérêts déjà bien connus des autorités ou ceux qui ne sont pas susceptibles de " jouer les trouble-fête " .Dans la mesure où les sujets déjà concernés par la méthode ouverte de coordination sont plutôt décisifs, plus ce processus prendra de l' importance, plus cette question deviendra sérieuse .
Finalement, l' intégration du processus décisionnel bruxellois est rendu plus difficile par des activités de lobbying ad hoc et protéiforme auprès de une Commission fragmentée et des autres institutions européennes . [Present_SN] Il pourrait bien y avoir des arguments en faveur de forums consultatifs plus formalisés auxquels seraient invités à participer toutes les parties intéressées, et à travers lesquels devrait passer toute représentation auprès de l' Union, ainsi que en faveur de la publication de tous les documents, Position Papers et autres débats que pourront susciter de tels forums .Non seulement cela favoriserait la transparence auprès de le public dans son ensemble, mais cela contribuerait aussi à améliorer la transparence au sein de la Commission et des autres institutions européennes, et entre les différents groupes de pression .
AUTEUR : Paul-Henri Ravier est ancien directeur général adjoint de l'OMC. Les opinions exprimées dans cet article n'engagent que la responsabilité de l'auteur.
Dans la situation internationale actuelle, le succès d' une négociation mondiale dans le domaine de les échanges commerciaux pourrait constituer un signe tangible que le système fonctionne et qu' une organisation internationale de premier rang est à même de remplir la mission que ses membres lui ont assignée .La poursuite et la conclusion des négociations dans le calendrier imparti constituerait également une réponse convaincante de la communauté internationale aux détracteurs de la libéralisation des échanges et, à travers elle, de la coopération entre nations .
Au-delà du contexte immédiat, les pays riches, comme les pays en développement ( PED ) , ont un intérêt direct à la poursuite du cycle de Doha .Les premiers parce que , dans une conjoncture qui semble durablement déprimée , le succès favoriserait la confiance et montrerait que le système commercial multilatéral peut prendre en compte des questions comme la sécurité alimentaire, la protection de certains services publics ou l' environnement . [NoSABERTopth_Pred] Les seconds parce que il s' agit de montrer que les " règles du jeu " peuvent être amendées dans un sens qui leur soit favorable, d'une part, en apportant une solution à la délicate question de la mise en oeuvre des accords du cycle de l' Uruguay, de l' autre, en rendant les pays pauvres acteurs à part entière du commerce mondial, ce qui n' est vrai, à ce stade, que pour une quinzaine de pays émergents et une dizaine d'autres PED . Aucune exigence n' est en effet plus pressante aujourd'hui que celle du développement, et, qu' on le veuille ou non, la mondialisation, c' es [Present] Il n' existe à l'évidence aucune recette magique en la matière, et le libre-échange ne peut en aucun cas se substituer à des institutions défaillantes, ni pallier les affrontements internes, les politiques monétaires et budgétaires erratiques ou l' insuffisance des flux d' aide au développement . [Present] Mais s' il n' y a pas de recette magique pour le succès, il y en a bien une pour l' échec : la fermeture des frontières .Il n' est pas un seul exemple aujourd'hui pour contredire ce point .
La préparation du cycle de Doha n' a pas échappé aux débats traditionnels sur la configuration de la négociation : cycle large ou étroit, long ou court, engagement unique pour tous ou accords à la carte, tout fut envisagé, et le début des négociations n' a pas clos ces interrogations .
Cette controverse a opposé et continue d' opposer les tenants d' une négociation limitée à l' accès au marché, à l' agriculture et aux services, et les partisans d' un plus grand nombre de sujets, cet élargissement pouvant faciliter les concessions, aider à prendre en compte les préoccupations de la société civile, et résoudre certains problèmes des pays en développement .Les Etats-Unis et les membres du groupe de Cairns d'une part , l' Union européenne de l' autre , s' opposent sur le sujet ; les PED sont également divisés, une légère majorité d' entre eux penchant plutôt pour le cycle " accès au marché seulement " .Certes, tel qu' il a été lancé en 2001, le cycle est large et comprend douze sujets de négociation .Mais, si le programme était menacé d' enlisement, des voix s' élèveraient à nouveau en faveur de un allégement de l'ordre de le jour .
Ce débat est lié au précédent, et au fait que le cycle de l' Uruguay a duré près de huit ans au lieu de les quatre prévus .La crédibilité politique de la négociation repose en partie sur le respect les délais .En outre, les PED dont les ressources humaines sont rares préfèrent en général un cycle court .Doha doit en principe s' achever fin 2004 .
Le cycle de l' Uruguay avait comme priorité de mettre fin au " plurilatéralisme ", terme qui qualifie les engagements souscrits par certains membres seulement .De tels accords permettent de " faire avancer la machine ", avant que d'autres pays ne " prennent le train en marche " .Leur inconvénient est d' aller à l'encontre de la logique du système GATT / OMC, qui est d' établir des droits et obligations identiques pour tous, et non un " patchwork " de régimes différents au détriment de la transparence et de la non discrimination .La " récolte précoce " est une variante temporelle du plurilatéralisme, qui consiste à engranger certains résultats, en matière agricole par exemple, avant la fin des négociations .De telles pratiques, utilisées dans le passé pour des raisons politiques - témoigner concrètement de l' avancée de les négociations - conduisent à déséquilibrer toute la logique du cycle, où les ultimes arbitrages sont pris en pondérant gains et pertes sur tous les sujets .
La négociation de Doha ( article 41 de la déclaration finale ) s' inscrit dans la logique de l' engagement unique .Mais elle n' exclut pas des mises en oeuvre, provisoires ou définitives, d' accords conclus dans les premières négociations .Ces ambiguïtés ne manqueront pas d' être exploitées, ici ou là, par tel ou tel groupe de négociateurs .
Constructive pour les uns, dirimante pour les autres, l' ambiguïté de la déclaration de Doha est de règle pour ce genre de document . [Il...] En l'espèce, il fallait réussir à tout prix, et le succès n' était pas garanti .La multiplication des dates limites, les nombreuses mentions de les " modalités de négociation " et la référence constante à le développement témoignent de volontaires obscurités .
Fixer des dates limites à un cycle et à ses différentes étapes est sans conteste un procédé qui permet à certains pays riches de parer d'avance aux critiques du type : " Il est impossible de régler tant de sujets dans un délai raisonnable " ou " les opinions publiques s' irritent de l' absence de progrès " .Pour d'autres, les dates intermédiaires sont censées éviter les tactiques dilatoires, certains participants gardant leurs cartes en main pour éviter de " payer deux fois ", une à la date intermédiaire et une seconde à la fin .Pour les PED, les dates butoirs permettent d' éviter les marchandages de fin de cycle, dont ils se plaignent de faire la plupart du temps les frais .La multiplication de ces dates fut sans doute à Doha un moyen d' obtenir un compromis entre tenants d' un cycle étroit et court et partisans d' un cycle large et long, au prix toutefois de plusieurs inconvénients .au plan logique, l' idée de butoir s' oppose à la notion même de cycle, où les arbitrages se font à la fin entre tous les sujets .au plan pratique, ces dates butoirs ne sont guère respectées et provoquent, comme c' est le cas actuellement, des commentaires critiques sur l' enlisement, l' échec et l' absence de perspective des discussions .Parallèlement, la méthode produit une crispation " volontariste " : parler de report ne relève plus du réalisme mais du défaitisme .
L' abus du terme " modalités " est une autre illustration des contorsions qui ont précédé l' accord .Sur les douze sujets de négociation, il est prévu que, pour six d' entre eux, les membres devront au préalable s' accorder sur les " modalités " de la négociation .L' ambiguïté du terme est destinée à rassurer ceux qui ne veulent pas trop s' engager, en leur donnant l' impression qu' ils détiennent un levier solide sur la négociation elle -même .Cette interprétation a d'ailleurs été renforcée, pour les quatre sujets de Singapour, par la réponse du président de la conférence ministérielle lui -même à une objection soulevée par l' Inde à la fin de la réunion de Doha .Dans tous les cas, le terme prête à controverse car, selon que l' on retient l'une ou l' autre interprétation, c' est tout l' équilibre du cycle qui est modifié : agriculture, services, tarifs industriels, quelques sujets environnementaux, antidumping et subventions dans un cas ; les mêmes sujets plus ceux de Singapour dans l' autre .
La référence au développement, qui traverse tout le texte de Doha, reste une des plus importantes difficultés à surmonter .Il est avéré, depuis la fin du cycle de l' Uruguay, qu' aucun accord ne peut recueillir de consensus sans le soutien des PED . Dès lors ( et de façon parfois un peu cynique ), les grands acteurs du jeu ( Etats-Unis, Union européenne ) s' efforcent de gagner à leur position un nombre croissant d' entre eux, moins par des concessions réelles que par des promesses qu' ils ont plus ou moins l' intention, ou les moyens, de tenir .Le cycle de l' Uruguay fut, par exemple, fondé sur un " grand dessein " consistant à demander aux pays pauvres d'une part d' ouvrir leurs marchés en matière de services, et d'autre part de souscrire à la protection des droits de propriété intellectuelle en échange d' un accès aux marchés des pays riches, en particulier dans les domaines du textile et de l' agriculture .Huit ans plus tard, l' équilibre douteux de ce grand marchandage a rendu les PED beaucoup plus exigeants, et les conduit à refuser d' entrer dans de nouvelles négociations sans engagement très sérieux en leur faveur .
[On...] Mais que l' on parle de " traitement spécial et différencié " ou d' assistance technique, on a " tiré des traites " sur l' avenir, qu' il faudra bien honorer un jour ou l' autre . [Autre] Tel est le cas aujourd'hui, où le développement est passé du statut d' obligation morale ou de voeu pieux à celui de composante à part entière de la négociation .
Si l' on s' en tient à l' ordre arrêté à Doha, le premier sujet est celui de la " mise en oeuvre " .Il paraît paradoxal et peu porteur politiquement qu' une négociation traitant de l' avenir du système commercial mondial se préoccupe d'abord du passé, consacrant autant de temps et d' efforts à une question liée au cycle précédent . [Cliv] C' est là le principal argument de ceux qui contestent la légitimité et l' utilité d' un nouveau cycle . [Il...] Il n' est pas abusif de dire que le sujetsujetIl fut l'une des principales causes - sinon la seule - de l' échec de Seattle, en 1999, et a constitué, de loin, le premier sujet de discussion entre Etats membres jusqu' à Doha et depuis lors . [impératif] Rappelons que la décision prise à Doha ne recense pas moins de 48 " questions et préoccupations liées à la mise en oeuvre ", concernant onze accords, sans compter les " questions transversales " liées au traitement spécial et les " questions en suspens ", au nombre de 39 . [Il..._SN] Même en tenant compte d' une tendance tactique à " charger la barque " pour obtenir quelque chose en échange de l' abandon d' une demande, il n' en demeure pas moins que le sujet,sujet
Au-delà des aspects techniques, les positions politiques de les parties en présence n' ont guère changé : " Pas de nouveaux sujets tant que la mise en oeuvre des anciens n' est pas réglée ", disent les PED ; " pas de règlement des anciens sujets en dehors de la négociation d' ensemble ", disent les pays développés .
Pour tenter de concilier ces positions antagonistes, un équilibre délicat a été bâti à Doha :
Ce découpage correspond au souci des pays du Nord de ne pas rouvrir, même partiellement, les négociations closes en 1994 .A ce stade, donc, les sujets relevant de la première catégorie ( les plus conflictuels concernent le mode de calcul de les contingents textiles , le recours à les subventions à l' exportation , certains aspects de l' accord ADPIC ) suivent le rythme des négociations ouvertes par Doha sur les mêmes questions .
Ceux de la deuxième catégorie sont liés, en fait sinon en droit, au débat sur le traitement spécial et différencié .En effet, les pays développés ont souhaité saisir l' occasion d' une remise à niveau du système de traitement spécial dans sa finalité, ses principes, ses objectifs et ses instruments ( système de préférence généralisée, accords de type Lomé ), dont la pertinence peut devenir discutable à mesure que s' abaissent les obstacles aux échanges .Les PED, à le contraire , s' en tiennent à une conception plus étroite consistant à examiner des mesures pratiques ( 85 à l'heure actuelle ) pour les rendre plus " précises, effectives et opérationnelles " .
Les deux sujets sont aujourd'hui également paralysés .La mise en oeuvre n' a fait aucun progrès récent, malgré d' ultimes efforts de médiation du directeur général de l' OMC . Le traitement spécial et différencié n' a rien gagné à être lié partiellement à la mise en oeuvre, et, après avoir dépassé trois dates limites ( juillet et décembre 2002, février 2003 ), il a été évoqué à nouveau en mai, au conseil général de l' OMC, dans le scepticisme général .
des cinq sujets sectoriels ( non transversaux comme les deux précédents ), l' agriculture donne lieu aux plus grandes controverses, alors même que les enjeux économiques et commerciaux ne sont pas à la mesure des querelles .A priori, le débat ne devrait pas être d' une difficulté insurmontable .Sur les quatre grands sujets ( soutiens à l' export , soutiens intérieurs , accès au marché , questions non commerciales ), entre les quatre acteurs ou groupes d' acteurs ( Etats-Unis , Union européenne , groupe de Cairns et grands PED non Cairns , menés par l' Inde ), les plages de compromis devraient exister .Mais les discussions sont occultées par des positions idéologiques : " la subvention est intrinsèquement néfaste ", " la PAC est intouchable ", " les PED sont quoi qu' il arrive victimes d' un système injuste " ... positions contredites par les pratiques .Tout le monde subventionne, même les pays les plus vertueux, d' une façon qui peut fausser les échanges ; la PAC est en constante révision, et son coût n' est pas élevé ( 0,5 % du PIB européen ) ; enfin, il est faux que les PED aient tout à gagner d' une disparition totale des subventions, tant est grand l' avantage comparatif des plus gros producteurs agricoles, qui ne sont pas des PED .
Les modalités de la négociation agricole devaient être arrêtées le 31 mars .En l'absence de définition précise du terme, les débats se sont crispés sur les formules de réduction tarifaire, qu' il est difficile de considérer comme une simple " modalité ", alors qu' elles sont un élément crucial de la négociation .
Le président du groupe de négociation, M. Harbinson , a fait de louables efforts pendant six mois pour appliquer à l' agriculture la même méthode que celle qui avait si bien réussi lorsque, président du conseil général de l' OMC, il avait élaboré la déclaration de Doha : on écoute les arguments des uns et des autres, et, plutôt que de tenter une impossible synthèse entre des positions contradictoires, on élabore " à titre personnel " un projet d' accord qui, ne satisfaisant complètement personne, ne suscite aucun veto .
Cette méthode n' a pas réussi en matière agricole puisque les deux versions successives du projet d' accord soumis aux membres ont été rejetées, notamment par les Européens, qui voyaient sacrifiées leurs demandes sur les aspects non commerciaux de l' agriculture ( sécurité alimentaire, environnement, bien-être animal ... ) sans obtenir satisfaction sur les sujets proprement commerciaux ( subvention, protection tarifaire ) .Le sujet a donc été renvoyé à Cancun .
Dans le domaine de la propriété intellectuelle, la question de l' accès des pays pauvres aux produits pharmaceutiques est moins importante pour elle -même qu' en ce qu' elle illustre la capacité - ou l' incapacité - de l' OMC à traiter d' une question sensible pour les opinions publiques .Sur le fond, le débat est lui aussi largement occulté par des positions idéologiques .La situation désastreuse de l' Afrique subsaharienne en matière sanitaire ( spécialement en ce qui concerne le sida ) ne dépend que pour partie du prix des traitements . [SujetInv] Seraient -ils gratuits qu' ils ne changeraient rien à l' absence d' hôpitaux, de personnels médicaux et de dispositifs de prévention .Inversement, le lien direct entre niveau de recherche et niveau de protection de la propriété intellectuelle n' a jamais été démontré, d'autant que, dans les pays riches, la recherche scientifique, tous secteurs confondus, bénéficie de soutiens - notamment fiscaux - déconnectés de cette protection .
La rigidité des positions tient ici à deux facteurs rarement exposés .Le premier est la concurrence entre grands groupes occidentaux et industries naissantes de quatre ou cinq pays émergents ( Inde, Brésil ), où la croissance du secteur pharmaceutique repose sur une protection partielle des droits des brevets - pour les procédés et non pour les produits -, protection compatible avec l' accord ADPIC jusqu' en 2005 .Une course de vitesse est donc engagée entre les uns et les autres .Le second est que les grands groupes occidentaux ont un " portefeuille " de brevets qui va largement tomber dans le domaine public dans les cinq ou dix ans à venir, et qu' ils ne sont pas sûrs de pouvoir le remplacer à partir de technologies actuellement en phase de développement ( thérapies géniques, clonage cellulaire ... ) .Ces groupes savent qu' ils risquent d' être supplantés par d'autres firmes, aujourd'hui inconnues, qui exploiteront au mieux le potentiel de ces techniques pour devenir les géants de demain .D' où leurs crispations autour de les flexibilités prévues dans l' accord ADPIC en matière de brevets pour les médicaments . Doha avait permis de mettre un terme au " harcèlement judiciaire " des grandes firmes à l'égard de les pays à industrie pharmaceutique naissante, pour les empêcher d' utiliser à plein ces souplesses ( importations parallèles, licences obligatoires ) .Les discussions se sont désormais déplacées vers la possibilité, pour les pays dépourvus de capacités manufacturières, de demander à d'autres pays de les approvisionner en utilisant les mêmes flexibilités, à leur place et pour leur compte .La négociation oppose, comme souvent, les tenants d' une interprétation stricte à ceux d' une interprétation large, avec pour points de discorde les pays éligibles ( fournisseurs et acheteurs ), les maladies éligibles ( maladies infectieuses seulement ou autres ), les risques de détournement, de trafic, etc .Différentes tentatives de compromis, dont l'une provenant de l' Union européenne et tendant à faire participer l' Organisation mondiale de la santé à la décision, ont fait long feu . Ces blocages sur des sujets majeurs ont " diffusé " vers les autres, notamment le plus important d' entre eux en termes d' enjeux économiques : les services .Alors que les discussions, malgré des oppositions fortes, notamment sur l' ouverture de services publics comme la santé ou l' éducation, allaient progressant, plusieurs pays ont récemment fait savoir qu' en l'absence de progrès substantiels sur l' agriculture, il n' y avait pas lieu d' accélérer sur les services, pour lesquels les offres devaient être déposées le 31 mars, date limite elle aussi dépassée .Sur le fond, l' examen des multiples offres déposées ne fait pas apparaître beaucoup de nouveauté, les mêmes secteurs restant ouverts ou fermés .Tout au plus note -t-on une évolution récente des Etats-Unis vers une moindre ouverture en matière de services publics .
Deux remarques en conclusion . De nombreuses propositions ont été faites depuis six mois : ce n' est donc pas la matière qui manque, mais la volonté politique qui fait défaut, pour trouver un compromis .Ensuite, tout focaliser sur l' unique sujet de l' agriculture est de bonne guerre mais ne mène à rien : il faut explorer des voies plus ambitieuses .
[Il..._SN] En dépit de multiples déclarations rassurantes, il est douteux qu' une telle négociationnégociationIl est, en revanche, difficile d' estimer le poids de ce contexte .
Ainsi, la guerre du Golfe de 1991 a interrompu le cycle de l' Uruguay pendant près de un an .Inversement, les attentats du 11 septembre 2001 et la réplique des Etats-Unis en Afghanistan , en fragilisant d' un coup les structures de coopération internationale , ajoutant à l' impératif d' éviter un second échec deux ans après celui de Seattle , ont été un élément décisif du succès de Doha .Le dernier conflit en Irak pourrait donc avoir des effets contraires : accroître la paralysie tant que la situation du Proche-Orient ne sera pas stabilisée, ou inciter au compromis pour éviter d' ajouter aux difficultés de l' heure .
[Il..._SP] Il en va de même au plan économique . " La guerre n' arrête pas la mondialisation ", titrent certains journaux .Ce qui est à la fois vrai et faux . La mondialisation n' a pas eu besoin de la guerre pour ralentir : le commerce mondial stagne depuis 2000, les flux d' investissement baissent, et les voyages internationaux eux -mêmes ont diminué sans que l' on puisse faire la part des risques politiques ou de la conjoncture, continuellement déprimée depuis l' explosion de la bulle financière en mars 2000 . [Il...] Si la guerre du Golfe de 1991 a précédé l'une des plus importantes périodes de croissance mondiale, il est difficile d' apprécier a posteriori l' impact de cette croissance, tant sur la fin du cycle de l' Uruguay que sur le lancement du suivant .
Est -il en effet plus facile de faire progresser un cycle de négociation dans une période de stagnation ( le compromis pourrait être facilité par l' objectif commun de relance de la croissance par les échanges ) ou dans une conjoncture élevée ( le coût de Les perspectives économiques immédiates ne sont pas encourageantes, mais les arguments ci-dessus peuvent aussi se retourner aisément .Des éléments fortuits ( nouvelle crispation en Asie et en Chine à cause de l' épidémie du SRAS qui commence à s' y répandre ) ou plus structurels ( remise en cause du consensus sur les bienfaits de l' économie de marché après les scandales qui ont ébranlé
Les facteurs internes à la négociation sont les plus importants : ils dépendent d'abord de l' objectif stratégique du cycle, ensuite d' éléments propres au déroulement des négociations .Comme son nom l' indique, le cycle de Doha est un cycle de développement . [Il..._SN] Il est incontestable que les PED ont une perception négative du cycle de l' Uruguay .Ce sentiment est en outre inscrit dans la critique générale du commerce comme moteur du développement, elle -même part du débat sur l' aide, l' annulation de la dette, la réduction de moitié de la pauvreté à l' échéance de 2015 .
Le nombre et le poids relatif de les PED s' accroissant continuellement au sein de l' OMC , il est assuré que le cycle n' aboutira pas sans concessions commerciales de substance des pays développés dans les secteurs les plus sensibles que sont l' agriculture, le textile, les droits de douane, la propriété intellectuelle ( dont le médicament ), l' antidumping et les subventions .Or ces six sujets constituent, à peu de choses près, ce qu' il est convenu d' appeler le cycle " accès au marché seulement ", qu' appellent de leurs voeux un grand nombre de pays : Etats-Unis, groupe de Cairns et une bonne partie des PED . Le risque est donc clair, pour l' Union européenne notamment, de voir resurgir l' idée d' un cycle étroit, donc court .Une autre inconnue demeure : celle du rôle de la Chine .Membre du club des ( futurs ) riches, ou champion des PED ? Probablement l'un ou l' autre, en fonction de ses intérêts : du côté des pauvres pour l' agriculture, le textile et l' antidumping ; du côté des riches pour la propriété intellectuelle, par exemple .
Toute négociation possède une dynamique interne qui tient autant à des éléments de fond qu' à des facteurs circonstanciels : l' organisation, les relations avec les médias ou le rôle des organisations non gouvernementales ( ONG ) peuvent être essentiels dans l' échec ou le succès de la conférence, comme l' ont montré Seattle en 1999 ou Doha en 2001 .Mais l' essentiel tient à des éléments objectifs . [interro] Comment se présentent ces données à trois mois de la réunion de Cancun ?La préparation paraît pour le moins difficile .Mais il est cependant trop tôt pour inférer du non respect de plusieurs dates limites ( mise en oeuvre, traitement spécial et différencié, accès au médicament, agriculture ) un échec de la Conférence .
L' heure de vérité sonnera avec l' élaboration du projet de déclaration des ministres, qui permettra de mesurer l' état des forces en présence, la volonté politique d' aboutir dans les principales capitales, et le fonctionnement du moteur transatlantique qui, s' il n' est plus suffisant, est absolument nécessaire pour la réussite de toute négociation à l' OMC .
Or ce moteur obéit lui -même à des cycles, et sa dynamique ne peut se transmettre à tous ses partenaires que si ces derniers ont la conviction que les deux acteurs principaux veulent minimiser leurs différences et maximiser leurs points d' entente .
Les différends commerciaux entre les Etats-Unis et l' Union européenne obéissent à des raisons techniques, mais surtout politiques .Techniquement, l' Organe de règlement des différends n' ajuste pas le rythme de ses décisions, en première instance comme en appel, sur celui du cycle de Doha .Mais il dépend des principaux intéressés de monter ces décisions en épingle ou d' en réduire l' impact .A ce jour, le nombre et l' importance des litiges entre les deux partenaires ne sont pas très différents de ce qu' ils étaient avant Doha .Celui concernant les FSC est de loin le plus important, ceux concernant les organismes génétiquement modifiés ( OGM ) ou l' aéronautique restent à l' état de menaces récurrentes ; la décision récente concernant les mesures protégeant la sidérurgie américaine est en appel .
Maximiser les points d' entente ( ou obtenir la neutralité bienveillante de l' autre ) est plus difficile .De ce point de vue, la phase pré-Doha a été exemplaire : ouverture des Européens en matière agricole, des Etats-Unis en matière de antidumping, neutralité sur investissement, concurrence et environnement .Aujourd'hui, les lignes de compromis sont moins évidentes mais existent, y compris sur les sujets les plus sensibles comme les mesures antidumping, l' agriculture ou les tarifs industriels .Nécessaire, l' entente euro - américaine n' est cependant plus suffisante en raison de le poids grandissant des autres acteurs, PED notamment .Leur rôle, à Cancun et au-delà , continuera de s' affirmer, et des compromis devront être trouvés sur l' accès au médicament, la mise en oeuvre et le traitement spécial et différencié, mais aussi sur la question des " modalités " autorisant ou non le lancement de négo-ciations sur les quatre sujets de Singapour . [Il..._SN] Il serait surprenant à cet égard que l' Inde abandonne sans contreparties substantielles le levier que lui a donné le ministre qatari par son ultime déclaration à Doha en vue de arracher le consensus .Un résultat positif sur le médicament , de réelles décisions en matière de mise en oeuvre et de traitement spécial et différencié , une reconnaissance au moins de principe d' une " spécificité développement " en matière agricole , sont un minimum en deçà duquel il est vain d' espérer l' adhésion des PED .
Créer et entretenir la dynamique, telle est donc la question .Celle de Doha est retombée, celle de Cancun n' apparaît pas clairement .Les " mini-ministérielles " l' illustrent à l' évidence : outre que elles ont échoué, elles contribuent par leur multiplication même à irriter ceux qui, PED en tête, n' y sont pas conviés .De même, l' accession d' un nouveau grand pays ( Russie ) semble s' éloigner, alors que celle de la Chine et de Taiwan, pourtant sans lien direct avec Doha puisqu' il n' y avait à ce moment -là plus rien à négocier, avait entretenu une atmosphère positive .
Ces trop nombreuses incertitudes expliquent les interrogations sur les chances de succès de la conférence de Cancun .D'ores et déjà, certains proposent de la reporter, ce qui, à n' en pas douter, serait un mauvais signal . [Il..._SN] Mais il n' est pas indispensable que la conférence de septembre soit la " revue à mi-parcours " annoncée .L' important est qu' elle ne soit pas un échec - au pire, un " non événement ", comme le sont après tout beaucoup de réunions d' organisations internationales . [On...] On évitera donc de susciter des attentes excessives .De ce point de vue, le message du G - 8 , réuni à Evian , aura dû être pesé avec précaution .Mais si la dynamique autour de le projet de déclaration ne s' enclenche pas vers le 15 juillet au plus tard, la situation deviendra difficile car chacun comprendra que, faute de compromis préalable sur certains sujets importants, tous viendront en discussion à Cancun .Le risque d' un ordre du jour " croulant sous son propre poids " ne peut être exclu, ce qui relancerait bien entendu les appels à un cycle raccourci .
[SujetInv_SP] Dans l' hypothèse où Cancun ne débloquerait pas les points les plus difficiles , se poserait la question des étapes suivantes .Là aussi, les négociateurs sont pris dans un dilemme : s' accrocher à la date du 1er janvier 2005, fin théorique du cycle, devient peu crédible à mesure que les blocages se multiplient, mais parler d' un report accroît une démobilisation déjà grande .
Les questions de calendrier sont essentielles dans tous les cas : 2004 sera marquée par deux échéances : l' intégration, au 1er mai, de dix nouveaux membres dans l' Union européenne ( avec d' éventuelles conséquences sur le mandat et l' activité de la Commission ), les élections aux Etats-Unis en novembre . [SujetInv] Beaucoup estiment que ces deux circonstances sont peu propices à de grandes impulsions du côté de le " moteur transatlantique " .L' horizon 2005 est plus dégagé, mais présente pour l' OMC le même profil que 1999 : changement de directeur général et réunion ministérielle .Les Etats membres chercheront sans doute à éviter de renouveler la désastreuse séquence d' événements qui a paralysé la préparation de Seattle pendant presque la moitié de 1999 .Le risque est réel, la désignation du directeur général devenant maintenant un enjeu politique majeur en dépit de un rôle juridiquement réduit .La bonne " fenêtre de tir " pour boucler le cycle deviendrait donc 2006, un an avant un nouveau cycle d' élections en Europe ( dont la France en 2007 ) .
Ces perspectives ne sont pas forcément réjouissantes : un décalage de deux ans sur le calendrier initial ne serait certes pas dramatique en comparaison de la durée du précédent cycle .Il soulignera néanmoins les faiblesses d' une organisation dont la nouveauté aurait dû être un gage de dynamisme . [Autre_SP] Or, si l' on considère que la première tâche d' un forum de négociation comme l' OMC est de " produire " des accords commerciaux multilatéraux, force est de constater qu' à ce jour aucun grand accord n' est sorti de l' OMC, depuis huit ans qu' elle existe .des voix ne manqueront pas de souligner ce fait, notamment au Congrès des Etats-Unis, toujours très vigilant sur la " pertinence " des organisations internationales .
[Il...] Même s' il ne faut pas exagérer la portée de ce type de critiques ( ou les risques de voir les Etats-Unis se mettre en congé de l' OMC ), il n' en demeure pas moins que elles ajoutent au crédit des solutions alternatives, dont les accords régionaux sont le principal exemple .Les Etats-Unis ont toujours joué sur les deux tableaux, poussant successivement ou simultanément les deux stratégies en fonction de leurs intérêts . [On...] On assiste en ce moment à un regain d' activité sur ce front ( accords avec le Chili, négociations avec l' Amérique centrale et le Maroc, pour ne citer que les initiatives les plus récentes ) .L' Union européenne n' est pas en reste, et l' Asie, depuis le changement de position du Japon en 1998 et la montée en puissance de la Chine, devient l'un des gisements les plus actifs d' accords régionaux .Or, même si l' on affirme à l'envi que ces types d' accords, à condition de être compatibles avec les principes de l' OMC, sont un marchepied vers le multilatéralisme pour de nombreux Etats, ils n' en constituent pas moins une menace, certes latente mais non moins réelle, pour le système multilatéral .Ils ne sont pratiquement jamais conformes aux principes de base de l' OMC ( car ils ne couvrent pas l' essentiel des échanges ) et créent des compartiments dans le commerce mondial qui peuvent dériver en blocs commerciaux hostiles en cas de événement extérieur imprévu ( forte récession, crise financière majeure ) . [Il...] Il n' en est donc que plus impératif de contrôler leur prolifération et, à ce jour, il n' y a pas de meilleur antidote à cet égard que la réussite du cycle de Doha .
AUTEUR : Frédérique Sachwald est responsable des Etudes économiques à l'Ifri.
Dès les années 1970, les multinationales ont cherché à mieux intégrer leurs activités à l' échelle mondiale .Elles sont ainsi devenues des partisans et des acteurs centraux de la mondialisation, cette intensification des échanges de biens, de services, de capitaux, de personnes et d' idées qui caractérise les deux dernières décennies .Les opposants à la " mondialisation libérale " partagent avec certains de ses partisans la perception d' un monde en voie de intégration rapide au sein de un vaste marché où les gouvernements ne pourraient plus mener de politiques nationales souveraines, notamment en matière de protection sociale .L' attitude des gouvernements eux -mêmes a varié selon les pays, mais certains ont utilisé la mondialisation comme un bouc émissaire face à les difficultés économiques, ce qui a renforcé l' idée selon laquelle ils seraient devenus impuissants .
La désignation de la mondialisation comme bouc émissaire est une attitude qui s' est particulièrement développée en France, où les dirigeants ont favorisé l' ouverture de l' économie sans expliquer ce choix, voire en le cachant . Ils ont promu la poursuite de l' intégration européenne et déploré les orientations libérales de Bruxelles dans divers domaines, ouvert plus largement l' économie aux échanges internationaux et invoqué la concurrence étrangère pour expliquer la persistance d' un chômage élevé .La place prise par la taxe Tobin dans le débat public au cours de les années 1990 illustre bien cette schizophrénie française . Certains dirigeants ont considéré qu' une telle taxe contribuerait à " maîtriser la globalisation financière ", tout en la jugeant irréaliste .
La perception d' un rôle passif des gouvernements, qui subiraient l' ouverture aux échanges et ne pourraient plus mener des politiques économiques, sociales et culturelles nationales, ne résiste pas à l' analyse de la dynamique de la mondialisation et de ses effets .Cet article montre que l' ouverture aux échanges internationaux peut au contraire être interprétée comme un élargissement des possibilités offertes aux économies nationales et comme une réponse aux difficultés rencontrées par de nombreux pays dans les années 1970 et 1980 . [Cliv] C' est d'ailleurs pourquoi les gouvernements des pays industrialisés et des pays en développement ont, progressivement et à des degrés variables, opté pour davantage d' ouverture .
Le bilan de deux décennies de mondialisation, à travers l' évolution de la pauvreté dans le monde et la question de les inégalités dans les pays riches , montre que les contextes nationaux filtrent les effets de la mondialisation .L' article souligne ainsi que les politiques publiques sont essentielles pour catalyser les effets positifs de la mondialisation, comme pour anticiper et corriger ses effets négatifs .Et la question de la gouvernance globale, certes fondamentale pour promouvoir une mondialisation de meilleure qualité , ne doit pas masquer le rôle des politiques nationales .
La mondialisation est trop souvent perçue comme une force anonyme qui impose de l' extérieur des changements aux différents pays .L' ouverture croissante aux échanges résulte pourtant de choix de la part de les gouvernements, qui ont cherché à bénéficier des opportunités de l' intégration au sein de plus vastes espaces économiques .L' ouverture aux échanges a progressé en fonction de les politiques nationales, ce qui explique l' hétérogénéité des degrés d' ouverture des pays et des secteurs d' activité .
Schématiquement, l' intégration des marchés de biens, de services et de capitaux résulte d' une dynamique de réduction de la distance économique, qui s' exprime par le coût de l' échange ou de l' organisation d' activités productives à l' échelle internationale .Celui -ci se compose de coûts " techniques ", de transport et de communication d'une part, et de coûts d' accès au marché, d'autre part, qui varient en fonction de les réglementations .La réduction de la distance économique résulte donc à la fois des évolutions techniques et des évolutions réglementaires qui déterminent le degré d' ouverture des économies .
Le processus de libéralisation commerciale multilatéral mis en place après la Seconde Guerre mondiale sous l'égide de le GATT est d'abord concentré sur les barrières aux échanges internationaux, telles que les droits de douane ou les quotas d' importations .A mesure que ces barrières ont été réduites, la poursuite du processus d' intégration a rencontré les obstacles que représentaient les réglementations nationales des marchés ( normes, règles prudentielles ... ) .La question des réglementations nationales de l' exercice d' une activité est centrale dans les services, dont l' ouverture à la concurrence internationale n' a été abordée qu' à partir de les années 1980 .
L' expérience de l' intégration européenne illustre clairement l' importance des réglementations nationales et souligne la variété des barrières à l' intégration " profonde " des économies .Dans les années 1980, l' Europe a ainsi conçu le projet du Marché unique pour achever l' intégration en éliminant les barrières à la circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes qui persistaient au sein de le Marché commun .Après l' adoption de quelque 200 textes permettant l' harmonisation ou la reconnaissance mutuelle des règles des Etats membres, le Marché unique a été proclamé le 1er janvier 1993 ; dix ans plus tard, certaines de ses composantes restent pourtant à mettre en oeuvre .
Le projet du Marché unique illustre aussi l' interaction entre l' ouverture aux échanges et la déréglementation interne, poursuivie par de nombreux gouvernements depuis la fin des années 1970 .Dans différents pays, la déréglementation a été engagée pour faire évoluer le cadre dans lequel les entreprises exerçaient leur activité dans les secteurs où les progrès technologiques bouleversaient les conditions de production et offraient de nouvelles opportunités .Le processus a ainsi touché, avec des calendriers divers selon les pays, les transports, les télécommunications et le secteur financier .Le projet de Marché unique, qui a combiné déréglementation et intégration à l' échelle européenne , a été suscité par les difficultés économiques que rencontraient les pays européens au début de les années 1980 .Ses promoteurs y voyaient un moyen d' accroître l' efficacité des économies européennes et de relancer une croissance languissante en stimulant la concurrence et l' innovation au sein de un espace économique mieux intégré .
L' histoire de l' intégration des marchés financiers souligne également le rôle des décisions des pouvoirs publics et les interactions entre politiques nationales et décisions d' ouverture .L' accroissement des flux internationaux de capitaux à la fin de le XIXe siècle a coïncidé avec l' ère de l' étalon-or, et donc de changes fixes, qui impliquait le renoncement, pour de nombreux pays, à mettre la politique monétaire au service de objectifs internes .A l' inverse, la sortie du système de Bretton Woods dans les années 1970 et l' abandon de les changes fixes par de nombreux pays s' expliquent par leur volonté de retrouver une plus grande flexibilité, à travers le recours aux marchés financiers internationaux, et de maintenir leur capacité de mener des politiques monétaires actives, notamment pour combattre l' inflation .Dans les années 1980, certains gouvernements ont cherché à avoir un accès aux marchés financiers pour financer leur dette dans de meilleures conditions, ce qui a pesé en faveur de la libéralisation .Par la suite, les innovations financières et le développement de nouveaux types de titres ont été de puissants facteurs d' expansion des marchés financiers, de plus en plus utilisés par les entreprises et les particuliers .Dans la période actuelle, les besoins d' épargne de la population vieillissante des sociétés industrialisées justifient en partie le recours accru aux marchés financiers .Enfin, les crises bancaires, notamment à le Japon , ont souligné l' importance des risques systémiques dans les pays où le financement des entreprises dépend trop fortement de l' endettement bancaire .
Le choix de l' ouverture, à le commerce comme à les flux de capitaux , s' explique ainsi dans le contexte du développement des économies modernes, où l' innovation et les besoins en matière de gestion des risques incitent les gouvernements à promouvoir l' extension du recours aux solutions de marché .Mondialisation et déréglementation appartiennent à une même dynamique, qui voit émerger l' économie du savoir . [Present] Il s' agit notamment d' exploiter les avancées spectaculaires en matière de coût de communication et de traitement de l' information, non seulement dans les industries manufacturières, mais aussi dans les services, qui représentent une part croissante de l' activité des économies modernes .
Après la Seconde Guerre mondiale, le processus d' ouverture avait d'abord concerné les marchés des pays industrialisés, les pays en développement ( PED ) qui participaient aux négociations multilatérales étant autorisés à conserver des niveaux de protection plus élevés .Par ailleurs, de nombreux PED appliquèrent longtemps, diverses restrictions aux investissements directs étrangers .Après des décennies de scepticisme, voire d' hostilité, vis-à-vis des multinationales, les PED ont largement modifié leur attitude dans le cadre de la réorientation des politiques de développement engagée par de nombreux pays depuis les années 1980 .Les multinationales sont désormais considérées comme des éléments des stratégies d' ouverture, qui doivent notamment favoriser les transferts de technologie .
La figure 1 souligne que les pays riches ont été plus ouverts au commerce que les pays pauvres jusque dans les années 1980, mais que les seconds sont devenus plus ouverts dans les années 1990 .L' ouverture des pays industrialisés a progressé dans la décennie des chocs pétroliers, durant laquelle la valeur des importations de matières premières a fortement augmenté .Le degré d' ouverture a ensuite régressé, avant d' atteindre un nouveau point haut au début de les années 2000, notamment du fait de la croissance des échanges avec la Chine, les pays de la transition ( pour l' Union européenne ) et le Mexique ( pour les Etats-Unis ) .L' ouverture des grands pays industrialisés reste cependant modérée, notamment si l' on exclut les échanges intrarégionaux pour l' Union européenne .
Le processus de mondialisation s' est amplifié dans les années 1990 avec l' ouverture aux échanges des pays en transition et la révision des politiques des PED à l'égard de les investissements étrangers .Ces politiques ont permis d' attirer des investissements étrangers et ont renforcé l' intégration de certains PED dans les réseaux internationaux de production et de distribution .Le cas de la Chine est emblématique de ces évolutions, mais d'autres pays ont aussi accru leur insertion dans les courants d' investissement et d' échanges .
Le dynamisme des flux d' investissements directs à l' étranger ( IDE ) et le développement de les multinationales caractérisent la période actuelle de mondialisation .Le tableau 1 souligne qu' il existe néanmoins une différence sensible entre la décennie 1980 et la décennie 1990 durant laquelle l' ouverture des PED aux investissements étrangers a augmenté plus fortement que celle des pays industrialisés .Il indique aussi que le degré d' ouverture aux investissements étrangers varie sensiblement d' un pays à l' autre .L' IDE vers les PED est concentré sur un petit nombre d' entre eux, au premier rang desquels la Chine, qui est devenue la première destination des flux d' IDE mondiaux en 2002, devant les Etats-Unis .Cette concentration reflète cependant en partie la taille économique relative de ces pays, comme le montre l' indicateur de performance ( tableau 1 ) .
Au début du XXIe siècle, si les pays riches sont toujours les principaux acteurs des échanges internationaux, de nombreux pays pauvres ont décidé de s' ouvrir aux échanges commerciaux et aux investissements directs .Globalement, ceux -ci restent très protégés, même s' ils ont accru leur participation au processus multilatéral de libéralisation et divisé par deux leur protection tarifaire moyenne depuis les années 1980 .Mais certains pays très pauvres, notamment en Afrique , restent encore à l' écart des échanges internationaux .Ainsi, la mondialisation a porté l' intégration des différents marchés à des niveaux historiquement élevés, mais le processus est fragmenté, incomplet et discontinu .Une conception monolithique de la mondialisation risque ainsi de masquer son ampleur et sa signification réelles .
Non seulement l' ampleur de la mondialisation dépend en partie des décisions des gouvernements, mais ses effets sont " filtrés " par le contexte national, et en particulier par les institutions et les politiques économiques .En conséquence, les politiques nationales jouent un rôle fondamental dans l' influence, positive ou négative, que la mondialisation peut exercer sur une économie .Cette seconde partie illustre le rôle central des institutions et des politiques nationales à travers deux thèmes fondamentaux dans les débats sur la mondialisation : l' extrême pauvreté dans les PED, et les inégalités dans les pays riches .
Depuis les débuts de l' industrialisation, la part de la population mondiale qui vit dans la pauvreté absolue diminue .A mesure que certains pays ont connu un processus de développement, cette part s' est réduite, mais l' écart s' est creusé entre les pays qui s' industrialisaient et les autres .L' accroissement de l' inégalité de revenu entre individus vivant dans des pays différents a ainsi été particulièrement rapide au cours de le XIXe siècle et s' est poursuivi jusqu' aux années 1970 .Depuis les années 1980, l' écart de revenu entre le groupe de les pays industrialisés et les PED tend au contraire à se réduire .Le tableau 2 distingue plusieurs groupes de façon à expliquer l' assertion souvent répétée selon laquelle l' écart de revenus " entre les riches et les pauvres " s' accroîtrait .L' écart de revenu s' accroît entre deux groupes limités, les pays les plus riches et les pays les plus pauvres .En revanche, la croissance d' un certain nombre de pays pauvres depuis les années 1980 leur permet de réduire l' écart de revenu avec les pays industrialisés .Le cas de la Chine est particulièrement remarquable de ce point de vue, mais d'autres pays très peuplés, comme l' Indonésie ou l' Inde, enregistrent aussi une réduction de l' écart avec les pays riches .Le tableau distingue en outre le cas des Etats-Unis, pays riche qui a connu une période de croissance forte dans les années 1990 - et a accru l' écart avec de très nombreux pays, y compris européens .
Depuis les années 1980, la réduction de l' inégalité internationale s' explique notamment par la diminution de la part de la population mondiale vivant dans l' extrême pauvreté .Si cette tendance fait consensus , l' évaluation de le niveau de la pauvreté absolue varie selon les études .Selon la Banque mondiale, 25 % de la population mondiale vivait avec moins de 1 dollar par jour à la fin de les années 1990, alors que d'autres études estiment que la pauvreté absolue ne touchait que 10 % à 15 % de la population .L' objectif de développement du millénaire d' un taux de pauvreté inférieur à 15 % serait ainsi déjà atteint, alors que, selon la Banque mondiale, il ne le sera qu' un peu avant 2015, date établie par l' Organisation des Nations unies .Malgré ces incertitudes statistiques, les différentes estimations indiquent que nous connaissons une réduction historique de la pauvreté dans le monde .A la fin du XXe siècle, cette réduction s' est accompagnée d' une amélioration des indicateurs de développement humain dans les pays pauvres, et notamment d' un accroissement de l' espérance de vie .Cette tendance est cependant menacée dans les pays d' Afrique les plus touchés par le sida .
La période de mondialisation coïncide donc avec une réduction de la pauvreté absolue et de l' écart de revenu entre pays riches et certains pays en développement .Cette évolution favorable, souvent mal perçue , doit être soulignée, car elle signifie que de nouveaux pays s' engagent sur des trajectoires de développement et qu' il est possible de sortir de la pauvreté .La question centrale devient alors celle des politiques qui favorisent l' engagement d' un processus de croissance durable .De nombreuses analyses suggèrent que la participation aux échanges internationaux contribue à la croissance et à la réduction de la pauvreté .Certains pays africains pourraient ainsi souffrir de leur insertion insuffisante dans la mondialisation .L' analyse des interactions entre développement et croissance ne permet cependant pas de préconiser des solutions simples, comme un accroissement de l' ouverture, sans politiques d' accompagnement .En effet, seuls les pays qui remplissent certaines conditions en matière de formation ou de structures institutionnelles sont en mesure de tirer parti de l' ouverture au commerce et aux IDE . Par ailleurs, les multinationales tendent à investir dans des pays qui disposent déjà de certaines infrastructures et dont les institutions garantissent un bon fonctionnement des opé-rations productives .Leur souci de disposer d' une main-d'oeuvre certes bon marché, mais aussi productive, explique notamment qu' elles ne cherchent pas à éviter les pays qui respectent les droits fondamentaux des travailleurs .
Depuis les années 1980, les inégalités internes ont augmenté dans certains PED et dans de nombreux pays industrialisés .Dans ces derniers, le progrès technique a été la cause principale de l' accroissement des écarts de revenus ; mais l' intensification de la concurrence que la mondialisation entraîne sur la plupart des marchés a amplifié le phénomène .Les deux tendances ont notamment incité les entreprises à renforcer leur capacité d' innovation, ce qui a accru la demande pour le travail qualifié au détriment de le travail non qualifié .
Les conséquences pour les travailleurs non qualifiés ont varié en fonction de les caractéristiques du marché du travail d'une part, et des politiques de redistribution de l' autre .aux Etats-Unis, les travailleurs les moins qualifiés ont subi une pression à la baisse de leurs rémunérations, alors qu' en Europe les réglementations du marché du travail ont protégé les salaires .Les travailleurs peu qualifiés et les jeunes sont, en revanche, particulièrement touchés par l' accroissement du chômage .A travers des mécanismes différents, la dynamique des économies contemporaines a engendré un accroissement des inégalités de marché entre les travailleurs .Cette tendance a été particulièrement marquée dans certains cas, comme aux Etats-Unis dans les années 1980, quand les entreprises connaissaient une période de restructuration drastique, notamment pour faire face à la concurrence japonaise .
Les politiques de redistribution ont permis de contrecarrer la tendance à l' accroissement des inégalités de marché .Les comparaisons internationales soulignent le caractère plus ou moins redistributif des politiques nationales et la diversité des choix en matière de instruments de redistribution ( minima sociaux, fiscalité ... ) .Dans certains pays européens et au Canada, les mécanismes de redistribution ont permis de compenser très largement l' accroissement des inégalités de marché .L' évolution des inégalités dans les pays industrialisés depuis une vingtaine d' années illustre donc la persistance des spécificités nationales à la fois en matière de fonctionnement des marchés du travail et de redistribution .Ces différences de politiques publiques répondent en partie à des préférences collectives nationales .Ainsi, de nombreux sondages montrent que les Américains, y compris les pauvres, sont moins sensibles aux inégalités que les Européens .
Depuis la Seconde Guerre mondiale, le " capitalisme de la protection sociale " a facilité l' évolution des structures industrielles et l' approfondissement de la spécialisation internationale . [Present] A un niveau très général, il existe d'ailleurs une relation positive entre le degré d' ouverture des pays et l' importance des dépenses publiques .Dans la période récente, la redistribution a joué un rôle important pour améliorer le sort des " perdants " de la mondialisation que sont les personnels les moins qualifiés .Si cette stratégie semble ne plus fonctionner , ce n' est pas d'abord à cause de les contraintes imposées par la mondialisation, mais, plus fondamentalement, parce que les risques que doit couvrir la protection sociale ont changé .L' économie du savoir dans laquelle le monde est entré demande plus de personnels qualifiés, mais génère aussi des emplois de service peu qualifiés et peu rémunérés .La rapidité des évolutions technologiques dans un contexte de concurrence accrue impose aussi un rythme de changement élevé aux entreprises et aux salariés .Par ailleurs, les évolutions sociologiques accroissent les risques de dislocation des familles, et l' on sait que les enfants pauvres vivent souvent dans des familles monoparentales dont le revenu repose sur la rémunération d' un seul adulte .
Dans ce contexte, la lutte contre le chômage passe notamment par la promotion de la mobilité des personnels, y compris les moins qualifiés . [Present_SP] Au-delà, il s' agit de promouvoir l' égal accès à diverses opportunités et l' assurance - pour ceux qui se retrouvent dans des emplois faiblement rémunérés - de pouvoir évoluer, plutôt que de poursuivre des efforts de redistribution des revenus au sens traditionnel .Ces évolutions impliquent des réformes dans le domaine de la formation, mais aussi en ce qui concerne le marché du travail ou les services publics, notamment pour améliorer l' accueil des jeunes enfants et l' accès à l' emploi des femmes .
La mondialisation est un processus hétérogène, inégal selon les secteurs, et dont certains pays restent largement exclus .Il peut être mis au service de la croissance et du développement économique, à condition de être encadré par des principes et des institutions de gouvernance globale, et aussi d' être promu par les gouvernements nationaux .
Les réactions contre la mondialisation à la fin des années 1990 ont souligné le caractère incomplet des institutions de gouvernance globale ( notamment en matière de environnement ), et le manque de transparence et d' ouverture des institutions économiques internationales .L' une des voies d' évolution consiste à accroître la transparence de ces institutions et la possibilité pour certains représentants de la société civile d' exprimer leurs préoccupations au cours de les processus de décision .Cette évolution est désormais amorcée et doit être poursuivie .Au-delà, la gouvernance globale suppose à la fois de nouvelles institutions et une meilleure articulation entre certaines institutions existantes .Mais les politiques nationales sont tout aussi fondamentales pour soutenir le mouvement d' ouverture et promouvoir ses conséquences positives .La réflexion sur la gouvernance globale risquerait d' être une fuite en avant si elle se substituait à la réflexion sur les politiques nationales .
L' un des enjeux de l' actuel cycle de négociations commerciales multilatérales est de mieux intégrer les PED dans les échanges en leur assurant un meilleur accès aux marchés des pays industrialisés, notamment pour les produits agricoles et textiles .L' ouverture des marchés des pays du Sud est aussi un enjeu important pour les échanges Nord-Sud et Sud-Sud .Or, les évolutions souhaitables ne se produiront pas si les politiques nationales rendent l' ouverture trop coûteuse pour certaines catégories, notamment les travailleurs les moins qualifiés dans les pays riches .Comme tout choix de politique économique, l' engagement dans la mondialisation a ses contraintes .Pour les pays industrialisés aujourd'hui, le défi est celui de l' accélération des réformes économiques et sociales .Ces réformes sont un moyen de tirer parti à la fois de la mondialisation et du progrès technologique, et de mieux répondre à l' évolution des aspirations individuelles dans les sociétés modernes .Le rythme et le détail des réformes souhaitables, qu' elles concernent le marché de le travail , le système d' enseignement , la capacité d' innovation ou le gouvernement d' entreprise , dépendent des contextes nationaux .Les comparaisons nationales des institutions et de les politiques publiques sont certes devenues systématiques dans le contexte de la mondialisation, mais elles n' amènent pas à recommander l' adoption des institutions et des pratiques américaines .La diversité des contextes nationaux et la richesse des enseignements des comparaisons internationales suggèrent ainsi que il est possible de réformer et de conserver une certaine diversité des systèmes capitalistes .
La mondialisation rend certains facteurs de production, et notamment le capital, plus mobiles .Cette plus grande mobilité du capital, comme celle de les cadres , n' a pas lancé une " course au moins-disant social " .Elle a en revanche accru la capacité de choix de certains acteurs économiques, qui comparent non seulement les taux d' imposition, mais aussi les offres nationales en matière de services publics, d' infrastructures ou de formation des personnels locaux .Dans cette mesure, la mondialisation tend à accroître l' écart entre les pays qui ont une bonne gestion publique et ceux qui souffrent de problèmes majeurs en la matière, quel que soit leur niveau de richesse .La mondialisation n' empêche pas les pays d' exprimer des préférences collectives, que ce soit en matière de protection sociale, de promotion de la création culturelle nationale ou de maintien des agriculteurs à la terre .Elle impose en revanche, comme le montrent les débats sur les politiques agricoles ou la diversité culturelle, une plus grande transparence et une plus grande rigueur dans l' élaboration des mesures qui visent à mettre en oeuvre ces choix .
AUTEUR : GUILLAUME PARMENTIER
Depuis la fin de la guerre froide, le débat entre spécialistes des relations transatlantiques s' est trop souvent contenté d' osciller entre les bons sentiments et la simplification .Il ne s' est pas suffisamment porté sur l' ampleur des changements de fond rendus inévitables par le changement de système international produit par l' effondrement du régime soviétique .La première tendance, parfois marquée par une frilosité nourrie par la crainte de remettre en cause l' édifice institutionnel issu de la guerre froide , s' est exprimée le plus souvent sous la forme de satisfecits donnés à l' Alliance atlantique pour ses progrès supposés en matière de adaptation aux conditions de l' après-guerre froide, et parfois sous la forme plus dynamique de projets d' élargissement, géographique et fonctionnel de l' OTAN et de l' Union européenne .Les travaux de la Rand Corporation, et en particulier ceux de Larabbee , Asmus , Gompert et Kugler , avaient ainsi contribué en leur temps à lancer le débat sur l' élargissement de l' OTAN à trois pays qui a finalement abouti en 1999 .
Plus récemment, la discussion s' était portée sur un éloignement supposé des valeurs sociales entre les deux rives de l' Atlantique, auquel les événements du 11 septembre 2001 ont au moins provisoirement mis fin .Ce débat se poursuit, mais il est maintenant limité à la sphère de l' analyse sociale .En termes de politique étrangère, cette discussion sur la dérive des continents a pris la forme d' une opposition entre l' unilatéralisme de la politique américaine et le multilatéralisme de leurs partenaires européens .
Le moindre mérite de l' article de Robert Kagan , dont Commentaire a publié la version française , n' est pas de sortir le débat de cette ornière .L' opposition entre multilatéralisme et unilatéralisme ne représente en effet qu' une conséquence, alors que les causes de la différence d' attitudes entre les États-Unis et l' Europe à l'égard de le système international sont plus profondes .Outre que nulle politique aujourd'hui n' est purement unilatérale ou purement multilatérale, la divergence sur l' unilatéralisme et le multilatéralisme ne porte que sur les moyens employés pour mener une politique étrangère . [Il..._SN] Or il est clair que les Européens et les Américainseuropéen [Il..._SP] Plutôt que de concentrer l' analyse sur les manifestations de cette divergence transatlantique, c' est-à-dire sur un symptôme, il fallait revenir aux causes de cette dérive, et le plus grand apport de KaganKagan [Il..._SN] Il y fallait un certain courage .
Par voie de conséquence, l' article de Kagan a rendu une nouvelle vigueur au débat transatlantique .aux États-Unis, les questions européennes étaient depuis quelques années considérées comme un peu ennuyeuses : l' Europe avait pour l' essentiel été débarrassée de ses problèmes de sécurité, et elle avait montré dans les Balkans qu' elle avait besoin des États-Unis pour les régler, même quand il s' agissait d' affaires régionales d' ampleur limitée .Le débat sur l' OTAN et sur la construction européenne , leurs rôles , leurs élargissements , leurs structures , suscitait chez beaucoup des bâillements d' ennui à peine dissimulés .Ajoutée à l' eurosclérose dont le Vieux Continent aurait été la victime, cette constatation faisait de l' Europe un objet d' étude et de réflexion peu intéressant .Le fait que les études européennes aux États-Unis aient beaucoup souffert sur le plan financier, parce que elles intéressent moins les fondations que pendant la guerre froide, s' explique en partie par le sentiment répandu qu' il n' y a pas grand-chose de Qu' un tel jugement sous-estime, parfois par le mépris, les changements notables intervenus en Europe depuis douze ans n' enlève rien au fait qu' il est largement répandu aux États-Unis .Sans les efforts du German Marshall Fund of the United States, les recherches sérieuses en matière européenne et transatlantique à les États-Unis se seraient probablement taries .Le débat transatlantique était en effet devenu pour beaucoup d' Américains influents un débat en trompe-l'oeil, dissimulant les questions réelles sous les poncifs et les bons sentiments, et faisant la part trop belle à des considérations institutionnelles contraires à l' approche pragmatique qui doit présider, pour la plupart des Américains, à la solution des problèmes concrets .
Robert Kagan rompt avec cette approche timorée et formaliste, sans pour autant tomber dans les excès ni dans l' analyse ni dans le diagnostic dont sont souvent coutumiers certains de ses amis néoconservateurs . [Present_SP] Il ne s' agit pas pour lui de rédiger un tract unilatéraliste comme on en voit sortir fréquemment des think tanks de la droite néoconservatrice comme la Heritage Foundation ou l' American Enterprise Institute .De son fait, l' Europe redevient objet digne de discussions et d' études dans la " communauté de politique étrangère " américaine .
[SujetInv_SP] À cette prise de conscience nécessaire dont il est la cause , correspond cependant une responsabilité .Sa thèse, par le succès qu' elle rencontre , peut en effet avoir une influence réelle sur le jugement porté sur l' Europe par beaucoup d' Américains .Précisément parce que elle a été " ciselée " de façon à être applicable aisément en apparence à de nombreuses situations concrètes, la vision de Kagan devrait être reprise et utilisée à toutes les sauces, y compris certaines dont le fumet sera trop fort ou trop peu subtil pour l' auteur lui -même, par les experts, les journalistes, les staffers du Congrès et jusque dans l' Administration . [On...] On en voit déjà les effets dans l' affaire irakienne, où beaucoup d' Américains ont cru pouvoir déceler une attitude " européenne " pacifiste dans les positions françaises, pourtant inspirées du souci réel du désarmement de Saddam Hussein et d' une disposition à utiliser la force en dernière extrémité, comme dans les positions allemandes . Les modes sont tellement puissantes dans le milieu politique américain au sens large du terme qu' il est inévitable que l' article de Kagan ait un effet allant probablement au-delà de ce que souhaitait l' auteur .Quant aux Européens, ils se complaisent si volontiers dans la lamentation sur les faiblesses de l' Europe qu' ils sont souvent prêts eux aussi à adopter la thèse de Kagan sans les nécessaires réserves . [Present] Il ne s' agit pas ici de lui faire grief des débordements éventuels dus au succès de ses idées, mais d' éviter que le débat ne se place sur un terrain artificiel sous l'effet de la facilité .De part et d'autre de l' Atlantique, cet article arrive à point nommé, mais son écho même en fait un élément à certains égards dangereux parce que simplificateur .
[Cliv] C' est ici que le bât blesse .Le défaut principal de l' argument de Kagan est en effet qu' il grossit parfois le trait pour rendre sa démonstration plus frappante .Cela porte son propos à confiner parfois à la caricature .D'une part il décrit en effet les États-Unis tels qu' il souhaiterait peut-être qu' ils se comportent sur la scène internationale, faisant fi de développements qui ne donnent pas précisément à la politique américaine un tour " martial " .En second lieu, il manifeste une propension excessive, peut-être due au fait qu' il habite maintenant à Bruxelles et voit l' Europe à travers un prisme excessivement communautaire, à couvrir d' une teinte bruxelloise unique une réalité européenne beaucoup plus complexe et à de nombreux égards moins " vénusienne " que sa description ne le laisserait entendre .Dans les deux cas, l' interprétation de la nature de la relation avec la puissance internationale est beaucoup plus complexe que ce qu' indique Kagan .
L' argument est incontestable selon lequel les différences d' attitudes entre Européens et Américains sont largement conditionnées par le contraste structurel entre les éléments de puissance détenus par les États-Unis et ceux dont disposent les pays européens .Il est même à vrai dire de simple bon sens .La primauté américaine dans la plupart des domaines qui confèrent la puissance internationale donne aux États-Unis une liberté d' action beaucoup plus grande sur la scène mondiale que celle dont peuvent jouir les Européens . [Il..._SN] Il n' est donc pas surprenant que les dirigeants américainseuropéen [Il..._SN] Il est également certain que le jeu des institutions européennes, qui agissent elles -mêmes comme un mécanisme égalisateur entre " grands " et " petits " pays européens, outre que il est la conséquence d' une méfiance de principe à l'égard de l' exercice de la puissance, a pour effet de créer chez les Européens une préférence de principe pour un multilatéralisme qui est la conséquence normale et attendue des processus communautaires .
[Il...] Il faut cependant aller plus loin et se pencher sur certaines variables structurelles .La préférence des États-Unis pour la liberté d' action n' est ni surprenante ni condamnable . [Il..._SN] Il n' est pas douteux que les États-UnisKaganPour des raisons constitutionnelles, les États-Unis ne peuvent exercer leur puissance internationale de façon dominatrice que pendant de brèves périodes .Toute tentative impériale ou volontariste se solde inévitablement par des chocs en retour réduisant la capacité du pouvoir exécutif à utiliser la pleine panoplie des moyens dont il pourrait disposer dans un ordre institutionnel moins équilibré .L' histoire américaine de la seconde moitié du XXIe siècle le démontre amplement .
Un point au moins aussi important fait cependant défaut dans l' analyse de Kagan . [Present_SN] Il s' agit des moyensmoyenVers la fin de son article, l' auteur rappelle le problème posé par la faiblesse relative des moyens militaires dont disposent les Européens, et en appelle à une augmentation de ceux -ci pour éviter le creusement des disparités entre leurs capacités guerrières et celles des États-Unis .Il cite à l'appui de cette observation trois Britanniques, dont l' actuel Secrétaire général de l' OTAN, tout en exprimant un doute quant à la capacité des Européens à aller dans ce sens, même de façon marginale .Le budget militaire de la France pour 2003 et la loi de programmation militaire 2003-2007 autorisent peut-être un moindre pessimisme, mais il est clair que le problème de la compatibilité des matériels militaires entre partenaires transatlantiques, et surtout celle de leurs concepts opérationnels, demande un effort plus soutenu des Européens dans ce domaine .
Encore ne faut ne faut -il pas, comme le font certains Américains, faire des capacités militaires des forces américaines un point de référence pratique . [Il..._SP] Il est légitime de s' interroger sur la justification pour un seul pays de dépenser près de 50 % du produit militaire mondial, et d' accroître toutes ses catégories d' armements, y compris celles dont la probabilité d' utilisation est extrêmement aléatoire, soit que la menace qu' elles sont censées parer soit infinitésimale, soit que leur utilisation sur des champs de bataille concrets face à des adversaires peu sophistiqués rende le coût de leur perte éventuelle absolument prohibitif . [Cliv_SP] C' est en regard d' une analyse des menaces potentielles que la validité d' un effort militaire doit être appréciée .De ce point de vue, l' attitude américaine actuelle n' est pas fortement convaincante .La question entre alliés consistera donc non seulement à encourager les Européens à dépenser mieux et davantage pour leur défense, nécessité incontestable aujourd'hui pour qui veut maintenir une Alliance atlantique efficace et équilibrée, mais aussi de rapprocher les points de vue des partenaires transatlantiques sur les menaces et les défis à leur sécurité, et sur la définition des réponses à y apporter .Ce travail de fond, qui devrait avoir lieu dans le cadre de l' Alliance ou plus efficacement entre grands alliés , n' est pas aujourd'hui réalisé de façon satisfaisante . [Present] Il s' agit pourtant d' une priorité pour maintenir une convergence de vues sur la sécurité internationale à l'intérieur de l' Alliance .Sur ce point, les réticences américaines sont au moins aussi fortes que celles de leurs partenaires européens parce que une consultation véritable sur ces points aurait pour effet de restreindre au moins marginalement l' autonomie de décision américaine . [Il..._SN] Sur un thème comme celui du Proche-Orient, ou sur le nation-building, il n' est guère surprenant que l' Administration américaine quelle qu' elle soit ne souhaite pas se trouver laminée entre le Congrès et l' opinion d' un côté et les alliés de l' autre .Pourtant la coopération transatlantique est à ce prix .
[Present] Il existe pourtant un point encore plus problématique, car plus structurel et donc encore plus difficile à lever : celui des avantages comparatifs des alliés transatlantiques face à les problèmes internationaux . [Cliv_SP] C' est à notre sens ce qui explique le mieux les motivations des uns et des autres dans les choix qu' ils ont opérés au cours de les dernières années . [Cliv] Ce n' est pas seulement parce que ils sont les plus forts que les États-Unis ont choisi d' en revenir depuis la fin de la guerre froide à une conception traditionnelle de la puissance, mettant l' accent sur l' utilisation de la force militaire .Depuis le début du XXe siècle, comme l' indique Kagan, les Américains avaient tenté d' étendre à l' Europe une conception des relations internationales différente de celle qui prévalait alors en Europe, et selon laquelle la mise en oeuvre de politiques hostiles aux intérêts légitimes de sécurité de ses partenaires était en fait contraire à l' intérêt national, puisqu' il risquait de remettre en cause les fondements de l' ordre international et en premier lieu la paix .Ce " postnationalisme " , que les Américains qualifient d' internationalisme " ( et qui est connu en Europe sous le vocable de " wilsonisme " , de le nom de celui qui tenta de l' imposer à les Européens ) , permet de transcender les oppositions brutales d' intérêts entre États . [Il..._SN] Il est frappant que cette attitude soit aujourd'hui qualifiée d' européenne " par les observateurs américains, alors qu' il avait fallu rien moins que deux guerres mondiales pour que elle prévale sur le Vieux Continent .
La raison pour laquelle les États-Unis s' en sont détachés , au moins en partie , au cours de les dernières années tient largement au fait qu' ils dominent aujourd'hui le système international, où ils n' ont plus de contrepoids réel .Kagan a raison de souligner cet aspect des choses, encore qu' il aurait pu ajouter à quel point cela est contraire à la tradition américaine des checks and balances, expliquant ainsi les réticences d' une grande partie des Américains face à cet état de fait, et en particulier la réticence d' une majorité de l' opinion publique envers une intervention en Irak qui impliquerait les États-Unis sans un mandat des Nations unies ou en dehors de une coalition internationale .
Le document sur la stratégie de sécurité nationale adopté récemment par l' Administration Bush présente ainsi une interprétation cohérente de la vision étroite de l' intérêt national qui semble inspirer aujourd'hui les États-Unis . [On..._SP] On a beaucoup glosé sur l' accent mis par le document sur la préemption .Certes, le fait de donner à l' anticipation des mouvements de l' adversaire un tour théorique est -il quelque peu hasardeux, mais il faut bien reconnaître que les contrôles qui s' exercent sur la conduite de la politique étrangère américaine rendent extrêmement improbable un recours systématique à la préemption .En outre, ce recours a parfois une légitimité, quand il s' agit de parer à une attaque non provoquée, ou à l' utilisation de moyens de destruction massive . [Il..._SN] Il est en revanche un aspect de la nouvelle doctrine qui, s' il a fait couler moins d' encre, est beaucoup plus symptomatique de l' attitude des États-Unis dans le système international du début du XXIe siècle : il s' agit de la volonté d' empêcher l' apparition de tout concurrent potentiel aux États-Unis sur le plan stratégique .Certes, le problème ne se pose pas concrètement aujourd'hui, et n' a guère de chances de se poser à vue humaine . [Il..._SN] Il est cependant surprenant que les États-Unis,état [Interro] Traditionnellement méfiants à l'égard de tous les pouvoirs, fussent -ils américains, les États-Unis seraient -ils devenus un État-nation classique, sur le modèle des États européens du XIXe siècle ? [Interro] Pour utiliser un vocabulaire plus chargé, mais traduisant cependant la réalité, les États-Unis de 2002 sont -ils devenus nationalistes ? [Present] Il y aurait quelque paradoxe à ce que l' État qui a cherché, et réussi au-delà de toute espérance, à vacciner l' Europe contre le mal nationaliste ait lui -même subi sa contagion . [Il...] Il convient de poser cette question de manière directe, car la comparaison entre les États-Unis d' aujourd'hui et les grands États européens du XXIe siècle est féconde, même si elle n' est naturellement pas parfaite .
[Il...] Il est patent qu' existe une autre raison, au moins aussi forte, pour expliquer la concentration croissante de la puissance américaine sur sa dimension militaire . [Cliv_SP] C' est dans ce domaine en effet que les États-Unis jouissent de l' avantage comparatif le plus grand par rapport à leurs partenaires et à leurs concurrents .Non seulement leur primauté dans le domaine militaire est incontestable et croissante, non seulement les chances qu' un concurrent apparaisse dans ce domaine sont extrêmement faibles, mais les États-Unis ne disposent dans aucun autre secteur de l' action internationale d' un avantage comparable .Ils sont puissants sur le plan économique mais l' Union européenne est à leur mesure, comme certaines puissances asiatiques le seront peut-être demain .
[SujetInv] Plus précisément, à la difficulté rencontrée par l' Europe pour engager les sommes nécessaires à son accès à un rôle significatif en matière militaire répondent les problèmes rencontrés par l' État fédéral américain pour mobiliser des moyens suffisants pour remplir les tâches internationales qui ne ressortissent pas à l' utilisation de la force militaire .Les chiffres parlent d' eux -mêmes .Tandis que les moyens militaires des États-Unis croissaient à grande vitesse après une réduction rapide de la fin de la guerre froide jusqu' en 1994, la diplomatie et les moyens non militaires à la disposition de le gouvernement fédéral se réduisaient en termes réels d' une façon régulière et préoccupante . [On...] On se rappelle bien entendu la diminution unilatérale des contributions versées par les États-Unisétat [On...] On sait aussi que tous les secrétaires d' ÉtatétatL' aide publique au développement avait été diminuée de manière drastique jusqu' au sommet de Monterey, et encore une grande partie de ce qu' il en restait était -elle attribuée à Israël .L' augmentation annoncée à la suite des attentats du 11 septembre 2001 lors de cette réunion reste d'ailleurs encore à traduire dans la réalité .Où que l' on regarde, les moyens de l' action internationale des États-Unis, quand ils ne se situent pas dans le domaine militaire , sont en diminution sur le long terme . [Il..._SN] Il n' est donc nullement surprenant que la politique des États-UnisétatToute la question est de savoir si, face à les grands problèmes du monde contemporain, et face à les crises auxquelles les partenaires transatlantiques ont et auront à mettre fin, les moyens militaires sont nécessairement les plus pertinents, surtout s' ils ne sont pas épaulés par des moyens civils suffisants, qui demandent patience et constance .
Les exemples de l' insuffisance d' une approche principalement militaire abondent . [Il..._SN] Dans les Balkans, il est heureux que les États-UnisétatIncontestablement, l' approche européenne était demeurée trop timorée pour en imposer à Milosevic . [On...] En ce qui concerne le Kosovo, on peut considérer que la volonté américaine d' imposer une solution avec des moyens militaires a affaibli la communauté internationale en contournant le Conseil de sécurité des Nations unies et en rejetant la Russie dans une opposition de principe qu' elle n' aurait pas nécessairement maintenue si le processus de Rambouillet avait pu parvenir à sa conclusion . [SujetInv] Encore faut -il admettre que, sans la menace américaine de recourir à la force, la communauté internationale et les Européens au premier chef auraient été privés d' un instrument essentiel de pression . [Il...] Il n' est donc pas besoin d' opposer artificiellement une approche militaire et une approche civile . [Il...] Il convient simplement de garder à l' esprit que la politique étrangère a aujourd'huipolitiqueDans les Balkans, la présence militaire européenne a excédé largement la présence américaine une fois les opérations initiales terminées .En Bosnie comme au Kosovo, les Européens forment maintenant l' essentiel des forces qui contribuent non seulement au maintien de la paix, mais également à la reconstruction et à la réconciliation .Dans ces deux domaines, économique et politique, la contribution européenne dépasse largement celle des États-Unis .La même chose est vraie en Afghanistan, où pourtant l' enjeu après le 11 septembre était et demeure vital pour les États-Unis et où l' expérience désastreuse de leur retrait à la fin de les années 80 aurait dû les inciter à plus de patience .
Le résultat de cet état de faits est que les États-Unis sont tentés de se cantonner à l' aspect militaire de la gestion des crises .Le Congrès est le plus souvent hostile au nation-building, car il répugne à la grande majorité des militaires américains . [Cliv_SN] C' était cet état d' espritétatCette attitude, couplée à une forte résistance à financer les efforts de reconstruction civile, amène les dirigeants américains à se focaliser sur les tâches militaires, et à tenter de faire assumer les tâches civiles par leurs alliés . La leçon de la guerre américaine contre l' Irak en 1991 , dont le financement a pour l' essentiel été assuré par des pays non combattants , a été retenue, et étendue à l' après-guerre .
Les Européens sont naturellement les premiers alliés auxquels les Américains font appel dans ces situations, ne serait -ce que parce que ils rencontrent pour leur part un problème inverse de celui des États-Unis : autant il leur est difficile de financer un effort militaire, autant il leur est aisément loisible de contribuer, soit directement soit par l'entremise de l' Union européenne, à la reconstruction et à la remise sur pied de la société des pays où viennent de se dérouler des opérations de gestion de crise .Cette situation peut avoir des conséquences désastreuses en termes d' utilisation de leur puissance internationale : le spectacle des avions et des missiles israéliens financés par de l' aide américaine détruisant des installations civiles et policières palestiniennes largement financées par le contribuable européen fournit un exemple extrême et spectaculaire de l' impasse dans laquelle peut placer l' incapacité à influer sérieusement sur le cours des choses, tout en s' impliquant sur le plan matériel .L' évolution des événements dans les Balkans , où la situation est moins contrastée , donne aussi à réfléchir à plusieurs égards .En Bosnie comme au Kosovo, les fonds européens financent une situation qui a été largement le résultat de plans imposés par la force américaine, même s' il est juste d' ajouter que les plans de paix américains devaient beaucoup dans le cas de la Bosnie au plan Juppé et dans celui du Kosovo au quasi-accord de Rambouillet .
Le problème posé par ces interventions est cependant celui de l' influence, ou si on préfère employer l' expression de Joseph Nye, du soft power autant que celui de la puissance brute, traduisible en termes de force militaire .Les Européens n' ont certes pas la gloire de figurer avec des mentions flatteuses sur leurs capacités militaires dans les bulletins de CNN, mais leur contribution à la remise sur pied de pays en guerre leur permet dans les meilleurs cas d' exercer une influence à long terme sur les sociétés de ces pays . [Present] Il s' agit ici de l' aide à la création d' États ou au moins deétat [Il..._SN] Il est probable que les États et les systèmes construits sur ces basesétatLes Européens utilisent eux aussi leur avantage comparatif, avantage que leur concèdent les Américains .
[Present_SP] Il s' agit pour l' Union et pour ses États membres d' étendre le modèle " européen " sur le plan international, et d' assurer à celui -ci une légitimité d' autant plus grande que personne ne pourra le présenter comme l' effet d' une volonté de pouvoir . [On...] On retrouve là l'une des manifestations de l' influence dont les États-Unis étaient coutumiers jusqu' au milieu de le Xxe siècle .Sans doute parce que Kagan préfère celles de la puissance classique à l' européenne, il semble les assimiler à un élément de faiblesse, mais la réalité ne colle pas exactement à cette affirmation .En fait, la concession que font les États-Unis , sous l'effet de leur politique intérieure , à les Européens de cette dimension de l' influence internationale a pour effet de diminuer leur propre influence .Comme l' écrit Joseph Nye dans un livre récent, l' utilisation de la force militaire, ou l' affirmation sans concession de sa puissance, ce que nous appellerions la mise en oeuvre d' un nationalisme traditionnel , peuvent en réalité diminuer l' influence réelle d' un pays en diminuant sa capacité à attirer vers lui les meilleurs esprits chez ses partenaires étrangers .
Le fait pour les Européens de s' être spécialisés, certainement par défaut, dans cette dimension de la puissance internationale donne un surcroît de légitimité à leurs politiques étrangères, en particulier par contraste avec l' attitude des États-Unis .De là provient une plus grande capacité à créer des coalitions de circonstance sur les dossiers où les Américains sont isolés .L' environnement, les processus judiciaires internationaux , la lutte contre les inégalités dans le monde constituent des questions sur lesquelles les Européens n' ont pas nécessairement une attitude angélique ni même altruiste .Ils poursuivent des intérêts .Pourtant, il leur est fait crédit sur le plan international d' une posture " internationaliste " qui leur assure des soutiens ou à tout le moins une moindre opposition que ce n' eût été le cas s' ils avaient affirmé plus brutalement leurs positions . [interro] Croit -on par exemple qu' en matière agricole les Européens s' en tireraient à aussi bon compte dans leurs rapports avec le tiers monde s' ils n' avaient par ailleurs l' image d' un ensemble politico-économique conciliant ? [NoSaber] Ne pas l' avoir noté représente, représente, nous semble -t-il, l'une des faiblesses principales de la thèse de Kagan .
D' un autre côté, Robert Kagan a parfaitement raison de penser que la création d' une entité nouvelle rassemblant des nations différentes, aux traditions et intérêts variés, rend difficile la traduction de la masse en puissance .Rapprocher des intérêts divers et parfois divergents tend à contraindre dans l' action, parce que les positions communes sont difficiles à atteindre, sont souvent le résultat de compromis diplomatiques plus formels que réels, et ne peuvent tenir que si chacun de leurs éléments est maintenu, ce qui ne facilite pas à proprement parler la souplesse dans les positions qui est inséparable de la réussite diplomatique . [Autre_SN] C' est pourquoi l' addition de capacités brutes n' équivaut pas à une puissance plus grande .Contrairement à ce que pensent et disent beaucoup de Français, plus grand ne veut dire ne veut pas nécessairement dire plus fort .Le processus d' élargissement de l' Union européenne en fournit une illustration, puisque chacune de ses étapes a conduit à une période de repli de l' Union sur le plan international, suivie il est vrai d' une réaction volontariste précisément destinée à éviter le délitement de la construction européenne . [Cliv_SN] C' est la raison pour laquelle l' Europe-puissance est un slogan, une aspiration, plutôt que une réalité .
[SujetInv] Peut-être est -ce même une contradiction . [Il...] Sur ce point, il convient d' aller plus loin que Kagan : ce sont les conceptions mêmes de ce que sont l' État et la société politique, et des fins qu' ils sont amenés à poursuivre, qui divergent entre pays européens .L' expérience historique du siècle écoulé est interprétée très différemment en Allemagne, en France et au Royaume-Uni . [On...] Pour faire court, on rappellera que les Allemands se méfient à la fois de l' État allemand centralisé, qui leur a apporté de grands maux, et de sa reproduction à l' échelle européenne .Plus que tout, ils se méfient de l' utilisation de la force militaire, dont il est raisonnable de dire qu' elle a entraîné pour l' Allemagne autant que pour ses voisins des conséquences désastreuses . [Il..._SN] Il n' est pas surprenant que les Allemands décrivent en majorité la Suisse comme le modèle qu' ils envisagent pour une Union européenne achevée .Pour les Français, l' État est au contraire l' expression de la nation, et la construction européenne est vue comme un moyen de magnifier l' influence française sur le plan international, tout en reproduisant les caractéristiques de l' État français au plan européen .D' où les hésitations françaises quant à l' expansion des compétences européennes, qui sont perçues sous une forme centralisée incompatible avec l' esprit d' un fédéralisme véritable et qui poussées à bout tendraient à abolir les prérogatives des États membres La France entretient également une relation complexe à l'égard de les alliances, perçues comme ayant échoué dans la première moitié du XXe siècle, ayant retenu la France dans ses tentatives de contenir la puissance allemande .Quant aux Britanniques, leur conception de la légitimité de l' utilisation de la force militaire les place aux antipodes de l' Allemagne, puisqu' ils peuvent légitimement lire l' histoire européenne contemporaine comme une justification pratique mais aussi morale de l' usage des forces armées .Leur lecture de la valeur des alliances quant à elle les place en désaccord direct avec les Français . Qu' on ajoute les problèmes spécifiques aux " petits " États, qui se méfient beaucoup d' un accord de leurs grands partenaires européens qui remettrait en cause leur faculté de défendre leurs intérêts propres , et l' image d' une " Europe-puissance " , ou même d' une Europe capable d' utiliser les instruments tradit apparaît bien problématique . [On..._SN] On en voit l' illustration dans le caractère largement déclaratoire de la politique européenne de sécurité et de défense, et de ses avatars antérieurs . [Cliv] C' est aussi la raison pour laquelle les Européens se spécialisent dans le soft power .
Cependant, le trait ne doit pas être forcé .En premier lieu, parler d' Europe est toujours dangereux : les Britanniques et, dans une moindre mesure, les Français ont une conception plus traditionnelle de la puissance que beaucoup de leurs partenaires .Ils sont prêts à utiliser la force quand les autres moyens de recours sont épuisés . [On...] On le voit bien dans l' affaire du désarmement irakien où les positions britannique et française sont moins éloignées sur le fond qu' il n' y paraît, toutes deux soucieuses de renforcer le rôle du Conseil de sécurité des Nations unies, mais prêtes à faire entendre les armes si Saddam Hussein refuse de se conformer à ses obligations internationales .L' Espagne et l' Italie ont affirmé une attitude de principe assez proche .L' Allemagne a pris des positions très différentes, mais elle ne représente pas à elle seule l' Europe . [Il...] Quand d'autres pays ont des problèmes bilatéraux à régler, telle l' Espagne lors de son différend avec le Maroc sur l' îlot de Persil pendant l' été 2002, il n' est pas rare qu' ils fassent entendre le langage de la force .La vision de l' Europe qu' a Kagan, de ce point de vue , est trop marquée par l' approche procédurière de l' Union européenne .
Si l' Europe qu' il décrit est par trop marquée par Bruxelles, l' Amérique qu' il perçoit est quant à elle sans doute trop rêvée . [interro] Prend -il ses désirs pour des réalités ?Les États-Unis, même ils ils mettent moins de réserves à l' engagement armé que leurs partenaires européens, ne sont pas devenus une puissance sans limite .Ils demeurent même parfois curieusement pusillanimes .La campagne en Afghanistan en a fourni une illustration .Même en réponse à une attaque sanglante, de sang-froid et sans provocation comme celle du 11 septembre, les États-Unis ont manifesté une restriction tout " européenne " au sens de Kagan dans l' action militaire, quand il s' est agi de poursuivre les milices d' Al-Qaida dans les grottes de Tora Bora, puisque les troupes américaines n' ont pas engagé le combat et ont laissé l' essentiel des dirigeants et des forces terroristes s' échapper .Ce défaut d' engagement direct des forces qui caractérise la tactique militaire américaine dans les conflits récents s' explique sans doute par un désir compréhensible de ne pas exposer ses hommes au combat direct, mais il n' est pas l' expression d' un pays animé par l'esprit martial décrit par notre auteur comme animant l' Amérique .La dichotomie euro - américaine est sans doute beaucoup moins forte que celle que décrit Kagan . [On...] Et peut-être même inverse : on verrait mal les forces britanniques ou les forces françaisesforce
Le vrai problème transatlantique tient surtout aux conceptions divergentes de l' action internationale qu' ont les partenaires américains et européens .Toute la question est de savoir ce qui est pertinent en matière de puissance internationale dans le monde d' aujourd'hui .Qu' elle est la vraie capacité à agir sur les événements : la puissance militaire ou la persuasion ( soft power ) ? [Present_SN] Il existe des cas de plus en plus nombreux dans lesquels la force militaire est inutilisable, et donc impuissante .Cela est patent en matière de relations entre pays " occidentaux ", dans lesquelles on voit mal les États-Unis utiliser leurs armes .Celles -ci leur donnent dans ce cadre un prestige plus qu' une puissance . [Cliv_SN] Mais c' est le cas de manière plus générale .Quand au début de le mandat du président Bush un incident militaire se produisit en mer de Chine, l' Administration n' envisagea pas sérieusement de recourir à la force face à une puissance nucléaire : les " durs " eux -mêmes parlaient sanctions économiques et isolement diplomatique et non intervention militaire .Le nombre de cas où la force militaire joue aujourd'hui un rôle décisif est relativement réduit .Cela ne veut pas dire qu' il faille adopter une analyse angélique ou méprisante à l'égard de la pertinence des instruments militaires, comme c' est trop souvent le cas en Europe du Nord : l' expérience des Balkans montre leur pertinence . [interro] Encore faut -il que les instruments militaires soient adaptés aux situations concrètes : à quoi sert -il d' avoir des Apaches ou des B2 si leur engagement est rendu improbable par la crainte de les perdre ?
L' important pour les partenaires transatlantiques est de se rapprocher sur ces points : avant de parler de faire de l' Europe une puissance, il s' agit de renforcer les moyens militaires de ses membres, et de se préoccuper prosaïquement des crises à régler .La conclusion à tirer de l' expérience balkanique, de ce point de vue , est que l' Europe aurait été mieux servie par une intervention ad hoc ou nationale quand Milosevic menaçait Dubrovnik que par d' ambitieux schémas institutionnels .Quant aux Américains, ils ne doivent pas devenir prisonniers de leurs moyens militaires : il leur faut se donner les moyens de contribuer à la solution des crises par d'autres moyens .ils ils laissent les Européens reconstruire après eux aux quatre coins du globe, ils feront de l' Europe ce qu' un observateur américain appelait récemment le centre moral du monde .Leur leadership n' en sera que plus contestable, et donc plus fragile car plus contesté .
AUTEUR : Barthélémy Courmont
L' objectif de cette étude est double . [Present_SP] Il s' agit de mesurer le rôle du Congrès des Etats-UniscongrèsUn tel travail devrait également permettre de rappeler la répartition des pouvoirs instituée par la Constitution, que les parlementaires ne manquent d'ailleurs jamais de rappeler . [Present] Il s' agit d'autre part, à la lumière de les enseignements tirés du passé et du contexte actuel, d' évaluer les possibilités offertes à l' Administration Bush par les débats qui ont précédé la récente guerre en Irak, dont les parlementaires ont accepté le principe en septembre 2002, bien avant que les opérations ne commencent, en mars 2003 .Cette étude permettra de mieux comprendre le rôle du Congrès en matière de politique étrangère, en particulier en ce qui concerne l' envoi de forces armées sur des théâtres extérieurs, qui, vu de l' étranger, en représente incontestablement l' aspect le plus significatif .
Les pouvoirs de guerre, habilement répartis par les " pères fondateurs " , sont clairement définis dans la Constitution des Etats-Unis .Par ailleurs, en 1973, dans un climat général de détente, les membres du Congrès ont décidé, malgré le veto du président Richard Nixon, de voter le War Powers Act, qui donne plus de légitimité aux parlementaires dans les décisions prises en temps de guerre, en particulier dans le déclenchement des conflits .
Mais la Constitution a également prévu de donner davantage de prérogatives au chef de l' Exécutif, qui est aussi le chef des armées, lorsqu' il s' agit de répondre à une menace de grande ampleur .En de telles circonstances, le président est le seul défenseur des institutions . [Cliv] En fait, ce sont surtout les garants de la Constitution, c' est-à-dire les parlementaires, qui ont accepté de limiter temporairement leurs pouvoirs pour faire face à une situation exceptionnelle, en privilégiant l' unité plutôt que le dialogue .Dans l'une de ses oeuvres majeures, Jean-Jacques Rousseau donne une définition du dictateur, investi de pouvoirs en cas de crise majeure : " Si le péril est tel que l' appareil des lois soit un obstacle à s' en garantir, alors on nomme un chef suprême, qui fasse taire toutes les lois et suspende un moment l' autorité souveraine . " C' est de ce modèle que les pères fondateurs se sont inspirés, et sur la base duquel est assuré le bon fonctionnement des institutions des Etats-Unis depuis plus de deux siècles .
Depuis cette époque, toutefois, un certain nombre d' événements et d' initiatives ont quelque peu modifié les relations entre les pouvoirs exécutif et législatif en matière de politique étrangère .Du président ou du Congrès, il est parfois difficile de savoir qui a le dernier mot dans la prise de décision, et leurs choix peuvent s' inverser selon les circonstances .Les conséquences de cette double origine de la prise de décision ne sont pas les mêmes en temps de paix et en temps de guerre, quand les décisions doivent être prises rapidement et par un cercle restreint de dirigeants .De même, le processus de décision varie selon le niveau de la menace, ou plus exactement de la façon dont celle -ci est perçue .Durant la guerre froide, quand les intérêts des Etats-Unis pouvaient être rapidement menacés, le président avait la possibilité de prendre certaines initiatives dans l' urgence sans demander l' avis du Congrès, qui ne portait de jugement qu' a posteriori .Cette " présidence impériale " avait le mérite d' offrir une lecture simple de la politique étrangère, qui permettait une efficacité totale du processus décisionnel . [Autre_SN] C' est pourquoi " la plupart des professionnels de la politique étrangèrepolitiqueMais, progressivement, à partir de la fin de la guerre froide et de la disparition de la menace soviétique, les gouverneurs des Etats - et surtout les membres du Congrès - ont pris une place de plus en plus importante dans les décisions de politique étrangère, considérant qu' ils devaient être consultés en cas de intervention extérieure .
Bien que la question des pouvoirs de guerre n' ait jamais cessé d' être au coeur des débats de politique étrangère, elle connaît un regain d'importance avec l' intervention militaire contre l' Irak et la " croisade " antiterroriste engagée au lendemain des attentats du 11 septembre 2001 .Les premières mesures proposées dans ce cadre ont été accueillies favorablement par une énorme majorité au Congrès, et souvent soutenues par autant de parlementaires démocrates que républicains .Ainsi, la loi sur la lutte antiterroriste, également appelée Patriot Act , a été adoptée par les sénateurs le 25 octobre 2001, en dépit de un contenu parfois jugé attentatoire aux libertés civiles . [SujetInv] Fait rare, un texte était adopté à peine six semaines après les attentats, dans un Sénat pourtant majoritairement démocrate, et sans susciter beaucoup de discussions .Les sénateurs ont également su taire leurs rivalités politiques pour critiquer les dysfonctionnements des services de renseignement, aussi bien lors de les attentats du 11 septembre que dans le cadre de les enquêtes sur le bio-terrorisme .
[Cliv] Ce n' est donc qu' une fois la " phase deux " de la campagne antiterroriste engagée que les parlementaires ont réellement montré un certain scepticisme quant à l' opportunité de reconduire les pouvoirs exceptionnels accordés au président George W. Bush par le Patriot Act .Les divergences, qui avaient commencé à se manifester dès la campagne militaire en Afghanistan , ont pris une tout autre dimension avec les plans de guerre contre le régime de Saddam Hussein .Ainsi, même si les parlementaires ont soutenu, pour des raisons essentiellement politiques, le principe d' une campagne militaire en Irak , en octroyant , en septembre 2002 , les pouvoirs de guerre à le président George W. Bush , ils n' ont pas manqué de rappeler l' étendue de leurs prérogatives institutionnelles lors de multiples débats . [NoSABERTopth_Pred] Le 11 septembre, s' il a profondément bouleversé la perception de la sécurité aux Etats-Unis, n' a donc pas eu d' effet majeur sur la relation Exécutif / Législatif en ce qui concerne les pouvoirs de guerre .La position des parlementaires républicains en est la meilleure illustration : politiquement proches de l' Administration, ils sont favorables aux mesures de sécurité adoptées depuis les attentats de New York et de Washington, mais aussi particulièrement réactifs quand il s' agit de défendre leurs prérogatives constitutionnelles .Un tel constat permet de mieux appréhender les crises futures auxquelles les Etats-Unis devront faire face, et surtout de mieux décrypter les positions du Congrès .
La question des pouvoirs de guerre n' est qu' une composante de la rivalité opposant l' Administration au Congrès, qui caractérise l' ensemble de la vie politique aux Etats-Unis .Dès lors que les conditions d' une intervention militaire sur un théâtre extérieur se trouvent remplies, les parlementaires mettent en avant les prérogatives qui leur sont offertes par la Constitution .Moins présents pendant la guerre froide, durant laquelle ils ont laissé au président une plus grande liberté d' action, les membres du Congrès sont revenus, depuis le début des années 1990, à une lecture plus fidèle des textes rédigés par les pères fondateurs, notamment à l'occasion de la guerre du Golfe ( 1990-1991 ) . [Il..._SN] Il convient donc de s' attarder sur le principe constitutionnel de cette répartition des pouvoirs,pouvoir
La Constitution des Etats-Unis définit les pouvoirs du Congrès en matière de relations internationales par " la défense des intérêts nationaux, la régulation du commerce, la déclaration de guerre, et le soutien aux forces armées " .Ces prérogatives sont souvent rappelées par ceux qui défendent le rôle des parlementaires dans les affaires étrangères, en particulier depuis la fin de la guerre froide .De son côté, le président ne peut déclencher une guerre ni mener d' opérations militaires qu' avec l' accord de deux tiers des sénateurs, tout comme il ne peut, seul et sans l' aval du Congrès, nommer des ambassadeurs .En outre, le Congrès peut engager une procédure de destitution du président si celui -ci met en danger les intérêts de la nation .Ces pouvoirs sont d' autant plus déséquilibrés qu' il appartient également au Congrès de financer les différentes opérations, ce qui lui donne les moyens d' influencer considérablement la politique étrangère, voire de l' orienter dans une direction opposée à celle de l' Administration .En votant ou non le budget et les fonds accordés à des interventions extérieures, les parlementaires peuvent ainsi bloquer la politique étrangère de la Maison-Blanche chaque fois que ils considèrent qu' elle ne répond pas à leurs aspirations ou à celles des électeurs .Cet équilibre a été délibérément souhaité par les pères fondateurs . [Present_SN] Rédigée_NEW_ il y a plus de deux siècles, la Constitution se présente avant tout comme un " garde-fou " et se veut la plus représentative possible des aspirations de la population .Fait intéressant, les présidents américains ont longtemps été sensibles à cette répartition des pouvoirs, qu' ils jugeaient totalement justifiée puisqu' elle permettait de servir au mieux la démocratie ; cela s' expliquait en grande partie à la fois par l' absence de menace extérieure pesant sur le pays et par la volonté de ne pas s' impliquer dans les questions internationales .Ainsi, Abraham Lincoln pouvait déclarer que " le texte de la Constitution donnant le pouvoir de guerre au Congrès était dicté, comme je l' ai compris, par l' impératif suivant : les rois ont toujours entraîné leurs peuples dans des guerres qui les ont appauvris, tout en prétendant généralement qu' elles étaient faites pour leur bien .Notre convention a compris qu' il s' agissait là de l'une des plus grandes formes d' oppression, et a fait en sorte que il ne fût pas dans le pouvoir d' un seul homme d' opprimer ainsi tous les autres " . [Cliv_SN] Autre fait notable : c' est le Congrèscongrès [Cliv] Ce fut aussi sous l' influence du Congrèscongrès
Dans ses relations avec la Maison-Blanche, l' initiative du Congrès la plus significative pendant la guerre froide a été l' adoption, en 1973, du War Powers Act, dans un climat de détente caractérisé par les accords bilatéraux sur le désarmement, mais également par la guerre du Vietnam et le scandale du Watergate .Certains parlementaires souhaitaient limiter les pouvoirs du président afin de éviter une escalade, comme sous Lyndon B. Johnson .D'autres, sensibles à les dérives de le pouvoir présidentiel , illustrées par les problèmes de le président Richard Nixon , ont simplement cherché à sanctionner l' Exécutif . [Il...] A ce titre, il convient de noter que le consensus sur le War Powers Act, qui émanait pourtant du camp républicain, a largement dépassé le traditionnel clivage partisan, preuve qu' il s' agissait bien davantage d' une question de prérogatives institutionnelles que de l' expression d' idées politiques .
Cette loi a pour objet de limiter les pouvoirs du président en cas de conflit armé, en faisant intervenir le Congrès de façon systématique dans la décision .Elle prévoit que le président, s' il veut engager le pays dans une opération militaire, doit au préalable obtenir l' accord du Congrès, soit à la suite de une déclaration de guerre, soit en invoquant l' urgence nationale provoquée par une attaque contre le territoire du pays ou contre ses forces armées .Dans cette seconde hypothèse, le président doit, sous 48 heures, remettre un rapport aux présidents des deux Chambres pour rendre compte de ses actes, puis un autre six mois plus tard .Ces rapports sont délivrés aux parlementaires, qui jugent de la légitimité de l' opération et de sa poursuite .Les enseignements que l' on peut tirer de ce dispositif sont multiples .D'une part, dans un climat marqué par la détente entre les deux blocs et la diminution de certaines menaces - la loi faisait suite à la signature des accords SALT ( Strategic Arms Limitation Talks ) avec l' URSS -, les parlementaires souhaitaient contrôler les opérations extérieures en allant au-delà de que ce que leur permettait la Constitution .D'autre part, ce contrôle supposait une diminution du nombre d' interventions à l' étranger, qui seraient sélectionnées en fonction de leur importance .Ce dispositif concernait en priorité les opérations de faible intensité, dans lesquelles les intérêts des Etats-Unis n' étaient, en général, pas menacés de façon substantielle .
Pendant les années 1980, le retour d' une certaine tension internationale a permis de concilier l' affirmation de l' autorité du président sur les questions stratégiques majeures avec le rôle accru du Congrès dans les interventions plus limitées .Celles -ci restent d' actualité après la fin de la guerre froide et offrent aux parlementaires la possibilité de bloquer les initiatives jugées inopportunes de la Maison-Blanche .De cette manière, les pouvoirs du président dans la conduite d' un conflit armé sont encore plus limités, le chef de l' Exécutif devant faire approuver ses initiatives par le Congrès .De nombreuses voix ont demandé la suppression de ce texte ou, au contraire, plaidé pour son maintien dans un environnement post-guerre froide .
A la suite des opérations en Bosnie, en 1995, un certain nombre de parlementaires ont ainsi demandé que le Congrès exerce un contrôle plus étroit sur la politique étrangère du pays, exigeant notamment que toute opération extérieure souhaitée par le président obtienne l' accord explicite des parlementaires .Ces initiatives, approuvées par la majorité de les parlementaires et souvent bipartisanes , illustrent une tendance au renforcement des pouvoirs du Congrès - et en particulier de ceux de la Chambre des représentants - en matière de décision de projection de forces ou d' engagement dans un conflit armé .
La bonne conduite de la politique étrangère des Etats-Unis suppose une complémentarité des pouvoirs exécutif et législatif .Le président, en vertu de les pouvoirs qui lui sont conférés par la Constitution , peut proposer une opération militaire et l' engagement des forces armées .De son côté, le Congrès a le pouvoir de juger et de décider si ces orientations doivent ou non être suivies .Ainsi, le président propose et le Congrès dispose . [NoSaber] De cet équilibre, fragilisé en temps de cohabitation, dépend la cohérence des orientations du pays en matière de relations internationales .Cependant, la Constitution elle -même , en donnant 0 des pouvoirs à les différents organes , ne répond pas totalement à la question de savoir qui détient la véritable autorité dans la prise de décision .En effet, les parlementaires ont le pouvoir de bloquer les propositions du président, influençant de cette façon les choix de politique étrangère .Dans certaines circonstances, le Congrès peut même orienter positivement les choix de l' Exécutif en faisant pression sur des dossiers qui lui tiennent à coeur . [Cliv_SN] Ce fut le cas au cours de les années 1980, quand les parlementaires imposèrent au président d' adopter des sanctions à l'égard de l' Afrique du Sud, en proposant, à la suite de rapports des commissions concernées, un certain nombre de résolutions auxquelles la Maison-Blanche ne put se soustraire . [Cliv] Ce fut également le cas pour les relations avec Cuba lors de l' adoption de la loi Helms-Burton sur les sanctions économiques et commerciales, en 1996 .
Dans l' ensemble, le Congrès dispose de prérogatives lui permettant, quand le cas se présente, de bloquer les initiatives présidentielles ou, à l' inverse, de les influencer, voire même de les forcer .En temps de guerre, ou sous la pression d' une menace pesant sur les intérêts vitaux du pays, un consensus bipartisan offre en revanche au chef de l' Exécutif de plus larges pouvoirs en matière de politique étrangère, ce qui lui permet de prendre des initiatives sans en aviser le Congrès au préalable .Certains experts remarquent que le président ne respecte que rarement le War Powers Act et ne laisse au Congrès l' appréciation d' une intervention qu' une fois celle -ci engagée .Ce renforcement du pouvoir présidentiel s' explique principalement par les lenteurs du processus législatif et l' inefficacité des débats partisans en cas de crise soudaine . [Cliv] C' est ainsi que le chef de la Maison-Blanche justifie le plus souvent l' engagement de forces armées, quand celui -ci n' a pas été décidé avec l' accord du Congrès, qui lui est normalement indispensable, par la lecture de la Constitution .
La présidence " impériale " , héritée de la Seconde Guerre mondiale et maintenue pendant la guerre froide , a eu pour effet de neutraliser totalement les parlementaires dans le domaine de les relations internationales . [Cliv_SN] Ce fut le cas lors de la guerre de Corée .guerreLe président Harry S. Truman n' a pas consulté les parlementaires pour engager le pays dans le conflit, et Dwight D. Eisenhower, son successeur, a habilement usé de son influence et des pouvoirs dont il disposait pour se retirer trois ans plus tard de la péninsule .Par la suite, la guerre froide a été marquée par une multitude d' actions initiées par l' Administration, sans que le Congrès ait la possibilité de faire valoir ses droits constitutionnels, et ce, jusqu' à la fin de les années 1980 et l' arrivée au pouvoir de George H.W. Bush .Une telle attitude du président était légitimée par la menace que faisait peser l' Union soviétique, si bien que même les plus fervents défenseurs du War Powers Act, comme Jacob K. Javits, le sénateur républicain de New York qui avait été à l'origine du texte, ne discutèrent pas la décision du président Ronald W. Reagan d' envoyer, sans consultation préalable, des marines au Liban, en 1983 .Avec autant d' admiration que de scepticisme, Michael Beschloss explique à ce propos que " le président était le centre du système solaire politique américain, le centre de la politique étrangère et intérieure, et la personne la plus puissante du gouvernement " .
Certains experts estiment légitime de donner au président des pouvoirs plus importants en cas de crise majeure ou quand les intérêts du pays sont directement menacés .Dans de telles situations, les statuts sont exceptionnellement modifiés, et le président assume pleinement son rôle de chef des armées sans que le Congrès vienne s' interposer .D'ailleurs, même les pères fondateurs n' avaient pas hésité à offrir au président des pouvoirs renforcés pour répondre de façon plus efficace aux menaces que représentaient les deux grandes puissances de l' époque, le Royaume-Uni et la France .Les mêmes arguments justifièrent la " présidence impériale " de la Seconde Guerre mondiale, puis celle de la guerre froide, les Etats-Unis étant directement menacés par l' Union soviétique, notamment par le biais de les armes nucléaires .David Calleo estime ainsi que, " depuis Franklin D. Roosevelt, les Etats-Unis ont connu un long cycle de déséquilibre constitutionnel au profit de un président - un cycle qui s' est prolongé avec la guerre froide " .Ainsi, et même après le vote du War Powers Act, chacun était conscient que le président pouvait agir seul en cas de crise majeure .
Ce consensus sur la légitimité de la toute puissance de l' Exécutif a permis de clarifier la politique étrangère pendant plusieurs décennies, qui sont marquées par les bonnes relations qui ont prévalu entre les Administrations successives et le Congrès .Dans le même temps, cela a eu pour effet d' affaiblir les commissions chargées des affaires internationales, tant à la Chambre des représentants qu' au Sénat .Un officiel de l' Administration de Ronald W. Reagan a même déclaré, à propos de la perte d'importance de ces commissions, que " l'une était morte dans le vin, et que l' autre s' était fragmentée en petits empires " .Cela s' expliquait notamment par le fait que les parlementaires privilégiaient d'autres commissions, grâce auxquelles ils pouvaient avoir une plus grande influence, de façon plus nette encore à la Chambre des représentants qu' au Sénat .Certes, quelques tentatives de reprise en main de la politique étrangère par le Congrès se sont manifestées, notamment en 1939, quand ce dernier s' est opposé à l' intervention militaire en Europe ; mais les parlementaires, jusqu' à la fin de les années 1980, n' ont pas été en mesure de opposer de résistance significative à l' Administration, celle -ci prenant seule les décisions importantes en temps de crise .
En 1988, certains parlementaires, conscients que le War Powers Act pouvait être utilisé à des fins purement politiques , et donc menacer la sécurité de les citoyens , ont proposé de le remplacer par un Use of Force Act, qui laissait au président la possibilité de venir en aide aux ressortissants des Etats-Unis mis en danger hors du territoire national .Cette requête répondait aussi bien aux nouvelles menaces émanant de groupes terroristes qui multipliaient les enlèvements et les prises d' otages, qu' aux conflits de faible intensité auxquels des Américains étaient directement exposés ( République dominicaine, Panama, Grenade ) : l' Administration, paralysée par des contraintes constitutionnelles, n' avait pu régler rapidement ces questions .
Limité pendant la guerre froide, tant par la nécessité de se ranger derrière l' autorité du président que par l' absence d' une réelle expertise des questions extérieures, le Congrès, après la disparition de l' Union soviétique, a renoué avec une lecture plus fidèle de la Constitution . [Cliv] C' est ainsi que les parlementairesparlementaire
La guerre du Golfe est souvent citée comme l' exemple d' un parfait succès de la machine de guerre des Etats-Unis, de leur habileté à réunir des coalitions ad hoc et de leur unité dans l' épreuve .Parallèlement à ces bons résultats, la crise du Golfe, qui a précédé l' intervention armée, a vu s' opposer au Congrès les partisans de l' intervention et les opposants à la guerre, plaçant souvent l' Administration de George H.W. Bush dans une position délicate, avant que les relations entre l' Exécutif et le Législatif se normalisent et que les opérations puissent commencer .Rapidement conscient que l' argument de l' invasion du Koweït, il s' permettait de légitimer l' adoption de résolutions à le Conseil de sécurité de les Nations unies , ne pouvait justifier l' utilisation de la force, ni l' envoi de plusieurs dizaines de milliers d' hommes dans la région, le président George H.W. Bush n' a eu de cesse de placer les questions relatives à la défense de l' Arabie Saoudite au centre de les discussions .Par extension, la guerre contre l' Irak devenait peu à peu une croisade du " Bien " contre le " Mal ", dans laquelle les Etats-Unis ne défendaient pas uniquement des intérêts nationaux, mais l' équilibre du monde libre .
Ainsi, dès l' invasion du Koweït, le Sénat, suivi de peu par la Chambre de les représentants , s' est rangé derrière le président, lui demandant d' agir avec tous les moyens nécessaires pour obtenir le retrait des forces irakiennes .Comme l' expliquait à l'époque Yves Boyer, cette harmonie entre l' Exécutif et le Législatif ne faisait que traduire le soutien massif de l' opinion publique, approuvant à 70 % cette action " . [Present] En réalité, il s' agissait plutôt d' une manoeuvre de la Maison-Blanche, exécutée en période de congés parlementaires de façon à éviter les critiques du Capitole, une politique active de communication devant permettre de s' assurer un soutien populaire .Dick Cheney , alors secrétaire à la Défense , reconnut d'ailleurs que " le fait que le Congrès soit en congé fut un avantage . [On..._SP] Nous pouvions profiter du mois d' août pour faire ce que nous avions à faire, plutôt que de s' expliquer devant lui " .L' harmonie masquait un choix délibéré de l' Exécutif pour éviter que les débats institutionnels ne retardent l' adoption de résolutions et n' empêchent l' envoi de forces armées au Moyen-Orient .
Mais l' euphorie du mois d' août fut de courte durée .Le Sénat ne tarda pas à inviter le président à venir se présenter devant le Congrès pour expliquer ses plans .L' argument de la défense du pays étant rapidement écarté , les parlementaires rappelèrent au chef de l' Exécutif que les pouvoirs de guerre étaient reconnus par la Constitution et que toute opération extérieure devait recevoir leur aval . [Il...] En effet, si des pouvoirs exceptionnels peuvent être attribués au président en cas de situation d'urgence, il n' en va pas de même en cas de envoi de troupes sur un théâtre extérieur dans le cadre de une grande offensive, quelle qu' en soit d'ailleurs la justification .Et le fait que les deux Chambres étaient alors majoritairement démocrates n' a fait que renforcer la vigueur du Congrès face à les propositions de l' Exécutif républicain .
Le président George H.W. Bush , conscient que le soutien de le Congrès ne lui était acquis pas , en dépit de l' approbation constante de l' opinion publique à le principe d' une intervention en Irak , a longtemps justifié le fait de ne pas se présenter devant les parlementaires en se prévalant des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies .Harry S. Truman avait fait de même en 1950 dans la guerre de Corée : il avait envoyé des troupes sans en informer le Congrès, en se fondant sur les résolutions de l' ONU . Mais le War Powers Act n' existait pas à cette époque, et le cas de la crise du Golfe est donc différent de celui de la guerre de Corée .Toutefois, en 1990 comme en 1950, le principe de l' intervention s' appuyait essentiellement sur les résolutions du Conseil de sécurité, qui devaient l' emporter sur les considération de politique intérieure, du moins aux yeux de l' Administration .
Le 17 septembre 1990, interrogé sur la question des pouvoirs de guerre, Dick Cheney estimait que le War Powers Act pouvait être considéré comme inconstitutionnel, dans la mesure où il imposait des limites aux prérogatives constitutionnelles du président, notamment dans son rôle de chef des armées .De tels propos illustrent l' option qui fut choisie par l' Administration : adopter la même position que sous les Administrations Reagan et éviter autant que possible de se présenter devant des parlementaires hostiles, sans pour autant avoir le moindre argument permettant de justifier une telle attitude .Cet épisode met en évidence le fait que, de façon générale, le War Powers Act n' a jamais été reconnu comme constitutionnel par l' Exécutif, qui a toujours considéré qu' il octroyait un pouvoir abusif au Congrès .En ce sens, l' Administration de George H.W. Bush ne faisait que reprendre une rhétorique déjà utilisée précédemment, et qui a continué d' être employée par la suite .
Le sénateur Sam Nunn ( démocrate , Géorgie ) , alors président de la commission de les Forces armées , fut le premier des parlementaires à s' élever contre la décision d' envoyer des troupes en Irak .Parmi les initiatives les plus marquantes, il invita plusieurs personnalités à témoigner et à lui apporter leur soutien contre la guerre . [SujetInv_SP] Ainsi se succédèrent au Capitole l' amiral William Crowe, le général David Jones, l' ancien secrétaire à la Défense James Schlesinger, l' ancien secrétaire à la Marine James Webb, et l' ancien directeur du National Security Council, William Odom .Chacun s' éleva contre la guerre, usant d' arguments aussi variés que l' inutilité d' une telle campagne, la mauvaise adaptation des forces armées à ce type d' opération, les risques de pertes humaines, les conséquences du conflit sur la stabilité de la région et du monde en général, et la nature des objectifs à long terme ( ce point étant le plus intéressant, puisqu' il concerne les relations entre les pouvoirs exécutif et législatif en temps de guerre ) .Seul Henry A. Kissinger , également invité par Sam Nunn , ne partagea pas l' opinion des autres personnalités, considérant qu' il n' y avait pas d' autre option que d' engager les forces armées, et que les parlementaires devaient soutenir en bloc l' Administration .
Les réactions du président à les critiques de le Congrès montrèrent à la fois son agacement et son impuissance .Considérant qu' il était de son devoir de prendre des décisions rapidement, notamment du fait des otages détenus à Bagdad, il refusa néanmoins toute option consistant à intervenir sans consulter le Congrès, à défaut de obtenir son accord .Comme il l' écrivait dans son journal, le 28 novembre 199046 :
Le débat fait rage à présent, et Sam Nunn, qui, selon moi, vise la présidence, essaie de voir jusqu' où il peut aller .Richard Gephardt " rompt " avec le président en disant : " Non au recours à la force, les sanctions doivent porter leurs fruits . ' ' Aucun d' eux ne semble se soucier du sort des otages ; aucun ne partage mon inquiétude pour notre ambassade ...Quelle ironie de voir la droite isolationniste se ranger aux côtés de la ( vieille ) gauche incarnée par Kingman Brewster ( qui exprimait le ) syndrome de le Vietnam ! Bob Kerrey , un vrai héros de la guerre de le Vietnam , et John Glenn , un autre héros , répètent : " Pas de recours à la force, pas de recours à la force ' ' . " " ( ... ) Notre rôle de leader mondial sera de nouveau réaffirmé, mais, si nous acceptons des compromis et que nous échouons, nous serons réduits à l' impuissance totale, et il n' est pas question que cela se produise . [SujetInv] Peu importe que le Congrès vote ou non .congrèsCela n' arrivera pas ... et je tiens à impliquer le Congrès .Le grand débat continue à propos de la déclaration de guerre, mais l' important, c' est que nous avons besoin d' eux ; et je continuerai à les consulter . " Ce mépris de la Constitution, même justifié à certains égards, a eu pour effet de renforcer les rangs des opposants au principe de l' intervention, en radicalisant les positions des uns et des autres .Comme l' expliquait à l'époque Stanley Hoffmann, la réticence de l' Exécutif à soumettre sa politique à le contrôle de les parlementaires , en vertu de la législation sur les pouvoirs de guerre , a suscité de fortes tensions47 " .
Peu à peu, des élus républicains modérés se sont joints aux remarques de Sam Nunn, acceptant le principe d' une intervention, mais demandant à George H.W. Bush de se présenter devant le Congrès .Ainsi, William Cohen , alors sénateur républicain de le Maine , estimait que " le président devait énoncer sa proposition et demander au Congrès s' il approuvait ou non, et jusqu' à quel point, ses objectifs politiques48 " .En d'autres termes, les parlementaires du propre camp du président souhaitaient que celui -ci respecte le War Powers Act, et ce, d'autant que le Grand Old Party ( GOP, le Parti républicain ) en avait été l' instigateur .D'autres élus républicains , comme le très influent Richard Lugar ( sénateur de l' Indiana ) , se sont élevés contre la guerre en invoquant que le fardeau serait supporté essentiellement par les Etats-Unis .L' argument était de faire payer davantage aux alliés le coût de l' opération ( notons au passage que ce sont des revendications que Richard Lugar a maintes fois répétées au cours de la décennie 1990, et qui ont été suivies par un nombre croissant de parlementaires ) .Ces demandes n' ont cependant pas été jugées recevables en 1990, le Congrès applaudissant au contraire la capacité de George Bush et de James Baker à former une coalition et à répartir le coût des opérations entre les alliés49 .
Côté démocrate, l' opposition était encore plus radicale, certains sénateurs, comme Edward Kennedy ( démocrate, Massachusetts ), voulant à la fois empêcher George H.W. Bush d' agir seul et prendre part aux décisions politico-militaires .La presse libérale s' en est mêlée, le New York Times citant même à titre de exemple Edouard Chevarnadze, alors ministre des Affaires étrangères de l' Union soviétique, qui jugeait que " toute utilisation des troupes soviétiques hors des frontières suppose une décision du parlement soviétique " . [SujetInv] Fait étonnant, ce fut George Mitchell, alors leader de la majorité démocrate au Sénat, qui vint au secours de l' Administration de George H.W. Bush, expliquant que le moment était mal choisi pour demander au président de s' expliquer devant les parlementaires, avant d' inciter le Sénat, avec Robert Dole ( républicain, Kansas ), à adopter une résolution soutenant l' action du président ( finalement adoptée le 2 octobre 1990, avec seulement 3 voix contre ) .Cela ne l' empêchera pas toutefois de remarquer quelques semaines plus tard, à quelques heures du début de la campagne, que " le président n' a pas consulté le Congrès sur cette décision ; il n' a pas cherché le soutien du peuple américain .Il l' a simplement fait " .Ce qui prouvait que, même en temps de crise, l' unité du pays restait fragile, et que la politique partisane demeurait au centre de les discussions .
Au fur et à mesure que l' échéance du 15 janvier 1991 approchait, les positions des uns et des autres se firent de plus en plus nettes, certains n' hésitant pas à évoquer l' impeachment si le président choisissait de ne pas se présenter au Capitole .George H.W. Bush s' inquiéta de la volonté du régime irakien de se doter d' armes de destruction massive, ce à quoi Al Gore, alors sénateur ( démocrate, Tennessee ), répliqua qu' il s' agissait d' une manoeuvre maladroite destinée à gagner le soutien du Congrès .Se sentant dans une situation de plus en plus délicate, le président comprit que la guerre était inévitable, et que son issue déterminerait son propre avenir politique .Il estimait en effet que la mauvaise conduite des opérations pouvait lui coûter cher, tandis que une victoire facile ne renforcerait pas nécessairement sa position face à le Congrès et à ses adversaires politiques .Ainsi, et comme il l' écrivait dans son journal, le 20 décembre 1990 : " Si la guerre est rapide, avec le moins de pertes possible, quoi que cela veuille dire, que Saddam essuie une défaite fulgurante , je devrai en partager le mérite avec le Congrès et le monde entier .En revanche, si cela s' éternise, non seulement on va m' en tenir responsable, mais on va probablement entamer une procédure de destitution contre moi, comme l' a dit Dan Inouye . " Dernier acte avant le déclenchement des opérations militaires, et pas des moindres, James Baker rencontra Tareq Aziz, alors ministre des Affaires étrangères de l' Irak, à Genève, le 9 janvier 1991 .Il lui remit une lettre de George H.W. Bush adressée à Saddam Hussein, enjoignant le dirigeant irakien de retirer ses troupes de Bagdad pour éviter une intervention armée .Cette lettre contenait également les phrases suivantes : " Les Etats-Unis ne toléreront pas l' usage d' armes chimiques ou biologiques, ni la destruction des sites pétroliers du Koweït .Le peuple américain réclamerait à ce moment -là la riposte la plus violente possible ", sous-entendu l' utilisation d' armes nucléaires contre le régime de Bagdad .En d'autres termes, le président brandissait la menace nucléaire - celle -ci, à l' inverse des pouvoirs de guerre, étant placée sous sa seule autorité - en justifiant sa fermeté par le soutien de l' opinion publique .De tels propos sont à replacer dans leur contexte, dans la mesure où George H.W. Bush n' avait pas encore obtenu le soutien officiel du Congrès, qui n' interviendra que trois jours plus tard .
Le 12 janvier 1991, la Chambre des représentants devait s' exprimer au sujet de la résolution Michel-Solarz, qui approuvait le recours à la force pour atteindre les objectifs fixés par les Nations unies ; sa jumelle au Sénat était la résolution Dole-Warner .La première fut adoptée à 250 voix contre 183, et la seconde à 52 contre 47, soit la plus petite majorité jamais constatée lors de une déclaration de guerre de toute l' histoire des Etats-Unis .Deux autres résolutions concurrentes avaient été proposées à la Chambre : la résolution Durbin-Bennett, qui rappelait que le Congrès pouvait seul prendre l' initiative de déclarer la guerre, et la résolution Gephardt-Hamilton, qui encourageait la poursuite des sanctions économiques et refusait la guerre .Toutes deux furent rejetées . [Il..._SN] Ainsi, il a fallu attendre la date butoir du 15 janvier 1991 pour que les opposants à la guerre voient leurs initiatives repoussées et que le Congrès apporte son soutien à l' Administration .Ces votes indiquent sans aucun doute que les parlementaires étaient conscients de la situation de blocage qu' aurait entraînée un refus à l' avant-veille des opérations, et du risque encouru pour la coalition dans son ensemble .Une fois les troupes prêtes à l' assaut, ce refus aurait en effet été mal ressenti, tant par l' opinion publique aux Etats-Unis que par la communauté internationale .George H.W. Bush a reconnu plus tard avoir alors compris que " la plupart des sénateurs et des parlementaires seraient obligés de nous soutenir si nous déclarions la guerre sans eux, mais qu' ils se trouveraient en mauvaise posture si je réclamais officiellement une déclaration de guerre ou bien une résolution de soutien au recours à la force " .Mais, finalement, comme l' expliquent Lawrence Freedman et Efraim Karsh, la décision critique ( de lancer l' offensive ), comme tant d'autres pendant la crise , fut prise par un nombre relativement limité de personnes " .
Certains experts considéraient, après la fin des hostilités, que le Sénat serait, à l'avenir, moins hostile à l' envoi de troupes à l' étranger que lors de le vote du 12 janvier, et prédisaient un avenir radieux pour les futures Administrations, qui disposeraient d' un " mandat " offert par les parlementaires en matière de pouvoirs de guerre . [Cliv] Ce ne fut pas le cas .En fait, les débats décrits ici , s' ils n' ont eu pas pour effet de bloquer la décision de George H.W. Bush de s' engager dans une guerre contre l' Irak , ont eu des conséquences à plus long terme . [Cliv] C' est en effet à partir de la crise du Golfe que le Congrès a retrouvé une certaine légitimité en matière de pouvoirs de guerre, les parlementaires n' hésitant plus à faire valoir leurs prérogatives face à l' Exécutif .L' absence de menace, l' opposition politique quasi constante et l' héritage de l' expertise acquise alors ( c' est pendant cette période que de véritables groupes d' experts vont se constituer à le Congrès , ceux -ci se généralisant par la suite avec l' furent la cause .L' argument, présenté par Anthony Lake quelques années plus tôt, étant également que " le débat démocratique produit plus facilement que la doctrine des décisions importantes en matière de politique étrangère " .
Pendant les huit années de présidence de Bill Clinton, et de façon encore plus nette après le double succès des Républicains aux élections de la mi-mandat en novembre 1995, le Congrès exprima son désaccord sur les questions relatives aux affaires étrangères, notamment en ce qui concerne l' envoi de forces armées sur des théâtres extérieurs .Mais le président et l' Administration furent confrontés à une opposition qui se montra bien plus sensible à la question de la répartition des pouvoirs qu' aux clivages politiques traditionnels .Ces débats, renouvelés à l'occasion de les différentes crises auxquelles l' Administration Clinton fit face , nous permettent de mieux comprendre dans quelle mesure la fin de la guerre froide a bouleversé la relation Exécutif / Législatif dans le domaine de les pouvoirs de guerre .Pour la première fois, en effet, le Congrès a été en mesure de bloquer les initiatives présidentielles, ne se contentant pas d' exprimer des réserves, mais faisant pleinement usage de ses prérogatives . [Cliv] C' est également pendant cette période que les réseaux d' influence du Congrès se sont considérablement renforcés, notamment par la montée en puissance des commissions chargées des questions internationales, ce qui marqua de façon durable le retour des parlementaires dans le processus d' élaboration de la politique étrangère .
Depuis que les Etats-Unis sont devenus la seule superpuissance, les débats portant sur les relations internationales et les interventions à l' étranger se sont déplacés vers des considérations de politique intérieure, où le Congrès, et plus particulièrement la Chambre des représentants, se fait directement l' écho de " la voix de l' Amérique " .Pour conserver toute sa crédibilité et s' assurer une cote de popularité acceptable, le président doit se montrer sensible aux revendications de ses concitoyens, même si celles -ci vont parfois à l'encontre des engagements internationaux du pays ; mais il doit aussi prendre en considération les débats au Congrès, pour que les deux pouvoirs ne soient pas en opposition .Cela est d' autant plus perceptible en temps de gridlock ( littéralement " gros embouteillage ", mais il s' agit plutôt ici d' une forme de cohabitation politique ), quand le président et l'une des deux ( voire les deux ) Chambres ne défendent pas les mêmes options .Cependant, l' opposition entre le Capitole et la Maison-Blanche a largement dépassé, sous Bill Clinton, le simple clivage politique, répondant surtout à une différence d' appréciation de la Constitution .
En prenant le contrôle de la Chambre des représentants à l'occasion de les élections de 1994 ( 230 sièges sur 434 ), les Républicains retrouvaient la majorité pour la première fois depuis 1954, mettant ainsi fin à 40 ans de domination démocrate .au Sénat, si le GOP a parfois gagné des élections législatives, les Républicains n' ont été majoritaires qu' à dix reprises depuis 1945 .Au total, ils n' ont contrôlé simultanément les deux Chambres que six fois : entre 1947 et 1949, entre 1953 et 1955, et entre 1995 et juin 2001, soit seulement durant 10 années, contre 40 ans pour les Démocrates, et six ans de partage des pouvoirs .Enfin, jusqu' à l' élection de George H.W. Bush, les Républicains n' ont été qu' une seule fois à la tête des trois pouvoirs ( Maison-Blanche, Sénat, Chambre des représentants ) : c' était entre 1953 et 1955, sous la présidence de Dwight D. Eisenhower .Quant aux Démocrates, ils ont connu cette situation à dix reprises, soit durant 20 ans ; mais le président Bill Clinton n' en a bénéficié que pendant les deux premières années de son premier mandat, entre 1993 et 1995 .
En 1994, Louis Fisher signalait le souhait exprimé par Bill Clinton de poursuivre la politique de son prédécesseur de ne pas consulter systématiquement le Congrès en cas de opérations militaires extérieures .Fortement contesté par ceux qui défendaient les initiatives de l' Exécutif, le War Powers Act a même été présenté comme un texte dépassé et devant être redéfini, non seulement à la lumière de les difficultés rencontrées par George H.W. Bush en 1990, mais également en raison de la généralisation des crises de faible intensité .En effet, Washington a été confronté à un nombre croissant de conflits limités n' engageant que de loin ses intérêts, et pour lesquels la consultation du Congrès n' était pas forcément jugée nécessaire, les parlementaires se montrant assez peu sensibles au déroulement d' opérations engageant des forces limitées . [Cliv_SP] Pourtant, c' est pendant cette période qu' ils ont mis en avant les prérogatives que leur offre la Constitution et qu' ils n' ont pas hésité à se prononcer sur toutes les initiatives de l' Administration en matière de engagement des forces armées .Ainsi, à l'occasion de toutes les opérations extérieures auxquelles l' Administration Clinton a pris part, de nombreuses voix se sont élevées au Congrès pour contrer la position de l' Exécutif .
Entre 1992 et 2000, l' Irak fut au centre de les préoccupations des parlementaires, qui se sont intéressés aux différentes options recherchées par l' Administration et n' ont pas manqué de rappeler l' importance de la Constitution . [Cliv] Ce fut notamment le cas en 1996 .John McCain estimait alors que " notre capacité à entreprendre des actions disproportionnées et efficaces, nécessaires en de telles circonstances, ne doit pas être mise en cause par les conséquences de notre échec à préserver l' unité de la coalition " .Ces débats se sont encore poursuivis, les parlementaires n' hésitant pas à proposer une résolution sur l' avenir du régime irakien, se donnant ainsi le premier rôle dans l' élaboration de la politique étrangère .Défendant cette résolution, Thomas Lantos ( démocrate , Californie ) précisait que son " objectif ( ... ) était de montrer clairement et sans équivoque à Saddam Hussein et à son gouvernement que le Congrès soutient l' usage de la force militaire en cas de nécessité .Il ne doit y avoir aucun doute ni sur l' importance de la poursuite des inspections, comme le stipulent les décisions du Conseil de sécurité des Nations unies, ni sur la volonté du gouvernement des Etats-Unis, ni sur le soutien du peuple américain si une action militaire était nécessaire " .
Cette montée en puissance du Congrès allait de pair avec de vives critiques à l'égard de l' Administration Clinton, certains parlementaires allant jusqu' à juger que sa politique vis-à-vis de l' Irak n' était pas clairement définie .Ainsi, le sénateur conservateur Charles Hagel ( républicain , Nebraska ) estimait que " notre défense nationale est garante de notre politique étrangère .Je ne sais pas si nous avons une politique de long terme en Irak, à part celle de maintenir les sanctions décidées par les Nations unies et d' imposer leurs résolutions, mais ceci ne constitue pas une politique étrangère .Si nous devons un jour conduire les Etats-Unis à la guerre, ce doit être pour imposer notre politique étrangère - faire seulement la guerre n' est pas suffisant . [On..._SN] Nous devons imposer une politique d' ensemble et depolitiqueLes raisons d' une entrée en guerre doivent reposer sur bien autre chose que la seule mise en oeuvre de sanctions à court terme " .
[Cliv] C' est donc sous la présidence de Bill Clinton que le Congrès a retrouvé ses prérogatives en matière de politique étrangère, non seulement du fait de l' opposition partisane entre les pouvoirs exécutif et législatif et de l' absence de menace extérieure pesant sur le pays, mais également en raison de la montée en puissance de certaines institutions-clefs du Congrès - les commissions - et de ceux qui les président .
Fil conducteur de la politique étrangère des Etats-Unis au même titre que la relation avec l' Irak, l' engagement dans les Balkans a révélé des divergences de vue entre les pouvoirs exécutif et législatif . Mais, plus qu' une opposition liée à des particularismes politiques, les crises successives en Bosnie et à le Kosovo ont surtout souligné la volonté des parlementaires d' être consultés préalablement à toute intervention extérieure .
En 1993, les débats sur la possibilité d' un engagement militaire en Bosnie se sont accompagnés de nombreuses critiques sur le coût des opérations, la nécessité d' engager les forces armées et la participation des alliés européens .Les parlementaires se sont interrogés sur les pouvoirs de guerre accordés au président Bill Clinton et sur la nécessité d' engager des forces armées sur un théâtre d' opérations n' impliquant pas directement les intérêts vitaux des Etats-Unis .Certains membres du Congrès se sont montrés sceptiques quant à les prétentions de la Maison-Blanche à jouer les " gendarmes du monde " .Ils estimaient que le pays, en intervenant de façon excessive à l' extérieur, risquait de gaspiller ses ressources et de dévoiler trop aisément ses forces à ses adversaires .Le sénateur John McCain ( républicain , Arizona ) pensait ainsi que, " si nous usons de nos forces et de notre prestige de façon inconsidérée, nous gaspillerons des ressources que nous n' avons pas " .
des remarques du même type ont été exprimées en 1995, notamment de la part de élus démocrates, qui jugeaient que l' Administration avait prêté une trop grande attention aux aspirations de l' aile conservatrice du Congrès en décidant d' envoyer des troupes dans les Balkans .Le sénateur Byron Dorgan ( démocrate , Dakota-du-Nord ) estimait ainsi que " l' envoi de forces pose un énorme risque pour nos troupes et notre pays, pour un gain potentiellement très faible pour la Bosnie " .Pour sa part, et conscient de l' importance de la participation financière que supposait une intervention armée, le représentant Jerry F. Costello ( démocrate , Illinois ) considérait que la Bosnie concernait les Européens au premier chef et que ceux -ci devaient en assumer la principale responsabilité, écartant ainsi le principe d' un envoi de troupes américaines sur le terrain .
Le débat sur les pouvoirs de guerre s' est encore élargi avec l' intervention des Etats-Unis en Bosnie, car celle -ci s' effectuait dans le cadre de l' OTAN . En effet, afin de soutenir des opérations menées sous l'égide de les Nations unies ou de l' Alliance atlantique, Bill Clinton autorisa de multiples actions en Bosnie sans disposer de l' autorisation expresse du Congrès, et ce, en dépit de les disputes permanentes entre le Capitole et le président sur les opérations à mener .La question se posait alors de savoir si une action entreprise au sein de l' OTAN pouvait être conduite indépendamment des exigences de la Constitution et du War Powers Act .
L' article 11 de le traité de l' Atlantique Nord répond à cette interrogation en consacrant le droit national des Etats : l' application du traité doit être conforme aux " règles constitutionnelles " des Etats parties, ce qui, de fait, confère un pouvoir au Congrès dans l' éventualité d' une guerre menée au nom de l' OTAN . Le War Powers Act précise également les conditions d' engagement des forces armées des Etats-Unis par rapport à les traités internationaux ou conventions .Ainsi, destinée à empêcher le recours à un traité ( ou à une loi Military Appropriations Act ou même à une résolution des Nations unies ) pour autoriser l' engagement de troupes, la section 8 - a prévoit qu' aucune intervention militaire ne peut être fondée sur la base de un traité - antérieur ou postérieur à 1973 - à moins que une clause spécifique ne l' y autorise expressément . Néanmoins, la section 8 - b précise que les Etats-Unis peuvent participer - sans autorisation spécifique -, conjointement à un ou plusieurs alliés, aux opérations militaires de haut niveau décidées par les états-majors ( " in the headquarters operations of high-leve
Le 11 août 1992, soit encore sous l' Administration Bush, le Sénat vota la résolution S.Res . 330, incitant le président à travailler à une résolution du Conseil de sécurité pour faciliter l' aide humanitaire à Sarajevo, mais précisant qu' aucune force militaire ne saurait être introduite sans objectif clair et précis .De son côté, la Chambre des représentants votait la résolution H.Res . 554, qui incitait le Conseil de sécurité à prendre des mesures pour permettre l' assistance humanitaire, y compris le recours à la force .Le lendemain, le Conseil de sécurité votait la résolution 770, appelant les Etats membres à prendre " toutes les mesures nécessaires " pour faciliter l' acheminement de l' aide à Sarajevo .Le 28 février 1993, les Etats-Unis commencèrent à délivrer de l' aide humanitaire par avion, et, à partir de le 12 avril, en application de la résolution du 31 mars ( autorisant les Etats membres à prendre toutes les mesures nécessaires pour imposer l' interdiction de survol militaire de la Bosnie ), ils effectuèrent des actions aériennes dans le cadre de l' OTAN . Celles -ci étaient destinées à imposer à la fois les sanctions et le respect de la zone de non vol ( no-fly zone ) au dessus de la Bosnie . [Cliv] Au lieu de l' annoncer avant les opérations, ce n' est que le lendemain que le président rendit compte de la conformité au War Powers Act de la participation des Etats-Unis . [Topicalisation] De même, alors que le secrétaire d' Etat Waren Christopher annonçait, l' envoi d' un effectif de 300 soldats en renfort d' une mission de maintien de la paix en Macédoine , en application de la résolution 795 de le Conseil de sécurité ( votée en 1992 et destinée à éviter l' extension de la crise bosniaque à les pays voisins ce n' est qu' un mois plus tard ( le 9 juillet ) que le président déclara cette action conforme au War Powers Act .
Dans la perspective d' un accord de paix, la Maison-Blanche envisagea de fournir la moitié des forces de l' OTAN ( 25 000 hommes sur 50 000 ) .Certains parlementaires comme le sénateur Robert Dole ( leader de l' opposition ) ont alors exigé l' approbation du Congrès avant tout autre déploiement en Bosnie, ce qui poussa l' assistant du secrétaire d' Etat, Stephen Oxman, à garantir que l' Administration n' agirait pas sans le soutien des parlementaires en cas de mise en oeuvre de l' éventuel accord de paix .Afin de formaliser cet engagement, le Congrès vota une disposition introduite par les sénateurs Dole et Mitchell, qui stipulait que les fonds destinés à financer la participation de troupes américaines pour assurer l' accord de paix ne seraient pas alloués sans autorisation préalable du Capitole .
Alors que le conflit bosniaque perdurait et que le président continuait de rendre compte des opérations seulement après que celles -ci avaient été engagées, la contestation parlementaire réclamant une plus grande implication de le Congrès s' intensifia, en particulier au Sénat .Ainsi, le 12 mai, les sénateurs acceptèrent à une voix de majorité les amendements proposés respectivement par Robert Dole ( approuvant la mission de la Force de protection des Nations unies ( FORPRONU ) ) et George Mitchell ( stipulant, entre autres, que les Etats-Unis ne pouvaient envoyer de soldats au sol sans l' accord du Congrès ) .Mais la Chambre des représentants ne suivit pas ce vote, qui resta donc sans effet .La section 8 100 de le Defense Appropriations Act for FY 1995 ( P.L. 103 - 335 , signé le 30 septembre 1994 ) stipulait que les fonds octroyés par la présente loi ne devaient pas financer le déploiement des troupes chargées de mettre en oeuvre un accord de paix en Bosnie, à moins que le Congrès ne l' autorisât .
Fin 1995, le débat sur les pouvoirs de guerre fit un retour sur le devant de la scène, après la décision présidentielle d' envoyer 20 000 hommes en Bosnie dans le cadre de une mission de maintien de la paix de l' OTAN . Le Congrès vota nombre de projets de loi et de résolutions, notamment trois dans chaque Chambre pour le seul mois de décembre, mais ni le Sénat ni la Chambre ne parvinrent à se mettre d' accord sur les mesures à prendre .Cette absence de consensus permit au président de fournir l' année suivante ( décembre 1996 ) des troupes au sol ( 8 500 hommes ) pour participer à la Force de stabilisation ( Stabilization Force, SFOR . A nouveau, ce manque de clarté s' expliquait en grande partie par l' opposition de certains élus démocrates ( dont Joseph Lieberman et Joseph Biden ) aux propositions de l' Administration, tandis que les Républicains y étaient plutôt favorables .En fait, les élus conservateurs pouvaient difficilement reprocher au président sa détermination après avoir longuement critiqué ses prises de position trop hésitantes . [Cliv_SN] Ce fut le cas de Robert Dole, futur candidat républicain à l' élection présidentielle de 1996, qui ne put que rester silencieux sur cette question, sous peine de se contredire . [Cliv_SN] Devant cette absence de débat partisan au Sénat, ce furent des élus républicains réputés plus modérés qui émirent des réserves, notamment John McCain, John Warner et William Cohen .
Le dernier acte se joua le 18 mars 1998, quand le Congrès rejeta à une majorité de 225 voix contre 193 la contre-résolution ( H.Con.Res 227, introduite par le républicain Tom Campbell ) visant à retirer les troupes américaines de Bosnie .Ce vote serré illustrait nettement la gronde des parlementaires, peu disposés à voir le conflit s' intensifier et qui étaient prêts à contraindre Bill Clinton à aller à l'encontre de ses engagements .Cette situation marqua incontestablement un tournant dans la relation entre le Législatif et l' Exécutif en matière de pouvoirs de guerre, la Maison-Blanche se trouvant prise entre des engagements internationaux et des contraintes de politique intérieure .
Avec l' intervention des Etats-Unis au Kosovo, le débat sur les pouvoirs de guerre franchit une nouvelle étape, certains parlementaires allant même jusqu' à recourir à la justice pour mettre le président en accusation .Est -il nécessaire de rappeler ici que cette nouvelle crise dans les Balkans prit place au moment de l' affaire Monica Lewinski, à l'occasion de laquelle le président Clinton fut la cible des parlementaires conservateurs, y compris dans le camp démocrate Cette affaire intervenait donc au plus mauvais moment pour un président déjà soumis à de fortes pressions internes .Cela n' empêcha pas certains parlementaires de lui reprocher d' utiliser des considérations de politique étrangère pour détourner l' attention des questions de politique intérieure auxquelles il était confronté .
La controverse sur l' action au Kosovo s' amplifia le 26 mars 1999, lorsque Bill Clinton annonça que des frappes aériennes menées avec les alliés contre le gouvernement yougoslave avaient commencé deux jours plus tôt .Les parlementaires se montrèrent très partagés, refusant de désapprouver comme de soutenir la politique du président, ce qui eut pour effet d' affaiblir leur action .Ainsi, le 28 avril, si la Chambre des représentants se mit d' accord pour refuser de financer l' envoi de troupes au sol à moins de obtenir une autorisation spécifique ( H.R 1569 ), elle ne trouva pas de consensus sur les propositions de loi proposant le retrait des troupes des opérations engagées ( H. Con.Res.82 ) ou une déclaration de guerre contre l' Etat yougoslave ( H.J.Res . 44 ) .Le même jour, la Chambre des représentants rejeta - lors de un vote exceptionnellement partagé ( 213 voix contre 213 ) - la résolution introduite par le Sénat, le 23 mars ( S. con.Res.21 ), qui soutenait les frappes militaires aériennes contre la Yougoslavie .Deux jours plus tard, une petite fraction du Congrès entreprit d' intenter une action en justice contre le président .Sous la férule de Tom Campbell ( républicain, Californie ), 17 parlementaires saisirent ainsi la Cour fédérale du district de Columbia pour réclamer que Bill Clinton obtienne l' accord du Congrès avant de continuer la guerre aérienne ou d' entreprendre d'autres opérations militaires en Yougoslavie .Devant l' incapacité de s' accorder sur le principe de mesures bilatérales bloquant les opérations, ces parlementaires avaient décidé de porter devant la justice du pays la décision du président et de l' Administration .
Le seul point sur lequel les parlementaires étaient clairs concernait le soutien aux forces armées et le 20 mai, date à laquelle le Congrès soumit à la signature présidentielle le projet de loi de finances supplémentaires d'urgence ( H.R. 1141 ) accordant des milliards pour financer l' opération au Kosovo, on s' attendit à une accalmie .Mais, le 25, comme cela faisait 60 jours que le président avait rendu compte à le Congrès de les opérations militaires menées à le Kosovo , les parlementaires qui contestaient l' action présidentielle ( le groupe de les 18 ) signalèrent à la Cour que son comportement constituait une violation patente de l' esprit du War Powers Act .En effet, celui -ci autorise le retrait des forces du champ de bataille au bout de 60 jours si le Congrès, dans ce laps de temps, n' a pas autorisé la poursuite des actions ou si le président n' a pas réclamé un délai supplémentaire de 30 jours .Or le président n' avait pas cherché à obtenir ce délai supplémentaire, faisant valoir que le War Powers Act était constitutionnellement défaillant ( defective ) .Cependant, le 8 juin 1999, arguant du manque de fondement légal de la plainte, le juge du district fédéral Paul L. Friedman rejeta l' accusation selon laquelle le président avait violé le War Powers Act ou la Constitution dans la conduite des opérations militaires en Yougoslavie .Loin de s' arrêter là, l' affaire prit une ampleur considérable . [NoSaber] Après avoir fait appel devant la Cour compétente ( celle du district de Columbia ), qui accepta de recevoir l' appel mais confirma, confirma, le 18 février 2000, la décision de la cour précédente, Tom Campbell et 30 autres parlementaires saisirent la Cour suprême des Etats-Unis, le 18 mai .Celle -ci mit définitivement fin à l' affaire en refusant, le 2 octobre, de s' en saisir .
L' autre dossier important concernant les forces engagées en 1993 est la Somalie .Là encore, plusieurs parlementaires se sont demandés s' il était dans l' intérêt du pays d' envoyer des troupes sur place, et surtout de maintenir une présence militaire dans la région, notamment après le cuisant échec de l' opération commando lancée sur Mogadiscio, qui entraîna la mort de 18 soldats américains .Le représentant Benjamin Gilman ( républicain , New York ) estimait que les " forces armées ( des Etats-Unis ) devaient rentrer à la maison le plus rapidement possible et être remplacées par des troupes des Nations unies provenant d'autres pays, afin de remplir la mission prévue initialement : nourrir ceux qui ont faim " .Pour sa part, le sénateur Clairborne Pell ( démocrate , Rhode Island ), qui souhaitait collaborer davantage avec l' Administration , menaçait celle -ci de mettre en avant les prérogatives définies par la Constitution si elle se refusait à consulter le Congrès : " Laissez -nous travailler main dans la main avec l' Administration afin de trouver une alternative viable à cette politique malmenée de toutes parts . " Le cas somalien a conduit les parlementaires à débattre d' une autre question relative aux pouvoirs de guerre : celle de savoir à partir de quand l' assistance humDès la fin novembre 1992, le président avait proposé l' envoi de troupes pour permettre l' acheminement de l' aide humanitaire en Somalie ; le 3 décembre, cette proposition fut accueillie avec joie par le Conseil de sécurité, qui vota la résolution 794 autorisant le recours à tous les moyens nécessaires pour y rétablir une situation propice à l' assistance humanitaire . [Cliv_SP] Mais, c' est avec la montée des violences dans ce pays ( assassinats de soldats de l' ONU, incluant des Américains ), et surtout après le fiasco de l' opération commando lancée contre le général Aidid, que les interrogations au Congrès prirent de l' ampleur .Ainsi, en septembre 1993, le Congrès adoptait plusieurs amendements au Defense Authorization Act for FY 1994 .Ils réclamaient que le président, avant le 15 octobre 1993, consulte le Congrès sur sa politique en Somalie, notamment sur les objectifs de la mission confiée aux Etats-Unis, et précisaient qu' il devait obtenir son autorisation pour la poursuite du déploiement des forces .Le président se conforma à ces décisions en consultant, le 7 octobre, les représentants des deux parties sur la question somalienne pendant près de deux heures et en envoyant la semaine suivante ( le 13 octobre ) un rapport de 33 pages au Congrès sur les objectifs de la mission en Somalie .Le même jour, Bill Clinton déclara le retrait de la plupart des troupes avant le 31 mars 1994 ; le Defense Appropriations Act for FY 1994 y apporta une garantie en mettant fin au financement des opérations à compter de cette date, sous réserve que le président n' obtînt pas de nouvelle autorisation du Congrès .
Le Congrès approuva l' emploi de forces militaires en Somalie dans un souci d' aide humanitaire et surtout afin de assurer la protection du personnel et des bases américaines .Aussi cette autorisation fut -elle assortie de la condition sine qua non que les forces de combat des Etats-Unis restent sous le contrôle du commandement américain, sous la stricte autorité du président .Auparavant, quelques parlementaires avaient estimé que, si le Congrès ne permettait pas aux troupes de rester, elles devraient se retirer dans un délai de 60 à 90 jours .Mais le département d' Etat affirma que l' autorisation du Congrès, si elle était bienvenue, n' était pas nécessaire dans ce cas précis .Le 21 juillet 1993, le secrétaire adjoint Wendy Sherman répondit à une lettre envoyée conjointement par Benjamin Gilman et Jesse Helmes ( membres des commissions des Affaires étrangères respectivement de la Chambre des représentants et du Sénat ) qu' aucune Administration n' avait jamais considéré que des engagements militaires intermittents pussent être interrompus au motif de la section 5 - b et que, selon l' Administration, le War Powers Act ne s' appliquait qu' aux engagements prolongés .Le 4 août 1993, Benjamin Gilman déclarait que l' on devrait se souvenir de cette date comme de celle de la mort du War Powers Act, car les troupes n' avaient pas été retirées alors que des combats avaient éclaté le 5 juin et que le Congrès avait décidé de se détourner de l' affaire .
Le 22 octobre 1993, le même Benjamin Gilman présenta la résolution H. Con.Res.170 ordonnant au président, conformément à la section 5 - c du War Powers Act, de retirer les troupes de Somalie avant le 31 janvier 1994, proposition qui fut adoptée par la Chambre des représentants, laquelle repoussa la date butoir au 31 mars 1994 ; mais le Sénat s' abstint de se prononcer sur cette mesure, qui resta, de fait, non contraignante .Toutefois, le Defense Appropriations Act for FY 1995 ( P.L. 103 - 335 , signé le 30 septembre 1994 ) interdisait le financement d' une présence militaire en Somalie au-delà de le 30 septembre 1994, sauf pour protéger le personnel américain .En conséquence, le 4 novembre 1994, le Conseil de sécurité décida de mettre fin à la mission des Nations unies en Somalie avant le 31 mars 1995, et les forces américaines achevèrent leur mission d' évacuation des troupes de l' ONU le 3 mars . [Cliv] Une fois de plus, ce fut donc l' arme du budget qui vint à bout de la détermination du président Billprésident
Les propositions d' intervention en Haïti, fin 1993 et surtout en 1994 , furent à nouveau accueillies avec scepticisme par les parlementaires républicains, qui se montrent souvent réticents à l' envoi de troupes sur des théâtres extérieurs quand les intérêts vitaux des Etats-Unis ne sont pas directement menacés .Pour le représentant Douglas Bereuter ( républicain, Nebraska ), une invasion mal définie, impopulaire et unilatérale ferait de la politique étrangère de Clinton non plus un simple mal de tête, mais une véritable migraine " .Le sénateur Strom Thurmond ( républicain , Caroline-du-Sud ) estimait pour sa part que, " même si la situation en Haïti intéresse les Etats-Unis, elle ne présente aucune nécessité stratégique, aucune urgence nationale, aucune menace militaire ou économique pour Washington ou pour le monde .Nos intérêts se portent sur le traitement humanitaire du peuple haïtien et la promotion de la démocratie dans cette partie du globe .Aussi pourquoi la plus puissante nation de la planète irait -elle envahir cette petite nation insulaire ? " Bill Clinton entreprit l' opération en Haïti ( qui prévoyait au départ l' envoi d' une mission de négociation pour assurer le départ de la junte militaire, tout en ordonnant aux troupes de se préparer à une invasion si nécessaire ) sans l' aval du Congrès, ce qui lui valut de nombreuses critiques .Celles -ci conduisirent, en octobre 1994, au vote de la résolution S.J.Res . 229 ( P.L. 1032 - 423 ), stipulant que le président aurait dû demander l' autorisation du Congrès avant le déploiement et ordonnant le retrait des troupes le plus rapidement possible .
Le 20 octobre 1993, la décision d' appliquer l' embargo, décrété le 3 juillet par le Conseil de sécurité conformément à le War Powers Act , entraîna le mécontentement de membres du Congrès qui se plaignaient de ne pas avoir été consultés au préalable .Cette affaire intervenait deux jours après la proposition du sénateur Robert Dole d' amender le Defense Appropriation Bill ( H.R. 3116 ) de façon à requérir l' autorisation du Congrès pour tout déploiement militaire, naval ou aérien, en Haïti, à moins que le président n' ait au préalable émis des garanties ( certifications ) .Après des négociations entre membres de l' Administration et du Congrès, l' amendement concrétisé par la section 8 147 ( de la P.L. 103 - 139 ) mentionna que le Congrès ne financerait pas d' opérations militaires en Haïti à moins que celles -ci ne soient ( 1 ) approuvées préalablement par le Congrès, ( 2 ) nécessaires à la protection ou à l' évacuation de citoyens américains, ( 3 ) la réponse à un cas d'urgence nationale, ou ( 4 ) que le président fixe auparavant certains critères au déploiement .
Alors que l' embargo se durcissait ( notamment avec la résolution 917 du Conseil de sécurité ), que les pressions sur Haïti augmentaient et que la situation dans le pays se dégradait, Bill Clinton déclara ne pas exclure faire usage de la force .Beaucoup de parlementaires continuaient à affirmer que l' autorisation du Congrès était nécessaire en cas de invasion .Le 24 mai 1994, la Chambre des représentants adopta un amendement au Defense Authorization Bill ( H.R. 4301 ), selon lequel toute action militaire contre Haïti devrait être justifiée, dans une déclaration du président au Congrès, par la nécessité de protéger les citoyens ou intérêts américain .Mais, le 9 juin, cet amendement fut renversé par un nouveau vote de la Chambre des représentants ( 226 contre 195 ), et le Sénat rejeta à deux reprises une mesure exigeant l' autorisation du Congrès préalablement à toute action militaire des Etats-Unis .Par la résolution 940, souhaitée par Bill Clinton, le Conseil de sécurité de l' ONU autorisa alors qu' une force multinationale pût utiliser tous les moyens nécessaires pour rétablir l' ordre en Haïti, ce qui permettait l' intervention .Le président, conscient que le soutien de les parlementaires ne lui était acquis pas , préférait s' en remettre aux Nations unies .
Le 3 août, le Sénat adopta, à l' unanimité, un amendement au Department of Veterans Appropriation ( H.R. 4624 ), selon lequel la résolution du Conseil de sécurité ne constituait pas une autorisation pour le déploiement de forces militaires en Haïti en vertu de la Constitution ou du War Powers Act .Mais cet amendement ne fut finalement pas retenu en commission .Le même jour, le président Bill Clinton déclara qu' il serait heureux d' avoir le soutien du Congrès, mais que celui -ci n' était pas nécessaire dès lors qu' il agissait sous couvert d' un mandat international .
Le 19 septembre, la Chambre des représentants accepta la résolution H. Con.Res.290, qu prônait le retrait des forces américaines d' Haïti le plus tôt possible, tandis que le Sénat votait une mesure similaire ( S.Res . 259 ) .Le 3 octobre, la commission des Affaires étrangères de la Chambre rendait compte de la résolution H.J.Res . 416 autorisant l' emploi des forces en Haïti jusqu' au 1er mars 1995 .Cette résolution - qui reconnaissait que le président aurait dû avertir le Congrès avant l' envoi de troupes , soutenait le retrait rapide de les forces et exigeait un rapport mensuel sur la situation en Haïti - trouva un écho favorable au Sénat ( avec la résolution S.J.Res . 229 du 6 octobre ) .Elle fut votée par la Chambre des représentants le 7 octobre ( S.J.Res . 229 ) et signée par le président le 25 ( P.L. 103 - 423 ) .Ainsi, dès le retour du président Aristide, le 15 octobre 1994, les Etats-Unis commencèrent à rapatrier leurs troupes, si bien que à la mi-avril 1996, il n' en restait qu' une partie ( une unité de soutien de 300 à 500 hommes ) pour mener à bien des opérations de reconstruction .Le 17 décembre 1997, le président Clinton ordonna au département de la Défense de maintenir des centaines de soldats pour un temps indéfini en Haïti .Mais, deux ans plus tard ( en septembre 1999 ), le Congrès vota le FY 2000 DOD Authorization Bill ( P.L. 106 - 65 ), qui ne permettait plus au Pentagone d' y maintenir une présence militaire au-delà de le 31 mai 2000 .Aussi les troupes furent -elles retirées, cette fois de façon définitive .
L' approche commune des deux Chambres du Congrès à propos de Haïti se réduisit finalement à demander au président des rapports détaillés sur la mission des forces envoyées sur place .Cette attitude frustra longtemps les défenseurs des prérogatives du Congrès en matière de politique étrangère, qui considéraient que son action était devenue insignifiante et sans mesure avec son rôle réel .
Au-delà de les considérations politiques que nous avons étudiées, la montée en puissance du Congrès au cours de ces dernières années s' explique par la généralisation des travaux d' experts émanant des deux Chambres : auditions de spécialistes, rapports de grande qualité, débats sur tous les thèmes de la politique du pays .Comme l' explique Justin Vaïsse, au Capitole " une bureaucratie de 35 000 fonctionnaires travaille pour les parlementaires, lui apportant l' expertise et l' information nécessaire à sa remontée en puissance " .Ces spécialistes officient pour les commissions, chacune ayant une tâche clairement définie, et apportent à leurs membres tous les informations leur permettant de prendre des initiatives, en étant souvent mieux renseignés que les membres de l' Administration .
En effet, la spécialisation des commissions leur apporte une grande crédibilité, surtout si on la compare avec celle des ministères, qui doivent se pencher sur plusieurs questions et demeurent des " généralistes " .En participant à ces commissions, les membres du Congrès deviennent ainsi de véritables experts dans certains domaines, en particulier lorsqu' ils restent plusieurs années à leur tête, comme c' est le cas au Sénat .En ce qui concerne la politique étrangère, certains observateurs faisaient remarquer, il y a quelques années, que les membres du Congrès n' avaient pas les compétences nécessaires et prenaient des initiatives qui n' étaient pas de leur ressort . [Cliv_SP] C' est au cours de les années 1990 que cette tendance s' est inversée ; et si, pendant longtemps, l' Administration a fait autorité en la matière, les commissions ont maintenant gagné en respectabilité, illustrant le retour du Congrès sur le devant de la scène .
Aujourd'hui, en politique étrangère comme dans d'autres domaines, les commissions sont au coeur du Congrès, là où, autour de un groupe restreint d' experts, toutes les options sont discutées et les décisions prises .Placées au centre de la vie politique des Etats-Unis, elles se dégagent remarquablement des querelles partisanes qui divisent le Capitole et s' imposent comme un forum d' idées diverses .En instaurant un dialogue bipartisan, elles apportent un nouveau souffle au pouvoir législatif, qui en sort renforcé .Par contraste, les deux Chambres sont restées des assemblées inefficaces, déchirées par les luttes de partis, et souvent incapables d' apporter des solutions concrètes .
La création des commissions remonte aux origines de la démocratie aux Etats-Unis ; mais leur composition, leur fonctionnement et leur importance ont considérablement évolué .A l'origine, le nombre de parlementaires était limité ; leur implication dans les commissions n' était que temporaire et variait selon les besoins et les circonstances .Instruments du pouvoir législatif, les commissions servaient alors à renforcer l' autorité des membres du Congrès .La Chambre des représentants, qui compte un nombre plus important de parlementaires , a développé des commissions plus tôt que le Sénat, si bien que en 1810, dix commissions aidaient déjà les représentants dans leur travail .En 1816, le Sénat a rattrapé son retard, éliminant les commissions ad hoc au profit de structures permanentes .
Dès lors, l' importance des commissions s' est accrue, et elles se sont peu à peu imposées comme une composante indispensable du Congrès .Pendant tout le XIXe siècle, leur nombre était relativement important, puis il s' est réduit de façon sensible pour en faciliter le fonctionnement .Aujourd'hui, la Chambre compte 19 commissions, et le Sénat, 17 .Celles -ci directement rattachées à d'autres commissions, avec lesquelles elles partagent une partie des membres, qui divisent les tâches pour mieux traiter les différentes questions .
Les commissions dévolues à la politique étrangère sont, dans les deux Chambres, celles des Forces armées, des Affaires internationales et, accessoirement, pour le vote du budget, celle des Finances .Tous les experts ès relations internationales s' y trouvent réunis, assurent le relais avec les médias, rédigent des rapports d' information, s' entourent de spécialistes indépendants et auditionnent les autorités militaires et les représentants de l' Exécutif sur ces questions .Plus encore au Sénat qu' à la Chambre, ces commissions sont devenues un examen de passage obligatoire pour toutes les initiatives de la Maison-Blanche .
La présidence de chaque commission est assurée par le doyen du parti majoritaire, qui s' affirme comme le personnage principal, usant de son influence pour contester les initiatives présidentielles et orienter les débats de sa commission .Si les autres membres, par la pertinence de leurs travaux, leur expertise sur certaines questions ou les nouvelles idées qu' ils apportent , généralement par le biais de les sous-commissions , peuvent s' imposer, c' est en général le président qui occupe le devant de la scène et devient l' intermédiaire incontournable entre la commission et le reste de la vie parlementaire .Le parti minoritaire dispose d' un représentant qui se fait l' écho des membres de son parti .Dans un système partisan, ce représentant ne peut qu' exprimer des opinions contraires à celles du président, qui ne sont généralement pas retenues .Cependant, avec l' accroissement du nombre d' initiatives bipartisanes, il est devenu, en quelque sorte, le bras droit du président et soutient parfois les initiatives de l' Exécutif en leur apportant l' approbation de la minorité .Ce personnage a donc pris, au fil de les années, un rôle de plus en plus important dans le fonctionnement des commissions .
Parmi les principaux problèmes posés par le système des commissions, l' âge des présidents est sans doute l'un des plus sensibles .En effet, la présidence de chaque commission est assurée par le doyen de la majorité parlementaire à la Chambre ( nous verrons dans quelle mesure ce système a évolué à la Chambre des représentants ), ce qui a l' avantage de placer des experts aguerris à la tête des commissions mais le désagrément de les y installer pour de nombreuses années .L' autre conséquence de ce système est l' inéquité de la répartition géographique des présidents de commission .Si la Chambre est à peu près équitable, le Sénat offre quant à lui deux postes pour chaque Etat, ce qui n' est représentatif ni de la population, ni de l' importance de l' Etat .Jusqu' à 2001, les deux sénateurs du Delaware, un Etat pourtant minuscule , étaient William Roth et Joseph Biden .L' un était président de la commission des Finances ( aujourd'hui à la retraite ), l' autre le chef de file des Démocrates à la commission des Affaires internationales ( dont il fut président de juin 2001 à janvier 2003 ) .
L' âge des présidents des commissions peut également s' avérer néfaste pour le parti dont ils sont issus .En effet, après un grand nombre d' années passées à la tête de commissions où ils ont réussi à s' imposer comme de véritables piliers du Congrès, les présidents des commissions les plus importantes négligent volontiers le jeu des partis .Cela a pour effet de réduire encore davantage l' importance des querelles partisanes, mais aussi de créer des pôles autour de ces hommes d' influence, qui imposent leurs idées sans que leur parti puisse les contrôler . [Cliv] C' est ainsi que des initiatives, en totale contradiction avec les recommandations des partis, sont parfois prises au sein de les commissions sous l'impulsion de leur président, ce qui peut bouleverser les orientations du Congrès .Le débat politique aux Etats-Unis s' en trouve plus difficilement prévisible . Le système actuel de le Congrès met en avant à la fois certaines personnalités et les commissions concernées par les débats de politique étrangère .La représentativité des parlementaires fait leur force, mais elle ne profite malheureusement pas toujours aux intérêts de la nation .En effet, les revendications de l' électorat ne sont pas du tout les mêmes selon les Etats et les membres du Congrès, en reprenant ces opinions de façon trop systématique, s' éloignent souvent considérablement des considérations nationales, les abandonnant à l' Administration .Selon Stanley Sloan, Mary Locke et Casimir Yost , plutôt que de juger le président sur ses ambitions de fédérer l' ensemble de les idées exprimées par le pays , les parlementaires devraient s' efforcer, eux aussi, de respecter des standards sur les questions extérieures, afin de ne pas prendre de directions trop opposées .En effet, une trop grande disparité des opinions à le Congrès diminue l' influence du pouvoir législatif en matière de politique étrangère et réduit le crédit des élus, experts en relations internationales mais insensibles aux vrais enjeux et qui se contentent trop souvent de ne répondre qu' aux considérations purement électorales .Sans pour autant s' éloigner de leurs fiefs électoraux, les membres du Congrès devraient donc prêter plus d' attention aux affaires étrangères avant de juger les options choisies par la Maison-Blanche .
La généralisation des initiatives bipartisanes a eu comme effet immédiat de bloquer les initiatives présidentielles plus facilement encore que par le passé .Le poids des résolutions proposées à la fois par des Républicains et des Démocrates leur permet de bénéficier d' une certaine crédibilité et de s' imposer .Cependant, avec des groupes d' observation composés de parlementaires de différentes tendances et faisant appel à des experts indépendants, les commissions peuvent proposer des solutions en toute objectivité, qui ne heurtent pas systématiquement la Maison-Blanche, mais viennent au contraire apporter des éclaircissements ou des critiques constructives sur les options de l' Administration .En outre, il est manifeste que les plus grands succès du Congrès au cours de ces dernières années ont été le fait d' initiatives bipartisanes, qui sont devenues un instrument essentiel du pouvoir législatif .En se rapprochant des ministères, et donc de l' Administration, les opinions exprimées par les initiatives bipartisanes consolident la politique étrangère du pays, en proposant une meilleure communication entre les deux pouvoirs, essentielle pour mieux répondre aux impératifs extérieurs . [Il..._SN] Il semble ainsi avéré que le rapprochement avec le département d' Etat, le secrétariat à la Défense et le National Security Council, sous forme de un partenariat entre parlementaires de diverses tendances, sont les conditions par lesquelles le Congrès retrouvera sa crédibilité en matière de politique étrangère .Mais une telle perspective demande des efforts aussi bien de la part de le Congrès que de l' Administration .
La généralisation des initiatives bipartisanes a pour effet bénéfique de faire évoluer le débat entre le Capitole et la Maison-Blanche vers un plus grand partenariat, qui défend en priorité les intérêts du pays . [Present_SP] Il s' agit, pour le président,présidentEn effet, malgré la majorité républicaine dans les deux Chambres, le Sénat et la Chambre des représentants ont voté en faveur de l' intervention, laissant de côté les querelles de parti . [Present] Cependant, il peut également s' agir d' une arme à double tranchant pour le chef de l' Exécutif, car les résolutions partisanes, du fait de leur autorité et de la représentativité qu' elles assurent aux opinions du Congrès, sont difficilement discutables et doivent être prises en compte pour définir les orientations de la politique étrangère .
L' autorité du Congrès, sa crédibilité et son influence sur la Maison-Blanche sont sensiblement renforcées par les initiatives bipartisanes, qui illustrent parfaitement la montée en puissance du pouvoir législatif ainsi que la nécessité de trouver un dialogue entre les deux pouvoirs, en vue de définir une politique étrangère cohérente et représentative de l' opinion publique, comme ce doit aussi être le cas pour les questions de politique intérieure .Bill Clinton a éprouvé quelques difficultés à établir ce dialogue avec ses opposants politiques, et ce, malgré son habileté politique et la présence, lors de son second mandat, d' un Républicain à la tête du Pentagone ( William Cohen ) .Plus encore qu' à une querelle opposant Républicains et Démocrates, les divergences de vues répondent donc davantage à des logiques institutionnelles .
Fortement critiqué pendant les premiers mois de son mandat pour son manque d' intérêt pour les questions internationales, George W. Bush se retrouve, depuis le 11 septembre 2001, dans une situation qui semble totalement à l' opposé de ce profil tant décrié . [Cliv] C' est même lui qui se montre favorable aujourd'hui à un renforcement de l' interventionnisme des Etats-Unis dans ce qu' il a appelé la " croisade " antiterroriste, celle -ci s' étant accompagnée d' un certain nombre de réformes et de mesures, toutes acceptées par le Congrès .
[Il...] Il convient de distinguer ici les mesures qui ont été adoptées pour renforcer la sécurité du territoire et les débats concernant l' engagement des Etats-Unis sur des théâtres extérieurs .Dans les deux cas, si l' on en croit les sondages, ces décisions ont été largement soutenues par l' opinion publique et le Congrès s' est montré à la fois bienveillant et incapable de contrer les initiatives de l' Administration .Toutefois, certains parlementaires n' ont pas manqué de rappeler les limites, à la fois dans la durée et dans l' importance, des mesures proposées, affirmant qu' ils ne soutiendraient pas de façon aveugle des réformes en profondeur au nom de une " présidence impériale " retrouvée .
Les premières mesures qui ont été adoptées après les attentats de New York et de Washington concernaient le renforcement de la sécurité dans les aéroports et le traitement des étrangers sur le territoire . Elles ont marqué le début d' une campagne de plus grande ampleur dont les orientations ne sont pas toutes connues, mais qui ont pour objectif de renforcer la sécurité intérieure .
Les débats sur le recrutement d' agents fédéraux chargés d' assurer la sécurité dans les aéroports , tel qu' il a été proposé à la fin de le mois d' octobre 2001 , a rapidement divisé Républicains et Démocrates à la Chambre des représentants, chacun profitant de l' occasion pour défendre des valeurs partisanes . [Cliv] Ainsi, ce sont surtout les Républicains, et parmi eux la branche conservatrice, qui se sont montrés les plus hostiles au fait que la " bureaucratie fédérale " ( c' est ainsi que ils la nomment ) était appelée à se substituer aux entreprises privées chargées de la sécurité des compagnies aériennes .Ils estimaient que cette proposition accroissait le rôle des pouvoirs publics, comme le souhaitaient les Démocrates, mais reconnaissaient la nécessité de renforcer la sécurité .John Warner ( républicain , Virginie ) a noté à ce propos que cette mesure pourrait être effective pendant trois ans, mais qu' ensuite les compagnies aériennes devraient pouvoir de nouveau faire appel à des agences de sécurité privées .
Les Démocrates se sont montrés favorables à cette mesure, tout en déplorant qu' elle s' accompagne de certaines restrictions en matière de droit du travail, puisque les employés n' ont pas le droit de grève et peuvent être licenciés s' ils n' accomplissent pas efficacement leur travail .En accord sur le principe du renforcement de la sécurité aérienne, Démocrates et Républicains se sont opposés sur la façon de le mettre en place, les uns voulant faire appel à des agents fédéraux, les autres demandant un accroissement de l' aide aux compagnies privées .
Les propositions de l' Administration en matière de sécurité dans les aéroports ont ainsi eu pour effet de diviser les membres du Congrès, et les deux Chambres n' ont pu s' opposer de façon efficace ( car bipartisane ) au pouvoir exécutif, quand bien même elles l' auraient souhaité . [On...] En conséquence, nous assistons aujourd'hui à une remontée en puissance du pouvoir fédéral sur les questions intérieures, comparable à ce qui s' était produit entre 1917 et 1980, avant deux décennies de stagnation .Certains considèrent même que le 11 septembre marque le début d' une nouvelle ère de l' Etat fédéral dont les prérogatives continueront nécessairement de s' accroître dans les prochaines années .
Depuis le 11 septembre, les problèmes de sécurité intérieure sont étroitement liés aux questions de politique étrangère .Le 26 novembre 2001, à l'occasion de une réception donnée à la Maison-Blanche en l'honneur de la libération des deux Américaines détenues à Kaboul, George W. Bush a souligné la volonté des Etats-Unis de lutter contre le terrorisme dans le monde entier : " L' Afghanistan ne constitue que le début .Quiconque abrite un terroriste est lui -même un terroriste .Quiconque aide financièrement un terroriste est un terroriste .Quiconque met au point de les armes de destruction massive destinées à terroriser des Etats devra rendre des comptes . " Le 3 octobre 2001, dans le cadre de la coordination des moyens de lutte antiterroriste, le sénateur républicain du Maine, Olympia Snowe, a proposé un texte relatif à la participation de toutes les ambassades des Etats-Unis à la détection des groupes terroristes, par le biais de commissions spécialisées dans chaque ambassade .Jesse Helmes ( républicain , Caroline-du-Nord ) , ancien président de la commission de les Affaires internationales de le Sénat , a apporté son soutien à ce texte une semaine plus tard et il est à présent placé sous l' autorité de ladite commission, présidée par Joseph Biden .Par ailleurs, un projet de loi sur les visas accordés aux étudiants étrangers a été proposé au Sénat, par des élus tant républicains que démocrates, et apparaît à bien des égards comme moins restrictif que ne le craignaient certains responsables universitaires .Il prévoit entre autres choses que :
A contrario, ce texte n' est ni restrictif en ce qui concerne le nombre d' étudiants pouvant obtenir des visas, ni sélectif en ce qui concerne leur origine .Sur ces deux points, les parlementaires ont été sensibles au fait que les étudiants étrangers constituent un atout pour les universités du pays, répondant ainsi aux attentes des universitaires .En effet, selon un rapport communiqué le 13 novembre 2001 par l' Institute of International Education, 547 867 étudiants étrangers étaient inscrits dans une université aux Etats-Unis en 2000-2001, 13 % d' entre eux étant issus de pays à forte majorité musulmane .
Depuis le 11 septembre 2001, fidèle à sa déclaration de " guerre " contre le terrorisme, George W. Bush a entrepris de renforcer les pouvoirs présidentiels en matière de politique étrangère, à un niveau nettement plus important que ses prédécesseurs, y compris Franklin D. Roosevelt .Ces pouvoirs renforcés se justifient en temps de guerre, comme le rappelait récemment Ari Fleischer .Ainsi, les prérogatives du Congrès, élargies sous les trois Administrations précédentes pour des raisons liées à l' environnement international et à le cadre institutionnel , semblent s' être fortement affaiblies .Assumant pleinement son rôle de chef des armées, le président s' est lancé dans une guerre contre un adversaire à sa mesure ( Al-Qaida ), mais aussi dans une bataille politique contre ceux qui n' hésitent pas, au nom de la Constitution, à contester son autorité .Concernant les questions de surveillance et de renseignement, par exemple, l' Administration Bush a été critiquée par les parlementaires, qui refusent de laisser l' Exécutif prendre des décisions sans concertation de façon systématique, comme l' Attorney General John Ashcroft le demandait, renforçant ainsi le pouvoir de la Maison-Blanche .
[Cliv_SP] Paradoxalement, c' est dans l' aile conservatrice des Républicains que les critiques de la conduite des opérations en Afghanistan se sont fait entendre, notamment en ce qui concerne les buts et le financement de la campagne militaire . [Cliv] Ce sont d'ailleurs souvent les Républicains qui manifestent leur désaccord quand des pouvoirs de guerre trop importants sont octroyés au chef de l' Exécutif .A l' inverse, les Démocrates ont largement soutenu la riposte armée contre le régime des Talibans, soupçonné d' apporter une aide importante à Al-Qaida .De même, les Démocrates ont accueilli favorablement les initiatives diplomatiques de l' Administration .De ce fait, la majorité sénatoriale voit d' un bon oeil le rapprochement avec Moscou ( sur lequel les Républicains se montrent beaucoup plus méfiants ), le dialogue avec Pékin et la concertation avec les alliés, sans oublier les partenaires du monde arabo-musulman .Ce renversement des rôles traduit le profond consensus sur la nécessité de mener une lutte sur tous les fronts contre Al-Qaida .
Les parlementaires du camp démocrate n' ont pas manqué de rappeler que le président Bush, plutôt que de précipiter la riposte contre des installations terroristes connues, a pu rassembler une coalition internationale jetant les bases de la lutte antiterroriste, grâce notamment aux initiatives de Colin Powell .Les craintes de voir les Etats-Unis se lancer dans des opérations à la hâte et sans concertation se sont révélées infondées dès lors que la Maison-Blanche s' est engagée dans la lutte contre Al-Qaida en faisant appel aux services de renseignement de plusieurs Etats .Walter Russell Mead remarque sur ce point que le multilatéralisme proposé par l' Administration Bush dans la riposte militaire en Afghanistan et la lutte antiterroriste ne peut en aucun cas être assimilé au wilsonisme . [Present] Il s' agit plutôt d' un unilatéralisme suivi par des Etats qui partagent les mêmes convictions ( Europe ), qui n' ont pas de raison de critiquer l' attitude des Etats-Unis, ou qui pourraient en tirer profit ( Russie et Chine ) . [Il..._SP] Il est vrai qu' après le 11 septembre, la communauté internationale a approuvé de façon générale les initiatives de Washington, mais sans être invitée pour autant à en discuter la forme .Au fur et à mesure que la campagne militaire en Afghanistan a progressé, certains intellectuels démocrates ont cependant dénoncé l' influence des " faucons " qui, au sein de l' Administration, défendent les opérations militaires, particulièrement au Congrès, et le rôle joué par les lobbies économiques dans la définition de la politique étrangère .Même en temps de guerre, selon eux, les intérêts prennent le dessus sur le sentiment patriotique originel et l' argent continue d' influencer les décisions politiques .
Par ailleurs, certains Démocrates, relayés en cela par la presse , n' ont pas manqué de faire un rapprochement entre la riposte en Afghanistan et la gestion de la crise du Kosovo par le président Clinton, en 1999 .A cette époque, le gouverneur George W. Bush reprochait à l' Administration de ne pas utiliser tous les moyens possibles pour atteindre les objectifs fixés .Or, Ivo Daalder et Michael O'Hanlon remarquent que le nombre de sorties aériennes en Afghanistan est de très loin inférieur à celui constaté au Kosovo .De même, les objectifs politiques n' ont pas été clairement définis, en dehors de ce que l' Administration a appelé la " croisade " antiterroriste .Dans une lettre adressée au président Bush, le 6 décembre 2001, le représentant Tammy Baldwin ( démocrate , Wisconsin ) estimait qu' il se sentait concerné, avec ses confrères, " par ceux qui cherchaient, dans l' Administration et au Congrès, à étendre la campagne militaire au-delà de l' Afghanistan ", considérant que " sans une présentation claire et sans équivoque de la responsabilité d'autres nations dans les attentats du 11 septembre, il était inapproprié d' étendre le conflit " . [Autre_SN] C' est pourquoi le soutien apporté à Bush par les Démocrates a commencé à diminuer quand l' Administration a décidé d' aller au-delà de la campagne antiterroriste en visant le régime irakien .A l' inverse, les Républicains les plus conservateurs ont revu leur jugement critique, considérant que la question irakienne, en suspens depuis plus de 10 ans, pouvait enfin trouver une issue .
Après une restructuration en profondeur des mesures de sécurité intérieure, l' Administration s' est lancée dans une campagne militaire en Afghanistan et a annoncé très rapidement, après la fin des opérations en Asie centrale, que la cible suivante de ce que le président Bush a appelé la " lutte sans fin " serait l' Irak .L' objectif, qui ralliait un large consensus dans les camps tant républicain que démocrate , consistait à renverser le régime de Saddam Hussein, même si d'autres arguments ont été mis en avant pour justifier un déploiement militaire .Malgré une vive opposition internationale, la guerre a été déclenchée en mars 2003, sans l' aval des Nations unies, les Etats-Unis assumant la quasi-intégralité des opérations militaires, soutenus par le Royaume-Uni et l' Australie sur le terrain et par un total de 48 Etats favorables à la cause défendue par la Maison-Blanche .
au Congrès, la perspective d' une campagne militaire à grande échelle a définitivement tourné la page de l' union sacrée ", perceptible après le 11 septembre 2001, et qui avait permis à la campagne afghane de se dérouler sans encombre .Une fois terminée cette période d' absence totale de débat politique, les parlementaires ont repris leur rôle de contrepouvoir de l' Exécutif, annonçant clairement qu' aucune campagne militaire en Irak ne pouvait être décidée sans leur accord .Ainsi, avant de convaincre la communauté internationale, l' effort de l' Administration Bush a consisté à plaider le bien-fondé d' un déploiement militaire devant les membres du Congrès .
Dans les semaines qui ont suivi les attentats du 11 septembre, tandis que se préparait l' offensive militaire contre le régime des Talibans, l' Irak a été désigné comme la prochaine cible possible de la " croisade " contre le terrorisme lancée par George W. Bush .Le 20 septembre, celui -ci recevait une lettre ouverte signée par plusieurs dizaines d' officiels, mettant l' accent sur la nécessité de " châtier " Saddam Hussein afin de éradiquer les sources du terrorisme international .Les autorités sont depuis lors efforcées de rassembler des éléments permettant d' établir un lien entre le régime de Saddam Hussein et le terrorisme .Ces éléments sont :
Ces éléments se sont renforcés dans la mesure où Bagdad refusait, depuis 1998, d' ouvrir son territoire aux inspecteurs des Nations unies .Par ailleurs, les soupçons selon lesquels le régime cherchait à se procurer 0 des armes de destruction massive constituaient un argument avancé par les conservateurs aux Etats-Unis et repris par les membres de l' Administration Bush .Depuis quelques années, les thèses des conservateurs sur la capacité de l' Irak à reconstituer un arsenal d' armes de destruction massive ont été alimentées par plusieurs ouvrages " grand public ", dont ceux de Khidhir Hamza, chef des services de recherches nucléaires irakiennes jusqu' en 1995, de Richard Butler, ancien chef de la Commission spéciale des Nations unies ( UNSCOM ) aujourd'hui au Council on Foreign Relations à New York, et de Scott Ritter, ancien inspecteur de l' UNSCOM . Ce dernier, opposé toutefois à une campagne militaire en Irak, proposait une descriptiEnfin, l' abondante littérature sur le terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive, mise en avant depuis le 11 septembre , et surtout les attaques à l' anthrax , placèrent généralement l' Irak au centre de la menace .Plus récemment, trois personnalités importantes dans l' entourage du président Bush, Donald Rumsfeld , Dick Cheney et Condoleezza Rice , n' ont pas manqué d' accuser l' Iran, l' Irak et la Syrie d' être à l'origine des multiples attentats commis en Israël, invoquant le lien présumé entre le régime de Bagdad et les réseaux du terrorisme international .L' ensemble de ces considérations ont fait de l' Irak la cible suivante de la campagne antiterroriste menée par l' Administration .Enfin, en publiant un rapport accablant sur la volonté de Bagdad de reconstituer un arsenal d' armes de destruction massive et de l' utiliser dans un avenir proche, les autorités britanniques ont apporté leur contribution aux accusations, revenant largement sur la mauvaise volonté affichée par Saddam Hussein depuis plus de 10 ans .
La plupart des experts européens considérèrent rapidement que les frappes des Etats-Unis contre l' Irak étaient inévitables, à moins que le régime ne cède et que Saddam Hussein ne quitte le pouvoir, ce qui semblait évidemment peu envisageable .L' un des premiers efforts consista à s' assurer le soutien de l' opinion publique .Selon un sondage publié par le Washington Post fin 2002, 64 % des personnes interrogées étaient ainsi favorables à des frappes contre l' Irak .
Par ailleurs, plusieurs membres de l' Administration - dont le secrétaire adjoint à la Défense , Paul Wolfowitz - , plaidèrent en faveur de une extension des opérations militaires en Irak .Une intervention sur le sol irakien nécessitait des moyens nettement plus importants que la guerre en Afghanistan, et les alliés de Washington, tant dans la région qu' ailleurs, semblaient peu réceptifs à la perspective de reconstituer la coalition de 1991 .En effet, les alliés ne partageaient plus, pour la grande majorité d' entre eux, la position des Etats-Unis vis-à-vis des sanctions imposées à l' Irak depuis 10 ans .Ils furent relayés en cela par certains think tanks et centres d' expertise américains .
Par ailleurs, une guerre contre l' Irak pouvait se faire selon trois scénarios .Le premier consistait à renouveler l' expérience de 1991 ( sans doute avec une coalition amoindrie ) ; il nécessitait des mois de préparation et posait de réels problèmes de politique intérieure aux Etats-Unis .Le deuxième scénario consistait à répéter l' expérience de décembre 1998, à savoir des frappes contre des cibles précises en Irak .Une telle option était plus facile à mettre en oeuvre et ne posait pas trop de problèmes en termes d' aval du Congrès .Mais les résultats n' avaient pas été très concluants en 1998 et n' avaient pas permis, en tout état de cause, d' atteindre les objectifs affichés, à savoir le renversement du régime de Saddam Hussein .
Le troisième scénario consistait à envoyer sur place plusieurs commandos de services spéciaux chargés de liquider le dictateur irakien . [Present] Là encore, il n' y avait guère de difficulté pour obtenir l' accord du Congrès, mais le succès d' une telle missioncongrèsDe fait, la première option semblait être la seule permettant de poursuivre l' effort de 1991, en poussant cette fois les armées jusqu' à Bagdad pour liquider Saddam Hussein, comme le souhaitait l' Administration . [Cliv_SN] Ce fut l' option retenue .Mais l' objectif principal était d' assurer un succès rapide et à moindre coût, à la fois pour profiter du large soutien de l' opinion publique aux Etats-Unis et pour éviter de laisser le temps au régime irakien de s' organiser .Kenneth Pollack , ancien directeur de les affaires de le Golfe à le National Security Council , remarquait à ce propos que, les capacités de résistance de l' Irak étant nettement supérieures à celles des Talibans, la préparation de l' intervention ne devait pas prendre de retard, même s' il se montrait par ailleurs sceptique quant à sa pertinence et aux résultats pouvant être obtenus .
Les limites d' une telle option étaient avant tout d' ordre externe . [Il..._SN] En effet, il fut très difficile, et même impossible, de reconstituer une coalition du type de celle de 1990 .La tournée de Dick Cheney dans les pays arabes , en mars 2002 , répondait nettement à l' objectif de rassembler un tel soutien, mais celui -ci était difficilement justifiable .En 1990, le régime de Saddam Hussein s' était rendu coupable de l' invasion du Koweït et il avait été unanimement condamné par les autres Etats de la région .Depuis, les voisins de l' Irak se montraient sceptiques quant à la poursuite des sanctions, qui avaient été plus nuisibles à la population qu' au régime et avaient refusé de soutenir les frappes de décembre 1998 . [Present] Par ailleurs, si les alliés des Etats-Unis souhaitaient condamner et combattre l' Irak souhaitaient condamner et combattre l' Irak il y a 10 ans, ils n' avaient jamais affiché la volonté de détruire le régime de Saddam Hussein .Ainsi, la Turquie, l'un des plus fidèles soutiens à Washington dans la région , voyait d' un mauvais oeil la dislocation de l' Etat irakien, qui pouvait entraîner la création d' un Kurdistan indépendant .De façon générale, les alliés de 1991 dans la région n' acceptaient de participer à une campagne militaire que si celle -ci était mandatée par l' ONU .
au Conseil de sécurité, le consensus a éclaté après le renvoi des inspecteurs de l' UNSCOM par Bagdad, en 1998, et la décision conjointe des Etats-Unis et du Royaume-Uni de frapper l' Irak en représailles .De fait, les objectifs de Washington ne furent pas compris, et encore moins partagés, par les autres membres du Conseil de sécurité .Comme le demandait, en mars 2002, Philippe Droz Vincent , " s' agit -il de faire appliquer les résolutions de l' ONU, de renverser Saddam Hussein ou de mettre sous tutelle un Irak potentiellement hégémonique dans la région ? " Les mêmes critiques se sont fait entendre de la part de les alliés européens des Etats-Unis, qui estimèrent pour certains d' entre eux, malgré leurs divisions, que la campagne proposée contre l' Irak ne répondait qu' à une volonté de vengeance de l' Administration Bush et d' hégémonie dans la région .
Toutefois, les proches de George W. Bush ont démenti les soupçons selon lesquels la Maison-Blanche accepterait de se plier au calendrier du Conseil de sécurité des Nations unies .Très vite, ils n' écartèrent pas la possibilité de frapper quand ils le jugeraient nécessaire, que ce soit avant ou après la décision de l' ONU concernant les sanctions et les missions d' inspection sur le sol irakien . " Le président a dit que nous ne pouvions attendre d' avoir la preuve que quelqu'un utilise des armes de destruction massive contre les Etats-Unis pour faire quelque chose afin de l' en empêcher ", déclarait ainsi Paul Wolfowitz dans une interview sur CNN, le 21 mars 2002 .Dès lors, et malgré les efforts diplomatiques en vue de convaincre Paris, Moscou et Pékin, Washington annonçait pouvoir se passer d' un mandat de l' ONU .
Maintes fois critiquée depuis quelques mois pour son unilatéralisme, notamment en Europe, l' Administration Bush a envisagé d' intervenir sans l' appui de ses alliés - ou de la majorité d' entre eux -, prenant exemple sur l' opération menée conjointement avec les Britanniques en 1998 contre l' Irak et sur la campagne en Afghanistan .La puissance logistique, organisationnelle et destructrice de l' armée de les Etats-Unis le leur permet en effet .Au cours des 10 dernières années, l' évolution de le matériel leur a permis de fournir des résultats plus rapides et plus significatifs .L' opération " Tempête du désert " de 1991 avait exigé 110 000 sorties aériennes, contre seulement 6 500 en Afghanistan, le différentiel, même notable, des capacités de résistance des adversaires ne pouvant expliquer à lui seul un tel décalage .De même, la campagne du Kosovo a été faite exclusivement depuis les airs, grâce notamment à un matériel hautement sophistiqué .Cette évolution sensible de son arsenal militaire offre à Washington un avantage nettement plus décisif qu' en 1991, d'autant que les forces armées irakiennes n' ont pu, en seulement 10 ans, reconstituer un arsenal conséquent, et ne disposaient, à la veille du conflit, que de capacités assez limitées .Dès lors, une campagne rapide était envisageable et Washington pouvait faire l' économie d' une coalition à la fois difficile à organiser et fort contraignante à bien des égards, en comparaison de son faible apport .De nombreux experts aux Etats-Unis, considérant qu' une coalition briderait les capacités militaires du pays, trouvèrent là des arguments pour justifier une intervention unilatérale .
L' exemple de l' Afghanistan joua un rôle important dans le soutien apporté à une attaque de grande ampleur contre l' Irak .En effet, alors que les résultats obtenus dans ce pays étaient présentés comme significatifs par l' Administration ( à savoir un régime stable et une prospérité plus notable qu' au temps des Talibans ), celle -ci plaida rapidement en faveur de une intervention contre Bagdad, avec comme argument qu' une telle campagne apporterait la stabilité dans la région .A l' inverse, comme l' expliquait Thomas Friedman, si le nouveau régime afghan ne parvenait pas à s' imposer sur l' ensemble du territoire et à faire l' unité du pays, il serait d' autant plus difficile à Washington de " proposer " une poursuite de la campagne contre l' Irak .Invité à l' Institut français des relations internationales, le 28 mars 2002, Steve Szabo , de la Johns Hopkins University ( Washington , D.C. ) , a noté que la Maison-Blanche ne prévoyait pas une intervention aussi longue et importante que celle de 1991, notamment du fait de l' affaiblissement des forces irakiennes ( n' oublions pas qu' en 1990, l' Administration Bush qualifiait l' armée de Saddam Hussein de " quatrième armée au monde " ) . [Present] Il s' agissait donc d' une quick war, c' est-à-dire d' une intervention rapide engageant moins de forces .il il convenait, comme Steve Szabo, de rester mesuré quant à ces perspectives, force est de constater que ces arguments répondaient également à la volonté de ne pas se présenter devant le Congrès pour déclencher des hostilités, en considérant que celles -ci n' engageraient que des moyens relativement limités et ne dépasseraient pas 60 jours .Mais, à prendre de tels risques, l' Administration s' exposait, en cas de résultats peu probants, à des critiques qu' il lui aurait fallu assumer seule, car les parlementaires n' auraient pas manqué l' occasion de rappeler qu' ils n' avaient pas été consultés .
[Cliv] C' est en effet au niveau de la politique intérieure que les contraintes les plus vives, mais aussi les plus neutralisantes, se sont manifestées .Comme nous l' avons vu, le Congrès a le pouvoir de limiter, voire d' interdire, des opérations militaires extérieures .Par ailleurs, si le principe de l' engagement militaire a été discuté depuis le 11 septembre, la perspective d' une intervention en Irak a fait apparaître de véritables fractures au sein de le Congrès .Déplorant l' absence de bonne volonté de la part de ses membres, Paul Reynolds notait que " le Congrès avait refusé d' être contraint d' étendre les pouvoirs des agences d' investigation, comme John Ashcroft l' avait demandé .Les parlementaires ont approuvé les mesures d'urgence, comme celle étendant le droit de surveillance d' un téléphone à tous ceux appartenant à la même personne .Ils se sont cependant interrogés sur les mesures de fond, comme le droit de garder quelqu'un à vue indéfiniment, bien que le FBI ait déjà adopté de telles méthodes, à travers le service de l' immigration, pour interroger des personnes .Le Congrès était encore une fois aveuglé par la Constitution " .
Unie jusqu'alors dans la lutte contre le terrorisme, la classe politique à les Etats-Unis a commencé à se diviser à la suite de le discours sur l' état de l' Union du 29 janvier 2002, dans lequel le président George W. Bush a avancé sa thèse d' un " axe du Mal ", inaugurant ce qu' il convient d' appeler la " phase 2 " de la campagne antiterroriste .Le 11 mars 2002, à l'occasion de la célébration des six mois des attentats, il annonçait, de façon encore plus nette, que la seconde étape de la guerre antiterroriste avait débuté : " Nous n' enverrons pas de soldats américains sur tous les champs de bataille, mais les Etats-Unis prépareront activement les autres pays à d' éventuelles batailles . " Vivement critiqué à l' étranger, un tel discours a reçu un écho favorable aux Etats-Unis, Pascal Riché estimant que " l' unilatéralisme de l' Administration Bush s' accordait parfaitement avec l' isolationnisme, qui séduit tra
Prenant la place tenue par George Mitchell en 1990, le leader du camp démocrate à la Chambre de les représentants , Richard Gephardt , souvent cité comme candidat potentiel à les primaires démocrates de 2004 , a exposé la " réponse " officielle de son parti au discours sur l' état de l' Union .Mettant l' accent sur la nécessité de rester unis dans la lutte contre le terrorisme, il a rappelé que les Démocrates ne soutiendraient pas de façon aveugle toutes les initiatives de l' Administration, notamment dans le domaine de les réformes sociales, cherchant ainsi d'autres terrains que la sécurité extérieure pour affirmer leurs différences .Thomas Daschle , leader de la majorité démocrate à le Sénat , a lui aussi rappelé le besoin d' unité nationale, sans omettre cependant les points de divergence .Ainsi, comme l' expliquait Eric Lesser, tous deux " se sont livrés à l' exercice impossible consistant à mettre de côté l' esprit partisan en étant à 100 % avec le président dans la guerre contre le terrorisme et à tenter, dans le même temps, des critiques sur sa politique économique et sociale " .
Côté républicain, Trent Lott , leader de le GOP à le Sénat , et Dennis Hastert , leader de la majorité à la Chambre , ont tous deux rappelé que les électeurs s' attendaient à une coopération parfaite entre les deux partis au Congrès, réduisant indiscutablement la marge de manoeuvre des Démocrates .Par ailleurs, Bob Stump , président de la commission de les Forces armées à la Chambre , a mis l' accent sur la nécessité de débloquer les fonds nécessaires pour renforcer le budget de la Défense, lançant ainsi un appel aux Démocrates .Ce soutien massif et sans équivoque est à mettre en parallèle avec la résolution H.J.RES . 27, proposée par la Chambre le 6 mars 2001, et dans laquelle Ronald Paul ( républicain, Texas ), John Doolittle ( républicain, Californie ), Pete Stark ( démocrate, Californie ), Roscoe Bartlett ( républicain, Maryland ), Virgil Goode ( démocrate, Virginie ), Barbara Lee ( démocrate, Californie ) et Barbara Cubin ( républicain, Wyoming ) rappelaient le rôle du Congrès dans le déclenchement des conflits .Un an plus tard, seul Pete Stark se montrait encore sceptique quant à les propositions de l' Administration Bush, mais il est resté fort isolé à la Chambre .
[Cliv] C' est donc une fois de plus le Sénat qui s' est montré le plus actif dans ses réactions aux projets de guerre de l' Administration .Dès le 29 janvier 2002, Joseph Biden ( démocrate , Delaware ) , alors président de la commission de les Affaires étrangères , calmait ses collègues en précisant que les propositions de l' Exécutif restaient vagues et qu' il fallait attendre un réel plan budgétaire pour en discuter .Dans les semaines qui ont suivi, plusieurs élus se sont exprimés pour rappeler que le Congrès pouvait seul décider d' envoyer des troupes sur des théâtres extérieurs .
Le 11 février, Russel Feingold ( démocrate , Wisconsin ) écrivait dans le Washington Times que " le président devait également respecter les termes de la résolution sur les pouvoirs de guerre " .En effet, " en vertu de notre Constitution et de la résolution sur les pouvoirs de guerre, le président et le Congrès doivent d'abord se mettre d' accord sur une telle extension de nos engagements militaires " .Le sénateur n' a pas hésité à rappeler que la répartition des pouvoirs avait été souhaitée dès les origines de la démocratie aux Etats-Unis, et qu' il serait par conséquent dommageable de la remettre en question ( les arguments étaient sensiblement proches de ceux énoncés en 1990 ) : " En divisant le pouvoir de faire la guerre, les rédacteurs de la Constitution ont signifié que l' unité nationale était essentielle à tout effort de guerre, et que cette unité pouvait se trouver renforcée en répartissant l' autorité entre les deux pouvoirs démocratiques du gouvernement .Cette division du pouvoir de déclarer la guerre nous force à rechercher un consensus national avant de mettre des Américains en danger . "
Le sénateur Patrick Leahy ( démocrate , Vermont ) , qui présidait la sous-commission de les Opérations à l' étranger au sein de la commission de les Attributions budgétaires , a poussé plus loin cette idée dans le domaine budgétaire .Il affirma qu' il appartenait aux parlementaires de chercher à concentrer les efforts sur les " zones grises ", afin de éviter les déséquilibres, offrant une lecture totalement opposée à celle de l' Administration Bush . [NoSaber] Ainsi, selon lui, " le Congrès, qui tient les cordons de la bourse, devrait s' assurer qu' une part de l' augmentation budgétaire proposée est consacrée à la lutte contre la pauvreté " .
[Cliv] Mais c' est surtout depuis le mois de mars 2002 que les oppositions les plus vives à la perspective d' une intervention en Irak se font entendre .Le sénateur Robert Byrd ( démocrate , Virginie occidentale ) a mis en avant les prérogatives des parlementaires en temps de guerre, notamment celle consistant à exiger que le chef de l' Exécutif vienne expliquer sa stratégie au Capitole .Selon lui, " le Congrès a non seulement le droit, mais aussi le devoir d' examiner d' un oeil critique la politique du président .Demander des explications, ce n' est pas accuser ou condamner .Demander des explications, c' est rechercher la vérité " . [Present] Il s' agissait ici d' une critique qui concernait davantage les pouvoirs de guerreguerreThomas Daschle a repris les mêmes thèmes dans un article publié dans le Washington Post, en mettant l' accent sur le budget nécessaire à une intervention : " Le Congrès a l' obligation constitutionnelle de demander où et comment ces fonds vont être utilisés . " Si les remarques énoncées par les deux sénateurs sortaient du cadre partisan, les réactions qui ont suivi ont été, en revanche, nettement plus politisées, soulignant le besoin d' unité du pays dans une guerre qui n' est pas comme les autres .L' éditorialiste du Washington Post , Charles Krauthammer , a ainsi pu écrire : " La guerre contre l' islam radical est une nécessité .Les guerres nécessaires n' ont pas de stratégie de sortie .Elles doivent être gagnées . " Les prises de position contre une guerre en Irak ont également eu pour effet de diviser le camp démocrate au Sénat, certains considérant, à l'instar de Mitchell en 1990, que le moment était mal choisi pour s' opposer au président, et plaidant donc en faveur de l' unité nationale .
Joseph Lieberman ( démocrate , Connecticut ) , colistier malheureux d' Al Gore lors de l' élection de 2000 , a adopté une position éloignée de ses confrères démocrates, plaidant au contraire, comme il l' avait déjà fait lors de la crise du Golfe en 1990, pour un soutien aux initiatives présidentielles .
Parallèlement à les propositions de frappes contre l' Irak, d'autres voix se sont élevées pour réclamer un règlement du cas irakien devant la justice internationale, prenant exemple sur le cas de Slobodan Milosevic, jugé à La Haye .En accusant Saddam Hussein de crimes contre l' humanité, les autorités américaines renforcèrent la légitimité de l' opposition interne ( comme ce fut le cas en Yougoslavie ) et espérèrent même qu' un règlement se ferait sans recours à la force, ce qui semblait pour le moins peu évident . [Cliv_SN] De façon générale, c' est la doctrine Bush concernant la croisade contre le terrorisme et l' utilisation de la force pour dissuader les adversaires qui fit l' objet de critiques de plus en plus franches .Dans l' entourage du président, les arguments en faveur du renforcement des prérogatives de l' Exécutif n' étaient pas jugées essentielles dans la seule perspective du règlement d' une crise ; elles s' imposaient également dans le bon fonctionnement d' une politique étrangère .Dans un entretien en date du 21 février 1997, Colin Powell , pourtant considéré comme l'un des modérés de l' Administration , estimait ainsi que " la menace militaire fonctionne uniquement quand les dirigeants américains ont réellement décidé de se préparer à utiliser la force " . [Il...] Pour le secrétaire d' Etat, il convenait de faire en sorte que les adversaires des Etats-Unis se sentent perpétuellement menacés, et il fallait pour cela concentrer les pouvoirs de guerre entre les mains d' un nombre limité de personnes, ce qui est loin de conforter les prérogatives des membres du Congrès .
Le 19 septembre 2002, après avoir présenté à l' Assemblée générale des Nations unies sa position sur la situation en Irak, George W. Bush s' est adressé au Congrès pour lui demander un vote l' autorisant à faire usage de la force, afin de " faire appliquer les résolutions susmentionnées du Conseil de sécurité des Nations unies, de défendre les intérêts de sécurité nationale des Etats-Unis contre les menaces émanant de l' Irak, et de restaurer la paix internationale et la sécurité dans la région " .Secondé par Donald Rumsfeld et Colin Powell, le président a justifié la nécessité de ce vote, dans un souci d' unité, pour faire face de façon plus crédible à la " menace que fait planer le régime de Saddam Hussein " .Cette initiative a été saluée par les parlementaires, qui y ont vu une volonté d' ouverture en direction de le pouvoir législatif, et une reconnaissance de leurs prérogatives .
Plusieurs parlementaires démocrates se sont cependant élevés contre cette proposition de la Maison-Blanche .Constatant un décalage de plus en plus perceptible entre les orientations politiques et l' opinion publique du pays, Dennis Kucinich ( démocrate , Ohio ) , meneur de le groupe opposé à la proposition , a souligné que " ( ses ) administrés ( étaient ) choqués de voir la direction que ( prenait ) l' Amérique " .De son côté, Russel Feingold estimait que " l' Administration ( demandait ) la lune sans nous donner d' informations sérieuses " .De même, plusieurs élus démocrates se méfiaient d' un amendement qui donnait au président tout pouvoir pour gérer la sécurité et la paix de la région .Pourtant, la plupart des élus démocrates , à commencer par les dirigeants de le Parti , estimaient être capables de travailler de concert avec l' Administration pour mettre au point une résolution sur l' Irak soutenue par le plus grand nombre .L' objectif était d' atteindre rapidement un compromis sur les termes du texte et un vote à la Chambre et au Sénat .Nancy Pelosi ( démocrate , Californie ) espérait que les deux camps pourraient travailler ensemble en ce sens .Mais elle avertit l' Administration qu' elle -même et les autres parlementaires démocrates souhaitaient des réponses concrètes sur le coût d' une offensive en Irak en termes d' opération militaire, d' occupation, d' économie et de guerre totale contre le terrorisme .Le représentant John Spratt ( démocrate , Caroline-du-Sud ) , de la commission de les Finances à le Congrès , estima ce coût à 93 milliards de dollars, sans compter les opérations de maintien de paix et les efforts de reconstruction qui pourraient suivre .
Cependant, le camp démocrate restait divisé entre ceux qui estimaient qu' une campagne était nécessaire et qu' il convenait de soutenir l' Exécutif ( Joseph Lieberman et John Edwards au Sénat ), et ceux qui préféraient se concentrer sur les dossiers de politique intérieure pour attaquer l' Administration . [Cliv_SN] Ce fut le cas de Thomas Daschle, qui exprima son soutien à l'idée de une campagne militaire en Irak, ce qui lui laissait le champ libre pour critiquer l' Administration sur d'autres dossiers .Dans une intervention remarquée au Sénat, le 25 septembre 2002, le leader de la majorité démocrate apporta ainsi son soutien à la campagne militaire, tout en accusant la Maison-Blanche d' utiliser la menace irakienne à des fins électorales .En soutenant l' initiative de l' Exécutif, il se mettait à l'abri de critiques politiciennes, ce qui lui permit de condamner l' instrumentalisation qui, selon lui, était faite de la crise .Ainsi, si les parlementaires furent généralement en accord avec l' Administration sur la nécessité de régler le cas irakien, les critiques reposaient sur l' absence de débat sur les autres points sensibles, la Maison-Blanche étant accusée de faire la distinction entre les Républicains, soucieux des questions de sécurité, et les Démocrates, supposés s' en désintéresser .
Le 23 septembre 2002, le représentant Alcee Hastings ( démocrate , Floride ) introduisit au Congrès un projet de résolution ( H.J. RES . 110 ) autorisant le président à faire usage de la force en Irak .Mais ce texte comprenait un certain nombre de conditions que l' Exécutif devait remplir, et sans lesquelles les parlementaires pouvaient émettre des réserves . [SujetInv] Parmi ces conditions figuraient alors :
Barbara Lee , seule membre du Congrès qui vota, après les attentats du 11 septembre, contre une résolution autorisant l' usage de la force contre les terroristes, a reconnu que cette résolution serait probablement adoptée par une grande majorité parlementaire . [Autre_SP] Ce qui ne l' empêcha pas de proposer sa propre résolution : les Etats-Unis devaient, selon elle, s' atteler à résoudre le problème irakien à travers les Nations unies, grâce à des inspections, des négociations et autres moyens pacifiques .Elle rejoignait en cela les propositions avancées par certains partenaires européens des Etats-Unis, en particulier la France .
Enfin, Robert Byrd, qui bénéficiait alors de sa position de président pro-tempore du Sénat ( en l'absence de le président, il était chargé d' assurer l' intérim ), rappela que les engagements de l' Administration n' étaient pas recevables, la preuve que l' Irak De même, il condamna vivement l' idée selon laquelle les critiques adressées à l' Exécutif étaient un acte d' antipatriotisme .En cela, il resta fidèle à la position qu' il avait affichée tout au long de l' année 2002 .Selon lui, la Maison-Blanche cherchait à obtenir des pouvoirs de guerre dépassant de loin ceux dont elle disposait, ce qui pouvait lui permettre de se lancer dans d'autres opérations futures sans consultation préalable du Congrès .Il se positionna ainsi indiscutablement comme le chef de file de ceux qui se montraient méfiants au Sénat .De leur côté, plusieurs républicains, dont le chef de la majorité à la Chambre des représentants, Dick Armey ( Texas ), mirent en garde l' Administration contre les dangers d' entraîner le pays dans une guerre en Irak . Mais les parlementaires du GOP devaient apporter leur soutien de façon quasi unanime à la résolution finale, au nom de valeurs d' unité en temps de crise, ralliant derrière eux de nombreux démocrates .
[Cliv] C' est finalement le 10 octobre 2002 que les deux Chambres ont autorisé le président Bush à déclencher des opérations militaires contre l' Irak, par 296 voix contre 133 à la Chambre des représentants, et 77 voix contre 23 au Sénat .Le succès de ce vote s' explique par la prise de position des leaders démocrates en faveur de la résolution, notamment Richard Gephardt ( à la Chambre ) qui en était l' auteur ; mais il convient de relativiser ce plébiscite, car plus de la moitié des représentants démocrates votèrent contre .Au vu des éléments évoqués plus haut, ce vote n' était pas une surprise, et, s' il est venu conforter l' Administration dans ses positions à l'égard de l' Irak, il n' illustre pas pour autant un regain d' influence de l' Exécutif sur les questions de politique étrangère, et apparaît plus conjoncturel qu' autre chose .En tout état de cause, le soutien des parlementaires a eu pour effet de clarifier la position des Etats-Unis, la Maison-Blanche disposant d' un véritable mandat interne dans sa lutte contre le régime de Saddam Hussein .
Dans sa version finale, la résolution donnait au président Bush tous les pouvoirs qu' il avait réclamés .Cependant, si elle l' autorisait à agir indépendamment des Nations unies, elle tenait compte des inquiétudes de certains parlementaires en encourageant le président à épuiser d'abord tous les recours diplomatiques, et exigeait de lui qu' il remette au Congrès, tous les 60 jours, un rapport au sujet de toute action unilatérale qui aurait été entreprise .
L' issue des débats est devenue évidente lorsqu' une version modifiée de la résolution, soutenue par la plupart des démocrates, a été battue par un vote de 270 voix contre 155 en début de journée .Cette version exigeait que le président Bush demande au Congrès de se prononcer une seconde fois sur le recours à la force lorsqu' il aurait conclu que les démarches diplomatiques par le biais de l' ONU n' avaient pas abouti .Le représentant John Spratt ( républicain , Caroline de le sud ) , qui avait parrainé la version modifiée , déclara : " En l'absence de une action multilatérale, ce sera les Etats-Unis contre l' Irak et, pour certains, les Etats-Unis contre le monde arabe et musulman . " Et Jay Inslee ( démocrate, Washington ) de renchérir : " A mon avis, frapper un tyran et créer 10 000 terroristes ne constitue pas une victoire . " En d'autres termes, de nombreux parlementaires attendaient l' Administration Bush au tournant et étaient prêts à multiplier leurs critiques si l' intervention mili [Il..._SN] En fait, il a fallu attendre la fin des opérations en Irak, et surtout le triple attentat suicide de Riyad, pour que l' unité nationale, généralement perceptible en temps de guerre, recommence à se diluer, et que les critiques les plus vives concernant la lutte antiterroriste menée par l' Administration se fassent à nouveau entendre au Congrès .
En s' attardant sur quelques exemples précis, en particulier depuis la fin de la guerre froide, cette étude permet de mieux comprendre le rôle du Congrès en matière de pouvoirs de guerre, et dans quelle mesure les engagements extérieurs des Etats-Unis font systématiquement l' objet de débats institutionnels opposant le Législatif à l' Exécutif .Ces divergences sont d' autant plus marquées quand le Capitole est politiquement opposé à la Maison-Blanche, comme ce fut souvent le cas depuis 1994 .Mais la domination de toutes les institutions par un seul parti n' empêche pas les parlementaires de défendre des prérogatives qu' ils placent à un niveau supérieur aux traditionnelles querelles politiques . [Cliv] Ainsi, ce n' est pas parce que le présidentprésidentUn tel constat est indispensable dans le contexte actuel .A l'occasion de les élections de la mi-mandat organisées le 5 novembre 2002, en effet, les Américains ont voté pour désigner l' ensemble des 435 représentants ( mandat de deux ans ), 34 sénateurs sur 100 ( mandat de six ans ) et 38 gouverneurs d' Etat sur 50 ( mandat de quatre ans ) .Après la défection de Jim Jeffords en juin 2001, les Démocrates étaient majoritaires au Sénat, ce qui leur permettait d' y contrôler les commissions et de faire pression sur certains dossiers présentés par l' Administration Bush, comme la ratification du protocole de Kyoto et le bouclier antimissile .Par ailleurs, cette opposition partisane était souvent perçue, de l' extérieur, comme une certaine forme de cohabitation .Or, si cela est exact sur les dossiers de politique intérieure, il n' en est rien en ce qui concerne les questions internationales .
Pour la première fois depuis les élections de 1934, à la suite desquelles le crédit de Franklin D. Roosevelt en tant que président avait été renforcé, aucun président des Etats-Unis n' avait vu son parti politique progresser au cours de les élections de la mi-mandat consécutives à son élection .En ce sens, le succès du Parti républicain est une victoire historique : comme entre janvier et juin 2001, le parti de George W. Bush contrôle désormais l' Exécutif, les deux Chambres du Congrès et la majorité des Etats . [Interro] Cette victoire est -elle due au soutien de l' opinion publique à son président ?George W. Bush était encore crédité, 14 mois après les attentats de New York et de Washington, de plus de 60 % d' opinions favorables, ce qui constitue un record au bout de deux ans de présence à la Maison-Blanche .Mais la victoire des candidats républicains s' explique bien davantage par des campagnes de terrain que par une stratégie d' ensemble à la tête de laquelle se serait porté le président .Enfin, la campagne électorale a été marquée par l' importance des financements, ceux -ci ayant été majoritairement le fait d' initiatives locales .Mais le seul point sur lequel cette élection apparaît comme une victoire personnelle de George W. Bush est qu' il a lui -même choisi la plupart des nouveaux candidats, et que ceux -ci ont connu des résultats largement positifs . Ainsi, parler d' un vote de soutien au président semble caricatural, mais il s' agit indiscutablement d' une victoire personnelle du chef de l' Exécutif, et Thomas Daschle n' hésite pas à expliquer la défaite de son camp par la campagne menée par George W. Bush, justifiant ainsi les mauvais résultats des Démocrates .
[Il..._SP] De même, il est difficile de voir dans cette élection une réelle victoire du camp républicain, la campagne ayant peu porté sur des questions partisanes, mais plutôt une défaite des Démocrates, qui n' ont pas été en mesure de proposer une alternative, ni de mettre en avant leurs différences de vues, sur les questions tant internes qu' externes .En tout état de cause, le résultat de ces élections a renforcé la position de l' Administration et mis entre parenthèses la constante opposition partisane qui existait entre le Sénat et la Maison-Blanche depuis 1994 ( à l'exception de la période de janvier à juin 2001, quand les Républicains étaient majoritaires dans les deux Chambres ) .Jusqu' aux élections de novembre 2002, l' Administration Bush pourrait être exempte de toute critique dans sa gestion des affaires internationales, notamment au Moyen-Orient, même si la plupart de ces questions font l' objet d' un fort consensus entre les différentes composantes politiques du Congrès .Par ailleurs, dans le contexte actuel, les Démocrates ont tout intérêt à privilégier les questions intérieures dans leurs critiques adressées à l' Administration, laissant ainsi de côté les problèmes internationaux, à l'instar de Bill Clinton qui, en 1992, s' était concentré sur l' économie et les problèmes sociaux et avait totalement délaissé les affaires étrangères .Dans ces conditions, les résultats des élections de novembre 2002 devraient avoir pour effet de laisser le champ libre aux Républicains sur les questions internationales dans les deux prochaines années .
[Cliv] C' est donc à l'intérieur de le Parti républicain que les tendances lourdes en matière de politique étrangère vont se dégager . [Il...] Il convient donc d' analyser à la fois les différents mouvements au sein de le GOP et les relations de ce parti avec l' Administration, et aussi dans quelle mesure certaines conceptions recevront un écho plus ou moins favorable, et seront ainsi susceptibles, ou non, de participer pleinement à la formulation de la politique étrangère du pays . [SujetInv] Parmi les personnalités les plus influentes se trouvent les nouveaux présidents des commissions des Relations internationales et des Forces armées au Sénat, Richard Lugar ( républicain, Indiana ) et John Warner ( républicain, Virginie ), tous deux réputés pour leurs prises de positions conservatrices .Plus que des divergences opposant Républicains et Démocrates, les futurs débats sur les questions internationales mettront en évidence les désaccords existant au sein de le GOP entre des parlementaires conservateurs et d'autres plus " centristes ", à l'instar de ceux opposant les " faucons " et les " colombes " au sein de l' Administration .Ils permettront aussi de mesurer clairement l' importance des prérogatives constitutionnelles, que les parlementaires républicains ne manqueront pas de mettre en avant à l'occasion de les futurs engagements de l' Administration Bush sur la scène internationale .
Si la victoire des Républicains a ainsi des effets importants sur les questions intérieures, le Congrès se rangeant derrière les propositions de lois de l' Administration , il n' en sera pas forcément de même en ce qui concerne les affaires internationales, et l' équipe de George W. Bush devra faire face, sur ce point, à la fois à l' aile droite du Parti républicain et aux initiatives bipartisanes derrière lesquelles pourraient se ranger des parlementaires plus " centristes ", susceptibles de s' associer aux Démocrates en certaines circonstances . [Il...] Il sera indispensable pour l' Exécutif de savoir compter habilement sur ces différentes tendances .
AUTEUR : François Vergniolle de Chantal
La quasi-totalité des Etats - seuls l' Alabama , le Michigan , New York , et le Texas ont 0 des dates différentes - ont eu à boucler leur budget pour l' année fiscale 2003-2004 le 30 juin dernier, révélant ainsi l' ampleur de la crise budgétaire qui les frappe .Le constat de crise est généralisé depuis le printemps 2003 : les différents think tanks ont tous leur avis sur la question - le Cato critiquant l' interventionnisme fédéral, la Brookings dénonçant les irresponsables coupes budgétaires étatiques, et Heritage le manque de responsabilité fiscale des dirigeants - .Ces derniers, ainsi que les lobbies intergouvernementaux ( National Governors'Association , National Association of States'Legislatures en particulier ) , s' emploient à développer les éléments d' une rhétorique récurrente depuis le début des années quatre-vingt-dix, et selon laquelle la crise actuelle est a ) la pire depuis longtemps b ) totalement imprévisible c ) imputable pour l' essentiel à la politique fédérale .La situation est d' autant plus difficile que tous les Etats - sauf le Vermont - sont contraints par leur constitution d' assurer un budget équilibré .
Plus généralement, les difficultés budgétaires actuelles peuvent être aisément interprétées comme une manifestation des impasses d' un fédéralisme dit " coopératif " où les pressions contradictoires et les accusations mutuelles entre les différents niveaux de gouvernement ( fédéral, fédéré, local, municipal ) sont quasi-permanentes . [Cliv] C' est d'ailleurs là un thème qui revient fréquemment dans le débat actuel, que ce soit à la droite ou à la gauche de l' échiquier politique, et qui prend la forme d' un appel au " tri " ( sorting out ) des fonctions gouvernementales .Les conservateurs vont ainsi défendre un transfert plus net de fonctions vers les Etats fédérés, alors que leurs homologues libéraux ( au sens américain ) considèrent que l' Etat fédéral doit assumer ses fonctions nationales .Derrière la rhétorique, il va de soi que l' équilibre financier des Etats pose de façon aiguë le problème des relations intergouvernementales .des Présidents comme Ronald Reagan ou Richard Nixon , en leur temps , l' avaient parfaitement compris et tenté de le mettre en oeuvre avec des programmes dits de " Nouveau Fédéralisme " ( New Federalism ) dont l' objectif le plus direct était d' alléger la charge financière de l' Etat fédéral en transférant aux Etats fédérés un nombre plus important de responsabilités .De nos jours, comme il y a vingt ans, l' argument " fédéral " est fortement lié aux questions budgétaires, alors qu' il est souvent présenté comme en engagement politique, voire idéologique .
[On..._SN] Au lieu de mettre l' accent sur les débats en cours concernant la question du fédéralisme, nous voudrions fournir un éclairage des principaux éléments budgétaires du problème .problèmeMalgré la diversité des situations étatiques - le Wyoming ne connaît par exemple aucune crise financière alors que la Californie, elle, voit une crise politique et institutionnelle se greffer à ses problèmes budgétaires -, les principales causes de la crise sont aisément identifiables . [Il..._SN] Il est ainsi possible de mettre en lumière des évolutions importantes du fédéralisme américain . Il semble à peu près acquis que le pari conservateur de ces dernières années, celui de la " dévolution " ( devolution ), est en passe de être gagné .Dans une large mesure, l' actuelle crise budgétaire des Etats fédérés est le produit du succès de la stratégie conservatrice de " Nouveau Fédéralisme " .
Dans un éditorial récent du Washington Post, un Sénateur démocrate de Caroline de Sud expliquait que l' administration Bush avait réussi à masquer la gravité de la situation budgétaire de l' Etat fédéral .Le constat d' un certain oubli médiatique s' impose encore plus pour les Etats fédérés .En écho à la situation fédérale, les Etats sont bien en proie à une crise budgétaire particulièrement aiguë .Hormis les spécialistes de la question, cette crise ne semble pourtant pas intéresser l' opinion publique américaine, et encore moins les observateurs étrangers .Le caractère récurrent de la crise budgétaire des Etats est sans doute une part de l' explication - au début de la décennie quatre-vingt-dix, la situation était assez similaire -, tout comme la quasi-certitude d' une aide de l' Etat fédéral .Pourtant, le problème est bien réel et il est presque certain que ses conséquences immédiates vont lui donner rapidement une visibilité politique .Les hausses d' impôts, en particulier , touchent directement les électeurs, et le lancement de la campagne présidentielle à partir de les primaires de l' hiver 2004 va mécaniquement contribuer à faire de la crise budgétaire étatique un enjeu politique : les candidats démocrates ne peuvent pas laisser passer une telle occasion de critiquer la politique économique du Président, et celui -ci devra forcément le prendre en compte .
L' ampleur du gouffre budgétaire devant lequel se trouvent les Etats est nettement plus préoccupante qu' au début de la précédent crise .La récession avait officiellement touchée le pays en juillet 1990 .Dès le milieu de l' année fiscale 1991, trente Etats faisaient face à un déficit cumulé de 15 milliards de dollars .La solution adoptée avait été une augmentation substantielle des impôts étatiques, d' environ 27 milliards de dollars entre l' année fiscale 1989 et celle de 1992 .A l'époque, la hausse draconienne des impôts avait aussi résulté du manque d' économie des Etats, et pas simplement de la mauvais situation d' ensemble .Ainsi, la plupart des Etats essaient maintenant de mettre de l' argent de côté soit dans le fond général, soit dans un fond spécifique dit de stabilisation ( on mentionne souvent ce dernier sous l' expression de " rainy day fund " ) .Lors de la récession de juillet 1990, les Etats avaient, en moyenne, 4.7 % de leur budget en réserve dans l'un de ces deux fonds, soit 12 milliards de dollars ; or ceci s' est révélé largement insuffisant, d' où le recours aux impôts .A partir de 1993, avec le redécollage de l' économie américaine, les Etats avaient finalement réussi à émerger de leurs problèmes budgétaires, et en avaient profité pour revenir sur les augmentations d' impôts : entre 1994 et 2001, 43 Etats ont baissé les impôts pour un montant de plus de 40 milliards de dollars .
Le ralentissement économique actuel a débuté à la fin de l' année 2000 en touchant d'abord des zones industrielles autour de les Grands Lacs et des ports du Sud ; les attentats du 11 septembre 2001 ont encore fragilisé la situation . [Cliv] Cette fois, ce sont donc les Etats du Sud ( Alabama, Arkansas, Kentucky, Missouri, les Carolines, Tennessee, et la Virginie ) ainsi que ceux du Midwest ( Indiana, Michigan, Ohio ) qui ont connu les premières difficultés à partir de le printemps 2001 .Les responsables étatiques avaient aussi tenté de pallier d' éventuels problèmes budgétaires à venir en augmentant les réserves budgétaires : en 1999, elles se montaient ainsi à 8,5 % du budget des Etats .Mais pourtant, la situation est sans commune mesure avec celle du début des années quatre-vingt-dix .Les experts considèrent que les Etats auraient dû doubler leurs réserves ( de 8,5 % à 18,6 % selon le Center on Budget and Policy Priorities ) pour faire face à la force de la crise actuelle .Ainsi, le CBPP estime qu' à présent plus de la moitié des Etats ont des revenus inférieurs à ce qui était initialement prévu en 2002, de sorte que 45 d' entre eux ont un déficit budgétaire pour l' année fiscale 2003 d' un montant de 25 milliards de dollars, chiffre qui devrait se monter, selon les estimations, à 68, voire 85 milliards de dollars pour l' année 2004 .
Une large part des remous budgétaires actuels trouve son explication dans la configuration des prélèvements étatiques . [Il..._SN] En effet, il semblerait que le système fiscal existant amplifie rapidement - soit à la hausse, soit à la baisse - les évolutions économiques nationales . [Il..._SP] Il faut donc se tourner vers la composition des revenus et derevenu
La masse budgétaire des Etats est considérable, y compris par rapport à le budget de l' Etat fédéral . [Cliv_SN] C' est une donnée peu réalisée par les lecteurs européens, mais les Etats fédérés étant, au sein de le système fédéral, des entités souveraines dans le domaine de compétence que leur réserve la Constitution, ils ont à leur disposition un appareil fiscal substantiel .En 1997, le total des revenus étatique atteignait 815 milliards de dollars .Les Etats ont collecté en propre 584 milliards de dollars, et l' Etat fédéral a fourni les 231 milliards de dollars restants, par le biais de financements catégoriels ou " en bloc " ( categorical grant - block grant ), c' est-à-dire soit en finançant des programmes spécifiques - dits " catégoriels " - soit en attribuant une somme générale à un domaine dont la gestion courante est laissée aux Etats fédérés .
Cette masse budgétaire des Etats se décompose classiquement en revenus ( prélèvements ) et en dépenses .Au niveau des prélèvements, l' impôt sur le revenu ( income tax ) et l' impôt sur la consommation ( sales tax ) occupent les premières places, puisqu' ils représentent chacun environ 18 % du revenu total des Etats .Les rentrées de l' impôt sur la consommation augmentent relativement peu .Elles ont été dépassées par le montant de l' impôt sur le revenu perçu par les Etats au cours de la décennie quatre-vingt-dix .L' impôt sur la consommation a en effet été érodé par toute une série d' exemptions accordées à différents produits, par exemple aux ventes effectuées sur Internet, mais ces réductions varient considérablement d' un Etat à l' autre, produisant, en fin de compte, une situation extrêmement complexe, voire confuse .Troisième grande catégorie, les soutiens de l' Etat fédéral . Plus de la moitié de ces " aides intergouvernementales " sont des financements destinés à des programmes d' assistance sociales ( public welfare ) tels le récent Temporary Aid to Needy Families ( TANF ) qui, depuis 1996, remplace le programme AFDC ( Aid To Families With Dependent Children ) .Ces aides représentent la part la plus importante des revenus des Etats - un peu plus de 28 % en 1997 - de sorte que aucun Etat ne pourrait boucler son budget sans l' aide de l' Etat fédéral .Dans ces conditions, l' élément fondamental pour l' équilibre budgétaire de les Etats est bien la décision fédérale !La crise actuelle de les Etats a lieu au moment où l' Etat fédéral relance sa stratégie de désengagement financier entamée depuis les années quatre-vingt . [Present] Il ne s' agit pas bien sûr d' une simple coïncidence : au vu de la masse des aides fédérales, c' est là l' élément déterminant des difficultés étatiques . [Il...] A côté de ces trois grandes sources de revenu, il convient de mentionner l' impôt sur les entreprises (impôt
Derrière ces chiffres globaux, les Etats varient considérablement dans la composition de leur revenu .Ainsi, neuf d' entre eux imposent peu ou pas d' impôt sur le revenu ( le New Hampshire et le Tennessee dans la première catégorie, alors que l' Alaska, la Floride, le Nevada, le Dakota du Sud, le Texas, l' Etat de Washington, et le Wyoming n' ont pas du tout d' impôt sur le revenu ) .Le Massachusetts et l' Oregon, à l' inverse , ont un impôt sur le revenu qui constitue 30 % de leur revenu total .La même ambivalence se relève au niveau de l' impôt sur la consommation .Cinq Etats ne disposent pas d' un tel impôt ( l' Alaska, le Delaware, le Montana, le New Hampshire, et l' Oregon ), alors qu' en même temps, la Floride, le Nevada et l' Etat de Washington voient cette taxe représenter entre 35 et 40 % de leurs revenus .
[On..._SN] Au niveau des dépenses budgétaires, on peut aussi identifier quelques postes qui ressortent de façon disproportionnée dans le budget général, et il convient également de souligner la grande hétérogénéité des Etats en la matière .L' éducation primaire et secondaire ( elementary and secondary education ) représentait 160 milliards ( soit 20 % ) des dépenses des Etats en 1997 .Le second poste, celui de l' assistance sociale ( public welfare ) , représentait, à la même date, 16 % des dépenses, et était essentiellement lié à Medicaid, le programme fédéral d' assistance aux défavorisés .Le troisième poste, surclassé par le précédent depuis le début de les années quatre-vingt-dix , est celui de l' enseignement supérieur ( higher education ), totalisant 12 % des dépenses . [SujetInv] Viennent ensuite les hôpitaux, les autoroutes, et d'autres programmes de santé mineurs .La composition des dépenses varie considérablement d' un Etat à l' autre, ce qui rend compte de profondes différences historiques et sociales .
[Il..._SN] Il est en effet possible, en première approche, de diviser les Etats en deux catégories générales : institutionnellement, on distingue le plus souvent deux groupes d' Etats, mais cette différence n' est pas purement formelle .Elle a des influences importantes quant à les politiques publiques mises en oeuvre par les Etats .Le premier groupe, dit " jacksonien ", est composé d' Etats où les Exécutifs sont faibles et où l' interventionnisme des pouvoirs publics est limité ; il s' agit surtout d' Etats du Sud .Le second groupe, dit " progressiste " , est composé d' Etats du Midwest, de la Nouvelle-Angleterre, de la Californie et de New York .Le pouvoir exécutif y est puissant, et l' activisme des pouvoirs publics ( notamment en matière sociale ) est réel .Il va de soi que les Etats appartenant à la seconde catégorie ont un système de prélèvement relativement familier à un Européen : un impôt sur le revenu élevé destiné à financer un activisme public réel . [Il..._SN] Tendanciellement, il semblerait que les Etats dits " Progressistes " peuvent donc faire face plus aisément aux fluctuations économiques nationales .Le poids de l' impôt sur le revenu dans le budget de ces Etats agit très certainement comme une forme de stabilisateur, assurant une base fiscale solide . [Interro] Mais pourtant, le développement de leur système fiscal ne les met pas à l'abri de importants problèmes budgétaires qui, là encore, sont connus en Europe : comment concilier rigueur de gestion et le développement d' une politique sociale réelle ?Si les Etats " progressistes " sont donc plus susceptibles de pouvoir faire face à les problèmes de conjoncture, le développement de leurs politiques sociales pose aussi le problème de gestion des conséquences de la crise économique - chômage en tout premier lieu - .Ainsi, à la différence des Etats " Jacksoniens ", ceux qui ont une tradition activiste plus prononcée ne doivent pas seulement gérer des problèmes au niveau de leurs recettes, mais également au niveau de leurs dépenses .Quant aux Etats " Jacksoniens ", ils ont leurs propres problèmes .La dépendance plus forte vis-à-vis de l' impôt sur la consommation accroît radicalement les risques de fluctuations majeures des recettes fiscales en fonction de l' état de l' économie .En cas de récession économique, la chute de la consommation influe directement sur le niveau des prélèvements étatiques .En fin de compte, l' organisation fiscale de ces Etats les rend particulièrement sensible à la situation économique .
Dans la littérature concernant la fiscalité étatique, les fragilités du système budgétaire sont systématiquement mises en avant .Plus récemment, les représentants du lobby intergouvernemental ont souligné que la source la plus immédiate de fragilité réside dans le type de croissance économique enregistré au cours de les années quatre-vingt-dix .Les ménages ont vu leurs revenus boursiers considérablement augmenter, de sorte que les rentrées fiscales des Etats ont, elles aussi, connu une forte croissance .La tendance s' est immédiatement renversée avec le ralentissement économique, ce qui a largement amputé les prévisions budgétaires des Etats fédérés .
Ces tendances conjoncturelles, régulièrement soulignées , sont très certainement un facteur important dans le déclenchement de la crise budgétaire actuelle .Mais elles sont loin de être les seules à jouer .Les défauts structurels sont déterminants, que ce soit au niveau de le fonctionnement fiscal des Etats que de leur rapport avec l' autorité fédérale .Le problème peut se résumer aisément : le coût des services demandés aux Etats croît beaucoup plus que ce que permet leur base fiscale .Cette dernière est en effet beaucoup trop instable, en particulier au vu des évolutions les plus récentes .Mais ces faiblesses fiscales sont induites par la configuration même du système fédéral .Les Etats ont une marge de manoeuvre relativement limitée pour réformer leur système : tendanciellement, le système fédéral rend tout changement d' ampleur de la fiscalité étatique difficile .
La part croissance de l' impôt sur le revenu dans le budget des Etats a une conséquence particulièrement néfaste, celle d' accroître encore un peu plus la sensibilité des budgets aux cycles de l' économie .En effet, à la différence de ce qui se fait en Europe, l' impôt des Etats fédérés est fondamentalement proportionnel et non pas progressif . [Autre_SN] C' est pourquoi les impôts fédérés sur le revenuimpôt [Present] Il n' y a en fait que peu d' Etats - ceux dits " Progressistes " - qui ont un impôt sur le revenu pouvant jouer le rôle d' acteur contre-cyclique qu' on lui connaît en Europe .Dans ces conditions de forte " volatilité ", la seule option qui reste ouverte à les Etats consiste à augmenter leur impôt sur le revenu ou à le rendre plus progressif .Dans les deux cas, le risque est le même pour chaque Etat, celui de trop augmenter le montant des prélèvements, et de devenir moins " attractif " que l' Etat voisin .Cet effet de " nivellement " mutuel ( race to the bottom ) , très largement induit par la structure fédérale de le pays , se retrouve au niveau de l' impôt sur la consommation .En effet, certains Etats n' imposent pas certains biens de consommation courante ( vêtements, produits alimentaires ) ou alors excluent les services de toute imposition, l' objectif étant de favoriser la croissance économique .Mais ces Etats se placent alors dans une situation où ils sont particulièrement sensibles aux baisses d' activité économique, même si, en règle générale, l' impôt sur la consommation reste moins élastique que l' impôt sur le revenu des Etats .Le faible nombre de tranches rend cet outil particulièrement sensible aux fluctuations de l' économie : la diminution du nombre de contribuables dans les tranches élevées fait mécaniquement baisser le produit de l' impôt d' une façon disproportionnée !Enfin, à l'instar des deux impôts précédents, l' impôt sur les sociétés subit lui aussi une pression à la baisse due à la mise en concurrence des Etats fédérés .
Les insuffisances de les techniques budgétaires de les Etats fédérés ne sont donc pas seules responsables des difficultés présentes . [SujetInv] Loin s' en faut .Les problèmes actuels se comprennent en référence au contexte institutionnel plus global, celui de la structure fédérale d' ensemble .La question de la " concurrence " fiscale entre les Etats l' indique déjà clairement .Mais le constat est encore plus frappant dans le cadre de le renouveau des relations entre les Etats fédérés et l' Etat fédéral .Les tentatives conservatrices de création d' un " Nouveau Fédéralisme " transférant 0 des responsabilités à les Etats portent leurs fruits, quarante ans après les premières initiatives en la matière . [Il..._SP] Il semble que suite à l' accumulation de réformes en apparence mineures, les relations intergouvernementales commencent à se redéployer en empruntant un nouveau " chemin " institutionnel .
Jusqu'à présent, l' essentiel des efforts de " Nouveau Fédéralisme " conservateur s' est appliqué aux politiques sociales . [On...] On se souvient ainsi que dès le début des années quatre-vingt,annéeDans son Discours sur l' Etat de l' Union de janvier 1982, Reagan avait suggéré de prendre totalement en charge au niveau fédéral le programme national d' assurance maladie pour les plus pauvres ( Medicaid ) en échange d' une gestion complète d'autres programmes ( AFDC - Aid to Families with Dependent Children -, les coupons d' alimentation - Food Stamps - et 61 programmes plus mineurs ) par les Etats .Au total, le Président proposait, en huit ans, de transférer des responsabilités aux Etats pour un total de plus de 57 milliards de dollars, essentiellement dans les domaines des services sociaux, des transports, et de l' éducation .La nouvelle charge financière serait allégée par l' Etat fédéral jusqu' en 1991, avec la création d' un fond spécial de transition .A partir de cette date néanmoins, les Etats fédérés auraient dû eux -mêmes effectuer les ajustements budgétaires nécessaires .Ces derniers ont rapidement rejeté le projet par crainte du surcoût budgétaire qu' il allait très certainement entraîner .
Depuis lors, les équipes conservatrices à le pouvoir ont adopté une politique plus modérée dans ses ambitions .Mais l' essentiel de le " modèle " de 1982 est demeuré .L' Etat fédéral a constamment cherché à transférer ses charges financières vers les Etats fédérés dans le domaine de la politique sociale .Ainsi, le transfert de responsabilités ( devolution ) vers les Etats fédérés a été une caractéristique des vingt dernières années .Elle a été menée essentiellement par une réorientation budgétaire - et incrémentale - de l' Etat fédéral .Celui -ci a réglé ses problèmes budgétaires en transférant une part de plus en plus importante de ses fonctions traditionnelles de politique sociale aux Etats fédérés .Les exemples illustrant cette tendance sont légions . [Il...] Il suffit ici de mentionner le dernier avatar, la loi de 1996 ( Personal Responsibility and Work Opportunity Reconciliation Act, PL 104 - 193 ) réformant l' aide sociale en transférant le programme AFDC aux Etats et qui, ce faisant, a considérablement allégé les finances fédérales .Avant le vote de cette loi, l' AFDC était déjà largement délégué aux Etats fédérés dans sa gestion . [Il...] Depuis lors, sous l' appellation de TANF, il est entièrement de leur responsabilité, dans la mesure où il incombe aux Etats de définir les critères d' admissibilité des prestataires, sans supervision fédérale .L' Etat fédéral se contente de distribuer des financements " en bloc " ( block grants ), en sa basant sur la somme que les Etats consacraient au programme avant l' adoption de la réforme .Le rôle de l' Etat fédéral est donc, en apparence, relativement limité si on le compare avec son action antérieure .En revanche, il l' est beaucoup moins si l' on prend en considération toute une série de nouvelles obligations d' obédience conservatrices, crées par la loi, et qui, au final, donnent à l' Etat fédéral une forte capacité de coercition .En effet, si Washington ne fixe plus les critères d' admissibilité et ne fixe plus les critères d' admissibilité et fixe plus les critères d' admissibilité et il il réduit bien son financement, il peut cependant imposer des règles très strictes, notamment en ce qui concerne l' incitation au travail ( workfare ) .Les Etats se retrouvent donc placés sous l' obligation de mener à bien des programmes difficiles et coûteux, sans que l' Etat fédéral ne prévoit de les financer .du point de vue étatique, la loi de 1996 se résume donc comme une vaste obligation fédérale conservatrice dépourvue de tout financement approprié .
[Cliv_SN] Ce sont les nouveaux " unfunded mandates " imposés par les conservateurs qui placent les Etats en difficulté budgétaire au moindre retournement de la situation économique .Le constat est particulièrement flagrant dans le cas de la politique sociale où une crise économique, même légère, risque de créer une pression insupportable sur les budgets fédérés avec l' augmentation des demandes d' aide sociale .Mais pourtant, le transfert de compétences sans financement approprié tend à se généraliser .Ainsi, les responsables étatiques actuels dénoncent fréquemment la loi sur l' éducation signée par le Président en janvier 2002, le No Child Left Behind Act ( PL 107 - 110 ) .Cette loi institue une série de requis fédéraux en termes d' apprentissage de la lecture, et constitue de ce fait une nouvelle exigence faite aux autorités fédérées, sans que les financements nationaux suivent : le Congrès avait initialement prévu une enveloppe de 29 milliards de dollars, alors que les estimations actuelles chiffrent le montant du coût total à 35 milliards de dollars .Néanmoins, l' exemple le plus massif est celui de la lutte contre le terrorisme entamée depuis septembre 2001 .Les Etats sont amenés à prendre en charge quantité de missions nouvelles pour répondre aux exigences du tout nouveau Ministère de la Sécurité du Territoire ( Homeland Security ) .La surveillance d' un territoire aussi vaste que celui des Etats-Unis ne peut se faire sans le secours des Etats fédérés qui, ainsi, se retrouvent en première ligne de l' effort national contre la menace terroriste . Les " premiers secours " ( first responders ) appelés à jouer un grand rôle en cas de attaque terroriste sont de responsabilité locale ou étatique ( pompiers, police, services médicaux ), et nécessitent un effort financier tout particulier dans lequel l' Etat fédéral ne s' implique volontairement pas .Les autorités fédérales s' en tiennent à une action de coordination ou investissent complètement d'autres secteurs ( comme la sécurité aérienne par exemple ) . Ces nouveaux requis - le plus ancien remonte au milieu de les années quatre-vingt-dix - alourdissent considérablement les budgets fédérés, déjà aux prises avec des difficultés plus traditionnelles, comme l' escalade des coûts du programme d' assistance aux plus pauvres, Medicaid .Celui -ci représente dorénavant plus de 20 % des budgets des Etats, et, étant donnée la démographie, sa part continue à augmenter .
[Il...] En fin de compte, il semble que les succès budgétaires fédéraux de la fin des années quatre-vingt-dix soient essentiellement dus à la tactique de transfert des compétences .Ces transferts ont pour contrepartie une extension des compétences étatiques, sans que les moyens financiers suivent .En effet, dans le meilleurs des cas, l' Etat fédéral associe ces transferts à des financements " en bloc " ( block grants ), rompant ainsi avec la tradition des financements joints ( matching funds ) .Entre 1999 et 2000, les dépenses étatiques ont ainsi augmenté deux fois plus vite que les dépenses intérieures de l' Etat fédéral .Dans ces conditions, les Etats doivent prendre le risque d' augmenter les impôts ou d' en créer de nouveaux . [Cliv_SN] C' est la première difficulté qui est apparue dès les années quatre-vingt-dix, pourtant par ailleurs une période de forte croissance économique .Avec le ralentissement actuel et la chute des revenus étatiques, la situation est encore plus contrainte .Les Etats ont moins de possibilités financières, alors qu' on attend plus d' eux, en particulier en matière sociale .
[Il...] Dans un tel cadre, il est clair que les Etats vont devoir réajuster leur équilibre budgétaire .Leur premier mouvement a été de se tourner vers l' Etat fédéral pour un soutien .Malgré l' opposition des cercles conservateurs de Washington - Heritage est ainsi particulièrement opposée à toute forme d' assistance - le Président Bush a promulgué une loi d' aide financière .Le Jobs and Growth Tax Relief Reconciliation Act ( PL 108 - 27 ), signé en mai 2003, transfert 20 milliards de dollars aux Etats . Mais les autorités fédérales ne semblent pas aller au-delà de ce premier effort .L' autre solution qui s' impose consiste alors en des coupes budgétaires sévères .Au-delà de les mesures les plus immédiates - puiser dans les réserves, utiliser des fonds non attribués, ou même mettre un terme à les procédure contre les entreprises de tabac dans l' espoir d' obtenir plus vite un dédommagement - ce sont bien les dépenses programmées qui sont revues à la baisse .Tous les services étatiques sont affectés d' une façon ou d' une autre .L' entretien des parcs naturels ou de les sites historiques voit son budget baissé, tout comme la police, les pompiers ou les écoles ; quant à les universités d' Etat, elles voient leur coût augmenter dans une vingtaine d' Etats ( le Massachusetts a ainsi augmenté les droits d' inscription de 24 % en 2002 ) .des employés de la fonction publique étatique sont licenciés dans des Etats comme le Connecticut, la Californie, le Colorado, le Massachusetts, l' Oregon, la Caroline du Sud, l' Utah, et la Virginie : depuis juin 2002, le nombre d' employés étatiques a baissé de 91000 ( se stabilisant à environ 5 millions de personnes ), tandis que le nombre d' employés municipaux ou locaux, lui, restait stable à 13.8 millions de personnes .Certains Gouverneurs sont même allés jusqu' à baisser leur propre salaire, comme en Caroline du Sud et dans l' Oregon .Dans le Rhode Island, un " audit " étatique a été lancé sous l' autorité du Gouverneur .
Mais Mais au-delà de ces mesures qui, pour certaines sont uniquement des effets d' annonce, ce sont les programmes sociaux qui sont politiquement et socialement les plus aisés à diminuer en temps de crise, alors que, paradoxalement, ils sont les plus directement concernés .En 2002 et 2003, les Etats ont d'ores et déjà diminué les fonds destinés à Medicaid, certains programmes scolaires, les aides à la formation professionnelle et au logement . [Cliv] Mais c' est bien Medicaid qui constitue la cible essentielle, son coût étant en croissance constante .L' augmentation du nombre de bénéficiaires - partiellement liée à la crise économique - et la hausse de le prix de certains médicaments accentuent la pression sur les budgets des Etats .Les dépenses étatiques liées à Medicaid ont ainsi augmentées de 12 % en 2001, en 2002, et en 2003 .Les Etats ont donc utilisés toute une panoplie d' instruments pour limiter cette croissance : 49 Etats ont d'ores et déjà annoncé des réformes, telles que limiter le remboursement des médicaments ou augmenter le ticket modérateur ( 45 Etats s' y sont engagés ), renforcer les critères d' admissibilité ( pour 27 Etats ), réduire le niveau des prestations tels que les soins dentaires ( ce qui concerne 25 Etats ) .Mais pour l' instant, ces décisions n' ont eu que des effets limités, ce qui explique que 50 % de l' enveloppe budgétaire votée au niveau fédéral en mai soient destinés à Medicaid .
[Present] En tous les cas, il s' agit là une constante dans l' attitude des autorités étatiques : rechercher la solution politiquement la moins risquée, autrement dit, celle qui limite les coûts électoraux .Ainsi, dans un premier temps, diminuer le taux de croissance des dépenses est systématiquement préféré à une baisse brutale de ces mêmes dépenses .Pour la même raison, l' endettement est une solution de court terme qui est fréquemment employée .Depuis janvier 2003, les Etats ont déjà emprunté 230 milliards de dollars, ce qui va partiellement servir à combler les déficits .Mais actuellement, devant l' ampleur du problème, les autorités étatiques ne peuvent échapper à la solution la plus douloureuse politiquement, le niveau des revenus . [SujetInv_SN] Autrement dit, les Etats doivent maintenant se résoudre à augmenter les prélèvements .Après 7 ans de coupes budgétaires ininterrompues au niveau de les Etats, le changement est brutal, et est en porte-à-faux par rapport à le discours national impulsé par l' équipe Bush sur la nécessité de baisser les impôts .Les Etats ont augmenté soit leur impôt sur le revenu ( New York, Massachusetts, Californie, Oregon, New Jersey ), soit leur impôt sur la consommation ( Tennessee, Kansas, Nebraska, et la Caroline du Nord ) . A la fin de l' année civile 2002, les augmentations des impôts étatiques ont atteint le montant total de 6 milliards de dollars, soit l' augmentation la plus importante depuis 1993 .En effet, en 2001, l' augmentation totale n' avait représenté qu' un montant de 1.8 milliards de dollars .Par contre, lors de la crise budgétaire du début des années quatre-vingt-dix, l' augmentation avait représenté près de 15 milliards de dollars en une seule année .29 Etats ont choisi d' augmenter les revenus, avec l' Etat de New York comme champion toute catégorie - alors qu' en janvier dernier le Gouverneur Pataki s' était engagé à éviter toute hausse des impôts - suivi de près par le Massachusetts .De façon assez classique, les Etats ont privilégié les hausses les moins visibles, c' est-à-dire les moins coûteuses électoralement . [Cliv_SN] C' est la raison pour laquelle l' outil favori des responsables étatiques reste plus que jamais l' augmentation de l' impôt sur le tabac .19 Etats ont augmenté cet impôt, notamment la Pennsylvanie et l' Indiana qui l' ont plus que triplé .Les revenus étatiques générés par le tabac ont ainsi augmenté de plus de 2 milliards de dollars pour l' année fiscale 2003 .Par contre, les augmentations de l' impôt sur le revenu ont été relativement modestes : le Massachusetts n' a prélevé que 360 millions de dollars supplémentaires pour l' année fiscale 2003, à comparer avec les 3 milliards de déficit enregistrés .L' impôt sur la consommation a été utilisé beaucoup plus souvent, car il est notoirement moins douloureux que l' impôt sur le revenu .Pour l' année civile 2002, le montant total de les augmentations à ce niveau a atteint 1.2 milliards de dollars .L' impôt sur les sociétés, lui , n' a été manipulé que par deux Etats, la Californie et le New Jersey ; mais ces augmentations ont été relativement importantes, générant 2 milliards de dollars de revenus supplémentaires pour ces deux Etats .La crainte de voir les entreprises se délocaliser joue vraisemblablement pour expliquer que seuls deux Etats aient eu recours à cet impôt .
Dans l'immédiat, les Etats ont donc provisoirement réussi à faire face leurs difficultés .Seule la Californie demeure dans une situation des plus problématiques .Pour la 17ème fois au cours des 25 dernières années, la Californie n' a pas réussi à se doter d' un budget pour l' année 2003-2004 .Elle fonctionne donc sur un accord provisoire adopté in extremis en juillet dernier, et qui devrait arriver à échéance dès la rentrée .Mais aussi pour les autres Etats aussi la_NEW_ la situation est difficile .En fin de compte, aucun des problèmes n' est véritablement réglé .Les décisions prises jusqu'à présent sont toutes ponctuelles, et n' ouvrent pas sur une véritable réforme qui serait pourtant nécessaire .Le débat est néanmoins en cours .L' administration Bush a ainsi pris la décision de soumettre une réforme de Medicaid qui donnerait aux Etats une plus grande flexibilité dans la gestion du programme, en échange d' une limite ( cap ) au montant que l' Etat fédéral envoie aux Etats fédérés .L' équipe Bush pourrait donc paradoxalement saisir l' occasion de la crise budgétaire étatique pour poursuivre le désengagement financier de l' Etat fédéral dans le domaine de les politiques sociales entamé depuis les années quatre-vingt .Quant aux Etats, ils sont eux -mêmes plus conscients de la nécessité de faire évoluer leur système fiscal .Ainsi, une réflexion s' organise autour de la nécessité d' intégrer les services ( et non plus seulement les produits ) dans l' assiette de l' impôt sur la consommation, et d' y réintégrer les exemptions accordées dans les années quatre-vingt-dix . [Il..._SN] En étendant l' imposition, il serait sans doute aussi possible de baisser le taux de cet impôt .impôtCela mettrait le système fiscal des Etats en adéquation avec une économie de service, fort différente de l' économie industrielle des années cinquante, lorsque l' impôt sur la consommation a été généralisé au niveau étatique .Une autre piste de réflexion touche aux dépenses .Certains Etats ( comme la Caroline du Sud ou le Colorado ) ont mis en place des indicateurs ( regroupant la croissance de la population, l' inflation, voire le revenu individuel ) qui servent de référent pour augmenter les dépenses .Toute augmentation supplémentaire nécessite ainsi une décision politique .
Malgré les récents votes budgétaires, les Etats sont encore dans une situation des plus précaires .Si la crise actuelle sert jamais de révélateur, le manque de coordination entre Etats constitue un handicap lourd .En tous les cas, la crise actuelle permet de relativiser les baisses d' impôt au niveau fédéral, tant vantées par l' équipe actuelle .Leur vote n' a été possible que suite à un désengagement réel de l' Etat fédéral qui laisse ses partenaires fédérés confrontés à des charges nouvelles, notamment en termes de politique sociale, sans financement .Déjà fragilisés par le contexte économique d' ensemble et leur propre faiblesse institutionnelle, les Etats sont ainsi placés en position très difficile .Actuellement, les Etats qui ont une tradition d' activisme public restent les plus menacés : par exemple le Minnesota, New York, le Connecticut, et enfin la Californie, où la crise budgétaire se double d' une crise politique grave .
AUTEUR : François Vergniolle de Chantal
Outre ses conséquences internationales, la guerre contre le terrorisme a des effets tout aussi évidents sur la scène politique américaine . [Il..._SN] Maintenant que l' attention des médias se concentre sur la question irakienne, il paraît opportun de tenter une synthèse sur l' état du combat anti terroriste aux Etats-Unis même . [Interro] Dès le vote de le USA Patriot Act en octobre 2001, le débat a été lancé : dans quelle mesure la lutte anti terroriste doit -elle limiter les libertés ?Comment concilier protection des droits individuels et assurer la sécurité de la population en cas de crise ?
Le sujet semble être ancien aux Etats-Unis : il se manifeste dès 1798 et les Alien and Sedition Acts, jusqu' à la lutte contre la subversion communiste pendant la Guerre Froide, sans oublier les mesures d' exception prises lors de la Guerre de Sécession ou pendant les deux conflits mondiaux . [Il..._SN] Malgré cet héritage historique, il reste que les Etats-Unis ont une expérience largement différente de celle des Etats européens en matière de lutte anti terroriste .La France, la Grande-Bretagne , ou encore l' Espagne sont tous, à des degrés divers, touchés par des mouvements terroristes parfois depuis la fin des années soixante, sans parler des héritages historiques respectifs .A l' inverse, les Etats-Unis ont développé, sous l'impulsion de certains présidents de la Cour Suprême ( Chief Justices ), particulièrement volontaires, un cadre légal extrêmement cohérent de protection des libertés .L' incorporation des protections de la Déclaration des Droits ( Bill of Rights ) fédérale menée sous Earl Warren ( 1953-1969 ) et largement poursuivie par son successeur , Warren Burger ( 1969-1986 ) , protège maintenant tous les aspects de la liberté individuelle . [Autre] C' est pourquoi il semble peu pertinent d' établir un parallèle historique ferme entre la situation actuelle et les précédents des guerres mondiales ou de la Guerre de Sécession, sans parler de la période révolutionnaire !L' intensité actuelle de le débat tient à la confrontation, sans réel équivalent historique, entre un cadre légal de protection des libertés très développé, d'une part et, d'autre part, un relatif manque d' expérience dans le cadre de la lutte anti terroriste .
L' objectif n' est pas ici de définir un équilibre satisfaisant aux requis de la sécurité d'une part, et de la liberté de l' autre .Aussi, il ne sera pas question de prendre parti, ni même de trancher le débat . [Il..._SN] Il semble plus pertinent de rendre compte des risques contenus dans les évolutions en cours . [impératif] Disons -le d'emblée, la mise en oeuvre de mesures anti terroristes ne contient pas de possibilités sérieuses de débordement autoritaire .Fédéralisme et séparation des pouvoirs garantissent un équilibre qui semble empêcher tout dérapage d' ampleur .La politique actuelle, largement présidentielle , devrait, comme toujours, être l' objet de compromis, que ce soit au niveau de la décision ou de l' application .Néanmoins, l' alignement idéologique réel entre les trois pouvoirs nationaux , la Présidence , la Cour Suprême et , depuis novembre dernier , le Congrès , crée une configuration partisane rare, qui pourrait d' autant plus limiter les pratiques de compromis que la population américaine soutient dans son ensemble les mesures coercitives appliquées par l' équipe Bush .
[SujetInv] Avec le vote de le USA Patriot Act ( PL 107 - 56 ) dès octobre 2001, Bush et ses conseillers ont considérablement renforcé les textes déjà existant concernant la lutte contre le terrorisme ou le recueil de renseignements et ce au moins jusqu' à la durée légale de la loi ( 2005 ) .La définition de le " terrorisme " est considérablement étendue, et permet de faciliter l' encadrement d' un grand nombre d' activités .La précédent loi anti terroriste, votée sous Clinton en mars 1996 ( Antiterrorism Law and Effective Death Penalty Act , PL 104 - 132 ) , est considérablement renforcée, et de nouveaux pouvoirs sont attribués au Congrès .Les quelques_NEW_ quelques limitations existantes en matière de surveillance sont, elles, très largement amoindries .Par exemple, le FISA ( Foreign Intelligence Surveillance Act , PL 95 - 511 ) de 1978 , n' autorisait les écoutes téléphoniques par le FBI que dans les cas de personnes suspectées d' être des agents d' une puissance étrangère, et au terme d' une procédure assez lourde ( établissement d' une " cause probable " ) .Dorénavant, ceci n' est plus nécessaire, et ce pour l' ensemble des demandes émanant du FBI . La loi donne aussi au pouvoir exécutif d' importantes prérogatives en matière de mise sur écoute ( téléphone, Internet ) et de relations entre les suspects d' activités terroristes et leurs avocats .Les fouilles secrètes d' appartement, la consultation de fichiers d' entreprise ou d' université sont facilitées .Au total, plus de 15 lois touchant à la sécurité publique sont modifiées par la réforme de 2001, et, dans l' ensemble, les possibilités de mise sous surveillance de la vie privée d' étrangers ou de citoyens sont considérablement étendues .Outre cet assouplissement des critères et de les limitations en vigueur jusqu'à présent , le Patriot Act modifie également certaines compétences des tribunaux, et permet, lorsque la sécurité nationale est en jeu, de détenir les étrangers, parfois pour des durées illimitées, alors même qu' aucune charge précise ne pèse contre eux .Le texte en lui -même , malgré les oppositions de groupes de libertés civiles - et d' une trentaine de municipalités qui ont voté 0 des résolutions contre le texte - n' a pas suscité de véritables mouvements d' opposition de masse, et ce d' autant moins que il a été accepté par le Congrès avec des majorités impressionnantes ( 356 Représentants à la Chambre, et 98 Sénateurs ! ) .
[Cliv] Ce sont par contre les décrets d' application qui semblent plus problématiques pour certaines franges de l' opinion publique .Par exemple, le décret du Ministère de la Justice autorisant l' écoute et l' enregistrement de conversations entre les avocats et leurs clients placés en détention préventive lorsqu' ils sont soupçonnés d' activités terroristes, dès le mois suivant . Ou alors les quelques 500 entretiens menés par le FBI avec des personnes d' origine arabe, suite à un autre décret du Ministère de la Justice pris le 15 novembre 2001 . [Cliv] Mais ce sont surtout les mesures du décret présidentiel du 13 novembre 2001 qui ont causé - et causent encore -mesureaux termes de ce décret, les citoyens étrangers soupçonnés de terrorisme passent devant des tribunaux militaires spéciaux .Depuis les attentats, plus de 1200 étrangers ont ainsi été arrêtés pour des motifs divers, et placés, grâce à la loi d' octobre et aux décrets de novembre, dans un flou juridique total quant à la cause de leur arrestation ou la durée de leur incarcération .Par ailleurs, jusqu'à présent, leur identité a été gardée secrète, et l' assistance d' un avocat leur a été refusée, ce que le Ministère de la Justice a confirmé comme étant la politique officielle le 27 novembre 2001 .Ces prisonniers sont donc gardés dans l' incertitude juridique la plus grande, et, même si un bon nombre d' entre eux ont été relâchés - les estimations actuelles ne parlent plus que de 200 à 600 prisonniers - la situation de ceux qui restent ne s' améliore pas .En août 2002, un Juge fédéral de Washington, Gladys Kessler , a demandé la publication des noms, jusqu'à présent en pure perte : le Ministère de la Justice a fait appel de la décision .La situation est d'ores et déjà reproduite : d'autres juges ont contesté les dérives du pouvoir exécutif, mais là aussi, les résultats semblent minces .
La fragilité légale de la lutte contre le terrorisme, en interne , est encore plus flagrante à l' extérieur du territoire .Les prisonniers faits en Afghanistan sont déclarés " ennemis combattants " ( enemy combattant ), une catégorie inconnue du droit international .Ils ont été transférés sur la base ( américaine depuis 1903 ) de Guantanamo dès février 2002 . Le Secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld, a officiellement reconnu que les prisonniers de Guantanamo sont là pour une durée illimitée .Ils n' ont bien sûr pas d' avocats, et, selon le décret présidentiel de novembre 2001, il serait possible de juger ces hommes par des tribunaux militaires d' exception .Jusqu'à présent, seule la Croix Rouge Internationale ( CICR ) a pu leur rendre visite .Les conventions de Genève ne sont donc que très partiellement appliquées, constat établi par un rapport d' Amnesty International en mars 2002 .Les libertés que s' autorisent les autorités américaines sont encore plus claires au niveau de la collaboration internationale : certains observateurs soulignent que les Etats-Unis utiliseraient ainsi les règles d' extradition pour faciliter les interrogatoires .Ainsi, une personne arrêtée en Indonésie peut, sur demande des Etats-Unis, être transférée en Egypte, pour subir un interrogatoire plus " adapté " .Les chiffres sur cette pratique ne sont pas connus .Sur ce terrain, les oppositions à l' attitude gouvernementale sont assez clairsemées : peu de gens semblent vouloir revenir sur le statut fait aux prisonniers capturés en Afghanistan .Jusqu'à présent, seul un Juge fédéral de la Quatrième Cour d' Appel ( Circuit Court ), pourtant conservateur de réputation , John H. Wilkinson , a contesté la capacité légale du gouvernement à désigner de sa seule autorité les " ennemis combattants " .Mais par contre, dès que cette politique implique des citoyens américains, la situation devient plus délicate pour l' Etat fédéral . [Present_SN] alors En d'autres termes, lorsque les conditions de détention des non Américains s' étendent aux citoyens Américains eux -mêmes, il y a un réel débat, qui, sans forcément mobiliser l' opinion, pousse au moins les autorités à tenter de justifier leur attitude .Depuis la mise en oeuvre de ces textes, cela s' est produit à plusieurs reprises .
[NoSaber] Ainsi, au printemps 2002, avec Yaser Esam Hamdi, fait prisonnier en Afghanistan et envoyé à Guantanamo jusqu'à ce que on découvre sa véritable nationalité ( il est né à Baton Rouge, en Louisiane ), emprisonné dans la base de Norfolk ( Virginie ), ou encore avec Jose Padilla, membre d' un gang de Chicago, récemment converti à l' Islam, et accusé d' avoir voulu fabriquer une " bombe sale ", qui, lui, est resté en prison à Chicago : tous deux ont été désignés comme " enemy combattants ", et placés en détention sans charge criminelle .Les autorités semblent vouloir maintenant éviter les procès au civil qu' il s' agisse de citoyens américains ou pas : les bizarreries de la procédure à l'encontre de Zacharias Moussaoui, arrêté peu avant les attentats du 11 septembre et dont le procès suit donc une procédure " classique ", ou encore la défense de John Walker Lindh, ont, tous deux, convaincu les autorités de la nécessité d' opérer un changement .
L' année 2002 n' a pas manqué de renforcer ces initiatives sécuritaires .Dès le mois de janvier, et avec le soutien du Président, J. Ashcroft , Ministre de la Justice , a tenté de lancer son projet TIP ( Terrorism Information and Prevention System ), dont l' idée principale était d' encourager les Américains à rapporter toute activité " suspecte " en téléphonant à un numéro vert .Ce " système d' information et de prévention terroriste " , partie intégrante de le " White House Citizen Corps Program " et destiné à s' appliquer initialement dans 10 villes , a soulevé un tel tollé qu' Ashcroft a dû battre en retraite .Même Dick Armey , un de les " durs " de la Chambre de les Représentants , était réticent !
La formule de remplacement a été trouvée dès février : au lieu de une collaboration " active " des citoyens, la solution est plus " passive ", dans la mesure où il s' agit tout simplement de pouvoir croiser les différents fichiers existants sur un individu .Les autorités ont créé au sein de le Pentagone, et toujours avec le soutien du Ministre de la Justice, un " Awareness Office " ( Bureau de la Vigilance Informatique, à la devise évocatrice de " Scienta est Potenta " ) .Ce nouvel organisme est chargé de mettre en oeuvre le projet " Total Information Awareness " ( TIA ), qui devrait permettre de piocher les informations pertinentes dans les bases de données de la vie courante pour repérer des projets terroristes en préparation .Les données concernées sont les fichiers informatiques des cartes de crédit, le numéro de sécurité sociale, les permis de conduire, et les comptes bancaires .Mais la liste n' est pas exhaustive .La police peut obtenir les comptes-rendus de n' importe quel commerçant sur n' importe quelle personne, par exemple les informations médicales dans les hôpitaux, les dossiers universitaires, et même les listes de livres achetés ou empruntés dans les librairies et les bibliothèques .Concrètement, cela signifie qu' afin de repérer quelques individus, il sera nécessaire d' aller vérifier des informations sur des millions d'autres .Le budget initial prévu est de 10 millions de dollars pour l' année 2003, et il est sans doute destiné à s' accroître rapidement .La personne chargée de présenter ce projet et de le superviser est l' ancien Amiral John Poindexter, Conseiller à la Sécurité Nationale ( " National Security Adviser " ) sous Reagan, et qui, en 1990, avait été condamné dans le cadre de l' Irangate pour avoir menti au Congrès ; il n' a finalement échappé à ses 6 mois de prison qu' en appel, par une décision de 1991 .au vu de ce parcours, le signal envoyé à l' opinion publique est pour le moins ambiguë, et, en tous les cas, renoue avec cette impression dominante à propos de l' administration Bush, celle d' un retour vers les années Reagan .L' initiative en elle -même est pour le moins malheureuse : elle a suscité une réaction certaine au sein de l' opinion publique qui, pour la première fois depuis le lancement de la lutte anti terroriste, dépasse les groupes de protection des libertés civiles .Dans ce contexte, d'autres initiatives de l' équipe Bush ont été très mal perçues par le public .Ainsi, le 15 novembre 2002 a marqué le début officiel de la mise en oeuvre d' un programme d' enregistrement des ressortissants provenant de pays suspectés d' activités terroristes et vivant aux Etats-Unis .Ceci concerne les ressortissants d' Iran, d' Irak, de Libye, du Soudan, de la Syrie, y compris dans les cas de double passeport .Dans les faits, les hommes de plus de 16 ans doivent s' adresser à un représentant de l' immigration ou des douanes ( la date limite officielle était la mi-décembre 2002 ) .Ils doivent alors présenter leurs documents de voyage, donner des preuves de résidence, passer un entretien, donner leurs empreintes et se faire photographier, et enfin, ils doivent se signaler aux autorités tous les ans .Ce programme a pris un certain retard dans sa mise en oeuvre, notamment à cause de les critiques publiques contre cette forme de discrimination .Par contre, d'autres mesures adoptées en 2002 , sont nettement moins controversées, étant les conséquences directes de ce qui a été décidé au moment de les attentats .Le fameux Ministère de la Protection du Territoire ( Homeland Security ) a été créé suite à le vote final du Sénat par 90 voix contre 9 en novembre dernier, permettant ainsi le passage du Homeland Security Act ( PL 107 - 296 ) .Cette vaste administration, dont le premier titulaire est Tom Ridge , est entrée en fonction au début mars, et regroupe 22 services, employant au total 170000 personnes .Mais cette nouvelle structure n' empêche pas que l' ensemble des moyens administratifs du gouvernement soit mobilisé dans la lutte anti terroriste .Ainsi par exemple de le Ministère de le Trésor . [Cliv] C' est en effet le directeur de la cellule anti terroriste du Trésor américain, David Aufhauser, qui coordonne l' action de lutte financière contre les réseaux terroristes .Sous son égide, les Etats-Unis ont ainsi gelé les avoirs de 251 individus et personnes morales, et environ 121 millions de dollars .Enfin, en décembre 2002 cette fois, les autorités ont lancé un programme national de vaccination contre la variole, en réponse à la peur bactériologique de l' automne 2001 .Près de 500000 responsables des services d'urgence en cas de attaque chimique ( " emergency workers " ) devraient être vaccinés d' ici au printemps 2003, mais ce programme est particulièrement lent à mettre en place, essentiellement pour des raisons financières et de prise en charge .
La surveillance en interne se double aussi d' une surveillance renforcée des frontières .Les autorités se sont ainsi préoccupées de renforcer la sécurité des quelque 300 ports américains .Sur les 50000 containers qui arrivent chaque jour dans le pays, plus du tiers arrivent par voie maritime, et seuls 2 % d' entre eux sont physiquement inspectés .En janvier 2002, l' Etat fédéral a ainsi décidé de lancer le programme " Container Security Initiative ", demandant à certains des grands ports internationaux de renforcer leur surveillance sur les containers à destination des Etats-Unis .La collaboration mise en place est surtout canadienne avec Halifax, Montréal, et Vancouver, puis européenne, avec Rotterdam ( Hollande ), Antwerp ( Belgique ), Le Havre ( France ), et en Allemagne, Brême et Hambourg ; enfin, Singapour participe aussi à cette initiative .
Cet activisme a un coût, d' autant plus important qu' il conduit à rénover, renforcer un grand nombre d' installations ou de services .Ainsi, une enquête réalisée par le Cabinet Deloitte Consulting estime entre 100 et 140 milliards de dollars les dépenses destinées à améliorer la sécurité intérieure en 2003 .Ces sommes, importantes , comprennent à la fois les dépenses des Etats et celles de l' Etat fédéral .L' essentiel va financer l' incorporation de nombreuses technologies dans les dispositifs de surveillance existant, ou encore ceux à créer .Le service des douanes ( Customs Service ) commence à recevoir des scanners géants, à un million de dollars pièce, pour inspecter électroniquement les containers qui arrivent dans le pays par bateau ou par avion .De même l' Etat fédéral vient d' attribuer 380 millions de dollars au service de l' immigration ( Immigration and Naturalization Service ) pour installer un système informatique sophistiqué qui permettra de savoir immédiatement si l'un des 400 millions de citoyens non américains qui arrivent chaque année sur le sol des Etats-Unis reste plus longtemps que ne l' autorise son visa .Le National Infrastructure Protection Center ( NIPC ), l' organisme regroupant tous les spécialistes Internet de le FBI scrutant en permanence le réseau , a vu son budget presque doubler, pour atteindre 125 millions de dollars .
Enfin, dernier aspect de la lutte tous azimuts entamée contre le terrorisme, une volonté de clarifier les manquements des services de renseignement avant le 11 septembre . En novembre 2002, sur initiative de la Présidence, une Commission d' enquête se met en place, comprenant 10 membres ( 5 républicains, et 5 démocrates ) pour enquêter sur les dysfonctionnements .D'abord pressenti comme Président de cette commission, Henry Kissinger a dû renoncer pour des raisons de conflit d' intérêts avec ses activités privées ( Kissinger Associates ), et c' est un ancien Gouverneur républicain du New Jersey, Thomas Kean, qui est nommé en définitive ; il revient à Lee Hamilton, ancien Représentant démocrate, d' en être le vice-président .Les accusations contre les services de renseignement américains sont en effet multipliées ces derniers mois, rendant nécessaire une étape supplémentaire dans l' enquête .au printemps 2002, Colleen Rowley , directrice d' un de les 56 bureaux régionaux de le FBI , celui de le Minnesota , a lancé les premières accusations .Elle les a appuyés sur le rapport d' un agent, Kenneth Williams ( basé à Phénix, Arizona ), qui enquêtait sur les musulmans suivant des cours de pilotage à Prescott en juillet 2001 .Il n' aurait pas été tenu compte de ses informations au niveau national .De même, Aukai Collins, lui aussi basé à Phénix ( un " indic " infiltrant les milieux musulmans ) , aurait alerté ses services centraux sur les agissements de Hani Hanjour, l'un des terroristes du Boeing qui s' est écrasé sur le Pentagone .Le Président n' était pas au courant de ces rapports ... .Par contre, John Ashcroft , le Ministre de la Justice , et le directeur de le FBI à l'époque ( Thomas Pickard ) eux , l' étaient bien, d' où les accusations de flottement des services de renseignement .Accusations qui sont d' autant plus pertinentes que le mystère reste toujours aussi épais en ce qui concerne l' attaque du bacille du charbon peu après les attentats du World Trade Center . L' enquête est très lente, et d' autant plus, pour certains, que les suspects se trouvent être des scientifiques travaillant pour l' Etat fédéral .En effet, à cause de la jeunesse ( et de la qualité du bacille ), l' attention du FBI s' est rapidement orientée vers un scientifique américain, le Dr Steven J. Hatfill, employé à Fort Derthick ( Maryland ) de 1997 à 1999, et également vers les activités d' un autre site, à Dugway Proving Ground ( Utah ) . [Autre] Depuis que les premiers soupçons ont été formulés au cours de l' année dernière, rien ne semble plus avoir évolué .
Les commentaires abondent sur l' orientation générale des initiatives de l' équipe Bush .Non seulement dans la presse, mais également au sein de les centres de recherche proches du pouvoir, qui publient rapport sur rapport tentant d' évaluer l' actuelle politique de le gouvernement . Les orientations sont le plus souvent critiques, que ce soit pour dénoncer carrément les atteintes aux libertés individuelles, ou encore, plus modestement, pour souligner les incohérences administratives, la lourdeur, du formidable arsenal de mesures prises depuis septembre 2001 .
Autrement dit, l' attention des observateurs américains est déjà largement concentrée sur les modalités de la mise en oeuvre de la lutte anti terroriste . [Autre] C' est pourquoi, il nous semble plus intéressant ici de prendre un peu de recul et de souligner les conséquences largement négatives, selon nous, de la configuration politique actuelle .Comme nous l' avons dit en introduction à cette brève présentation, le fractionnement du pouvoir caractéristique du système politique américaine a, historiquement, empêché tout débordement autoritaire, et ce même au cours de crises graves .Que ce soit en 1798, avec les Résolutions du Kentucky et de la Virginie contre les Alien and Sedition Acts, ou alors au cours de les deux guerres mondiales, où les mesures exceptionnelles prises par la Présidence ont toujours été encadrées et placées sous la surveillance de la Cour Suprême, même si celle -ci a soutenu les mesures présidentielles jusqu' à la fin de les hostilités . [Present_SP] Dans le premier cas_NEW_ il s' agissait d' Etats fédérés en opposition avec l' Etat fédéral, et dans le second, de la division du pouvoir en action . [SujetInv_SN] Autrement dit, les mécanismes de " correction " destinés à protéger la liberté des citoyens et placés au coeur du système politique par les Pères Fondateurs ont joué leur rôle historique .Seule la suspension de l' Habeas Corpus par Lincoln lors de la Guerre de Sécession s' est faite sans véritable contre-pouvoir : mais il est vrai que la guerre elle -même portait sur la nature du système politique qui, dès lors, pendant le conflit, ne fonctionnait plus véritablement .
La situation actuelle présente des caractéristiques largement différentes . Contrairement à l' épisode de 1798, les Etats fédérés ne semblent plus être un contrepoids efficace à l' action de l' Etat fédéral .Malgré toute la rhétorique conservatrice actuelle autour de la dénonciation du " Big Government ", les équipes conservatrices à le pouvoir contribuent toutes, à leur façon, au renforcement du poids de l' Etat fédéral .Ainsi, les possibilités de critique venant de les échelons inférieurs de le système fédéral sont -elles limitées .Jusqu'à présent, seules les villes ont véritablement critiqué les mesures anti terroristes - un grand nombre d' entre elles ont aussi pris officiellement position contre la guerre en Irak - et ces protestations sont restées totalement sans conséquences .Par rapport à les mesures d' exception adoptées pendant les deux conflits mondiaux, là aussi, la situation actuelle est sensiblement différente .Personne ne peut dire quand la " guerre contre le terrorisme " prendra véritablement fin .A l' inverse, les restrictions imposées par un conflit armé international sont censées prendre fin à un moment précis, celui de la défaite de l' adversaire .Or l' avertissement du Président Bush quant à la durée de la guerre contre le terrorisme semble, de ce point de vue, assez inquiétant .Une guerre où on ne peut situer véritablement l' adversaire , qui se recompose en permanence , et qui est dépourvu d' attaches territoriales véritables est évidemment destinées à durer, tout comme les mesures d' exception qui l' accompagnent .
[Cliv] Mais c' est surtout l' actuelle configuration institutionnelle et partisane qui semble poser problème .L' alignement entre les trois pouvoirs, à le niveau fédéral , est exceptionnel dans l' histoire politique moderne du pays .Et ceci pourrait avoir des conséquences certaines dans la façon dont se mène la lutte anti terroriste .Depuis 1945, la règle de fonctionnement de la vie politique américaine semble être celle du " divided government ", à bien des égards proche de la cohabitation dans le cadre français .Tout particulièrement depuis la fin des années soixante, le Congrès et la Présidence ont été d' orientation idéologique largement opposées, entraînant fréquemment un blocage de la prise de décision nationale : on parle alors de phénomène de " gridlock " .Néanmoins, cette situation a comme avantage d' imposer une modération des vues des uns et des autres, forçant ainsi à l' institution de compromis généralisés .Or depuis novembre 2002 et les dernières élections de mi-mandat ( midterms ), le Président Bush est dans une situation exceptionnelle d' alignement total des trois pouvoirs .La majorité du Congrès lui est acquise et la Cour Suprême, sous la Présidence de William Rehnquist, est clairement d' obédience conservatrice .Cette conjonction, déjà rare en elle -même , est renforcée par l' important soutien populaire dont bénéficie le Président .Son action internationale, couplée à la fermeté de ses positions , lui garantissent une popularité certaine sur le thème de la lutte anti terroriste, ce dont témoigne l' ensemble des sondages les plus récents .
Dans ces conditions, le Président est en position de faire adopter - ou en tous les cas de proposer - des mesures qui, il y a quelques années, n' auraient même pas été envisageables .Le projet TIP, par exemple , semble sortir tout droit de l' imagination d' Orwell et n' aurait pas manqué d' attirer des flots de dénonciation sur le thème du retour de " Big Brother " .Or les dénonciations qu' il a suscité ont été extrêmement modestes au vu de l' enjeu .Quant à l' essentiel des mesures qui ont été adoptées dans le cadre de la lutte anti terroriste, elles sont toutes votées par le Congrès avec des majorités pour le moins inespérée . [On...] et Qu' on se souvienne des négociations tortueuses de Clinton avec le 104ème Congrès, voire enfin de Kennedy et du Sénat contrôlé par les Démocrates sudistes, ou encore de Reagan pendant ces deux mandats, l' on mesure alors à quel point le Président Bush est dans une position inespérée pour un titulaire de l' exécutif .Ainsi, le USA Patriot Act a été voté à une quasi-unanimité au Sénat - seul le Sénateur Russ Feingold ( un démocrate du Wisconsin ) - s' y est opposé et une majorité de 356 Représentants à la Chambre ; de plus, le soutien pour Bush dans son action contre l' Irak est écrasant : 226 contre 133 à la Chambre des Représentants ( 10 octobre 2002 ), et 77 cote 23 au Sénat ( 11 octobre 2002 ) .
Ceci est d' autant plus porteur d' incertitudes que les mesures présidentielles n' entament pas sa crédibilité - bien au contraire - et que la Cour Suprême actuelle n' est pas portée le moins du monde à remettre en cause cette évolution, et ce pour une série de raisons .D'abord, en règle générale, la Cour est certainement une des institutions nationales les plus à l'écoute de les évolutions de l' opinion publique, et ce contrairement à ce que voudrait une interprétation étroite de la difficulté contre-majoritaire .Etant potentiellement soumise à une critique de type majoritaire , elle doit de faire preuve d' une grande prudence, et tenter de refléter dans une certaine mesure les opinions dominantes, sous peine de entamer sa légitimité .Comme l' avait classiquement expliqué le Juge Benjamin Cardozo lors de les Storrs Lectures à Yale en 1921, les Juges de la Cour Suprême " ne demeurent pas coupés de leur environnement ( ... ) sur des hauteurs glacées et distantes ; nous ne contribuerions pas à avancer la cause de la vérité si nous agissions et raisonnions comme si c' était le cas " .Dans le cas qui nous occupe, les Juges seront sans doute d' autant plus favorables à un suivi de l' opinion qu' ils partagent, dans leur majorité, les options sécuritaires actuelles .Ainsi, dans une décision de 1996 - Felker v . Turpin - la Cour a pris le parti de l' Etat fédéral en soutenant la loi anti terroriste de 1996 , Antiterrorism and effective Death Penalty Act ( PL 104 - 132 ) : la Cour a ainsi donné son accord à la limitation des possibilités d' appel des prisonniers .Les informations qui circulent semblent également indiquer une certaine réticence de la Cour pour prendre en considération les critiques formulées contre le Patriot Act .L' action en justice conduite par l' ACLU ( American Civil Liberties Union ) selon une procédure assez inhabituelle vient d' être rejetée par la Cour, obligeant ainsi l' ACLU a attendre les résultats d' un recours plus conforme .Cela rejoint tout à fait ce que les observateurs ont déjà remarqué depuis longtemps, à savoir à quel point la Cour tente de revenir très largement sur certaines des décisions les plus connues en matière de libertés civiles . [Present_SN] Autrement dit, depuis 1986, il y a un recul de la tendance à la nationalisation des droits, par réaction à " l' activisme " libéral des décennies précédentes .Un indicateur de cette tendance est tout simplement la baisse du nombre de cas traités par la Cour Suprême : du milieu des années 80 au milieu de les années 90, la Cour est passée d' un chiffre annuel de 150 à 75 environ .Mais la " dénationalisation " de les libertés civiles est sensible à bien d'autres niveaux .Par exemple, la Cour va renvoyer aux Etats le traitement de la peine de mort, ou bien encore, cette fois en ce qui concerne l' avortement, la Cour ajoute des contraintes, des limites qui, toutes, peuvent être imposées au niveau de les Etats ( Webster v ).Reproductive Health service, Planned Parenthood v . Casey en 1992 ), rognant de fait le droit national garanti par Roe . La tactique de la majorité conservatrice de la Cour est donc toujours la même : confier de plus en plus de responsabilités aux Etats .Et cette tendance générale risque de se poursuivre dans la mesure où le Président Bush a, potentiellement, plusieurs occasions de sélectionner des candidats pour la Cour Suprême .Parmi les noms qui reviennent le plus souvent comme candidats potentiels, J. Michael Luttig est un des plus fréquemment cité .Il siège à la quatrième Cour d' Appel ( US Court of Appeals of the Fourth Circuit ), où il a la réputation d' être un des Juges les plus à droite, alors que cette Cour, du fait des sélections opérées dans les années quatre-vingt est déjà une des plus conservatrices du pays .D'autres possibilités restent cependant ouvertes .Ainsi la pression serait sûrement très forte pour accorder la préférence à un candidat conservateur d' origine hispanique, afin de développer la " diversité " dans le judiciaire, selon les termes, connus, de l' arrêt Bakke ( 1978 ) .Seul Emilio M. Garzia, siégeant actuellement à la 11ème Cour d' Appel fédérale semble être un candidat possible : en effet, son opposition reconnue à la décision Roe v .Wade en fait un atout tactique important pour Bush dans ses négociations avec la frange religieuse du Parti républicain . Une telle évolution à droite de la Cour Suprême ne ferait que renforcer la tendance déjà existante au soutien sans faille du Judiciaire vis-à-vis des mesures les plus strictes de la lutte anti terroriste .L' ultime rempart aux débordements de l' Exécutif se trouverait alors neutralisé .
au final, la lutte anti terroriste prend place dans un contexte partisan et institutionnel extrêmement rare qui pourrait, surtout si la guerre contre le terrorisme et celle qui se mène en Irak se prolongent, entraîner un certain recul des libertés publiques . [Interro] La question est de savoir pour combien de temps, et à quel point ? [NoSABERTopth_Pred] Certes, Certes, historiquement, le système institutionnel américain a parfaitement su dépasser les moments de " crispation " sécuritaire et de lutte contre la subversion .Mais la situation actuelle est particulière à plus d'un titre .Outre l' alignement institutionnel et partisan, la nature même de le conflit où les Etats-Unis sont entraînés est source de risques . [Cliv] C' est probablement de la société civile elle -même - notamment par le biais de associations comme l' ACLU - qu' émergera un contrepoids, soit par le biais de actions judiciaires, qui déjà se multiplient, soit, plus radicalement, en changeant les équipes au pouvoir .Les précédents historiques - à commencer par celui de le propre père de George W. Bush - ne poussent pas à envisager un soutien électoral réel issu d' un mouvement de " ralliement au drapeau " en cas de crise .
AUTEUR : Jean Klein
La crise provoquée par l' intervention armée contre l' Irak pour le contraindre à respecter les termes de la résolution 1441 du Conseil de sécurité avant que la mission des inspecteurs de l' United Nations Monitoring, Verification and Inspection Commissio En l'occurrence, des analystes n' ont pas hésité à voir dans la stratégie mise en oeuvre par les Etats-Unis une violation des normes inscrites dans la charte de San Francisco et, dans leur penchant pour l' unilatéralisme, une contestation radicale de la responsabilité qui incombe à l' Organisation des Nations unies ( ONU ) pour le maintien et le rétablissement de la paix .L' Organisation du traité de l' Atlantique Nord ( OTAN ), dont la fonction initiale était la défense collective contre la menace soviétique et qui est demeurée , après l' effondrement de l' ordre bipolaire , l'une des principales organisations de sécurité serait, elle aussi, vouée au dépérissement, les Américains préférant créer des alliances ad hoc pour défendre leurs intérêts et lutter contre le terrorisme ( coalition of the willings ) plutôt que de voir leur liberté d' action entravée par les contraintes d' une décision collective .Enfin, la construction d' une Europe de la défense serait compromise non seulement en raison de l' opposition de l' Administration de George W. Bush à la réalisation de ce projet, mais également du fait des divisions des Européens et de l' allégeance atlantique de la plupart des pays d' Europe centrale et orientale qui seront admis dans l' Union européenne ( UE ) en mai 2004 .
Il ne saurait être question de vérifier le bien-fondé de ces jugements, ni de nous livrer à des spéculations sur la légalité de la guerre contre l' Irak ou de mesurer son impact sur la configuration du système international et les équilibres au Moyen-Orient .Notre propos est plus modeste et se bornera à l' examen des conséquences de cette crise sur l' organisation de la sécurité en Europe et l' avenir des relations transatlantiques . [Il...] Il convient en effet de se demander si les divergences entre Européens qui se sont manifestées à cette occasioneuropéen [On...] On sait que ce projet a suscité d'emblée des réserves de la part de les Etats-Unis et que le président Bush ne lui a pas ménagé ses critiques lors de son premier voyage en Europe, en juin 2001 ; dans ses interventions au siège de l' OTAN et au Conseil européen de Göteborg ( Suède ), il reprocha notamment aux Européens l' insuffisance de leur effort de défense et dénonça leur prétention à mener une politique indépendante alors qu' ils n' en avaient pas les moyens . [Autre] Le fait est que la plupart des Etats européens n'européen
Quelques mois plus tard, les attentats terroristes de New York et de Washington créaient une situation nouvelle et donnaient lieu à l' expression d' une solidarité sans faille des Européens avec les Etats-Unis .L' article 5 de le traité de l' Atlantique Nord fut invoqué à cette occasion et les actes terroristes perpétrés le 11 septembre 2001 sur le territoire américain furent qualifiés " d' attaque armée " .Mais, par un curieux paradoxe, la lutte contre les réseaux Al-Qaida et le régime des Talibans qui leur offrait un refuge en Afghanistan a été menée en dehors de le cadre de l' Alliance et les Etats-Unis ont tenu pour quantité négligeable le concours de leurs alliés européens, à l'exception de celui du Royaume-Uni, qui a été associé dès l' origine à l' opération militaire baptisée " Liberté immuable " ( Enduring Freeedom ) .D' aucuns_NEW_ D' aucuns ont interprété cette attitude comme la confirmation de la tendance à l' unilatéralisme américain et y ont vu le signe avant-coureur du dépérissement de la fonction militaire de l' alliance .D'autres, à le contraire , ont souligné l' utilité de l' OTAN comme cadre de concertation des politiques de sécurité des Etats membres et considèrent son élargissement comme un moyen de projeter de la stabilité dans les régions où les tensions ethniques et les contentieux hérités de la guerre froide pourraient dégénérer en conflits ouverts .Ces deux tendances ont été confirmées par l' évolution ultérieure de l' OTAN, qui n' a joué aucun rôle dans la guerre contre l' Irak mais a accueilli sept nouveaux Etats qui faisaient partie de l' organisation du Pacte de Varsovie, voire de l' Union soviétique, comme les trois Etats baltes .La décision a été prise lors de la réunion au sommet du Conseil atlantique à Prague ( 20-21 novembre 2002 ) sans soulever d' objections majeures de la part de la Russie et le Sénat américain l' a approuvée à l' unanimité le 8 mai 2003 .
Enfin, il il est entendu que la PESD doit s' inscrire dans le cadre de l' Alliance et favoriser le développement des relations transatlantiques, il ne semble pas que les Etats-Unis adhèrent sans réserve à un projet dont la réalisation pourrait conférer à l' UE des moyens de décision et d' action autonomes . [Autre] Ce qui leur importe avant tout est l' accroissement de l' effort de défense des Européens et une répartition plus équitable des charges militairesdéfenseQuant à la force de réaction rapide dont la création a été décidée par le Conseil européen d' Helsinki ( décembre 1999 ) et qui devrait être opérationnelle à la fin de l' année 2003, elle restera encore longtemps tributaire des moyens de l' OTAN et ne pourra être engagée efficacement que si l' on parvient à remédier aux carences dont elle souffre, plus particulièrement dans les domaines suivants : transport à longue distance, communications par satellites, observation spatiale, munitions guidées avec précision .
Or, le fléchissement des dépenses militaires dans la plupart des Etats membres de l' UE ne laisse pas présager un redressement de la situation à court et à moyen terme et, si cette tendance n' est pas inversée, on peut craindre que l' interopérabilité des forces alliées ne soit plus assurée dès lors qu' il s' agira de mener des actions communes pour le maintien et le rétablissement de la paix dans le nouveau contexte international .En outre, la coopération européenne pour la production d' armements piétine ou subit des vicissitudes en raison de la faible intégration des industries qui travaillent pour la défense, et les engagements pris en vue de préserver les moyens de recherche et technologie ( R & T ) existant sur notre continent resteront lettre morte si leur financement n' est pas garanti .Enfin, les controverses sur les modalités d' accès de l' UE à des capacités prédéterminées de l' OTAN ont mis en lumière les sources de conflits avec les alliés non membres de l' UE .
Ainsi, la Turquie, qui est particulièrement vulnérable à les nouveaux risques de le fait de sa situation géographique , a manifesté l' intention d' être associée à un stade précoce à la préparation et à la mise en oeuvre des opérations de gestion des crises et d' imposition de la paix qui seraient conduites par l' UE . Cette prétention a été jugée exorbitante par les Etats membres, qui y voyaient une atteinte à leur liberté d' action, mais la Turquie pouvait faire valoir qu' elle bénéficiait naguère du statut de membre associé de l' Union de l' Europe occidentale ( UEO ) et qu [On..._SP] au terme de négociations laborieuses, on est parvenu à s' entendre en décembre 2001 sur une formule de compromis grâce à la médiation des Etats-Unis et du Royaume-Uni, mais la Grèce continuait d' émettre des objections, ce qui rendait problématique l' accès garanti de l' UE aux moyens de l' OTAN . En définitive, cette hypothèque a été levée en décembre 2002 et l' UE a pu prendre, en mars 2003, la relève de l' OTAN pour la conduite de l' opération " Concordia ", dont l' objet est la surveillance de l' accord d' Ohrid qui avait mis un terme aux affrontements interethniques
[On..._SN] Si l' obstruction turque a défrayé la chronique de la défense européenne au cours de les deux dernières années, on ne saurait faire abstraction de l' attitude tout aussi distante à l'égard de la PESD des trois nouveaux membres de l' OTAN - la Pologne, la Hongrie et la République tchèque -, qui redoutent d' être marginalisés dans le processus de décision de l' UE et privilégient l' organisation de la sécurité dans le cadre atlantique .Ce penchant s' est manifesté avec éclat lors de la guerre anglo-américaine contre l' Irak à laquelle ils ont apporté leur concours, et la Pologne a fait preuve, en l'occurrence, d' un excès de zèle qui s' est traduit par le choix d' un avion américain - le F - 16 - pour équiper son armée de l' air et l' obtention d' une zone d' occupation en Irak dans le cadre de l' administration provisoire de ce pays après la chute du régime de Saddam Hussein . [Il...] Il convient donc de faire le point sur les acquis de la PESD en rappelant que les questions débattues aujourd'hui correspondent à des préoccupations anciennes et que le processus se poursuit en dépit de les vicissitudes de la politique impériale des Etats-Unis et des clivages qui sont apparus au sein de l' UE entre les " atlantistes " et les tenants d' une " Europe européenne " .
La défense européenne est un thème récurrent dans les relations transatlantiques depuis les années 1950, et elle a été une source de malentendus après l' inflexion de la stratégie américaine qui tendait à substituer la riposte graduée ( flexible response ) à la menace du recours immédiat à l' arme nucléaire ( massive retaliation ) pour garantir la sécurité de l' Europe occidentale .Lorsque les Européens émettaient de les doutes sur les vertus dissuasives de cette nouvelle posture et tentaient de faire valoir leurs intérêts de sécurité spécifiques au sein de l' Alliance, ils se heurtaient généralement aux objections des dirigeants américains, qui leur reprochaient d' affaiblir l' OTAN par des actions divergentes .Certes, les aspirations à une " défense européenne de l' Europe " étaient surtout le fait des Français, et le général de Gaulle avait donné le ton à la fois par son mémorandum de septembre 1958 relatif à la création d' un " directoire " au sein de l' Alliance et par les plans Fouchet ( 1960-1961 ) qui tendaient à favoriser l' affirmation d' une identité européenne dans le cadre de les communautés instituées par les traités de Rome de 1957 .Ces projets se heurtèrent à des oppositions très vives et furent rejetés par les partenaires de la France .Mais la question resurgit dix ans plus tard après la signature du premier accord soviéto-américain sur la limitation des armements stratégiques ( SALT-I ), en mai 1972 .
La stabilisation de l' équilibre sur lequel reposait la dissuasion réciproque et les dispositions prises ultérieurement par les deux protagonistes pour ne pas être entraînés dans un conflit suicidaire par le comportement de tierces puissances ( accord sur avaient fait naître des doutes sur la solidité de la garantie offerte par les Etats-Unis et avaient incité le gouvernement français à faire de l' UEO un cadre de réflexion sur les perspectives d' une défense européenne .Le ministre de la Défense, Michel Debré , et le ministre de les Affaires étrangères , Michel Jobert , firent des suggestions à cet égard dans leurs interventions devant l' Assemblée de l' UEO, respectivement en 1972 et 1973, mais leurs appels ne furent pas entendus .Une dernière tentative pour réveiller la " Belle au bois dormant " de le palais d' Iéna fut faite dans le contexte de la crise des " euromissiles ", provoquée par le déploiement des fusées soviétiques SS - 20 et la décision de l' OTAN de relever le défi en modernisant ses armes nucléaires de théâtre .En octobre 1984, le Conseil des ministres de l' UEO décida de réactiver cette organisation, en précisant que la concertation des politiques de sécurité des Etats membres et la définition éventuelle d' une position commune en matière de défense n' auraient pas pour objet de battre en brèche l' OTAN mais de rééquilibrer les relations transatlantiques .En dépit de ces précautions rhétoriques et de l' adoption, en 1987, de la plate-forme de La Haye, qui postulait une plus grande autonomie des Européens dans le domaine de la défense, les choses restèrent en l'état .L' identité européenne en matière de sécurité et de défense n' avait pu s' affirmer en raison de la persistance de l' antagonisme Est-Ouest et du sentiment dominant en Occident que l' OTAN était la seule parade efficace contre une attaque armée venant de l' Est et le garant de l' engagement des Etats-Unis sur le continent .
[Il..._SN] Il en ira autrement après l' effondrement de l' ordre bipolaire et la conclusion du traité de Maastricht ( 7 février 1992 ) qui consacrait dans son titre V le principe d' une politique étrangère et de sécurité commune ( PESC ) et ouvrait les perspectives d' une " défense commune " ( art .J. 4.1 ) . A cet égard, la coopération franco-allemande a joué un rôle moteur, mais il ne faut pas se dissimuler que les relations spéciales qui s' étaient développées entre Paris et Bonn depuis la signature du traité de l' Elysée du 22 janvier 1963 ont souvent été perçues comme l' expression d' une politique tendant à consacrer leur primauté dans les conseils européens . [Il..._SN] Il n' est donc pas surprenant que les initiatives prises par le chancelier Kohl et le président Mitterrand en vue de doter l' UE de capacités militaires propres aient été accueillies froidement et que l' annonce, en octobre 1991, de la création d' un corps franco-allemand susceptible de se muer en une force européenne autonome ait suscité des critiques ouvertes de la part de pays comme les Pays-Bas, le Portugal et le Royaume-Uni .Les Etats-Unis eux -mêmes ont pris position dans cette querelle et, dans son discours d' ouverture à la réunion au sommet du Conseil atlantique de Rome, le 7 novembre 1991, le président Bush avait laissé percer son irritation et n' avait pas hésité à brandir la menace d' un désengagement américain si les Européens ne voulaient en faire qu' à leur tête . [On..._SP] Comme nul ne songeait à rompre le lien transatlantique, on parvint à s' accorder sur une formule de compromis qui tentait de concilier les obligations découlant du traité de Washington avec les exigences d' une participation accrue des Européens à la défense commune et à des opérations de maintien et d' imposition de la paix en dehors de la zone couverte par l' OTAN . Au demeurant, l' initiative franco-allemande tendait moins à la création d' une organisation militaire intégrée selon le modèle de la Communauté européenne de défense ( CED ) qu' au rééquilibrage des relati
Ultérieurement, les Etats-Unis ne virent plus d' objections à l' affirmation d' une identité européenne en matière de sécurité et de défense ( IESD ) et admirent que l' UEO, qui avait vocation à devenir le " bras armé " de l' UE, et l' OTAN, qui conservait ses prérogatives traditionnelles, étaient complémentaires à certains égards .Ces convergences se reflètent dans la déclaration des chefs d' Etat et de gouvernement adoptée à l'issue de la réunion du Conseil atlantique de Bruxelles, le 11 janvier 1994 .Tous les Etats membres apportent leur " plein appui au développement d' une identité européenne de sécurité et de défense ", qui pourrait conduire à terme, comme le prévoyait le traité de Maastricht, à " une défense commune compatible avec celle de l' Alliance atlantique " ; ils soutiennent " le renforcement du pilier européen de l' Alliance " et se félicitent de " la coopération étroite et croissante entre l' OTAN et l' UEO " ; enfin, ils appuient " le développement de capacités séparables mais non séparées " qui pourraient être mises à la disposition de l' UEO ou de l' [Cliv] C' est ainsi que s' imposa le concept de " groupes de forces interarmées multinationales " ( GFIM ), groupes qui pourraient être mis à la disposition de l' UEO pour remplir des missions de paix auxquelles les Américains ne souhaiteraient pas s' associer ou pour faciliter des " opérations dictées par les circonstances, y compris les opérations auxquelles participeraient les pays extérieurs à l' Alliance " .Dès lors, les Etats-Unis ne virent plus d' objection de principe à l' expression d' une volonté plus affirmée des Européens de prendre en charge leur défense et d' assumer des responsabilités accrues pour le maintien et le rétablissement de la paix et de la sécurité internationales . [SujetInv] A condition toutefois que ces actions fassent l' objet d' une concertation étroite entre les alliés et se déroulent avec l' aval de l' OTAN .
Au cours des années suivantes, les progrès sur la voie d' une politique européenne de sécurité et de défense ( PESD ) ont été assez lents et, à la veille du sommet franco-britannique de Saint-Malo ( 4 décembre 1998 ), le constat auquel on pouvait procéder ne prêtait pas à l' optimisme : la PESC était en " panne ", le concept des GFIM n' avait pu être appliqué et la seule structure militaire cohérente dans l' espace euro - atlantique était l' OTAN . Il fallut attendre le revirement de la politique européenne du Royaume-Uni à l' automne 1998 et la prise de conscience pa
En application de les lignes directrices du Conseil européen de Cologne ( 3-4 juin 1999 ), les Etats membres de l' UE ont manifesté la volonté de se doter d' une " capacité d' action autonome s' appuyant sur des capacités militaires crédibles ainsi que des instances et des procédures de décision appropriées " .Six mois plus tard, à l'issue du Conseil européen d' Helsinki ( 10-11 décembre 1999 ), ils se fixaient comme objectif global " d' être en mesure, d' ici l' an 2003, de déployer dans un délai de 60 jours et de soutenir pendant au moins une année des forces militaires pouvant atteindre 50 000 à 60 000 hommes, capables d' effectuer l' ensemble des missions de Petersberg " ; il était également prévu de créer de nouveaux organes et de nouvelles structures politiques pour permettre à l' UE d' assurer l' orientation politique et la direction stratégique nécessaires à ces opé
Lors de la conférence d' engagement de capacités militaires qui s' est tenue à Bruxelles le 20 novembre 2000, les Etats membres de l' UE ont dressé un " catalogue de forces " correspondant à l' objectif global défini à Helsinki, tout en relevant que certaines capacités ont besoin d' être améliorées, notamment dans le domaine dit " stratégique " : renseignements, transport aérien et naval, états-majors pour commander et contrôler les forces, défense contre les missiles, armes de précision, soutien logistique, outils de simulation, etc. .Le mois suivant, le Conseil européen de Nice ( 7-9 décembre 2000 ) décidait la création des organes permanents politiques et militaires suivants : Comité politique et de sécurité ( COPS ), Comité militaire de l' Union européenne ( CMUE ) et Etat-major de l' Union européenne ( EMUE ) et définissait leur composition, leurs compétences et leur fonctionnement .
[Il..._SN] Par ailleurs, pour éviter des duplications inutiles, il était prévu que l' UE pourrait recourir aux moyens et aux capacités de l' OTAN, et le paragraphe 10 du communiqué final du Conseil atlantique de Washington ( 24 avril 1999 ) visait notamment " la garantie d' accès à des capacités de planification de l' OTAN, la présomption de disponibilité au profit de l' UE de moyens communs désignés à l'avance et l' identification d' une série d' options de commandement européen pour renforcer le rôle de l' adjoint au SACEUR " ( Supreme Allied Commander Europe ) .Or, du fait des rivalités gréco-turques, cette question n' a été tranchée qu' à la fin de l' année 2002, à la veille de la prise en charge par l' UE de l' opération " Concordia " en Macédoine .En revanche, la planification d' une opération européenne qui ne serait pas tributaire de les moyens de l' OTAN soulève moins de difficultés puisqu' elle serait confiée à un état-major de niveau stratégique d' un pays membre de l' UE . A cet égard, on laisse entendre que le niveau opératif pourrait être représenté par l' état-major interarmées britannique ou par le poste de commandant des forces interarmées françaises .Enfin, des dispositions ont été prises pour organiser la participation aux missions de Petersberg des pays alliés non membres de l' UE, étant entendu que les relations que celle -ci entretiendrait avec les pays associés à ce type d' opérations seraient placées sous le signe de " la consultation, de la coopération et de la transparence totales " .
En 2001, le processus de la PESD était bien engagé et certains estimaient que, si le rythme initial était maintenu, l' UE atteindrait le but qu' elle s' était fixé ( headline goal ) dans les délais prévus .D'autres se montraient plus circonspects et doutaient que l' échéance de 2003 pût être respectée pour la constitution d' une force de réaction rapide capable de conduire l' ensemble des opérations visées par la déclaration de Petersberg . [Cliv_SN] C' est que tous les Etats membres de l' UE n' adhéraient pas au projet d' une " Europe puissance " et n' étaient pas disposés à consentir les sacrifices nécessaires à sa réalisation .En outre, une PESD n' a de signification que si elle repose sur des capacités de décision et d' action autonomes qui feraient de l' UE un véritable partenaire des Etats-Unis .Or, les dirigeants américains ne l' entendaient pas de cette oreille et s' accommodaient difficilement d' une évolution qui se traduirait par une mise en question de leur primauté au sein de l' Alliance .De nombreux Etats européens leur emboîtaient le pas et redoutaient que les " dissonances transatlantiques " ne renforcent les courants favorables au désengagement américain et n' affaiblissent la communauté de sécurité que constitue l' OTAN .
La question centrale est donc celle de la fonction qui incombe à l' Alliance dans le nouveau contexte international et de sa compatibilité avec la mise en oeuvre d' une PESD . A cet égard, les opinions sont partagées, les uns considérant que l' Europe de la défense ne peut s' affirmer que si elle s' émancipe de la tutelle américaine, alors que d'autres ne conçoivent pas qu' elle puisse se réaliser contre les Etats-Unis ni sans leur concours .La France est en faveur de l' inscription de la politique de défense européenne dans le cadre de l' Alliance, mais d' une Alliance rénovée où le partage du fardeau se traduirait également par un partage des responsabilités .Pour dissiper toute équivoque à cet égard, le président de la République avait souligné dans son discours du 8 juin 2001, devant l' Institut des hautes études de défense nationale ( IHEDN ), que " l' Europe de la défense renforce l' OTAN par l' affirmation d' un partenariat d' autant plus solide qu' il sera mieux équilibré " et le ministre des Affaires étrangères, Hubert Védrine, s' était exprimé en termes similaires dans un entretien avec le quotidien Le Monde ( 13 juin 2001 ) en laissant entendre que " la défense européenne n' est pas seulement bonne pour l' Europe, ma
Depuis lors, les incertitudes sur l' avenir de la PESD n' ont pas été dissipées et la crise provoquée par la politique américaine vis-à-vis de l' Irak n' a fait qu' exacerber les contradictions au sein de l' UE . Dans un article publié dans la revue Policy Review, et dont de larges extraits ont été reproduits dans la presse européenne, un ancien haut fonctionnaire du département d' Etat, Robert Kagan a exalté la puissance militaire américaine, mise au service de une " civilisation de liberté et d' un ordre du monde libéral " et dénoncé l' incapacité des Européens à parerLa cause la plus importante de les divergences entre l' Europe et les Etats-Unis résiderait dans la vision irénique des relations internationales de celle -là et dans la volonté de ceux -ci d' user de la force pour garantir l' ordre dans le monde anarchique décrit par Hobbes . [On..._SN] On peut discuter cette thèse, mais elle contient une part de vérité, comme l' a souligné Hubert Védrine dans un entretien avec la revue Enjeux ( novembre 2002 ) .A ses yeux, " les Français sont les seuls à vouloir une Europe puissance alors que nos partenaires imaginent plutôt une grande Suisse " .Mais il n' exclut pas que les prétentions de l' hyperpuissance américaine provoquent un choc salutaire et que les Européens " piqués au vif décident qu' ils ont eux aussi une responsabilité pour l' équilibre, l' équité et la sécurité du monde " .Jusqu'à présent, les ambitions affichées par les Etats membres de l' UE sont modestes puisqu' ils ne visent que l' acquisition des moyens civils et militaires nécessaires pour l' accomplissement des missions de Petersberg, et il est entendu que la défense collective incombera en toute hypothèse à l' OTAN . Il n' en reste pas moins que la question de l' assistance mutuelle visée par l' article V du traité de Bruxelles, modifié en 1954, reste posée et qu' il faut réfléchir à la fonction qui serait assignée à l' arme nucléaire dans la perspective d' une défense européenne dPar ailleurs, les forces de réaction rapide en voie de constitution n' ont de signification que si elles sont au service de une politique cohérente . [On...] Or, on peut craindre qu' à la minute de vérité les Etats membres fassent éclater leurs divergences et que l' outil militaire auquel ils ont consacré tous leurs soins ne remplisse pas son office faute d' un consensus sur le but politique poursuivi . [On...] Enfin, on ne peut faire abstraction de l' impact des attentats du 11 septembre 2001 sur la configuration de la future politique européenne en matière de sécurité, puisque de nouvelles menaces ont surgi et que la participation à la lutte contre le terrorisme exigera sans doute une réorientation des choix antérieurs, l' élargissement du champ d' action des forces de projection et l' affectation de ressources supplémentaires à la recherche et au développement d' armes de haute technologie .
Depuis l' effondrement de l' ordre bipolaire, l' OTAN a élargi le champ de ses compétences et prête son concours aux organisations internationales pour leur permettre de remplir leurs missions de paix .De son côté, l' UE a manifesté la volonté d' apporter sa contribution propre à des actions collectives menées sous l'égide de les Nations unies en prenant appui éventuellement sur les capacités de l' OTAN ( NATO assets ) dans les domaines où ses carences sont manifestes .Or, l' insertion de la PESD dans le cadre de l' Alliance soulève des problèmes épineux, et l' insuffisance de l' effort de défense des Européens risque de compromettre la réalisation de l' objectif global défini à Helsinki en décembre 1999 .Ainsi, la fonction traditionnelle de l' OTAN - la défense collective contre une attaque armée - a été maintenue, mais on s' est également soucié de trouver des parades aux " défis du changement ", et le concept stratégique adopté par les chefs d' Etat et de gouvernement des 16 Etats membres réunis à Rome les 7 et 8 novembre 1991 rappelle que les intérêts de sécurité de l' Alliance peuvent être mis en cause par d'autres risques qu' une attaque armée de type classique . [SujetInv] Sont notamment visés " la prolifération des armes de destruction massive, la rupture des approvisionnements en ressources vitales ou des actes de terrorisme et de sabotage " ( § 13 ) .Huit ans plus tard, ce concept a été affiné lors de la conférence au sommet de Washington ( 23-24 avril 1999 ), et les " actes relevant du terrorisme, du sabotage et du crime organisé " ( § 24 ) figurent au premier rang des nouveaux risques .Après les attentats du 11 septembre, cette préoccupation est devenue dominante et on ne saurait exclure que l' Alliance assume à l'avenir des responsabilités accrues dans la lutte contre le terrorisme .Toutefois, les alliés n' ont pas en la matière des vues concordantes et, depuis plus d' un an, les controverses vont bon train, les Européens étant indisposés par le ton manichéen du président des Etats-Unis et le " simplisme " des méthodes préconisées pour briser " l' axe du Mal ", tandis que les Américains leur reprochent une méconnaissance de la gravité du péril et l' insuffisance des moyens mis en oeuvre pour le combattre .
[Il...] Sans vouloir prendre parti dans cette querelle, il convient de rappeler que les Européens ne sont pas restés passifs dans la gestion des crises de l' après-guerre froide et dans la lutte contre le terrorisme .Le 8 octobre 2001, cinq avions AWACS de l' OTAN et leurs équipages , comprenant 0 des personnels d' une dizaine de pays européens , ont été envoyés aux Etats-Unis, et des avions AWACS français ont pris la relève, notamment pour assurer la surveillance de l' espace aérien de Bosnie-Herzégovine .En outre, la force navale permanente en Méditerranée qui compte huit frégates et un bâtiment de soutien logistique a appareillé pour la Méditerranée orientale le 9 octobre .Ces unités ont été rejointes par la force navale permanente de l' Atlantique .Enfin, les opérations militaires américaines contre le réseau Al-Qaida et le régime de les Talibans ont été appuyées par tous les membres de l' Alliance, soit par l' envoi d' unités spéciales pour briser les dernières poches de résistance, soit par la fourniture d' une aide humanitaire au peuple afghan .Par ailleurs, l' Alliance a considérablement intensifié son action contre les dangers du terrorisme liés à l' emploi d' armes de destruction massive ( ADM ), et la dimension proprement européenne n' a pas été absente de cette démarche puisque des rencontres au niveau de les ambassadeurs et des ministres des Affaires étrangères ont permis de renforcer les consultations et la coopération entre le Conseil de l' Atlantique Nord et le Comité politique et de sécurité de l' UE .
Or, l' importance de la contribution des Européens à les missions de paix qui se sont multipliées depuis la fin de la " guerre froide " est souvent méconnue aux Etats-Unis et Javier Solana, le Haut Représentant pour la PESC, a éprouvé le besoin de faire une mise au point la veille de la conférence au sommet de l' UE et des Etats-Unis du 3 mai 2002 .Tout en rendant hommage au partenariat euro - américain, il a souligné la part prise par l' UE dans la promotion de " la stabilité, de la prospérité et de la démocratie " chez ses voisins et dans le monde .En Afghanistan, les Européens contribuent en liaison étroite avec les Etats-Unis à créer les conditions d' un avenir meilleur ; dans les Balkans ils assument des responsabilités majeures dans la gestion des crises en Macédoine, en Serbie-Monténegro et au Kosovo .Sur les 58 000 hommes déployés dans cette région, 38 000 sont des Européens, et l' UE est le principal donateur des pays de l' Europe du Sud-Est avec une contribution de 23 milliards d' euros au cours de les dix dernières années .
De son côté, William Wallace , professeur à la London School of Economics , a rappelé aux décideurs américains que, loin de pratiquer l' appeasement, les Européens ont apporté au cours de les dix dernières années une contribution significative à l' imposition de la paix dans des zones instables et au relèvement de pays ravagés par des guerres civiles .au printemps 2002, ils avaient déployé 7 000 hommes en Afghanistan, soit des effectifs supérieurs à ceux des troupes américaines ( 5 500 ) ; ils assument l' essentiel des charges relatives à la consolidation de la paix en Bosnie et au Kosovo ; enfin, ils contribuent à hauteur de 40 % aux fonds d' aide des Nations unies et à hauteur de 45 % au financement des opérations de maintien de la paix .
Ce constat permet de corriger les outrances des jugements portés outre-Atlantique sur la passivité des Européens face à les nouveaux risques, mais il ne permet pas d' accréditer la thèse de progrès significatifs sur la voie d' une PESD, ni de préjuger de la conversion de l' OTAN en une alliance globale contre le terrorisme . [Cliv_SN] C' est que les Etats-Unis préfèrent agir seuls ou dans le cadre de coalitions ad hoc pour riposter aux agressions dont ils sont l' objet, et l' OTAN aurait surtout pour vocation de favoriser par des élargissements successifs l' émergence d' une Europe " une et libre " ( whole and free ) et de fournir aux Américains un réservoir de forces où ils puiseraient en fonction de leurs besoins et des affinités qu' ils entretiendraient avec certains alliés . [On...] Cependant, on est conscient de la nécessité d' adapter l' OTAN aux nouvelles tâches qui lui incombent et, au printemps 2002, des discussions se sont engagées à Bruxelles au niveau de les experts sur les trois composantes principales de la stratégie de sécurité de l' OTAN, à savoir la dissuasion, la défense et l' intervention extérieure .A en s' tenir aux informations parues dans la presse, l' accent serait mis sur la prévention de toute attaque menée avec des armes de destruction massive et le renforcement des capacités défensives pour s' en prémunir en cas de échec de la dissuasion .Par ailleurs, le centre de gravité de la stratégie de l' Alliance se déplacerait en direction de la Méditerranée et du Moyen-Orient, où se situent les principaux foyers de crise et où certains Etats nourrissent l' ambition de se doter d' armes nucléaires, biologiques et chimiques, s' ils n' en sont pas déjà pourvus . [Il..._SN] Dans ce contexte, il serait nécessaire d' apurer le contentieux entre la Grèce et la Turquie, d'autant que ces deux pays seraient prêts à compenser le retrait partiel des troupes américaines stationnées dans les Balkans si celles -ci étaient requises ailleurs ; en outre, ils auraient engagé une négociation avec l' Iran en vue de l' intégrer dans cette nouvelle constellation stratégique et d' en faire un facteur de stabilisation de la région du Golfe .D'autres observateurs font état de projets concernant la formation d' unités spécialisées susceptibles d' être engagées contre des camps d' entraînement de terroristes, la création de centres pour l' évaluation des menaces et l' échange de données sur les moyens disponibles pour se protéger contre le bio-terrorisme .
Les Etats-Unis souhaiteraient rallier les Européens à cette conception extensive des tâches de l' Alliance, mais ceux -ci se montrent réticents non seulement parce que ils ne partagent pas les vues de Washington sur le choix des moyens pour lutter contre le terrorisme, mais encore en raison de leurs déficiences dans le domaine de la projection des forces et du combat de grande intensité . [Cliv_SN] Ce sont ces facteurs objectifs qui ont empêché les Européens de participer à la première phase de l' opération " Liberté immuable " en Afghanistan et, en l'absence de un effort de défense accru, leur contribution à la lutte militaire contre le terrorisme ne pourra qu' être limitée .
L' insuffisance de l' effort de défense des Européens est un thème rebattu, et l' on ne cesse de souligner l' écart entre les dépenses militaires des Etats-Unis et celles de leurs alliés du Vieux Continent .Ainsi, les dépenses des Européens représentent environ 60 % des dépenses américaines, mais le produit final de ces investissements est très inférieur aux résultats obtenus outre-Atlantique .Par ailleurs, le budget militaire américain croît d' une manière exponentielle et représente plus de 3 % du PIB, alors que les budgets européens sont en décroissance réelle de 22 % depuis 1990 .A l'exception de le Royaume-Uni et de la France qui s' efforcent de tenir le cap, les autres pays européens ont des taux inférieurs à 2 % et les " lanternes rouges " sont l' Allemagne ( 1,4 % ) et l' Espagne ( 1,2 % ) .Ces dérives ne sont pas de bon augure pour l' avenir de la PESD, et la plupart des observateurs estiment que la force de réaction rapide en voie de constitution a peu de chances d' être opérationnelle en 2003 . [On...] Pendant la conférence sur l' amélioration des capacités militaires de l' UE, qui s' est tenue à Bruxelles le 19 novembre 2001, on a relevé que, sur les 54 lacunes identifiées l' année précédente, dix seulement avaient été comblées et il ne semble pas que des progrès significatifs aient été accomplis sur cette voie depuis lors .
La contraction des budgets de la défense interdit la participation de l' UE à des actions communes de l' envergure de celle qui a été menée en Afghanistan et compromet l' interopérabilité des forces américaines et européennes ; on comprend donc les remontrances des dirigeants américains qui ne souhaitent pas voir se creuser l' écart entre eux et leurs alliés et assister passivement au dépérissement de l'une des " meilleures alliances de l' histoire " .En tout cas, l' Europe ne peut plus " jouer dans la cour des Grands " si elle ne modifie pas radicalement sa politique de défense .Les chiffres publiés dans des revues spécialisées, ou mis en avant par des professionnels de l' armement, permettent de prendre la mesure du défi américain, qui ne pourra être relevé que si les Européens définissent au préalable leurs besoins spécifiques et prennent les mesures appropriées pour les satisfaire sans vouloir imiter les Etats-Unis en tous points .En 2000, les budgets cumulés de la France , de l' Allemagne , de l' Espagne et de l' Italie ont représenté un montant de 67 milliards d' euros contre 285 milliards d' euros aux Etats-Unis .Ce constat n' est pas nouveau puisque les Etats-Unis, pendant la dernière décennie, ont investi dans la défense 2000 milliards d' euros de plus que l' Europe .Ces écarts résultent de priorités différentes : en Europe, les mesures sociales absorbent une partie importante des crédits publics et ne laissent qu' une place marginale à la défense alors que les attentats du 11 septembre 2001 ont incité le gouvernement américain à accroître son budget militaire de 50 milliards de dollars, ce qui représente une augmentation de 15 % par rapport à l' exercice en cours .
L' écart est encore plus grand dans le secteur de la recherche et du développement militaire où les Etats-Unis dépensent aujourd'hui l' équivalent du budget national de la France .Si l' on tient compte des programmes occultes ( black programs ), les dépenses réelles pour la recherche militaire sont de 15 à 20 fois supérieures aux montants européens cumulés .Les Européens ne pourront combler cet écart que s' ils dépensent davantage car la recherche dans l' aéronautique et dans les communications requiert des moyens importants pour les études en amont, la fabrication de prototypes et les essais en condition opérationnelle . [Cliv] Ce n' est qu' à ce prix qu' ils pourront mettre en oeuvre un système informatisé pour la gestion du champ de bataille comparable à celui dont dispose l' état-major américain . [On...] Contrairement à une idée reçue, on ne se réjouit pas à Washington de la faiblesse des alliés européens et l' on souhaiterait qu' ils puissent se doter des équipements nécessaires pour participer à des opérations communes destinées à frapper l' ennemi à l'intérieur de ses frontières, là où il est le plus vulnérable .Certes cet objectif peut être atteint par le biais de une coopération transatlantique, mais celle -ci se heurte à des limites en raison de les précautions prises outre-Atlantique pour contenir les risques de prolifération des technologies sensibles et des contraintes imposées par le tuteur américain sur les exportations d' armements .Seul un financement suffisant de la recherche en Europe permettrait de contourner ces obstacles et de mettre en oeuvre une force militaire capable de participer à des opérations de guerre .
Deux économistes proches du président de la Commission européenne ont abouti à des conclusions analogues après avoir fait observer que les critiques formulées à l'encontre de l' unilatéralisme américain resteront vaines aussi longtemps que l' Europe ne disposera pas d' une réelle capacité militaire et d' une technologie de pointe .Or l' Europe manque des deux, faute d' investissements .Ils rappellent que les Etats-Unis à eux seuls dépensent plus pour la défense que l' ensemble de leurs alliés européens et il est probable que cette tendance ne fera que s' accentuer dans les années à venir .Les dépenses militaires ne contribuent pas seulement à l' équipement des forces armées en matériels performants : une fraction non négligeable ( 10 % à 15 % ) est affectée au financement de la recherche et du développement ( R & D ) dans les secteurs de pointe .L' Europe a du retard dans ce domaine et sa retenue en matière de défense ne fait que creuser l' écart avec les Etats-Unis, comme l' atteste la répartition des brevets dans le monde : à la fin de les années 1990, 56 % étaient accordés à des demandeurs américains contre 11 % aux Européens .Par ailleurs, ils estiment que la stagnation des économies européennes résulte directement du retard en matière de innovation et indirectement du faible taux d' investissement dans la R & D militaire .
A cet égard, les incertitudes quant à l' avenir de l' avion de transport militaire européen sont révélatrices des problèmes auxquels sont confrontées les industries d' armement européennes .Face à la concurrence d' un appareil proposé par les firmes Boeing et Lockheed Martin, les pays de l' UE sont divisés : certains, comme l' Italie, sont tentés par l' option américaine alors que d'autres, dont la France et l' Allemagne, penchent pour l' avion construit par Airbus .L' enjeu est de taille et il est essentiel que les Européens fassent l' effort nécessaire pour financer ce projet et s' assurer qu' une part importante du budget soit affectée à la R & D afin de consolider la base technologique d' une industrie qui s' est signalée dans le passé par des " réussites de pointe européennes " . [Cliv_SP] C' est pour faciliter la réalisation de cet investissement que les ministres de la Défense des Quinze ont suggéré que les augmentations des dépenses militaires soient exclues des contraintes imposées par le pacte de stabilité et de croissance de l' euro .Il n' en reste pas moins que l' accroissement de l' effort de défense impliquerait une diminution des autres postes budgétaires et sans doute une mise en question de l' Etat-providence, ce à quoi la plupart des Etats européens ne consentiront pas de gaîté de coeur .
Toutefois, des progrès ont été enregistrés sur la voie de l' Europe de l' armement et les premières réalisations ont été le fait des industriels du secteur de la défense, soucieux de mettre en place des groupes d' une taille suffisante pour affronter la concurrence mondiale .A cet égard, la création de deux groupes européens dans le domaine de l' industrie aérospatiale - BAE Systems et EADS - est une novation, et il convient de souligner la singularité des industries d' armement où les intérêts nationaux demeurent très puissants et où se combinent la concurrence et le partenariat .Ainsi, les coopérations européennes, voire une certaine forme d' intégration avec le projet d' avion de transport militaire A 400 M , se sont inscrites dans le cadre de une politique d' intégration transatlantique croissante .Cette tendance se renforcera sans doute à la faveur de l' augmentation du budget de la défense des Etats-Unis car le marché américain, qui représente 55 % du marché aérospatial mondial, est incontournable pour les groupes européens .
La création, le 17 janvier 2002 , de l' Organisation conjointe pour la coopération en matière de armement ( OCCAR ) peut être considérée comme l' amorce d' un processus tendant à créer un marché européen de l' armement, à rationaliser la pratique de la coopération et à réduire les coûts des programmes .Les quatre membres fondateurs - Allemagne , France , Italie et Royaume-Uni - représentent à eux seuls 90 % de la production européenne d' armements et l' OCCAR gère déjà sept programmes d' un montant de 800 millions d' euros, auquel pourrait s' ajouter la commande de l' avion de transport militaire Airbus représentant quelque 18 milliards d' euros .Par ailleurs, la France a proposé d' inscrire des projets de R & T dans le cadre de une stratégie européenne cohérente dans le domaine de les avions de combat futurs .Cette initiative faisait suite à l' adoption, en juillet 2000, par six pays européens - Allemagne, Espagne, France, Italie, Royaume-Uni et Suède -, d' un accord-cadre en vue de favoriser les progrès de l' Europe de l' armement .Elle a abouti à la signature, le 19 novembre 2001, d' une déclaration qui autorise le lancement d' une étude conjointe visant à déterminer les capacités militaires requises à l' horizon 2020 et à identifier les systèmes et les technologies correspondant à ces besoins .Elle invite également à un regroupement des forces financières et industrielles concernées par ces projets .Ce programme de R & T ambitieux , baptisé European Technology Acquisition Program ( ETAP ) , a été entériné par les autorités compétentes des six Etats participants .
Enfin, des suggestions ont été faites pour remédier aux déficits technologiques de l' UE, l' objectif étant le maintien d' une base technologique sur l' ensemble des domaines-clefs de la défense ; il ne s' agirait pas de pratiquer le mimétisme avec les Etats-Unis mais de déterminer des secteurs prioritaires en fonction de les besoins requis par des missions spécifiques .La France s' est engagée dans cette voie et sa démarche prospective pourrait servir de modèle à l' Europe, à condition que l' on parvienne à s' entendre sur une politique commune en matière de R & T et qu' on soit disposé à y affecter des ressources minimales .Ce point de vue est partagé par certains experts allemands qui sont, eux aussi, convaincus que l' Europe est capable de relever le défi technologique par une harmonisation des politiques européennes d' acquisition des armements dans le cadre de l' initiative des capacités de défense adoptée par le Conseil atlantique de Washington en avril 1999 .L' adoption à Prague, en novembre 2002 , d' un programme de développement de les capacités militaires ( Prague Capabilities Commitment ) et la création d' une force de réaction de l' OTAN ( NATO Response Force ) , susceptible de mener dès le 1er octobre 2 pourraient accélérer le processus de modernisation des forces de réaction européennes et améliorer leur interopérabilité avec les forces américaines . [Cliv_SP] En tout cas, c' est en empruntant cette voie que le nouveau commandant des forces alliées en Europe, le général James Jones, espère rétablir le crédit de l' Alliance et créer les conditions d' un rapprochement entre la France et les Etats-Unis .
Avant même que n' éclate la crise de l' Irak et que les Européens ne se divisent sur la manière dont les Etats-Unis envisageaient de la régler, des doutes avaient surgi sur leur capacité de mettre en oeuvre une politique de sécurité et de défense cohérente .Certes, les chefs d' Etat et de gouvernement de les Quinze avaient affirmé, à l'issue de le Conseil européen de Laeken ( 15 décembre 2001 ), que " l' UE est désormais capable de conduire des opérations de gestion de crise " et que le développement de ses capacités lui " permettra d' assumer progressivement des opérations de plus en plus complexes " . Mais, dans le rapport de la présidence, la formulation était plus prudente . [On...] On y laissait entendre que " l' Union devra être capable de conduire, d' ici 2003, l' ensemble des tâches de Petersberg " tout en reconnaissant que des efforts supplémentaires devront être faits pour " conduire de façon optimale les opérations les plus complexes " .au plan des capacités civiles, la situation était plus satisfaisante dans la mesure où les Etats avaient confirmé leurs engagements de fournir jusqu' à 5 000 policiers pour la mise en oeuvre du plan d' action de police adopté à Göteborg en juin 2001 .En tout cas, au début de l' année 2002, le ton n' était pas à l' optimisme et le général finlandais Gustav Hägglund, président du CMUE, a émis des doutes sur l' opérationnalité de la PESD lors de une déposition devant la commission des Affaires étrangères et de la Défense du Parlement européen .Selon lui, l' UE disposait à cette date de 90 % des capacités correspondant à l' objectif global ( headline goal ) ; mais il lui serait difficile de mener des opérations de type militaire dans le cadre de les missions de Petersberg .En dépit des progrès accomplis, dix ans s' écouleraient avant que certaines lacunes soient comblées, notamment dans le transport des troupes puisque l' Airbus A400 M ne sera disponible qu' entre 2008 et 2011, dans la meilleure des hypothèses . [Il..._SN] Il est également convenu que des déficits importants se situaient au plan du renseignement et qu' on ne pouvait envoyer des soldats dans un environnement hostile si l' on ne disposait pas d' informations fiables .Enfin, il a abondé dans le sens de la vice-présidente du Parlement, Catherine Lalumière, qui avait déploré une certaine confusion dans la répartition des tâches entre le CMUE, le COPS et le secrétaire général et mis en cause le " flottement " de la chaîne de commandement .
Ce jugement sévère a été corroboré par les ministres de la Défense des Quinze lors de une réunion informelle qui s' est tenue à Saragosse, les 22 et 23 mars 2002 .Au terme d' un examen sans complaisance de la situation existante, ils ont constaté que le plan d' action européen pour le renforcement des capacités militaires ( ECAP ) n' avait pas été appliqué avec rigueur et que les lacunes identifiées l' année précédente restaient béantes .A moins de une augmentation des budgets militaires, l' objectif global ne serait pas atteint à la date convenue et la PESD ne serait pleinement opérationnelle qu' en 2012 .Certes, un accord est intervenu à Saragosse sur le financement du futur Airbus militaire, mais toutes les incertitudes relatives à ce projet ne sont pas levées et un rapport interne du Conseil constate qu' on ne progresse guère sur la voie d' une véritable politique de l' armement, qui relève largement du domaine de la rhétorique ou de l' utopie .Dans ce contexte, la proposition du ministre espagnol Federico Trillo d' étendre la compétence de la PESD à la lutte contre le terrorisme pratiqué avec des armes de destruction massive ne pouvait avoir qu' une valeur symbolique .Au demeurant, les ministres se sont bornés à renvoyer la question à un groupe d' études et à recommander une coopération plus étroite entre les services de renseignements et d' observation aérienne .Quant à le secrétaire général de l' OTAN et au Haut Représentant de l' UE pour la PESC, ils ont participé à cette réunion et renouvelé leurs admonestations sur l' insuffisance des crédits militaires par rapport à les ambitions affichées par l' UE .
[Cliv_SP] C' est pour faire sortir le débat de l' impasse et démontrer la capacité de l' UEcapacité [SujetInv] Parmi les missions de l' UE liées à la gestion de les crises figure notamment la formation et l' appui des forces chargées du maintien de l' ordre dans les zones en cours de pacification et le Haut Représentant pour la PESC a jugé que les circonstances étaient propices pour mettre à l' épreuve la PESD qui, jusqu'alors, se bornait à créer des institutions et se complaisait dans des débats théoriques ou des exercices d' état-major . [On...] Désormais, on enverrait sur le terrain près de 500 policiers pour consolider les acquis de Dayton et accompagner les réformes de la police et de la justice en Bosnie .L' entreprise n' était pas sans risques car des tensions, voire des affrontements, pouvaient surgir à l'occasion de les élections d' octobre 2002, de la dégradation de la situation économique et de la lutte contre la criminalité organisée .Après l' examen du dossier par les ministres des Affaires étrangères, cette mission a obtenu en mars 2002 l' aval du " Conseil pour l' imposition de la paix " ( Peace Implementation Council ou PIC ) en Bosnie et du Conseil de sécurité des Nations unies . [Present] Il s' agira essentiellement d' une mission de conseil, de surveillance et d' inspection des cadres supérieurs et moyens des forces de police locales ; les fonctions exécutives exercées partiellement par l' International Police Task Force ( IPTF ) n' incomberont pas à l' UE, et pas davantage la création d' unités armées pour le maintien de l' ordre qui relèvera toujours de la Stabilization Force in Bosnia and Herzegovina ( SFOR ) . [On..._SP] On évalue à près de 14 millions d' euros le coût de la mise en place de cette mission de police et, à partir de le 1er janvier 2003, ses dépenses de fonctionnement s' élèveront annuellement à 38 millions d' euros .Le 15 janvier 2003, la mission de police européenne est entrée en fonction pour une durée de trois ans ; elle est placée sous l' autorité du Haut Représentant de l' ONU pour la Bosnie-Herzégovine, Paddy Ashdown, et sous la direction opérationnelle du commissaire de police danois, M. Frederiksen .L' UE démontrait ainsi pour la première fois qu' elle était prête à s' engager activement sur le terrain et à associer à sa démarche non seulement des pays candidats mais encore des Etats extérieurs comme la Russie, le Canada et la Suisse .
Javier Solana avait également envisagé que l' UE prenne en charge l' opération conduite par l' OTAN en Macédoine et baptisée " Renard roux " ( Amber Fox ) . [Present_SP] Il s' agissait d' une mission temporaire qui avait été décidée en septembre 2001 à la suite de le désarmement des milices albanaises ( Essential Harvest ) et qui avait pour objet de garantir la sécurité des observateurs de l' UE et de l' OSCE chargés de superviser la paix d' Ohrid et de veiller au retour de l' ordre public dans les localités à majorité albanophone .Le mandat de cette mission qui mobilisait 700 hommes, pour la plupart européens - les principaux contingents étaient fournis par l' Italie, la France et l' Allemagne -, avait été reconduit à plusieurs reprises à la demande des autorités de Skopje . Le Conseil européen de Barcelone ( 15-16 mars 2002 ) avait approuvé la relève de l' OTAN par l' UE mais, comme l' opération Amber Fox s' articulait aux activités de la Kosovo Force ( KFOR ), il fut entendu qu' elle serait conduite en liaison étroite avec l' Alliance et sous le commandement de l' adjoint du SACEUR, qui était alternativement un général allemand ou britannique .L' opération de maintien de la paix en Macédoine, rebaptisée " Concordia " , a été prise en charge par l' UE le 31 mars 2003 ; elle est de dimension modeste puisqu' elle ne mobilise que 345 hommes, placés sous le commandement suprême de l' adjoint au SACEUR et sous le commandement opératif d' un général français ; enfin, la continuité l' emporte sur le changement puisque l' OTAN et l' UE agissent en partenaires et que leur coopération étroite est considérée comme la condition du succès d' une politique de stabilisation dans les Balkans .Le même modèle pourrait s' appliquer à la relève de la SFOR et la France et le Royaume-Uni ont d'ores et déjà fait des propositions à cet effet .Si cette initiative se concrétisait, elle constituerait la première manifestation militairement significative de la PESD puisqu' il ne s' agirait plus seulement de déployer quelques centaines d' hommes mais de prendre en charge une force de 12 000 hommes, et le succès de cette mission " renforcerait la crédibilité de l' Union dans la région et au-delà " .
La mutation du système international provoquée par l' effondrement de l' ordre bipolaire a fait prendre conscience aux Européens de la nécessité de s' impliquer davantage dans l' organisation de leur sécurité .Mais elle a également mis en évidence la difficulté qu' ils éprouvent à s' affirmer comme une puissance politique et militaire sur la scène mondiale .Les obstacles qui empêchent la mise en oeuvre d' une authentique PESD n' ont pas été surmontés et, de l' aveu même des porte-parole autorisés de l' UE, le bilan de ce qui avait été accompli au début de l' année 2002 a été jugé décevant . [On..._SN] On a privilégié une approche institutionnelle pour masquer l' absence d' une volonté politique ferme et les ressources financières affectées à la réalisation du headline goal restent manifestement insuffisantes .Les attentats du 11 septembre 2001 auraient pu provoquer un sursaut mais les ministres de la Défense n' en ont pas tiré les conséquences lors de la conférence sur l' amélioration des capacités militaires qui s' est tenue à Bruxelles deux mois plus tard .Cette négligence est d' autant plus fâcheuse que le Conseil européen de Laeken a pris acte de la dimension mondiale du terrorisme et assigné à l' UE le rôle d' une " puissance qui part résolument en guerre contre toute violence, toute terreur, tout fanatisme, mais qui ne ferme pas les yeux sur les injustices criantes qui existent dans le monde et ( ... ) veut ancrer la mondialisation dans la solidarité et le développement durable " .Certes, l' Europe a d'ores et déjà apporté sa contribution spécifique à la lutte contre le terrorisme grâce à la variété des instruments dont elle dispose au plan de l' infiltration des réseaux et du tarissement de leurs sources de financement .Toutefois, elle ne pourra soutenir l' ambition qu' elle affiche dans ce domaine que si elle est prête à en payer le prix et à se doter des capacités civiles et militaires lui permettant de s' affirmer comme un acteur stratégique à part entière .
A cet égard, la crise provoquée par la guerre contre l' Irak pourrait avoir des effets bénéfiques et servir d' aiguillon au développement de la PESD . Ainsi, le processus de la coopération entre Européens en matière de défense n' a pas été interrompu et le dialogue s' est poursuivi entre le Royaume-Uni et la France en dépit de leurs divergences sur l' interprétation de la résolution 1441 du Conseil de sécurité et sur le bien-fondé d' une action armée pour renverser le régime de Saddam Hussein .Le 4 février 2003 s' est tenu au Touquet le 25e sommet franco-britannique et, à l'issue de cette rencontre, les deux parties ont annoncé qu' elles prendraient des mesures pour accroître l' interopérabilité de leurs groupes aéronavals et favoriser la création d' une Agence intergouvernementale de développement et d' acquisition des " capacités nécessaires pour les missions actuelles et futures de la PESD " .Les autres membres de l' UE étaient invités à se joindre à eux pour améliorer les capacités de réaction rapide et promouvoir le " principe de solidarité et d' assistance mutuelle face à les risques de toute nature et notamment du terrorisme " .Ultérieurement, les dirigeants français et anglais ont multiplié les déclarations conciliantes et souligné les convergences de leurs politiques en ce qui concerne le rôle des Nations unies dans l' administration de l' Irak, la relance des négociations en vue de un règlement de paix israélo-palestinien et la construction d' une Europe de la défense . [On...] De part et d'autre, on souhaitait surmonter les difficultés actuelles et retrouver la voie de l' unité européenne et de la réaffirmation de la solidarité atlantique .
Depuis la victoire des forces de la coalition en Irak, l' UE tente de définir une position commune sur le rôle qui incomberait aux organisations internationales dans l' administration et la reconstruction du pays, mais la déclaration adoptée au sommet d' Athènes ( 16-17 avril 2003 ) se borne à énoncer des principes et il s' agit de la compléter par un document plus substantiel .La présidence et la Commission ont fait des propositions à cet effet aux ministres des Affaires étrangères lors de leur réunion informelle à Rhodes et Castellorizo ( 2-3 mai 2003 ), et il appartiendra au Conseil européen de Salonique ( 25 juin ) de se prononcer en la matière .Par ailleurs, le Haut Représentant pour la PESC , Javier Solana , a été chargé de rédiger un document sur la " doctrine stratégique " de l' Union, qui serait fondé sur une analyse compréhensive des menaces et prévoirait des actions communes avec les Etats-Unis pour lutter contre la faim, la pauvreté et le sous-développement, mais aussi pour conjurer les risques liés à la dissémination des armes de destruction massive .Enfin, les quatre Etats hostiles à l' intervention armée contre l' Irak - l' Allemagne , la Belgique , la France et le Luxembourg - ont présenté les conclusions de la conférence de Bruxelles du 29 avril, qui avait pour objet la relance de la défense européenne .Ils ont souligné le caractère ouvert de leur démarche et rappelé qu' elle visait la création d' un " pilier européen au sein de l' OTAN " .La plupart des mesures préconisées tendaient à favoriser la " coopération renforcée entre les Etats qui sont prêts à aller plus rapidement et plus loin en direction de une Union européenne de sécurité et de défense " .Sept initiatives concrètes seraient mises en oeuvre pour renforcer " l' efficacité des capacités militaires et éviter les duplications inutiles par le rapprochement des outils de défense nationaux " .L' objectif poursuivi était de garantir l' interopérabilité des forces qui pouvaient être engagées aussi bien pour des opérations européennes et des opérations de l' OTAN que pour des opérations conduites par l' UE pour le compte de l' ONU . Aux yeux des quatre, " le partenariat atlantique demeurait une priorité stratégique fondamentale pour l' Europe " et les divergences de vues apparues pendant la guerre contre l' Irak ne devraient pas affecter durablement la qualité des relations transatlantiques .Il reste à se demander si les Etats-Unis partagent ces vues et consentiront à une répartition des tâches entre partenaires égaux au sein de une Alliance rénovée et capable de relever collectivement les défis du XXIe siècle .
AUTEUR : Eddy FOUGIER
L' accélération du processus de mondialisation depuis la fin de la guerre froide , liée en particulier à l' ouverture économique et à la libéralisation de les échanges dans la plupart des régions de le globe ainsi que à la diffusion de les nouvelles techn est devenue l'un des principaux enjeux du débat démocratique dans un grand nombre de pays .Ce débat est influencé par l' émergence de mouvements contestataires qui dénoncent ce processus avec vigueur, en particulier lors de réunions d' institutions internationales ou régionales, voire de rencontres plus informelles comme le Forum économique mondial de Davos, censées symboliser la mondialisation .
Cependant, ce débat entre " pro " et " anti " apparaît souvent manichéen et simplificateur, et surtout frustrant .En effet, les " anti " affirment être les représentants d' une opinion de plus en plus préoccupée par ce qu' ils considèrent être les effets négatifs de la mondialisation .Les " pro " , plus ou moins enthousiastes , tendent à nier la légitimité et la représentativité de ces groupes à parler au nom de cette opinion en expliquant notamment que la représentation légitime est d'abord politique . [Cliv] C' est notamment la position du premier ministre Lionel Jospin .Chaque camp tend donc à s' exprimer au nom de une hypothétique opinion publique sur le thème de la mondialisation .Qu' en est -il au juste ?
L' objet de cet article n' est pas de trancher le débat sur l' existence ou non d' une opinion publique, ni de proposer une représentation exacte de ce que les Américains et les Français pensent de la mondialisation .Il vise plutôt à évaluer les perceptions de la mondialisation aux États-Unis et en France en s' appuyant principalement sur une interprétation des grandes tendances révélées par les sondages d' opinion effectués dans ces pays sur le thème de la mondialisation ou certains de ses aspects .Les données pour les États-Unis sont répertoriées dans deux études menées par des chercheurs de l' Institute for International Economics ( IIE ), Kenneth F. Scheve et Matthew J. Slaughter, et par un centre de recherche spécialisé dans les études d' opinion, le
Program on International Policy Attitudes ( PIPA ) . [Present_SP] Il n' existe pas d' étude similaire pour la France .Les résultats présentés ici s' appuient donc sur l' interprétation de nombreux sondages sur la mondialisation réalisés dans ce pays .
Or, l' analyse des nombreuses enquêtes d' opinion menées par les instituts de sondage à les États-Unis et en France sur le thème de la mondialisation permet d' aboutir à trois conclusions : d'abord, ce processus fait l' objet de véritables préoccupations ; on observe également un clivage de plus en plus net entre les élites et l' opinion, en particulier sur ce sujet ; enfin, une " dualisation " des perceptions apparaît au sein de les sociétés sur le thème plus général de l' ouverture avec une catégorie relativement importante en nombre qui se sent de plus en plus exclue éc
En apparence, les États-Unis et la France semblent représenter les pôles opposés de la perception du processus actuel de mondialisation au sein de les pays industrialisés .La France est souvent décrite comme le pays de la contestation de la mondialisation, le pays de José Bové, d' ATTAC ( l' Association pour une taxation des transactions financières pour l' aide aux citoyens ) et de l' exception culturelle, et celui dont le gouvernement est le seul à avoir envoyé des ministres au Forum social mondial alternatif de Porto Alegre, en janvier 2001 .Les États-Unis apparaissent, au contraire, comme l' emblème de la mondialisation, le pays de McDonald's, de Coca-Cola, d' Hollywood, de Microsoft, de Wall Street, des fonds de pension, du capitalisme débridé et des inégalités criantes .Pourtant, la réalité est beaucoup plus complexe : les Français ne sont pas des " globalophobes " et les Américains ne sont pas des partisans enthousiastes de la mondialisation .
D' un certain point de vue, cette vision des États-Unis et de la France face à la mondialisation contient une part de vérité . [Il...] Tout d'abord, il faut noter que ce phénomène est vu de manière différente dans les deux pays .aux États-Unis, la mondialisation est plutôt appréhendée sous l' angle de la libéralisation des échanges, les études menées par les instituts de sondage tendant à se focaliser sur ce thème .En France, la mondialisation est davantage perçue dans sa dimension financière - la libéralisation des mouvements de capitaux, le rôle des fonds de pension et d' investissement dans le financement des entreprises, la corporate governance et le rôle des actionnaires dans le fonctionnement de celles -ci - et dans ses effets sur l' identité nationale et culturelle .Les questions relatives à la mondialisation dans les sondages français tendent donc plutôt à traiter de ces enjeux .
En outre, les perceptions de part et d'autre de l' Atlantique divergent sur un certain nombre de thèmes étroitement associés à la mondialisation, sur la base de différences de culture politique et économique assez nettes . [Autre_SN] Ce qui est considéré comme allant de soi par les uns - la fonction de les marchés financiers et de les actionnaires pour les Américains , le rôle de l' État , les exceptions culturelle et agricole pour les Français - est perçu comme une incongruité par les autres .La différence la plus notable entre les deux pays , visible aussi dans les résultats de les sondages , concerne le rôle respectif de l' État et des entreprises .Les Américains tendent, en effet, à rejeter ce qu' ils appellent le big government, à savoir un État fédéral intervenant fortement sur le plan économique et social, tandis que l' influence des entreprises ( big business ) ne semble pas être le support d' une inquiétude particulière . [Cliv_SN] En France, au contraire, ce sont les entreprises et les marchés financiersentreprise
Cependant, au-delà de ces perceptions différenciées entre les deux pays, les enquêtes menées aux États-Unis et en France tendent à montrer une vision concordante sur trois types de réactions à la mondialisation : l' évaluation du phénomène, ses conséquences économiques, et ses conséquences sociales et culturelles .L' opinion révélée par les sondages apparaît extrêmement partagée sur l' évaluation générale de la mondialisation ou de certaines de ses dimensions .Elle est plutôt positive en ce qui concerne les conséquences économiques globales du processus .En revanche, elle est plutôt négative à propos de ses effets sociaux .
Les opinions telles qu' elles se dessinent dans les sondages de part et d'autre de l' Atlantique apparaissent relativement divisées quant à l' évaluation de la mondialisation au sens général du terme .Ainsi, en ce qui concerne l' Alena, symbole de ce processus aux États-Unis, entre 40 % et 45 % des personnes interrogées ces dernières années dans divers sondages pensent qu' il s' agit d' une bonne chose pour le pays, tandis que 30 % à 35 % soutiennent le contraire .En France, différentes enquêtes tendent également à montrer un point de vue très partagé sur le sentiment qu' inspire le terme même de mondialisation, indépendamment de ses conséquences économiques ou sociales : par exemple, un sondage Ipsos de mai 2000 indique que 48 % des personnes interrogées estiment qu' il s' agit de quelque chose de positif, contre 47 % qui ont une opinion inverse .
Aux États-Unis comme en France, les personnes sondées tendent tout de même à considérer la mondialisation comme un phénomène positif pour l' économie dans son ensemble .Outre-Atlantique, celle -ci globalement perçue comme ayant des effets positifs pour le pays, les entreprises et les catégories aisées de la population .Une majorité d' Américains interrogés reconnaît les bénéfices d' une libéralisation des échanges, notamment en termes de prix, de concurrence ou de croissance économique, et souhaite que le gouvernement des États-Unis favorise la promotion de la mondialisation ou des échanges internationaux de manière active ou, au moins, n' en entrave pas le cours actuel .Ils s' opposent donc majoritairement à toute forme de protectionnisme .Cette perception favorable du libre-échange semble être constante aux États-Unis .Les chiffres de 1994, en plein débat sur l' Alena et sur le GATT , donnent des résultats identiques .Un sondage réalisé par Gallup en 1953 montrait déjà qu' à l'époque, 54 % des Américains interrogés soutenaient une politique de libre-échange .
En France, la mondialisation est perçue majoritairement comme un facteur positif pour le pays, favorisant la croissance de l' économie française et la compétitivité des entreprises .Par exemple, un sondage réalisé en 1998 montrait que 58 % des personnes interrogées considéraient la mondialisation comme un élément positif pour le pays et
59 % pour la compétitivité des entreprises . En septembre 1999, c' est-à-dire en pleine " affaire Michelin ", 57 % des personnes interrogées pensaient tout de même que la mondialisation favorisait la croissance de l' économie française .Les sondages montrent cependant que Américains et Français sont une majorité à avoir une vision négative des conséquences sociales de la mondialisation, tant sur l' évolution de l' emploi, des salaires ou des inégalités de revenus .Les personnes interrogées tendent également à considérer que ses effets négatifs dépassent ses effets positifs, notamment pour les salariés .
Les Américains sondés soulignent majoritairement les conséquences négatives de la mondialisation et de la libéralisation des échanges sur l' évolution de l' emploi, des salaires, des inégalités, et donc sur la situation des salariés en général .Pour un grand nombre d' entre eux, la mondialisation n' a pas vraiment d' effets positifs pour eux -mêmes et pour les salariés en général .Ainsi, 52 % des personnes interrogées affirment que l' économie globale sera préjudiciable pour l' Américain moyen, tandis que 43 % pensent qu' elle lui sera bénéfique .Les résultats sont du même ordre en ce qui concerne leur perception des conséquences de la croissance des échanges internationaux .Si 61 % d' entre eux affirment que celle -ci est positive pour les entreprises américaines , ils sont seulement 31 % à prétendre que c' est le cas pour eux -mêmes et 25 % pour les salariés .De même, 56 % des personnes interrogées pensent que cette croissance a accru les inégalités entre riches et pauvres aux États-Unis .Les Américains interrogés tendent, en outre, à exprimer une méfiance particulière envers les accords commerciaux signés par les États-Unis avec des pays à bas salaires, en particulier l' Alena avec le Mexique .Au total, une courte majorité des Américains interrogés par les instituts de sondage pense que l' évolution des échanges n' a pas de bénéfices nets notables, et que les avantages en termes de prix ou de croissance ne compensent pas les pertes d' emploi .Globalement, ceux -ci préfèrent donc majoritairement s' opposer à toute libéralisation supplémentaire des échanges, des investissements et de l' immigration .
En France, un sondage réalisé en 1999 montrait que la mondialisation économique et financière y était perçue comme une source d' aggravation des inégalités sociales ( 65 % ) et une menace pour l' identité française ( 56 % ) .Dans un sondage plus ancien, 72 % des personnes interrogées s' estimaient être personnellement méfiantes face à ce processus en raison de ses conséquences sur la situation des salariés ou sur le système de protection sociale .Pour les Français sondés, la mondialisation a également des conséquences inégales sur les catégories sociales .De leur point de vue, elle semble favoriser les chefs d' entreprise ( 63 % ), les cadres supérieurs ( 66 % ) et surtout les actionnaires ( 69 % ), démontrant ainsi la forte dimension financière associée à la mondialisation en France, et constituer une menace pour les salariés ( 60 % ), les ouvriers et les employés ( 64 % ) ainsi que les agriculteurs ( 79 % ) .
La méfiance des individus à l'égard de les gouvernants , de les experts ou plus largement de les élites dirigeantes est un phénomène largement connu et mesurable, tant dans les réponses données dans les sondages que lors de consultations électorales à travers un vote protestataire ou l' abstention .Or, le thème de la mondialisation semble aggraver celle -ci en suscitant et, surtout, en approfondissant au sein de les sociétés des sentiments d' insécurité, d' incompréhension, de dépossession et d' impuissance .En effet, les quelques enquêtes mettant en parallèle le point de vue des élites ou des experts et celui du public montrent qu' il existe un net décalage entre leurs perceptions, leurs préoccupations et leurs priorités à propos de la mondialisation .L' élite, représentée par exemple par des leaders d' opinion , semble en avoir une vision très positive, bien meilleure que l' ensemble de l' opinion .
Ainsi, dans le rapport relatif à l' opinion publique américaine sur la politique étrangère, publié tous les quatre ans par le Chicago Council on Foreign Relations, une distinction est réalisée entre le public et des élites dirigeantes, qui sont des personnes occupant des positions importantes et ayant une connaissance des affaires internationales .Or, en ce qui concerne la mondialisation, le rapport de 1999 indique que 87 % des élites dirigeantes considèrent ce phénomène comme une bonne chose pour les États-Unis, contre 54 % pour l' opinion ; 12 % seulement des premiers pensent qu' il s' agit d' une mauvaise chose, contre 20 % pour les seconds .
Le décalage réside bien entendu dans le fait qu' une grande partie du public se sent directement affectée ou menacée par certains des effets attribués à la mondialisation, alors que les experts tendent plutôt à en nier l' existence .La divergence d' opinion la plus notable de ce point de vue concerne naturellement les conséquences sur l' emploi .Un sondage de 1996 montrait ainsi des visions totalement opposées sur ce thème entre économistes et opinion outre-Atlantique .Celui -ci portait sur le sujet très sensible de la perception des conséquences des accords commerciaux entre les États-Unis et les autres pays en matière de création ou de destruction d' emplois .54 % des personnes interrogées affirmaient que ces accords avaient détruit des emplois, les économistes interrogés étant seulement 5 % à suivre cette analyse ; 17 % des premières pensaient qu' ils avaient favorisé une création d' emplois, contre 50 % des seconds ; enfin 27 % des premières, contre 42 % des seconds, soutenaient que ces accords n' avaient pas réellement de conséquences en matière de emploi .
Enfin, sur la base de ces préoccupations différentes, les priorités des élites et du reste de la population ne semblent pas être réellement convergentes .Dans l' enquête menée par le Chicago Council on Foreign Relations, la protection de l' emploi des salariés américains figure, aux côtés de la lutte contre la prolifération des armes nucléaires, le trafic de drogue et le terrorisme international, parmi les quatre objectifs fondamentaux donnés par le public à la politique étrangère américaine .80 % de les Américains " moyens " interrogés estiment qu' il s' agit là d' un objectif très important pour la politique américaine .Ils le classent même au troisième rang des priorités .Quant aux leaders interrogés, ils ne sont que 45 % à partager ce point de vue et le classent au neuvième rang des priorités .Ce clivage est peut-être l' élément le plus inquiétant pour l' avenir des sociétés du monde indus-trialisé .Les réactions aux annonces de suppressions d' emploi par des entreprises bénéficiaires et l' incompréhension dont celles -ci font l' objet est l' exemple même de cette divergence actuelle de priorités entre salariés et dirigeants d' entreprises ou investisseurs, voire entre citoyens et gouvernants .
Bien entendu, ces divergences de perceptions proviennent en grande partie d' une différence d' expertise mais aussi d' accès à l' information et de compréhension de celle -ci .Ainsi, dans le sondage publié dans le rapport du Chicago Council on Foreign Relations sur la perception de la mondialisation, le taux de personnes qui ne se prononcent pas est de 11 % pour l' opinion et de 1 % pour les leaders . [On...] On peut donc supposer que ces derniers sont mieux informés, même si la différence n' est pas vraiment nette .Cela ne disqualifie pas pour autant le point de vue du grand public .En l'occurrence, l' enjeu n' est pas de savoir qui a tort ou qui a raison, mais de comprendre les raisons pour lesquelles ce dernier manifeste de telles réticences face à la mondialisation et d' essayer de prendre en compte ses sentiments et ses craintes .
L' insécurité économique est l'une des conséquences supposées de la mondialisation qui apparaît de la manière la plus nette à la lecture des sondages d' opinion, en particulier au sein de les catégories défavorisées .Cette insécurité est ressentie notamment en raison de les menaces de pertes d' emploi dans des entreprises du secteur industriel conférant un certain nombre d' avantages sociaux ( existence de syndicats, assurances santé, etc . ), liées aux délocalisations d' unités de production en direction de les pays du Sud, par exemple dans les maquiladoras au Mexique pour les entreprises américaines, ou aux menaces de fermeture d' usines, y compris par des entreprises bénéficiaires, et ceci souvent au profit de emplois aux conditions plus précaires dans le secteur des services .Elle affecte tout particulièrement les salariés les moins qualifiés et les plus âgés .Ce thème a été largement débattu, notamment sur la base de un article publié par Ethan Kapstein sur le sort des salariés dans l' économie mondiale .
[On..._SP] Plus fondamentalement, on assiste à une sorte de rupture d' un contrat social non écrit " qui caractérisait la démocratie industrielle par lequel " de grandes institutions - les grandes entreprises, les syndicats, l' État - offraient une sécurité ( aux individus ) ( ... ) en échange de leur allégeance .Les individus faisaient confiance à ces grandes organisations pour assurer leur bien-être économique et personnel par la régulation ( fine tuning ) de l' économie, l' accroissement du niveau de vie, la protection de la santé et de la dignité des salariés, la réglementation des entreprises dans l' intérêt du public " . [Cliv] Aujourd'hui, notamment dans le sillage de la mondialisation, ce n' est plus le cas, et ce sont en particulier les travailleurs non qualifiés qui sont les plus touchés par cette rupture du " contrat " de sécurité .
Un sondage publié aux États-Unis semble être très révélateur de ce sentiment d' insécurité .Il montre qu' une majorité d' Américains considèrent que la création d' emplois bien rémunérés liée à la libéralisation des échanges ne compense pas les difficultés rencontrées par ceux qui ont perdu leur emploi .56 % des personnes interrogées sont ainsi d' accord avec la proposition suivante : " Même si les emplois créés par la libéralisation des échanges ont des rémunérations élevées, cela ne compense pas malgré tout les difficultés des personnes ayant perdu leur emploi . " En revanche, 40 % sont d' accord avec la proposition selon laquelle " c' est mieux d' avoir des emplois bien rémunérés, et ( que ) les personnes ayant perdu leur emploi peuvent en trouver d'autres " . [On...] Même si le nombre de personnes ayant choisi la seconde proposition est relativement important ( et sans doute plus élevé que ce que l' on pourrait imaginer en France, par exemple ), on pressent bien leur inquiétude et leur crainte de ne pas retrouver un emploi aussi bien rémunéré et bénéficiant d' avantages sociauxFrance
Les difficultés des instances représentatives traditionnelles ou de les gouvernements à répondre à ce sentiment d' insécurité , aggravé par le processus de mondialisation , semblent conduire à des sentiments d' incompréhension et de dépossession qui apparaissent particulièrement vifs au sein de les catégories défavorisées socialement et culturellement .Ces sentiments se fondent sur l' impression que les principales préoccupations des individus ne sont pas réellement prises en compte, y compris par les mouvements et les gouvernements progressistes, que les grandes décisions se font plus ou moins sans leur avis et sans leur aval, et que, désormais, l' État n' a plus réellement la capacité d' influer sur l' évolution de la mondialisation, notamment face à le pouvoir croissant des investisseurs institutionnels, en particulier les fonds de pension, et des entreprises multinationales .Une enquête Ipsos réalisée en 1999 montre, par exemple, que le sentiment de dépossession est largement répandu en Europe :
59 % des Européens interrogés affirment avoir le sentiment que les changements de la société se font sans eux .Il est partagé par les personnes interrogées dans les principaux pays européens, et c' est en France que ces chiffres sont les plus élevés : 70 %, contre 27 %, qui soutiennent que les changements se font avec eux .
Le thème de la mondialisation semble constituer en la matière un facteur aggravant .Les sondages tendent ainsi à indiquer que les individus interrogés souhaiteraient que leur gouvernement ou les institutions internationales prennent davantage en compte leurs préoccupations sous la forme de un respect des normes sociales ou environnementales ; mais, parallèlement, ils tendent à ne pas leur faire confiance pour cela et à penser qu' ils prennent plutôt en compte l' intérêt des grandes entreprises . [Cliv] C' est l'une des critiques les plus avancées par les mouvements contestataires de la mondialisation . [Cliv] C' est ce que montre également un sondage réalisé aux États-Unis .Les Américains sondés considèrent ainsi, à une grande majorité, que le gouvernement fédéral ne prend pas assez en compte leurs propres besoins : 73 % d' entre eux pensent que c' est le cas pour ce qui les concerne, 72 % pour ce qui concerne les salariés et 68 % pour l' opinion en général .En même temps, 54 % affirment que le gouvernement prend trop en compte l' intérêt des entreprises multinationales, et 65 % pensent que l' intérêt des entreprises préside aux décisions de l' Organisation mondiale du commerce ( OMC ), plutôt que celui du monde dans son ensemble .
En outre, les résultats relativement serrés de consultations électorales ou de sondages d' opinion sur des thèmes liés à la mondialisation et à l' ouverture de les frontières ( Maastricht , Alena ) ne peuvent bien entendu que frustrer le nombre important de personnes qui se sont opposées à ces textes et qui les voient tout de même appliqués, d' autant plus que celles -ci se situent généralement dans des catégories défavorisées de la population .
Le retentissement de groupes contestataires comme Global Trade Watch aux États-Unis ou ATTAC en France semble être en grande partie lié à cette volonté de reprendre possession d' une démocratie qui serait " niée " par l' influence prépondérante des marché Le rejet croissant de les hommes politiques , de les partis et de les institutions publiques dans la plupart des pays indus-trialisés et , en particulier , la montée de l' abstention et de le vote protestataire dans les catégories défavorisées constituent autant de symptômes de ces sentiments . [On...] On sait, par exemple, que dans les années 1990, notamment lors de les élections présidentielles de 1995, les ouvriers français ont plus largement voté en faveur de les candidats du Front national que de ceux du Parti socialiste .
Ce sentiment de dépossession conduit enfin à un sentiment d' impuissance, exprimé notamment par les catégories les plus vulnérables de la société .Il se manifeste, en particulier, par la vision selon laquelle le processus actuel de mondialisation est largement irréversible et que les individus et l' État sont dans l' obligation de s' y conformer .Paradoxalement, ce sentiment semble être surtout partagé par ceux qui s' y opposent .Ainsi, aux États-Unis, parmi les personnes interrogées et souhaitant que le processus de mondialisation soit arrêté ou inversé, 49 % affirment que le gouvernement américain n' a pas les capacités du faire . Ce sentiment assez généralisé semble être également le corollaire d' une sorte de " discours de l' impuissance ", notamment face à la montée du chômage ou de la criminalité, qui fut exprimé par les responsables politiques et économiques, au moins depuis la crise pétro-lière des années 1970 ; un discours qui mit en exergue les contraintes externes ( du choc pétrolier à la compétition économique mondiale en passant par l' évolution du dollar ou de la demande américaine ), l' absence de véritable alternative aux politiques menées et, surtout, le manque de sens global attrib
Or, cette défiance envers les institutions publiques et les entreprises ne tend plus à se traduire par un retrait dans la sphère privée de la part de les individus mais, bien plutôt, par une certaine forme d' engagement collectif, dont les manifestations de Seattle ou de Millau et le succès rapide d' un mouvement comme ATTAC ont été, dans une certaine mesure, le symptôme .Ces individus, dont le niveau moyen d' éducation s' est élevé et dont l' accès à l' information s' est amélioré , notamment par le biais de Internet , tendent à exiger de plus en plus de transparence dans le processus de décision des principales institutions et des entreprises et d' avoir une influence sur leur prise de décision, en particulier sur la base de préoccupations d' ordre éthique . [Cliv] C' est ce qui explique en partie le succès des groupes contestataires de la mondialisation et, plus largement, celui des organisations non gouvernementales .
Les sondages d' opinion tendent ainsi à montrer qu' en France, les personnes interrogées attachent de plus en plus d'importance à la vie associative et au rôle des citoyens dans la société, et qu' ils font confiance en priorité à ces derniers pour préparer l' avenir qu' ils souhaitent .À cet égard, un sondage CSA de septembre 2000 indique que, parmi les évolutions plutôt positives pour l' avenir, 84 % des personnes interrogées citent la vie associative, 72 % le développement d' Internet et 71 % l' intervention des citoyens dans la société .A contrario, le rôle des hommes politiques à le plan national est cité parmi les évolutions plutôt négatives pour l' avenir par 58 % d' entre eux . [Cliv] C' est donc d'abord aux citoyens qu' ils font le plus confiance pour préparer un futur conforme à leur vue, devant les chefs d' entreprise ( 30 % ), les élus ( 28 % ) et les associatifs ( 23 % ) .
Les enquêtes d' opinion de part et d'autre de l' Atlantique tendent à révéler la division de plus en plus nette des points de vue sur la mondialisation et, plus largement, sur l' ouverture économique et culturelle . [On...] On observe même la formation de deux groupes dont les éléments discriminants sont le niveau social et culturel, mais aussi les valeurs .
aux États-Unis, Kenneth F. Scheve et Matthew J. Slaughter ont montré que les perceptions des Américains sont partagées sur les échanges, les investissements directs étrangers ( IDE ) ou l' immigration, c' est-à-dire sur l' ouverture aux biens, aux capitaux et aux hommes en provenance de l' étranger .Le facteur discriminant le plus important réside, selon eux, dans le niveau de qualification des personnes interrogées qui se définit par le niveau d' éducation et de rémunération, et non, par exemple, dans le fait pour celles -ci de travailler dans des secteurs exposés à la concurrence internationale ou d' habiter dans une région à forte proportion de population d' origine étrangère .Schématiquement, les individus les moins qualifiés , se montrent plutôt opposés à une ouverture plus grande des frontières aux produits, aux capitaux et aux personnes, tandis que les plus qualifiés s' y montrent plutôt favorables . [Present_SN] Ainsi, en ce qui concerne le soutien aux barrières commerciales, il existerait une différence de 25 à 35 % entre les personnes ayant fréquenté le système scolaire pendant onze années et celles l' ayant fréquenté pendant seize ans .
En France, aucune étude similaire de cette ampleur n' a été entreprise .Cependant, les données accumulées tendent à corroborer l' analyse des chercheurs américains .Ainsi, le sondage BVA de septembre 1999 sur l' impact de la mondialisation montre que les catégories qui y sont favorables sont majoritairement citadines ( elles vivent dans des villes de plus de 100 000 habitants et dans la région parisienne ), ont un niveau de rémunération relativement élevé ( 60 % d' entre elles ont un revenu net mensuel d' au moins 10 000 francs ) et sont relativement plus jeunes ( 71 % ont moins de cinquante ans ) .Les catégories ayant une opinion négative de la mondialisation , quant à elles , vivent plutôt dans des communes de petite taille ( environ 60 % vivent dans des communes de moins de 100 000 habitants ), disposent de revenus relativement faibles ( 55 % ont un revenu net mensuel de moins de 10000 francs ) et sont plutôt âgées ( 51 % ont plus de cinquante ans ) .
[On...] On peut remarquer que ces résultats sont relativement proches de ceux observés précédemment sur la construction européenne .Le référendum de Maastricht avait déjà révélé un net clivage social et culturel : 80 % des cadres supérieurs et 61 % des cadres moyens avaient voté " oui ", contre 63 % des agriculteurs, 61 % des ouvriers et 58 % des employés, favorables au " non " .En outre, 70 % des diplômés de l' enseignement supérieur et 53 % de les titulaires de le baccalauréat avaient approuvé le traité ; 61 % des diplômés d' un BEPC / CAP et 54 % des sans diplômes l' ayant rejeté .
Les enquêtes, notamment celles menées par la Commission ( Eurobaromètre ) à l' échelle européenne , soulignent le même clivage entre soutien et rejet de l' Europe selon le niveau d' études et de revenu .Ainsi l' Eurobaromètre publié en avril 2001 montre -t-il une différence de soutien notable entre les Européens interrogés ayant quitté l' école à quinze ans ( 41 % ) et ceux ayant arrêté les études à temps plein à l' âge de vingt ans ou plus ( 62 % ) .Cette différence est du même ordre sur le plan social : les cadres sont 63 % à soutenir l' UE, tandis que les travailleurs manuels, les personnes au foyer et les chômeurs sont seulement 44 % .Les données publiées depuis le début des années 1980 montrent que ces clivages sont plutôt constants .Les résultats des sondages sont identiques en France en ce qui concerne le soutien ou le rejet de l' Europe par les Français .
[Cliv] En fait, au-delà de les thèmes de la mondialisation et de la construction européenne, c' est bien la question de l' ouverture économique et culturelle du pays, et cellesondageLes enquêtes tendent à montrer, par exemple, que la perception de la construction européenne est plus ou moins liée à une représentation plus globale du monde fondée sur l' ouverture ou la fermeture, tant en ce qui concerne les valeurs, l' étranger ou la vision du monde .Ainsi, les personnes opposées à l' Europe se montrent plutôt favorables à des valeurs autoritaires .Elles privilégient l' appartenance nationale et développent une vision assez pessimiste du monde .Les pro-Européens, à le contraire , défendent plutôt des valeurs libérales, apparaissent plus ouverts et ont une vision assez optimiste du monde . [On...] On peut légitimement supposer que cette représentation globale influe également sur la perception de la mondialisation .
Ces préoccupations face à la mondialisation, ce clivage entre élites et opinion et cet écart , au sein de cette dernière , entre , d'une part , de les catégories relativement plus favorisées , optimistes et ouvertes , et , d'autre part , de les catégories sont à prendre en compte de manière sérieuse par les instances représentatives traditionnelles et par les gouvernements .Certes, la mondialisation n' est pas la cause de l' ensemble de ces phénomènes .Cependant, elle tend à les aggraver et à cristalliser la plupart des frustrations .De ce point de vue, elle a des conséquences certaines sur la démocratie représentative dans les pays industrialisés et constitue, d'une certaine manière, un risque, dans la mesure où de nouveaux groupes contestataires ou mouvements politiques, quelquefois radicaux et populistes, sont susceptibles d' exploiter ces frustrations .Leur retentissement actuel réside en effet, en grande partie, sur la concomitance de leurs critiques et des préoccupations manifestées par les opinions publiques face à la mondialisation, telles qu' elles sont perceptibles dans les sondages, notamment lors de événements particuliers, par exemple l' annonce de fermetures d' usine ( comme ce fut le cas au printemps 2001 avec les décisions du groupe Danone et de Marks & Spencer ) .
La prise en compte des intérêts et de les souhaits de les catégories défavorisées apparaît dès lors comme l'un des enjeux clefs, tout particulièrement pour les mouvements progressistes .Le débat au sein de la majorité plurielle en France , dans la perspective de les élections présidentielles et législatives de 2002 , ou au sein de le parti démocrate durant la dernière campagne présidentielle à les États-Unis en sont, ou en ont été, les révélateurs .
AUTEUR : Zaki LAÏDI
La recherche d' une corrélation entre mondialisation et démocratie n' est pas très aisée .Naturellement, si l' on pose le problème - en termes normatifs ou idéologiques, le débat s' éclaire de lui -même . [On...] On peut en effet identifier toute une série d' éléments qui militent en faveur de une corrélation positive entre mondialisation et démocratie, surtout si l' on se place dans le contexte politique mondial de la fin de la guerre froide .
[Il..._SN] Inversement, il est tout aussi aisé de repérer des facteurs qui tendent à dévitaliser la démocratie en raison de la mondialisation du capital qui fait fi des espaces publics nationaux, du déséquilibre croissant entre l' économique et le politique à l'avantage de le premier, de la démultiplication des dérèglements sociaux engendrés par la mondialisation, etc . [On...] On pense naturellement au développement des mafias, au blanchiment d' argent, aux trafics d' organes, de médicaments ou d' enfants . [On...] On pense également à tous ces emplois supprimés sur la base de considérations économiques globales sans que les personnes concernées soient toujours consultées .
[On..._SP] Certes, on pourra arguer du fait que ces différents dérèglements n' ont, d'une certaine manière, rien à voir avec la démocratie, puisque ceux -ci existent aussi dans les pays non démocratiques . [Il..._SN] De surcroît, il est difficile, par exemple, d' attribuer un licenciement économique à un déficit démocratique, sauf à assimiler la démocratie à l'idée de justice .Pourtant, cette relation de causalité n' est pas non plus totalement incongrue si l' on admet que la mondialisation entretient un sentiment de dépossession chez les individus, qui, directement ou indirectement, perdent confiance dans la démocratie en tant que lieu d' expression de choix et de préférences .De surcroît, les pays riches ont beaucoup plaidé, depuis la fin de la guerre froide, en faveur de une interaction entre démocratie et marché : c' est la fameuse démocratie de marché .Or, dans ce cas, il devient tentant de mêler dans son appréciation les facteurs qui relèvent du marché et ceux qui sont imputables à la démocratie .En outre, l' imaginaire consumériste gagne le champ du politique et de sa représentation .La démocratie est de plus en plus identifiée à un marché où les élections tiennent lieu d' acte d' achat .
Ceci étant, ces jugements de valeur, si importants soient -ils , ne nous aident pas à progresser .D'une part, parce que ils se situent sur un registre normatif, voire moral . D'autre part, parce que le catalogue des articulations positives ( la mondialisation favorise la démocratie ) peut largement être compensé par un catalogue tout aussi fourni d' articulations négatives ( la mondialisation détruit la démocratie ) . Pour sortir du dilemme, deux approches sont alors possibles . sont alors possibles .La première, de nature quantitative , consisterait à mesurer les corrélations concrètes, par pays, entre mondialisation et démocratie . [On...] On pourrait par exemple croiser le degré d' ouverture des économies avec l' existence d' élections libres et concurrentielles .À notre connaissance, ce travail n' a jamais été effectué . [On..._SP] Mais on peut compter sur le dévouement des " quantitativistes " pour se livrer à un tel exercice .En réalité, les études les plus nombreuses de ce type de corrélation ont généralement porté sur le lien entre démocratie et développement .Mais les conclusions tirées de ces études sont loin de être univoques .
Les études de Sirowy et Inkeles publiées en 1991 concluent à l'idée de une corrélation négative entre développement et démocratie .Empiriquement, ce constat ne paraît pas aberrant . [Il...] Il suffit pour cela de se tourner vers l' Asie du Sud-Est et de voir qu' en Corée, à Taiwan ou à Singapour, le décollage économique s' est effectué sous la double contrainte de la guerre froide et de l' autoritarisme .Au demeurant, l' autoritarisme politique ne conduit pas nécessairement à l' arbitraire ou au favoritisme systématique .Pranab Bardhan souligne à cet égard, en s' appuyant toujours sur l' exemple asiatique, que la prévisibilité de l' action publique est plus importante que la responsabilité ( accounta-bility ), notamment pour les investisseurs . [Cliv_SN] Ce fut le cas de Taiwan et de l' Indonésie, parce que les dirigeants avaient une certaine vision de l' intérêt général et une capacité à arbitrer, même brutalement, entre des intérêts particuliers contradictoires .Ce problème des institutions est reposé aujourd'hui dans le contexte de la mondialisation, qui oblige précisément les sociétés à effectuer des arbitrages sociopolitiques importants au fur et à mesure que elles s' ouvrent à la compétition .Mais le degré d' institutionnalisation de ces arbitrages n' est pas nécessairement indexé sur l' existence d' institutions démocratiques .
Quoi qu' il en soit , si les analyses de Sirowy et d' Inkeles concluent à une corrélation négative entre démocratie et développement , celles de Campos , qui remontent à 1994 , tendent à des conclusions contraires .Ces constatations empiriques contradictoires sont renvoyées dos à dos par Przeworski et Limongi . [Present] Pour eux, il n' y a tout simplement pas de lien de causalité entre démocratie et développement . [Present] Il y a, bien sûr, interdépendance, mais les termes de celle -ci sont très variables .Au demeurant, ces corrélations n' ont aucun sens si elles ne sont pas évaluées et réévaluées dans le temps . [Il..._SN] Si l' on prend le cas de la Corée, il est indéniable que son décollage s' est effectué sans démocratie . [Il..._SN] Mais il paraît tout aussi évident que la poursuite de son développement semble impensable sans démocratie .Pourquoi ? Tout simplement parce que entre-temps, le " temps mondial " a fait son oeuvre . Autrement dit, la fin de la guerre froide et la mondialisation ont accru la légitimité de la démocratie politique et délégitimé concurremment l' autoritarisme .
Tout ceci pour dire que, si les approches quantitatives présentent certains avantages empiriques, elles ne règlent pas les biais méthodologiques auxquels elles restent redoutablement soumises . [Autre_SP] C' est pourquoi, et sans prétendre répondre à la question dans toute son épaisseur, nous proposons de poser le problème de l' articulation entre démocratie et mondialisation d' une autre façon, c' est-à-dire en introduisant une distinction essentielle entre deux dimensions de la démocratie : la démocratie comme procédure, c' est-à-dire un dispositif capable d' assurer le changement des équipes dirigeantes au travers de élections libres ; et la démocratie comme culture, c' est-à-dire un ensemble de règles formelles et informelles assurant à travers le temps la libre expre [On...] Pour simplifier, on pourrait dire que la démocratie comme procéduredémocratie
Or, l' hypothèse que nous voulons faire est la suivante : si la mondialisation accroît indiscutablement la légitimité et parfois l' effectivité de la démocratie comme procédure, elle ne garantit en aucune façon le développement d' une démocratie comme culture . [On...] On peut même aller plus loin en disant que la mondialisation renforce la première au détriment de la seconde .Une des raisons essentielles de cette différenciation résulte du rapport au temps .La démocratie comme procédure cadre parfaitement avec la dynamique d' un temps mondial qui valorise le présent, l' immédiat et le visible . La démocratie comme culture n' est en revanche pas en prise avec le temps mondial , car elle a besoin de temps .Elle n' est de surcroît pas immédiatement ou clairement identifiable .Elle est toujours relative et, par -là même, contestable .La prise en charge de la question démocratique par la communauté internationale renforce encore ce hiatus . [On..._SP] On peut à peu près dire si des élections dans tel ou tel pays sont libres - et, le cas échéant, stigmatiser les contrevenants ; en revanche, on peut difficilement évaluer la réalité d' une culture démocratique . [On...] On imagine fort bien une délégation du Congrès américain tancer tel ou tel dirigeant pour ne pas respecter la démocratie ; on l' imagine moins évaluant la culture démocratique de ce même pays .
[impératif] Commençons tout d'abord par donner une définition succincte de la mondialisation qui constitue la toile de fond de notre propos . [Present_SP] Il s' agit pour l' essentiel d' un processus d' intensification des relations sociales planétaires, qui se traduit par une disjonction croissante entre l' espace et le temps . [interro] Qu' est -ce à dire ?Que les lieux où se déroulent les événements sont géographiquement de plus en plus éloignés des lieux où leurs conséquences s' expriment .Dans une société traditionnelle, l' espace dans lequel vit et se meut l' individu est un espace physique généralement limité .Tout ce qu' il voit et tout ce qu' il fait a pour cadre le village où il est né . Son horizon spatio-temporel est donc très limité .Dans une société moderne, cet espace de référence s' élargit pour toute une série de raisons, dont la plus importante est la spécialisation croissante des rôles et des fonctions . [On...] À partir du moment où l' on ne fait pas tout soi -même, on est obligé de s' adresser à d'autres pour obtenir certains biens et services .
La mondialisation intervient donc comme un processus d' élargissement de l' espace de référence dans lequel les acteurs sociaux s' insèrent .Ainsi, en l' espace de dix ans, par exemple, l' espace de référence des entreprises françaises s' est déplacé de l' Europe vers le monde .En dix ans, le fait de s' européaniser s' est trouvé dépassé par la nécessité de se mondialiser . [Autre] Mais ce qui illustre le mieux la disjonction entre l' espace et le temps , c' est le fameux exemple des fonds de pensions .Par leur entremise, des retraités californiens peuvent influencer l' emploi à Argenton .Or, les raisons qui poussent par exemple un fonds de pension à se retirer d' une entreprise ne seront que très rarement liées au contexte particulier de l' usine d' Argenton . [Cliv] Si nous insistons sur cette notion de disjonction entre l' espace et le temps, c' est précisément parce que elle crée un sentiment de dépossession : dépossession des ouvriers et employés d' une usine qui se trouvent licenciés même s' ils n' ont pas démérité ; dépossession des acteurs politiques qui ne peuvent guère interdire de telles stratégies .Or, même si ce débat n' a a priori rien à voir avec la démocratie, la corrélation est dans les faits beaucoup plus forte qu' il n' y paraît .La dépossession ou le sentiment de dépossession face à le changement économique altère la confiance dans les systèmes démocratiques qui fonctionnent sur des bases territoriales nationales .Comme le rappelle fort justement Ian Shapiro, la légitimité de la démocratie s' atrophie si l' amélioration des conditions dans lesquelles on la sollicite n' est pas au rendez-vous .
À partir de là, comment penser l' articulation entre démocratie comme procédure et mondialisation ? La démocratie comme procédure correspond à ce que Przeworski appelle la définition minimale de la démocratie . Par définition minimale de la démocratie, il entend la possibilité de choisir ses dirigeants au travers de élections libres . [Cliv_SP] C' est, à peu de choses près, la définition que donnait Schumpeter de la démocratie . [Cliv] C' est aussi celle de Popper, qui voit dans la démocratie le seul système capable de débarrasser une société de ses dirigeants sans bain de sang .
Cette définition minimaliste conduit donc à dire que la démocratie est la forme la plus légitime d' organisation des sociétés et que la valeur de cette légitimité est vérifiée au travers de les élections .Or, sur cette définition minimaliste de la démocratie, la mondialisation a indiscutablement des effets très nombreux .
Si l' on pense, tout d'abord, la mondialisation en relation avec la chute de le mur de Berlin , on n' a guère de peine à voir qu' elle a indiscutablement accru la légitimité de la démocratie représentative, parce que les régimes politiques qui prétendaient expérimenter une autre voie ont échoué sur à peu près tous les plans . [Cliv_SP] C' est pour la démocratiedémocratieMais le " par défaut " n' est pas à négliger .Par voie de conséquence, la distinction entre " démocratie formelle " et " démocratie réelle " s' est effondrée .Cette distinction marxiste entre la " vraie " et la " fausse " démocratie est ainsi totalement disqualifiée, car les tenants de cette distinction n' ont réussi à promouvoir ni l'une ni l' autre de ces dimensions .À notre connaissance d'ailleurs, même les partis d' extrême gauche qui se réclament encore de le communisme ne revendiquent plus cette distinction .Ils prétendent naturellement ne nourrir aucune illusion sur la " démocratie représentative ", mais ils ne la rejettent plus .Même dans les pays musulmans où certains mouvements islamistes prennent des postures anti occidentales, la relation à la démocratie demeure plus subtile .Sauf, naturellement, lorsqu' ils recourent à la violence, les mouvements islamistes ne récusent pas les élections, et ceci pour au moins une raison pratique : elles leur sont généralement profitables .
La deuxième conséquence de la mondialisation est d' avoir considérablement réduit la légitimité de ce que l' on a appelé les " démocraties spécifiques " .La conjonction des idéologies nationalistes du Tiers monde et du marxisme avait conduit à valoriser les formes " nationales " de démocratie par opposition aux démocraties occidentales . [On...] Certes, on a vu se développer ces dernières années des revendications démocratiques particularistes face à ce qui apparaissait être une hégémonie occidentale . [Cliv_SN] C' est le cas de certains régimes conservateurs d' Asie du Sud-Est et de mouvement islamistes .Les premiers parlent de " valeurs asiatiques " et les seconds de " démocratie islamiste " .Mais, dans les deux cas, il est intéressant de voir que c' est désormais la culture et non pas la nation qui est opposée à la démocratie occidentale . [NoSaber] Comme si la mondialisation avait, là aussi, fait son oeuvre .Elle rendrait plus difficilement tenable la résistance nationale à une problématique mondiale .Par ailleurs, à Singapour comme en Iran, la réalité est bien plus complexe .
Singapour reste une société très autoritaire où la culture démocratique demeure probablement relativement faible .Mais, malgré le discours sur les " valeurs asiatiques ", le caractère compétitif des élections s' y est accru .Autrement dit, la démocratie comme procédure a gagné du terrain . Dans ce contexte, le discours sur l' asiatisme " semble surtout destiné à freiner certaines évolutions sociales et culturelles dans des sociétés autoritaires ( Singapour, Malaisie ) ou à cimenter une unité politique de l' Asie qui reste extrêmement problématique .Le paradoxe est que la quasi-totalité des concepteurs de l' asiatisme " sont des intellectuels asiatiques vivant aux États-Unis, comme Tu Weiming, intellectuels dont les travaux sont relayés, vulgarisés et instrumentalisés par des acteurs politiques locaux .En Iran, l' évolution est très différente mais tout aussi intéressante .Même si elle est encadrée, la démocratie procédurale a gagné du terrain .Personne ne conteste le caractère démocratique de l' élection de M. Khatami .Et même ses adversaires conservateurs ne peuvent s' opposer à la tenue d' élections compétitives .
Tout ceci ne signifie naturellement pas que les cadres nationaux dans lesquels se construit la démocratie procédurale sont identiques, mais que l' opposition à la démocratie en tant que valeur apparaît de moins en moins légitime .Même dans les pays pauvres, où la démocratie pouvait apparaître comme un luxe , la légitimité de ce discours est en net recul .Amartya Sen a d'ailleurs montré dans ses nombreux travaux que l' existence de procédures démocratiques ne peut pas être identifiée à des structures purement formelles : " À de nombreux indices, on sait que la baisse significative du taux de fertilité dans les États les plus alphabétisés de l' Inde résulte pour une bonne part des débats organisés à ce sujet " .
En fait, l' analyse de Sen revient à dire que le formel finit par embrayer sur le réel, que la procédure finit par devenir affaire de culture .Cette interprétation s' inscrit toutefois dans une temporalité relativement longue .Sen parle de son pays, l' Inde, où la démocratie procédurale, précisément, est implantée depuis fort longtemps . [Cliv] Or ; s' il y a une dimension absente dans la mondialisation, c' est bien celle du temps long .
Depuis la fin de la guerre froide, la plupart des pays occidentaux ont mis en place une " conditionnalité politique " qui conduit à lier soutien économique et politique au " respect de la démocratie et des droits de l' homme " . [Il..._SP] Il faudrait naturellement s' interroger sur le lien entre droits de l' homme et démocratie .démocratieMais ce débat nous entraînerait trop loin . [impératif] Indiquons simplement ici que le développement de cette " conditionnalité politique " prend les formes d' une injonction démocratique .Injonction où le " démocratisez -vous " se substituerait au " enrichissez -vous " .Or, parce que l' affichage est plus important que le résultat effectif, l' injonction démocratique conduit à surestimer la démocratie procédurale . [On..._SN] Pour l' essentiel, on exige la tenue d' électionsélection [On...] Et même si elles ne le sont pas totalement, on considère que le fait qu' elles se tiennent est en soi un progrès .
Cette injonction fait naturellement l' objet d' une instrumentalisation de la part de ceux à qui elle s' adresse .D' où la généralisation des élections sur à peu près toute la surface de la terre . Cela est particulièrement frappant en Afrique où peu d' élections concurrentielles se tenaient avant 1989 . [Cliv] C' est aussi le cas du monde arabe où, sauf en Arabie Saoudite, les élections sont généralisées .
Pourtant, dans aucun de ces pays les élections n' ont débouché sur un changement politique .Cette contradiction s' explique par le fait que ces élections ne sont que très imparfaitement libres . [Autre] Tel est le cas de la Tunisie, où l' intimidation politique des opposants est permanente et où, symboliquement, le président sortant a été réélu avec un pourcentage de voix supérieur à la fois précédente, alors que, formellement, les dernières élections étaient pluralistes et que celles d' avant ne l' étaient pas . [On..._SP] On peut donc dire dans ce cas que la démocratie comme procédure n' est même pas installée .Mais cette explication ne suffit pas . [Il..._SN] Il est probable que la faiblesse de la relation entre élections et changements de régimeélection [Cliv] C' est notamment le cas des monarchies, qui n' ont de constitutionnel que le nom, même si, dans les faits, des élections compétitives ont bien eu lieu ( Jordanie, Maroc, Koweït ) .
[Il..._SN] En réalité, il faudrait définir la démocratie minimalistedémocratieLa démocratie deviendrait ainsi la procédure par laquelle l' espoir d' un changement d' ordre politique garanti par les urnes serait corrélé à une peur réelle de perdre le pouvoir de la part de ceux qui le détiendraient .La démocratie naîtrait quand, dans une société donnée, la peur de perdre le pouvoir par les élections remplacerait celle de le perdre par un putsch militaire ou une émeute .
Naturellement, une telle définition apparaît, à bien des égards, comme très subjective .Mais elle n' est pas nécessairement dénuée d' intérêt ou de valeur . [On...] Si l' on prend l' exemple du monde arabe, on constate que l' adéquation entre espoir des dirigés et inquiétude des dirigeants ne se retrouve dans aucun pays .Les rares fois où cette configuration était de nature à voir le jour , le processus politique n' a pas été conduit à son terme .Certes, la relation entre l' espoir et l' inquiétude n' est jamais stable .L' espoir de les dirigés peut tourner au désespoir et l' inquiétude des dirigeants se révéler totalement exagérée . [Cliv] C' est par exemple ce qui se passe actuellement en Indonésie, où la vieille garde de Suharto chassée du pouvoir revient progressivement sur le devant de la scène face à l' instabilité générale et à la division des anciens opposants . [On..._SN] En Afrique, on a vu de nombreux dirigeants revenir au pouvoir après quelques années de purgatoire .Mais cette réversibilité ne change rien à l' affaire .L' élément essentiel pour juger 0 du sérieux de le sens démocratique est et reste l' incertitude .
Un pays entre véritablement en démocratie quand, à chaque élection, une équipe sortante craint de perdre le pouvoir et concède, le cas échéant, qu' elle l' a perdu . Le Mexique est rentré dans l' ère démocratique le jour où le PRI au pouvoir depuis soixante-dix ans a concédé ce même pouvoir à l'un de ses opposants .De ce point de vue, l' élection de Vicente Fox en 2000 a achevé un cycle de transition engagé en 1989, quand, pour la première fois, un parti de l' opposition réussit à gagner des élections locales . [Il..._SN] Il est extrêmement frappant de voir l' importance que les élections, même locales, revêtent dans ce pays où, par ailleurs, les dérèglements sociaux minent la crédibilité du système politique . [Cliv] C' est d'ailleurs en Amérique latine que la démocratie procédurale a beaucoup gagné de terrain, comme l' a montré le caractère très disputé des dernières élections péruviennes .
Dans cette dimension procédurale de la démocratie, la mondialisation peut apporter beaucoup, précisément parce que il existe toute une ingénierie technico-politique disponible pour aider des pays en transition à préparer des élections et à en garantir la transparence . [Present] Il existe de par le monde toute une série d' instituts et d' associations spécialisés dans l' assistance technique à la démocratie . [SujetInv_SN] S' y ajoute le fait que le " label démocratique " est aussi une ressource politique pour accéder aux ressources mondiales .
[On...] Nous avons jusqu'ici parlé de la démocratie comme procédure, c' est-à-dire comme dispositif capable de promouvoir le changement politique au travers de élections . [Il..._SP] Il nous faut passer à une deuxième dimension du problème qui est celui de la démocratie comme culture .Là, les choses se compliquent de façon singulière . [interro] Que faut -il entendre par l' idée de démocratie comme culture ?Essentiellement, le fait que la démocratie n' est pas seulement une technique garantissant une alternance potentielle par le biais de élections, mais de toute une série de pratiques institutionnelles ou non institutionnelles capables de garantir la représentation équitabl Autant la démocratie comme procédure doit reposer sur l' incertitude de perdre le pouvoir ou de le gagner, autant la démocratie comme culture doit garantir la prévisibilité et l' équité du contexte dans lequel la compétition aura lieu . La démocratie comme culture renvoie aussi à la notion de performance . La démocratie doit permettre d' atteindre certains objectifs collectifs .La démocratie peut être alors identifiée à la forme optimale de recherche d' un bien commun par des voies pacifiques et concurrentielles .
[Il..._SN] Or, sur ce plan, il est incontestable que la mondialisationmondialisationCertes, le clivage entre la démocratie comme culture et la démocratie comme procédure n' est pas toujours très clair . La construction d' un État de droit relève autant de l'une que de l' autre .La croyance dans la fiabilité des procédures démocratiques et leur intériorisation est un élément important de la culture démocratique .La démocratie comme culture apparaît ainsi comme un contexte social, culturel et éthique dans lequel un citoyen aura le sentiment que ses attentes ou ses intérêts peuvent trouver un débouché non seulement lors de les élections, mais en dehors de celles -c
Mais la démocratie comme culture va bien au-delà de le respect des droits de l' homme . Elle passe par la mise en place d' un État de droit et d' un espace public capable de lui servir de support . [On..._SN] On pourrait pousser le paradoxe en disant qu' une culture démocratique est une culture qui n' a pas besoin d' attendre les élections pour s' épanouir ou être vécue comme telle . [Cliv_SN] Or, ce que l' on constate dans la plupart des pays , c' est une distorsion entre la démocratie comme procédure et la démocratie comme culture .démocratieCe hiatus est de nature temporelle .La démocratie comme procédure peut se mettre en place rapidement . La démocratie comme culture a besoin de temps . Dans les pays sans tradition démocratique, où l' on avait l' habitude de se soumettre ou de prendre les armes pour se révolter, le jeu démocratique, qui implique concessions , arrangements et compromis , ne peut pas s' imposer en un jour . [Cliv_SN] C' est la raison pour laquelle on voit tant de partis politiques se réclamant de la démocratie fonctionner de manière parfaitement anti démocratique .Par ailleurs, l' accent mis à l' échelle mondiale sur le respect de les droits de l' homme tend parfois à mettre l' accent sur les droits individuels en occultant les problèmes de constitution d' un espace public démocratique .Or, la création d' un espace public implique un dépassement de la simple revendication des droits individuels .Elle suppose une réflexion sur la dimension collective des droits ainsi que sur les devoirs attachés à l' accès à ces droits .Et bien sur ce plan, des efforts de réflexion doivent être menés .Surtout lorsque l' on voit combien est grande la confusion permanente entre démocratie et droits de l' homme .
En réalité, la " démocratie comme culture " ne peut exister et faire sens que sur le long terme . [On...] Par long terme, nous voulons non seulement dire qu' il faut du temps pour que une culture démocratique éclose, mais souligner aussi que l' exercice de la démocratie prend du temps, comme l' a bien montré Juan Linz . [Il..._SN] Il faut du temps pour consulter les différents acteurs, ajuster leurs préférences et réfléchir aux conséquences des choix que l' on effectue, et cela sans garantie de réussite ou de succès .La culture démocratique implique non pas un relativisme des valeurs, mais l' acceptation du caractère aléatoire des choix que l' on fait .Une des façons de réduire cet aléa est, par exemple, d' effectuer des choix de manière consensuelle .Or, dans les sociétés d' Europe du Nord ou en Suisse, le consensus passe par la délibération, et la délibération prend du temps .Et s' il y a bien, à l' échelle mondiale, un facteur qui gène ce processus d' intériorisation et de valorisation du temps long, c' est bien la mondialisation ou ce que nous appelons le temps mondial .
En effet, parce que il établit des standards implicites ou explicites de légitimité, le temps mondial tend à réduire la démocratie non seulement à une revendication exigible immédiatement, mais aussi à une technique politique capable de dégager des résultats tout aussi rapides .Si l' autoritarisme est assimilé par exemple à la corruption, à l' inégalité et à l' inefficacité, la démocratie est perçue comme la recette magique qui permettra de surmonter tous ces maux .Le temps mondial disqualifie totalement l' idée selon laquelle la démocratie serait un processus historique lent, long et complexe, ce qu' elle fut pourtant en Occident .La puissance de la simultanéité planétaire alimentée par les médias renforce l' attrait d' une " démocratie pour tous " et délégitime violemment l' idée d' une démocratie qui ne serait adaptée que sous certaines conditions .
[Present] Il ne s' agit pas ici de juger de la valeur de cet argument . [Cliv] Ce que l' on peut dire , c' est que la mondialisation en tant que temporalité fondée sur la simultanéité et l' instantanéitémondialisationLe temps mondial contribue à penser la démocratie sur un mode purement procédural et parfaitement anhistorique .D' où ce décalage entre procédure et culture dont nul ne dit s' il se réduira avec le temps . Voici, à ce propos, ce que dit Elemer Hankiss de la Hongrie : Les institutions démocratiques fonctionnent de mieux en mieux .Mais les institutions sont plus démocratiques que les citoyens ( ... ) .Les populations n' ont pas le sentiment d' être vraiment maîtresses chez elles, elles ne croient pas que les lois sont là pour les protéger et ne pensent pas que ce qu' elles disent est vraiment important ( ... ) .Le pouvoir lui , est pressé .Il sait qu' il faut s' adapter vite, très vite, et il considère qu' il n' a pas le temps d' expliquer et de discuter avec tout le monde " .
[On..._SP] On aurait tort de penser, cependant, que cette compression du temps de la démocratie, et donc sa négation partielle comme culture construite dans le temps long, soit propre aux pays en transition .La disjonction entre démocratie comme procédure et démocratie comme culture opère également dans les démocraties occidentales sous l'effet de trois facteurs : la dévalorisation culturelle du temps historique, la montée de l' individualisme, et la prégnanc
La dévalorisation culturelle du temps historique est une des formes les plus importantes du temps mondial .Elle est largement liée à l' effondrement des grandes représentations téléologiques de l' histoire et du devenir, au profit de la montée en puissance de la logique de l' urgence . [Cliv_SN] Si l' histoire, et donc le temps long, ne sont plus porteurs de sens, c' est le présent qui devient la temporalité où se réfugie l' attente .D' où la montée en puissance de l' urgence en tant que catégorie de l' action, mais également de la représentation sociale .
La montée de l' individualisme explique aussi, pour une bonne part, ce rétrécissement temporel, en ce qu' elle valorise la conquête de droits individuels au détriment - parfois - de la préservation ou de la conquête de droits collectifs .Naturellement, cette dichotomie n' est pas si simple .Mais il ne fait guère de doute que l' homo democraticus occidental pense de plus en plus la démocratie à travers sa capacité à " délivrer " ( au sens anglais de to deliver ) des droits dont il serait le destinataire particulier .
Naturellement, cette conquête de droits particuliers n' est pas en soi incompatible avec la démocratie . [Cliv_SN] Sauf qu' elle évacue de plus en plus l' idée de responsabilité dans un espace public, en faisant du " vivre ensemble " la simple résultante d' une agrégation d' avantages et d' intérêts particuliers . " L' individu contemporain, ce serait l' individu déconnecté symboliquement et cognitivement du point de vue du tout, l' individu pour lequel il n' y a plus de sens à se placer du point de vue de l' ensemble . [On...] On conçoit dès lors en quoi ce type de personnalité est de nature à rendre problématique l' exercice de la citoyenneté " .
Cette dynamique réduit la valeur projective - au sens de projet - de la démocratie pour la réduire à un " espace de services à la carte " dont chacun mesurerait de manière sourcilleuse les coûts et les avantages . La puissance de ce conditionnement, qui dégage un rapport à le monde purement instrumental , se retrouve paradoxalement même dans les " demandes de sens " de nature spirituelle ou religieuse .Olivier Roy , qui a étudié les sites islamistes sur Internet , montre que les " visiteurs " de ces sites n' expriment aucune curiosité pour l' histoire, la littérature ou la culture musulmane au sens large .Leur priorité est de trouver des réponses rapides et concrètes à des questions qu' ils se posent .Généralement, les demandes portent sur ce qui est licite ou illicite pour des musulmans vivant dans des sociétés majoritairement non musulmanes .Naturellement, cet exemple n' est pas directement lié à l' enjeu démocratique .Mais il souligne combien la mondialisation, ici au travers de Internet, renforce le primat de la procédure - en l'occurrence le code - au détriment de la culture . [Il..._SN] Il en découle une représentation purement instrumentale de la démocratie et de ceuxdémocratiedu coup, le politique est moins un représentant qu' un prestataire de services .La démocratie devient alors une sorte de salaire de citoyenneté dont la valeur est mesurée à l' aune de son " pouvoir d' achat " .Si l' on n' obtient pas tel ou tel service que l' on attend d' elle, la démocratie apparaît abstraite .Le paradoxe politique est donc de voir resurgir la vieille distinction entre " démocratie formelle " et " démocratie réelle " que la chute du mur de Berlin avait disqualifiée .
Cette représentation de plus en plus instrumentale de la démocratie se renforce paradoxalement au moment où le cadre national dans lequel elle est logée apparaît de moins en moins capable de répondre à cette attente .Par le jeu précisément de la mondialisation des échanges et des activités économiques, l' espace national perd de sa pertinence pour l' action .La dissociation des intérêts des entreprises et de les nations conduit par la force des choses à une séparation croissante entre ordre du marché et ordre des droits de l' homme .Plus préoccupant encore est le fait que la sphère économique tend parfois à considérer certaines préférences collectives exprimées démocratiquement comme des obstacles à son épanouissement .La pression qui s' exerce sur les États à le plan fiscal en est l' exemple type .Elle vise non seulement à taxer davantage le travail que le capital mais également à taxer proportionnellement plus les " salariés immobiles " que ceux qui peuvent jouer de leur mobilité professionnelle pour optimiser leur situation fiscale .
[Il..._SN] Or il est bien évident que les politiques strictement nationales peuvent contenir mais pas enrayer cette évolution .D' où la nécessité de se doter d' institutions mondiales ou régionales capables de réguler cette situation . Autrement dit, la conséquence majeure de la mondialisation est de créer une demande de démocratie à l' échelle mondiale .Mais la satisfaction de cette demande est extraordinairement difficile à satisfaire .D'une part, parce que le déplacement vers le mondial ne signifie pas l' obsolescence de le cadre national . D'autre part, parce que l' on ne sait pas encore comment résoudre la question de la représentation à l' échelle mondiale .
AUTEUR : Dominique DAVID
La guerre, affrontement sanglant et organisé entre communautés humaines , est toujours un facteur privilégié de création et d' évolution des ensembles politiques . [Present] Il n' y a pas à cet égard de long ou de court XXe siècle, mais plusieurs XXes siècles, où la guerre s' est confirmée comme instrument de remodelage de la société internationale .Pour n' avoir pas inventé grand chose en matière de horreur guerrière, ce siècle a élargi le spectre des actes regroupés sous le nom de guerre et profondément modifié leur approche philosophique, stratégique ou opérationnelle .
Dans l' ensemble des phénomènes guerriers du siècle, le plus visible est l' emballement de la logique dite clausewitzienne, qui décrit aux temps modernes les guerres ordinaires, politiques, entre États . [SujetInv] Dans les conflits majeurs s' impose spectaculairement la " totalisation " guerrière .Le siècle s' inscrit ici dans une longue dialectique : les épuisements de la guerre de Trente Ans conduisent aux conflits codés de la deuxième moitié du XVIIIe ; à la guerre des masses inaugurée par la Révolution succède un plus calme concert des nations, dépassé bientôt par les premières grandes guerres modernes qu' ouvre la guerre de Sécession .La rupture de l' équilibre des puissances européennes, entre la guerre franco-prussienne et la Grande Guerre , ouvre la course à la prééminence continentale .L' Allemagne post-bismarkienne y privilégie le facteur militaire, et le premier conflit mondial va symboliser une ère nouvelle .
Le bouleversement des modes d' organisation est ici déterminant . [On...] On peut désormais, avec la mobilité du feu, la motorisation et la transmission télégraphique des ordres, former, diriger, déplacer de larges armées .Napoléon commandait à Leipzig 180 000 hommes, soit à peu près un dixième des combattants de Verdun .L' évolution des armements donne à d' immenses armées une efficacité nouvelle .L' invention de la poudre sans fumée ( qui permet d' accélérer la cadence de tir ) , puis de le feu à répétition , démultiplie la puissance et la maniabilité du feu .Les guerres entre États européens deviennent des guerres nationales : idéologiquement, socialement, techniquement .
L' échelle des affrontements possibles s' en trouve modifiée .Pour être horrible ( Eylau ), la montée aux extrêmes de Napoléon restait limitée . [Present] Il s' agit désormais d' affrontements masse contre masse, lutte potentiellement mortelle d' une société contre une autre .Avec un problème vite perçu : comment poursuivre un objectif politique partiel avec un instrument humain et industriel total ? Plus pesante est la mobilisation, plus réduite la souplesse de l' appareil : en 1914, on mobilisera intégralement contre ce qui aurait pu ne relever que d' une dissuasion locale, de Sarajevo aux détroits turcs .Et l' état-major français de 1936 refusera tout maniement limité de la force contre les maigres unités allemandes engagées en Rhénanie .
La pensée de la guerre se transforme profondément dans les deux premières décennies du siècle .Les plus classiques théorisent l' incandescence de la mobilisation sociale, industrielle, économique ou morale .Foch voit ainsi la guerre moderne comme une apothéose technico-napoléonienne, manoeuvre d' une usine à feux appuyée sur toute la nation .Ludendorf creuse plus loin : sa Totale Krieg n' est que la mise de la société à disposition de la guerre .Il critique avant de l' inverser la " formule " de Clausewitz, parce que elle introduit un facteur politique qui bride la puissance guerrière .L' exigence dévoratrice des armées de masse doit primer .
La Première Guerre mondiale fait pourtant éclater le champ de la bataille .En frappant à distance, le stratège peut ignorer le blocage de la guerre de positions et intervenir systématiquement hors de l' espace militaire .L' avion symbolise cette révolution .Le concept de bombardement stratégique place bientôt les populations civiles au centre de la guerre : l' espace militaire bloqué peut être tourné par des frappes, à l' arrière, sur les ressources vitales et vulnérables de l' adversaire .Giulio Douhet est le plus brillant des théoriciens de cette " guerre intégrale ", qui délocalise le conflit, le diffuse dans l' espace civil et conduit, via les bombardements de la Seconde Guerre mondiale, aux stratégies anti cités de l' atome contemporain .
Les armées de Crimée, de Verdun ou d' Hiroshima semblent appartenir à des mondes différents .Mais la manoeuvre des armées n' est pas seule touchée . [SujetInv_SP] Progressivement s' imposent de nouvelles stratégies de construction de l' objet industrialo-militaire .Le bricolage d' une économie de guerre à la demande disparaît devant les exigences de la guerre technique .Une véritable stratégie des moyens se met en place, permanente puisqu' il s' agit de construire en masse des objets incessamment renouvelés, puis qui se diffuse dans les secteurs civils .L' exigence militaire fut déterminante pour les chemins de fer prussiens avant 1870 .Plus près de nous, les mêmes préoccupations ont pesé lourd dans le développement des matériels aériens, la course à l' espace ou le lancement des technologies de l' information .Cette obsession des moyens s' exprime bientôt par des budgets militaires surdimensionnés .À la fin des années 80, les pays développés dépensaient plus de 70 % des budgets militaires mondiaux .Et du temps de sa splendeur soviétique, Moscou consacrait presque 25 % de son PIB à des activités liées à la défense ...
Si les conséquences sur les sociétés de la métamorphose des opérations guerrières ne sont perçues que sur le long terme, le bouleversement de la hiérarchie des puissances du concert européen est, lui, immédiatement visible . Saignée humainement, économiquement et moralement par la Grande Guerre, contrainte de reconnaître qu' elle ne peut plus se défendre seule, la France est prise entre une Grande-Bretagne rétive à toute coalition permanente et une Allemagne trop forte pour être docile ou trop faible pour payer les réparations .L' Allemagne va encore miser dans les années 30 sur la force militaire pour finir au désastre humain et moral que l' on sait .La Russie sort exsangue du premier conflit mondial puis réintègre le circuit international à l'issue de le second .L' Angleterre s' épuise de 1940 à 1945 pour être marginalisée dans un nouveau jeu que dominent une puissance des confins européens et une puissance extérieure à l' Europe . [Cliv_SN] C' est la Première Guerre mondialeguerre [Cliv] C' est la seconde qui cristallise l' URSS comme grande puissance et dessine son assise impériale en Europe .En annonçant le club de la superpuissance .
Nombreuses sont les conséquences de ce bouleversement d' une hiérarchie mondiale qui jouait depuis trois siècles .des alliances d' un type nouveau se créent .Organisation inédite de l' espace européen, l' Alliance atlantique est très loin de les évanescentes coalitions du début du siècle .La coexistence européenne s' ébauche dans les années 50, ouvrant une des plus étonnantes aventures politico-juridiques des temps modernes . [On..._SP] Plus largement, on tente de substituer l' idée de sécuritésécuritéLa SDN échoue parce que elle ne se donne pas les moyens d' identifier l' agresseur ou de l' arrêter, quand nombre de pays ont des problèmes concrets de sécurité .L' ONU souffre, elle, de l' incapacité de son " conseil d' administration " à fonctionner comme tel et de son absence de moyens .D' énormes appareils militaires sont nés de la course à la guerre totale, diffusant leur modèle militaire de la puissance ou leurs armes .Les idées d' universalité, de sécurité collective , représentent néanmoins un héritage essentiel de ce temps pour toute réflexion sur l' organisation future du monde .
La révolution du siècle est bien la guerre totale, qui fournit à la guerre nationale le moyen de sa folie .L' irruption de l' atome résume cette étape en la dépassant .Comme tout moyen de guerre nouveau, l' atome est d'abord pensé avec de vieux concepts .Il couronne les bombardements stratégiques, donnant aux théories des années 20 une traduction concrète .L' idée de la guerre nucléaire aura la vie longue en Chine et en URSS, où l' on planifie les frappes massives, aux États-Unis, où l' on pense une nouvelle " victoire ", et en France même, comme en témoigne la capacité de survie du nucléaire tactique .
L' atome thermonucléaire dépasse pourtant la guerre totale .Annonçant l' exclusion des deux joueurs de la rationalité à laquelle voulait les cantonner Clausewitz, il élimine " la guerre comme instrument de rémunération de la politique " .Pour limité qu' on imagine l' effet de telle arme nucléaire, nul n' a jamais déployé avec elle la garantie interdisant de passer au stade supérieur .La perspective des destructions possibles et l' incapacité à maîtriser l' escalade produisent ensemble une dissuasion nucléaire sui generis, dont tous les membres du club atomique respecteront les codes .L' imaginaire de guerre, sans guerre , crée le monde de la guerre froide .
Le discours sur le futur , sur ce qui adviendrait en cas de passage à la violence , est d' autant plus important que le saut apparaît plus lointain .Tout ce qui précède l' usage de l' arme sur le champ de bataille devient donc un enjeu stratégique capital .Le temps de paix, entré en stratégie par les exigences de la guerre industrielle , occupe désormais une place centrale .Dans cette stratégie déclaratoire étendue aux confins de la stratégie_NEW_ elle -même prolifèrent les traités tentant de raisonner la déraison nucléaire et s' affirment la course aux armements et l' équilibre de la terreur . [Cliv_SN] C' est l' énorme capacité de destruction nucléaire qui fait apparaître raisonnable le déploiement d'autres armes, pour une hypothétique guerre limitée .Mais ce rêve de limiter le risque sous ombrelle nucléaire ainsi que le mimétisme soviétique face à des États-Unis jouant la carte technologique conduiront à la plus extravagante accumulation d' armes jamais connue .
[Cliv_SN] C' est la Seconde Guerre mondialeguerreL' atome, lui , gèle les zones d' influence sur le Vieux Continent et dessine une géographie stratégique qui durera quatre décennies .au centre, les espaces sanctuarisés ou couverts par la dissuasion élargie : ici , la guerre serait déraisonnable et les militaires n' interviennent que dans leur propre camp .En bordure, des arrière-cours où les intérêts des puissances ne sont pas sérieusement défiés par l' autre ( par exemple en Amérique latine ) . Quelques zones à statut stratégique particulier peuvent aussi être isolées : le Moyen-Orient, bien sûr, ou d'autres moins visibles, en Asie par exemple .Au-delà, mers ou terres libres d' un trop gros danger demeurent des espaces de manoeuvre .Exclusion de la guerre ici, évitement de l' Autre ailleurs, là où la confrontation reproduirait un face à face maîtrisé seulement en Europe . Les fameuses guerres par procuration ( Viêtnam , Afghanistan ) opposent donc l' intervention lourde de l'une des superpuissances à l' action indirecte de l' autre .
La guerre froide ( non guerre chez nous , dérivation des conflits chez les autres - par exportation d' armes ou de kits idéologiques réinterprétant les problèmes locaux - , évitement partout de la confrontation directe ) donne aussi naissance, dès la première moitié des années 60, à une pratique diplomatico-stratégique nouvelle : l' arms control .Le missile balistique intercontinental désenclave le territoire américain pour la première fois depuis plus de cent ans .Leur vulnérabilité intègre définitivement les États-Unis au jeu stratégique mondial et les contraint à ordonner leur face-à-face avec Moscou .L' arms control entend créer une culture de la superpuissance à partir de le seul intérêt irréductiblement commun : la limitation du danger . [On..._SP] On s' entendra sur les règles de gestion de l' instrument du danger au lieu de s' enfermer dans une logique impuissante de désarmement général : accords de transparence ou de limitation des arsenaux .
[interro] S' agit -il du co-gouvernement du monde que dénonceront les Français au début de les années 70 ?Cette idée de cogestion d' un temps dangereux, sous une autre forme , autorisera en Europe la percée de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe ( CSCE ) .Le long processus ouvert à Helsinki en 1972 s' organise autour de trois idées, dictées par la suraccumulation des armements en Europe .La sécurité est un objet composite, d' où l' idée de diverses corbeilles de négociation .La sécurité se crée d'abord dans les têtes, même si elle s' inscrit aussi dans les objets militaires, d' où l' importance des procédures de création de confiance qui permettront d' abaisser la garde militaire .La sécurité peut être gérée régionalement, d' où la réunion de tous les acteurs de la sécurité européenne .Avec ses complexités et ses impuissances, la CSCE est bien l'un des objets diplomatiques les plus intéressants de ce dernier demi-siècle .
Utilisé deux fois, l' atome rentre vite dans le silence .La technique, qui démultiplie sa force destructrice , permet ainsi le gel de la guerre froide et une nouvelle hiérarchisation de la puissance .Elle modèle en même temps des dialogues internationaux spécifiques .Au-delà des exemples déjà cités, le Traité de non prolifération ( TNP ) sera sans doute le premier acte quasi universel à reconnaître une inégalité flagrante ( entre les have et les have not ) pour créer de la sécurité pour tous .
[SujetInv] Hors théâtre nucléaire survient l' autre mutation capitale : l' explosion de l' espace colonial et l' universalisation de la forme étatique .À la fin du XIXe siècle, en l' espace d' une génération, Grande-Bretagne, France , Allemagne , Italie , Espagne , Portugal , Belgique et Pays-Bas avaient ajouté à leurs territoires métropolitains plus de trois fois la superficie des États-Unis .Écho de quelques soubresauts de l' entre-deux-guerres, l' écroulement colonial fait passer le nombre des États membres de l' ONU de moins de 50 à près de 200 en quelques décennies .
Les conflits mondiaux exhibent la faiblesse des nations colonisatrices, leur impuissance à maintenir l' ordre et leur dépendance vis-à-vis des empires .La Première Guerre mondiale enrôle les coloniaux dans les armées métropolitaines .La seconde valorise l' espace arrière, empire français ou britannique . [SujetInv] Sur l' humiliation du colonisateur prospère l' idée anticoloniale que la surpuissance américaine propage elle -même durant la guerre .
Si la violence guerrière fait lever le vent qui balaie, de 1945 à 1975, les empires coloniaux, elle n' est pas toujours le vecteur de la libération .Pour l' ensemble des États nés depuis 1945, les guerres de décolonisation sont peu nombreuses, même si spectaculaires .La décolonisation baigne pourtant dans la violence : celle -ci la précède ou la suit ( sous-continent indien ), la permet ( Indochine, Algérie, Angola, Mozambique ) ou apparaît lors de le réglage des nouveaux rapports de forces ( Suez ) .
La décolonisation est aussi une affaire militaire en ce qu' elle fournit en réflexions inédites des écoles de guerre par trop fixées sur l' héritage napoléonien .La dimension globalement politique de les affrontements est rappelée à Suez, où la victoire militaire franco-israélienne est annulée par la pression conjointe américano-soviétique .L' Indochine montre qu' une guerre asymétrique peut simplement être perdue par la puissance dominante .Et le Viêtnam, qu' un conflit ne se gagne pas forcément sur le champ de bataille principal . Ces affrontements inégaux répètent que la manière traditionnelle dont nos militaires conçoivent l' occupation et la manoeuvre du champ de bataille n' est pas universelle .D' où la brusque floraison de discours sur les formes non classiques de la guerre .
au tout début de ce siècle, les Boers faisaient le " vide du champ de bataille ", semant le désarroi dans une machine militaire habituée à décider sur un terrain choisi et limité : mise en oeuvre par le faible de la stratégie indirecte chère à Liddell-Hart, qui recherche la dislocation de l' adversaire en perturbant son dispositif, en l' obligeant à de constants changements de fronts et à diviser ses forces, en menaçant ses lignes d' approvisionnements et de communication .Les guerres indochinoise , vietnamienne ou afghane s' inscrivent au coeur de cette logique .Les conflits asymétriques qui ont rendu possible , ponctué ou entouré la décolonisation ont contraint les armées classiques à penser autre chose que l' apocalypse des masses militaires .De vieilles techniques de guerre défensive se révélaient payantes et démontraient ce que beaucoup de puissants se refusent encore à croire aujourd'hui : le différentiel technique ne produit pas toujours un effet stratégique décisif .
L' échec est toujours grave pour le puissant, et ses conséquences dépassent de beaucoup le militaire .Une république chancelle en France sous le double effet de l' Indochine et de l' Algérie .Le régime portugais disparaît avec la révolte d' une armée embourbée en Afrique .Les États-Unis subissent dans les années 70 une grave crise politique et morale .Son souvenir " plombe " encore aujourd'hui les interventions extérieures de Washington, qui privilégie toujours les stratégies et technologies permettant l' action à distance du champ de bataille : un choix qui pèse lourd dans les actuelles crises interna L' URSS connaît en Afghanistan son premier échec militaire depuis 1945 ; le porte-parole des colonisés est, en 1980, condamné à l' ONU par une majorité d' émancipés : l' image du régime ne s' en relèvera pas .Les guerres périphériques affaiblissent donc les puissances et relativisent la hiérarchie dessinée par la Seconde Guerre mondiale et le gel nucléaire .
La multiplication des États décolonisés change la donne internationale à d'autres niveaux .Ils disposent bientôt d' une majorité à l' Assemblée de l' ONU, créent le Mouvement des non alignés, fournissent jusqu' aux années 80 une marge de manoeuvre appréciable à l' URSS . La plupart de ces États tiers-mondistes, dépourvus de culture nationale et étatique, vont d'ailleurs élever leurs structures politiques sur une armature militaire : installation des armées comme classe dirigeante politique et économique, reproduction des élites dans les circuits militaires, etc .
Multiplication des nouveaux États, hypertrophie des logiques militaires internes, exportation par les puissances centrales de conflits et d' armes qui assurent leur contrôle de la périphérie : ces éléments expliquent que la deuxième course aux armements contemporaine se soit déroulée au " Sud ", où n' ont guère manqué les affrontements interétatiques .À des degrés et des moments différents, le Moyen-Orient, l' Asie de le Sud-Est et l' Afrique sont depuis quarante ans les grandes zones d' accumulation d' armes ( hors grandes puissances ) .Dans ces trois zones, les rivalités entre unités politiques se sont souvent traduites en guerres - il pourrait en aller de même à l'avenir .
Les affrontements militaires directs entre puissants disparaissent .Le monde de la guerre classique survit pourtant, dopé par les problèmes révélés ou ouverts par la décolonisation .Hors guerres mondiales, le siècle n' est d'ailleurs pas chiche d' affrontements entre États, de la guerre russo-japonaise à celles qui opposèrent l' Érythrée à l' Éthiopie, l' Iran à l' Irak, l' Inde à la Chine, l' Inde au Pakistan, le Japon à la Chine, etc .Pour user parfois d' armements modernes, ces conflits renvoient à de très traditionnelles logiques de guerre : régulation économique ou démographique, affirmation de puissance, volonté de conquête, désir de prédation ...Affrontement de volontés collectives armées, la guerre a donc partout joué dans ce siècle son rôle de création : naissance du monde central des puissances, ailleurs composition d' un damier d' États nouveaux mais secoués pourtant d' antiques réflexes .
Le récent se prétend inédit : c' est presque toujours faux mais peut-être vrai pour la fin de ce siècle .La liquidation de la bipolarité fluidifie un système dont on déplorait hier la rigidité, décomposant nombre de théâtres stratégiques, avec des conséquences plus ou moins graves en Europe, en Asie centrale, en Asie de l' Est ou en Afrique .La disparition du cadre fourni par le système Est-Ouest, le redéploiement de les puissances qui laisse 0 des régions entières face à leur malheur ( à le sud de le Sahara ... ) , et la vivacité et la diversité de ce malheur dessinent de nouveaux théâtres où les stratégies, les acteurs et donc les conflits suivent des dynamiques inédites .
La floraison conflictuelle apparaît d' autant plus difficile à contrôler que l' essoufflement du paramètre étatique ( pour des raisons et à des degrés divers en Europe centrale ou en Afrique, par exemple ) active les affrontements internes ou trans-étatiques, les nouveaux acteurs de la violence naissant du pourrissement même des institutions nationales .Quant à le désenclavement des économies et des sociétés, résumé par le terme de mondialisation, il relativise l' emprise des États sur le jeu international, annonçant de nouvelles divisions, donc des conflits, peut-être des menaces inédites .Il accélère la circulation des technologies et des armes qui redessine les champs d' affrontements : passage d' armes légères du continent eurasiatique vers l' Afrique puis d' une zone africaine à une autre, aggravation de la capacité de nuire de petits groupes désormais équipés d' armements modernes, etc .
Ce désordre n' est que mollement combattu par les mécanismes de sécurité régionale .L' Europe a su préserver la complexe architecture de ses institutions mais, dans leur aire de compétence, plusieurs guerres ont éclaté depuis dix ans .Ailleurs, le concept de sécurité régionale avance lentement ( Asie ) ou partiellement ( Afrique ), mais il n' est nulle part une réponse opératoire à la multiplication des conflits .au niveau global, la gestion politico-diplomatique progresse de manière peu assurée .La communauté onusienne tente de s' imposer juridiquement, moralement, techniquement même, si l' on tient le décompte des opérations internationales, des discours et des textes adoptés .Mais ni le droit des situations d'urgence, ni les institutions de la décision internationale, ni les méthodes de coopération militaire ne forment un appareil polyvalent de gestion des situations conflictuelles .Un appareil dont , au demeurant , la légitimité pourrait être, est déjà, contestée par nombre d' acteurs internationaux, ni riches, ni occidentaux .
N' en déplaise aux rassurants prophètes de la fin des conflits entre États, la guerre rappelle dans la dernière décennie du siècle, avec une belle vivacité, son classique rôle de redécoupage des unités et théâtres politiques .Dans le Caucase, en Asie centrale, dans les Balkans ou en Afrique centrale, le bouillonnement conflictuel ébauche les contours politiques - justes ou non - de nouvelles régions .Ces conflits collectifs ignorent certes souvent les acteurs de la vulgate clausewitzienne : armées, généraux, peuples montant à la rescousse .Mais ils sont pourtant la guerre dont nous avions oublié la diversité formelle .La guerre désétatisée ( l' État éclatant ou peinant à décider ), la guerre démilitarisée ( les armées cédant la place à des systèmes féodaux ou à des groupes armés en incessante métamorphose ), la guerre décivilisée, enfin ( sans référence aux codes jurid Au demeurant, ces violences traduisent sans doute mieux les ressorts profonds du conflit collectif que nos guerres industrielles .Elles disent la décharge d' énergie, la lutte sans loi pour la survie, la joie sauvage de briser la morale et la légalité imposées par la paix, le goût du théâtre sanglant que nos civilisations ont su, provisoirement et récemment, brider .
La floraison de conflits peu classiques n' efface pas pour l' avenir l' hypothèse d' affrontements interétatiques .En écho à la décolonisation, la dernière prolifération d' États élargit le nombre des acteurs conflictuels .Quant aux raisons de s' affronter, elles rajeunissent : l' accès aux ressources rares ( pétrole, eau ), les problèmes que pose la circulation de plus en plus large des populations ( émigration économique, réfugiés ), l' inégale détention des technologies ou leur effet mal maîtrisé seront prétextes aux guerres fraîches de demain .Les arsenaux en circulation restent, eux, dopés pour un temps indéfini par la liquidation des armées de l' Est européen, et ils comptent de plus en plus de matériels à haute capacité de nuisance, aisément opérables .
Recrus d' histoire et de sang, nos pays approchent la guerre de manière contradictoire .La bonne conscience occidentale jouit de l' alternative réinventée entre Athéna et Mars, comme s' il existait une guerre civilisée et une guerre barbare .aux autres la vraie guerre : virile, sauvage, sanglante, hors civilisation, la honte de la pré-modernité . À nous l' usage policé de la force : nos armées n' ont jamais tant servi que depuis que on a tué la menace .
[On..._SP] Nous rêvons d' une violence gouvernée : idéal d' une guerre codée correspondant à la pure Raison politique .Une Raison à la fois honnête et efficace . Honnête, parce que s' appuyant sur un embryon de morale commune : voir l' étonnante bonne conscience des Alliés atlantiques s' engageant contre la Yougoslavie au nom de une " communauté internationale " qui n' en put mais . Efficace, parce que usant de moyens techniques détenus par quelques puissances qui pourraient obtenir un effet décisif en se tenant hors du champ de bataille ( armes de frappe à distance, " guerre de l' information " ), et contrôler précisément l' escalade de la violence . La guerre du Kosovo n' a pas démontré la validité de ces deux thèses, mais elle fut clairement leur banc d' essai .
Le débat ne fait que commencer sur cette nouvelle sorte de guerre : opération de police basée sur la maîtrise morale et technique de la communauté internationale . Ce concept exige des structures internationales de légitimation et de décision, et la possibilité, pour les politiques et les militaires, de faire une guerre différente de celle que nous connaissons depuis des siècles . [interro] Peut -on élaborer une doctrine de rétablissement de la paix, de contrôle de la violence, pour user des appareils militaires en limitant les fameuses " frictions " que Clausewitz disait inséparables de l' emploi de la contrainte - et qui modifient toujours les conditions et les buts de l' engagement armé ?En utilisant les armes, n' entre -t-on pas dans une logique autre, qui ne peut être ramenée jamais dans les belles allées de la logique politique ?
Devant les fresques qui nous décrivent la troisième ère de la guerre, devant notre récurrent espoir de résoudre techniquement nos problèmes politiques, l' histoire vivante parle, la guerre reprend ses leçons de choses . [Interro] Tout usage de la violence - et, encore plus , tout usage massif , à l' occidentale - change le paysage, mais dans quel sens ?La guerre est toujours un moment de création du monde, mais elle ne crée pas le monde que nous voulons qu' elle crée .
Prompt à se penser unique, le XXe siècle n' a pourtant inventé ni la puissance mortifère des idéologies, ni l' hystérie guerrière, ni la violence de masse, ni la diversité des formes du massacre, ni même le génocide .Il a démontré, comme ses prédécesseurs, que l' usage de la violence collective était hélas consubstantiel à la volonté des hommes de modeler leur temps . [Topicalisation] La nouveauté du siècle, c' est l' injection de la technique dans le processus guerrier, à haute dose et avec un rythme de renouvellement neuf .Une technique qui change la place de les appareils guerriers dans les sociétés , renouvelle les modes opératoires militaires, modifie les circuits de mise à disposition des armes, élargit le spectre des aventures et révolutionne la pensée de la guerre .
Le XXe siècle a pourtant tenté, plus que d'autres, de penser des modes de régulation internationaux qui s' éloignent du simple décompte des forces . [On...] Nous sommes trop près de les ébauches morales et juridiques de ces dernières décennies pour juger leur poids historique .Mais l' époque pourrait être propice à l' invention d' un nouveau " mode de sécurité ", pour reprendre l' expression de Maurice Bertrand : montage composite des différents facteurs qui produisent cette sécurité . [impératif] Rêvons donc d' encadrer la guerre, à défaut de la tuer .
AUTEUR : Jacques BELTRAN et Guillaume PARMENTIER
[Il...] Il est délicat de prétendre tirer des conclusions solides d' un événement aussi traumatisant que les attaques du 11 septembre contre le World Trade Center et le Pentagone .Les effets aux Etats-Unis en seront largement psychologiques, et beaucoup dépendra des circonstances qui suivront : poursuite de la terreur, réactions des dirigeants et du peuple américains, perception chez les Américains d' un soutien ou d' une indifférence internationaux .Les réflexions qui suivront doivent donc être interprétées comme provisoires et sujettes à révision, l' objectif de cet article étant avant tout de cerner les facteurs à l' oeuvre et les évolutions possibles .
L' analogie reprise par de nombreux observateurs entre les attentats de le 11 septembre et l' attaque japonaise sur Pearl Harbor ne tient pas aux situations politique et stratégique mais au choc psychologique ressenti par la population américaine .La conséquence première et fondamentale de ces attentats qui ont provoqué la mort de milliers de civils sur le sol américain est bien d' avoir fait disparaître le mythe, largement partagé jusque-là aux États-Unis, de l' invulnérabilité .Même pour l' opinion publique américaine, l' Amérique n' est plus un sanctuaire .
[Cliv] Ce n' est certes pas la première fois que les États-Unis sont frappés par des attaques terroristes .À maints égards, les années 1990 ont été celles de la découverte du phénomène terroriste, interne - dans les cas des attentats d' Oklahoma City et des Jeux olympiques d' Atlanta - mais aussi international : attaque au camion piégé contre le World Trade Center en 1993 ( déjà attribuée à Ben Laden ), contre la base américaine de Dharan en Arabie Saoudite en 1996, contre les ambassades américaines au Kenya et en Tanzanie en 1998 et contre la frégate USS Cole au Yémen en 2000 .
Pourtant, les attaques du 11 septembre et la psychose entretenue par les découvertes d' enveloppes contenant 0 du bacille de le charbon donnent le sentiment qu' un cap a été franchi .Par le nombre très élevé de victimes, tout d'abord, qui rend dérisoire le qualificatif d' attentat et incite à évoquer un acte de guerre, même si l' absence d' ennemi identifié ne rend pas ce terme vraiment satisfaisant .Par la nature des cibles, ensuite, symboles de la puissance militaire et économique des États-Unis, qui donnent la mesure des intentions et de l' idéologie destructrice qui animent les terroristes . Par le mode opératoire choisi, enfin, qui accentue ce sentiment de grande vulnérabilité : en détournant des avions de ligne intérieure ou - s' il s' avère que les coupables sont les mêmes - en utilisant le système postal comme vecteur de leurs attaques bactériologiques, les terroristes ont détourné l' utilisation des fondements de la société américaine que sont la libre circulation, les échanges et la communication .
Au-delà du nombre effroyable de victimes, la peur suscitée outre-Atlantique vient bien de ce que les terroristes ont infiltré la nature même de la société américaine .Pour les Américains désormais, se protéger contre les terroristes suppose sinon de lutter contre eux -mêmes, du moins de se méfier de leur propre mode de vie .Le point demeure encore ouvert de savoir, par exemple, si la loi antiterroriste signée par le président Bush le 26 octobre 2001 ( après une approbation ultra rapide de la part de les deux Chambres ) représente un tournant décisif en matière de libertés publiques .En accroissant la capacité de l' État fédéral à intercepter les communications téléphoniques et électroniques, c' est-à-dire de ceux qui ne sont pas détenteurs de la nationalité américaine, et en autorisant la détention des " non citoyens ", cette loi va à l'encontre d' un mouvement de libéralisation entamé au cours de les années 1960, et qui n' avait guère encore connu de recul .L' arrestation et la détention, sans accès à des avocats , de quelque mille résidents arabes posent également question .
[Il...] Il est encore trop tôt pour dire quelle sera exactement, à long terme, la réaction des États-Unis, et quelles en seront toutes les conséquences, en particulier parce que de nombreuses inconnues subsistent encore et que les événements à venir pourraient influer considérable-ment sur l' état d' esprit de la population américaine et de ses dirigeants . [On...] On ignore, par exemple, quelles seraient les conséquences d' une deuxième vague d' attentats .À coup sûr, la très forte tension ressentie aujourd'hui dans les villes se transformerait en réelle psychose .Mais quelles en seraient les conséquences politiques, économiques, psychologiques, tant au plan interne qu' international ?
[On...] De même, on ignore si l' opinion publique restera toujours favorable à l' engagement américain en Afghanistan .Si le concept du " zéro mort " semble avoir vécu outre-Atlantique et si, d' après de récents sondages, l' opinion publique semble prête à supporter le coût d' une longue campagne , encore faudra -t-il qu' elle reste convaincue de l' adéquation entre les moyens mis en oeuvre et l' objectif poursuivi, à savoir la destruction des réseaux terroristes, entreprise longue et incertaine . [Il...] Si de nouveaux attentats sont perpétrés aux États-Unis et que, par ailleurs, les forces américaines s' enlisent en Afghanistan ou subissent des pertes importantes, il faudra s' attendre à ce que un nombre croissant d' Américains remette en cause l' opportunité d' une guerre lointaine, à l'heure où les terroristes agissent sur le territoire national .Si, traditionnellement, la capacité des opinions publiques à supporter les coûts d' une opération militaire est liée à la conviction de mener une guerre " juste ", elle est également fonction de la lisibilité du conflit et de la conviction de mener une guerre " efficace " .
[On..._SP] Enfin, au plan politique interne, on peut s' interroger sur la pérennité de l' union sacrée qui réunit démocrates, républicains et indépendants depuis le discours du président Bush devant le Congrès, le 20 septembre .Si l' on a encore en mémoire l' image des représentants et sénateurs américains applaudissant debout leur président, tous partis confondus, à l'issue de un discours qualifié à maintes reprises et sans surprise d' historique " , il convient aussi de signaler les tensions qui sont apparues peu de temps après entre démocrates et républicains quant à le bien-fondé et au montant du plan de relance de l' économie américaine annoncé par la Maison Blanche et même quant à la fédéralisation des contrôles de sécurité dans les aéroports . [Interro] Le président va -t-il toujours bénéficier des pleins pouvoirs qui lui ont été de facto accordés le 11 septembre ? [interro] Ou faut -il s' attendre à ce que le jeu des partis reprenne son cours, en particulier à l'approche de les élections de mi-mandat, avec - rappelons -le - l' enjeu d' un possible basculement de l' ensemble du Congrès sous majorité démocrate ?
Autant de questions dont les réponses sont encore inconnues et qui dépendront dans une large mesure de facteurs exogènes . [On...] On ne peut donc que se contenter, à ce stade, d' émettre des hypothèses et tenter d' entrevoir l' impact que cette découverte de la vulnérabilité pourrait avoir, non seulement sur la société américaine, mais également - par voie de conséquence - sur la perception que les États-Unis auront de leur relation avec le reste du monde .Il peut en effet qu' au-delà de la riposte militaire, les attentats du 11 septembre aient provoqué une réaction en chaîne qui, de l' impact psychologique interne aux conséquences sur la politique étrangère américaine, pourrait peser lourd sur l' évolution du système international de l' après-guerre froide, y compris sur la nature de la relation transatlantique .
Le sentiment d' invulnérabilité du peuple américain n' était évidemment pas total, même avant le 11 septembre .Les sondages du Chicago Council on Foreign Relations , dont John Rielly a commenté régulièrement les résultats dans Politique étrangère , montrent que les Américains craignaient dans une certaine mesure les conséquences du terrorisme sur leur sécurité .L' expérience de la tentative de renforcement de la sécurité aérienne, menée par l' Administration Clinton d' août 1996 à février 1997 , montre cependant que cette crainte était demeurée diffuse .La White House Commission on Aviation Safety and Security , présidée par le vice-président Al Gore , avait en effet conclu à la nécessité de renforcer de façon significative les conditions de contrôle à bord des avions .Devant la perspective d' une moindre rotation de ceux -ci, qui aurait réduit leur rentabilité, les compagnies aériennes, et leurs relais au Congrès, avaient résisté à cette tentative .Le compromis auquel sont parvenues les autorités américaines fut significatif d' un état d' esprit trop optimiste quant à la capacité des États-Unis à demeurer invulnérables .Les nouvelles consignes de sécurité ont en effet été appliquées aux vols en provenance ou à destination de l' étranger, mais les vols intérieurs en ont été exemptés .Or, les quatre avions détournés le 11 septembre assuraient précisément des vols intérieurs .Une confiance sociale excessive dans une ligne de démarcation entre God's own country et un étranger plus dangereux a ainsi facilité la tâche des terroristes .
En bonne logique, les événements du 11 septembre devraient réduire cette césure mentale, contribuant à persuader les Américains que leur sort est inséparable de celui du reste du monde .La délicate tâche de les responsables politiques consistera à traduire ce point de vue général en résistance aux groupes de pression organisés qui souhaitent soustraire le territoire américain à certaines mesures restrictives .Un tel conflit pourra se manifester à l'avenir aussi bien en matière de libertés publiques qu' en matière de port d' armes, par exemple .
En effet, cette découverte de la vulnérabilité pourrait bien alimenter un sentiment de " peur de l' étranger " qui dépasserait la traditionnelle méfiance à l'égard de les foreign entanglements et pourrait se traduire, à terme, non seulement par une réticence à l'égard de une implication des États-Unis dans les crises extérieures, mais également par un réflexe de fermeture et de repli sur soi de la société américaine .Certes, l' effet immédiat du 11 septembre a été d' ouvrir les yeux de tous les Américains sur le rôle que le reste du monde pourrait avoir sur le sort de la nation américaine, mais la réalité reprendra ses droits .Rapidement, la tendance des médias à ne se consacrer pour l' essentiel qu' aux affaires locales surgira de nouveau . L' attention à l' étranger se relâchera, comme ce fut le cas pendant les conflits précédents auxquels ont participé le pays .Surtout, dans ce contexte, si l' opinion, les groupes de pression et le secteur politique américains sont déçus par les résultats de l' opération , le risque d' une résurgence d' une méfiance générale à l'égard de tout ce qui provient de l' étranger se manifestera, et peut-être avec plus de force encore que par le passé .
L' une des caractéristiques essentielles du système politique américain, et en particulier de le processus d' élaboration de la politique étrangère , est que cette politique internationale est - dans une large mesure - le fruit de considérations internes .Le rôle du Congrès et le poids des lobbies ( économiques et ethniques , en particulier ) font que la politique internationale de la première puissance mondiale est souvent prise en otage par des groupes d' intérêts puissants, organisés et disposant de moyens financiers considérables leur permettant de peser sur le jeu électoral, et donc sur les choix effectués par les élus .
Or, les attentats du 11 septembre pourraient avoir comme conséquence d' inverser pendant au moins un temps l' ordre des priorités : les groupes d' intérêts continueront certes à exercer des pressions pour faire valoir les projets qu' ils défendent, mais ceux -ci seront largement contrebalancés ou renforcés, selon les cas, par les impératifs de sécurité nationale et de la lutte contre le terrorisme .Ainsi, l' importance des enjeux internationaux actuels rendrait la politique étrangère des États-Unis moins sensible aux intérêts minoritaires, précisément parce que - de manière indiscutable - l' intérêt national est en jeu .
[Il..._SP] Il ne faut dès lors pas s' étonner de voir les États-Unis revenir de manière spectaculaire sur des programmes de coopération internationale qu' ils avaient jusqu'à présent rejetés, au motif qu' ils mettaient en cause la souveraineté et les intérêts américains .Le programme de l' OCDE de lutte contre le blanchiment d' argent et les paradis fiscaux - dont les États-Unis s' étaient désengagés juste avant les attentats sous la pression de le lobby bancaire soucieux d' éviter à les banques américaines de les régleme a ainsi été relancé par Washington . [On...] On peut aussi,s' attendre, selon le même schéma, à ce que les Américains manifestent un intérêt nouveau pour l' accord sur le contrôle des armes à petit calibre, rejeté il y a quelques mois à peine par le Congrès sous la pression de la puissante National Rifle Association .
[Il...] Pour autant, il ne faut pas se dissimuler que l' évolution inverse est également possible . [On...] Si la campagne actuelle en Afghanistan ne parvient pas à obtenir des résultats probants dans un délai raisonnable, on pourrait assister à terme à un choc en retour tendant à raviver la méfiance intuitive du peuple américain envers l' étranger .Ceci ne mènerait pas à un quelconque " nouvel isolationnisme ", au demeurant parfaitement irréalisable, mais pourrait avoir pour effet de renforcer encore le poids des déterminants internes dans les décisions des États-Unis en matière internationale, de limiter encore davantage la marge de manoeuvre de l' exécutif face à le Congrès et, ce faisant, de renforcer le rôle des groupes de pression .La politique étrangère américaine en serait rendue plus imprévisible, oscillant entre des périodes de retrait et des poussées d' interventionnisme d' autant plus fortes qu' elles seraient dictées par des contingences intérieures .La partie qui se joue avec la campagne actuelle est donc d' une importance capitale pour l' engagement américain futur dans les affaires internationales .À ce titre, elle peut conditionner l' avenir du système international dans son ensemble .
La lutte contre le terrorisme est devenue l' enjeu numéro un du mandat de George W. Bush, et l' on peut s' attendre, au moins à court terme, à ce que la plupart des choix de politique intérieure et internationale soient examinés à l' aune de cet objectif .Ceci devrait avoir des conséquences sur la posture de défense des États-Unis .
La première conséquence pourrait être précisément un renforcement de cette posture de défense, au détriment de les stratégies de projection de forces .En d'autres termes, la puissance militaire de les États-Unis verrait ses missions recentrées sur la défense du territoire américain et de ses bases et intérêts à l' étranger, au détriment de une utilisation de ces forces à des fins d' intervention extérieure .Par ailleurs, la tendance ne devrait pas être celle d' un abandon des systèmes de défense reposant avant tout sur la technologie, mais au contraire d' un renforcement de ces systèmes en même temps que un développement du facteur humain .En d'autres termes, tout ce qui servira la défense du pays sera considéré comme indispensable .
Ainsi, contrairement à ce que l' on pourrait légitimement conclure à la suite de les attentats, les attaques terroristes de le 11 septembre qui - loin de être menées à l'aide de missiles intercontinentaux - ont été perpétrées par détournement de moyens civils , n' ont pas rendu caduc le programme de défense antimissile mais pourraient bien avoir renforcé sa légitimité .Loin de être perçue comme un contre-exemple de l' utilité d' un tel système, la défense antimissile pourrait sortir renforcée de cette crise, ses partisans insistant précisément sur le risque qu' un groupe de terroristes mette la main sur des missiles et les lance contre le territoire américain . [Cliv] C' est ainsi que, quelques jours seulement après les attentats, les sénateurs démocrates ont décidé de lever leurs objections au niveau de dépense portant sur la défense antimissile proposé par l' Administration pour 2002 .Depuis le 11 septembre, l' argument des Européens selon lequel les Américains auraient une fâcheuse tendance à surestimer la menace , à des fins de développement industriel , est de plus en plus difficile à avancer .Ces attentats ont ainsi fourni une caution morale à tout programme militaire ou civil visant à accroître la protection du territoire et des intérêts des États-Unis dans le monde .
La seconde conséquence, découlant directement de la première , pourrait être une augmentation sensible du budget de défense américain .En dépit de le fait que les États-Unis dépensent déjà 320 milliards de dollars par an pour leur défense, soit davantage que les neuf pays les plus dépensiers en matière militaire après eux, on peut s' attendre à ce que les responsables américains se montrent favorables à de nouvelles augmentations . Les chiffres oscillent à l'heure actuelle entre 20 et 40 milliards de dollars d' augmentation dans le prochain budget .Par ordre de comparaison, le budget militaire annuel de la France est de moins de 30 milliards de dollars .
Une telle attitude ne sera d'ailleurs pas sans poser certains problèmes de fond . [SujetInv] En premier lieu se pose naturellement la question des moyens . [Il..._SN] Il est clair que une posture de défense renforcéedéfenseDu moins, des choix budgétaires délicats seront -ils exigés au détriment de autres secteurs, comme ceux de l' éducation et de la santé .
Le deuxième problème est celui de la hiérarchisation des priorités .À force de dépenser sans discrimination, les États-Unis risquent précisément de se priver d' une réelle politique de défense, c' est-à-dire d' une stratégie qui - après avoir hiérarchisé les menaces - développe les moyens d' y faire face, en fonction de les besoins relatifs .Une politique de défense tous azimuts court paradoxalement le risque de ne pas voir venir la menace .
Certains observateurs ont cru voir dans les premières déclarations et décisions de l' Administration Bush au lendemain des attentats un changement de comportement important .En tentant de constituer une coalition la plus large possible, les États-Unis ont pu donner le sentiment de rompre avec l' unilatéralisme initial de cette Administration .Washington a ainsi fait appel à ses alliés - en particulier européens - en leur demandant un soutien sans faille pour mener à bien une riposte à laquelle ils ne manqueraient pas d' être associés .Cette volonté de constituer une coalition internationale a ensuite été étendue à l' ensemble des pays du monde par le biais de l' ONU, en demandant au Conseil de sécurité de voter une résolution condamnant les attentats et légitimant une riposte militaire .Cette démarche a heureusement surpris ceux qui craignaient de voir l' ONU mise de côté, comme ce fut le cas lors de la campagne aérienne du Kosovo, et a pu donner le sentiment que les États-Unis avaient renoncé - dans cette crise tout du moins - à l' action unilatérale .La nature de la menace à laquelle l' unique superpuissance est confrontée rend de facto indispensable une coopération internationale et force donc les États-Unis à agir en concertation avec leurs principaux alliés .
[interro] Faut -il pour autant considérer ces gestes comme des signes d' un multilatéralisme retrouvé ? [Autre] Rien n' est moins sûr et il convient sans doute d' être très prudent en la matière . [On...] Si l' on admet en effet que les États-Unis - à la suite de ces attentats - vont mettre en oeuvre une politique visant essentiellement à éviter que de telles attaques ne se produisent à nouveau, on peut s' attendre à ce que ce multilatéralisme apparent ne soit que de circonstance et ne masque en réalité une politique de défense de l' intérêt national primant sur toutes les autres considérations .Ainsi, les États-Unis ne feraient aujourd'hui appel à une coalition que dans la mesure où celle -ci a un effet rassurant et qu' elle est utile pour tenter d' adoucir les conséquences internationales de leur riposte militaire . [On...] Mais, comme cela a déjà été signalé précédemment, on peut tout aussi bien s' attendre à ce que ce multilatéralisme soit dénoncé par les responsables américains dès lors qu' il serait perçu comme un obstacle à la défense d' un intérêt supérieur .Les États-Unis seront d' autant plus incités à ne compter que sur eux -mêmes qu' ils auront placé la lutte antiterroriste au premier rang de leurs priorités .Et, dans cette perspective, l' adage multilateralist if possible, unilateralist when necessary devrait être particulièrement d' actualité .
La riposte militaire en cours n' est d'ailleurs qu' une étape dans la réaction des États-Unis aux attentats qui ont endeuillé la première puissance mondiale .Le président américain l' a fait savoir de manière très claire en comparant cette lutte antiterroriste de longue haleine à l' affrontement bipolaire de la guerre froide, qui avait exigé la mise en oeuvre de moyens très variés, allant de la puissance militaire à l' influence culturelle, en passant par l' action diplomatique et les moyens économiques .Les Européens ne peuvent que se réjouir de cette attitude patiente qui exclut a priori toute réplique militaire massive et entend privilégier l' action de long terme .Mais ils auraient tort de croire que cette riposte américaine se fera " toutes choses égales par ailleurs " .Les attentats du 11 septembre pourraient, au-delà de l' action militaire en cours et des mesures politiques et économiques adoptées, avoir des conséquences majeures sur l' ensemble du système international, par le biais de les inflexions qu' elles pourraient produire dans l' attitude internationale des États-Unis .L' asymétrie du système international actuel fait que toute modification de la posture internationale de l' unique superpuissance aura nécessairement des répercussions sur l' ensemble des relations interétatiques . [Il...] Il faut en particulier s' attendre à ce que les États-Unis redéfinissent leur stratégie à l'égard de un certain nombre de pays .En proclamant que tous les pays de le monde doivent décider_NEW_ que tous les pays du monde doivent décider doivent décider ils sont avec les États-Unis ou avec les terroristes, le président Bush a volontairement restreint l' alternative, montrant bien que les coalitions n' auront d' intérêt pour les Américains que si les autres membres sont en accord avec la stratégie élaborée par Washington .Mais cette déclaration aura surtout pour effet de rendre les ambiguïtés stratégiques de moins en moins tenables .
Ainsi, par effet presque mécanique, les attentats du 11 septembre ont provoqué des rapprochements spectaculaires entre les États-Unis et certains pays comme la Russie, l' Inde et dans une moindre mesure la Chine .D'autres, comme la Libye ou Cuba , jadis ouvertement hostiles à l'égard de Washington , ont surpris par leurs déclarations de solidarité .Bien entendu, ces déclarations de compassion ne sont pas dénuées d' arrière-pensées, mais les attentats terroristes ont sans nul doute également fournit aux dirigeants de ces États l' argument de poids susceptible de faire accepter, au plan intérieur, un rapprochement difficilement envisageable auparavant .Surtout, les attentats terroristes qui ont frappé les États-Unis vont sans doute provoquer un débat interne et international sur l' attitude des Américains à l'égard de un certain nombre de pays .
[Cliv_SN] C' est le cas tout d'abord de la catégorie des rogue states, dans laquelle se retrouvent, pêle-mêle et sans aucune justification sérieuse, des États aussi divers que Cuba, l' Iran, l' Irak, la Libye ou la Corée du Nord .Comme il a été vu précédemment, nombreux sont ceux qui ont exprimé leur solidarité à l'égard de les États-Unis, rompant ainsi avec leur rhétorique anti américaine habituelle .Or, ces marques de soutien pourraient bien remettre en cause l' existence même de cette catégorie, dont l'un des critères établis par son concepteur, Anthony Lake, alors conseiller national de sécurité du président Clinton, est précisément l' animosité à l'encontre de Washington .Si l'une des nombreuses conséquences du 11 septembre est un rapprochement entre les États-Unis et certains rogue states , alors la liste de ces derniers devra être revue en conséquence .Le cas de l' Iran est, à cet égard, significatif . [On...] Si les tensions politiques internes ( entre le président réformateur Khatami et l' imam Khamenei ) et le passif iranien en matière de soutien au terrorisme international peuvent faire douter de l' éventualité d' un rapprochement rapide avec les États-Unis on ne peut pas non plus exclure que la communauté d' intérêt qui lie Américains et Iraniens face à le régime des Talibans ne serve de base à un rapprochement à plus long terme .En ce sens, les attentats du 11 septembre pourraient servir d' accélérateur à une lente évolution, entamée sous Clinton .Toute la question, pour l' Iran comme pour les autres pays qualifiés de rogue states , ainsi que pour la Russie , l' Inde et la Chine , est de savoir si ces rapprochements seront durables ou si, une fois le problème réglé en Afghanistan, les antagonismes reprendront leur cours .
Au-delà de ces améliorations des relations diplomatiques, dont il reste à savoir si elles sont circonstancielles ou durables, la logique voudrait que les attentats du 11 septembre amènent les États-Unis à revoir leurs stratégies au Proche-Orient, et plus particulièrement à l'égard de Israël, de l' Arabie Saoudite et de l' Irak . [Il...] Il est d'ailleurs notable à ce propos de noter combien les États-Unis, au cours de les dernières années, se sont rendus politiquement dépendants des États qui sont dépendants militairement à leur égard et dont ils assurent la protection .D' une relation qui aurait dû être une relation de dépendance à sens unique, ces États alliés des États-Unis ont su faire une relation de dépendance réciproque .
[Cliv] C' est naturellement vrai d' Israël, protégé par le soutien de l' opinion publique américaine qui voit en lui, de façon quelque peu caricaturale, un pays aux valeurs occidentales confronté à des pays arabes aux valeurs différentes .Cette dépendance est liée à ce partage culturel, comme on l' a vu chaque fois que la politique israélienne s' en éloignait, que ce soit face à le Liban ou sous la mandature Nétanyahou ou, plus récemment, avec la politique d' Ariel Sharon à l'égard de les civils palestiniens .Dans chacun de ces cas, le soutien du groupe de pression proisraélien, incarné par l' AIPAC , ne s' est pas transformé en soutien de l' opinion publique américaine .Cependant, dans la plupart des situations, la dépendance politique des États-Unis à l'égard de leur allié israélien demeure .
Les signes d' une inflexion modeste de la position américaine à l'égard de le conflit israélo-palestinien sont pourtant, peut-être, déjà perceptibles .Les déclarations du président Bush en faveur de la création d' un État palestinien et les pressions exercées à l'encontre d' Israël pour éviter l' escalade militaire ont rompu avec l' attitude réservée observée jusque-là par l' Administration républicaine . [Il..._SN] Il devrait être clair désormais que les attentats du 11 septembreattentat [Il...] Il est encore difficile aujourd'hui de savoir si ces événements auront marqué une rupture majeure dans les relations entre Washington et Tel-Aviv .Mais ils auront sans doute provoqué outre-Atlantique un débat qui devrait conduire un nombre croissant d' observateurs à s' interroger sur le bien-fondé de la politique suiviste des États-Unis à l'égard de le conflit israélo-palestinien, ce qui pourrait donner plus de jeu à la politique américaine sur ce dossier .
[Il...] Il en est de même, pour des raisons bien différentes, à l'égard de l' Arabie Saoudite et des monarchies pétrolières du Golfe, qui tiennent au rôle majeur que jouent ces pays en matière de approvisionnement énergétique des États-Unis et de leurs alliés, et de la conscience qu' il n' existe pas d' alternative aisément repérable aux régimes actuels .Pourtant, le rôle actif joué par Riyad dans le soutien financier et idéologique à le développement d' un islamisme radical et parfois extrémiste irrémédiablement hostile à l' Occident pourrait légitimement avoir modifié l' attitude de Washington à son égard .La question demeure de savoir si la dépendance politique dans laquelle la diplomatie américaine s' est placée à l'égard de ses alliés au Moyen-Orient rendra possible les évolutions nécessaires .
Enfin, bien que aucune déclaration n' ait officiellement mis en cause l' Irak dans les attentats du 11 septembre ou dans les envois de lettre contenant de l' anthrax, les attaques terroristes subies par les États-Unis ont été l' occasion de remettre sur la table la stratégie américaine à l'égard de Bagdad .L' Administration républicaine - ou plus exactement le secrétaire d' État Colin Powell - s' était illustrée dès le début du mandat de George W. Bush par ses initiatives visant à modifier le régime de sanctions dans le sens de l' adoption de mesures plus ciblées, épargnant les populations civiles .Cette initiative avait été considérée à l'époque, en particulier au Pentagone, comme le signe avant-coureur d' une mesure d' assouplissement risquée de la position américaine vis-à-vis de Bagdad .Depuis le 11 septembre, les voix des partisans d' un recours à la force se sont fait entendre au plus haut niveau ( l' adjoint du secrétaire à la Défense, Paul Wolfowitz ), ceux -ci voulant saisir l' occasion de l' opération militaire en Afghanistan pour se débarrasser de Saddam Hussein .En dépit de leurs pressions, la Maison-Blanche semble jusqu'à présent avoir compris les risques qu' une telle initiative ferait peser sur la coalition internationale, en particulier dans les pays musulmans et chez certains Européens, dont la France . [Autre_SN] Mais rien ne permet, à ce stade, de préjuger des rapports de force à venir au sein de l' Administration et du Congrès . [On...] On peut s' attendre, en particulier, à ce que des analogies soient établies entre l' Irak et l' Afghanistan, où un soutien militaire à l' opposition ( Alliance du Nord ) a permis un changement de régime à Kaboul .
Cette redéfinition des relations entre certains États et la première puissance mondiale ne manquera pas de concerner les Européens eux -mêmes .Non que l' alliance transatlantique soit remise en cause dans ses fondements, mais parce que le bouleversement des priorités stratégiques que ces attentats pourraient provoquer outre-Atlantique posera inévitablement la question des priorités européennes .
Cette crise devrait tout d'abord relancer le débat sur l' implication des États-Unis dans la sécurité de l' Europe et, plus largement, sur le partage du fardeau pour assurer la sécurité des membres de l' OTAN, y compris à l'égard de la menace terroriste . [Il..._SN] Il est en effet fort probable que cette crise ait un effet immédiat : accélérer la dévolution aux Européens de la responsabilité d' assurer la sécurité dans les Balkans . [On...] On peut ainsi s' attendre - après une telle attaque - à ce que les États-Unis placent la lutte antiterroriste au premier rang de leurs priorités et que le rééquilibrage au profit de le Moyen-Orient et de l' Asie s' en trouve accéléré, au détriment de l' Europe .Après les attaques sur le sol américain, l' importance de la stabilité en Macédoine a sans doute été relativisée à Washington .Les demandes faites aux Européens par le Pentagone de compenser les retraits éventuels de troupes américaines des contingents internationaux en Bosnie et au Kosovo représentent sans doute un signe annonciateur de mouvements futurs .
D' une manière générale d'ailleurs, la relation transatlantique va probablement connaître des modifications sensibles du fait de l' impact du 11 septembre . [On..._SN] Sans s' avancer à l'excès, on peut faire le pari que deux changements sont à prévoir .D'une part, la guerre du Kosovo avait convaincu les états-majors américains que l' OTAN pouvait représenter une gêne pour la conduite d' opérations militaires, du fait du contrôle multilatéral et pointilleux effectué par le Conseil Atlantique sur celle -ci .Le résultat de cette méfiance s' est manifesté avec force depuis le 11 septembre, puisque la décision prise par les Alliés d' invoquer pour la première fois l' article 5 du traité de Washington n' a été suivie que de mesures symboliques .Les Américains ont préféré mener une guerre nationale sous le couvert d' une coalition internationale, et en choisissant à la carte parmi les Alliés ceux qui pouvaient leur apporter une contribution utile, plutôt que de s' appuyer sur l' appareil collectif de l' OTAN . D' organisation politico-militaire, l' OTAN est en passe de devenir un réservoir de moyens au service de les ses membres dans des formations diverses .
En second lieu, le rôle joué par la Russie dans le conflit actuel , et en particulier l' habilité de le président Poutine et sa capacité à lever les objections internes à une attitude de soutien envers la campagne menée par les États-Unis ont des chances de relancer la relation entre l' OTAN et la Russie, qui restait peu satisfaisante .Le processus induit par l' Acte fondateur OTAN-Russie en 1997 devrait être réactivé .Cela pourrait changer la donne en ce qui concerne l' élargissement futur de l' OTAN . L' Administration Bush semble en effet déterminée à obtenir un élargissement incluant au moins l'un des États baltes lors de le sommet de l' Alliance de 2002, qui se tiendra à l' automne à Prague . [Il..._SN] Cependant, si la Russie continue à soutenir les Américains dans l' entreprise dans laquelle ils se sont lancés, il est fort improbable que cet élargissement puisse être conduit sans tenir compte des positions de Moscou . [Il..._SN] Il serait en effet hasardeux de prendre une mesure considérée comme peu amicale par un allié dans la lutte contre le terrorisme . [Il..._SP] Quels que soient les sentiments antirusses qui persistent dans l' Administration, au Congrès et dans l' appareil militaire, il paraît difficilement envisageable, pour des raisons politiques, de laisser à la Russie le rôle d' unique État européen n' ayant pas vocation à participer à l' Alliance atlantique . [On...] On pourrait donc envisager que la liste de pays susceptiblespaysEn attendant, un renforcement de la consultation OTAN-Russie serait défini et mis en oeuvre . [Autre_SN] Tel est probablement le sens des paroles sibyllines du président Poutine, prononcées le 4 octobre 2000 à Bruxelles : " Il est possible de voir ( l' élargissement de l' OTAN ) sous un jour complètement nouveau - si l' OTAN prend une teinte différente et devient une organisation politique . "
L' instrument principal de la relation transatlantique est donc probablement appelé à se transformer profondément . [Autre_SP] Tel n' est pas, d' un point de vue européen, la moindre conséquence des attaques du 11 septembre .
AUTEUR : Dominique DAVID
Les événements du 11 septembre, comme les autres , expriment leur monde : le nôtre .Un monde que nous peinons à comprendre et que nous échouons encore à gouverner, en dépit de toutes nos tentatives, de tous les modèles maniés depuis dix ans .
Si nous l' observons à travers des critères stratégiques pour évaluer les rapports entre forces et dessiner les espaces où ils s' exercent, ce monde apparaît, depuis dix ans, à la fois de plus en plus décloisonné et de plus en plus provincial .Décloisonné : l' accélération de la mondialisation a abattu nombre d' obstacles à la diffusion des images, des biens et des hommes, relativisant donc les équilibres locaux .Elle s' accompagne en outre d' un discours sur son évidence, son caractère irrépressible - discours éminemment idéologique qui se réclame de la mort des idéologies .Provincial, puisque, sous le grand vent de l' unification, et à proportion de l' absence d' institutions politiques lui correspondant, les dynamiques régionales, les abcès locaux se développent . Le monde est peut-être unique, mais couvert d' une peau de léopard qui montre plus de diversités, plus de contradictions .
Le terrorisme, tel qu' il apparaît dans ses habits neufs de le 11 septembre 2001 , renvoie au double caractère de ce temps .Il est à la fois le produit de problèmes locaux ou régionaux, et celui de la revendication d' un universel qui s' opposerait à la seule idée globale régnante, celle du monde vu comme un système de marchés, symbolisé par les idées et la puissance de l' Amérique .
La détermination par le local ou le régional ne peut être niée .Les blocages diplomatiques des derniers mois à le Proche-Orient n' ont pu, pour de simples raisons de chronologie, produire les attentats .Mais le pourrissement discret, puis brutal , de la relation israélo-palestinienne , la dégradation de long terme de la situation dans la Corne de l' Afrique , le caractère à la fois illégitime et inefficace de nombre de régimes arabes contestés par les mouveme ont manifestement joué un rôle dans l' envol des actes et les mutations des réseaux terroristes .Les attentats contre La Mecque de la mondialisation financière visent pourtant bien plus haut que la simple pression dans un conflit déterminé : ils s' attaquent à un monde, celui que représente l' Occident, et donc l' Amérique, avec sa dominance économique, militaire et culturelle .En espérant que les réponses de l' agressé seront suffisamment erratiques pour aider à cristalliser un sentiment mondial, universel, qui se lèverait contre l' universel haï de les États-Unis .
Produit monstrueux d' une combinaison de provincialisme et d' universel, notions qui prennent un nouveau sens avec le désenclavement et la segmentation de l' après-guerre froide, le terrorisme new look exprime aussi la fluidité de notre environnement stratégique .Enjeux permanents, acteurs identifiés et forces paisiblement mesurables appartiennent au passé .La topographie de l' international ( son découpage en espaces ) et sa scénographie ( son éclatement en acteurs ) évoluent rapidement, en grande partie du fait de l' affaiblissement des frontières physiques ou techniques .Les phénomènes terroristes prolifèrent au croisement de quatre grandes circulations : celle des mots et des images ( qui permet de bricoler des solidarités entre des sociétés très différentes ), celle des capitaux ( qui autorise la mise sur pied de logistiques performantes ), celle des armes ( qui ouvre sans cesse le champ des dangers futurs ), et celle des hommes .Mouvements inégalement répartis sur la planète, mais qui, ensemble ou séparément, touchent tous les théâtres stratégiques et rendent plus difficiles les opérations de police ou de défense intérieure, hier aidées par la distinction claire entre l' en-dedans et l' en-dehors .Mouvements qui créent ou métamorphosent des acteurs, des risques, que ne sont pas habitués à traiter nos appareils de défense .
Dans ce monde -là, les grandes puissances - celles qui ont les moyens à la fois d' une défense territoriale et d' une projection stratégique de forces - semblent hésiter entre la volonté d' intervenir dans certaines crises, et la tentation de se replier sur leurs intérêts n Ces puissances apparaissent ainsi doublement suspectes aux " provinciaux " : suspectes de tenter d' imposer une volonté internationale élevée sur des principes contestés, et de promouvoir leurs intérêts égoïstes d' États .Ce monde trop vite imaginé pacifié est bien dérégulé, peu ou mal gouverné, et agité de conflits plus nombreux, aux formes nouvelles, qui mettent souvent en oeuvre des moyens qui maximisent l' efficience de petits groupes humains .
Dans ce contexte, l' agression du 11 septembre est à la fois peu nouvelle et inédite . [Cliv_SN] Peu nouvelle pour l' instrument : c' est le concept d' emploi qui fait du Boeing une arme de jet dévastatrice ( ce qui nous rappelle opportunément qu' en stratégie innovation n' est pas toujours synonyme d' invention technique ) .La non revendication des attentats, notée par plusieurs observateurs , n' est pas non plus nouvelle .Elle est usuelle en matière de terrorisme : elle augmente la terreur et bride la réponse en compliquant l' identification de l' adversaire .L' absence des tentatives habituelles de récupération s' expliquant simplement par l' ampleur de l' horreur .
Les attentats de New York sont pourtant inédits .Ils installent définitivement les États-Unis dans une position de cible qui correspond à l' étendue de leur puissance .Jusqu'ici, l' Amérique semblait ne pouvoir être touchée gravement que par un acte de guerre massif ( attaque balistique, nucléaire ... ) ; les Européens étaient les victimes beaucoup plus vraisemblables du terrorisme .L' importance des moyens mobilisés, en termes de recrutement , de formation , de financement , bref , l' organisation et la constance dans le projet stratégique apparaissent également neufs .ou Tout comme l' élargissement du vivier des candidats au terrorisme-suicide, qui ne se recrutent pas, ou plus seulement, dans les peuples souffrant d' une insupportable domination, dans les milieux sociaux marginaux . Enfin, le 11 septembre est inédit dans ce qu' il ne montre pas mais laisse entrevoir : l' usage possible, avec une tactique comparable, d' armes plus terribles encore .Pour toutes ces raisons, ces attentats ouvrent un nouveau front, révèlent une béance de notre défense, secouent la routine de nos débats stratégiques .
Depuis dix ans, la grande affaire des systèmes militaires occidentaux est la marginalisation de la menace territoriale massive .Concepts stratégiques, modèles de manoeuvre de les forces , organisation même de ces forces : tout doit changer dans des pays qui ont toujours dessiné leurs systèmes de défense pour résister à l' invasion du territoire ou pour mener une grande guerre classique, les autres hypothèses étant jugées secondaires . [Cliv_SN] C' est la fin, au moins provisoire, de la grande forme guerrière, qui vise à employer, contre un adversaire clairement identifié, et au mieux de manière décisive, une concentration de puissance potentiellement infinie .Les logiques, les règles , les appareils d' une vulgate clausewitzienne soigneusement appliquée depuis deux siècles apparaissent déclassés sur un échiquier où conflits et acteurs appellent d'autres manoeuvres, d'autres réponses .D' où des réformes en cascade d' appareils militaires qui savent qu' ils n' ont guère de chance d' être utilisés " en bloc " ( concept de modularité des forces ), ni d' être utilisés dans le seul cadre national ( concept d' interopérabilité ) .
[On...] Après avoir écarté l' idée qu' une menace Sud pourrait remplacer la menace Est pour légitimer des appareils militaires inchangés, on est d'abord attaché au règlement de crises extérieures .Si la sécurité internationale n' est mise plus en cause par des hypothèses d' invasions massives , mais par les effets induits d' abcès locaux , l' intervention de stabilisation prend tout son sens .Les opérations internationales qui se sont succédé nous ont ainsi obligés à penser l' usage de nos moyens d' action, et spécialement de nos forces militaires, dans une autre configuration que celle du conflit classique . [Present] Il s' agissait bien ( voir les efforts de l' Union européenne depuis 1998 pour définir les instruments adaptés aux " hypothèses de Petersberg " ) de penser, pour l' en-dehors, " autre chose que la guerre " .
[SujetInv_SP] Parallèlement s' affirmait, dans un contexte où la menace était moins proche et l' engagement humain plus incertain, l' emprise de la logique technique .Les attitudes américaines sont ici dominantes, avec un formidable effet de contagion sur nos raisonnements .Deux directions ont ainsi été privilégiées : le recours aux technologies de l' information, tout d'abord, pour acquérir à distance une connaissance d' espaces stratégiques choisis et y agir militairement en limitant l' engagement physique des forces, ou en en maximisant l' effet : double problématique d' une domination à distance de l' espace d' affrontement et du champ de bataille éventuel ; puis l' enrôlement de ces mêmes techniques dans une entreprise visant à resanctuariser des espaces nucléarisés contre le double risque de la prolifération des missiles balistiques e
En bref, les débats stratégiques de ces dix dernières années ont, spécialement en Europe, tourné autour de deux questions-clefs :
Ces débats ont laissé de côté l' hypothèse d' une atteinte massive non conventionnelle aux sanctuaires .Les systèmes de défense étaient là pour parer à une atteinte militaire massive . [Autre] Rien ne permettait de penser que, réglés sur l' hypothèse soviétique, ils ne seraient pas pertinents pour des affrontements interétatiques beaucoup moins dangereux . [On..._SP] Quant aux hypothèses non conventionnelles, en particulier les scénarios terroristes, on les tenait dans des limites imaginées d' après les expériences précédentes des années 1980 ; ou on les renvoyait aux technologies émergentes, donc à un avenir plus ou moins lointain .
La démarche que nous avons suivie pour l' en-dehors ( découvrir et organiser " autre chose que la guerre " ) , les événements de le 11 septembre nous forcent à l' appliquer à l' en-dedans .Car la proclamation de l' état de guerre face à le terrorisme ne résout nulle question .La situation héritée des attentats n' est pas la guerre dans sa définition sociologique : l' affrontement sanglant et armé entre groupes humains organisés et de statuts comparables .Et elle n' est pas non plus la guerre dans sa définition fonctionnelle : une situation qui appelle l' utilisation de l' appareil militaire tel qu' il est - et c' est justement pourquoi la réplique est si difficile à concevoir ...
La question centrale n' est pas ici la qualification de l' état d' affrontement, mais l' appréciation des vulnérabilités et, par conséquent, celle des moyens d' y parer .La vulnérabilité spécifique de nos sociétés développées doit de toute évidence occuper une place centrale dans nos raisonnements .Cette vulnérabilité est un thème récurrent ces dernières années, mais tout se passe comme si son ampleur et sa dynamique n' avaient été que confusément perçues .
au coeur du débat, ce théorème : la vulnérabilité globale de les sociétés sophistiquées croît plus rapidement que les moyens techniques d' y parer .Ce qui ne signifie pas que ces sociétés soient à tout moment menacées, ni qu' elles soient, inévitablement, de plus en plus menacées, mais que leur sophistication diversifie les vulnérabilités et en change la nature . Par la concentration de leur habitat, des ressources nécessaires à leur survie et des réseaux d' échanges, par la sophistication de leurs mécanismes économiques ou techniques, nos sociétés sont évidemment vulnérables à des agressions qui n' exigent que la réunion de moyens limités - ceux -ci pouvant être raffinés ( le progrès technique crée aussi des moyens d' attaque ) ou rustiques .
Stratégiquement, la démonstration du 11 septembre est limpide . [Il..._SP] Pour frapper un pays développé de telle sorte qu' un coup limité ait un large effet, il faut refuser d' entrer sur le champ d' affrontement où ce pays contrôle une écrasante palette de moyens, et le frapper là où sa sophistication est une faiblesse et non une force . [Present] Il y a tout à parier que si, dans un proche avenir, un conflit met en cause les sanctuaires des pays développés, l' affrontement tournera autour de ces vulnérabilités : systèmes informatiques et médiatiques, approvisionnement des grandes zones urbaines, maillons dangereux de la chaîne industrielle, populations mal protégeables contre des attaques de masse, etc .
Le progrès technique est inégal selon les zones de la planète, les acteurs y recourent donc de manière diversifiée .Et le progrès technique a, en matière de défense, des effets contradictoires .La technique est donc le problème stratégique, et non le moyen de résoudre ce problème, constat qui nous emmène loin de certains réflexes américains : installer la technique au centre de le raisonnement stratégique, c' est sans doute se préparer à des guerres qui n' auront jamais lieu . [Present_SN] Il n' y a aucune raison de penser que l' ennemi acceptera d' entrer sur le champ de bataille ( numérique ou non ... ) que nous contrôlerons, ou qu' il voudra bien tirer la salve de missiles que nos systèmes sont précisément faits pour intercepter . [Il..._SP] Il serait aussi dangereux d'ailleurs de tout voir à travers les formes d' affrontement et les instruments d' hier, par exemple en négligeant les percées qui créent de nouveaux moyens d' agression .
[Il..._SN] Il faut appréhender le monde des rapports de forcesmonde [SujetInv] Tâche immense, impossible, mais qui suppose d'abord de récuser le mythe du monde unique . [On...] Pas plus en matière de stratégie qu' en économie, nous ne vivons dans un monde à logique univoque, tel système militaire, tel concept pouvant parer à la quasi-totalité des futurs possibles .Les espaces stratégiques sont hétérogènes, les acteurs disposant de leviers efficaces de plus en plus nombreux, et leurs stratégies de plus en plus diverses, dans un monde où coexistent le " sauvage " et le " mutant " technologique . [On...] Nous ne pourrons pas maîtriser cette réalité complexe en haussant ou en baissant le curseur technique de nos armes : il faut en revenir au politique .
Le temps nous le rappelle brutalement : la sécurité est le produit volatil de facteurs composites - alors que nous avons hérité de la guerre froide l' idée qu' elle était, pour l' essentiel, un produit militaire pouvant se stabiliser par l' accumulation de moyens matériels . [SujetInv] Produit volatil : la sécurité " consolidée ", absolue, n' existe pas, d'abord parce que elle n' est jamais qu' une perception, ensuite parce que aucun système total, totalitaire, de défense n' élimine le risque .Produit de multiples facteurs : diplomatiques ( qui organisent et régulent les rapports conflictuels ), économiques ( qui usent des échanges pour développer et rapprocher, en même temps que ils définissent les richesses mobilisables pour la défense ), cul Imaginer une sécurité basée sur la seule défense militaire est tout aussi irresponsable qu' inefficace .La lutte contre le terrorisme, comme toute stratégie de sécurité , combine donc de multiples manoeuvres .Même si l' urgence impose le démantèlement physique des réseaux terroristes, seule une démarche complexe, intégrée , peut nous garantir - et toujours relativement - contre leur éternel et proliférant retour .
Le militaire demeure au coeur de ces stratégies de sécurité . L' expérience du 11 septembre va pousser à aborder d' un autre oeil le débat sur des moyens qui n' ont aucune vertu en soi et ne valent que dans un environnement déterminé . [interro] Quelle peut être désormais la pertinence des systèmes de défense territoriaux : quelle défense du territoire définir qui ne renvoie pas aux modèles du XIXe siècle ?Quelle réflexion mener sur les armes du champ de bataille, si nous ne connaissons ni le champ, ni la bataille ? Quel rôle pourraient jouer les systèmes techniques d' interception, si l' on considère que les missiles constituent désormais un moyen privilégié d' exporter les conflits au coeur de nos sociétés ?
Le traumatisme du 11 septembre est gros de recompositions géopolitiques dont il est difficile d' apprécier l' ampleur ( peut-être surévaluée sous l'effet de le choc ) .La réunion de l' immense majorité des États contre le terrorisme international ne sera pas la plus difficile à former .Il est en effet une menace pour tous ces États, quels que soient leurs objectifs ou leur degré de démocratie .L' adhésion des populations pose de tout autres problèmes .Elle pourrait être gravement mise en cause, si se formait une dynamique de peuples s' identifiant comme victimes de la logique de mondialisation, et tournée contre ceux qu' ils en jugeraient bénéficiaires .Si une telle dynamique collait à une division culturelle, par exemple singularisant le monde musulman, elle conduirait droit à la catastrophe .
Toute stratégie militaire, diplomatique , économique ou culturelle susceptible d' aggraver cette perception d' un écart par rapport à le phénomène dominant de mondialisation impulsé par le monde riche , toute stratégie qui faciliterait une cristallisation endosserait une lourde responsabilité à long terme . [Cliv_SP] C' est dans cette perspective aussi que doit être apprécié le déploiement de certains systèmes militaires .L' érection de hauts murs contre des menaces inactuelles peut se transformer en incitation à tourner la forteresse, politiquement ( en faisant naître une vraie opposition, voire une vraie menace ) ou militairement ( en utilisant des méthodes inédites ) . [Cliv] C' est là une partie de la problématique des systèmes d' interception des missiles balistiquessystème
Cette éventuelle cristallisation anti occidentale - objectif majeur de les terroristes à la Ben Laden - ne peut être écartée que par une stratégie multimodale : réunion la plus large des États dans un souple front de coopération anti terroriste ; aide économique, politique, militaire, à la stabilisation régionale, au Proche-Orient, en Asie centrale, voire en Asie du Sud-Est ; incitation à la démocratisation de régimes largement rejetés en même temps que l' Occident qui les soutient ; enfin, intégration, chez nous, de populations issues d' une immigration qui se développe dé
Les structures de sécurité adaptées à le monde modifié par le 11 septembre seront, pour l' essentiel, définies par les États - surtout pour ce qui concerne la défense du territoire .Les cadres " durs " de sécurité vont, au moins provisoirement, reprendre la main .Pour un ensemble " mou " comme l' Union européenne, cela suggère soit une re-nationalisation des politiques de défense des États-membres, soit une " nationalisation " relative de l' Union, avec la redéfinition des objectifs et des moyens de la Politique commune de sécurité et de défense, qui se limite pour l' heure à la gestion des crises extérieures .Les échéances sont capitales pour l' Union .et Qu' elle démontre qu' elle peut répondre à l' interpellation nouvelle, elle sortira de son inexistence politique .Qu' elle prouve qu' elle est en situation dans le nouveau jeu, avec des arguments propres sur les concepts stratégiques pertinents, sur la conception d' une technologie moins impériale dans les discours et les pratiques militaires, ou même sur le modèle politique et social de la mondialisation, et l' Union se placera au centre de le débat .
L' Alliance atlantique, quant à elle , va voir se redéployer le débat sur son champ d' intervention, et donc sur son ouverture . [SujetInv] En restera -t-elle au statu quo ante : coalition militaire à objectif limité, ornée d' un zeste de sécurité collective - mais de peu d' utilité, apparemment, dans une situation mettant sans conteste en cause la sécurité d' un de ses membres ? [Interro] Ou, tout en limitant ses élargissements, deviendra -t-elle enfin l' Alliance tous azimuts rêvée, mezza voce ou non, selon les temps, par les États-Unis ? [interro] Ou sera -t-elle encore le support du large front politique formé sous la houlette américaine : auquel cas il faudrait qu' elle s' élargisse beaucoup, sous une forme à définir, y compris et d'abord à la Russie, en relativisant, ou laissant diluer, sa définition militaire ?
[On...] On peut imaginer qu' on se dirige vers un double système de solidarités .Les solidarités politiques et de coopération s' exprimeraient dans un grand ensemble à définir, et les solidarités de défense et de sécurité dans des ensembles plus restreints, et peut-être durcis .Dans aucune de ces perspectives l' Organisation de les Nations unies ( ONU ) n' apparaît très pertinente, ce qui pourrait annoncer un nouveau retrait, de fait, de son influence .Sans réforme profonde, l' organisation mondiale apparaît bien incapable de dépasser ses propres proclamations - légitimes, mais courtes .Une hypothèse optimiste serait que la prise de conscience du décalage actuel pousse à des décisions rapides, et que l' ONU puisse alors être le cadre d' expression de la solidarité politique et de ses implications concrètes, par exemple en matière de contrôle collectif des armes .
Les options de défense concrètes devront aussi être adaptées à l' évolution des risques . [On..._SP] On peut surtout penser à quatre orientations .
La fin du système bipolaire a imposé une large révision de nos politiques de sécurité, mais le monde va plus vite que les adaptations institutionnelles . [Cliv_SN] C' est une autre étape qui s' ouvre aujourd'hui, sans que nous en connaissions les contours, ni le terme .Les décisions qui vont être prises devront pourtant rester assez souples pour ne pas biaiser notre compréhension des évolutions en cours .Car si le temps de la décision politique est rapide, celui de l' intelligence de le monde est lent .
AUTEUR : Gaël Raballand
Le pourtour Caspien est capital pour le développement des pays d' Asie centrale et du Caucase .Pourtant, si on exclut l' Iran et la Russie ( dont le centre de gravité économique ne se trouve pas autour de la mer Caspienne ), les économies de la région sont de petite taille .Evalué à parité de pouvoir d' achat , le Produit Intérieur Brut de les cinq pays d' Asie centrale est inférieur à 200 milliards de dollars .Ce chiffre ne souffre d' aucune comparaison avec les grands pays asiatiques .Ainsi, le poids de la région est inférieur à celui de la Malaisie, il représente moins du tiers du PIB de l' Indonésie, moins du quart de celui de la Corée et plus de 20 fois inférieure à la Chine ou au Japon .
L' exploitation des hydrocarbures doit renforcer considérablement le poids économique de ces Etats .
[interro] Quelles sont les spécificités des économies de la région par rapport à les autres pays en transition ou par rapport à les autres pays riches en hydrocarbures ? [Il..._SP] En outre, comme elles ont choisi des politiques économiques parfois totalement opposées, il est pertinent de s' interroger sur les différences de trajectoires .Pour avoir une approche comparative cohérente, l' étude se consacrera essentiellement aux pays de Transcaucasie et d' Asie centrale en se consacrant sur les pays riverains de la Caspienne et de facto en excluant l' Iran et la Russie .
[Il..._SN] En analysant les économies de la région, il s' avère que les économies du bassin CaspienéconomieLes économies du bassin Caspien sont confrontées à trois handicaps communs
Les pays du bassin Caspien sont les seuls Etats du monde enclavés avec des ressources importantes en hydrocarbures si on excepte le cas du Tchad .Comme l' a résumé Gian Maria Gros-Pietro, président d' ENI, " étant donné que le transport maritime est le mode de transport le moins onéreux , la principale question ( pour le bassin Caspien ) revient à déterminer quel est le port le plus intéressant économiquement .Géographiquement, le Golfe Persique possède le plus d' attrait mais, dans ce cas, le pétrole Caspien sera en concurrence avec celui du Moyen-Orient " .
L' Asie centrale est la région au monde la plus éloignée de la mer .Effectivement, le Golfe Persique est le plus proche débouché sur la mer mais il se trouve, tout de même, à plus de 2000 kilomètres à vol d'oiseau .Or, Tachkent se trouve à 4000 kilomètres de Pékin, à 5000 kilomètres de Séoul, à plus de 5500 kilomètres de Singapour et à près de 5000 kilomètres de la mer Noire .
L' absence d' accès à la mer a un impact économique négatif .L' enclavement provoque un déficit de croissance très important par rapport à un Etat côtier .L' étude empirique la plus large et la plus récente prouve que les Etats enclavés souffrent par rapport à les Etats côtiers d' un déficit de 1,5 % par an pour les pays à revenu faible et moyen .L' impact est tout aussi négatif sur le commerce, par rapport à un Etat côtier, un pays enclavé commerce en moyenne 70 % de moins à niveau de développement et à taille égaux .
La principale explication réside dans le surcoût de transport lié à cette position géographique .Le transport maritime s' est considérablement développé depuis des siècles car étant le moyen de transport le moins onéreux .Il a été estimé que le transport continental est deux fois plus élevé que le transport maritime .D' après les calculs du FMI, les coûts de transport sont, pour un Etat enclavé en développement, deux fois supérieurs à ceux consacrés par un pays côtier en développement . Ce surcoût est, par exemple, lié au passage des frontières .Au sein des pays de la CEI, la corruption, la faiblesse de l' Etat , l' état de les infrastructures , l' absence de routes alternatives confèrent une rente de situation aux Etats de transit et contribuent ainsi à l' appauvrissement des pays du bassin Caspien ( cf . figure pour les mécanismes de transmission de l' enclavement sur le développement économique ) .
L' analyse de l' héritage du système économique soviétique est capitale pour comprendre les économies de la région car, nonobstant des conditions initiales très différentes, elles ont atteint un stade de développement proche, notamment pour les pays du flanc sud de la Russie .
Même si les éléments négatifs prédominent, le soviétisme a eu des aspects positifs sur le développement économique de l' Asie centrale .
Tout d'abord, cette région jouit d' un capital humain important : malgré des signes peu encourageants aujourd'hui, l' analphabétisme a toujours été inexistant dans la région : 1 à 3 % de la population alors que ce pourcentage est proche de 40 % dans le cas de pays à faible revenus ( ce que sont les pays d' Asie centrale ) .
L' Asie centrale et le Caucase se sont développés moyennant des subventions directes ou indirectes, en grande majorité, en provenance de la Russie .Au sein de l' Union, les deux pays les plus bénéficiaires de cette aide étaient le Kazakhstan et l' Ouzbékistan . [Cliv] C' est ainsi que le premier a reçu des subventions équivalentes en moyenne à 14,7 % par an de son produit national utilisé et 5,3 % pour le second .En terme de montant, les subventions versées au Kirghizstan et à le Tadjikistan étaient inférieures .Néanmoins, en pourcentage, celles -ci étaient très importantes tout du moins pour le Kirghizstan ( 15,5 % ) et un peu plus faibles pour le Tadjikistan ( 8,8 % ) .Ainsi, dans le cas du Kirghizstan, par exemple, près de un sixième des biens consommés et des capitaux investis , chaque année , étaient, en fait, des dons en provenance de les autres Républiques .Grâce à la distorsion de prix au sein de l' URSS, la fiction d' un commerce assez peu déséquilibré était entretenue .Or, avec des estimations aux prix mondiaux en 1988, seul le Turkménistan et la Russie conservaient un commerce excédentaire tandis que le Kazakhstan, le Tadjikistan et le Kirghizstan accusaient un déficit commercial supérieur à 15 % du PIB . La conséquence de ce système était une inefficacité économique croissante .En 1970, le revenu national produit par habitant équivalait à 83 % de la moyenne de l' URSS, en 1979, ce pourcentage était tombé à 66 % et 51 % en 1989 .
La contrepartie économique résidait dans une dépendance des Républiques du sud de l' Union vis-à-vis de Moscou notamment pour l' approvisionnement, la technologie et l' exportation .
Granberg ( 1993 ) a calculé l' interdépendance existant entre Républiques de l' URSS . Il apparaît que, si les liens économiques avec les autres Républiques avaient été coupés à la fin de les années 80, le Kazakhstan et les autres Républiques d' Asie centrale auraient tout juste produit le quart de leur produit national .La part de la Russie était prépondérante puisque respectivement 42,5 % et 36,3 % du produit national du Kazakhstan et des autres Républiques d' Asie centrale étaient le fait de la Russie .L' Asie centrale ne pouvait se passer économiquement de la Russie .Les exportations des pays de la région vers les autres Républiques d' URSS représentaient au minimum 90 % du total des exportations et 85 % des importations avec des records pour le Turkménistan ( avec 92 % pour les exportations ) .
L' héritage soviétique a produit des effets très importants dans la phase de transformation post-socialiste dans la dernière décennie .
Tous les Etats du flanc sud de la Russie ont été confrontés aux mêmes phénomènes macroéconomiques .
Malgré les spécificités de chaque pays, la transition peut être caractérisée par plusieurs étapes :
Sur la décennie, le PIB a baissé en moyenne d' un tiers pour les Républiques de la CEI, le Kazakhstan ayant accusé une baisse de 30 % mais la chute étant de près de 50 % pour le Turkménistan .
Encore aujourd'hui, la stabilisation macroéconomique est difficile .Ces pays sont confrontés à un déficit chronique de la balance commerciale .Dans un contexte d' érosion des ressources fiscales très rapide, l' endettement est structurellement croissant .L' endettement concerne aujourd'hui tous les pays de la région ( cf . tableau 1 ) .
Les économies de la région peinent à sortir de l' héritage économique soviétique et sont, de plus en plus, en voie de tiers-mondisation .
A cause de la récession transitionnelle et l' érosion des recettes, la marge de manoeuvre des autorités économiques s' est réduite graduellement . [Il...] Il est symptomatique de constater que l' illettrisme a notablement progressé dans la dernière décennie . [Cliv] C' est d'ailleurs la seule région au monde qui s' est trouvée dans ce cas .La scolarisation dans les écoles primaires est ainsi en baisse sensible .Alors que ce pourcentage était proche de 100 % durant l' époque soviétique, il est proche de 80 % aujourd'hui en Asie centrale selon l' UNICEF .
Malgré les investissements du centre en périphérie au sein de l' URSS, l' Asie centrale était la région la plus pauvre de l' Union .Alors que le pourcentage de pauvres était en moyenne de 12, cette moyenne était pour les cinq pays d' Asie centrale de 45 % .L' inégalité et la pauvreté étaient ainsi présentes en Asie centrale du temps de l' URSS, ces tendances ont été renforcées dans la dernière décennie .Hormis les deux grandes puissances régionales, Russie et Iran, tous les pays de la région sont des pays à faible revenu, si ce n' est le Kazakhstan qui est à revenu moyen ( cf . tableau 2 ) .
La hausse de la démographie contribue encore au renforcement de la pauvreté .Hormis le cas du Kazakhstan et de l' Arménie, les pays de la région ont connu une expansion démographique très importante, atteignant presque 2 % par an dans le cas de le Turkménistan et de l' Ouzbékistan .
Les populations de la région sont ainsi de plus en plus jeunes et avec des ressources limitées .Aussi, l' économie parallèle, pour ne pas dire , criminelle , se développe .Même si la production de drogue en Asie centrale reste assez faible, limitée au Tadjikistan ( vallée de Pendjikent ) et à l' Est du Turkménistan pour l' opium et les régions d' Issyk-Koul et du sud-Kazakhstan pour le cannabis, la région est devenue la principale région de transit de l' opium afghan .Il a été estimé que de 30 à 50 % de l' activité économique au Tadjikistan est liée à la production ou au commerce de drogue .Ce commerce pourrait être plus ou moins institutionnalisé si on se reporte aux scandales des dernières années impliquant des gardes-frontières russes, des officiels en charge de la lutte contre le trafic de drogue voire même d' officiels proches du Président turkmène, S.Niyazov .Avec les problèmes d' autorité rencontrés par l' Etat et la pauvreté croissante des populations, la criminalisation des économies se renforce avec la multiplication des trafics ( contrebandes, drogue ) dans des régions fragilisées comme le Tadjikistan, le sud Kirghizstan ou la Géorgie .
Les économies de la région sont ainsi devenues de plus en plus dépendantes de l' aide et de l' investissement étrangers .
L' IDE ( investissement direct étranger ) est nécessaire pour mettre en valeur les ressources de la région .Pourtant, il reste encore très faible .Parmi les pays en transition, l' Asie centrale est le parent pauvre du point de vue de l' IDE . La BERD a calculé, sur la période 1989-1999, que l' IDE par habitant avait été de 668 dollars pour les pays d' Europe centrale et orientale .Pour les pays de la CEI, ce ratio était près de cinq fois inférieur, s' élevant à 140 dollars .Si on excepte le Kazakhstan qui a attiré près de 80 % de l' IDE en Asie centrale, l' IDE est inférieur à 50 dollars par habitant .Malgré les hydrocarbures et les métaux, l' Asie centrale n' a reçu que 0,3 % des IDE investis dans le monde sur la période 1998-2000 .Ce chiffre était nul dix ans plus tôt mais seuls les pays en développement du Pacifique sud ont attiré moins de capitaux que les pays d' Asie centrale sur cette période de trois années .
L' investissement est faible .Les pays de la région ont ainsi recours à l' endettement extérieur .L' endettement total de les pays de le Caucase méridional et d' Asie centrale a dépassé les 25 milliards de dollars, ce qui représente en moyenne plus de 60 % du PIB de cette région ( voir tableau ) . [Cliv_SN] Plus que le chiffre, c' est le rythme d' accroissement qui est inquiétant .En effet, partis sans dette en 1992, ces Etats ont eu recours massivement à l' endettement à tel point que des pays de la région font déjà partie des pays les plus endettés au monde dix ans après l' indépendance, à l'instar de le Kirghizstan et du Tadjikistan .La majorité des pays Africains ont été confrontés à ces mêmes problèmes dans les années 80, à savoir trois décennies après l' indépendance .
Dans ce contexte de nécessité de commercialiser les ressources naturelles pour faire face à les problèmes de financement, l' exploitation des hydrocarbures revêt une importance capitale pour ces économies .Les économies riches en hydrocarbures de la région , Azerbaïdjan , Kazakhstan et Turkménistan , deviennent ainsi de plus en plus des économies de rente .Le commerce des pays de la région se rapproche de plus en plus d' un pays en développement : ils exportent des matières premières et importent des biens à forte densité technologique .Ainsi, la part du coton et de l' or dans les exportations totales de l' Ouzbékistan est de 60 %, les métaux et le pétrole représentent 45 % des exportations totales du Kazakhstan et le gaz et pétrole, 50 % des exportations totales du Turkménistan .des économies de rente :
Les dernières études empiriques montrent que, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, les pays avec d' importantes ressources naturelles ont connu des taux de croissance plus faibles que ceux qui n' en avaient pas . " La malédiction des ressources naturelles " est la règle et non l' exception .
Comme le remarquent Sachs et Warner ( 2001 ), aucune explication théorique de ce phénomène n' est pour lors reconnue universellement .Plusieurs canaux de transmission de cette relation négative entre ressources naturelles et croissance ont été avancés : ( 1 ) un faible investissement dans l' éducation ( 2 ) un comportement rentier de la part de les dirigeants de ces pays ( 3 ) une confiance excessive dans l' avenir qui conduit à l' adoption de politiques économiques inappropriées ( 4 ) la théorie de la maladie hollandaise .
[Il...] Il est important de savoir si les pays du bassin Caspienpays
D' après Gylfason ( 2001 ), un pays est moins enclin à investir dans le capital humain ( l' éducation ) lorsqu' il possède des revenus confortables tirés des ressources naturelles .Empiriquement, cette corrélation négative est vérifiée . [Present] Dans le cas des pays du bassin Caspien, il y a bien investissement plus faible dans l' éducation mais ce mouvement est général dans les pays de la CEI depuis l' indépendance .Cette baisse serait même moins faible pour l' Azerbaïdjan et le Kazakhstan ( mais plus forte pour le Turkménistan ), cf . tableau 4 .
[On..._SP] En revanche, on peut redouter de plus en plus le comportement rentier de la part de les dirigeants des pays du bassin Caspien .Ainsi, l' Azerbaïdjan et le Kazakhstan se sont dotés de fonds pétrole qui réunissent tout ou partie des revenus liés aux exportations d' hydrocarbures .Mais, dans les deux cas, contrairement aux recommandations des organisations internationales, ces fonds sont placés sous l' autorité du président avec un droit de regard limité pour le parlement, voire nul dans le cas de l' Azerbaïdjan .En outre, dans ce dernier, ce fonds est extra-budgétaire ayant pour conséquence de siphonner une bonne partie du budget azéri accroissant ainsi l' opacité dans la gestion budgétaire .
La confiance excessive dans l' avenir est présente dans les discours officiels puisque ces Etats se sont proclamés " Koweït de l' Asie centrale " comme l' Azerbaïdjan et le Turkménistan . [On...] Pourtant, on en peut nullement les comparer à un pays du Moyen-Orient .paysComme démontré dans la seconde partie, cette confiance a sûrement conduit le Turkménistan à l' adoption d' une politique économique vouée à l' échec .
L' une des questions récurrentes à propos de ces économies concerne la maladie ou plutôt le syndrome hollandais ( dutch disease ) . [Interro] Ces pays connaissent -ils aujourd'hui ce syndrome ?
Rosenberg et Saavalainen ( 1998 ) ont montré qu' une adaptation aux économies en transition était nécessaire pour appliquer les modèles de base de cette théorie .Les principaux symptômes de ce syndrome sont l' appréciation excessive du taux de change réel ( overshooting ) après la découverte massive d' hydrocarbures, un déséquilibre croissant des comptes courants et surtout une croissance sectorielle déséquilibrée .
Dans le cas des économies en transition, le taux de change réel est considéré comme sous-évalué à l' équilibre .Le phénomène d' overshooting et ses conséquences sur l' économie réelle ( perte de compétitivité internationale et déséquilibre 0 des comptes courants , inflation par exemple ... ) est donc plus limité .En outre, l' arrivée de capitaux est normale dans le cas de les pays en transition, voire nécessaire, s' il est provoqué par des investisseurs étrangers qui renforcent la capacité productive du pays ( dans le pétrole, le raffinage ou autre secteur productif à moyenne ou forte densité technologique, par exemple ) .
Le principal souci, pour ces économies , concerne le déséquilibre de la croissance . [On..._SP] D' après la théorie, on doit assister à un accroissement du secteur des biens non échangeables (secteurAvec l' appréciation du taux de change réel, la conséquence est la perte de compétitivité du secteur des biens échangeables hors pétrole et, à terme, une hypertrophie du secteur des hydrocarbures . [Cliv] Or, c' est ce qui se passe aujourd'hui dans la région . [Cliv_SN] Ainsi, en Azerbaïdjan, c' est le secteur pétrolier et gazierAzerbaïdjanEn revanche, tous les autres pans de l' économie ont connu des baisses catastrophiques : - 68 % pour la chimie et la pétrochimie, - 71 % pour la production cotonnière, - 84 % pour l' industrie agroalimentaire, - 90 % pour l' industrie légère et même - 93 % pour la métallurgie .Le secteur pétrolier en Azerbaïdjan se développe en marge du reste de l' économie .
Enfin, la manne pétrolière et gazière permet de faire perdurer le système de contrainte budgétaire molle en subventionnant des entreprises dans les secteurs hors pétrole et gaz et ainsi maintient les dysfonctionnements des entreprises ainsi que les phénomènes de gaspillage .La société pétrolière nationale azérie facture à ses clients un prix trois à quatre fois inférieur aux prix mondiaux . [On...] Avec les arriérés de paiement, on estime ainsi à 14 % du PIB azéri qui est versé aux entreprises sous forme de subventions indirectes en énergie . [Il...] Aussi, il n' est pas étonnant de constater encore aujourd'hui que l' intensité énergétique est très forte dans les pays du bassin Caspien .L' Azerbaïdjan et surtout le Turkménistan ( ainsi que l' Ukraine et l' Ouzbékistan ) sont les pays au monde qui produisent le moins rapportés à un kilogramme d' équivalent pétrole d' après une étude de la Banque Mondiale .En effet, en 1997, seulement 1,33 dollar étaient produits avec 1 kilogramme d' équivalent pétrole d' énergie consommée en Azerbaïdjan et ce chiffre n' était que de 0,98 pour le Turkménistan .En outre, en 1989, ce chiffre était supérieur ( 1,39 dollar ) pour l' Azerbaïdjan, c' est à dire que l' on produisait plus avec la même quantité d' énergie consommée .Bien évidemment, dans les pays voisins, pauvres en ressources, l' énergie consommée est bien mieux utilisée .En Arménie, ce ratio était de 4,3 en 1997 et 7,7 en Géorgie, c' est à dire qu' on produisait près de 6 fois plus avec la même quantité d' énergie . Même si le modèle théorique de dutch disease ne s' applique pas in extenso dans le bassin Caspien, des symptômes apparaissent déjà tels que croissance sectorielle déséquilibrée .
Les pays du bassin Caspien cumulent des handicaps liés à l' histoire ( avec la sortie du système économique soviétique ), à la géographie ( avec l' enclavement ) et à la fatalité économique ( avec la sortie du sous-développement ) .
Face à ces multiples défis, les Etats ont essayé de répondre de différentes manières .
Les politiques économiques menées dans la dernière décennie par le Kazakhstan et l' Azerbaïdjan , d'une part et par l' Ouzbékistan et le Turkménistan , d'autre part ont été diamétralement opposées .Pourtant, dix ans après l' indépendance, les résultats de les deux voies sont mitigés .Plus que des choix voulus par les autorités en place, ils apparaissent plus comme des options imposées par les conditions économiques initiales dans lesquelles se trouvaient les Etats de la région .
Deux grandes approches de politique économique s' affrontent sur le flanc sud de la Russie .La première rassemble la majorité des Etats de la région . [Il..._SN] Il fut conforme aux souhaits de la communauté internationale avec une ouverture commerciale et du marché des taux de change avec la convertibilité de la monnaie nationale, un effort de privatisation des moyens de production pour attirer les capitaux étrangers .Le Kazakhstan et surtout l' Azerbaïdjan ont suivi très tôt cette voie .Tous les pays de la région sont, plus ou moins, se dirigent dans cette même direction .
La seconde approche regroupe l' Ouzbékistan et le Turkménistan .Dans ce dernier pays, cette politique est menée à son paroxysme .Ces deux Etats s' appuient sur un modèle de développement autocentré avec une substitution des importations .L' économie reste très réglementée avec une absence d' ouverture commerciale et du marché des changes . [SujetInv] Dans ces deux pays perdure l' Etat producteur .Ce système repose sur un taux de change artificiel surévalué qui facilite l' importation de machines ou de biens nécessaires à l' industrialisation du pays .Mais cette politique a un coût élevé qui explique les problèmes actuels de financement de ces pays .Par le biais de la surévaluation du taux de change officiel, un mécanisme d' incitation à l' importation a été mis en place au détriment de les exportations .Le FMI a ainsi calculé que le transfert des exportateurs vers les importateurs était équivalent à 16 % du PIB . Les trois piliers de ce système sont la distorsion de prix, la ponction sur le secteur agricole ( notamment sur celui du coton ) et le mécanisme de redistribution au profit de secteurs classés comme stratégiques par le régime . [Il..._SN] Il est indispensable que le coton soit acheté aux producteurs à un prix inférieur aux prix mondiaux .Le profit engrangé par l' Etat ouzbek, par exemple , permet ainsi l' investissement industriel .En 1996, le prix d' achat imposé aux producteurs ( qui s' impose à tout producteur ) était inférieur de 30 % aux prix mondiaux .Ce système se développe également au Turkménistan au détriment de l' agriculture et plus particulièrement des petits producteurs .Le FMI a calculé que l' Etat turkmène achète ( au taux de change officiel ) le coton et le blé entre 50 et 60 % des prix mondiaux, ce qui représente annuellement un transfert de l' agriculture au profit de le reste de l' économie équivalent à 15 % du PIB .
[Il...] En analysant le tableau sur la performance de la production entre 1989 et 1998, il apparaît clairement que c' est l' Ouzbékistan qui sort vainqueur de cette confrontation avec le Kazakhstan et l' Azerbaïdjan .En effet, la baisse de la production cumulée n' a pas dépassé 15 % alors que la moyenne pour les douze pays de la CEI s' est établie à plus de 50 % sur la même période .
[Il...] Néanmoins, il serait réducteur de vouloir sacrifier le modèle d' ouverture prôné par les organisations internationales dans la région .En effet, le Turkménistan a connu des résultats bien plus mauvais que le Kazakhstan en pratiquant la politique inverse .
[Cliv_SN] Plus que la politique économique, c' est la structure même de l' économieéconomie
Sans nul doute, les options de politique économique choisies ont eu un impact sur les dix années de transition .
En effet, la non ouverture de l' économie ouzbek et la subvention de nombreux combinats par différents biais comme les arriérés interentreprises ou le financement grâce à des banques publiques ont limité la baisse de le PIB . La production est ainsi restée artificiellement élevée dans certaines entreprises .
De même, les politiques kazakhe et azéries ont provoqué une paupérisation des populations d'autant que l' Etat joue de moins en moins le rôle de garant des politiques sociales .La politique économique est, pour une certaine part, responsable de la baisse des revenus et de la hausse du chômage .Néanmoins, elle a permis une reprise plus forte de la croissance dans la seconde moitié des années 90 .Alors que le Turkménistan et l' Ouzbékistan sont encore confrontés à des problèmes structurels de stabilisation macroéconomique, le coeur du problème à le Kazakhstan et en Azerbaïdjan est désormais la gouvernance économique et la gestion de la rente .
[Il..._SN] Ainsi, Ainsi, malgré l' importance des politiques, il semble que des raisons plus profondes expliquent les différences de trajectoires macroéconomiques dans les pays de la région .
[Cliv_SN] Plus qu' un choix, c' était un devoir pour le Kazakhstan et l' AzerbaïdjanKazakhstanEn effet, ces deux pays avaient cruellement besoin de capitaux .La capacité de financement domestique étant trop limitée , un système autarcique était impossible dans ces deux pays . Ils avaient besoin de capitaux pour reconvertir l' appareil de production et développer l' exploitation des hydrocarbures ou développer la production métallurgique .Le Kazakhstan a toujours été une économie fondée sur les industries extractives .Ainsi, en 1990, plus des deux tiers de la production industrielle kazakh provenait de ces industries .En revanche, l' Ouzbékistan, est un pays agricole spécialisé dans l' industrie cotonnière .Ainsi, les industries extractives ne représentaient que 12 % de la production industrielle en 1990 . [Cliv] C' était aussi le payspaysGrâce à ses ressources, ce pays avait la possibilité de devenir rapidement autosuffisant dans les domaines énergétique et alimentaire .Enfin, la garantie de posséder des revenus à l' exportation importants de le fait de le coton et de l' or ( 3 à 4 milliards de dollars annuels ) pouvait permettre à l' Ouzbékistan de mener une politique de substitution aux importations .
Le Turkménistan est, quant à lui trompé de choix de politique .En effet, ce pays n' a pas les ressources suffisantes pour mener une politique de développement autocentré .L' autosuffisance alimentaire est quasiment impossible étant donné la croissance démographique et les facteurs climatiques ( son territoire est constitué à 85 % de désert ) si ce n' est au prix de graves dommages à l' environnement .
Conséquemment, les politiques d' investissement et de construction publiques se font au détriment de les cultures commercialisables comme le coton et en ayant recours massivement à l' endettement extérieur .La pérennité d' un tel système est ainsi en cause d'autant que la principale hypothèque réside dans la volatilité des revenus .En effet, encore aujourd'hui, ce pays est totalement dépendant de la Russie pour ses exportations de gaz qui représentent 80 % des exportations .
Nonobstant les conditions initiales très différentes et les politiques économiques diamétralement opposées, les caractéristiques économiques des Etats de la région restent assez proches .Ceci s' explique par une rémanence du système économique soviétique encore aujourd'hui .La sortie totale de le système n' a pas encore eu lieu et, sur de nombreux points, les économies de la région fonctionnent encore sensiblement de la même manière .
Même parmi les pays de l' ex-URSS, les Etats du bassin Caspien sont en retard dans les réformes structurelles .Ainsi, aussi bien le Kazakhstan que l' Azerbaïdjan ou le Turkménistan possédaient de les indices cumulés de libéralisation économique inférieurs à les pays de la CEI . De nombreuses caractéristiques héritées de la période soviétique ont perduré .
Qu' on parle de jouzisme, de tribalisme ou de népotisme selon les Etats, la réalité reste peu différente .L' économie est subordonnée à la politique dans la région .Or, la pratique politique est, elle -même, le produit de plusieurs influences .
Les sociétés centre-asiatiques se sont forgées au contact de nombreuses influences extérieures .Ces différents emprunts ont contribué, d' une manière générale, à la constitution d' un pouvoir fort, voire autocratique, ayant une mainmise sur tous les pans de la société y compris l' économie .
Les présidents de la région ont repris une pratique autocratique du pouvoir .Ce qu' on appelle aujourd'hui la " mémoire de la démocratie " ( democracy memory ) est pour ainsi dire inexistante en Asie centrale . [Cliv] C' est pourtant un mythe relevé par Martha Brill Olcott ( 2001 ) que de penser que seuls les présidents dirigeant avec une main de fer peuvent se maintenir au pouvoir dans la région .Bien évidemment, le pouvoir préfère se référer à la pratique autocratique mongole ou aux khanats de la période pré-soviétique pour diriger sans compromis aujourd'hui .Pourtant, comme l' explique Olcott, la majorité des élites urbaines ( notamment dans les capitales ) voudraient une solution plus démocratique .Mais ces Etats sont majoritairement ruraux et, même au sein de les villes, la mentalité est empruntée de cette conscience héritée des campagnes .Or, dans la majorité des campagnes centre-asiatiques, la conscience politique est très faible et la majorité des populations de la région considèrent que le pouvoir en place doit être symbolisé par un homme fort .Dans ces conditions, la société comme l' économie doivent être au service du pouvoir .
[On..._SP] Lié à cette conscience politique dans les campagnes, on peut se référer à l' influence du milieu naturel .A ce propos, la thèse de Wittfogel ( 1977 ) sur l' Etat hydraulique semble très pertinente en Asie centrale .D' après lui, l' économie hydraulique qui a pour but l' irrigation et le contrôle de les eaux est nécessairement politique .Pour développer efficacement l' agriculture, elle requiert une forte hiérarchisation et une grande coopération entre les individus .Cette dernière développant ainsi un fort communautarisme . Dans ces conditions, " le caractère despotique du gouvernement hydraulique n' est pas sérieusement contesté " . [NoSaber] Dans l' économie hydraulique, existerait même " une tendance cumulative au pouvoir incontrôlé " . [Autre] C' est d' autant plus pertinent pour l' Asie centrale que le Turkménistan, l' Ouzbékistan ou le sud du Kazakhstan sont des pays d' oasis .Dans la région, l' eau a joué un rôle capital dans le développement des villes, régions et puis des Etats . [On...] En suivant le raisonnement de Wittfogel ( 1977 ), on peut mieux comprendre pourquoi un pouvoir autocratique s' est développé dans la région .Cette influence de l' Etat hydraulique est probablement lointaine .Néanmoins, elle induisait une certaine pratique autocratique du pouvoir et une subordination de l' économique au politique . [Cliv] C' est exactement ce que le système soviétique a promu en Asie centrale et dans le Caucase méridional . [Cliv_SN] Et c' est cette influence, qui s' appuie probablement sur de nombreux héritages, qui reste très vivace .
du temps de l' URSS, la culture, l' économie et tous les pans de la société devaient être, coûte que coûte, au service de l' idéal politique qui était la construction du premier Etat communiste de l' histoire .Bien évidemment, ce système politico-économique a eu des conséquences fâcheuses sur l' économie qui restent présentes même dans les entreprises .Par exemple, l' absence de responsabilisation des salariés dans les entreprises est largement héritée de cette époque .Le problème de la compétence à le sommet de l' entreprise est un problème économique récurrent dans la région .
Plusieurs influences expliquent ainsi l' absence de frontière claire entre pouvoir politique et économie .Ceci a des conséquences très importantes sur le fonctionnement actuel de ces économies .Cet effet pourrait même encore se renforcer si on se réfère aux phénomènes apparus dans les Etats riches en hydrocarbures .
Empiriquement, il a été montré qu' un afflux soudain de ressources financières lié à l' exploitation de matières premières renforce l' inégalité de revenus .Lam et Wantchekon ( 2000 ) ont essayé de démontrer quel était l' impact de cet afflux financier sur la gestion politique d' un pays . [NoSaber] Dans ce cas, apparaît ce qu' ils ont appelé un phénomène de " political dutch disease " ou de maladie hollandaise politique .L' abondance des ressources provoque directement et indirectement une plus grande inégalité de revenus .L' effet direct s' explique par l' enrichissement de l' élite au pouvoir, l' effet indirect induit un appauvrissement de la population à cause de les phénomènes de maladie hollandaise .En étant responsable de la distribution de la rente, l' élite au pouvoir consolide son pouvoir car elle peut créer des groupes de pression de poids à peu près égal mais concurrents et ainsi diviser pour mieux régner .Ainsi, si cette théorie était validée dans la Caspienne, le pouvoir des Présidents Aliev, Nazarbaev et Niyazov ne seraient pas véritablement menacés pour peu que ils sachent redistribuer une partie de leurs revenus à une partie de l' oligarchie dirigeante .
Le type d' exploitation des hydrocarbures est intimement lié à la situation politique comme le montrent Luong et Weinthal ( 2001 ) dans le cas de les pays du bassin Caspien .En effet, elles expliquent que les stratégies de développement des hydrocarbures sont fonction de deux éléments : la possibilité ou non de se procurer des ressources alternatives à l' exploitation des hydrocarbures et le niveau de la contestation politique .Ainsi, en Ouzbékistan et au Turkménistan, l' agriculture ( et notamment le coton ) fournit d' importants revenus aux budgets nationaux si bien que le pouvoir a préféré un engagement assez limité des entreprises étrangères et conserver aux mains de l' Etat le secteur pétrolier et gazier pour pérenniser le statu quo hérité de la période soviétique .L' Azerbaïdjan a hérité, à l' indépendance, d' un appareil économique dépendant économiquement des hydrocarbures et avec des ressources nationales de financement faibles . [SujetInv] Aussi, a -t-elle dû faire appel aux entreprises étrangères tout en conservant la mainmise sur ce secteur en maintenant dans le secteur public la compagnie pétrolière nationale . En Russie, la privatisation du secteur a été " nationale " avec une faible participation étrangère pour accéder aux demandes des barons locaux et a, en conséquence, limité la contestation politique .Enfin, le Kazakhstan avait crucialement besoin de l' exploitation des hydrocarbures car ne possédant pas de source alternative de revenus sans investissement massif .Aussi, ce pays a eu recours à la participation importante des entreprises étrangères .Comme la contestation politique a toujours été assez forte dans ce pays, Astana est allé plus loin en privatisant une partie du secteur pour faire rejeter la responsabilité sociale de la crise économique sur les entreprises étrangères .Tous ces points sont résumés dans le tableau 6 .
[Il..._SN] Conséquemment, il apparaît que les stratégies de développement des hydrocarbureshydrocarbureLa gestion de la rente est corrélée à la force de les institutions .Karl ( 2000 ) explique qu' au regard des expériences au Moyen-Orient et en Amérique latine que de véritables institutions politiques et sociales aient été mises en place avant que le boom pétrolier n' intervienne .
[On..._SP] On peut douter de l' efficacité économique des institutions politiques aujourd'hui dans le bassin Caspien .Von Hirschhausen et Waelde ( 2001 ) décrivent l' Etat dans les économies du bassin Caspien comme étant " autocratique, dominé par des structures de clan ..., ( pays ) où il n' existe pas de séparation entre Etat et économie " .L' Etat est devenu source de profit car le secteur privé reste assez faible et vulnérable lorsqu' il n' est pas lié au pouvoir . [Present] Il existe aujourd'hui une rémanence du dirigisme étatique .Même le pays où le secteur avait été le plus ouvert , le Kazakhstan , procède à une certaine reprise en main avec la constitution d' un monopole d' Etat, Kazmounaïgaz, au printemps 2002 . [SujetInv] Reviennent également régulièrement des déclarations d' officiels pour remettre en cause les contrats déjà signés avec les entreprises étrangères .
Dans la région, l' Etat est de plus en plus discrédité par le secteur privé .Parmi vingt pays en transition étudiés en 2001, l' Azerbaïdjan était le pays où l' indice de capture de l' Etat était le plus élevé, c' est dire que les entreprises interrogées percevaient une corruption de l' Etat à tous les échelons .Le problème crucial aujourd'hui reste celui de la gestion de la rente .En 2000, sur 90 pays étudiés par Transparency International pour connaître la perception de la corruption, le Kazakhstan était 66ème, la Russie 83ème et l' Azerbaïdjan 87ème .En 2002, ces pays sont respectivement 88ème, 74ème et 95ème sur 102 pays étudiés, c' est dire que la situation s' est améliorée sensiblement en Russie mais s' est détériorée au Kazakhstan et reste catastrophique en Azerbaïdjan .Dans tous les pays de la région, le pouvoir politique a désormais la mainmise sur le secteur pétrolier .En Azerbaïdjan, le fils du président, Ilham Aliev , est vice-président de la compagnie pétrolière nationale et au Kazakhstan, le second gendre du président, Timour Koulibaev, est vice-président de la compagnie pétrolière et gazière nationale, Kazmounaïgaz .Comme dans le système soviétique, l' économie, notamment avec le secteur pétrolier et gazier , est subordonnée au pouvoir politique .Mais le système économique soviétique reste présent notamment dans le fonctionnement même de ces jeunes économies .
Bien évidemment, avec la désintégration de l' URSS, les économies du flanc sud de la Russie ont entamé une série d' évolutions capitales . [SujetInv] Pourtant, derrière certains chiffres se cache une réalité un peu différente mettant en exergue la perpétuation de l' ancien système économique .
[Il..._SN] Il est vrai que le commerce entre ex-Républiques de l' URSS a fait une chute sans précédente puisque pour les pays d' Asie centrale, il est passé d' environ 90 % à 30 % en moyenne .Pourtant, les ex-Républiques, notamment la Russie , sont encore des partenaires commerciaux privilégiés .Le commerce avec la Russie représente encore plus du quart du commerce total ( et plus de 40 % des importations ) .
Le commerce avec la Russie a décliné dans la mesure où ces Etats riches en hydrocarbures n' exportent pas d' hydrocarbures vers la Russie, elle -même productrice . [Cliv_SN] Ainsi, c' est la part des autres pays d' ex-URSSpaysDes pays comme l' Ukraine sont ainsi devenus des partenaires incontournables de ces pays producteurs de pétrole et de gaz . Le désenclavement avec le flanc sud, symbolisé par l' Iran , reste encore assez hypothétique .Pour Téhéran, le commerce avec toutes les ex-Républiques de l' URSS ( hors Russie ) représente moins de 3 % de son commerce total .Même le Turkménistan, qui possède près de 1000 kilomètres de frontière avec l' Iran , ne commerce que faiblement avec son voisin du sud ( 11 % du commerce total ) .
Ceci est symptomatique du rôle économique encore joué par Moscou . [NoSaber] Derrière les chiffres, perdurent certaines dépendances économiques vis-à-vis de la Russie .Ainsi, le Kazakhstan et le Turkménistan sont, pour lors, quasiment exclusivement dépendants de la Russie pour l' exportation de leurs hydrocarbures .Moscou possède ainsi un moyen de pression très fort .Ainsi, suite à le différend opposant l' Etat turkmène à la société Gazprom à propos de le montant des droits de transit pour l' utilisation du gazoduc de la société russe, le PNB turkmène avait chuté de 25 % en 1997 .
L' Azerbaïdjan est, dans une même situation inconfortable, vis-à-vis de la Russie concernant la situation énergétique intérieure, tout comme le Kazakhstan .La production gazière est, aujourd'hui exclusivement consacrée à la consommation intérieure .En revanche, les exportations de pétrole sont en constante augmentation . [Cliv] C' est principalement du pétrole brut qui est exporté .Le niveau actuel de les cours de pétrole brut rend attractive cette option pour les Azéris .En outre, le raffinage a considérablement chuté depuis 1992 .En théorie, la capacité de traitement est de 20 millions de tonnes, mais certains experts l' estiment plutôt à 14 millions et la production de produits raffinés n' a été que de 8 millions en 2000 .Certaines régions sont ainsi confrontées à des problèmes de pénuries d' énergie, principalement dans les régions rurales .L' Azerbaïdjan doit donc se résoudre chaque année à importer du gaz de Russie depuis 2000 pour ne pas connaître à nouveau la grave crise énergétique qu' il avait traversée à l' hiver 1999-2000 .La société pétrolière nationale a alors signé, à l' hiver 2000, deux accords de livraison de gaz, l'un avec le duo de sociétés russe Itera et allemande Debis et l' autre avec la société russe Transnaphta .En 2002, Itera a livré près de 4 milliards de mètre cube de gaz .
Ainsi, malgré la chute des relations commerciales, la Russie reste extrêmement présente dans le domaine économique sur son flanc sud .
Le tissu économique, dans les pays d' Asie centrale et de le Caucase méridional , reste empreint du système économique antérieur de par la gestion, les pratiques etc .Les entreprises de la région restent liées aux anciens réseaux fournisseurs et clients .A titre de exemple, les anciennes pratiques commerciales, comme le troc ou les échanges de compensation , survivent .
L' imbrication des économies est illustrée par le secteur crucial de l' électricité au Nord du Kazakhstan .Ainsi, les compagnies russes d' électricité conservent des positions fortes dans cette région à cause de arriérés croissants dans le domaine de l' énergie .Dès 1996, Sverdlovskenergo ( filiale du monopole Electricité de Russie ) avait acquis deux mines de charbon ( Severnyi et Bogatyr ) dans le bassin d' Ekibastouz ( région de Pavlodar, Nord Kazakhstan ) pour mettre fin aux arriérés de paiement liés aux fournitures d' électricité vers cette région .Un second pas a été franchi en septembre 2000 lorsque ces deux mines ont été intégrées dans une nouvelle société dénommée Uraltek .Le charbon extrait est ainsi convoyé en Russie pour servir de combustible à quatre centrales thermiques russes .En janvier 2000, les Kazakh avaient annoncé qu' ils allaient se lancer dans la construction d' une voie de chemin de fer entre la région de Pavlodar et la région russe d' Omsk pour réduire les coûts de transport du charbon kazakh .Electricité de Russie continue une politique où le Nord du Kazakhstan est totalement intégré au réseau sud-sibérien .Ainsi, le monopole russe a acquis, en avril 2000, la moitié des actions de la grande centrale thermique du Nord du pays ( Ekibastouz - 2 ) .Cette prise de participation a été le fruit d' un accord intergouvernemental signé en janvier 2000 à Moscou .Cela a mis fin à un différend concernant la dette énergétique du Kazakhstan vis-à-vis de son voisin du nord .
Le système soviétique est ainsi toujours présent .Joomart Otorbaev, vice-premier ministre kirghize le déclarait dernièrement : " Il y a encore beaucoup de soviétique en nous, la mentalité et les méthodes pour la prise de décision ... le système soviétique de gestion qui a été enterré avec l' Union soviétique est encore avec nous " .Cette déclaration est d' autant plus intéressante qu' Otorbaev semble être l' archétype de l' élite centre-asiatique " occidentalisée " .Parlant couramment anglais, ayant enseigné aux Etats-Unis, il fut représentant de Philips pendant de nombreuses années .Même si les apparences semblent contraires, le système soviétique est loin de avoir disparu en Asie centrale et dans le Caucase méridional .
Azerbaïdjan, Kazakhstan et Turkménistan sont confrontés à des défis économiques communs tels que l' enclavement, la transformation post-socialiste ou encore tout simplement le sous-développement .
Pourtant, des deux côtés de la mer Caspienne, les politiques économiques menées ont été fort différentes .Malgré ces différences de choix, les trajectoires économiques de ces Etats restent assez semblables .Ces jeunes Etats restent encore bien empreints par le système économique soviétique qui a fondé leur modèle de développement pendant soixante-dix ans .
La perspective la plus crédible de sortie pour ces Etats devrait vraisemblablement provenir de leurs richesses minérales . [SujetInv] Encore faut -il éviter l' écueil des Etats rentiers .Ceci est le plus important défi auxquels sont confrontées ces nouvelles économies indépendantes .
AUTEUR : Etienne de Durand
Pour l' observateur extérieur, l' impératif de " transformation " de les forces armées américaines et les polémiques qui entourent le sujet ont de quoi surprendre à plus d'un titre .et Pourquoi " transformer " une armée universellement reconnue comme la première au monde, dont les performances durant la dernière décennie ont été très supérieures à celles de les années 1970 et 1980 ? Pour qui connaît en revanche la nature emphatique et le caractère cyclique des débats stratégiques aux Etats-Unis, la Revolution in Military Affairs ( RMA , ou révolution dans les affaires militaires ) et ses succédanés risquent d' apparaître comme l' éternel retour du même " .Le danger est donc double, selon que l' on sous-estime la portée de ce qui se passe aujourd'hui ou, qu' à l' inverse, on prenne au pied de la lettre les déclarations officielles et le va-et-vient des critiques et des réponses, sans parvenir à en distinguer les éléments significatifs perdus au milieu de le " bruit " . [Il...] Il convient pour cette raison de faire la part entre les controverses concernant la stratégie générale du pays, les objections de fond adressées aux forces américaines par certains critiques extérieurs et les arguments intéressés qui s' inscrivent, si naturellement aux Etats-Unis, dans la routine des querelles budgétaires entre armées .
Comme l' attestent en surface les documents programmatiques, tant du département de la Défense que des hiérarchies militaires, les trois armées, à l' exception toutefois du corps des Marines, se sont approprié les objectifs et le vocabulaire de la RMA et de la " transformation " . [Il..._SP] Il n' est que de se reporter au document Joint Vision 2020, aux équivalents internes de chaque Service ( Army Vision 2010 ) ou au texte de la Quadrennial Defense Review ( Revue quadriennale de défense ou QDR ) pour le constater : il est désormais rare qu' un programme d' armement ou une réorganisation de structures ne soient pas présentés comme transformational - ce qui amène bien entendu à s' interroger sur la réalité de cette conversion des militaires aux thèses de la RMA . Au vrai, les appréciations portées à l'intérieur de chaque armée sur les mérites de la " transfoLes évolutions parallèles de la technologie et de le contexte international ont bien eu un effet double, tant au niveau objectif, avec l' allongement des portées et l' augmentation de la précision, qu' au niveau de les perceptions engendrées par le succès des opérations aériennes .Latente au début des années 1990, cette double pression de la réalité et de les discours construits autour de elle s' est renforcée au fur et à mesure, pour s' exprimer ouvertement à partir de 1999, tout particulièrement en direction de l' armée de terre américaine ( Army ), jusqu' à rendre intenable la défense du statu quo .
A la différence de la Navy ou de l' US Marine Corps ( Marine ), l' Army occupe une place centrale dans le débat stratégique actuel, parce que elle représente un cas d' école, un repoussoir ou un test critique pour le courant qui se réclame de la RMA, pour les traditionalistes sceptiques comme pour l' analyste extérieur cherchant à mesurer la progression des réformes en cours et la réalité de leurs enjeux . [On..._SP] Parmi ces derniers, on peut citer en vrac la redéfinition des rôles respectifs de la manoeuvre terrestre et des frappes à longue portée, la nécessité ou non du combat rapproché, l' impact des communications modernes sur le commandement ou encore les modalités de l' interarmisation .De façon plus fondamentale parce que plus politique, l' échec du plan de transformation de l' Army ou même certaines formes de sa réussite, selon les modalités qui seront privilégiées , pourraient affaiblir considérablement cette institution dans le débat stratégique et budgétaire américain, jusqu' à remettre partiellement en cause la fonction et l' existence même des forces terrestres autres qu' expéditionnaires, ce qui ne saurait manquer d' altérer en profondeur la posture militaire des Etats-Unis et leur répertoire d' options envisageables .En d'autres termes, la réforme entreprise par l' Army est susceptible d' entraîner des conséquences non neutres sur la stratégie générale des Etats-Unis concernant l' emploi de la force, et donc sur leurs alliés .Evaluer le détail de le plan Shinseki et ses répercussions possibles implique cependant au préalable de replacer cette réforme dans son contexte historique et politique .
L' urgence de la transformation procède pour l' Army de facteurs multiples, à la fois structurels et conjoncturels .Les premiers s' expliquent par l' inadaptation grandissante de l' Army au contexte stratégique actuel, inadaptation qui tient elle -même à des raisons profondément enracinées dans la " culture " de l' institution, c' est-à-dire dans la façon dont elle perçoit sa propre histoire et les enseignements qu' elle en retient . [On...] Parmi ces raisons, on trouve à la fois une préférence marquée pour le combat de haute intensité, le " contre-modèle " vietnamien et les " leçons " qui en ont été tirées, telle la " doctrine Powell ", enfin les débats doctrinaux des années 1980 ou encore le triomphe du Golfe .De façon plus immédiate, cette inadaptation partielle est devenue visible, c' est-à-dire politiquement dommageable pour l' institution, lors de l' intervention occidentale au Kosovo . [Cliv] C' est bien le Kosovo en effet, et plus spécifiquement le fiasco du déploiement et de la non utilisation de la " Task Force Hawk ", qui a contraint l' Army à modifier les orientations définies auparavant en interne et à précipiter ce qui, jusque-là, était davantage un processus de modernisation et d' anticipation qu' une " transformation " .
En ce sens, comprendre les pressions en faveur de la transformation comme les résistances manifestées , et plus généralement appréhender les enjeux de la réforme en cours , suppose de replacer le débat dans son contexte historique, en partant de l' héritage " des cinquante dernières années et de ce qui fait la culture de l' Army, pour s' interroger ensuite sur la nature du plan Shinseki, ses origines immédiates et la rupture qu' il introduit par rapport à les initiatives antérieures comme " Force XXI " et " Army After Next " .L' étude se conclut par une évaluation du projet qui prend en compte les aspects opérationnel, stratégique et politique .
Contrairement à ce que pourrait laisser croire un survol superficiel de l' histoire militaire des Etats-Unis, la fin de la guerre froide ne constitue que l'une des ruptures intervenues dans l' histoire des cinquante dernières années de l' Army : il existe des précédents infiniment plus nombreux qu' on ne l' imagine généralement, et qui ne se limitent ni à la professionnalisation initiée en 1973, ni même aux transitions entre périodes d' engagements massifs et périodes de calme relatif . [Il...] Il n' est pas exagéré de dire que l' Army n' a jamais cessé d' expérimenter de nouvelles structures de force, stimulée par trois séries de facteurs : les changements de la politique étrangère américaine et des postures stratégiques correspondantes, les développements autonomes de la technologie et, enfin, la volonté propre des cadres de l' institution d' améliorer les organisations existantes et de tester des concepts d' emploi innovants .Fait de bifurcations, de réorientations et de retournements, cet héritage complexe constitue l' arrière-fond indispensable à qui veut comprendre l' institution d' aujourd'hui, ses pesanteurs, ses aspirations et tout ce qui représente finalement la " matière première " du plan Shinseki .
Quatre périodes principales sont repérables dans l' histoire de l' Army, depuis la matrice des deux guerres mondiales jusqu' à l' opération " Tempête du désert " ( " Desert Storm " ), en passant par les années 1950 et le Vietnam .
Pendant tout le XIXe siècle, et si l' on met entre parenthèses la guerre de Sécession, l' Army a d'abord été " a Frontier Army ", c' est-à-dire une " armée d' avant-postes " de très petite taille ( 5 000 hommes en 1815 ) et dans laquelle les fonctions d' ingénieur et de bâtisseur l' emportaient souvent sur les devoirs du soldat .Ni sa très lente montée en puissance au cours de le siècle précédent, ni les rares expéditions militaires ou " aventures " coloniales ( guerre mexico-américaine de 1846 , guerre hispano-américaine de 1898 ), ni même la guerre de Sécession, découverte violente mais temporaire de le combat à grande échelle , n' ont fondamentalement modifié cet état de choses .En parallèle cependant, le corps des officiers a très tôt manifesté son intérêt pour la " stratégie " et son ambition profonde d' imiter les grands modèles européens : d'abord la France, héritière de Napoléon - la plupart des généraux de la guerre de Sécession connaissaient le Mémorial de Sainte-Hélène -, puis l' Allemagne triomphante de la fin du siècle, y compris les fragments déformés de la théorie clausewitzienne, notions ou simples formules telles que " centre de gravité ", " bataille décisive " ou " anéantissement de l' ennemi " . [Il...] En ce sens, il est juste de dire que l' armée de terre américainearmée
[Cliv_SP] C' est à l'occasion de la Première Guerre mondiale qu' émerge l' armée de terre américaine moderne .guerreA l' école des Français et des Britanniques pendant deux ans, l' armée américaine redécouvre la guerre de haute intensité moderne, avec ses corollaires obligés comme la mobilisation de la population masculine, la mise sur pied d' une économie de guerre et la réorganisation de la production industrielle au profit de l' appareil militaire .Bien que les Etats-Unis aient obtenu la création d' un commandement et l' attribution de secteurs du front à leur profit, leur armée prit tardivement part au conflit et ne parvint donc pas à assimiler complètement la complexité de la tactique moderne, engendrée par l' accroissement sans précédent de la puissance de feu - ce dont témoignent par exemple les combats menés dans l' Argonne en 1918 .Le bilan des opérations fut mitigé, dans la mesure où l' armée américaine n' eut pas le temps de mettre au point une " solution " tactique originale au problème de l' offensive, mais s' appuya sur les doctrines française et anglaise pour mettre sur pied la division " carrée ", sans en être véritablement satisfaite et sans parvenir d'ailleurs à maîtriser le détail tactique des opérations aussi bien que ses alliés .au final, l' Army s' est surtout reposée sur le nombre de soldats et la quantité de matériels à sa disposition .En sens inverse, l' expérience de la Première Guerre mondiale a permis de jeter les bases des procédés de mobilisation humaine et industrielle nécessaires en guerre totale, ainsi que celles d' un bagage tactique minimum .
La démobilisation de 1919, si elle a maintenu un effectif de 100 000 hommes , c' està-dire très supérieur à les précédents contingents de temps de paix , s' est toutefois soldée par un retour à la routine et par un manque certain d' investissement dans les domaines novateurs comme les chars .Réduit par manque de moyens à suivre les évolutions doctrinales allemandes ou françaises pendant la meilleure part de l' entre-deux-guerres, le commandement, sous la direction de les généraux Craig et Marshall , accélère ses préparatifs à partir de 1935 en réorganisant les structures de l' Army et en préparant les plans d' une remobilisation massive .Testée de 1936 à 1939 par des manoeuvres de plus en plus importantes, dont les fameuses " Lousiana maneuvers " de 1939, l' adoption de la " division triangulaire " correspond à une mise à niveau de l' armée de terre américaine par rapport à ses homologues européennes ; la même attention au détail et à l' expérimentation est apportée à la constitution de divisions blindées ( armored ) .Dans l' ensemble, l' expérience de la guerre valide ces modèles, tout en mettant en évidence le besoin fréquemment exprimé par les généraux de compléter les divisions sur le terrain par des unités spécialisées non divisionnaires ( unités anti tanks ou antiaériennes, artill Pour cette raison, les autres modèles divisionnaires étudiés ( divisions mécanisées , légères , de cavalerie ) sont abandonnés pendant la guerre .
[Cliv] Toutefois, c' est davantage dans le domaine de la logistique et de la gestion que l' armée américaine fait preuve d' une originalité certaine .Très axée sur l' efficacité gestionnaire, les économies d' échelle et la mise sur pied de forces de grande taille, entièrement motorisées et dotées de matériel en grande quantité , l' armée américaine porte assez peu d' attention à la qualité des équipements ou des personnels .En particulier, l' attribution des spécialités et le système de remplacement souffrent d' une véritable obsession de l' efficience " économique et gestionnaire .Cette politique consiste tout d'abord à placer systématiquement en première ligne, c' est-à-dire dans l' infanterie, les recrues les moins qualifiées, au niveau de les hommes du rang comme des officiers, afin de réserver les éléments les plus talentueux pour les états-majors .Dans la mesure où de nombreux officiers d' active se sont simultanément tournés vers des spécialités plus attractives en termes d' avancement ou de paie ( en particulier l' Army Air Corps, future Air Force ), les armes de mêlée, et singulièrement l' infanterie, souffrent d' un manque avéré d' officiers et de sous-officiers de qualité et doivent incorporer des hommes du rang qui ont, pour la plupart, un Q.I. en dessous de la moyenne .La faiblesse structurelle ainsi créée est encore renforcée par le système de remplacement en vigueur : au terme d' un séjour individuel à l' arrière ( repos exceptionnel, blessure ), les soldats sont envoyés dans n' importe quelle unité qui en exprime le besoin, et non dans l' unité d' origine .Obligés de combattre au milieu de " étrangers ", les soldats ne peuvent constituer ces " groupes primaires " dont la cohésion est un facteur si important pour l' efficacité au combat, comme le déterminent d'ailleurs les travaux américains de sociologie militaire des années 1940 et 1950 .
[Il..._SN] Dans ces conditions, il n' est guère surprenant que les premiers engagements de la Seconde Guerre mondialeguerreSur un plan purement tactique, toutes choses étant égales par ailleurs - mais elles ne le sont jamais , étant donné la supériorité alliée en aviation tactique et en puissance de feu plus généralement - , l' armée américaine ne peut rivaliser avec la Wehrmacht, ce qu' attestent toutes les études comparatives menées sur le sujet .A l'exception de unités d' élite comme les 82e et 101e aéroportées, les unités américaines, à l'instar de leurs homologues britanniques , compensent leur infériorité tactique par un recours systématique aux appuis-feux de l' artillerie terrestre et navale et de l' aviation tactique . [Cliv_SN] Ainsi, et exactement à l' inverse de ce que donnent à voir les films de guerre de l' époque et ceux qui ont suivi, ce sont les Allemands qui combattent en situation d' infériorité marquée et qui compensent par la ténacité, l' ingéniosité tactique et l' utilisation du terrain ( reliefs montagneux en Italie, bocage normand ) ce qui leur fait défaut en termes d' équipement, de mobilité et de puissance de feu ; ils parlent d'ailleurs de " Materialschlacht ", ou " guerre de matériel ", pour décrire le " style opérationnel " américain .Par une suite de campagnes et d' engagements qui ne sontpas sans rappeler la Première Guerre mondiale, l' armée américaine s' impose donc sur le front occidental par le biais de un combat d' attrition s' appuyant sur la supériorité industrielle du pays et sur une logistique impressionnante .Dans la foulée, elle applique le modèle lointainement hérité de la guerre de Sécession : stratégie militaire d' anéantissement de l' adversaire, recherche de la victoire complète et occupation du territoire .
au final, et malgré les déboires rencontrés en cours de route, la Seconde Guerre mondiale n' en représente pas moins un triomphe pour l' Army qui remporte là une victoire décisive, tant militairement que politiquement, au prix de pertes infiniment plus réduites que celles subies par les autres belligérants, et sans que un échec majeur ait jamais remis en cause l' institution .A l'issue des deux guerres mondiales, les traits distinctifs majeurs de l' armée apparaissent nettement et semblent fixées pour longtemps : l' organisation se caractérise par la mise sur pied de grandes divisions ( plus de 15 000 hommes ) autonomes, similaires les unes aux autres, et appuyées sur une logistique sans équivalent, qu' il s' agisse d' approvisionnements ou d' évacuations sanitaires .A l'exception de chefs comme Patton, le style opérationnel est rarement brillant, s' apparente davantage à la " bataille conduite " qu' au Blitzkrieg et cherche systématiquement à substituer le matériel aux hommes .Ces défauts tactiques ou opérationnels laissent d' autant moins de traces que l' euphorie de la victoire va de pair avec la défense d' une cause perçue comme juste par l' écrasante majorité de la population, et est immédiatement suivie par une période de prospérité économique qui tranche avec le souvenir de la dépression de 1919 .Jusque dans ses conséquences sociales, le conflit est un succès, qu' il s' agisse des progrès de l' intégration raciale au sein de le contingent ou surtout du GI Bill of Rights de 1944, qui octroie des bourses aux vétérans afin de parfaire leurs études et assure ainsi un élargissement spectaculaire des classes moyennes .Tout ceci explique que la Seconde Guerre mondiale ait pu rétrospectivement faire figure de modèle, la nostalgie allant d'ailleurs s' accroissant au fur et à mesure que les vicissitudes de la politique étrangère américaine et l' évolution des technologies militaires entraînent l' armée conçue et commandée par Marshall, Eisenhower, MacArthur et Patton, dans des directions et sur des théâtres d' opération imprévus .
La victoire sur l' Allemagne nazie et le Japon impérial s' est conclue de façon traditionnelle selon les normes américaines, c' est-à-dire par une démobilisation aussi rapide et impressionnante qu' avait été la mobilisation ; dès 1947, et malgré les charges de l' occupation, l' armée américaine, avec 10 divisions, n' est plus que l' ombre de la force qui comprenait 90 divisions deux ans plus tôt .Le déclenchement de la guerre de Corée prend d' autant plus par surprise l' armée et le gouvernement américains que l' essentiel de l' effort s' était porté jusque-là sur l' Air Force, nouvellement créée en 1947, et sur les armes atomiques contrebalançant l' avantage soviétique en matière de forces conventionnelles et, singulièrement, terrestres .L' offensive initiale des Nord-Coréens met en lumière le sous-équipement et le sous-entraînement des forces " tactiques " ( non nucléaires ) américaines, qu' il s' agisse de coopération interarmées ou de combat terrestre toutes armes, ou plus simplement du volume des forces disponibles - on parle déjà de " divisions creuses " . [Cliv] Ce sont ainsi la situation péninsulaire de la Corée et la résistance des Marines qui sauvent de justesse l' Amérique d' une première défaite .Le débarquement d' Inchon, en provoquant l' entrée dans le conflit de les " volontaires chinois " , engendre une seconde retraite précipitée, qui se stabilise en un combat d' attrition coûteux et non décisif .Le refus du président Truman de procéder à un bombardement atomique de le territoire chinois et l' obligation de protéger simultanément l' Europe placent les militaires américains dans une situation inconfortable et heurte la tradition stratégique nationale : pour la première fois de leur histoire moderne, les Etats-Unis ont intérêt à préserver le caractère limité de l' affrontement, ce qui restreint d' autant les possibilités opérationnelles et surtout interdit d' obtenir l' objet naturel " de la guerre, à savoir la victoire par écrasement total de l' ennemi .
Si la guerre de Corée se solde par une réorganisation globale de la politique de défense, avec la création du département du même nom et l' accroissement permanent du budget et des forces des trois armées ( Army à 20 divisions ), elle n' en constitue pas moins un souvenir amer et une " non victoire " aux yeux de nombre d' Américains, à commencer par les militaires eux -mêmes .En particulier, elle engendre un sentiment de rejet à l'encontre des " engagements terrestres " .Soucieuse de réduire les dépenses et d' éviter ce que l' on appelle déjà à l'époque un quagmire ( " bourbier " ), la stratégie dite de le " New Look " décidée par l' Administration Eisenhower passe par une augmentation considérable des crédits dévolus aux armes nucléaires et à l' Air Force, et par une réduction à proportion de la part allouée aux forces conventionnelles : le budget de l' Army est réduit de moitié en quatre ans et le nombre de divisions tombe à 14 en 1960 .
En ce sens, et alors que le conflit semble rétrospectivement avoir illustré les dangers de l' impréparation et les limites de la dissuasion nucléaire, les années 1950 représentent pour l' Army à la fois une période de disgrâce politique et de doute existentiel quant à l' utilité des forces classiques à l' âge nucléaire .Sur le premier point, l' Army, à l'instar de la Navy , ne peut qu' assister impuissante à l' ascension de l' Air Force et du Strategic Air Command . " Révolte des amiraux " en 1949, guerre de Corée, avancées communistes dans le Tiers Monde, rien n' y fait : la meilleure part des crédits va aux armes nucléaires et à leurs vecteurs, en l'occurrence les bombardiers . [Il..._SN] Il faudra attendre les années 1960 pour voir la fin du " tout nucléaire " .Or, contrairement à la Navy qui se lance dans la conception des premiers sous-marins nucléaires lanceurs d' engins ( SNLE ) sous l'impulsion de l' amiral Rickover, l' Army ne peut espérer que quelques " miettes ", comme les engins nucléaires tactiques ( missiles Thor, systèmes Davy Crockett ), les systèmes antiaériens ou les premières défenses antimissiles, tous éléments marginaux et souvent déficients qui ne permettent pas de faire contrepoids aux ambitions de l' Air Force .
Ce premier et vif débat autour de les " rôles et missions " respectifs de les trois armées se double de très importantes incertitudes tactiques quant à les possibilités laissées aux forces terrestres : dans la mesure où l' on pense devoir forcément évoluer sur un champ de bataille nucléaire, c' est bien l' utilité et finalement l' existence même des armées qui semble en jeu - les revues militaires de l' époque font état de ces interrogations grandissantes .Si l' ère atomique ( 1945 - 1953 ) ne paraît pas encore menacer fondamentalement les forces terrestres - les armes nucléaires sont d'abord perçues comme de " super-obus " qui obligent à une plus grande dispersion - , la mise à le point et la fabrication e dites tactiques, semblent sonner le glas de tous les principes jusqu'alors immuables de la guerre terrestre : concentration logistique des moyens, concentration physique des troupes, offensive, exploitation ... [Cliv_SP] C' est dans ce cadre et sous la direction du général Ridgway que l' Army se lance, à partir de 1954, dans une série d' initiatives visant une réforme radicale de ses procédures tactiques, et qui consiste pour l' essentiel à réorganiser les divisions de manière plus " dispersée " et avec des effectifs moindres, de manière à réduire leur vulnérabilité aux frappes nucléaires .Cette dispersion physique suppose une grande mobilité tactique, des capacités de transport aérien tactique - le potentiel des hélicoptères fait l' objet d' études approfondies - et des moyens de communication et de commandement performants .De ATFA - 1 à la réforme " pentomique ", en passant par PENTANA, qui vise le long terme, ces réorganisations s' appuient sur toute une série d' exercices ( Follow Me, Blue Bolt, Sage Brush, Eagle Wing, Quick Strike, Swift Strike ... ) et de wargames .Le modèle " pentomique " est sans doute le plus radical, qui comprend 5 " Battle Groups ", disposés en pentagone, très espacés les uns des autres et complètement autonomes - ils ont absorbé les niveaux brigade et bataillon - afin de réduire la vulnérabilité au feu nucléaire et de permettre à la division de continuer le combat même après des pertes sévères .Lancé en 1956 par le général Taylor, le concept donne lieu à différentes réorganisations qui ne produisent pas les résultats escomptés, faute de manoeuvres assez poussées, mais surtout parce que la technologie et l' argent nécessaires font défaut : sur sa lancée des années précédentes, l' Army continue d' acquérir massivement des armes nucléaires tactiques ( 43 % de son budget en 1956 ) et ne peut investir dans des technologies de pointe en matière de communications .En l'absence de ces dernières - la technologie fondamentale n' était de toute façon pas suffisamment avancée -, les échelons de commandement " pentomiques " ne peuvent efficacement contrôler leurs unités .Finalement, devant des critiques internes grandissantes et confrontée à la possibilité de nouveaux engagements américains en Asie du Sud-Est, l' Army abandonne en 1958 le concept " pentomique " et lance l' année suivante MOMAR I, étude nouvelle qui envisage une mécanisation massive de toutes les unités .L' Army adopte en 1964 une structure divisionnaire beaucoup plus traditionnelle, proche de la structure de la Seconde Guerre mondiale, dite ROAD .
Cette série d' échecs est intéressante à quatre niveaux différents : elle illustre premièrement la difficulté d' une réforme en profondeur, pourtant menée en interne par l' institution elle -même .En second lieu, elle montre, dans des conditions technologiques il est vrai très différentes de celles qui prévalent aujourd'hui, à quel point il est difficile de conserver réactivité, puissance offensive et solidité défensive avec un dispositif très dispersé .De façon incidente, l' expérience a ancré dans de nombreux esprits la notion que les méthodes éprouvées étaient bien préférables à des " concepts " peut-être innovants, mais qui faisaient courir un risque inutile d' échec catastrophique ; le camp des traditionalistes en sort renforcé, même si le processus de réforme produit quelques innovations isolées, en l'espèce les unités héliportées .Enfin, parce que ces réformes en cascade - pratiquement une par an - sont d'abord politiquement motivées, elles imposent à un processus par nature délicat un rythme et un calendrier irréalistes compte tenu de les contraintes propres de l' innovation militaire .Une réforme qui a pour objectif , dans un contexte stratégique donné , de prouver l' utilité de l' institution dans la compétition interservice court en effet le risque d' être conduite trop rapidement et d' entraîner des résultats décevants sur un plan strictement opérationnel .
L' engagement vietnamien représente une étape essentielle dans l' évolution de l' institution, non seulement parce que il marque les limites du " American / Army Way of War ", mais aussi en raison de les " leçons " générales qu' en retire l' armée . [Cliv] En ce sens, et quel que soit l' intérêt militaire du conflit, ce sont bien ses conséquences sur les rapports civilo-militaires et les conceptions dominantes au sein de le corps des officiers qui s' avèrent déterminantes sur le long terme .
L' arrivée au pouvoir de John Kennedy , convaincu qu' il faut vaincre les guérillas communistes sur leur propre terrain et que la stratégie de les représailles massives n' est pas crédible, replace l' Army au centre de les préoccupations stratégiques américaines .Le nouveau président insiste en particulier sur l' importance des forces spéciales et sur ce que l' on appelle alors la " contre-insurrection " .Cependant, et malgré la création des Bérets verts, l' Army globalement ne suit pas, à peine remise d' une décennie d' expérimentations tous azimuts et focalisée sur le combat de haute intensité réclamé par la nouvelle stratégie de " riposte graduée " .Réorganisée sur le modèle ROAD, elle n' engage qu' une seule innovation importante, cette fois couronnée de succès : la création en 1964 de la première unité de combat héliportée, la 11e Air Assault Division, rebaptisée First Cavalry Div ., Airmobile, en dépit de les réticences des traditionalistes et de la résistance acharnée de l' Air Force, qui entend se réserver le monopole du ciel .S' appuyant précisément sur le concept d' enveloppement vertical ", la First Cav . et les unités héliportées remportent tout d'abord une série de succès ( engagement de Ia Drang, octobre - novembre 1965 ) grâce à l' extraordinaire mobilité conférée par les hélicoptères .En réaction, le Nord-Vietnam et le Viêt-Cong repassent en " phase 2 " dans la " guerre révolutionnaire ", soit des opérations de guérilla qui visent à harceler l' ennemi, jouent sur la durée et évitent les engagements majeurs .
[Il..._SN] Or, et quoi qu' on pense des errements de la stratégie générale décidée par les autorités politiques ou de la campagne de bombardements du Nord-Vietnam, il est tout à fait clair rétrospectivement que l' Army n' a fait preuve d' aucune imagination tactique lors de les opérations menées au Sud .A cet égard, le manque d' intérêt des plus hautes autorités de l' Army à l'égard de les guerres de basse intensité en général , et de la spécificité de le conflit vietnamien en particulier , se traduit par une myopie tactique et une rigidité dans l' organisation qui exercent des effets dommageables pendant tout le conflit .Celui -ci prend systématiquement la forme d' opérations de ratissage ( search and destroy ops ) qui donnent de bien maigres résultats, malgré des pertes en augmentation et de très importants dommages collatéraux . [Cliv] C' est qu' en effet l' Army se refuse à employer les méthodes éprouvées de lutte anti guérilla, telles que la dispersion des unités, le quadrillage du pays et la protection des populations, tout en cherchant en vain à obliger son adversaire à livrer et à perdre une bataille décisive, ou du moins une succession d' engagements si coûteux que l' armée nord-vietnamienne ne pourrait progressivement plus poursuivre la lutte . [Cliv_SN] C' est le fameux " cross-over point ", point de rupture à partir duquel les ressources humaines ennemies doivent aller en déclinant . [Present_SP] Il s' agit d' une pure stratégie d' attrition, qui passe notamment par une application indiscriminée de la puissance de feu américaine, ce qui logiquement produit de nombreuses pertes civiles, et donc sert la propagande et le recrutement menés par le Viêt-Cong, tout en poussant les officiers américains à exhiber des " résultats " mesurés à l' aune du " body count ", ou décompte des cadavres .
Défaut supplémentaire, l' Army a conservé le déplorable système de rotation des unités et des hommes hérité de la Seconde Guerre mondiale, dont les effets pervers sont encore amplifiés par les appréhensions politiques de Lyndon Johnson, qui refuse d' appeler les réserves et se contente d' amplifier le draft . [Il..._SN] Il en résulte une absence préjudiciable de cohésion des unités de base,unité [Cliv_SN] au final, ce sont les milices sud-vietnamiennes et les actions de la CIA ( opération Phoenix ) qui s' avèrent les plus efficaces contre le Viêt-Cong, tandis que le général Westmorland se contente de persévérer avec la même stratégie générale d' attrition en réclamant davantage de troupes .
[Cliv_SP] Comme on le sait désormais, ce n' est finalement qu' à l'occasion de l' offensive du Têt, lancée délibérément en 1968 par Hanoi, que le cross-over point est atteint en ce qui concerne du moins le Viêt-Cong, l' armée nord-vietnamienne étant alors obligée de prendre le relais .A ce stade, toutefois, l' offensive a produit ses effets politiques, et les Etats-Unis commencent à se désengager .La montée des tensions politiques en Amérique , et en particulier sur les campus , pousse d'ailleurs Johnson puis Nixon à envoyer majoritairement au Vietnam, et plus encore en première ligne, des recrues provenant des classes défavorisées et donc des minorités ethniques, amplifiant ainsi les pratiques de la Seconde Guerre mondiale .Ressentie comme une injustice, ce système de recrutement se conjugue à la détérioration de la situation sur le terrain pour produire une nette dégradation du moral des troupes, au point de menacer la viabilité du contingent présent au Vietnam : la révolte contre les officiers, les nombreuses occurrences de fragging, l' usage répandu des drogues, bref toutes les images traditionnellement associées à la guerre du Vietnam dans les représentations communes, correspondent précisément aux années 1969 et 1970 .A la fin de l' engagement vietnamien, l' Army est au bord de la décomposition : certains de ses éléments sont en révolte ouverte, le corps des officiers a l' impression d' avoir été trahi par l' arrière ", et les Etats-Unis, singulièrement l' armée de terre, viennent de subir leur " première " défaite .La débâcle se conclut logiquement par l' abandon de la conscription et la constitution d' une armée de métier qui, d'ailleurs, peine considérablement à attirer des volontaires de qualité pendant toute la décennie, tant l' image de l' institution a été ternie pour longtemps .
[Il...] au terme de ce bref rappel historique, il convient de souligner tout ce que la défaite a de déstabilisant pour l' institution : au Vietnam, ce ne sont pas seulement les défauts traditionnels de l' armée qui ont joué contre elle, puisque même ses " points forts " l' ont en quelque sorte trahie ; à tout prendre, le système de gestion du personnel est sans doute moins à blâmer que le choix irréfléchi d' une stratégie d' attrition, spécialement inadaptée à un contexte de guérilla .
La défaite vietnamienne est l' occasion pour l' armée de terre d' une introspection poussée et d' un retour aux sources intellectuelles .Si les conséquences politiques de cette remise en question en viennent à obérer durablement la flexibilité de l' Army , les avancées doctrinales et qualitatives qui marquent la période n' en sont pas moins bien réelles .
Dans la foulée du Vietnam, les années 1970 permettent à l' Army d' engager une autocritique qui prend des allures d' examen de conscience .Les " leçons " politiques et opérationnelles que l' institution tire de son engagement vietnamien participent toutefois davantage d' une reconstruction a posteriori que d' une analyse objective de la réalité historique, perdue au milieu de controverses multiples .Cet exercice d' introspection débouche sur la reconstitution d' une force à maints égards " traditionnelle " . [NoSaber] En parallèle, s' est fait jour une sorte de perception communément admise ( conventional wisdom ), qui pèse encore aujourd'hui sur les marges de manoeuvre internes de l' Army et, plus généralement, sur les rapports civilo-militaires .
L' abandon de la conscription ne se fait pas au profit de une armée professionnelle plus facile à engager politiquement, bien au contraire .Retenant du Vietnam l' insuffisant soutien des autorités politiques et les effets pervers d' un engagement qui ne dit pas son nom, la hiérarchie militaire, toutes armées confondues , entreprend de se structurer de telle sorte qu' il soit impossible à l'avenir pour le président des Etats-Unis d' engager des moyens militaires de manière graduelle en espérant éviter un débat public sur le sujet .Pour ce faire, les trois Services imbriquent ensemble les forces d' active et les réserves, délégant à ces dernières une bonne partie des fonctions de soutien jusqu' à rendre pratiquement infaisable d' engager les premières de façon significative sans mobiliser les secondes - concept " Total Force " .L' Army en particulier n' est pas optimisée pour l' emploi discret et immédiat de ses capacités : la fin du Vietnam, le passage à la all-volunteer force et la refocalisation sur le théâtre européen favorisent des structures, des équipements et une mentalité spécifiques, très orientés sur la " grande guerre " et très réservés quant à d' éventuelles " aventures " sur des théâtres secondaires ou des réformes doctrinales risquées .
La critique de la responsabilité politique n' affecte pas seulement l' organisation des forces, mais influence également l' attitude d' ensemble des officiers vis-à-vis des rapports civilo-militaires en général et de l' usage de la force en particulier .Les " civils " sont considérés avec méfiance, pour ne pas dire hostilité, et le corps des officiers adhère progressivement à ce que l' on pourrait appeler une " théorie prussienne " des rapports entre autorité politique et hiérarchie militaire .En lieu et place de la " théorie classique " ( exposée par exemple par Samuel Huntington dans The Soldier and the State et encore d' actualité aujourd'hui en Europe ), cette théorie révisionniste, entièrement dérivée de le Vietnam , considère que les militaires doivent assumer la direction d' ensemble des opérations, dès lors que les politiques ont opté pour le recours à la force . [Present_SP] Il s' agit d' éviter à la fois l' usage " gesticulatoire " ( signaling ) des capacités militaires et le " micro-management " des opérations elles -mêmes .Si elle pose en principe une séparation nette des responsabilités ( le politique décide du " pourquoi " et du moment, le militaire du " comment " ), cette théorie a une tendance naturelle à " déborder " de son cadre : sous prétexte de conseiller le politique quant à les modalités du recours à la force et au bien-fondé des différentes options, les militaires en viennent à se prononcer sur le bien-fondé de l' usage de la force . [On..._SP] On en veut pour preuve l' analyse de la défaite américaine au Vietnam opérée par le colonel Harry Summers, dont l' ouvrage, On Strategy, sous couvert d' un retour à Clausewitz, développe une critique sévère de la gestion du conflit par les politiques et met en forme ce nouveau " prussianisme " .Depuis sa publication, l' ouvrage représente d'ailleurs une véritable " bible " pour les officiers et est inclus dans la liste de lectures obligatoires dans le cursus de l' Army .Ravivée par l' expérience malheureuse du Liban ( 1983 ), cette conception du rôle des armées en général et de les forces terrestres en particulier est formalisée une première fois dans ce qu' il est convenu d' appeler la " doctrine Weinberger " ( 1984 ), appelée à devenir la " doctrine Powell " quelques années plus tard . [SujetInv_SN] Y est posée une série de principes destinés à guider le politique en circonscrivant les conditions légitimes d' emploi de la force au regard de la rationalité militaire .Ces principes sont au nombre de six :
[Present] A l'évidence, il s' agit là de conditions extrêmement restrictives, qui excluent pratiquement toute intervention autre qu' une guerre classique autorisant un usage illimité de la force .Particulièrement en faveur auprès de l' Army, la doctrine Weinberger légitime ex post les préférences a priori de l' institution pour la " grande guerre " et les théâtres majeurs de la guerre froide : en quittant l' Asie de le Sud-Est , l' Army est instantanément refocalisée sur ce qu' elle estime être son " coeur de métier " et sa raison d' être, le combat de haute intensité .Autrement dit, l' armée américaine a pour mission de se préparer à contrer une avancée soviétique dans les zones où elle est déjà présente via des prépositionnements massifs d' unités et d' équipements ( Europe, Corée du Sud ) ; le " reste " est du ressort des Marines et de l' Air Force .
Très affirmé dès que le primat de la grande guerre et des spécialités correspondantes semble menacé, ce conservatisme s' accompagne toutefois au long de la période d' un réel effort matériel et intellectuel pour faire face à la supériorité conventionnelle attribuée aux forces du pacte de Varsovie .
Bien que l' amélioration de la qualité des personnels ne s' opère que lentement, et que les résultats opérationnels soient en demi-teinte ( échec retentissant de l' opération " Desert One ", demi-succès de la Grenade ou de Panama ), l' Army lance pendant cette période tous les armements majeurs appelés à connaître la consécration lors de la guerre du Golfe : missiles antichars TOW, chars M1 Abrams, véhicule de combat d' infanterie Bradley, hélicoptères Apache et jusqu' au système antimissile Patriot .Tous ces programmes sont d'abord conçus dans la perspective d' un affrontement conventionnel en Europe contre le pacte de Varsovie : le développement des forces nucléaires soviétiques à tous les niveaux ( stratégique, intermédiaire et tactique ) durant les années 1960 et 1970 rend en effet délicat, aux yeux des responsables de l' OTAN, de se reposer sur la seule dissuasion pour contrebalancer l' avantage conventionnel soviétique, qui paraît d'ailleurs aller en s' accroissant .Par-delà les nécessités de la stratégie générale de " riposte graduée ", ces développements procèdent également, on l' a vu, des préférences profondes de l' institution .
Au niveau de l' organisation et de la doctrine, les décennies postérieures à le Vietnam donnent lieu à une renaissance remarquable .Le thème dominant tient en une formule simple : " Fight outnumbered and win ", combattre en situation d' infériorité mais gagner .Outre les équipements majeurs mis en chantier à l'époque , la réponse à le défi soviétique passe par une refonte doctrinale en plusieurs étapes : création en 1973 d' un centre de la doctrine ( TRADOC ) sous la direction du général DePuy, redécouverte des " classiques " de la littérature stratégique comme Clausewitz, publication du FM 100 - 5 ( Field Manual, operations ) Active Defense en 1976, et dans la foulée lancement de DRS, nouvelle étude de réorganisation divisionnaire ...
[Cliv_SP] C' est dans ce contexte qu' intervient la querelle opposant " traditionalistes " et " partisans de la guerre de manoeuvre ", les seconds reprochant aux premiers de s' en tenir à une " pure logique d' attrition " .A la suite de ces controverses, l' attrition désigne dans le vocabulaire américain contemporain l' application linéaire de la puissance de feu et plus généralement des moyens matériels : dans cet échange qui obéit grosso modo aux lois de Lanchester, la victoire va à la partie qui dispose des réserves les plus nombreuses, à moins de un différentiel qualitatif considérable .A ce jeu -là, comme le soulignent les critiques des " maneuverists " à l'encontre du FM de 1976, les forces occidentales sont forcément perdantes face à la supériorité mécanisée soviétique, et la pire des solutions consiste à leur laisser l' initiative en se cantonnant à une stratégie défensive, même " active " .En sens inverse, ils proposent d' adopter le paradigme de la " guerre de manoeuvre ", qui repose tactiquement sur la recherche d' avantages de position, et à l'échelle de le théâtre sur des pénétrations audacieuses, sur le modèle des campagnes napoléoniennes et surtout du blitzkrieg allemand ; il s' agit, par une prise de risque calculée, de provoquer un " choc opératif " dans le système adverse et d' obtenir des résultats disproportionnés ( non linéaires ) au regard du rapport de force quantitatif . [Present] Au niveau tactique comme au niveau opératif, il s' agit également de " saturer " le système de commandement adverse en le prenant systématiquement de vitesse ; en bref, rechercher et exploiter, dans l' espace comme dans le temps, les points faibles de l' adversaire .Sous la direction du général Starry, qui a remplacé DePuy, l' édition de 1982 de le FM 100 - 5 reprend partiellement à son compte les préceptes du " maneuver warfare " ou style de guerre manoeuvrier .Ce paradigme doctrinal se répand sûrement tout au long de les années 1980, au sein de le corps des officiers comme d'ailleurs auprès de les Marines ou des alliés de l' OTAN . D' un point de vue pratique, cependant, il s' agit d' un succès en demi-teinte, dans la mesure où les stratégies opérationnelles retenues, " AirLand Battle " au sein de les forces américaines et " doctrine Rogers " au sein de l' OTAN, doivent autant à la technologie qu' au paradigme de la guerre de manoeuvre .En se proposant de détruire les second et troisième échelons soviétiques par des frappes dans la profondeur, conduites par l' Air Force ou par ses propres systèmes à longue portée ( ATACMS , Apache ), l' Army entreprend bien de synchroniser les capacités de ses divisions au niveau opératif, mais elle tire surtout parti des possibilités offertes par des technologies déjà en place à l'époque : munitions aériennes de précision, sous-munitions antichars délivrées par l' artillerie à longue portée, etc .
En parallèle à " AirLand Battle ", le général Starry lance en 1978 les initiatives " Army 86 " et " Division 86 ", qui concernent l' organisation et les structures de force .Fondée sur des analyses et des expérimentations approfondies, " Army 86 " propose deux modèles ( Heavy Division 86 et Infantry Division 86 ) qui se situent dans le prolongement des divisions ROAD toujours en vigueur, mais incorporent des capacités supplémentaires tout à fait significatives .Avec 20 000 hommes et une brigade d' hélicoptères d' attaque, la Heavy Division 86 est véritablement conçue pour répondre en profondeur à l' offensive échelonnée prônée par la doctrine soviétique ; bien que approuvé, le plan est toutefois revu à la baisse faute de moyens suffisants ( hommes, équipements ) et d' argent, et c' est une version réduite qui est finalement appliquée par le plan " Army of Excellence " ( 1983 ) .Censée servir sur n' importe n' importe quel théâtre d' opérations, la division d' infanterie doit répondre aux impératifs suivants : mobilité, flexibilité et puissance de feu accrue, ce qui veut dire concrètement être aérotransportable en C - 141 et pouvoir résister à une unité ennemie dotée de chars T - 72 .des résultats mitigés et un coût là encore prohibitif conduisent à l' abandon pur et simple du projet - il convient toutefois de souligner la ressemblance frappante, en termes d' objectifs, entre ce projet et l' actuel plan Shinseki .
La rançon de cette intense focalisation sur la problématique de le " front central " se manifeste rapidement, dès la fin des années 1970 : face à les percées soviétiques dans le Tiers-Monde, l' Army ne dispose pas de forces à la fois facilement projetables et capables d' infliger un coup d' arrêt à l' adversaire .Les années 1980 sont ainsi le théâtre d' expérimentations diverses, tant au niveau de les matériels que des organisations, afin de mettre sur pied une division légère qui soit viable . [Cliv_SP] C' est dans ce cadre qu' est tout d'abord lancé en 1980 le projet HTLD de " division légère technologique " ( Hi-Tech Light Division ) : il s' agit de protéger le golfe Persique face à une éventuelle attaque-éclair soviétique depuis l' Afghanistan, en mettant sur pied une organisation radicalement nouvelle fondée sur l' exploitation de technologies émergentes, en particulier un véhicule léger, donc déployable par avion, mais doté d' une réelle capacité antichar ( Armored Gun System ) .Après trois ans de recherches et d' expérimentations, et parce que il est clair que les technologies requises n' arriveront pas à maturité avant au moins une décennie, le général Wickham propose un projet moins ambitieux et plus classique, le développement de la HTMD, division motorisée mixte ( une brigade lourde toutes armes, une brigade légère toutes armes et une brigade d' infanterie ) censée combler le " trou " entre divisions légères et divisions lourdes .Une fois encore, les problèmes pécuniaires et technologiques conduisent au démantèlement du projet .
Tout comme Infantry Division 86, ces tentatives répétées présentent de nombreux points communs avec l' actuel plan Shinseki : il s' agit de pouvoir déployer rapidement et sur de grandes distances une force terrestre apte à conduire, en conjonction avec les autres Services, une action retardatrice avant l' arrivée des forces lourdes .A l'époque comme aujourd'hui, la technologie est envisagée comme un moyen de compenser l' infériorité organique des forces légères en termes de protection et de puissance de feu .Malgré les insuffisances de certains matériels, le concept est loin de manquer d' intérêt et préfigure à maints égards les solutions proposées aujourd'hui .au final, le poids institutionnel des heavies, ou armes lourdes ( armée blindée cavalerie , infanterie mécanisée , artillerie ), mais surtout le manque d' argent et l' immaturité de les technologies requises empêchent ces projets d' aboutir .
au terme de toutes les expérimentations menées entre 1975 et 1985, l' armée se rabat sur le plan " Army of Excellence " ( 1983 ), qui comprend une version allégée du projet Division 86 pour les unités lourdes, développe les moyens de commandement au niveau de les corps et tranche le problème insoluble des unités légères en créant de pures divisions d' infanterie à spécialité " géographique " ( par exemple la 10e Light Infantry Division - Mountain ) .Avec des effectifs réduits ( 10 000 hommes ), dépourvues de véhicules et dotées d' une autonomie logistique de 48 heures, ces divisions ne demandent que 450 sorties aériennes pour être déployées mais sont explicitement réservées à des missions de basse intensité .Leur faiblesse intrinsèque suscite d'ailleurs, au sein de l' Army comme en dehors, des critiques nourries qui dénoncent tantôt leur inutilité en situation de combat, tantôt leur faible autonomie .Quatre de ces divisions sont progressivement mises en place .
En définitive, et en dépit de une application en demi-teinte des avancées doctrinales, les années 1980 s' achèvent par une incontestable amélioration de l' Army : les efforts en matière de recrutement ( augmentation des salaires, campagnes de publicité ), d' entraînement et de matériels portent leurs fruits et les forces terrestres qui sont envoyées dans le Golfe en 1990 sont probablement les plus homogènes et les meilleures jamais constituées par les Etats-Unis .
La guerre du Golfe représente un triomphe collectif pour les forces armées américaines .Dans la perspective de l' Army, les opérations, et en particulier la phase terrestre , dite " guerre de les 100 heures " , consacre le bien-fondé de la plupart des initiatives précédentes : les Abrams comme les Apache apportent la preuve de leur supériorité complète sur les matériels soviétiques présentés comme comparables, les troupes font une démonstration de professionnalisme et le haut-commandement de l' Army n' oublie pas de souligner l' importance du fameux " mouvement tournant gauche " ( left hook ) accompli par le VIIe corps avec le XVIIIe corps en flanc-garde .
[Present_SP] A y regarder de plus près, toutefois, il s' agit d' un triomphe de courte durée .il il efface bien le " syndrome vietnamien " et restaure le prestige des " armes américaines ", les analyses postérieures font apparaître l' infériorité patente de l' adversaire à tous les niveaux imaginables : commandement, équipement, formation de la troupe, motivation, sans parler bien entendu de l' écrasante supériorité aérienne et " électronique " - on ne dit pas encore " informationnelle " - des alliés .La manoeuvre de flanc est d'ailleurs un échec, dans la mesure où l' attaque du Marine Corps le long de la côte, bien loin de " fixer " les Irakiens, donne à Saddam Hussein le signal de la retraite générale : pris de vitesse, le mouvement tournant frappe dès lors largement dans le vide et ne rencontre sur sa route que les unités délibérément placées en flanc-garde par le dictateur irakien afin de sauver ce qui peut l' être de son armée .En définitive, l' objectif militaire consistant à enfermer l' armée irakienne et à détruire la Garde républicaine - avec , sans doute , en arrière-plan l' intention de faire chuter le régime par ce biais - n' est pas atteint, et n' aurait sans doute pas pu l' être, sauf à engager des opérations de grande envergure dans les zones habitées de l' Irak, Bassorah en particulier .
Quelles qu' aient pu être les insuffisances de l' opération, elles importent moins cependant que ses retombées au niveau de les perceptions .La " guerre de les 100 heures " a en effet été précédée, dans tous les sens de cette expression, par une campagne aérienne de six semaines sans équivalent dans l' histoire .Le paradoxe n' est pas mince, qui veut que " Tempête du désert " marque à la fois l' apogée de l' Army de l' après-Vietnam, à dire vrai son premier triomphe militaire depuis 1945, et " lance " dans le même mouvement le thème et l' école de la RMA, qui jouent dans un sens globalement défavorable aux intérêts de l' institution .Ce paradoxe se résout toutefois, dans la mesure où cette même guerre du Golfe a représenté un triomphe bien plus grand encore pour l' Air Force, et a véritablement relancé les débats autour de l' Air Power " .La première moitié des années 1990 est ainsi le théâtre d' une importante littérature sur le conflit de 1991 qui, dans l' ensemble, s' attache à souligner l' arrivée à maturité " ( the coming of age ) de l' arme aérienne et prend parti plus ou moins nettement en faveur de la nouvelle version de l' Air Power ", telle que présentée, par exemple, par John Warden, lui -même à l'origine du plan de frappes
Instant Thunder " . Cette controverse est non seulement le fait des partisans attitrés de l' Air Force, mais elle reçoit encore une sanction presque officielle avec le lancement de la Gulf War Air Power Survey, étude approfondie sur le modèle de celles conduites après la Seconde Guerre mondiale - rien de tel n' a en revanche été produit au profit de les opérations terrestres .Très peu de temps après la guerre du Golfe, l' Army redécouvre ainsi, selon la formule popularisée durant les années 1950, que " le véritable ennemi, c' est l' Air Force " .De fait, le déroulement de cette campagne a instantanément placé l' armée de terre dans une position défensive dont elle n' est en réalité pas sortie depuis lors . [NoSaber] A ce constat amer, s' ajoute encore la douloureuse réduction de format consécutive à la fin de la guerre froide et entreprise dans la foulée du Golfe : en quelques années, l' armée perd 8 divisions sur 18 et se redéploie massivement vers le territoire américain .
Après avoir passé en revue cinquante ans d' histoire de l' Army, deux séries de considérations semblent s' imposer, qui ont trait respectivement à la culture de l' institution et aux caractéristiques des processus de réforme réussis .
Le succès de la guerre du Golfe tranche avec tous les engagements précédents de l' Army : il s' agit d' une opération de haute intensité, reposant sur une logistique impressionnante et un usage extensif de la puissance de feu, s' inscrivant enfin dans un cadre politique clair, qu' il s' agisse des objectifs fixés par le politique, du déroulement de l' intervention ( début et surtout fin ) ou du soutien de l' opinion américaine .En d'autres termes, " Tempête du désert " représente, en accord d'ailleurs avec la volonté explicite de la hiérarchie militaire, un véritable " retour aux sources ", en l'occurrence l' expérience réussie et transfigurée en modèle de la Seconde Guerre mondiale . [Cliv_SN] Et c' est cette orientation qui constitue la culture de l' Army, son " coeur de métier " historique et la définition minimale commune à la plupart de ses membres, par-delà les revirements des " stratégies de sécurité nationale " et les réorganisations successives . [Il...] A ce propos, il convient de souligner que les réformes les plus réussies, telles que ROAD ou Army of Excellence, se sont toutes situées dans la perspective de la " grande guerre " ; a contrario, les forces américaines et l' Army tout spécialement ont exhibé des difficultés plus ou moins marquées dès lors qu' il s' est agi d' intervenir dans le cadre de guerre limitées, telles qu' opérations de stabilisation mélangeant civils et combattants, guerres de guérilla ou même guerre classique circonscrite dans certaines limites ( Corée ) .Résultant de cette histoire singulière en même temps que elles la renforcent, les doctrines Weinberger et Powell sont à la fois l' écho de ces préférences au niveau stratégique et l' expression d' un modèle idéal de relations avec l' autorité politique qui traduit au fond une méfiance considérable à l'égard de cette dernière .Parce que elles desservent souvent l' Army dans la routine des querelles interservices, ces relations civilo-militaires tendues contribuent plus d' une fois à une absence de soutien politique et budgétaire, dommageable lors de les tentatives de réforme - ce n' est guère qu' en situation de conflit à grande échelle que l' Army prend le pas sur ses rivales, pour retomber derrière l' Air Force après la Corée ou le Vietnam, ou derrière la Navy lors de le build-up reaganien .
Ce manque de soutien politique paraît d' autant plus curieux de prime abord que l' Army a multiplié, tout au long de la période, les tentatives de réforme - on ne compte pas moins d' une vingtaine de projets de réorganisation divisionnaire .De cette fois on de plans et de réformes émergent quelques régularités : l' innovation " prend " mieux en temps de paix, car elle réclame du temps et de multiples expérimentations ; la transformation des organisations, des structures et de la doctrine fonctionne lorsqu' elle est graduelle, qu' elle rencontre un large soutien dans le corps des officiers et s' appuie sur des concepts éprouvés ainsi que sur des matériels existants, au moins au niveau de la technologie . [Cliv] C' est notamment la cas du projet Division 86, très bien pensé .En sens inverse, un écart trop important entre les ambitions et les moyens ( Army 86 ) , et surtout la précipitation engendrée par des motifs politiques ( modèle " pentomique " ) et le développement de concepts anticipant sur les avancées technologiques ( HTLD ) produisent invariablement de mauvais résultats .
Enfin, succès ou échecs, ces réformes présentent des points communs frappants avec le plan Shinseki : depuis cinquante ans, l' Army cherche en effet à améliorer simultanément la puissance de feu ( lethality ), la mobilité stratégique ( deployability ) et tactique et la flexibilité, entre autres logistique ( sustainability ) .Si, à certains égards, ce sont là de les objectifs constants à travers l' histoire et communs à de nombreuses organisations militaires , et si , en parallèle , le combat de haute intensité contre les forces soviétiques a dominé durant la guerre froide , le problème de le déploi ont pas moins constitué une préoccupation récurrente de l' Amérique et de son armée, prisonnière de la situation géographique particulière du pays .Concernant les solutions proposées, la filiation est tout aussi nette et, depuis les années 1970 particulièrement, l' Army attend des avancées technologiques qu' elles lui permettent d' échapper autant que possible à l' arbitrage entre déployabilité et capacité de combat .En définitive, et malgré l' évolution du vocabulaire, l' Interim Brigade Combat Team ( IBCT ) actuellement en développement s' inscrit dans une longue série de réformes, et il convient de garder ce passé à l' esprit dans l' analyse du projet actuel .
Dépositaire de cet héritage complexe et du succès fraîchement acquis de l' opération " Desert Storm ", l' Army de les années 1990 se trouve confrontée à trois problèmes majeurs, qui ne se recoupent ni chronologiquement, ni analytiquement .Immédiatement après la guerre du Golfe interviennent les effets de la fin de la guerre froide en termes de crédits et de volumes de forces ; cette réduction de format s' achève à peu près vers 1995, avec une armée de terre rognée de 40 % .Dans la foulée, toutefois, les forces armées américaines doivent faire face à la multiplication sans précédent des projections et des interventions tout au long de la décennie ; du point de vue de l' Army, les opérations de stabilisation sont particulièrement préoccupantes, étant donné les effectifs qu' elles mobilisent dans la durée et les problèmes de gestion de personnel qu' elles suscitent .En toile de fond, enfin, le débat autour de la RMA s' amplifie tout au long de la période, et l' accent mis sur les capacités de frappe à longue portée place l' Army dans une position défensive .
En parallèle à ces développements extrinsèques, l' Army conduit en interne deux projets de modernisation, " Force XXI " et " Army After Next " .ils sont bien, de la part de l' institution, une réponse aux arguments avancés par l' école de la RMA, réponse qui mêle d'ailleurs rejet et récupération de l' argumentaire " révolutionnaire ", ils n' en constituent pas moins une démarche originale, articulée aux besoins et aux conceptions propres à la " première force terrestre du monde ", comme l' armée américaine aime à le rappeler .
Lancé en 1999, le plan Shinseki doit être interprété comme le point de convergence des pressions externes et du processus interne ; reste à mesurer l' importance de facteurs plus immédiats, le lancement de l' Interim Force " ayant bien entendu pour fonction de faire taire les critiques suscitées par les déboires de la " Task Force Hawk " quelques mois plus tôt, et celles, non moins déstabilisantes, en provenance de le nouveau secrétaire à la Défense à partir de 2000, Donald Rumsfeld .
L' héritage de la guerre froide se révèle être à double tranchant : si, d' un côté, l' on retrouve pour partie dans le plan Shinseki les expérimentations doctrinales et les tentatives de réorganisation de la période précédente, de l' autre, la culture politique et stratégique de l' Army constitue indéniablement un frein à l' adaptation de l' institution au contexte nouveau de l' après-guerre froide .
Dans la foulée de la guerre du Golfe, la priorité des militaires américains, toutes armées confondues , va à la préservation de l' héritage des années 1980, qu' il s' agisse du format global de forces ou des programmes en cours de développement .En parallèle, les armées et tout particulièrement l' armée de terre restent attachées à la doctrine Weinberger, bientôt rebaptisée doctrine Powell, ainsi que au primat politique et doctrinal de la grande guerre mécanisée .
[SujetInv] Avec la fin de la guerre froide se profile pour l' Army la hantise de l' armée creuse " : la fin de chaque conflit a été en effet marquée par la démobilisation massive des forces terrestres .En conséquence, loin de se lancer dans des innovations ou dans des réorganisations ambitieuses, l' institution consacre toute son énergie à défendre les acquis .Dix ans plus tard, le succès obtenu paraît mitigé .
La réduction du volume global de forces s' opère en plusieurs étapes, de 1990 à 1997 ; plus que n' importe quel autre facteur, ce sont les attentes économiques de l' électorat et la contrainte budgétaire qui guident la restructuration .Anticipée par l' Administration sortante, cette réduction inévitable avait donné lieu à un premier plan, " Base Force ", qui traduisait assez exactement les attentes des militaires en proposant pour l' après-guerre froide un volume global de forces représentant 80 % de celui des années 1980 .Aussitôt au pouvoir, l' équipe de Bill Clinton met au point la Bottom-Up Review, ou révision de fond en comble, qui se traduit par une nouvelle diminution, moins prononcée que la première .Au final, et parce que elle a été la plus touchée, l' Army passe de 18 divisions en 1990 à 12 en 1995 ( format " Base Force " ), puis à 10 aujourd'hui .Outre le nombre de grandes unités, sont également réduits au cours de les années 1990 les effectifs en hommes et en matériels des divisions, en particulier blindées et mécanisées ; elles comprennent aujourd'hui quelque 15 000 hommes, soit environ 3 000 de moins que dans le format défini par " Army of Excellence " .Concernant les équipements, la majeure partie de la décennie 1990 se passe à améliorer les matériels existant, en faisant premièrement en sorte que toutes les unités d' active soient dotées des dernières versions des plateformes majeures ( chars Abrams, VCI Bradley, hélicoptères Apache ), deuxièmement en poursuivant les programmes lancés pendant les années 1980 ( canon Crusader¸ hélicoptère Comanche ) .Si le processus s' opère le plus souvent au détriment de les unités de réserve ( Army National Guard et Army Reserve ), qui héritent des équipements les plus vétustes, la fin de la décennie voit à l' inverse la réorganisation de certaines unités de réserve, par exemple celles désactivées quelques années avant comme la 24th mech, en unités viables censées compléter les divisions d' active, partiellement ou intégralement, au sein de les corps .au terme, l' institution parvient, en dépit de les réductions successives, à préserver l' essentiel : ses structures, sa doctrine et ses principales unités, certaines d' entre elles en réserve . [NoSaber] De la sorte, est garantie la possibilité théorique d' une remontée en puissance, en cas de résurgence d' une menace majeure .
[Cliv_SN] Durant les années 1990, toutefois, ce n' est pas tant l' éventualité d' une telle résurgence qui rend la réserve si précieuse, mais plutôt les diverses " urgences " ( contingencies ), dans les Balkans, à Haïti et ailleurs, qui nécessitent de faire appel aux réservistes afin de soulager les unités d' active .La multiplication sans précédent des opérations extérieures de toute nature , de le maintien de la paix à les alertes dans le golfe Persique , impose en effet à une structure quasiment réduite de moitié par rapport à les années 1980 un rythme opérationnel ( operational tempo ou op-tempo ) difficilement soutenable, stratégiquement comme humainement .Avec au bout du compte seulement dix grandes unités autonomes - les brigades doivent être considérablement " augmentées " en moyens de commandement et autres avant d' être employées de façon indépendante -, le rythme de rotation pose des problèmes considérables : les personnels sont mécontents d' être si longtemps à l' étranger, ce qui a une incidence négative sur le taux de réengagement ( personnel retention ), et ils ne peuvent remplir les objectifs en matière de entraînement ; sur le plan stratégique, enfin, les unités engagées dans les Balkans ou ailleurs ne sont éviAinsi, dans un contexte de budgets déclinants, les forces armées américaines , et l' Army au premier chef , sont obligées de privilégier la disponibilité opérationnelle par rapport à la modernisation, sans parler même d' innovation révolutionnaire ou de " transformation " .Pendant la majeure partie de la décennie écoulée, les experts sont d'ailleurs nombreux qui dénoncent la " catastrophe en préparation " ( the Coming Defense Train Wreck ) : de nombreux systèmes d' armes ont atteint ou dépassé leur demi-vie ( quinze ans ou davantage ) et les crédits permettant de les remplacer par une nouvelle génération ou du moins de les améliorer font défaut .Fort logiquement , compte tenu de le vieillissement de les matériels et d' un taux d' utilisation plus élevé en opérations , les frais de maintenance augmentent régulièrement .En définitive, la période 1991-2000 laisse de nombreux problèmes en suspens, et l' Army ne parvient à se sauvegarder que sur le court terme .
La préservation de l' héritage des années 1980 ne concerne pas seulement le format et la structure des forces, mais aussi leurs conditions d' emploi et plus généralement la nature des rapports civilo-militaires .La première moitié des années 1990 représente à maints égards le triomphe du " conservatisme " décrit plus haut, et qui est alors reformulé par Colin Powell, le très influent président du Comité des chefs d' états-majors ( Chairman of the Joint Chiefs of Staff ) .La " doctrine Powell " reprend ainsi les éléments de la " doctrine Weinberger " en en soulignant les aspects militaires ( les objectifs doivent être clairs et réalisables, la force doit être utilisée comme dernier recours, mais de façon décisive, overwhelming force selon la formule ) et en ajoutant la prise en compte des risques, des conséquences à terme et de la situation finale ( end-state ) créés par l' intervention .Ces conditions si contraignantes qu' elles restreignent pratiquement l' engagement militaire à la seule défense de les intérêts vitaux sont répétées à plusieurs reprises au cours de les années 1990 et font en réalité office d' arme politique aux mains des républicains .Trois expériences sont à cet égard formatrices : " Desert Storm ", " Restore Hope " et les opérations de maintien de la paix dans les Balkans .
Le contraste entre le succès de 1991 et l' échec humiliant de 1993 semble de prime abord donner raison à Colin Powell et à ses craintes concernant la sensibilité de l' opinion américaine à l'égard de les pertes .Les sondages effectués le lendemain de la mort de les 18 rangers font pourtant davantage apparaître un désir de revanche qu' une hyper-sensibilité aux pertes exigeant le retrait .A court terme, toutefois, l' abstention l' emporte, et les Etats-Unis choisissent de se désengager de Somalie et de rester passifs face à le génocide rwandais comme à la situation en Bosnie .L' institution militaire en général , Colin Powell et le leadership de l' Army en particulier , jouent de tout leur poids face à l' Administration démocrate, affaiblie par la question des homosexuels dans l' armée comme par la Somalie ; c' est ainsi Colin Powell qui met son veto à toute intervention américaine en Bosnie .Dans la foulée, Bill Clinton rédige la Presidential Decision Directive 25, ou PDD 25, qui explicite les conditions d' engagement des troupes américaines dans des opérations de basse intensité en reprenant pour l' essentiel à son compte les principes de la doctrine Powell .En réalité, et par-delà les vicissitudes entourant l' opération commando contre Aïdid, le fiasco somalien résulte d'abord de l' instrumentalisation politique qui en est faite par les conservateurs, aussi opposés au président Clinton qu' au principe même des opérations de stabilisation entreprises pour des intérêts " marginaux " .Ces réticences face aux diverses contingencies qui apparaissent ça et là se poursuivent durant toute la décennie jusqu' au Kosovo, et contribuent grandement à modeler ce que l' on peut appeler rétrospectivement la " stratégie de l' ère Clinton ", qui privilégie systématiquement les frappes aériennes et préfère ne pas engager de moyens terrestres .
L' Army est tout spécialement attentive aux dangers de l' engagement rampant ( mission creep ) et des pertes afférentes, et se structure autant que elle le peut pour rendre, par avance, impossible des interventions de ce type . [Cliv_SP] C' est dans cette perspective qu' il convient de comprendre le principe de " force écrasante " et le primat des unités lourdes : seul un déploiement massif est susceptible de minimiser les risques pendant les opérations, et la lourdeur même ( logistique et politique, puisque les réserves sont indispensables ) des forces existantes assure qu' elles ne pourront être employées facilement, c' est-à-dire lorsque des intérêts secondaires sont en jeu .Dans ce cadre, les doctrines Weinberger et Powell ont d'abord pour fonction de populariser ces préférences auprès de les politiques et de l' opinion, jusqu' à enfermer l' Army dans un paradigme d' emploi massif qui se révèle aussi inadapté que contre-productif .Outre, en effet, la multiplication des opérations de toute nature pendant les années 1990 , cette structuration massive voulue par l' Army fait également le jeu des autres Services, et singulièrement de l' Air Force, en les plaçant automatiquement en première ligne, et donc dessert les propres intérêts de l' armée de terre .
En dépit de menaces de retrait de moins en moins crédibles parce que réitérées chaque année, l' engagement durable des forces terrestres américaines en Bosnie à partir de 1995 , qui suit et précède de près Haïti et le Timor, marque dans les faits la fin de la doctrine Powell ; la crédibilité " stratégique " du Général est de toute façon remise en cause, dans la mesure où il s' est systématiquement opposé à toutes les interventions américaines, depuis Panama jusqu' à la Bosnie, en passant par le Golfe en 1991 .Or, de multiples facteurs politiques - solidarité avec les alliés , pressions de l' opinion - se combinent pour rendre intenable dans la pratique ce principe d' abstention quasi permanente .En parallèle à l' abandon de la doctrine Powell, les PKO ( Peace Keeping Operations ) font apparaître l' inadaptation des structures et même des équipements de la " première force terrestre du monde " : l' organisation divisionnaire ne facilite pas des déploiements rapides, les brigades ne sont pas autonomes ; les engins comme l' Abrams sont impressionnants mais dépassent le gabarit routier normal, et éprouvent donc le plus grand mal à entrer dans les villages ou à négocier les routes de montagne bosniaques que leurs chenilles détruisent ...Etant donné le contexte politique et l' attention médiatique qui entourent les opérations de paix , il devient également problématique de définir et plus encore d' appliquer des " règles d' engagement " ( ROE ), c' est-à-dire d' ouverture du feu, qui limitent à la fois les risques de " bavures " et de pertes militaires tout aussi dommageables politiquement .La combativité des troupes a enfin tendance à s' émousser, et le rythme des rotations interdit le plus souvent un ré-entraînement rigoureux au combat .
En bref, et si tous les contingents occidentaux rencontrent peu ou prou ces problèmes, l' Army est singulièrement prise à contre-pied : le combat de haute intensité pour lequel elle s' est préparée et structurée joue en sa défaveur dès lors que la rapidité et la souplesse de la réponse ( responsiveness ) priment sur la puissance ( decisiveness ) .Estimant que des forces de combat peuvent effectuer des missions de maintien de la paix au prix de quelques ajustement mineurs, alors que l' inverse n' est pas vrai, l' institution préfère néanmoins maintenir le cap tout en assurant au jour le jour les tâches de maintien de l' ordre .Plus profondément, toutefois, l' expérience des Balkans explique que l' Army, contrairement à la Navy ou à l' Air Force, ait pris, ou repris, conscience de la dimension humaine de la guerre et de l' importance politique de la présence de troupes au sol : une stratégie de frappes ne permet pas toujours de contrôler un territoire habité, et il est des conflits qui ne se concluent pas avec les opérations militaires offensives, mais nécessitent sécurisation et reconstruction, c' est-à-dire occupation dans la durée .Ainsi, et alors que les SSC ( Small-Scale Contingencies ) représentent une contradiction flagrante avec les aspirations doctrinales et stratégiques de l' Army, entièrement tournées vers la " grande guerre ", elles n' en ont pas moins joué un rôle décisif en préparant les esprits au plan Shinseki .
Par rapport à tous les facteurs et tendances à l' oeuvre durant les années 1990, qui s' agrégeaient sans susciter pour autant de crise majeure, il est clair que le fiasco de la " Task Force Hawk " en avril 1999 a fait figure de réveil extrêmement brutal pour l' armée de terre .
[Present] Il s' agissait pourtant de déployer en Albanie un bataillon d' hélicoptères Apache, afin de les engager éventuellement au Kosovo en sus des opérations aériennes alors en cours .Non seulement la phase de déploiement s' est avérée considérablement plus longue que prévue, mais encore elle a été ponctuée par plusieurs incidents, dont la perte de deux hélicoptères et d' un équipage .au final, " Task Force Hawk " n' a tout simplement pas été engagée, malgré un déploiement considérable : 6 200 hommes, 24 hélicoptères, une batterie MLRS, soit 26 000 tonnes d' équipement acheminées par 442 rotations de C - 17 et 269 de C - 130 pour un coût de 480 millions de dollars .A ce compte -là, l' Air Force et la Navy ont eu la partie facile, et il suffit de parcourir la presse ou les articles spécialisés de l' année 1999 pour constater que de plus en plus d' experts ou de commentateurs s' interrogent sur la nécessité pour les Etats-Unis de conserver une armée de terre importante, dès lors que les moyens de frappe à distance et les Services correspondant démontrent une réactivité supérieure et une capacité autonome à emporter la décision .A l'évidence, les événements ne se sont pas déroulés aussi simplement, et les raisons exactes qui ont poussé Slobodan Milosevic à capituler font encore aujourd'hui l' objet de débats .L' essentiel ne réside pas là, cependant, mais bien dans la perception d' inutilité ( irrelevance ) qui s' est attachée à l' Army et risque de lui coûter cher dans la bataille budgétaire à venir .
Le Kosovo, en effet , a lieu un an avant les élections générales, elles -mêmes suivies d' une seconde " Revue quadriennale de défense ", d' un nouveau gouvernement et d' une législature renouvelée ; pour la première fois depuis longtemps existe donc l' opportunité d' un changement de stratégie et d' une réallocation des crédits et des " rôles et missions " correspondant au sein de le département de la Défense .En bref, l' Army risque gros et ne peut se permettre de donner l' impression qu' elle poursuit sur sa lancée ( " business as usual " ) comme si rien ne s' était passé ; dans le contexte de l' après-Kosovo, l' inertie ne peut qu' être politiquement dommageable .
Ce point est d' autant plus important que les deux candidats principaux ont, au moins rhétoriquement, fait allégeance à la RMA et ont promis de moderniser l' appareil militaire américain .George W. Bush , en particulier , en a repris l'un des slogans les plus répandus, à savoir la nécessité de " sauter une génération d' armements " .En outre, son entourage semble clairement séduit par les frappes à distance et très réticent à l' endroit des opérations de stabilisation ; l' Army se retrouve donc attaquée " par le haut " et " par le bas " .L' arrivée aux affaires de Donald Rumsfeld , partisan convaincu de la RMA , se traduit d'ailleurs par le lancement immédiat en 2001 d' une série de " revues " qui menacent tant les programmes en cours que les structures de force : dans le cadre budgétaire restrictif de l' avant - 11 septembre, le financement de la " transformation militaire " proclamée a de fortes chances d' entraîner une réduction du nombre de divisions terrestres .
Dans ce contexte politiquement chargé, et dont l' urgence va croissant entre 1999 et 2001, l' Army n' a donc pas d' autre choix que d' embrasser " intégralement la rhétorique de la RMA et de proposer dans la foulée un projet " révolutionnaire " qui d'emblée permette d' occuper le terrain " budgétaire, ce qui passe par des acquisitions de matériels à très brève échéance, tout en remédiant aux insuffisances mises en lumière par le fiasco albanais et en préservant ce qui peut l' être des acquis doctrinaux des années passées .
Une fois absorbées les réductions de format consécutives à la fin de la guerre froide, l' Army se retrouve simultanément confrontée à la multiplication des interventions et à la montée en puissance de l' école de la RMA, qui met en cause les formats, les doctrines et les équipements existant .Les exercices de réflexion et d' expérimentation lancés par l' Army à partir de 1994 répondent pour partie à ces pressions, tout en reflétant les choix propres de l' institution .
[On...] Après 1995, et compte tenu des engagements internationaux des Etats-Unis, on aurait pu croire finie la période de réductions des forces et de diminution des crédits .force [Il..._SN] Il n' en a rien été dans les faits, comme le montre la première QDR, lancée en 1997, et qui avait apparemment pour fonction première de préparer les inévitables réductions de format que ne manquerait pas d' entraîner après 2000 un budget de la défense stagnant - de modestes réductions d' effectifs sont ainsi organisées à partir de cette date . [Cliv] C' est seulement à partir de 1999 que la bonne santé de l' économie américaine et la disparition du déficit fédéral convainquent l' exécutif, d'ailleurs sous la pression conjointe du Congrès et des interventions en cascade, d' augmenter les crédits alloués à la défense .En ce sens, les premiers projets innovants lancés par l' Army durant les années 1990 , " Force XXI " et " Army After Next " , visent d'abord à préparer le long terme tout en absorbant le choc de l' après-guerre froide, c' est-à-dire la réduction du format global et des crédits, et en continuant d' assurer les missions spécifiées dans la Bottom-Up Review, à savoir mener victorieusement et simultanément deux " conflits régionaux majeurs " ( Major Regional Contingencies ou MRC ) dans le Golfe et sur la péninsule coréenne .au fur et à mesure que s' amplifie le mouvement de la RMA, les initiatives doctrinales lancées acquièrent une fonction supplémentaire : " préempter " les critiques des tenants de la RMA en incorporant leur vocabulaire et, pour partie seulement, leurs recommandations .
Pour de nombreux partisans d' une modernisation accélérée, c' est-à-dire " révolutionnaire ", les seules marges de manoeuvre budgétaire disponibles , en période de austérité , sont en effet à rechercher dans l' arrêt des programmes " non révolutionnaires " ( legacy programs ) et dans la réduction du format des forces terrestres .Or, dans la mesure où les interventions semblent démontrer les unes après les autres, du Golfe au Kosovo, que le " complexe de reconnaissance-frappe " en cours de formation se suffit pratiquement à lui -même et que les alliés au sol de toute façon ne manquent pas, la position de l' Army apparaît de plus en plus fragile et à la merci de une décision politique .En outre, les capacités de frappe à longue distance ne cessent de s' améliorer et de se répandre pendant les années 1990 : les munitions de précision ( PGM ou Precision Guided Munitions ) représentent ainsi 10 % du tonnage total utilisé pendant " Desert Storm ", 35 % pour " Allied Force " et plus de 60 % pour " Enduring Freedom " ( " Liberté immuable " ) ; l' arrivée du guidage par GPS permet d' obtenir une grande précision par tous les temps, et pour une fraction de ce que coûtent les missiles de croisière .L' arrivée à maturité " de les frappes précises à distance de sécurité , voire à très grande distance , ne semble pas seulement réaliser les attentes des avocats historiques de l' Air Power " depuis Mitchell ; plus fondamentalement, elle met en question la nécessité du combat de près, qui constitue bien entendu la raison d' être des forces terrestres .
Grâce à les progrès considérables de l' électronique et de l' informatique ( doublement de la puissance des processeurs tous les dix-huit mois ), la révolution de la précision s' accompagne d' améliorations tout aussi spectaculaires en matière de acquisition ( capteurs ), et surtout de traitement et de diffusion de l' information ( bande passante ) jusqu' à promettre la possibilité d' un champ de bataille rendu " transparent " et donc entièrement ouvert à des frappes discriminantes conduites à grande distance - l' inflation linguistique n' est pas en reste : on passe duDans le même ordre d' idées, la Navy entend exploiter au mieux les nouvelles possibilités des technologies de l' information et lance le concept de network-centric warfare ou paradigme de la " guerre réseau-centrée ", c' est-à-dire fondé sur l' échange continu d' informations entre les différentes plateformes .
La première initiative de l' Army consiste justement à essayer d' exploiter les progrès en matière de C4ISR . " Force XXI " se résume ainsi en un mot : la digitalisation, soit le fait d' équiper les différents véhicules et systèmes d' armes, et en particulier les véhicules de commandement, avec des terminaux informatiques reliés les uns aux autres et les programmes informatiques correspondant .Dénommés collectivement FBCB2, pour Force XXI Battle Command, Brigade and Below, ces logiciels gèrent simultanément le commandement, le positionnement terrestre par GPS, les transmissions par radio et satellite, l' identification ami-ennemi ou encore les courriers électroniques et les images .Les programmes et le réseau ( intranet tactique ) fonctionnent sur des terminaux dédiés rajoutés aux plateformes existantes ( appliqué ) ou intégrées dès l' origine pour les plus modernes d' entre elles ( Apache Longbow, M1A2 Abrams ) .Une brigade comprend plus de 1 000 ordinateurs .
La digitalisation doit permettre de réduire la friction inhérente aux opérations militaires, en assurant aux unités la capacité de maîtriser leur environnement ( localisation des " amis ", des ennemis et des neutres ) et de communiquer leur situation tactique, et en donnant aux chefs la possibilité d' une manoeuvre beaucoup plus rapide .En ce sens, la digitalisation fonctionne comme un " multiplicateur de force ", c' est-à-dire qu' elle permet d' accélérer le cycle " OODA " et donc d' accroître la mobilité et la puissance de feu .Dans le même temps, toutefois, la digitalisation pose de délicats problèmes de commandement : il s' agit de savoir jusqu' à quel niveau hiérarchique distribuer l' information, et plus généralement quelle approche du commandement adopter .Mis en lumière par " Force XXI " ¸ ces_NEW_ XXI " ¸ ces ¸ ces problèmes sont loin de avoir été résolus depuis lors .
Lancé en 1994 par le général Sullivan, le projet Force XXI est conduit sous la responsabilité du TRADOC, qui organise une série d' expérimentations, de manoeuvres et de wargames ( les AWE ou Advanced Warfighting Experiments ) .Etant donné les réductions alors en cours et les multiples opérations outre-mer impliquant l' Army , il est décidé de donner la priorité aux unités lourdes et de procéder de façon progressive et focalisée, en digitalisant brigade par brigade la 4th Infantry Division, désignée comme EXFOR ou Experimental Force .Le fait de concentrer ainsi l' innovation sur une seule unité qui passe tout son temps à le National Training Center , à s' entraîner contre l' OPFOR , permet non seulement de travailler sur la durée, mais encore d' expérimenter différentes possibilités .Pas moins de 11 options sont ainsi examinées, qui semblent avoir repris certains projets de réorganisation divisionnaire remontant aux années 1970 et 1980 .En particulier, TRADOC analyse l' impact de la digitalisation en termes de modularité : il s' agit de savoir s' il est désormais possible d' organiser des brigades permanentes constituant les éléments fixes de divisions ad hoc . [SujetInv_SN] De même, est essayé un format divisionnaire mixte, un peu à la manière de TRICAP, qui mélange infanterie légère, blindés et hélicoptères .Le modèle intérimaire, ou " Force XXI Interim Division ", retient finalement une organisation assez proche de la division lourde normale, mais avec des capacités interarmes renforcées, en particulier infanterie, feux à longue portée, reconnaissance et renseignement - ces derniers points correspondant sans surprise aux programmes de modernisation alors en cours, obusier automoteur Paladin, missile à longue portée ATACMS et hélicoptère de reconnaissance armée Comanche .
Si le projet est en définitive absorbé par les plans suivants, il n' en laisse pas moins plusieurs héritages importants .En premier lieu, la nature progressive et focalisée de l' expérimentation a assuré son relatif succès, sans pour autant parvenir à résoudre les difficiles questions de commandement soulevées par la digitalisation .En deuxième lieu, " Force XXI " a ouvert la voie, du double point de vue de la méthodologie et de la doctrine, aux projets suivants, " Army After Next " et " Objective Force " : le premier reprend et projette dans le long terme les implications de la digitalisation ; le second en retient les applications directes en matière de C4ISR, mais aussi le principe d' unités expérimentales permanentes, en l'espèce les " brigades interarmes intérimaires " .En troisième lieu, enfin, " ForceXXI " a débouché sur le système FBCB2 ( Force Battle Command, Brigade and Below ) et le programme de digitalisation en cours de certaines unités lourdes .
Contrairement à " Force XXI ", qui cherche à mettre à profit les avancées existantes de la technologie, " Army After Next " ( AAN ) se focalise spécifiquement sur le long terme, soit par construction la période 2015 - 2025 . [Present] En conséquence, il s' agit davantage d' une vision et de structures de forces théoriques que d' un programme à proprement parler .En l'absence des technologies concrètes requises, AAN a consisté pour l' essentiel en une série de wargames . [Cliv_SN] C' est l' occasion pour l' ArmyArmy
En explorant les possibilités à long terme de la " révolution de l' information ", l' Army a cherché à prendre en compte les menaces futures telles qu' elles sont notamment annoncées par les partisans de la RMA : prolifération des armes de destruction massive, dissémination partielle des technologies de pointe ( niche capabilities ) et recours systématique au déni d' accès . [Interro] La problématique envisagée est double : comment préserver la possibilité de l' intervention à grande distance face à les stratégies de déni d' accès, qui interdisent de procéder à une montée en puissance progressive ; comment améliorer la capacité de manoeuvre terrestre face à l' augmentation prévisible de la puissance de feu produite par la diffusion des frappes de précision ?Les wargames conduits de 1996 à 2000 font émerger deux réponses simples, la vitesse et la profondeur : il va s' agir pour l' armée de terre de multiplier par dix ( " by an order of magnitude " ) la réactivité stratégique et la vitesse d' exécution tactique, et d' opérer sur l' ensemble du théâtre .S' agissant de l' arrivée en force sur un théâtre sous la menace de frappes adverses ( forcible entry ), la solution proposée passe par des opérations " dispersées " ( distributed ), c' est-à-dire non linéaires ; l' absence d' un front et d' une zone arrière bien délimités doit permettre de minimiser la vulnérabilité initiale .De même, et pendant toute la durée des opérations, la maîtrise des technologies de l' information est pensée comme autorisant la délocalisation hors du théâtre de nombreuses fonctions de commandement ou de soutien, en sorte que les unités sur place puissent limiter leur logistique et " se retourner " en tant que de besoin ( reach back ), via en particulier les communications satellites, vers les moyens basés hors du théâtre .Ce " parapluie informationnel " doit également permettre de maintenir un tempo tactique et opératif très élevé, tel que l' action des forces terrestres conjuguée aux frappes à longue distance fournies par les autres armées puisse saturer d'emblée et définitivement la " boucle de décision " ( OODA loop ) ennemie .En bref, la rapidité des opérations permet de saisir des avantages de position dans l' espace comme de déborder l' adversaire dans le temps, et donc de dominer son processus de décision . [On...] A l'évidence, on retrouve là les principes fondamentaux du paradigme de la guerreguerre
Pour intéressant qu' il soit d' un point de vue théorique, le projet AAN et les conclusions qui en sont tirées ne vont pas sans soulever de nombreuses questions .Le cadre posé par AAN est clairement celui, classique, de la grande guerre mécanisée, mais les moyens envisagés, supériorité " spatio-informationnelle ", feux ultra-précis à distance de sécurité, etc ., vont tout aussi clairement dans le sens préconisé par la RMA . Tout en proclamant que seules les forces terrestres sont à même de contrôler territoires et populations, l' Army apparaît d'ailleurs singulièrement réticente à s' engager de près et compte en fait se reposer dans le futur sur la maîtrise américaine de l' information, comme elle s' est reposée en 1991 sur la suLes problèmes épineux comme le combat en zone urbaine ou difficile sont laissés simplement de côté , et la manoeuvre semble avoir principalement pour but d' obliger l' adversaire à se concentrer en réponse, et ce faisant à se rendre vulnérable aux feux à longue portée .Or, l' US Air Force est évidemment mieux placée, à l'heure actuelle en tout cas, pour revendiquer cette conception des opérations militaires et surtout mettre en pratique les feux à longue portée, partie décisive de cette stratégie .En outre, les réticences de l' Army à l' endroit de les " Operations Other Than War " et la focalisation sur le combat de haute intensité rentrent également en contradiction avec le slogan du " contrôle de l' espace ", et surtout apparaissent singulièrement décalés par rapport à les réalités immédiates auxquelles doit faire face l' institution .
Dans la continuation du plan AAN, l' Army entreprend à partir de 1996 de constituer une " Mobile Strike Force " .A l'origine, celle -ci doit se composer d' un Q.G. d' un nouveau type, plus agile logistiquement, puis d' unités modulaires de niveau brigade, aux effectifs et à la composition variables ( entre 3 000 et 5 000 hommes ), définis en fonction de la mission .
[Present_SP] Il s' agit de disposer d' une force initiale utileforceInitiée par le général Reimer, " Strike Force " passe par la constitution d' un Q.G. dédié, combinée à une série de manoeuvres et de tests conduite par le 2nd Armored Cavalry Regiment . [On...] On retrouve là, héritée de FXXI, l' idée de processus d' expérimentation focalisé sur une unité-test ( test-bed unit ) .Dans une perspective à long terme, la transformation du 2nd ACR en " Strike Force " représente une sorte de prototype pour AAN . A plus court terme, le projet mise sur la digitalisation afin de délocaliser de nombreuses fonctions désormais remplies par des éléments non organiques ; le Q.G. " Strike Force " doit s' en trouver plus léger et donc plus facilement déployable .Par là, le général Reimer reprend à son compte, quoique de façon limitée, les différentes propositions de réorganisation lancées à la fin de les années 1990, et qui recommandent d' abandonner le système divisionnaire, trop lourd, au profit de unités intermédiaires dotées d' une réelle autonomie d' action mais comparables à des brigades en termes de volume .En ce sens, et contrairement à FXXI ou AAN, " Strike Force " a représenté la première tentative véritable d' adaptation de l' Army aux exigences du contexte international, par opposition à des scénarios de grande guerre correspondant aux préférences de l' institution .
L' ironie du sort a voulu que ce projet arrive en phase de développement au printemps 1999, juste au moment où le Kosovo révélait au grand jour les déficiences de l' Army, menaçant de dégénérer en une véritable affaire politique .
[On..._SN] A considérer tout ce qui précède, depuis l' histoire doctrinale de l' institution, riche d' expérimentations et de projets en tous genres s' intéressant, entre autres, aux interventions hors des théâtres habituels de la guerre froide, jusqu' au traumatisme causé par " Task Force Hawk ", e on ne peut que constater tout ce que le projet " Objective Force "force [On...] Dans le plan initié en 1999 par le général Shinseki, nouveau chef d' état-major, on retrouve en effet tant les facteurs conjoncturels comme le fiasco albanais ou les attaques montantes des partisans de l' Air Power que les aspirations fondamentales de l' armée de terre ou les débats traditionnels qui la traversent en interne quant à sa mission première .
Plus précisément, le plan Shinseki reprend la démarche et les résultats de FXXI et d' AAN, tout en incorporant des éléments plus anciens, par exemple les tentatives des années 1980 pour créer une division puissante mais facilement déployable, HTLD ou HTMD . La démarche est en fait triple, puisqu' il s' agit simultanément de moderniser sélectivement les forces lourdes ( " Legacy Force " ), de constituer des unités " moyennes " ( " Interim Force " ) équilibrant les avantages et les inconvénients respectifs des divisions lourdes et des divisions légères ; enfin, de lancer l
[Present] Il existe toutefois une différence essentielle avec les initiatives précédentes, qui tient à l' accélération considérable du " calendrier " : là où " Strike Force " prévoyait un Q.G. et peut-être une unité en 2003, le plan " Interim Force " entreprend de mettre sur pied 5, 6 ou même 8 brigades interarmes d' ici à 2007 ; le raccourcissement est encore plus net pour " Objective Force ", censée entrer en action à partir de 2008, quand " Army After Next " se projetait à l' horizon 2025 .Si cette accélération témoigne de l' urgence politique de la réforme , elle n' en constitue pas moins un pari risqué, eu égard à l' état des technologies comme aux besoins budgétaires impliqués, et que le général Shinseki a évalué entre 40 et 70 milliards de dollars .
[Il..._SN] Compte tenu de les impératifs conjoints de la transformation et de la disponibilité opérationnelle, il était indispensable que l' Army réduise ses investissements en matière de recapitalisation des forces, c' est-à-dire de modernisation progressive .Pour cette raison, il a été décidé de limiter le programme de digitalisation des forces - initialement censé être appliqué aux unités lourdes puis aux unités légères - au seul IIIe Corps, désormais désigné comme " force de contre-attaque " et plus spécialement chargé de l' Asie de l' Est ( " PACOM " ), la Corée étant l'un des derniers théâtres susceptibles de requérir d' importantes forces lourdes .Comprenant la 1st Cav . Division, la 4th Infantry Division ( Mech ) et le 3rd Armored Cavalry Regiment , ainsi que de les éléments de soutien et de les unités de réserve " mariées " à les divisions d' active , le " Counterattack Corps " constitue la réserve stratégique de l' armée de terre et participe à la défense du territoire tout en étant prêt à se déployer et à engager des actions " décisives " .A ce titre, le " porte-drapeau " de la " Legacy Force " est appelé à bénéficier d' un plan de recapitalisation partielle, mêlant le rajeunissement de l' ensemble des plateformes en service et l' amélioration de certains systèmes : passage de la version M1A1 à la version M1A2 ( System Enhancement Program ou SEP ) pour le char Abrams, passage au Bradley M2A3 et à la version AH-64D Longbow de l' hélicoptère Apache, enfin intégration des derniers systèmes digitalisés de commandement ( ABCS ) .Avec la réforme de la réserve, désormais plus étroitement associée à l' armée d' active, cette recapitalisation modérée s' étend aux unités de réserve du IIIe Corps .
Outre le à la fois Ve Corps ( " Victory Corps " ), basé en Allemagne et plus spécialement axé sur la coopération au sein de l' OTAN et le maintien de la paix dans les Balkans , l' Army comprend le Ier Corps ( " America's Corps " ), qui supervise la transformation et les deux brigades expérimentant le nouveau format IBCT à Fort Lewis et ne compte par ailleurs que des unités de réserve, enfin le XVIIIe Corps aéroporté, plus spécialement chargé de répondre rapidement aux urgences susceptibles de se manifester, en particulier au Moyen-Orient ( " ARCENT " ou Composante terrest)Justement appelé " Contingency Corps ", le XVIIIe rassemble les unités ( 101st Air Assault, 82nd Airborne, 10th Mountain, 3rd Mech . ) devant être " transformées " les premières au sein de " Objective Force " .
Pensée pour limiter les risques associés à la transformation, cette répartition fonctionnelle est également géographique et dessine les contours possibles d' une armée de terre " à plusieurs vitesses ", avec le XVIIIe Corps en pointe, les Ier et Ve Corps en seconde ligne et moins opérationnels, enfin le IIIe Corps comme réserve " décisive " .En plus de ses vertus stratégiques, entre autres en termes de déploiement, cette réorganisation constitue sans doute une concession faite aux différents courants qui traversent l' Army : les armes ( branches ) lourdes, traditionnellement dominantes, et qui sont défavorables au plan Shinseki, conservent un " espace préservé " avec les IIIe et Ve Corps, tandis que les " lights " du XVIIIe sont appelés à bénéficier en premier des retombées de la transformation .
La brigade interarmes intermédiaire, dite IBCT ( " Interim Brigade Combat Team " ) , a été lancée en octobre 1999 et vise deux grands objectifs : préparer la voie aux systèmes et aux formations futures de l' Objective Force ", et corriger les déficiences constatées récemment en matière de déploiement rapide et de " versatilité " des forces terrestres américaines, ce qui implique une réorganisation des structures .
D'abord appelé " Medium Brigade ", l' IBCT est annoncée " lethal, survivable, mobile, deployable, sustainable, all-spectrum " . [Cliv] Ce sont là autant de qualificatifs " codés " qui reprennent les qualités respectives des forces lourdes et légères : les deux premiers font référence aux capacités offensives et défensives ( puissance de feu et protection ) des heavies, le troisième à leur mobilité tactique tout terrain, là où les unités d' infanterie sont pratiquement immobiles ; en sens inverse, ces dernières sont très mobiles stratégiquement, puisque légères, faciles à déployer et à soutenir . [On...] On le voit, il s' agit du vieux problème de la " brèche " ( gap ) entre forces légères et forces lourdes .Tandis que les premières arrivent en quelques jours sur le théâtre, mais ont une faible valeur militaire, en particulier contre un adversaire mécanisé, les secondes ont besoin quant à elles de plusieurs semaines pour se déployer, ce qui crée une fenêtre de vulnérabilité maximale entre, en gros, la première et la sixième semaine pour un déploiement dans le golfe Persique .En outre, les wargames et les analyses ont bien fait apparaître que la vulnérabilité principale de la posture stratégique américaine tenait à ces délais de déploiement importants et que les adversaires des Etats-Unis chercheraient probablement à leur interdire l' accès au théâtre .Pour répondre à ces critiques, qu' on retrouve fréquemment chez les partisans de la RMA ou de l' Air Power ( l' US Air Force insiste sur sa réactivité, responsiveness ), le plan " Army Vision " d' octobre 1999 a fixé des objectifs très ambitieux : déployer une IBCT en 96 heures, la première division en 120 heures, et le corps entier en 30 jours, et ce, n' importe où dans le monde .
[NoSaber] A cette mobilité stratégique impressionnante, traditionnellement associée aux seules unités légères, doivent correspondre une égale mobilité tactique et un certain degré de protection pour les personnels, puisque l' IBCT doit pouvoir être engagée de façon autonome et sur tout le spectre des opérations .Eu égard à ces considérations, la brigade intermédiaire est " montée " ( mounted ), c' est-à-dire qu' elle dispose en propre de véhicules de type " blindés légers à roues " .Le choix du LAV-III ( Light Infantry Vehicle ), dont de les versions antérieures sont en service dans les forces armées canadiennes et l' US Marine Corps , tient justement à sa légèreté : à 17 tonnes sans blindage externe ajouté, le Stryker, tel qu' il a été rebaptisé, peut tenir dans un C - 130, avion qui constitue encore aujourd'hui le gros de la flotte de transport aérien tactique des pays occidentaux, Etats-Unis en tête .En outre, le choix d' une plateforme à roues , par opposition à les chenilles , permet d' accroître notablement la mobilité sur routes et de réduire les besoins logistiques ( carburant, pièces détachées ), et l' équipage est à l'abri de les munitions de petit calibre ( jusqu' au 14,5 mm ) .Enfin, la désignation d' un châssis commun à tous les véhicules spécialisés ( véhicule de commandement , antichar , artillerie ) constitue là aussi un avantage logistique important, le caractère interchangeable des pièces détachées entraînant une nette simplification des procédures de maintenance et de réparation .
En ce qui concerne sa composition, l' IBCT hérite assez directement des initiatives de réforme précédentes, à commencer par la " Mobile Strike Force " . [Present] Il s' agit en effet d' une brigade d' environ 4 000 hommes, mais prévue pour recevoir en augmentation des éléments divisionnaires ( génie, renseignement, hélicoptères ... ) ou pour s' articuler elle -même au sein de un dispositif plus large .Elle comprend 3 bataillons d' infanterie, 1 bataillon d' artillerie orienté sur le tir de contre-batterie, plusieurs sections de mortiers, 1 bataillon de soutien, quelques moyens antichar ( 1 compagnie ) et les éléments de commandement .L' ensemble constitue à proprement parler une unité d' infanterie montée, comparable à ce que furent les " dragons " au XVIIe siècle : les plateformes ont d'abord pour fonction de transporter les troupes, puis de les appuyer au combat, mais celui -ci est effectué à pied ( dismounted ) .Ce format, assez classique en apparence , assez classique en apparence, a cependant ceci d' original qu' il dissocie les hommes des plateformes en situation de combat, initiative qui va à l'encontre des traditions de l' infanterie mécanisée américaine, très " véhiculaire " ; il est en outre clairement orienté vers le combat en terrain difficile, zone urbaine ou montagneuse, là encore tout ce que l' armée de terre institutionnelle " préfère généralement éviter .L' innovation la plus visible tient à l' inclusion des dernières avancées en matière de C4ISR et à l' incorporation d' une composante originale, l' escadron de reconnaissance, de surveillance et d' acquisition des cibles ( Reconnaissance, Surveillance, Target Acquisition ou RSTA squadron ) .Dans la foulée des expérimentations conduites pendant la décennie et culminant avec " Force XXI ", les éléments de l' IBCT ont été mis en réseau les uns avec les autres, tout en réservant explicitement la possibilité de relier en temps quasi réel la brigade à n' importe quelle autre unité, qu' elle appartienne à l' Army, l' Air Force ou à un contingent allié .Décrite comme un pas significatif en direction de la jointness ( " interarmisation " ), la brigade interarmes a été optimisée pour bénéficier de l' appui-feu ou du soutien logistique externe - on retrouve le concept de reach-back - lors de une opération de grande envergure ou en cas de urgence .au niveau tactique, l' escadron RSTA reproduit les mêmes fonctionnalités, centralisant et distribuant le renseignement .Grâce à les UAV et capteurs perfectionnés ( acoustique, systèmes REMBASS ) qu' il incorpore, l' escadron RSTA est plus qu' un simple détachement de reconnaissance au sens classique, car il est censé pratiquer la reconnaissance à distance, et non par contact .De la sorte, l' IBCT peut couvrir un espace très important ( 50 km x 50 km ) et s' adapter aux situations les plus diverses, offensive ou défensive, de basse comme de haute intensité .
au final, ce type d' organisation semble idéalement adapté aux " urgences " diverses et autres Small-Scale Contingencies auxquelles l' armée de terre a été appelée à faire face à le cours des années 1990 .Facile à déployer, mobile à l'arrivée et offrant néanmoins aux hommes qui la composent une certaine protection et une puissance de feu non négligeable, l' IBCT est certes prévue pour couvrir tout le spectre opérationnel, mais il paraît assez clair qu' elle a été optimisée pour la moitié inférieure de ce spectre et que, pour l' heure, un conflit de haute intensité la verrait probablement reléguée à un rôle d' appoint - par exemple flanc-garde à la manière de la division Daguet, saisie d' un objectif secondaire, etc . [SujetInv] Reste donc à savoir ce qu' elle peut véritablement accomplir, et en particulier si elle permet de combler la " brèche " entre lights et heavies, ou si, comme le prétendent certains critiques, elle est essentiellement optimisée pour les missions de stabilisation ( l' expression SASO, pour Stability and Support Operations, a officiellement remplacé Operations Other Than War ) .Dans la même perspective, il est sans doute trop tôt pour déterminer la valeur réelle de la mise en réseau des éléments de la brigade, et l' impact de cette interconnexion sur le tempo, la sûreté et l' efficacité des opérations . [Il...] En ce sens, et pour que l' IBCT remplisse sa fonction d' unité expérimentale ( test-bed unit ) au profit de l' Objective Force " à venir, il faut encore qu' elle soit mise à l' épreuve de la réalité .
Si l' Interim Force " emprunte aux années 1980 ( HTLD et HTMD ) et aux initiatives plus récentes comme " Force XXI " et " Mobile Strike Force ", le projet " Objective Force " doit quant à lui beaucoup à " Army Vision 2020 " et à " Army After Next " : loin de les obligations terre-à-terre ( si l' on ose dire ) liées aux SASO, " Objective Force " semble, pour ce que l' on en connaît aujourd'hui, se focaliser sur le combat de haute intensité et les possibilités offertes en la matière par les technologies les plus avancées, en cours de développement et surtout en projet .En outre, ce projet est par nature beaucoup plus ambitieux, puisqu' il est prévu que ce format remplace à partir de 2008-2010 l' intégralité de l' Army, legacy forces comme interim forces .Les développements technologiques anticipés et la qualité attendue, entre autres au niveau de les plateformes , sont censés être tels que la capacité de l' ensemble des forces à traiter les opérations de basse intensité s' en suivra naturellement . [Present] Il s' agit en effet de mettre sur pied une force intégralement digitalisée, connectée en temps réel à tous les moyens interarmées ou coalisés, dotée de moyens d' acquisition et de frappe à longue portée, enfin utilisant une famille de véhicules empruntant aux blindés légers leur faible poids et les avantages associés, et aux blindés lourds leur puissance de feu et leur niveau de protection .
Avec les éléments interconnectés de l' IBCT ou des divisions FXXI comme modèle, le but est de relier l' intégralité des plateformes et des personnels jusqu' à obtenir un " système des systèmes " terrestre, parfaitement intégrable au système des systèmes interarmées et éventuellement multinational .Le paradigme suivi est bien celui de la " guerre réseau-centrée " ( network-centric warfare ), qui entend s' appuyer sur les échanges d' information comme un multiplicateur de force et d' efficacité à tous les niveaux : boucle " sensor to shooter " raccourcie, protection multidimensionnelle, logistique sur mesure ...L' Army entend tirer parti des progrès technologiques en cours, en particulier en termes de C4ISR ( acquisition, traitement et dissémination de l' information ), mais aussi en matière de carburant, de matériaux composites ou encore de munitions, bref tout ce qui touche aux plateformes .L' Army nouveau modèle en projet doit en effet s' articuler autour de le FCS ou Future Combat System, la famille de véhicules futurs censés réunir les qualités des plateformes légères et des plateformes lourdes, et dont une vingtaine de variantes sont envisagées à l'heure actuelle .Conduite par de très nombreux laboratoires et bureaux d' étude sous la direction de Boeing et de SAIC en tant que intégrateurs-systèmes, cette recherche doit déboucher sur un premier démonstrateur en 2003, et sur des prototypes en 2007 .
Par-delà les matériels et le concept général, l' organisation de l' Objective Force " et les structures de force sont encore à l' étude ; l' Army veut aller vers davantage de modularité, et compte rassembler toutes ces composantes diverses à l'intérieur de un modèle simplifié, comprenant " unités d' action " ( units of action ), " unités de commandement " ( units of employment littéralement, qui déterminent l' emploi des " unités d' action " et leur adjoignent des capacités non organiques telles qu' hélicoptères ou unités de génie ) et unités de soutien délocalisées - leParce que elle réorganiserait l' ensemble des structures de force, la modularité irait dans le même sens que la plateforme commune FCS . Seraient ainsi définitivement abolies les distinctions entre lights et heavies .
A l'évidence, le projet d' ensemble suppose des avancées technologiques considérables, puisque la simplification de la logistique, le tempo des opérations et jusqu' à la réconciliation des " cultures " de l' Army passent par la réalisation du FCS, plateforme unique déclinée en variantes nombreuses et réunissant les avantages combinés des véhicules légers et des blindés lourds . [SujetInv] Sont concernés pêle-mêle les carburants - l' Army place de grands espoirs dans les piles à combustible -, l' allégement et l' amélioration simultanée des blindages et des moyens de défense active ou encore les canons électrochimiques .Or, les estimations les plus courantes en la matière soulignent que la plupart de ces technologies ne seront pas prêtes avant 2020, soit douze ans après l' entrée en service théorique du FCS . Demeurent enfin de nombreuses inconnues politiques et budgétaires . [Il..._SN] Sans savoir pour l' heure à quoi l' Objective Force " est appelée à ressembler réellement, il est difficile d' émettre un avis définitif .En l'état, le projet laisse cependant plutôt sceptique .
Malgré un accueil initialement favorable, le projet Shinseki fait aujourd'hui l' objet d' un intense débat aux Etats-Unis, particulièrement au sein de la communauté de défense et de l' armée de terre elle -même .Bien que largement conditionné par les rivalités entre Services et les motivations politiques, ce débat permet de mettre en évidence les faiblesses du projet, qu' il s' agisse de l' utilité limitée des IBCT - dont l' intérêt principal semble finalement résider dans la mobilité tactique - ou des doutes qui entourent l' Objective Force " . Tout en se détachant du schéma doctrinal classique de l' armée de terre, ce projet n' apporte pas corrélativement de réponses claires aux questions délicates qui vont de pair avec la digitalisation du champ de bataille, la prééminence d' une logique de ciblage et les rivalités interarmées .
pourtant Que ce soit au niveau de les capacités de combat, de la reconnaissance ou même de la mobilité stratégique, sa raison d' être, l' IBCT souffre de limitations réelles .Pour autant, la brigade actuellement en formation paraît à même de répondre aux missions de basse intensité pour lesquelles elle a été vraiment créée .En outre, elle permet de tester sur le terrain à la fois des concepts novateurs comme la reconnaissance électronique et le reach-back, mais aussi de remettre progressivement en cause la structure divisionnaire rigide héritée de l' histoire de l' Army .
Le lancement des IBCT s' est fait en réaction au fiasco de " Task Force Hawk " et le général Shinseki est systématiquement revenu sur la rapidité de déploiement qu' autoriserait cette nouvelle organisation, à tel point que la " déployabilité " des brigades intermédiaires - " 1 brigade en 96 heures, 1 division en 120 heures et un corps en 30 jours " - est devenue le principal argument de l' Army auprès de le Congrès .Or, l' analyse détaillée de le véhicule Stryker et plus encore de les réalités logistiques et géographiques , conduit à des conclusions nettement moins optimistes .
[Il...] Tout d'abord, il convient de souligner que les temps de déploiement de l' Army sont, à l'évidence, sans comparaison avec ce que peut faire n' importe quelle autre armée, et surpassent même les moyens américains lors de la guerre du Golfe .Le prépositionnement de matériels et l' augmentation des gros transports de troupes navals et aériens ( avions C - 17 , fast sealift ships , MLRS ou Medium Roll -on , Roll-off Ships ) pendant les années 1990 ont permis une amélioration modeste, mais réelle .L' étude conduite à ce sujet dans le cadre de la Bottom-Up Review ( Mobility Requirements Study , MRS BURU ) a ainsi prévu le déploiement de la Ready Brigade d' une division légère 4 jours après le lancement de l' opération, le reste de la division arrivant à C+ 12 ; la première brigade lourde arrive à C+ 15, le reste de la division ainsi que une autre ( probablement la 101e ) à C+ 30 ; l' ensemble du Contingency Corps doit être en ordre de bataille à C+ 75 .Toutefois, les unités lourdes ne peuvent être opérationnelles " au sortir du bateau ", et surtout ce calendrier suppose des prépositionnements importants de matériels pour être respecté - les Army Prepositioned Stocks ou APS . En d'autres termes, le système fonctionne essentiellement pour la région du Golfe, l' Europe et l' Asie du Nord-Est, c' est-à-dire les zones stratégiques traditionnelles .
[Il..._SP] Au vu de ces chiffres, et en gardant à l' esprit les délais de déploiement proclamés pour l' IBCT, il est clair que l' objectif est d' aligner les temps de déploiement des forces "forceOr, le Stryker a suscité à cet égard de nombreuses difficultés : le véhicule d' origine est trop large pour l' avion, et son blindage insuffisant a dû être renforcé, au point de dépasser, pour 8 des 10 versions du LAV-III, de 1,5 tonne, le seuil autorisé de 20 tonnes .Rajouter un blindage extérieur ( " applique armor " ) prend du temps à l'arrivée et complexifie le transport lui -même .En outre, les trois IBCT en cours de formation sont toutes stationnées aux Etats-Unis, ce qui interdit pratiquement d' utiliser des C - 130 au rayon d' action trop limité, et oblige à recourir aux transports " stratégiques " comme le C - 5 et le C - 17, dont les capacités impressionnantes sont compensées par le nombre limité de ces appareils et la demande importante dont ils font l' objet de la part de les autres armées, l' Air Force en particulier .
[Cliv] Ce sont là toutefois des problèmes temporaires, susceptibles d' être réglés à l'avenir ; il n' en va pas de même pour ce qui est de la " légèreté artificielle " de l' IBCT ou des limitations intrinsèques au déploiement par voie aérienne .
En premier lieu, le choix du transport aérien apparaît problématique, car il fait dépendre la rapidité de déploiement des capacités aéroportuaires des pays hôtes : il ne suffit pas en effet de mesurer la contenance et la capacité d' emport des avions de transport, il faut encore prendre en compte le trafic maximum ( throughput ) des installations aéroportuaires d' arrivée ( nombre et longueur des pistes, équipement de manutention ), qui sont presque toujours très inférieures aux normes rencontrées en Occident dans les aéroports majeurs, civils ou militaires .A l'aide de une simulation par ordinateur utilisant le logiciel JFAST ( Joint Flow Analysis System ), le Lieutenant-Colonel Jonathan Brockman a pu ainsi établir une estimation du temps de réaction de l' IBCT dans un scénario de crise au Rwanda : parce que l' aéroport de Kigali ne peut gérer quotidiennement que 400 " Short Tons ", contre 2 800 à McChord Air Force Base par exemple, le déploiement prendrait 29 jours en incluant les 6 jours nécessaires au transit hors de l' aéroport . [Il..._SP] Pour tenir la limite des 96 heures, il faut donc disposer sur le théâtre soit d' un aéroport moderne et de grande taille ( une capacité de 2 500 Short Tons est nécessaire au départ et à l'arrivée ), soit de plusieurs aéroports accessibles .Si cette dernière éventualité semble correspondre à l'idée de opérations " distribuées " , elle se heurte cependant à deux réalités, la première étant que chaque point de débarquement doit être sécurisé pour les appareils de l' Air Force, ce qui implique de nouvelles charges logistiques, la seconde que la " dispersion " des opérations rencontre des limites en termes de commandement et de protection des éléments séparés . [On...] L' on imagine mal les éléments d' une IBCT arrivant par de multiples points d' entrée distants les uns de autres de plusieurs dizaines de kilomètres, voire davantage ; la brigade a été pensée comme un tout susceptible d' opérer sur une zone plus vaste ( 50 km x 50 km ) qu' il n' est habituel pour une brigade, non comme un réservoir de forces détachant des éléments autonomes, en particulier en situation de combat .Même en supposant l' accès simultané à 3 aéroports, la simulation démontre qu' au moins 11 jours sont nécessaires, soit 7 de plus que l' objectif fixé par le général Shinseki .Compte tenu de ces multiples contraintes, l' auteur de cette étude logistique recommande en conclusion de s' appuyer davantage sur le transport maritime - plus rapide de quelques jours dans le scénario que le transport aérien -, d' augmenter les capacités américaines en la matière et de prépositionner à l' étranger l' équipement d' au moins une IBCT, de façon à pouvoir utiliser simultanément les trois composantes du transport stratégique, MLRS et fast sealift ships, C - 17 et C - 130, et APS .
En second lieu, et certainement afin de faciliter son acheminement par air, l' IBCT n' embarque avec elle qu' une logistique très austère, ce qui implique que la zone d' arrivée permette de couvrir ses besoins en carburant, munitions et eau ; telle quelle, la brigade emporte uniquement l' équivalent de 3 jours de combat .Dans le même ordre d' idées, les capacités EVASAN de la brigade sont très limitées ( 20 blessés peuvent être traités ), et ce bagage logistique " frugal " serait encore plus inadéquat en cas de ajout au sein de l' IBCT d' unités non organiques - les hélicoptères prévus à cet effet sont particulièrement contraignants d' un point de vue logistique .Qu' il s' agisse d' augmentation de la brigade, d' évacuation sanitaire ou plus simplement de " persistance logistique " ( sustainability ), l' IBCT devra donc très largement compter sur un soutien extérieur présent sur le théâtre .Théoriquement supérieure, en particulier sur route, à celle d' une unité équivalente équipée de véhicules à chenilles, la mobilité de la brigade pourrait donc être sévèrement limitée par l' insuffisance du soutien organique .
D' un point de vue tactique, l' IBCT est d'abord une unité d' infanterie montée, et pour laquelle il est explicitement prévu que les soldats combattent " à pied " ( dismounted ) .Ceci tient sans doute à la gamme complexe de missions que la brigade est appelée à remplir, et qui impliquent forcément d' opérer en terrain difficile : le maintien de la paix suppose à tout le mois de pouvoir circuler en zone urbaine ou boisée . [On..._SN] Plus profondément, on soupçonne les concepteurs de l' Interim Force "forceLa composition de la brigade est à cet égard révélatrice : les sections de mortier et groupes de snipers y tiennent une plus large place que les moyens antichars .
Dans le même temps, toutefois, de nombreux critiques soulignent les insuffisances dont souffre l' IBCT en termes de puissance de feu et de protection .A l'occasion des tests, le Stryker est en effet révélé inférieur aux attentes de l' Army, et il a fallu reprendre la conception du blindage en respectant les impératifs de poids, sans que l' on sache pour le moment ce que sera le résultat .De nombreux officiers et la majorité des experts mettent d'ailleurs en doute ce choix et font valoir que l' Army possède d' importants stocks de M - 113 - certaines versions seraient supérieures au Stryker en protection et en légèreté, quoiqu'à chenilles - ou qu' elle aurait dû poursuivre le projet M8 Armored Gun System . [Il..._SN] Dans l' attente, il est nécessaire de revêtir le véhicule d' un blindage extérieur supplémentaire, ce qui ralentit les opérations et induit une vulnérabilité initiale .Pour ce qui est de la puissance de feu, et compte tenu de les stocks de munitions très réduits de l' unité, le bataillon d' artillerie a pour fonction première de détruire d' éventuelles batteries adverses et ne peut guère remplir l'une des missions traditionnelles de l' arme, à savoir le feu de neutralisation ( suppressive fire ) .des mortiers en abondance au sein des bataillons et en section organique sont censés pallier ce manque, d' autant moins significatif aux yeux des défenseurs du projet que les tirs de neutralisation par artillerie lourde apparaissent politiquement inadaptés à la plupart des contextes opérationnels envisageables .Toutefois, et jusqu' à l'arrivée des obus de mortier de dernière génération, censés être extraordinairement précis, les mortiers ne sont pas davantage discriminants, et ne sauraient prétendre aux mêmes effets militaires que l' artillerie, qu' il s' agisse d' interdire une zone ou de détruire des blindés grâce à des munitions intelligentes de type SADARM . Conjuguée au fait que la brigade ne comprend qu' une simple compagnie antichars dotée du système Javelin, dont la portée est inférieure à celle de la plupart des blindés, cette carence en artillerie se traduit par unLa même appréciation peut être portée concernant les capacités en tir direct, avec un seul peloton ( platoon ) de " Mobile Gun Systems " - sachant que c' est cette dernière version du Stryker qui logiquement pose le plus de problème de poids, et que son canon devra peut-être subir un allégement .
au final, l' IBCT apparaît plus spécialement adaptée aux missions d' infanterie et, en l'absence de augmentation divisionnaire, relativement fragile dans le cadre de un affrontement de moyenne intensité .Face à une situation de ce type, le concept d' emploi de la brigade prône l' évitement et le repli .En ce sens, l' escadron RSTA de reconnaissance électronique est la première ligne de défense de l' IBCT et l' avant-garde " de l' Objective Force ", largement orientée sur le combat à distance et la supériorité " informationnelle " .
[On..._SP] On ne saurait trop insister sur le rôle central joué par l' escadron RSTA, non seulement comme composante essentielle de la brigade interarmes intermédiaire, mais encore comme " démonstrateur " et à vrai dire seul élément de l' IBCT qui annonce le système des systèmes que doit être l' Objective Force " .Par bien des aspects, la viabilité même de l' IBCT dépend du succès avec lequel l' escadron remplira ses fonctions de surveillance, de reconnaissance et d' acquisition d' objectifs .L' acquisition de cibles à longue distance est en effet la condition sine qua non des frappes de précision, la précision devant permettre, en se substituant au volume des feux terrestres classiques, d' alléger la logistique requise et donc d' améliorer la " déployabilité ", ce qui explique pour partie l' austérité " de la brigade .L' escadron RSTA remplit également la fonction, encore plus critique, de " protection de la force " : l' acquisition à distance de sécurité doit permettre d' éviter le contact, et donc les nombreuses exigences qui en découlent en termes de protection et de puissance de feu organiques ( blindage, tir direct, volume des feux ) .En d'autres termes, le concept de l' IBCT s' appuie lourdement sur la reconnaissance, de la surveillance à l' acquisition d' objectifs en temps réel, pour suppléer aux déficiences de la brigade par rapport à les unités lourdes classiques .Pour ce faire, l' Interim Force " et plus encore l' Objective Force " partent d' une conception " transformée " de la reconnaissance, qui ne va pas sans soulever quelques interrogations . [Present_SP] Il s' agit de substituer à la reconnaissance par contact la reconnaissance électronique, conduite entièrement à distance de sécurité .Les conséquences associées à ce changement affectent profondément la conduite des opérations, sont désormais regardées comme partiellement inutiles certaines des fonctions classiques des unités de cavalry de l' armée de terre, telles que la sécurisation physique d' une zone, la sûreté des communications ( flanc-garde, etc . ) et l' attaque " probatoire " ( probe ) ou de diversion visant ou permettant l' économie des forces . [Present] Or, il s' agit là d' un pari reposant sur des hypothèses non encore vérifiées, et pour certaines d' entre elles douteuses .
[Il...] Il faut tout d'abord rappeler que la technologie est pour l' heure loin de être suffisante .Malgré les progrès considérables réalisés en matière de acquisition et de traitement de l' information, la surface terrestre, et en particulier les terrains complexes , se prête très bien au camouflage et à la dissimulation : les capteurs actuels ne permettent que fort mal l' acquisition d' objectifs dans les zones urbaines, montagneuses ou boisées, et rien ne permet pour l' heure d' affirmer que l' amélioration technologique rendra à moyen terme le " médium terrestre " aussi fluide et transparent que l' air ou la mer peuvent l' être . [SujetInv] Ne serait -ce qu' avec le développement des zones densément peuplées, les zones urbaines tout spécialement, le rôle du terrain devrait demeurer essentiel .En outre, la fusion en temps réel de données provenant de capteurs multiples ( infrarouges , radars , acoustiques ) continue de poser un problème mathématique de premier ordre, qui surpasse la capacité de calcul informatique actuelle, en dépit de les progrès exponentiels en la matière . [On...] On est donc encore loin de pouvoir frapper de façon discriminante un grand nombre de cibles " discrètes " et surtout mobiles .
En sens inverse, la reconnaissance par contact constitue un gage de sécurité qui renseigne sur le dispositif ennemi comme sur ses " dispositions morales ", là où la reconnaissance à distance ne renseigne en réalité que sur des " signatures " électroniques .L' information " dont parle la RMA est en effet constituée par les coordonnées géoterrestres de signatures émises par les différents individus ou plateformes .En d'autres termes, la reconnaissance électronique ne fournit qu' un signalement, une direction et un volume théoriques, en aucun cas elle ne peut renseigner sur ce que la doctrine soviétique appelait la " corrélation des forces ", qui précisément ne s' apprécie que par le combat .Généralisant à partir de son expérience des engagements, Clausewitz faisait déjà valoir cet argument au niveau de la stratégie générale : la " montée aux extrêmes " repose justement sur le caractère " incalculable " et donc imprévisible du rapport de force, et oblige donc à la prudence en termes de moyens, par exemple la redondance, le " gâchis " ...Le raisonnement est directement applicable au niveau tactique : sans reconnaissance active, on ne peut par exemple apprécier la combativité et le niveau général de l' ennemi .A l'instar de le Battle Damage Assessment ( BDA ) pratiqué par l' US Air Force, la reconnaissance électronique ne donne au mieux que des indications sur le dispositif physique de l' adversaire, et l' on sait toutes les difficultés et les incertitudes qui entourent le BDA lors de les campagnes de frappes aériennes, depuis la guerre du Golfe jusqu' au Kosovo et à l' Afghanistan .Le renseignement électronique conduit à une focalisation quasi exclusive sur les " plateformes " ennemies, détectables et donc " comptables ", comme l' a illustré le problème des pertes irakiennes pendant la guerre du Golfe . Le général Schwarzkopf avait demandé aux planificateurs de l' offensive aérienne de neutraliser 50 % du potentiel mécanisé irakien, autrement dit la moitié des plateformes présentes au Koweït et au sud de l' Irak, pour que la phase terrestre des opérations puisse être engagée dans des conditions optimales .Non seulement cette proportion ne fut jamais atteinte ( la réalité se situe probablement autour de 30 % ), mais encore la Defense Intelligence Agency se fonda -t-elle sur ces évaluations pour produire sa propre estimation des pertes ennemies .En réalité, les 100 000 morts irakiens annoncés à l'époque , chiffre tenu depuis lors pour exact, correspondent tout simplement aux effectifs théoriques des véhicules, multipliés par le nombre théorique de véhicules détruits .Un bon exemple a contrario est fourni par l' offensive irakienne sur Al-Khafji, qui a indiqué au général Boomer, commandant de l' US Marine Corps, l' état véritable des forces irakiennes et donc la réalité du rapport de force .
Enfin, la reconnaissance électronique suppose que soit toujours conservée une supériorité technologique américaine aux effets décisifs, c' est-à-dire ni égalée par un peer competitor, ni surtout contrée par le recours à des postures asymétriques .Or, les recours à disposition de l' adversaire sont multiples, depuis des stratégies low-tech et à faible coût, comme le camouflage, la dispersion des unités sur le terrain et parmi les populations, jusqu' à l' emploi de moyens plus sophistiqués, comme le brouillage, l' attaque systématique des plateformes porteuses de capteurs ( JSTARS, AWACS, UAV ) ou même la détonation en haute atmosphère d' une arme nucléaire, qui détruirait à peu près la moitié de la flotte globale de satellites, dont on sait l' importance cruciale pour le C4ISR . En d'autres termes, et en dépit deA l'échelle de l' IBCT, la destruction des UAV et de quelques capteurs peut réduire l' escadron RSTA à une unité de reconnaissance plutôt sous-équipée en véhicules et capacités de reconnaissance par le feu par rapport à son équivalent " non transformé " .Enfin, la " conscience de la situation opérationnelle " ( situational awareness ) engendrée par les moyens électroniques peut bien entendu être complétée par le renseignement humain, mais elle n' en reste pas moins, étant donné les limitations de capteurs, orientée majoritairement vers les véhicules .Autrement dit, son utilité au niveau " individuel " , c' est-à-dire non véhiculaire , risque d' être réduite .
En définitive, l' Interim Force " souffre d' un certain nombre de limitations sérieuses .Les objectifs fixés par le général Shinseki en matière de déploiement paraissent irréalistes dans la plupart des situations envisageables, compte tenu de les infrastructures aéroportuaires des pays d' arrivée, et la " déployabilité " actuelle des forces terrestres américaines est loin de être aussi catastrophique que ne le prétendent les défenseurs de la RMA . L' Army a utilisé l' argument de la mobilité stratégique, mais l' analyse fait apparaître que l' intérêt principal des IBCT réside dans leur mobilité tactique, supérieure à celle des forces " traditionnelles ", dèsSous ce rapport, la légèreté logistique de la brigade interarmes ne ferait d'ailleurs que magnifier ses insuffisances en termes de puissance de feu et de protection .Est également en cause la viabilité du Stryker . Pour ces raisons, l' IBCT ne semble pas destinée à l' entrée en force " ou, telle quelle, aux opérations de combat dans des théâtres austères ; sa mission première reste les opérations de stabilisation ( SASO ) .En déduire, comme le font certains, que l' utilité de l' IBCT se limite à " refaire le Kosovo " paraît en revanche exagéré .Si les analyses précédentes soulignent effectivement que l' IBCT a pour fonction première de gérer le bas du spectre, l' idée même d' une brigade interarmes orientée vers le combat d' infanterie constitue une tentative ouverte de remettre en cause la culture et les " armes " dominantes de l' institution .Parallèlement, l' inclusion de l' escadron RSTA devrait permettre de confronter à l' épreuve de la réalité certains des concepts-phares de la " transformation ", comme le caractère surdéterminant de l' information ou la viabilité du combat à " distance de sécurité " ( standoff engagement ) .Dans cette perspective, les critiques suggérées à propos de l' IBCT semblent devoir s' appliquer plus largement encore à la future " Objective Force " .
il il correspond à la projection dans l' avenir des nouveaux concepts utilisés par l' IBCT, le projet " Objective Force " tranche toutefois beaucoup plus nettement avec l' héritage culturel et doctrinal de l' armée de terre .Dans la foulée du discours de la RMA, l' Army a en effet développé avec " Objective Force " une vision du combat futur articulée sur les rôles respectifs des feux à longue distance et de la manoeuvre, ainsi que sur une refonte du commandement et de l' accès au soutien interarmées .Bien que elle incorpore aussi des éléments propres à la tradition du combat terrestre, cette vision du combat futur semble accepter la thèse du " changement de paradigme " militaire, sans toutefois apporter de réponses claires aux questions multiples que suscitent la digitalisation du champ de bataille, la prédominance d' une logique de ciblage et l' état des relations interarmées .
Les progrès en matière de traitement et de dissémination de l' information sont porteurs d' interrogations très réelles concernant non seulement les rapports entre autorité politique et commandement opérationnel, mais aussi la nature même des relations hiérarchiques au sein de les armées .Malgré plusieurs années d' expérimentation de la digitalisation, l' Army n' a toujours pas trouvé, semble -t-il, de solution satisfaisante à une série de problèmes complexes, rendus plus difficiles encore par les rivalités entre Services .
La communication en temps réel et le volume d' information qu' il est désormais possible de transférer autorisent en effet les échelons les plus élevés de la hiérarchie, autorités politiques comprises, à s' impliquer très directement dans les opérations et à réduire d' autant la marge de manoeuvre et l' initiative des échelons intermédiaires .Si l' on en croit les divers exemples historiques, depuis la guerre de Sept Ans jusqu' aux campagnes de bombardement du Nord-Vietnam, l' immixtion du pouvoir civil dans le détail des opérations est rarement bénéfique .En sens inverse, la dissémination de l' information à les plus bas échelons et la formation d' une " image commune de la bataille " ( common operational picture ) peuvent amener certains militaires à prendre des décisions qui relèvent normalement de leurs supérieurs ou même de l' autorité politique, et qui n' ont pas été avalisées .Les avancées de la technologie des communications posent donc le problème de l' équilibre à trouver entre maintien d' une hiérarchie politiquement légitime et exploitation des " structures en réseau " et de l' initiative individuelle permises par la technologie : le " micro-management " nuit à l' efficacité tactique et suscite une paralysie " opérative " ; l' absence de délimitations claires est peu démocratique et s' est révélée parfois difficilement compatible avec la définition rigoureuse d' une stratégie .
Bien que ces éléments affectent tous les Services, ils paraissent particulièrement problématiques dans le cas de l' Army .Cette sensibilité spécifique de l' armée de terre se vérifie déjà au niveau de les relations civilo-militaires, puisque les risques de pertes qui vont plus naturellement de pair avec les engagements au sol ne peuvent que renforcer chez les politiques la tentation du micro-management .L' arrêt des opérations terrestres en février 1991 , prématuré à le regard de l' objectif militaire de destruction de la Garde républicaine irakienne , a ainsi tenu à une intervention directe de l' autorité politique, soucieuse d' éviter la perception de " pertes inutiles " au sein de l' opinion - et la guerre du Golfe se distingue pourtant de la plupart des autres opérations conduites ces vingt dernières années par la relative autonomie tactique et opérationnelle laissée aux militaires .
La sensibilité particulière de l' Army se vérifie bien davantage encore au niveau de les fonctions de commandement et de contrôle .Là où l' Air Force déploie le plus souvent quelques milliers de personnels et organise des strike packages d' une quinzaine d' avions qui interviennent par vagues successives, l' Army doit contrôler des dizaines d' unités, des milliers de véhicules et des dizaines de milliers de soldats .En ce sens, et si le nombre de ses plateformes devrait être, selon certains, considéré par l' Army comme une opportunité lui permettant de tirer parti au maximum des possibilités du network-centric warfare, cette pléthore garantit également que les problèmes de commandement générés par cet accroissement inédit des capacités de communication rejaillissent plus brutalement sur l' Army .
Or, les problèmes que le " temps réel " et l' interconnexion de les unités suscitent sont fort nombreux .Tout d'abord, les progrès considérables réalisés dans le domaine de la diffusion de l' information restent inférieurs à l' explosion de la demande, à tel point que la bande passante maximale offerte par les ondes radios, même à très haute fréquence, paraît d'ores et déjà insuffisante .Cet appétit pour des communications permanentes incluant les messages et la voix , mais surtout l' image , génère à son tour ce qu' il est désormais convenu d' appeler une surcharge d' information ( information overload ), qui concerne la capacité de traitement informatique, mais surtout les opérateurs eux -mêmes, au point que le temps réel se trouve parfois ralentir le cycle décisionnel et donc le tempo des opérations .Aucune solution n' est en vue pour l' instant, et il semble même que les problèmes associés au processus de digitalisation en cours dans l' Army depuis plus de cinq ans aient été volontairement minimisés par l' institution .
au niveau tactique, enfin, la communication instantanée et " sans verrou ", sur le modèle d' Internet , est susceptible, dans des conditions permissives, de favoriser la diffusion de fausses informations auprès de la population ou de propager au sein de les troupes un effet de panique local, comme ce fut déjà le cas en 1940 du côté français avec la radio . [On...] On peut penser également aux soldats israéliens, reliés en temps réel à leur famille grâce à les téléphones portables, au grand dam des autorités militaires . [Interro] L' ubiquité des communications modernes pose donc de délicats problèmes de commandement : quelle part de contrôle sacrifier, quelle part de risque accepter afin de maximiser les avantages de la situational awareness et des " structures horizontales " autonomes ?Bannir les contrôles afin de laisser jouer à le maximum l' initiative individuelle risque fort d' entraîner des désagréments, voire des répercussions politiques .A l' inverse, si des verrous et des procédures hiérarchiques sont systématiquement réintroduits dans le réseau, celui -ci redevient pour l' essentiel semblable aux structures " verticales " habituelles et perd une grande partie de son intérêt .En d'autres termes, et qu' il s' agisse de surcharge d' information ou d' effets indésirables, aucune solution radicale n' est satisfaisante . n' est satisfaisante . [Il...] Il est bien entendu possible de réguler plus finement le trafic en définissant des modalités de contrôle flexibles, laissant par exemple à chaque échelon le soin de définir les critères de filtrage, de façon à éviter la surcharge et à limiter les possibilités de fuite .Cette position a, par exemple, la faveur de l' US Marine Corps, qui y voit naturellement un gage de souplesse tactique : l' initiative et le commandement décentralisés ( mission orders ) sont à la base de la guerre de manoeuvre, paradigme dont le Corps se réclame très officiellement .
En période de conflits le plus souvent limités, mais fortement médiatisés, la logique de l' Auftragstaktik appliquée à l' information paraît toutefois difficile à mettre en pratique, puisqu' une décision en apparence tactique peut avoir des répercussions politiques .L' Army a pour sa part historiquement favorisé la centralisation du commandement, même durant les périodes, comme les années 1980, où la doctrine officielle prônait l' initiative et la décentralisation .Tirer pleinement parti de les technologies de la communication supposerait d'ailleurs, comme cela s' est fait dans l' industrie, d' aller vers des structures plus " horizontales ", c' est-à-dire de supprimer certaines hiérarchies ou organisations intermédiaires, à commencer par la division . [Il..._SN] Si le plan Shinseki semble bien prendre cette direction en faisant de la brigade l' unité de base de la manoeuvre opérative, il est encore trop tôt pour savoir ce que recouvriront les unités de commandement (unitéApparemment, l' Army hésite à relier directement les " brigades " ( UA ) à un état-major de niveau corps, et pense à des " unités de commandement " intermédiaires, soit des structures de commandement de niveau divisionnaire .
Quelle que soit la solution idéale finalement préconisée, elle se heurtera à plusieurs obstacles majeurs, si elle va nettement dans le sens de le commandement décentralisé . [Il...] Il faudrait tout d'abord revoir en profondeur l' instruction des officiers, l' armée de terre actuelle réservant aux seuls colonels pleins et aux généraux une formation généraliste et " stratégique " ; la culture de l' institution en serait profondément affectée .En second lieu, la suppression des niveaux intermédiaires ne pourrait qu' exacerber les problèmes d' interarmisation : qu' un colonel à la tête d' une brigade puisse directement faire appel au soutien interarmées risque d' être mal ressenti, et par la hiérarchie de l' Army, qui craindra un " asservissement " de ses unités disjointes au profit par exemple de l' Air Force et préfèrera négocier au plus haut les modalités de la coopération, et par les autres Services, qui ne veulent pas être en permanence placés en soutien, c' est-à-dire " aux ordres " de l' Army .La révolution de l' information engage ainsi une redéfinition du commandement, avec toutes les difficultés et les risques que cela implique, entre autres dans les relations entre les armées .
Mesurer les dangers et les implications pour l' Army d' une domination sans partage de la RMA nécessite d' opérer un détour intellectuel et de rappeler les principes et les limites de la stratégie du ciblage .La logique de la précision du feu entraîne en effet implicitement avec elle la suprématie de l' attrition et l' oubli potentiel des effets moraux, tout en stimulant le recours à des postures asymétriques chez l' adversaire .Au niveau le plus fondamental, la RMA trouve son origine dans les progrès fantastiques réalisés par la précision et le traitement de l' information .L' accroissement continu de la puissance de feu depuis cinq siècles est interprété a priori comme une réponse, techniquement imparfaite, au manque de précision : on aurait multiplié le volume de munitions tirées afin de augmenter la chance statistique de toucher l' objectif visé .Dans cette optique, la substitution de la précision à le volume , de la qualité à la quantité , constitue évidemment un progrès considérable .Toutefois, l' argument selon lequel les frappes de précision pourraient à elles seules être décisives , grâce à le choix de les cibles , de l' organisation et de le tempo de l' attaque , paraît largement trompeur .L' Air Power ", et plus largement la logique de le ciblage , participent en effet fondamentalement d' une stratégie d' attrition, la qualité, c' est-àdire ici la technologie qui permet des frappes précises, ayant simplement remplacé le volume de feu, c' est-à-dire la quantité . [Il..._SP] Pour se mettre à même de comprendre les implications ultimes de la logique de ciblage qui est au coeur de la RMA, il faut par hypothèse partir d' une situation d' égalité relative entre deux adversaires semblables .et Si l' on suppose deux adversaires approximativement égaux, et qui ont la possibilité de tout voir, tout atteindre, tout détruire , alors la relation décrite par le mathématicien britannique Lanchester dans sa " loi de le carré " en 1916 s' applique parfaitement : la masse importe davantage que la qualité, et la victoire va à celui qui dispose du dernier shooter .Les exemples historiques se rapprochant tendanciellement de le modèle lanchesterien ne manquent pas, que l' on pense à nombre des grandes batailles de l' âge classique, telles celles de Malplaquet ou Zorndorf, à la guerre de Sécession ou encore à la Grande Guerre sur le front occidental jusqu' en 1917 .Chacun de ces cas présente une situation opérationnelle et tactique bloquée, où la puissance de feu interdit ou entrave considérablement les possibilités de mouvement offensif et conduit donc à une paralysie tactique se soldant par des pertes élevées et des résultats non décisifs .Les batailles classiques forment peut-être la meilleure illustration de ce que pourrait être un champ de bataille conforme à la RMA : les généraux peuvent, comme leurs troupes d'ailleurs, voir une bonne partie du terrain .L' équivalent du théâtre moderne est en effet à l'époque physiquement " transparent ", étant donné la taille réduite des champs de bataille ( rarement plus de 5 km de front ) .Cette transparence relative et surtout la difficulté des mouvements offensifs transforment ces affrontements en une sorte de fusillade mutuelle, généralement très meurtrière, comme le fut Malplaquet .
En d'autres termes, et si le raisonnement théorique qui part de l' égalité relative de les belligérants est retenu, les technologies émergentes, dans l' utilisation que projettent d' en faire les partisans de la RMA, risquent de favoriser la puissance de feu au détriment de la mobilité, et donc la défense au détriment de l' attaque .Outre que les résultats que l' on peut obtenir dans ce type de contexte sont généralement très coûteux, reste à savoir si les Etats-Unis disposeront forcément de plus de shooters que leurs adversaires, ou si ces derniers ne parviendront pas à profiter suffisamment de la prolifération technologique pour interdire toute manoeuvre et tout déploiement aux forces terrestres américaines - de ce point de vue, le problème des stratégies de déni d' accès sur lequel le Pentagone se focalise tant aujourd'hui pourrait n' être que la partie émergée de l' iceberg, dès lors que les risEn ce sens, c' est-à-dire d' attaquer, parce que il appartient aux Etats-Unis, à court et moyen terme, de projeter leurs moyens militaires sur des théâtres extérieurs, la RMA et surtout sa diffusion pourraient donc être porteuses de mauvaises nouvelles, tout spécialement pour l' Army .
La maîtrise américaine en matière de C4ISR et de frappes de précision à distance, et plus généralement la supériorité des Etats-Unis pour tout ce qui touche au combat de haute intensité, induit des effets pervers majeurs, que l' on rassemble généralement [On..._SP] On peut penser aux stratégies de déni d' accès, au recours aux ADM, à l' attaque ciblée des plateformes qui sont au coeur du système des systèmes, satellites, AWACS et JSTARS, ou encore à l' emploi systématique du camouflage, mais le plus simple reste encore d' attirer les forces américaines sur des terrains qui annulent ou du moins réduisent fortement l' efficacité du complexe de reconnaissance-frappe, de façon à les contraindre au combat rapproché .Comme il a été vu plus haut, l' acquisition électronique d' objectifs se heurte tant aux limites actuelles et prévisibles de la technologie qu' à l' opacité naturelle de certains terrains .Le moral, la différence qualitative de les soldats et le terrain peuvent donc jouer comme autant de facteurs d' égalisation face à une supériorité quantitative en hommes ou en matériels .Ce problème tout à fait réel n' a pas encore été perçu dans toute son acuité, dans la mesure où les dernières interventions américaines, majoritairement aériennes, ont presque toujours bénéficié d' un soutien au sol grâce à des alliés locaux coordonnant leurs actions avec les frappes américaines, ou tout du moins représentant une menace potentielle obligeant l' adversaire à se regrouper .Du Kosovo à l' Afghanistan, ce modèle de coopération a été raffiné en un triptyque comprenant alliés au sol, forces spéciales et moyens de frappes, au point de ailleurs de faire dire à certains que les Etats-Unis pouvaient désormais se passer d' armée de terre ...
[Il..._SP] Sans pour autant négliger le caractère relativement novateur de ce triptyque, il est impératif de ne pas perdre de vue le rôle propre joué par l' Alliance du Nord à l' automne 2001, ni non plus le caractère incomplet de la victoire remportée .Les poches de résistance qui ont subsisté après la chute de Kaboul ont donné lieu à des combats qui ont justement permis d' apprécier les capacités de résistance d' une infanterie préparée, entraînée et motivée, face à la logique du ciblage .En particulier lors de l' opération " Anaconda ", les moyens considérables de reconnaissance-frappe, pourtant appuyés à le sol et en dépit de leur précision " exquise " , ne sont pas parvenus à réduire les fantassins adverses retranchés dans des abris naturels camouflés ; il a fallu procéder au pilonnage systématique des positions ennemies suivi par l' avancée prudente des troupes de la 10th Mountain, auparavant clouées au sol par les tirs de neutralisation au mortier, tandis que les hélicoptères étaient endommagés par de simples RPG7 .Non seulement les troupes terrestres américaines et afghanes se sont révélées nécessaires pour obliger l' adversaire à s' exposer aux feux à longue portée, aériens ou autres, mais encore a -t-il fallu le plus souvent " finir le travail " en débusquant les derniers adversaires enterrés et en exploitant prudemment les succès micro-tactiques les uns après les autres .A cet égard, les combats de Tora-Bora et surtout de Shah i-Kot ont exhibé davantage de ressemblances avec les assauts pesamment " synchronisés " de la Première Guerre mondiale qu' avec les opérations ultra-rapides, " simultanées " ( non sequential ) et " décisives " envisagées par l' Army .
L' autre conclusion temporaire qui émerge de ces événements a trait à l' impréparation relative de l' infanterie américaine, souvent obligée de faire appel aux SAS britanniques ou australiens ou aux meilleurs contingents des chefs de guerre afghans .Peu surprenante au regard des préférences de longue date de l' Army, cette " révélation " se trouve confirmée par certains officiers américains, qui soulignent que les opérations de stabilisation menées pendant les années 1990 ont " émoussé " les unités classiques comme la 82e, et qu' en matière de infanterie au sens strict, les Etats-Unis ne disposent plus que des bataillons de rangers et d' une partie des Marines .Or, ce qu' Edward Luttwak a appelé la " logique paradoxale de la stratégie " veut justement que la prépondérance des frappes à distance entraîne un recours systématique à l' asymétrie et donc un besoin de plus en plus marqué en infanterie, et pas simplement lors de les opérations de stabilisation .Répondre à ces besoins tout en limitant les pertes de façon drastique constitue une gageure .
Dans la continuation du programme Land Warrior, l' Army sponsorise pour l' instant des études sur le fantassin du futur : celui -ci bénéficierait non seulement des dernières avancées en matière de connexion, d' acquisition d' objectifs et de C4ISR, mais encore de technologies véritablement révolutionnaires en matière de robotique, de protection et d' autonomie .L' usage massif de micro-robots ou de drones terrestres ( UGV mules ) faciliterait grandement la reconnaissance ou le soutien .L' interconnexion du soldat avec l' intranet militaire permettrait de l' appuyer ou de l' évacuer plus rapidement, et surtout de le faire profiter pleinement de la situational awareness procurée par le réseau des capteurs : anticipation de la menace, détection des sons, des mouvements et des explosifs, ou encore reach-back quasi instantané vers l' appui-feu interarmées .En terrain couvert, toutefois, les embuscades et l' engagement de près demeurent inévitables, et il n' est donc d' autre solution que d' augmenter considérablement les moyens de protection passive des fantassins : est requise une armure qui résiste aux armes de petit et de moyen calibre et n' entrave pas la mobilité individuelle, exigence qui requiert à son tour des progrès dans le domaine de les matériaux composites et quelque chose comme un " exo-squelette " doté de micro-moteurs performants - dans ce domaine, la technologie en est encore aux balbutiements, et des prog [On..._SN] On le voit, le fantassin en armure lourde relève pour le moment de l' anticipation et de la recherche fondamentale, non de la recherche appliquée et de l' acquisition à moyen terme .
En définitive, la logique du ciblage et son corollaire obligé, l' attrition, quoique valables dans certaines circonstances, négligent quelques-unes des réalités les plus fondamentales du combat . De fait, la précision du feu n' a pas toujours vocation à remplacer le volume, tout simplement parce que les munitions tirées n' ont pas toutes pour objet de détruire ou de tuer .Comme le sait n' importe quel chef de section d' infanterie, la saturation du champ de bataille, par exemple par tir de barrage , a d'abord pour finalité de " faire baisser les têtes ", ce qui permet à l' attaquant de faire mouvement et au défenseur de freiner ou d' arrêter le mouvement adverse .Depuis toujours, le combat terrestre est en effet fondé sur une combinaison feu-mouvement au niveau de les unités élémentaires : parallèlement à les effets de destruction directe qu' il cause, le feu vise un effet moral sur les troupes ennemies, comme Ardant du Picq en son temps l' a montré .A cet égard, les partisans de la RMA, souvent américains , ont largement négligé leurs propres sources d' information : qu' il s' agisse de " Linebacker " en 1972 ou de " Desert Storm ", tous les témoignages des prisonniers de guerre concordent pour souligner l' effet de terreur créé par les bombardements de B - 52 ou les tirs de barrage de l' artillerie moderne . [Il...] Compte tenu de l' incidence de la détermination du soldat individuel, il paraît hasardeux de négliger ainsi le rôle de l' infanterie ou les " effets de panique " ; la guerre du Golfe a bien montré l' importance de la motivation et de l' entraînement des troupes, et le caractère extrêmement déséquilibré du résultat de la campagne ne s' explique pas seulement par l' écart technologique et quantitatif .
[Present_SP] Aujourd'hui très isolés, alors qu' ils dominaient le débat intellectuel et doctrinal dominaient le débat intellectuel et doctrinal il y a de cela quinze ans, les partisans de la " guerre de manoeuvre " n' en ont pas moins raison de souligner les insuffisances de la " logique du ciblage " et d' insister a contrario sur l' importance des feux de neutralisation, de la reconnaissance par contact et de l' engagement de près, bref tout ce qui participe de la dimension humaine et morale du combat .L' accent sur les frappes à longue portée ne peut que susciter l' asymétrie chez l' adversaire complètement dominé - situation actuelle - et entraver, voire interdire, la manoeuvre au sol lorsque celui -ci dispose de PGM en quantité - situation future potentielle .
La majeure partie de l' armée de terre américaine est bien entendu consciente des opportunités et des contraintes engendrées simultanément par la progression de la puissance de feu, et sait bien que les résultats militaires " décisifs " - c' est-à-dire concluants à leur niveau, sans préjuger pour autant du résultat global de la guerre - ont historiquement dépendu, au sol en tout cas, d' une combinaison associant mobilité et puissance de feu ( mobile striking arm ), par exemple l' attelage léger des canons de Gribeauval pour Napoléon ou le char pour les Allemands en 1940Durant la décennie écoulée, les études à long terme de l' Army sont d'ailleurs focalisées sur la place exacte et les modalités de réalisation de la manoeuvre terrestre dans le combat interarmées futur ; il s' agissait simultanément de tirer parti des possibilités en matière de frappes à longue distance et de préserver à son profit une mobilité stratégique et tactique suffisante .
Concernant la capacité à " voir et frapper en profondeur " ( see deep, shoot deep ), l' Army compte à la fois sur ses moyens propres, actuels et futurs, et sur le soutien interarmées .Sur le premier point, l' hélicoptère furtif Comanche, le drone Shadow , le missile ATACMS et le système d' artillerie HIMARS devraient déjà conférer à l' armée de terre des moyens considérables .Pour l' Objective Force " comme pour l' IBCT, la difficulté principale devrait être de parvenir à intégrer un système d' artillerie performant au châssis du FCS, que l' on suppose léger .L' intégration des feux fournis par les autres armées renvoie directement au problème de la jointness ; il est à ce titre abordé plus loin .Concernant maintenant la manoeuvre sur un champ de bataille saturé par les PGM, les solutions ne sont pas aussi aisément identifiables .Celles retenues dans le projet " Objective Force " consistent à accroître considérablement, et la dispersion entre les unités de manoeuvre, et le tempo général des opérations .So far , so good : on retrouve là les formules historiquement utilisées dans des contextes marqués par une augmentation brutale de la puissance de feu, par exemple pendant la Première Guerre mondiale . [Il..._SP] Il reste toutefois à répondre aux deux questions qui ne manqueront pas d' émerger à court terme, comme elles l' ont fait lors de changements similaires à travers l' histoire : comment et à quel niveau intégrer efficacement le feu et la manoeuvre, et par quels moyens conserver une mobilité suffisante ?
[Il...] A considérer l' exemple du front occidental entre 1914 et 1918, il apparaît clairement qu' il s' est révélé extrêmement difficile et coûteux en vies humaines de résoudre le blocage tactique engendré par l' accroissement sans précédent de la puissance de feu . [Il..._SN] Il a fallu rien moins que une réorganisation intégrale de la tactique élémentaire, avec les effets associés sur le commandement, l' organisation et la formation des troupes .Seuls les Allemands ont d'ailleurs pleinement maîtrisé, à l' attaque comme en défense, les procédés nouveaux, tandis que les Alliés ne se sont jamais complètement résolus à développer l' autonomie nécessaire au niveau de les unités élémentaires - sections chez les Alliés, groupes chez les Allemands . [Present] Il s' agissait d'abord d' intégrer beaucoup plus " bas " dans la hiérarchie des unités le principe du combat toutes armes, en dotant ces unités élémentaires de mitrailleuses, grenades et mortiers, et en leur conférant une autonomie sans précédent depuis le XVIe siècle . [Il..._SN] Il a fallu ensuite entraîner ces unités élémentairesunitéA partir de 1918, la tactique d' infanterie moderne est ainsi fondée sur une combinaison feu-mouvement au niveau de les groupes de combat élémentaires, là où en 1914 le bataillon était l' unité tactique de base et comportait en général quelques pièces de campagne et quatre mitrailleuses ...La fin de l' ordre linéaire souple, la dispersion et l' autonomisation de les unités , enfin l' intégration de le combat toutes armes à bas niveau ont véritablement révolutionné le combat terrestre, au point de le rendre très complexe et d' interdire en fait à des troupes insuffisamment formées de s' y essayer avec succès .
Cet exemple historique a valeur d' analogie par rapport à le contexte contemporain, et l' on peut légitimement comparer les feux à longue portée et les forces terrestres d' aujourd'hui avec l' artillerie et l' infanterie de 1914 - 1918 . [Present_SP] Dans cette optique, il s' agit de procéder à une redéfinition de la tactique et des opérations qui prenne en compte l' évolution des armements ( allongement des portées, précision quasi absolue à terme ) et des moyens de communication ( temps réel, boucle " sensor to shooter " ) . [Interro] Toute une série de questions s' ensuivent : si l' on se doute qu' il est nécessaire, aujourd'hui comme autrefois, d' intégrer les moyens interarmées à plus bas niveau, reste à identifier le niveau optimal et à réorganiser le commandement comme les unités - que doivent -elles embarquer de façon organique et que peuvent -elles externaliser ?A cet égard, le format projeté pour le couple " UA-UE " ( units of action / employment ) , comme d'ailleurs le modèle " FXXI " avant lui , présente de nombreuses ressemblances avec des formats plus anciens comme TRICAP : les éléments de soutien et les proportions varient, mais le coeur de l' unité reste constitué par des hélicoptères et des blindés - on ne sait pas encore si les UA correspondront à l' infanterie montée des IBCT ou à une version futuriste des unités blindées actuelles .A première vue, il ne va pas de soi que l' ampleur de la réorganisation soit en proportion de la RMA annoncée . [Il..._SN] Plutôt que une critique, cette observation entend souligner ce que justement la Première Guerre mondiale avait déjà montré : en l'absence de conflit de haute intensité, il est très difficile d' anticiper les structures de force et les organisations adaptées, même en ayant abondamment recours à des manoeuvres et des wargames - de ce point de vue, et en raison de l' urgence politique de la transformation, il n' est pas certain que l' Army se donne actuellement le temps nécessaire . [SujetInv] Reste également à organiser l' appui-feu des unités terrestres,unité
Si l' on met entre parenthèses la définition des formats optimum, l' intégration des moyens interarmées et la réorganisation du commandement, demeure enfin le problème majeur de la mobilité physique des unités .A cet égard, " Objective Force " semble se démarquer de l' IBCT par l' incorporation massive d' éléments héliportés à l'intérieur de les UE . En l'absence de percées technologiques tout à fait spectaculaires, on voit mal en effet comment le FCS, quelle que soit sa forme ultime, pourrait non seulement réunir les qualités respectives des véhicules légers et des chars lourds, mais surtout permettre une multiplication par dix du tempo des opérations, tel que cela a été envisagé dans " Army After Next " .Seule une plateforme volante, hélicoptère pur ou engin hybride de type V - 22 , pourrait éventuellement produire un tel résultat .Or, les hélicoptères nécessitent une maintenance très importante : ce qu' ils ajoutent ex post aux opérations se paie donc ex ante, au niveau logistique .De plus, ils posent presque autant de difficultés de déploiement par avion que les chars ( leur plus faible masse est compensée par leur volume ), et leur rayon d' action actuel reste limité .La réalisation pleine et entière de " Army Vision 2020 " suppose donc des progrès technologiques considérables, tels que l' autonomie et la simplicité d' entretien des hélicoptères soient multipliées par cinq ou par dix .
Les analyses qui précèdent ont fait apparaître que l' IBCT était structurée autour de deux innovations principales, le primat de l' infanterie et la reconnaissance électronique, qui permet d' éviter le contact et de bénéficier de l' appui des feux à longue portée . [Il...] il est impossible de déterminer aujourd'hui laquelle de ces deux conceptions partiellement contradictoires est finalement appelée à l' emporter dans le futur, on pressent toutefois une divergence entre l' Objective Force " et l' Interim Force ", divergence qui pourrait à terme rompre l' équilibre actuel, privilégier les feux à longue distance et finalement faire triompher au détriment de le " grunt " une sorte d' Air Power " terrestre .Or, une appréciation objective du contexte conflictuel à venir et de l' exigence de réactivité et de vitesse conduirait plutôt à privilégier un mixte d' unités héliportées et d' infanterie montée d'abord orientée sur le combat de près .Quelle que soit la solution finalement retenue à l'intérieur de " Objective Force " ou en dehors, les frictions entre l' Army et ses Sister Services ne manqueront pas de se manifester .
Les analyses qui précèdent ont souligné à plusieurs reprises le caractère tout à la fois récurrent, problématique et déterminant de l' interarmisation : la viabilité même du plan Shinseki, à court comme à moyen terme, procède de l' intégration réussie des capacités interarmées, et jamais sans doute l' armée de terre ne s' était trouvée en pareille situation de dépendance .En parallèle, cependant, l' ambition full-spectrum affichée par l' Army ne peut que rentrer en contradiction ouverte avec les intérêts bien compris des autres armées, qu' il s' agisse de missions ou de budgets .Dans cette optique, la jointness devient immédiatement une question politique faisant intervenir l' influence respective de chaque Service auprès de les autorités civiles et plus largement, engageant avec elles un débat sur les modalités d' emploi de la force .
[Il..._SN] De prime abord, il peut sembler paradoxal de ranger l' interarmisation parmi les problèmes politiques, puisqu' il s' agit d' une question opérationnelle et que le problème de l' intégration des feux à longue portée transcende le débat traditionnel entre " Air Power " et " Land Power " et passe désormais à l' intérieur même de chaque armée .aux Etats-Unis, toutefois, la nature éclatée de les institutions et le rôle spécifique de le Congrès en matière budgétaire ont presque toujours transformé la jointness en problème hautement politique . [Il...] Il convient donc de commencer par un état des lieux avant d' aborder successivement les aspects opérationnel et politique du problème .
A maints égards, l' interarmisation fait figure d' arlésienne du débat stratégique américain : régulièrement annoncée, presque universellement louée mais exigée plus souvent encore, elle relève à l'évidence du programme plus que de la réalité dans un pays marqué par l' indépendance historique de la Navy, de l' Army et de l' Air Force, et pour qui la redondance des moyens est un luxe abordable et même souhaitable .des progrès ponctuels, en particulier dans le domaine de les communications , font que désormais les Services peuvent, à haut niveau en tout cas, communiquer entre eux en situation opérationnelle - ce n' était pas le cas lors de l' intervention à la Grenade .En outre, sous la pression de l' actuel secrétaire à la Défense, l' ancien commandement atlantique, également chargé de la jointness , s' est vu déchargé de ses premières responsabilités afin de pouvoir se concentrer sur la coopération entre les armées américaines elles -mêmes et entre celles -ci et leurs alliés .L' année 2003 devrait d'ailleurs être marquée par la création d' unités et d' états-majors interarmées permanents ( Standing Joint Task Forces ou SJTF ) . [Present] Il s' agit dans un premier temps de favoriser l' entraînement interarmées, afin de en finir avec une situation absurde dans laquelle les armées se forment et s' équipent séparément, alors qu' elles sont appelées à intervenir côte à côte .L' exemple des interventions récentes comme l' âpreté des querelles entre Services laissent cependant sceptique . A l' inverse des discours et des doctrines prônant l' interarmisation et l' initiative locale, la guerre du Golfe s' est caractérisée par une gestion hautement centralisée de l' information et une péréquation du commandement opérationnel en fonction de les classiques rivalités interarmées, et non par l' exploitation des opportunités offertes par la jointness et le " temps quasi réel ", et on pourrait en dire autant du Kosovo à une autre échelle .Comme le remarque l'un des experts interviewés, jusqu'à présent, en fait d' interarmisation, il a été davantage question de départager les responsabilités que d' intégrer les capacités " .Au fur et à mesure que se concrétisent les réformes voulues par Donald Rumsfeld, l' approbation de principe a de fortes chances de se muer en une obstruction sourde par laquelle chaque armée tentera de préserver son " pré carré " .Tant que la formation et l' équipement des troupes incomberont, de par la loi, aux Services, il sera extrêmement difficile d' aller systématiquement contre leur volonté conjointe .
Que le débat sur l' interarmisation soit revenu sur le devant de la scène au cours de les années récentes ne s' explique pas par un échec retentissant - comme cela avait été le cas avec " Desert One ", fiasco à l'origine de la loi Goldwater-Nichols et de la création des Combatant Commands ou commandements opérationnels interarmées - mais bien par la conjonction de facteurs budgétaires et d' évolutions technologiques .Outre la baisse des budgets de défense des années 1990, qui nécessairement a exacerbé la compétition, les armées ont dû progressivement faire face à une réalité incontestable : l' efficacité opérationnelle suppose dès aujourd'hui et plus encore à l'avenir une intégration croissante de leurs capacités respectives .Ceci tient tout d'abord à la multiplication des plateformes ou des capacités interarmées utilisées simultanément par tous, quel que soit l' opérateur " d' origine : satellites d' orientation, d' observation et de communication, UAV, renseignement en général .En second lieu, l' allongement de la portée des armes amène à obsolescence la distinction entre rear, close et deep battle zones, et conduit naturellement chaque armée à " empiéter " sur les prérogatives habituelles des autres . La solution traditionnelle consistant à créer une délimitation artificielle ( Fire Support Coordination Line ou FSCL ) risque d' être de plus en plus difficile à mettre au point et à respecter, et pourrait surtout se révéler contre-productive ; une partie de la Garde républicaine irakienne s' est d'ailleurs échappée en 1991, car elle se trouvait hors de portée des hélicoptères de l' Army, mais à l'intérieur de " sa " partie de la FSCL, au grand dam des aviateurs qui survolaient les environs de Bassorah .Cette disparition des lignes de partage claires qui avaient prévalu traditionnellement entre l' Army, l' Air Force et la Navy pose un problème majeur, à la fois opérationnel et politique .
S' il se vérifie, le changement de paradigme suscité par la RMA oblige l' Army, on l' a vu, à repenser les organisations, le commandement, les structures de force et peut-être même la tactique élémentaire . [Present_SP] Il s' agit, pour les opérations terrestres, d' intégrer les feux et la manoeuvre à une échelle inédite, aussi bien vers le bas, à l'intérieur de les unités, que vers le haut, entre les Services . [Interro] Or, cette évolution, de le combat toutes armes de l' armée de terre vers le combat interarmées terrestre , suscite immédiatement un problème aigu de subordination, à la fois objectif et intéressé, et qui se résume à la question suivante : quelle est l' armée " décisive ", qui doit donc être " soutenue " ( supported ) par les autres, réduites au rôle de " supporting services ", sachant que désormais elle participent toutes aux opérations qui se déroulent à terre ?Là où le débat traditionnel opposait les adeptes du " bombardement stratégique " aux tenants de la coopération interarmées au profit de une décision forcément emportée par les troupes terrestres ( doctrine AirLand Battle ), le débat contemporain opère une " révolution kantienne " et fait passer la ligne de partage à l' intérieur même de ce qui était le domaine réservé de l' Army, les opérations au sol .La plupart des partisans actuels de l' Air Power s' accordent en effet pour estimer, avec les ceux de la RMA, que le caractère décisif des frappes - aériennes - ne réside plus tant dans le choix de cibles " stratégiques " que dans la capacité à détruire toute possibilité ou centre de résistance visible .Dans cette optique, les forces terrestres, qu' elles appartiennent d'ailleurs à l' Army ou à l' USMC , ont fort logiquement pour mission de " débusquer " les cibles adverses, de les obliger à se manifester et à se concentrer, devenant ainsi vulnérables aux frappes .Les " deux armées de terre " américaines , à l' inverse , persévèrent à penser que les feux à longue portée jouent à l'échelle de le théâtre le même rôle de soutien, parfois fondamental et néanmoins toujours subordonné, que l' artillerie par rapport à les armes de mêlée . [On..._SP] On pourrait croire à ce stade que la controverse oppose l' Army et l' USMC d' un côté, la Navy et l' Air Force de l' autre .S' il en va bien ainsi " philosophiquement ", la réalité est autrement plus complexe, car cette opposition se double d' une opposition potentielle exactement inverse : les Services qui gèrent majoritairement les capacités de frappes comme ceux qui sont organisés pour le combat de près chassent sur les " mêmes terres " .
[Autre_SN] Pour ces raisons, ce qui devrait être un débat opérationnel et technique portant sur la manière la plus efficace d' intégrer les capacités et de créer une véritable synergie se transforme en une querelle sur " les rôles et les missions ", avivée par la réduction constante des crédits de défense durant les années 1990 comme par la disparition du " compétiteur de rang égal " .Quel pays peut en effet prétendre aujourd'hui s' opposer en haute mer à la Navy ou dans les airs à l' Air Force ? Parce que le contrôle de leur " médium " naturel ne constituait plus un problème et donc une justification, la Navy et l' Air Force se sont très naturellement réorientées vers des stratégies " du littoral " ( from the sea ) ou counter-land .En parallèle, la réorientation " tous azimuts " de la stratégie générale américaine a, on l' a vu, obligé l' armée de terre à sortir de son rôle historique d' ultime et décisif recours, afin de se projeter plus rapidement sur les théâtres de crise, empiétant au passage sur les prérogatives des Marines .Selon la façon dont elle est organisée, la jointness fait ainsi courir à chaque armée le risque de se voir subordonnée aux autres Services dans le cadre de opérations dirigées vers l' intérieur des terres : feux à longue portée comme soutien de forces terrestres opérant désormais sur toute la profondeur du théâtre, sorte de AirLand Battle gigantesque d' un côté, manoeuvre comme élément de " soutien " à des frappes décisives de l' autre .
[Cliv_SP] C' est à la lumière de ce contexte de rivalités interarmées qu' il convient d' apprécier les orientations retenues par l' Army dans son effort de " transformation " .Si l' on met entre parenthèses le problème épineux, et à dire vrai central, de la faisabilité du " Futur Combat System ", le plan " Objective Force " vise à réformer l' armée de terre dans le sens de la projection de force tous azimuts et pour ce faire repose sur l' intégration des feux interarmées, le développement des capacités héliportées et le renouveau de l' infanterie .Or, les relations entre Services et la culture interne de l' Army ne favorisent guère la réalisation de l' Objective Force " .
Face aux prétentions des autres Services, l' Army refuse évidemment d' être cantonnée à un rôle de soutien, qu' il s' agisse de " débusquer " l' ennemi au profit de l' Air Force, de conduire des opérations de nettoyage ( mopping-up ) sur les franges du théâtre ou de " maintenir l' ordre " après coup, comme au Kosovo .Or, le paradoxe veut que l' Army soit l' institution la plus menacée par la transformation, en même temps que elle est la plus dépendante des trois Services : moins dotée que la Navy ou l' Air Force en capteurs et moyens de frappe à longue portée, elle en a toutefois impérativement besoin pour opérer ; de surcroît, les interventions de la dernière décennie ont mis l' Air Force à tel point en valeur que des experts et des commentateurs toujours plus nombreux se demandent si le maintien d' une force terrestre aussi importante se justifie encore .L' armée de terre est donc fortement incitée à concurrencer l' Air Force et la Navy dans le domaine de les frappes à longue portée, de façon à réduire sa dépendance et à démontrer qu' elle est elle aussi " transformée " .Or, l' Air Force est évidemment mieux placée, à l'heure actuelle et pour un certain temps encore, pour revendiquer et surtout mettre en pratique une pure stratégie de ciblage - la Navy elle -même a d'ores et déjà du mal à suivre .Même à supposer que l' Army de 2025 dispose des plateformes ultrarapides requises, ainsi que de moyens de frappe à distance autonomes, elle n' en deviendrait pas moins, en souscrivant pleinement à cette conception des opérations militaires, chargée d' une mission de soutien, à savoir " débusquer " par ses feux les unités adverses au profit de un complexe de reconnaissance-frappe dont elle sera au mieux le partenaire junior - les plateformes aériennes devraient garder un net avantage en termes de réactivité, d' allonge et de volume de munitions de précision tirées .Les Marines revendiquent d'ailleurs a contrario l' esprit d' infanterie " nécessaire à la conduite d' opérations décisives dans n' importe quel contexte et sur n' importe quel terrain : ce choix restrictif correspond à la fois à la taille réduite du Corps et à ses préférences doctrinales .
En parallèle, l' Interim Force " pour partie mais surtout la volonté explicite de le général Shinseki de faire à terme de l' armée de terre une force de " premier recours " heurtent de front les intérêts de l' US Marine Corps, de même d'ailleurs que la probable et importante composante héliportée de l' Objective Force ", qui pourrait avoir occasionnellement besoin de stationner sur des bateaux, si les progrès technologiques espérés ne se réalisent pas .Le problème a dû en réalité se poser déjà pour l' IBCT : parce que les porte-hélicoptères sont considérés comme des capital ships, la Navy est, de par la loi, seule habilitée à les posséder et à les commander . [Il..._SN] Il était donc exclu de lancer un programme comparable aux BPC ( bâtiments de projection et de commandement ) français et il n' y avait dès lors pas d' autre choix que de privilégier le transport aérien et de ne pas trop mentionner les hélicoptères, à court terme en tout cas .Ainsi, l' existence du Marine Corps interdit à l' Army de jouer la Navy contre l' Air Force , et l' oblige en fait à passer par son " ennemi véritable " .Dans le même temps, les forces spéciales, et pour partie les Marines , ont repris à leur compte les missions traditionnelles d' infanterie comme le combat urbain, l' infiltration ou même les raids en profondeur, à côté des rangers .La réorientation massive de l' armée de terre dans cette dernière direction eût été de toute façon délicate .Outre que une bonne partie de l' institution s' y serait opposée, le combat rapproché et les thèmes afférents ne sont certes pas à la mode : les défenseurs de la RMA insistent constamment sur la nécessité du " see deep, shoot deep " et tournent en dérision les résistances des traditionalistes comme autant de mauvais prétextes . [Interro] Ils ont ainsi beau jeu de faire valoir que l' Army s' est éloignée depuis longtemps déjà du " corps à corps " en privilégiant la puissance et la létalité des plateformes : les chars américains ne détruisaient -ils pas les T - 72 irakiens à distance de sécurité ?L' argumentaire traditionaliste serait d' autant plus faible et bêtement conservateur qu' il ne percevrait ni l' ampleur des progrès technologiques en cours, ni surtout que la " révolution de la précision " ne fait que poursuivre une tendance naturelle et ancienne, à laquelle l' Army a pleinement participé .
Les armes traditionnellement dominantes de l' institution ne sont pas véritablement en désaccord avec ce raisonnement, premièrement parce que elles estiment politiquement intenable le risque de pertes significatives qui va de pair avec le combat rapproché, deuxièmement parce que une telle réorientation risquerait de se traduire par une baisse significative et durable des crédits alloués à l' Army, troisièmement parce que l' institution risquerait de finir en force de maintien de l' ordre ( constabulary Army ), enfin parce que elles estiment pouvoir tirer parti en interneLes heavies espèrent d'ailleurs sans doute que le FCS sera au final une version allégée et plus moderne des véhicules lourds d' aujourd'hui, de façon à rétablir le primat de l' affrontement mécanisé .Les lights et les membres de l' Army Aviation " aspirent à l' inverse à profiter de la transformation pour rééquilibrer à leur profit les rapports de force au sein de l' institution .
Obligé de prendre en compte ces aspirations antinomiques, le leadership de l' Army entend pour sa part réconcilier tous les éléments disparates de l' institution, en finir avec la prédominance de certaines branches, sans pour autant en privilégier d'autres, et occuper le terrain budgétaire face à la Navy et à l' Air Force tout en répondant à la pression politique qui s' est accentuée depuis le Kosovo, et qui interdit de s' en tenir au business as usual en matière de programmes . [On...] Dans cette optique, on s' explique sans doute mieux le choix du véhicule Stryker en lieu et place de solutions soit plus innovantes ( AGS ou autre ), soit moins onéreuses ( M113 ) . [Il..._SN] De même, il était vraisemblablement impossible de lancer un nouveau projet d' hélicoptère, ou d' orienter le FCS dans cette direction, sans mettre immédiatement en danger le Comanche, déjà menacé par les nombreuses voix qui se sont élevées pour souligner que les UAV pourraient se charger à l'avenir de la reconnaissance armée à basse altitude - en outre, l' Army est susceptible à l'avenir de s' intéresser au V - 22 Osprey, s' il s' avère viable .Pour ce qui est du moyen / long terme, le maintien sélectif de quelques programmes de modernisation généralement orientés ou " vendus " comme étant transformational et le lancement du FCS permettent à la fois de satisfaire les traditionalistes et les avant-gardistes . De la sorte, l' armée de terre entend préserver, voire même augmenter, sa part des crédits d' équipement, déjà inférieure à celle de ses concurrents .
Si elle permet de satisfaire partiellement les demandes des politiques comme les préférences des diverses composantes de l' institution, cette stratégie de développement tous azimuts place cependant l' Army dans une logique d' affrontement avec tous les autres services . [Cliv] Comme ces derniers ne manquent pas de le faire savoir, c' est bien d'abord la stratégie budgétaire de l' Army qui est full-spectrum : avec le lancement de l' Interim Force " et de l' Objective Force ", concurremment au maintien de la " Legacy Force ", le contribuable américain serait de facto en train de subventionner trois armées de terre, pour accomplir des missions qui pour certaines d' entre elles sont déjà remplies par l' US Marine Corps ou l' Air Force .L' Air Force en particulier fait valoir que l' Army aurait dû se montrer plus prévoyante durant les années 1990, et qu' elle devrait réduire ses structures de force plutôt que de faire financer sa transformation par les autres armées .
L' augmentation très substantielle des crédits de défense décidée à la suite du 11 septembre n' a probablement fait que reporter dans le temps la crise budgétaire et interarmées stimulée tant par le discours de la transformation que par l' évolution réelle des technologies et des équipements .
[Il...] Au vrai, il convient de bien isoler ce qui appartient réellement au débat fondamental évoqué plus haut, qui oppose des conceptions antagonistes de la guerre, et ce qui relève plus simplement des intérêts bien compris des divers lobbies, militaires, industriels et autres .Quelle que soit l' âpreté des querelles entre Services, en effet, l' Army est d'abord menacée par l' atmosphère intellectuelle et politique qui prévaut à Washington en matière de stratégie et d' usage de la force .A cet égard, le plan Shinseki se trouve littéralement pris sous les feux croisés de critiques qui appartiennent pourtant à des écoles de pensée différentes .
En premier lieu, le débat américain autour de le plan Shinseki et plus largement de l' avenir de l' armée de terre laisse apparaître une majorité plus ou moins virulente de sceptiques . [On...] Pour résumer, on dénombre essentiellement quatre points de vue sur la question .A l'origine de nombreuses controverses globalement dirigées contre l' Army et en faveur de l' Air Force, l' école de l' Air Power " n' est foncièrement hostile ni aux IBCT, ni à " Objective Force ", qui vont dans le sens de la précision, du moment que l' Army finance elle -même sa transformation .En outre, l' Interim Force " en particulier est appelée à être dans une situation de forte dépendance ( transport, soutien, appui-feu ) vis-à-vis de l' Air Force .Les partisans civils de la RMA, moins liés à ce dernier Service , sont en revanche très critiques à l' endroit des IBCT, trop lourdes et trop chères par rapport à ce qui serait leur mission réelle, le maintien de la paix .Dans la mesure où il se réclame explicitement de l' idée de guerre " réseau-centrée ", le projet " Objective Force " est pour sa part accueilli favorablement .Sur ces deux derniers points, les " traditionnalistes " , présents pour l' essentiel au sein de les branches dominantes de l' Army , ne sont paradoxalement pas loin de partager l' opinion des tenants de la RMA : les IBCT orientent l' Army dans la direction dangereuse des opérations de stabilisation et l' éloignent du combat de haute intensité, qui doit rester sa raison d' être .Ils se séparent bien entendu des deux premières écoles en restant attachés à la doctrine Powell et par leur vive opposition aux véhicules légers qui, d' après eux, manquent de protection et de puissance de feu au point de être inutiles .L' Interim Force " en particulier n' a pour eux aucune utilité et menace l' identité de l' Army .Les maneuverists demeurent également sceptiques vis-à-vis du corpus de pensée de la RMA, rejettent la recherche systématique de la distance et de la précision et insistent sur l' importance des feux de neutralisation et du combat rapproché .Ils diffèrent des traditionalistes en ce qu' ils acceptent pour l' institution la nécessité du changement de format et de la réorientation des missions, et réservent leurs critiques aux modalités de la réforme en cours .De leur point de vue, la refonte des structures et de la formation constituent des priorités plus urgentes que l' acquisition d' équipement nouveaux, d'ailleurs douteux ; il faut aller franchement et rapidement vers la modularité des structures de force, une interarmisation véritable et un commandement décentralisé, et " les équipements suivront " .
A l' image du débat stratégique américain, les appréciations généralement portées sur la transformation de l' Army s' attachent majoritairement aux aspects techniques, opérationnels et budgétaires ; ce faisant, elles laissent partiellement dans l' ombre la dimension politique du débat, pourtant essentielle .Depuis la fin de la guerre froide, les échéanciers internes dominent la vie politique américaine ; il s' en suit une déconnexion entre le débat stratégique, très focalisé sur la dimension purement militaire et technique des débats stratégiques, et les débats de politique étrangère, plus généraux mais souvent biaisés par des considérations de politique intérieure .En premier lieu, la hiérarchie civile du Pentagone compte dans ses rangs des adeptes nombreux et convaincus de la transformation, depuis Donald Rumsfeld lui -même jusqu' à Steven Cambone et Arthur Cebrowski . L' équipe au pouvoir n' a pas non plus caché ses réticences initiales vis-à-vis des opérations de stabilisation et du nation-building ; l' IBCT semble d'ailleurs susciter davantage d' enthousiasme pour ce qu' elle annonce que pour ce qu' elle permet aujourd'hui .En règle générale, cette école de pensée s' intéresse davantage au C4ISR, aux capacités de frappes à longue portée et aux moyens permettant de contrer le déni d' accès, qui pourraient tous être requis dans vingt ans contre la Chine, qu' aux structures actuelles, regardées comme pesantes et de plus " engluées " dans des opérations de police internationale qui n' en finissent pas . [SujetInv] Aussi a -t-il été rapidement clair, malgré le soutien verbal accordé au plan " Objective Force ", que l' Army était plus spécialement dans la ligne de mire de Donald Rumsfeld en matière de annulations de programmes et même de réduction de format . [On..._SP] Comme pour mieux signifier sa disgrâce, on a même été jusqu' à annoncer très en avance le nom du successeur du général Shinseki . [On..._SN] A en s' tenir à ces éléments, aux déclarations de l' actuel secrétaire à la Défense ou à l' ambiance au sein de l' institution, on aurait presque pu croire l' Army condamnée à brève échéance .Du 11 septembre jusqu' à aujourd'hui, les événements ont partiellement redirigé les esprits vers l' extérieur et suscité une aubaine budgétaire .Dans le contexte actuel, l' Army est bien évidemment requise, et le sera bien plus encore en cas de intervention en Irak .A cet égard, il est à n' en pas douter important pour l' institution et les bastions conservateurs en son sein que cette seconde campagne se passe bien, mieux en tout cas que l' Afghanistan, qui a surtout mis en valeur les forces spéciales .Après tout, le Contingency Corps et le Counterattack Corps ont justement pour vocation d' écraser un adversaire mécanisé, respectivement dans le Golfe et en Corée, et un fiasco dans les circonstances présentes, qui plus est sur les théâtres mêmes pour lesquels les heavies se sont préparés, serait impardonnable et entraînerait sans doute des conséquences irréparables pour l' Army .
En second lieu, toutefois, le risque politique principal ne vient sans doute pas des " aléas de la conjoncture " ou des changements de gouvernement ; après tout, l' Army est présente sur tout le territoire américain et peut donc compter autant que les autres Services sur le soutien appuyé du Congrès - a contrario, qu' il ait été possible de " tuer " le programme Crusader s' explique justement par le fait que l' industriel n' était implanté que dans un seul état, contre près de 40 pour le F - 22 Raptor .Le danger de long terme, qui menace d'ailleurs l' US Marine Corps tout autant que l' Army , a sans doute plus à voir avec la phobie des pertes que les hommes politiques et les militaires supposent à leur propre population .Contrairement à une légende tenace qui attribue cette phobie des pertes à la société civile en propre, toutes les études d' opinion font justement apparaître une réalité beaucoup plus nuancée .Le problème des pertes résulte en fait des particularités du système politique américain, qui organise une distribution équilibrée des pouvoirs entre les institutions, et en particulier entre la présidence et le Congrès .Ce système de " freins et de contrepoids " oblige au compromis et à la minimisation des risques : en l'absence de discipline de parti dans les Chambres, l' exécutif peut se retrouver censuré à tout moment s' il met en danger la réélection des membres de son propre parti .L' expérience malheureuse du Vietnam a bien entendu amplifié le phénomène, tout d'abord en mettant un terme à l' ère de la " présidence impériale " qui avait caractérisé la guerre froide, en second lieu en poussant l' institution militaire à intervenir de plus en plus ouvertement dans le débat, entre autres par le biais de le Congrès .Autrement dit, et après une lente mais sûre montée en puissance du pouvoir présidentiel face à les prérogatives congressionnelles en matière de politique étrangère, les années 1970 ont été l' occasion d' un retournement significatif, qui s' accélère avec la fin de la guerre froide : le président doit désormais faire face à la fois au Congrès et à l' institution militaire, chaque acteur veillant jalousement sur son " pré carré " et essayant auprès de l' opinion de faire assumer par les autres les risques ou les déconvenues éventuelles .Parce que aucun de ces acteurs ne veut se retrouver en position de devoir assumer un échec ou une catastrophe , et préfère prendre les devants en prêtant à la population des sentiments très tranchés à cet égard, il est politiquement très risqué aux Etats-Unis de s' engager dans une intervention susceptible de produire des pertes significatives .Militaires et civils sont otages les uns des autres, la présidence est à la merci de le Congrès et le parti au pouvoir est vulnérable aux accusations de l' opposition .
[SujetInv] au terme de cette étude émergent plusieurs conclusions, qui concernent aussi bien les chances de réalisation du plan Shinseki que l' avenir de l' Army et les conséquences du processus de transformation pour les alliés des Etats-Unis, quel que puisse être son résultat final .
Les événements récents n' ont pas été tendres avec l' Army, depuis le fiasco albanais jusqu' aux difficultés de l' opération " Anaconda " .Par nature passagers, ces incidents de parcours ne signifient pas grand-chose par rapport à les vrais problèmes de l' institution, qui ont à voir avec la concurrence que lui livrent les autres Services et l' atmosphère politique qui conditionne aux Etats-Unis l' usage de la force .A maints égards, l' Army se retrouve dans la situation peu enviable d' être attaquée à la fois par le haut, la Navy et l' US Air Force s' étant réorientées vers la surface terrestre, et par le bas, les forces spéciales ayant apporté la démonstration de leur flexibilité et de leur efficacité en Afghanistan .La riposte est d' autant moins aisée à organiser que l' armée de terre risque de s' aliéner durablement l' US Marine Corps et, par voie de conséquence, la Navy, si elle prétend désormais se réorganiser dans une logique expéditionnaire, ce qui l' oblige à passer par l' Air Force pour se déployer - et ce, alors que les deux Services devraient être des alliés naturels face à les prétentions de l' Air Force .Enfin, les réticences de la classe politique mais aussi de la hiérarchie militaire interdisent sans doute à l' armée de jouer complètement la carte de la présence au sol et du combat de près, depuis les opérations de stabilisation jusqu' au " combat d' infanterie " .
Dans ces conditions, le plan Shinseki constitue une réponse courageuse, qui cherche à préserver l' avenir et l' unité de l' institution en matière de équipements, de missions et de culture commune .Les insuffisances et les ambiguïtés ne manquent pas, cependant, qui pourraient faire dérailler le projet .L' IBCT, tout d'abord , semble faiblement soutenue, à l' intérieur comme à l' extérieur de l' institution, et ses caractéristiques la condamnent sans doute à ne jouer qu' un rôle marginal en dehors de les opérations de stabilisation .Dépendant d' avancées technologiques pour le moins aléatoires, Objective Force " traduit également les hésitations de l' Army quant à sa mission première, présence au sol ou participation " décisive " au combat de haute intensité futur .A vouloir couvrir ainsi le spectre des possibles, l' Army court le risque de faire contre elle l' unanimité et de perdre la compétition interarmées . [Il..._SN] Pour ces raisons, il est bien difficile pour l' heure d' émettre une prédiction crédible .Le projet peut échouer complètement, laissant l' Army marginalisée au profit de les autres Services ; il peut s' orienter entièrement vers la logique de ciblage et le combat " véhiculaire ", l' Army abandonnant alors aux Marines, aux forces spéciales et peut-être à la réserve les missions de stabilisation et le combat rapproché .Entre ces deux extrêmes, l' Army peut parvenir à ne mener à bien que une partie du plan - l' IBCT très probablement - et revoir à la baisse les ambitions affichées dans " Objective Force " dès que le contexte politique le permettra .A ce jour, la réussite intégrale du projet paraît très improbable, et ne garantirait de toute façon pas l' émergence d' un partage des tâches interarmées satisfaisant .
AUTEUR : Yves-Marie Péréon, Chartered Financial Analyst, est diplômé de l'Ecole supérieure de Commerce de Paris (1989). Depuis 1995, il travaille à New York pour une banque française. Titulaire d'un DEA sur " La France vue par la presse américaine entre 1936 et 1947 " (Université de Franche-Comté, 2003), il prépare actuellement une thèse de doctorat sur le même sujet à l'Université Paris I.
L' année 2002 a été marquée par une série de scandales financiers qui ont ébranlé la confiance de l' investisseur américain - autant dire du citoyen - dans l' intégrité et la transparence des marchés financiers .L' enchaînement des faits, tout d'abord . La faillite d' Enron était déclarée en décembre 2001, celle de Global Crossing en janvier 2002 .Pour son rôle dans l' affaire Enron, le cabinet d' audit Arthur Andersen était mis en examen en mars .En juin, Enron reconnaissait avoir versé un total de 310 millions de dollars en espèces à ses dirigeants au cours de l' année 2001 et WorldCom corrigeait ses comptes de 3,8 milliards de dollars .Le 21 juillet, la faillite de WorldCom était déclarée .Le 24, la Securities and Exchange Commission ( SEC ) portait plainte contre les dirigeants d' Adelphia, accusés d' avoir dissimulé 2,3 milliards de dollars de dettes dans des sociétés non consolidées .En août, l' ancien Chief Executive Officer ( CEO ) de ImClone était mis en examen pour délit d' initié . [Cliv_SP] En septembre, c' était au tour du CEO et de Chief Financial Officer ( CFO ) de Tyco d' être mis en examen pour corruption : il leur était reproché d' avoir détourné 600 millions de dollars, dont 170 millions de prêts personnels accordés par la société .Enfin le 5 novembre 2002, Harvey L. Pitt , président de la SEC et champion de le laisser-faire réglementaire , était contraint de démissionner .
Tous ces scandales se sont produits dans un contexte économique morose, très différent de l' euphorie des années 1990 : la " bulle Internet " a éclaté ; les profits boursiers ne sont plus là pour inciter les investisseurs à l' indulgence envers les dirigeants d' entreprises un peu trop désinvoltes avec les règles de l' éthique .La crise de confiance est profonde et risque de retarder le retour à la croissance .Pour tenter de la surmonter, l' Administration et le Congrès américains ne sont pas restés passifs : le Sarbanes-Oxley Act, signé par le président George W. Bush le 30 juillet 2002, a introduit des réformes majeures dans les domaines de la comptabilité et de la gouvernance d' entreprise .Il constitue le plus important ensemble de mesures législatives relatives au reporting financier et au contrôle interne depuis le Securities Act de 1933 et le Securities Exchange Act de 1934 .De nombreuses dispositions ont suscité l' intérêt des médias et de l' opinion publique : à titre d' exemple, les directeurs généraux ( CEO ) et les directeurs financiers ( CFO ) ont désormais l' obligation de certifier par écrit non seulement que l' information financière rendue publique par leur société est complète et exacte, mais encore qu' ils ont mis en oeuvre des contrôles et des procédures encadrant la publication de cette information .
Cependant pour important qu' il soit, le Sarbanes-Oxley Act n' est pas la seule innovation affectant la gouvernance des entreprises américaines .Tout un ensemble de textes ont été élaborés et mis en application au cours des derniers mois, notamment par la SEC et le Financial Accounting Standards Board ( FASB ) .Le Sarbanes-Oxley Act s' inscrit ainsi dans un mouvement plus vaste de réforme des pratiques comptables des sociétés cotées, qui vise à un retour à la rigueur après l' exubérance des années 1990
Au-delà des multiples conséquences pratiques de la loi dans le quotidien des entreprises, la gravité de la crise mérite que l' on s' attarde à étudier le processus par lequel les médias, le monde politique et Corporate America y ont réagi . [interro] Fallait -il faire confiance au jeu spontané des mécanismes d' autorégulation du marché ou choisir la voie du volontarisme législatif et réglementaire ?Les lignes qui suivent n' ont pas l' ambition de trancher ce débat théorique ; leur objectif est plus modeste : rappeler le contexte des réformes mises en oeuvre par le Sarbanes-Oxley Act, en décrire le contenu ainsi que celui des autres changements intervenus au même moment, notamment dans le domaine des normes comptables et formuler quelques observations sur la manière dont les acteurs de l' économie américaine s' adaptent à leur nouvel environnement .
Aucun des acteurs traditionnels des marchés financiers n' a été épargné par les scandales de l' année 2002 .Héros déchus de la libre entreprise, les CEO occupent le premier rang au banc d' infamie .Le 24 juillet 2002, trois membres de la famille Rigas, dont John Rigas , le patriarche qui avait fondé le groupe de télécommunications Adelphia en 1952 , ont été arrêtés .Ils sont accusés de fraude financière massive et surtout d' avoir " pillé " Adelphia pour leur profit personnel .Kenneth Lay , le président de le courtier en énergie Enron , Jeffrey Skilling , le CEO , et Andrew Fastow , le CFO , sont rendus responsables de la disparition des milliers d' emplois du groupe et de celle, partielle ou totale, de l' épargne des actionnaires .La presse s' est plu à détailler avec une précision féroce les avantages financiers consentis, au détriment des actionnaires de la société, à Dennis Kozlowski, le CEO de Tyco : son appartement de New York à 18 millions de dollars, les 11 millions nécessaires à sa décoration et jusqu' à un rideau de douche au prix extravagant .
Mais les " pirates de la nouvelle économie " ne sont pas les seuls coupables .Les complaisances du bureau d' Arthur Andersen à Houston , chargé d' auditer les comptes d' Enron , ont causé la chute du cabinet tout entier .Ni le départ des dirigeants compromis, ni le secours de Paul Volcker , l' ancien président de la Federal Reserve ( Fed ) , n' ont pu sauver l'un des plus prestigieux cabinets internationaux d' audit et de conseil . [Cliv] C' est justement ce mélange des genres entre deux fonctions très différentes, l' audit et le conseil, qui est en cause .Le cabinet est soupçonné d' avoir continué de certifier les comptes d' Enron pour ne pas perdre le flux de commissions générées par les autres services rendus au groupe : en 2000, les services d' audit rendus par Arthur Andersen à Enron ont produit 25 millions de dollars de commissions, contre 27 millions pour les services " non- audit " .Cette situation est représentative d' une évolution qui affecte l' ensemble de la profession : en 1988, 55 % des revenus des 5 grands cabinets provenaient des services comptables et d' audit et 22 % des services de conseil .En 1999, ces chiffres s' élevaient respectivement à 31 et 50 % .
La branche conseil des cabinets d' audit n' est pas le seul prestataire de services à avoir fait preuve d' une trop grande créativité .Les banques d' investissement sont mises en cause elles aussi pour avoir vendu aux entreprises clientes des montages financiers toujours plus inventifs et toujours plus risqués .La presse n' a pas manqué de montrer du doigt les millions de dollars de commissions gagnés par Citigroup et JPMorgan pour leurs services d' ingénierie financière auprès d' Enron .
Une autre catégorie de professionnels de les banques d' investissement est vivement prise à partie : les analystes .Ils conseillent les investisseurs en émettant des recommandations - buy, sell ou neutral, par exemple - en conclusion des rapports de recherche publiés sur les sociétés qu' ils suivent .Ils sont supposés agir en toute indépendance à l'égard des sociétés en question .Or l' expérience des derniers mois a montré que ce principe était loin d' être toujours respecté .Eliot Spitzer , Attorney General de New York , s' est illustré dans le combat judiciaire pour revenir à des pratiques plus saines .Plusieurs banques d' affaires employant de les analystes ont ainsi été condamnées par les tribunaux .Le cas de Jack B. Grubman , en charge de le secteur de les télécommunications chez Salomon Smith Barney , est représentatif : il a maintenu sa recommandation en faveur de l' achat ( buy ) du titre WorldCom bien après que le cours se fut effondré .En septembre 2002, Salomon a dû payer une amende de 5 millions de dollars pour avoir publié des rapports de recherche ayant induit en erreur les investisseurs .Néanmoins, J.B. Grubman a pu quitter Salomon dans des conditions financières très avantageuses .Certains analystes, et parmi eux les stars de la profession , ont donc émis des recommandations qui ont fait perdre beaucoup d' argent à leurs clients .Dès lors, leur compétence et leur honnêteté sont devenues suspectes .
Quant aux agences de notation, de nombreux observateurs estiment qu' elles n' ont guère fait preuve d' une plus grande lucidité : Moody's et Standard and Poor's, qui constituent un quasi-duopole, et Fitch qui, aux Etats-Unis, détient une part de marché plus modeste, ont été accusées d' avoir réagi avec une extrême lenteur à la dégradation de la situation financière de certaines grandes sociétés, tout particulièrement de celle d' Enron qui n' a été classée below investment grade que le 28 novembre 2001, quatre jours avant que la faillite ne soit déclarée .Or leur intime connaissance de la réalité financière des entreprises notées leur dû leur permettre de mieux anticiper ces événements .
alors S' il n' est plus possible de se fier aux CEO, aux auditeurs, aux analystes, aux banquiers d' affaires, et jusqu' aux stars de la télévision, à quel saint vouer le marché ? Jamais à cours d' imagination, l' Amérique s' est découvert un nouvel intercesseur, le whistle-blower .A la fin 2002, Time Magazine a nommé Sherron Watkins, Coleen Rowley et Cynthia Cooper " personnes de l' année " .Les trois femmes ont été consacrées whistle-blowers, celles qui ont " sifflé l' alarme " .Si Coleen Rowley est l' officier du bureau du Federal Bureau of Investigations ( FBI ) à Minneapolis qui a alerté sa hiérarchie sur les activités de Zacarias Moussaoui avant les attentats du 11 septembre 2001, les deux autres se sont illustrées dans le domaine de la libre entreprise .Sherron Watkins est cette vice-présidente d' Enron qui, au cours de l' été 2001, a écrit au président Kenneth Lay pour l' avertir des pratiques comptables douteuses de son groupe .En juin, Cynthia Cooper a informé le conseil d' administration de WorldCom des pertes de 3,8 milliards de dollars dissimulées par la comptabilité de la société .Selon Time Magazine, qui est allé jusqu' à comparer leur courage à celui des héroïques pompiers de New York, S. Watkins et C. Cooper n' ont pas hésité à risquer leur carrière au nom de l' intégrité professionnelle .
La crise de confiance est donc bien réelle .Les premières victimes sont les salariés des sociétés déchues, licenciés par milliers .Ils sont doublement touchés car leurs fonds de pension sont affectés par l' effondrement du cours des titres de leur ex- employeur .Mais l' onde de choc est ressentie par tous les propriétaires de ces titres, au premier rang desquels les banques créditrices, dont le cours en bourse a accusé l' effet Enron " .L' impact sur les marchés financiers est donc à la fois profond et durable .
L' affaire Enron, dans tous ses développements , est une sorte d' anthologie des irrégularités comptables que de trop nombreux acteurs des marchés financiers américains ont acceptées avec complaisance au cours des dernières années . [Autre_SN]Financements non consolidés alors qu' ils auraient dû l' être, conflits d' intérêts, profits gonflés artificiellement, violations des principes du code d' éthique, rien ne paraît manquer à la liste .
[Cliv] C' est ainsi que les Special Purpose Entities ( SPE ), entités juridiques qui ne font pas partie du périmètre de consolidation des sociétés, ont connu leur heure de gloire dans les médias .Enron en a utilisé une multitude dans le cadre de plusieurs opérations douteuses . [Present_SN] Il s' agissait le plus souvent de partnerships domiciliés dans des paradis fiscaux comme les îles Caïmans .Andrew Fastow , le CFO d' Enron , en était le General Partner et en assurait la direction, ce qui lui permettait de percevoir à titre personnel d' importantes commissions .L'un de ces SPE, étudié en détail par le Subcommittee on Oversight and Investigations de le Congrès dans sa session de le 14 mars 2002 , donne une assez bonne idée de leur fonctionnement .
Enron avait investi dans une société d' Internet, Rythms, dont les titres avaient connu une progression spectaculaire, lui permettant de réaliser une plus-value estimée début 1999 à environ 300 millions de dollars .Les titres étant reconnus en valeur de marché à l' actif de le bilan d' Enron , ce profit était susceptible de disparaître si les cours de Rythms s' effondraient .En raison de restrictions réglementaires, Enron n' était pas autorisé à vendre ses actions Rythms immédiatement .Pour protéger ses gains, le groupe pouvait acheter une option de vente des titres ( put ) à un prix d' exercice établi préalablement .Or aucune contrepartie indépendante n' aurait été prête à garantir ainsi le cours d' actions extrêmement peu liquides, volatiles et par conséquent extrêmement risquées .En juin 1999, un SPE fut donc créé spécialement à cet effet, sous le nom de LJM . LJM s' engagea à couvrir le risque des actions Rythms en vendant à Enron un put à cinq ans avec un prix d' exercice de 56 dollars par action .Pour pouvoir assumer ses engagements, LJM reçut 3,4 millions d' actions Enron .Le montage n' était pas viable économiquement, car, si les cours de Rythms et d' Enron chutaient simultanément, le SPE risquait de se trouver dans l' incapacité de faire face à ses engagements au titre du put .Cela revenait, pour Enron, à se garantir lui -même .Pourtant le cabinet Arthur Andersen , auditeur d' Enron , accepta le schéma qui lui fut présenté par Fastow .Le conseil d' administration, consulté lui aussi en juin 1999 , leva les dispositions du code d' éthique qui interdisaient à Fastow d' agir en tant que General Partner de LJM . Enron put ainsi gonfler artificiellement ses profits de l' année 1999
Mais l' utilisation systématique des SPE ne s' arrêta pas là .Enron s' en servit aussi pour dissimuler l' ampleur de son endettement .Comme de nombreuses sociétés du secteur de l' énergie, Enron était autorisé à reconnaître des revenus futurs dérivés de contrats " prépayés " dans lesquels l' acheteur paye d'avance des marchandises - pétrole, gaz ou électricité - qui lui seront livrées à une date ultérieure, parfois sur plusieurs années .Bien que légale dans le cadre des contrats de fourniture d' énergie, cette pratique fut utilisée agressivement dans plusieurs autres domaines . des actifs d' Enron furent ainsi vendus à des SPE contrôlées par Fastow, autorisant le groupe à reconnaître un profit immédiat .Bien entendu, l' endettement contracté par ces SPE dans le cadre de ces arrangements n' apparaissait pas dans les comptes consolidés du groupe .Ce montage a permis à Enron de gonfler artificiellement ses profits et de dissimuler une part importante de ses dettes : pour l' année 2000, les profits opérationnels réels étaient inférieurs de 50 % au montant déclaré dans ses états financiers, et l' endettement total réel, supérieur de 40 % .
Un tel écart entre l' image comptable et la réalité économique ne laissait pas tout le monde indifférent .Dans un mémo daté du mois d' août 2001, Sherron Watkins, vice-président au sein de la direction financière d' Enron , informa le président Kenneth Lay du risque d' implosion présenté par l' échafaudage de plus en plus fragile des SPE . Le cabinet d' avocats Vinson & Elkins fut chargé d' enquêter sur la base de ces allégations .S. Watkins s' opposa à cette sélection, car le cabinet avait été retenu comme conseil juridique dans le montage d' un certain nombre de SPE . Lay passa outre à cette objection .Le rapport préliminaire publié par Vinson & Enkins le 21 septembre s' abstint de porter un jugement sur les pratiques comptables de Fastow .La lettre de S. Watkins ne produisit donc aucun résultat concret - sinon d' attirer sur elle l' attention de ses supérieurs hiérarchiques, qui envisagèrent de la licencier et demandèrent même à ce sujet l' avis de ...Vinson & Elkins . Elle fut finalement mutée dans un autre service .Son témoignage devant un comité du Congrès, quelques mois plus tard , lui valut l' admiration des médias et la satisfaction, sans doute amère, de voir sa lucidité et son courage reconnus par certains de ses anciens collègues .
Mises en lumière dans leurs moindres détails lors des auditions du Congrès, les pratiques qui avaient cours au sein de la direction financière d' Enron étaient contraires à l' orthodoxie comptable à plusieurs titres .En utilisant des entités hors bilan, le groupe a réalisé des profits fictifs .L' endettement et les engagements contractés à travers ces entités n' ont pas été reportés dans les états financiers consolidés .En conséquence, les informations financières publiées à destination des marchés financiers étaient loin de donner une " image fidèle " de la situation financière réelle du groupe .
La chute d' Enron a suscité une réflexion de fond sur le danger d' échec systémique des mécanismes d' autorégulation des différentes catégories d' intervenants, dirigeants, membres du conseil d' administration, auditeurs, comptables, juristes, banquiers .Elle a aussi mis en lumière les dysfonctionnements du contrôle interne, en particulier les rapports de force qui réduisent les whistle-blowers au silence .Si les dirigeants de WorldCom ou d' Adelphia n' ont pas eu l' imagination créatrice de ceux d' Enron, les autres scandales de l' année 2002, par leur nombre et leur ampleur , ont pu donner le sentiment que la réputation de transparence des marchés financiers américains était, sinon usurpée, du moins très exagérée .
Dans ce contexte, le Congrès a éprouvé la nécessité d' agir pour restaurer la confiance .La loi signée par le président en juillet 2002 - officiellement Corporate and Auditing Accountability , Responsibility and Transparency Act - est connue sous le nom de ses deux promoteurs au Congrès .Paul S. Sarbanes , sénateur démocrate de le Maryland depuis 1977 , est aujourd'hui Ranking Member - c' est-à-dire le plus Senior des membres issus de la minorité démocrate - du comité chargé des affaires bancaires, le Senate Banking, Housing and Urban Affairs Committee .Au moment de la signature de la loi qui porte son nom, avant que les élections de novembre 2002 ne renversent la majorité, il en était le président .Michael G. Oxley, représentant républicain de l' Ohio depuis 1981, préside quant à lui le comité de la Chambre des représentants sur les services financiers, le House Committee on Financial Services .
La loi, préparée sous le patronage de deux vétérans de le Congrès , un démocrate et un républicain , bénéficie donc en apparence d' un large support bipartisan, dans la grande tradition parlementaire américaine .Son élaboration, pourtant , ne s' est pas faite dans l' unanimité, et des considérations de politique conjoncturelle ne sont pas étrangères à son adoption au cours de l' été .
Si Enron avait sensibilisé certains membres de le Congrès à la nécessité d' agir pour restaurer la confiance , ce fut sans doute WorldCom, quelques mois plus tard, qui fit pencher la balance du côté des partisans de la réforme .Un premier projet de loi présenté par Michael Oxley avait été voté par la Chambre des représentants le 24 avril 2002 .Cependant le texte final reprend essentiellement les dispositions, plus restrictives, d' un document présenté début avril par le sénateur Sarbanes devant le Senate Banking, Housing and Urban Affairs Committee .Les débats du Congrès se sont étendus sur plusieurs semaines .Le comité du Sénat y a consacré une dizaine de sessions, recevant les contributions de nombreux experts : l' ancien président de la Fed, Paul Volcker, d' anciens et actuel présidents de la SEC, d' universitaires, représentants des cabinets d' audit et des grandes sociétés américaines .
Le projet de loi a été adopté séparément par les deux chambres du Congrès en juillet .Dans un discours prononcé au Sénat le 8, Paul Sarbanes en énonçait les objectifs : " Cette législation est conçue pour traiter les faiblesses systémiques et structurelles qui, je pense, ont été mises en lumière au cours des derniers mois et qui montrent un échec de l' audit et un effondrement du sens des responsabilités des entreprises et des banques d' affaires . " La loi fut signée par le président le 30 juillet .L' exécutif républicain avait d'abord regardé avec méfiance l' initiative des parlementaires .La conversion tardive de l' administration est bien le signe qu' une action publique était devenue indispensable pour rétablir la confiance dans le bon fonctionnement des marchés financiers .Le discours du président le 9 juillet à Wall Street , avec ses admonestations moralisatrices et ses menaces de prison pour les dirigeants délinquants , avait déçu .La presse avait à nouveau évoqué les conditions dans lesquelles, bien avant son arrivée à la Maison-Blanche, George W. Bush avait vendu les actions de la société Harken Energy juste avant l' effondrement de leur cours .Le paraphe apposé au bas du Sarbanes-Oxley Act venait donc opportunément rappeler à l' investisseur-électeur que le président n' était pas indifférent à ses malheurs boursiers .
Dans son discours prononcé à l'occasion de la cérémonie de signature, le président insistait sur la nécessité d' un retour à la morale, dans le style qui est le sien : " Faire prendre des risques à un investisseur en le trompant, cela s' appelle du vol .Les dirigeants des entreprises doivent comprendre le scepticisme éprouvé par les Américains et prendre des mesures pour définir des critères clairs du bien et du mal .Ceux qui enfreignent les règles salissent un grand système économique qui offre des opportunités à tous . " Il poursuivait en mettant l' accent sur les aspects répressifs de la loi : " Plus d' argent facile pour les criminels d' entreprise, mais des temps difficiles . "
Une fois la loi signée, certaines de ses provisions sont entrées en application immédiatement, d' autres à la fin du mois d' août .La mise en oeuvre de les dernières a été confiée à la SEC, qui a reçu mission des traduire en une série de textes réglementaires à publier au cours des mois suivants .L' activité législative a continué dans des domaines plus spécifiques .Michael Oxley a ainsi récemment demandé au General Accounting Office ( GAO ) de préparer un rapport sur les commissions des fonds mutuels ( mutual fund fees ) .L' objectif est notamment d' étudier la transparence de ces commissions, les conditions dans lesquelles les ordres de bourse sont dirigés de manière préférentielle sur certains courtiers, etc .Dans un discours prononcé le 15 janvier, ce dernier plaçait sa proposition dans la ligne tracée par la loi qui porte son nom : " Il s' agit d' un effort de bon sens pour restaurer la confiance des investisseurs, dans l' esprit des réformes mises en oeuvre par le Sarbanes-Oxley Act de l' année dernière . " Bien que cette proposition du représentant Oxley ne soit pas d' une ampleur comparable à celle de la loi signée durant l' été 2002, elle témoigne du souci des législateurs américains de poursuivre leur action dans le domaine de la réglementation financière .
Mais le débat politique n' a pas pris fin le jour de la signature de la loi .Les démocrates exigeaient depuis longtemps le départ du président de la SEC, Harvey Pitt .Le 25 octobre, la Commission annonçait la composition du Public Company Accounting Oversight Board ( PCAOB ), organe de surveillance des cabinets d' audit institué par la loi .Ses cinq membres étaient présentés comme des modèles de compétence et d' intégrité .Le juge William H. Webster , Partner de le cabinet d' avocats Milbank Tweed , ancien directeur de le FBI et de la Central Intelligence Agency ( CIA ) , expert souvent appelé à participer ou à diriger 0 des missions d' enquête sur des sujets sensibles , en en être le premier président .La presse révéla bientôt que Webster avait siégé au comité d' audit de US Technologies, une société accusée d' avoir présenté des informations financières incorrectes .Comment lui faire confiance pour diriger le conseil chargé de réformer et de surveiller la profession comptable ? Webster dut démissionner .En novembre, George W. Bush saisit l' opportunité présentée par la victoire républicaine aux élections de mi-mandat pour remplacer Harvey Pitt, démissionnaire le 5 novembre, par William H. Donaldson, dans le cadre d' un vaste mouvement de changements aux postes économiques et financiers les plus élevés de l' administration .Depuis son entrée en fonction, le nouveau président de la SEC a proclamé à plusieurs reprises sa volonté de restaurer la confiance des investisseurs, et ses déclarations semblent prises au sérieux par la presse .Son premier succès a été de convaincre le très respecté William J. McDonough, président de la New York Federal Reserve, d' accepter de diriger le PCAOB . Annoncée en avril, cette nomination devait devenir effective à la mi-juin
La législation américaine sur les sociétés cotées en bourse n' est pas récente .La création de la SEC en 1934 répondait à un souci analogue de restaurer la confiance des investisseurs, ébranlée par la crise boursière de 1929 .Le Securities Act de 1933 , le Securities Exchange Act de 1934 , le Trust Indenture Act de 1939 et l' Investment Company Act de 1940 datent de l' Administration Roosevelt .Le Securities Act, en particulier , précise que les informations diffusées lors d' une émission de titres, notamment les états financiers de la société émettrice, ne doivent être ni frauduleuses ni trompeuses .
Le Sarbanes-Oxley Act s' inscrit donc dans une tradition ancienne .Il vise à réformer en profondeur la gouvernance des entreprises en instituant un organe de surveillance des sociétés d' audit, en renforçant l' indépendance des auditeurs, en les rendant plus responsables, et en améliorant la qualité de l' information financière mise à la disposition du public .
La loi établit tout d'abord le PCAOB, dont les cinq membres sont nommés par la SEC, en consultation avec le président de la Fed et le secrétaire au Trésor .Deux de ses membres doivent être des experts comptables certifiés ( Certified Public Accountants ou CPA ) .Pour garantir leur indépendance, la loi stipule qu' ils ne doivent recevoir aucune rémunération en provenance d' une société d' audit .Les cinq membres du PCAOB devaient être nommés par la SEC avant le 28 octobre 2002
Chargé de superviser les auditeurs des sociétés cotées, le PCAOB exerce son autorité dans plusieurs domaines : - il enregistre les auditeurs qui préparent les rapports d' audit pour les émetteurs ; - il définit des standards d' audit, d' éthique et de contrôle de qualité ; - il inspecte les activités des sociétés d' audit ; - il enquête sur les violations potentielles des lois sur les marchés et des standards professionnels d' audit ; - il s' assure de l' application de sa propre réglementation .
Mais le Sarbanes-Oxley Act ne se contente pas d' instituer un organe de surveillance à l'échelle de la profession .Il s' attache aussi à réformer le fonctionnement interne des sociétés cotées en bourse, en modifiant la composition et le fonctionnement de leurs comités d' audit .Ces comités doivent être composés de Directors ne recevant aucune rémunération en provenance de sociétés d' audit ; trois au moins de ces Directors doivent être indépendants ; un au moins doit être un Financial Expert, notion que la SEC était chargée de définir .
Le rôle des comités consiste désormais à superviser le travail effectué par les cabinets d' audit, à établir des procédures pour instruire les plaintes relatives au contrôle interne de la société et à résoudre les conflits éventuels entre les auditeurs et le management de la société .
La loi interdit aux cabinets qui auditent les comptes d' un émetteur de fournir, en même temps, des services d' une autre nature .Ces services prohibés incluent notamment la tenue des comptes de la société, le management ou la gestion de ses ressources humaines, les services de courtage, de conseil en investissement ou d' investment banking, les services d' évaluation, le conseil en systèmes d' information .Les autres types de services, s' ils ne sont prohibés pas a priori , doivent néanmoins être approuvés par le comité .
Innovation qui a eu un grand écho médiatique, le CEO et le CFO de les sociétés cotées doivent désormais certifier par écrit, en y apposant leur signature, les rapports annuels et trimestriels .Plus précisément, ils doivent certifier non seulement l' exactitude des états financiers et de l' information financière publiés par leur société, mais encore que les procédures de reporting et les contrôles internes ont été définis et sont mis en place, et que toute information financière matérielle est bien portée à leur connaissance .Enfin ils doivent identifier, le cas échéant, les faiblesses matérielles de ce reporting .En cas de violation de ces obligations, les peines prévues par la loi sont lourdes : 1 million de dollars et 10 ans d' emprisonnement en cas de violation consciente ( knowingly ) de ces obligations, 5 millions de dollars et 20 ans en cas de violation volontaire ( willfully ) .Ces dispositions sont entrées en vigueur immédiatement .
Elle aussi d' application immédiate, une des dispositions de la loi stipule que les procédures d' instruction des plaintes relatives au contrôle interne doivent garantir l' anonymat des salariés qui portent à la connaissance du comité d' audit d' éventuelles irrégularités comptables .Par ailleurs, elle institue des peines très lourdes pour quiconque exercerait volontairement des représailles, un licenciement par exemple, à l'encontre d' un salarié ayant communiqué des informations à la justice .Ces dispositions visent à protéger les whistle-blowers dont le rôle s' est avéré si important dans les affaires Enron et WorldCom .
L' activité boursière des membres du conseil d' administration et des dirigeants des sociétés cotées est strictement encadrée .Ceux -ci voient leur capacité d' émettre des ordres en bourse restreinte lors des périodes de blackout pour les fonds de pension et doivent déclarer, dans leurs rapports annuels et trimestriels, s' ils ont adopté un code d' éthique pour certaines catégories d' employés, notamment les principaux cadres de leur direction financière, et, le cas échéant, expliquer pourquoi ils ne l' ont pas fait .Si une société émettrice est amenée à corriger ses états financiers à la suite d' une violation matérielle, le CEO et le CFO doivent rembourser personnellement les rémunérations et profits perçus au cours de la période de 12 mois qui suit l' émission ou la publication du document non conforme .
Dans le domaine de la comptabilité, les rapports annuels des sociétés doivent déclarer toutes les opérations hors bilan d'importance significative, ainsi que les relations avec des entités non consolidées qui pourraient à l'avenir avoir un impact financier matériel .Ils doivent aussi inclure un rapport sur le contrôle interne .
La loi inclut d' autres dispositions, notamment dans les domaines suivants : - rotation des Partners des sociétés d' audit tous les cinq ans ; - interdiction des prêts personnels aux dirigeants de l' entreprise ;
déclaration des transactions de bourse effectuées par les membres du conseil d' administration, les cadres et les propriétaires de plus de 10 % des actions de la société ; - aggravation des peines associées aux violations de la loi .
Avec quelques adaptations mineures, la loi s' applique bien sûr aux sociétés étrangères dont les titres sont cotés sur les marchés américains .
De nombreuses dispositions de la loi donnaient instruction à la SEC d' émettre de nouvelles réglementations .Ces instructions étaient assorties de dates limites .La SEC avait ainsi quelques mois pour adopter des règles définitives au sujet des comités d' audit ( avant le 26 avril 2003 ), au sujet des autorisations relatives aux services de conseil rendus par les sociétés d' audit ( avant le 26 janvier 2003 ), et pour définir la notion d' expert financier " au sein des comités d' audit ( avant le 26 janvier 2003 ) .Dans l' ensemble, ce calendrier a été respecté .A la fin du premier trimestre de l' année 2003, la plupart des dispositions du Sarbanes-Oxley Act sont entrées en vigueur, à cette réserve près que certaines nouvelles obligations déclaratives, notamment celles qui portent sur les entités hors bilan, concernent l' exercice se terminant le 15 juin et ne seront donc " visibles " dans les états financiers des entreprises qu' après cette date .
La notion d' expert financier " au sein de les comités d' audit avait suscité beaucoup de commentaires lors du vote de la loi .Sa définition a été formulée dans un texte adopté par la SEC le 15 janvier 2003 : l' expert financier " doit être capable de comprendre le rôle des comités d' audit, les procédures du contrôle interne et de reporting, les états financiers et les principes comptables ; il doit pouvoir porter un jugement sur l' application de ces derniers et avoir une expérience préalable dans le domaine de la préparation, de l' audit ou de l' analyse des états financiers .La SEC va jusqu' à préciser les conditions dans lesquelles cette expérience doit avoir été acquise - le fait d' avoir siégé dans un comité d' audit par le passé ne constitue pas nécessairement une expérience suffisante pour y demeurer en tant qu' " expert " .
Alors que la SEC déclinait les dispositions générales du Sarbanes-Oxley Act dans une série de textes d' application, un domaine laissé de côté par la loi faisait l' objet d' une réforme profonde dont l' origine peut être attribuée à l' effet Enron " : les normes comptables .La comptabilité des sociétés américaines est régie par un ensemble de normes connues sous le nom de US GAAP, les United States Generally Accepted Accounting Principles .Les US GAAP sont du ressort exclusif du FASB, un organisme rattaché à la SEC depuis sa création en 1973 .Sa mission est de définir des standards de comptabilité et de reporting financier dans l' intérêt de l' ensemble des utilisateurs de l' information financière, investisseurs et créditeurs .Le FASB est en principe indépendant, mais il est parfois accusé de ne pas être insensible aux pressions politiques, ainsi lorsqu' il s' est abstenu, dans les années 1990, d' édicter de nouvelles règles, plus contraignantes, au sujet des stock-options .La critique la plus fréquemment adressée à le FASB est d' être trop lent à s' adapter au changement et de publier des normes beaucoup trop complexes .
Au fur et à mesure que les mécanismes de la " comptabilité créative " d' Enron étaient dévoilés dans la presse et portés à la connaissance du public, le FASB a dû prendre conscience de la nécessité de réformer les normes s' appliquant aux financements hors bilan et aux SPE . Aux Etats-Unis, le régime général de consolidation est défini par un texte datant de 1959, ARB 51 .Ce texte applique le principe selon lequel le contrôle d' une entité est exercé par le détenteur d' une majorité des actions assorties d' un droit de vote : si une filiale est détenue à plus de 50 % par sa maison-mère, elle doit donc être consolidée sur le bilan de cette dernière .des textes plus récents étaient venus préciser cette règle générale .Ils instauraient une exception pour une catégorie spécifique, les Qualifying Special Purpose Entities ( QSPE ) .Ces QSPE étaient définies comme des entités dont le contrôle n' était pas assuré par un vote de la majorité des propriétaires des fonds propres .Le contrôle de la QSPE pouvait être exercé par un ou plusieurs sponsors lui apportant un support financier . [Cliv_SP] C' était à l' apporteur du plus grand support, principal bénéficiaire de la QSPE, de consolider ce dernier sur son bilan .A contrario, pour que le sponsor ne consolide pas la QSPE, il lui fallait démontrer qu' il n' en était pas le principal bénéficiaire et n' en exerçait pas le contrôle .Concrètement, au-dessus d' un seuil minimum de 3 % de fonds propres, les QSPE ne devaient pas être consolidées sur le bilan du sponsor .Le minimum de 3 % était supposé suffisant pour assurer l' indépendance financière, présente et future, de l' entité .Or ces normes comptables se sont avérées inefficaces pour empêcher Enron de recourir massivement aux SPE et dissimuler ainsi, dans des entités hors bilan, une part importante de son endettement .Une réforme de leur statut a donc paru nécessaire .
Mais, en s' attaquant au statut des QSPE, le FASB risquait de faire plusieurs victimes collatérales .De nombreuses entités sont en effet structurées comme des QSPE de manière parfaitement légitime . [Cliv] C' est en particulier le cas des véhicules de titrisation qui, aux Etats-Unis, jouent un rôle essentiel dans le financement des entreprises industrielles et des institutions financières .Une entreprise peut ainsi vendre à un conduit de papier commercial ( Asset Backed Commercial Paper Conduit, ABCP Conduit ) créé spécialement à cet effet tout ou partie de son poste de créances commerciales existantes et futures .Ce conduit se finance à court terme sur le marché du papier commercial, à un coût beaucoup moins élevé que celui d' un crédit bancaire classique .Dans la plupart des cas, une banque assure la gestion de ces conduits, qui ne sont pas autonomes dans leurs décisions .L' entreprise cédante réduit ainsi la taille de son bilan et s' assure d' une source de financement à bon marché .La banque sponsor conserve son rôle d' analyse et de décision dans le processus de crédit, mais le financement n' apparaît pas sur son bilan .
Les conduits ne sont pas les seuls véhicules de titrisation qui ont pu se développer en s' accommodant des contraintes du régime des QSPE . La plupart des Collateralized Debt Obligations ( CDO ), qui sont des véhicules d' investissement indépendants jouant un rôle majeur sur le marché des prêts bancaires, ont des fonds propres supérieurs à 3 % .Leur sponsor détient souvent moins de 50 % de ces fonds propres et la gestion en est assurée par une société de services spécialisée, filiale du sponsor, dont les droits sont strictement limités dès lors qu' il s' agit de prendre des décisions déterminantes pour la vie de la CDO .
L' impact de normes comptables trop restrictives risque donc d' être sévère sur des marchés organisés précisément pour assurer un financement déconsolidé à leurs intervenants .Les premières propositions, émises par le FASB fin juin 2002 , ont suscité un vif débat dans les milieux professionnels concernés, qui avaient jusqu' au 30 août pour formuler leur réponse .De nombreux acteurs, juristes , banquiers , analystes de les agences de notation notamment , évoquant le risque d' une disparition pure et simple de pans entiers de le marché de la titrisation , ont accusé le FASB de réagir maladroitement aux pressions du Congrès soucieux de rassurer à tout prix les investisseurs .
Le texte final, publié le 17 janvier 2003 , est connu sous le nom de FIN 46 ( FASB Interpretation Number 46 ) .Il tient compte, en partie, des débats qui ont suivi la publication du projet initial .FIN 46 abandonne la notion de QSPE . Il définit un nouveau type d' entité, les Variable Interest Entities ( VIE ) et précise dans quelles conditions ils doivent être consolidés . [Present] Il s' agit tout d'abord de savoir si une entité est bien une VIE, et ensuite d' identifier son principal bénéficiaire, qui devra le consolider sur son bilan .
alors Si une entité présente l'un des critères suivants, elle entre dans la catégorie des VIE :
Une fois qu' il a été établi qu' une entité est une VIE, par opposition à une Voting Interest Entity toujours régie par la règle des 50 %, son bénéficiaire principal doit être identifié . [Present_SP] Il s' agit de l' entité qui absorbe la majorité des pertes anticipées et reçoit une majorité des profits résiduels . [Cliv_SP] C' est à elle de consolider la VIE sur son bilan .
Le texte énumère un certain nombre d' exceptions aux règles générales, et surtout assortit le seuil minimum de 10 % de fonds propres d' une précision très importante : s' il est démontré, au moyen d' un modèle quantitatif, que le pourcentage de fonds propres est supérieur au montant anticipé des pertes futures ( expected loss ), l' entité n' est pas une VIE mais une Voting Interest Entity qui sera consolidée sur le bilan du détenteur de la majorité de ces fonds propres .Cette exception tient compte des arguments avancés par les professionnels de la titrisation lors de la phase de consultation qui a suivi la publication du projet initial du FASB . Le passif du bilan de certains véhicules de titrisation, notamment celui de la plupart des CDO, est en effet structuré de manière à ce que le pourcentage de fonds propres, généralement inférieur à 10 %, soit néanmoins supérieur à la perte anticipée, calculée sur la base des caractéristiques de l' actif en termes de risque de crédit, de maturité, de rentabilité et de diversification . [Il...] Il est donc raisonnable de penser que beaucoup de CDO ne seront pas qualifiées de VIE et n' auront pas à être consolidées .
Paradoxalement, l' impact des nouvelles normes comptables , dont les ambitions sont plus modestes que celles de la grande réforme de la gouvernance d' entreprise votée par le Congrès , se révèle beaucoup plus direct .L' application de FIN 46 a été immédiate pour les VIE créées après le 31 janvier 2003 .Pour celles dont la création est antérieure, les nouvelles règles sont entrées en vigueur à partir du 15 juin 2003 .Les différentes parties concernées en sont donc encore au stade de l' analyse et de l' interprétation .A court terme, les conduits de papier commercial sont les plus touchés .La reconsolidation de leurs encours aurait un impact considérable sur la taille du bilan et les ratios financiers des banques américaines sponsors de ces conduits .Les montants en jeu sont en effet énormes : le marché des conduits de papier commercial approche 700 milliards de dollars d' encours totaux, et les premières banques américaines actives dans ce domaine ( Citigroup, Bank of America, Bank One ) pourraient avoir à reconsolider chacune plusieurs dizaines de milliards de dollars d' encours de papier commercial .A ce stade, les banques n' ont pas encore arrêté une position définitive et poursuivent leurs discussions avec le FASB et les cabinets d' audit .Mais ce climat d' incertitude s' est déjà traduit par un ralentissement significatif de l' activité .Comme ces conduits sont de gros acheteurs de titres obligataires émis par les CDO, la demande pour ce type de papier en est affectée à son tour .Les banques étrangères, européennes notamment , qui ne sont soumises pas à FIN 46 , bénéficient ainsi d' un avantage comparatif non négligeable . [Present] Il y a là, du point de vue des institutions financières américaines, un effet pervers dont les conséquences à moyen terme restent à mesurer .
L' effet du Sarbanes-Oxley Act est sans doute à la fois plus profond et moins visible à court terme .Certes les entreprises américaines ont dû immédiatement se mettre en conformité avec leurs nouvelles obligations .Elles ont réagi en créant rapidement des comités d' audit qualifiés et indépendants, en instituant un reporting immédiat des ordres de bourse passés par les membres de leur conseil d' administration et par certaines catégories de salariés, en établissant et en documentant des procédures de contrôle interne, et en permettant l' audit des ces procédures .Dans un article paru le 17 mars 2003, BusinessWeek a tenté de faire le point sur les conséquences du nouvel environnement juridique pour les directeurs financiers des grandes entreprises américaines .Le magazine insiste sur la considérable charge de travail supplémentaire représentée par leurs nouvelles obligations déclaratives et sur les conséquences financières sévères auxquelles ils sont désormais exposés à titre personnel .Selon une enquête d' opinion commanditée par le magazine et réalisée auprès de 214 CFO et de 75 CEO choisis parmi les dirigeants des 1 500 sociétés cotées suivies par Standard & Poor's, 91 % des CFO pensent que leur travail est en train de devenir plus difficile et 62 % déclarent travailler plus longtemps .Cependant, ils sont peu nombreux à vouloir démissionner, peut-être parce que leur position dans l' entreprise s' améliore .Plus d' un tiers, 36 % , disent qu' ils sont désormais davantage sur un pied d' égalité avec le CEO, tandis que seulement 28 % disent qu' ils en sont encore loin . " Le fait que les CFO aient à s' engager par écrit renforce leur poids politique dans l' entreprise ; l' argument " c' est moi qui signe Sarbanes-Oxley " leur permet de surmonter bien des objections dans les discussions stratégiques .Leurs relations avec le comité d' audit devraient devenir plus étroites et leurs échanges plus rigoureux que par le passé .Pour les CFO qui parviendront à passer le test, la réforme pourrait bien finir par apparaître comme une étape déterminante dans la progression de leur carrière .De leur point de vue, le tableau est donc loin d' être entièrement négatif, même si " près d' un tiers des CFO ne pensent pas que les nouvelles règles établies par le Sarbanes-Oxley Act ou imposées par la SEC rendent un autre Enron moins probable " .
Mais CFO et membres des directions financières ne sont pas les seules catégories d' employés des sociétés cotées auxquelles la loi a imposé des responsabilités supplémentaires .Les juristes eux aussi sont concernés, en particulier par les dispositions relatives à la protection des whistle-blowers .Dans son édition de mars 2003, le Journal of the American Corporate Counsel Association ( ACCA ) illustre par une petite histoire les nouvelles obligations du juriste d' entreprise : " Vous vous asseyez pour siroter votre café du matin, et le téléphone sonne .A l' autre bout de la ligne, un employé vous informe qu' il croit que la société a surestimé ses profits et que ses rapports à la SEC étaient incorrects .Vous enquêtez sur ces allégations et découvrez qu' elles sont peut-être vraies .Le lendemain matin, le manager de l' employé vous appelle en demandant l' autorisation du licencier pour des " problèmes de performance " . [On...] On dirait que vous n' êtes pas le seul à qui il a parlé . [NoSABERTopth_Pred]Et maintenant, Et maintenant, que faire ? " L' ACCA recommande à ses lecteurs de sensibiliser leur entreprise à l' importance d' un bon programme de compliance interne, d' adapter le code d' éthique et les définitions de fonction des managers, d' établir des procédures d' investigation, de mettre en place un programme de formation au sujet des nouvelles dispositions de la loi et enfin de documenter par écrit les " problèmes de performance " invoqués par un manager pour licencier l'un de ses collaborateurs, afin que ce dernier ne puisse pas se prévaloir indûment de la protection accordé
L' exemple des CFO et de les juristes montre que les entreprises américaines ne font que commencer à s' adapter à leur nouvel environnement juridique et réglementaire . [Il..._SN] Il faudra du temps pour que le comportement quotidien de Corporate America soit modifié de manière perceptible .aux yeux de nombreux observateurs, les réticences sont bien réelles .S' ils reconnaissent les progrès accomplis au cours des derniers mois, ils demeurent sceptiques sur la volonté des entreprises américaines de jouer le jeu de la transparence .Pourtant des associations professionnelles ont pris des initiatives qui vont dans la direction souhaitée par les partisans de la réforme .Ainsi l' Association of Investment Management Research ( AIMR ), qui rassemble de nombreux analystes financiers , travaille depuis longtemps sur ces sujets, en concertation avec la SEC notamment .Dans le domaine de la formation universitaire des futurs acteurs de la vie économique, un " cas Enron " figure au programme de plusieurs diplômes " MBA ", qui comportent d'ailleurs souvent des cours d' éthique .
La contribution des universités et de les centres de recherche ne se limite pas à sensibiliser les futurs CEO et CFO à leurs nouvelles responsabilités .Les acteurs du monde académique jouent un rôle important dans l' évolution d' un paysage juridique, réglementaire et comptable qui demeure extrêmement mouvant .Certains se déclarent satisfaits de la nouvelle loi et font confiance aux mécanismes d' autorégulation des marchés pour s' ajuster spontanément et restaurer la confiance des investisseurs .D' autres la trop trouvent trop timide et réclament des mesures plus contraignantes, comme par exemple une prohibition absolue, pour un cabinet, d' exercer les fonctions d' audit et de conseil auprès d' une même entreprise, ou la rotation systématique des cabinets d' audit .Sur ces deux derniers points, Robert Litan , responsable de les études économiques de la Brookings Institution , souligne que c' est avant tout l' indépendance des cabinets d' audit à l'égard du management de la société qui est en jeu .Cette indépendance est désormais mieux protégée par leur rattachement au comité d' audit, qui est une émanation du conseil d' administration .Quant à la rotation systématique des cabinets, Robert Litan rappelle que la profession est déjà très concentrée - après la disparition d' Arthur Andersen, les cinq grands ne sont plus que quatre - et que rien ne permet d' exclure, dans le processus de sélection périodique, un accord entre le cabinet sélectionné et le management .Dans son jugement global sur le Sarbanes-Oxley Act, Litan reste prudent . Avant que la loi ne soit votée, le marché avait, selon lui, commencé à faire fonctionner les mécanismes d' autorégulation .Les procès ne font que commencer et les peines, vraisemblablement très lourdes, qui seront prononcées devraient avoir un effet dissuasif sur l' ensemble des acteurs .Mais, si la loi ne résout pas tous les problèmes et occasionne des dépenses supplémentaires pour les entreprises, elle devrait contribuer à restaurer la confiance .
Plus que d' un mandat donné par les électeurs américains à leurs représentants au terme d' un débat de fond sur la gouvernance d' entreprise, l' ensemble des réformes adoptées au cours des derniers mois résultent de la conjonction de la pression des médias, des convictions anciennes mais isolées de quelques législateurs, de l' opportunisme politique de la plus grande partie de leurs collègues et des membres de l' Administration et du souci de certains organes de régulation, notamment le FASB, de se défendre des critiques dont ils étaient l' objet .L' objectif proclamé de ces réformes est de " rendre impossibles de nouveaux Enron " et de restaurer ainsi la confiance des investisseurs .Il est encore trop tôt pour tenter un bilan définitif et l' appuyer sur un comptage statistique du nombre des " affaires " .Bien des aspects, abordés très brièvement ou ignorés dans le cadre de cette étude , mériteraient d'ailleurs d' être analysés de manière beaucoup plus approfondie - notamment les conséquences de ces nouvelles règles pour les entreprises étrangères .Les effets à moyen terme de la réforme, lorsqu' ils pourront être mesurés , alimenteront le débat théorique entre les partisans du jeu spontané des mécanismes d' autorégulation et ceux du volontarisme législatif . [Il..._SP] Quelle que soit l' issue de ce débat, il ne faut pas perdre de vue que ces scandales ont fait surface à un moment de l' histoire récente - la fin de l' année 2001 et le début de l' année 2002 - qui est aussi celui où l' on observe un sommet dans la courbe des défauts parmi les entreprises américaines .De " nouveaux Enron " sont toujours susceptibles d' apparaître, ainsi lorsqu' au début du mois de juin le président de Freddie Mac a été remercié pour avoir refusé de coopérer avec une mission d' audit interne sur les pratiques comptables de la société .Le marché est devenu beaucoup plus sensible aux questions d' éthique : Richard Grasso, le président du New York Stock Exchange ( NYSE ), a dû démissionner le 17 septembre à la suite de la révélation de son salaire par la presse : le montant, très élevé, en était déterminé par un Board constitué de représentants de sociétés dont le NYSE était chargé d' assurer la surveillance .Et dans le domaine judiciaire, Eliot Spitzer poursuit son combat contre les pratiques de trading frauduleuses sur les titres de certains mutual funds .Mais la fréquence des scandales est aussi, et sans doute avant tout, fonction de la conjoncture économique . [Cliv_SN] C' est le retour de la croissance qui permettra de tourner la page, de revenir au bull market et de restaurer durablement la confiance des investisseurs . [Il..._SN] Il y faudra bien plus que des textes de loi et des normesloi
AUTEUR : Jean-Marie Paugam, chercheur à l'IFRI
Liesse des ONG, doutes sur le sens de l' échec . Rien ne s' est passé à Cancun comme anticipé . Il n' y a pas eu réellement de négociations : le débat n' a démarré que tardivement, pour avorter très rapidement .Les alliances ne sont plus ce qu' elles étaient : la fracture agricole a eu lieu, mais autour de coalitions nouvelles, opposant les anciens rivaux transatlantiques aux pays émergents réunis par le très jeune " G21 " qu' emmenait le Brésil .L' échec a été formellement constaté sur un enjeu de règles : celui qui opposait les pays les plus pauvres du " G90 ", aux partisans du lancement de négociations nouvelles sur les " sujets de Singapour " .Comble d' imprévu ", les comportements contestataires s' invitaient formellement dans l' enceinte de l' OMC par des manifestations jusqu'ici inconnues de ce club à l' ambiance traditionnellement feutrée, loué par ses habitués pour l' esprit d' efficacité et la " mentalité d' affaires " qui préside d' ordinaire à ses travaux : des négociateurs expérimentés ont été choqués par les applaudissements de discours officiels parfumés d' un tiers-mondisme que l' on croyait suranné, qui, dénonçant la " rhétorique de résistance ", qui, la " dérive onusienne ", qui, - maléfice suprê
Echec pour tous ou succès de certains ? Cancun marque certainement un tournant dans la gouvernance de l' organisation car les rapports de force nouvellement établis resteront dans les mémoires, sinon dans la forme des nouvelles alliances .L' échec, déjà provoqué à Seattle par les pays en développement , pouvait avoir des allures accidentelles .Mais leur démonstration de force était voulue et assumée à Cancun, y compris au prix du résultat atteint .Coup d' arrêt au programme de développement de Doha ? Peu évidentes sont les voies d' une relance du cycle de négociation et, plus globalement, du système commercial multilatéral créé depuis l' instauration de l' OMC . Tenter d' éclairer ces voies de relance suppose, comme toujours, de revenir préalablement sur les causes de l' échec .
Les auspices initiaux de la conférence de Cancun étaient plutôt favorables .Le travail préparatoire était bien avancé .Un accord d' étape paraissait d' autant plus atteignable que l' on avait significativement vidé son projet de l' essentiel de ses ambitions de substance, en prévoyant de reporter à plus tard les échéances délicates du chiffrage des concessions économiques réciproques .Surtout, un compromis avait été atteint, avant Cancun, sur la douloureuse question de l' articulation entre droit des brevets - protégé par l' OMC - et l' assouplissement de l' accès aux médicaments génériques essentiels pour permettre aux pays en développement d' affronter les grandes crises sanitaires qui les frappent .Devenue test de la capacité de l' OMC à intégrer les préoccupations du développement et les considérations humaines élémentaires, la question n' avait pu être résolue qu' au prix d' un ralliement, tardif et conditionnel, des Etats-Unis, du fait de la résistance de leur industrie pharmaceutique au projet de compromis depuis longtemps accepté par les autres membres de l' OMC . Juridiquement, cet accord demeure le seul résultat concret et attendu de Cancun, avec l' adhésion à l' OMC de deux nouveaux membres, pays moins avancés, le Cambodge et le Népal .
Trois grands thèmes du programme de Doha formaient le coeur des discussions et conditionnaient l' accord sur le futur du cycle . [Present_SP] Il s' agissait d' adopter une " approche-cadre ", pour préparer les futures " modalités " ( i ) de libéralisation du commerce agricole, ( ii ) de réduction des barrières aux échanges industriels, ( iii ) de négociations de règles internationales nouvelles sur les sujets dits " de Singapour ", regroupant la facilitation des échanges, la transparence des marchés publics, l' investissement et la concurrence .
Enfin, la question du coton devait se révéler primordiale dans la relation Nord-Sud, bien que non abordée explicitement par le programme de Doha .Elle avait été introduite quelque mois plus tôt dans l' ordre du jour par le Président Blaise Compaoré, portant à Genève la parole de quatre pays d' Afrique de l' Ouest - Bénin, Burkina-Faso, Mali, Tchad - : ces derniers demandaient l' élimination en trois ans des subventions à la production de coton pratiquées par les pays développés et l' instauration d' un mécanisme de compensation financière des dommages subis par les producteurs africains, durant la période transitoire .
Le traitement de ces sujets devait mettre aux prises des alliances de pays relativement classiques et bien repérées : les grands exportateurs agricoles contre l' Union Européenne et ses quelques alliés, dont la Corée et le Japon ; en matière industrielle, les pays développés contre les pays en développement - à l'exception des pays les moins avancés - ; sur les sujets de Singapour, essentiellement l' Europe et toujours ses alliés de l' Asie développée - Japon, Corée -, contre plusieurs grands pays en développement, au premier rang desquels l' Inde, la Malaisie et les Phi
Le scénario escompté pour produire un accord ne s' est pas réalisé : des raisons tactiques, systémiques et stratégiques expliquent une spirale d' échec .
La conférence de Cancun s' est ouverte sur fond de désaccord, portant essentiellement sur la partie agricole du document devant servir de base aux conclusions des ministres .Le texte préparé par le Président du Conseil Général de l' OMC s' inspirait largement d' un projet d' accord, proposé conjointement par les Etats-Unis et l' Union Européenne, qui étaient parvenus, in extremis, à un rapprochement de leurs positions, ce que les PED souhaitaient depuis longtemps .Paradoxalement, ce rapprochement a provoqué un rejet de la part d' un groupe de pays en développement, le " G21 " ou " G 20 + " .Hâtivement formé avant Cancun, à l' initiative du Brésil, rejoint par l' Inde, la Chine et l' Afrique de le Sud et soutenu par plusieurs pays en développement , le G21 proposait un texte alternatif sur l' agriculture .Simultanément, les pays africains ont raidi l' ensemble de leurs positions - notamment sur l' accès au marché et les questions de Singapour - mais surtout, indiqué faire d' un progrès sur la question du coton la condition sine qua non d' un succès à Cancun .
Dès lors, les trois premiers jours ont été consacrés à des discussions procédurales informelles sur la manière de concilier les textes devant servir de base de travail, sur fond de menaces d' échec formulées par les plus hautes autorités brésiliennes, en cas de non prise en compte des positions du " G21 " .Un compromis a été proposé par les organes dirigeants de l' OMC, permettant à la négociation de démarrer, pour échouer 24 heures plus tard .Le Président de la Conférence, M. Derbez , Ministre de les Affaires Etrangères Mexicain , décidait de clôturer les débats, après avoir constaté un blocage sur le premier thème qu' il avait mis à l'ordre du jour : les questions de Singapour .
A qui la faute ? Les explications tactiques abondent sur les responsabilités de l' échec .Nombre comportent des éléments plausibles, d' autres sont fausses, certains faits sont troublants .Trois " théories du complot " ont ainsi été esquissées faisant alternativement porter la responsabilité de l' échec à l' Europe, au G21 et aux Etats-Unis .Qui en s' tient à les faits connus doit constater que les conditions de clôture de la conférence de Cancun étaient surprenantes, voire anormales .
L' ordre du jour de les débats prévoyait en effet de discuter des " sujets de Singapour " et de l' agriculture : la conférence a été interrompue après discussion du premier sujet, avant que le second n' ait pu être abordé .Après deux ans d' enlisement des négociations de Doha, l' agriculture représentait clairement le sujet central du cycle, conditionnant aux yeux de tous les participants les possibilités d' accord sur les autres .Les questions de Singapour n' apparaissaient que comme " variable dépendante ", conditionnée par l' agriculture .L' interruption de la conférence sur ce sujet fut choquante : la capacité à surmonter le blocage ne pouvait être totalement appréciée avant discussion de la question agricole .
Par ailleurs, le blocage n' opposait pas les grands acteurs du débat : l' Europe, principal proposant des quatre sujets de Singapour, l' Inde, principal opposant .L' Europe avait accepté d' abandonner les deux sujets considérés comme les plus contentieux - concurrence et investissement - .Cette proposition se révélait inacceptable pour le " groupe des 90 " - qui réunissait les pays africains et les PMA - et raidissait la Corée .Formellement donc, alors que le coeur du débat opposait les partenaires transatlantiques au G21 sur l' agriculture, la conférence de Cancun aurait échoué sur un conflit Corée - Afrique concernant les sujets de Singapour . Enfin, le temps ne pressait pas, la plupart des délégations ayant prévu de pouvoir prolonger le séjour à Cancun .Quelques mois plus tôt, un Ministre appelait ses collègues de l' OCDE à réussir le cycle de Doha en y reconnaissant " l' entreprise d' une génération " .L' entreprise a été interrompue à 15 heures ...
A qui profite le crime ? A personne, si l' on admet que le programme de Doha est porteur de bénéfices potentiels importants pour l' économie mondiale . A court-terme, le succès diplomatique revendiqué par certains pays de le Sud est à rapporter à leur échec économique : les politiques agricoles des grands pays développés n' ont trouvé à Cancun aucune raison de se réformer .Les producteurs de coton africain n' ont emporté du Mexique aucun motif d' espoir .
Depuis l' instauration du GATT, le libre-échange progressait aux rythmes de cycles de négociations, paradoxalement mus par le mercantilisme de l' échange de concessions réciproques d' une valeur commerciale équivalente .Relativement naturelle pour échanger des baisses de protection douanière sur les biens industriels, cette méthode est devenue plus complexe lorsque l' Uruguay Round en a élargi le champ aux secteurs de l' agriculture et des services, auxquels venaient s' ajouter des règles : l' équivalence des concessions inter-sectorielles devenant plus complexe à apprécier, le principe d' engagement unique " a été posé pour garantir la capacité de chacun à apprécier l' équilibre du résultat final .
La mise en oeuvre des résultats du cycle d' Uruguay a toutefois engendré une profonde frustration des PED . Pour eux, les grands acquis théoriques demeuraient pratiquement inexistants dans le domaine des services, faibles en termes de libéralisation agricole et lointains ( 2005 ) en termes de démantèlement des quotas textiles .Par contre, les nouvelles disciplines élaborées en matière de propriété intellectuelle, évaluation en douane , mesures sur l' investissement liées à le commerce , devaient trouver une application plus rapide .
Le cycle de Doha a repris la méthode d' Uruguay, en engageant, dans un grand marchandage global, les questions d' accès au marché, qui impliquent des sacrifices économiques immédiats et les questions de règles, qui recèlent un potentiel d' amélioration du bien-être à long terme, mais exigent des efforts administratifs coûteux .A la lueur de l' expérience d' Uruguay, les PED ont logiquement conclu que la négociation des règles des sujets de Singapour, devrait être préalablement " payée ", en espèces sonnantes et trébuchantes, d'abord agricole .
Les pays développés approchaient les sujets de Singapour de manière différente .Au-delà de ses seuls intérêts mercantiles, l' UE portait les quatre sujets en y voyant les ingrédients nécessaires à l' affirmation du rôle de l' OMC comme centre de gouvernance économique mondiale, producteur de bien commun par le droit .Grand investisseur et commerçant, le Japon avait une approche plus mercantile et pratique, en privilégiant l' investissement et la facilitation des échanges .Les Etats-Unis retenaient une approche plus pragmatique encore, se concentrant sur les résultats qui leur paraissaient atteignables et utiles - transparence des marchés publics et facilitation des échanges - et préférant poursuivre hors de l' OMC, par accords bilatéraux, les deux autres objectifs de régulation .Tous les pays développés avaient, par contre, un point commun : celui de refuser de " payer " par davantage de libéralisation agricole ( impliquant des ajustements à coût politique immédiat élevé ) l' élaboration de règles de droits ( dont le bénéfice économique potentiel se diffuse à moyen ou long terme ) .
La méthode mercantiliste, issue de les négociations de le GATT , a rencontré à Cancun ses limites, pour traiter simultanément des enjeux de libéralisation et de régulation .I. 2 . b .
Lors de la création de l' OMC, les négociateurs pouvaient se référer à deux modèles de gouvernance .Celui de l' ONU , fondé globalement sur le " suffrage universel " et l' égalité de les Etats à l' assemblée générale - sous réserve de le Conseil de Sécurité - était aussi celui de l' ancien GATT . Celui des institutions économiques et financières de Bretton Woods était par contre fondé sur le " suffrage censitaire ", lié au stock de capital détenu .Issus du GATT, qui était resté essentiellement un " club de riches " aux intérêts économiques comparables, la plupart de ces négociateurs admirait l' efficacité du deuxième système .
Mais, malgré son caractère économique, la mission de l' OMC reposait sur un fondement différent de celle de Bretton Woods : si par construction les pays riches peuvent seuls mobiliser les capacités de financement des déséquilibres macro-économiques et du développement des pays pauvres, le commerce est censé être un bien commun accessible à tous, pour peu que ses conditions soient libres .Tout l' enjeu de l' OMC est donc de définir les règles qui permettront à chacun de mieux intégrer le système mondial d' échange, en réduisant le protectionnisme qu' il subit de la part des autres .Confier aux grandes puissances le pouvoir " censitaire " de définir les règles reviendrait à leur demander d' auto-évaluer leur niveau de protection .Le système n' aurait aucun intérêt pour les autres participants .La règle de l' égalité était donc inévitable .
L' OMC a hérité des défauts des deux systèmes : formellement instituée sur un modèle ONUSIEN, dotant chaque Etat d' une voix et d' une prise de décision majoritaire, elle fonctionne en réalité par consensus, mais ne possède ni " conseil de sécurité " ni de système de pondération reflétant l' importance économique des acteurs .Dès lors, la pratique de la négociation à l' OMC s' est informellement inspirée d' un modèle censitaire : une entente entre les plus grands acteurs du commerce mondial, les partenaires transatlantiques d'abord, " Quad " ensuite, était, jusqu'ici, suffisante pour aligner tous les membres sur un consensus .
L' adhésion massive des PED, à partir de les années 1980 et après la création de l' OMC , a doublement changé la donne .D'abord au plan politique : sur 148 membres de l' OMC, une vaste majorité est formée par des PED disposant chacun d' une voix, dont ils ont découvert le pouvoir à Seattle, avant de l' utiliser à Cancun .
Qu' en est -il de le rapport de force économique ? [On...] On peut penser que l' affirmation du G21 reflète la montée en puissance des économies émergentes dans le commerce mondial .Au début du cycle d' Uruguay ( 1986 ), les pays aujourd'hui groupés par le G21 représentaient quelques 6 % des exportations mondiales de biens et services ; à la veille du cycle de Doha ( 2000 ) leur part relative avait pratiquement doublé pour atteindre plus de 11 % du commerce total, proportion à comparer au poids individuel des Etats-Unis ( 12,1 % ), du Japon ( 6,4 % ) du Canada ( 5,5 % ) et de l' UE ( 39 % ) : ces quatre membres de la " Quad " pèsent ensemble pour près des deux tiers du commerce total .Mais ces indicateurs sont trompeurs si on n' isole pas le cas de la Chine, qui n' est entrée à l' OMC qu' en 2001, à Doha .Il est frappant de constater que, sans la Chine, le rapport des forces commerciales entre les pays de la Quad et le G21 est resté pratiquement inchangé depuis le cycle d' Uruguay : si politiquement le Brésil a été identifié comme le leader du G21, économiquement la crédibilité de ce nouveau groupement dépend largement de la participation de la Chine .I. 2 . c .
Celles de les ONG qui ne refusaient pas en bloc l' existence de l' OMC , particulièrement dans le monde anglo-saxon , revendiquaient depuis plusieurs années des moyens d' influence sur une institution qui ne leur reconnaissait pas de statut .Avant le cycle de Doha, cette revendication se concentrait sur le mécanisme de règlement des différends .Depuis le lancement du cycle, elle porte également sur les négociations .Cancun a manifesté l' évolution des méthodes d' intervention de certaines grandes ONG, évolution déjà très perceptible, dans la sphère de l' ONU, lors du sommet de Johannesburg : celles -ci assistent ou influencent des petits états, dépourvus de capacités suffisantes de négociation, pour orienter l' agenda .Oxfam revendique ainsi d' avoir contribué à l' élaboration du dossier du coton, qui a eu une influence psychologique décisive sur le sort de la conférence de Cancun .
A cette assistance technique, les ONG de terrain ajoutent leur capacité de sensibilisation politique des populations .A Cancun, plusieurs ministres africains ont indiqué sans voile qu' ils se trouveraient politiquement le dos au mur si aucun mouvement n' était fait sur le dossier du coton, apportant avec eux des pétitions de dizaine de milliers de producteurs, ou, comme la Ministre du Sénégal, une résolution votée à l' unanimité de son parlement .Le Commissaire européen à l' agriculture , M. Fischler , ne s' est pas trompé sur le rôle de ces nouveaux acteurs : il imputait une partie de la responsabilité de l' échec de Cancun à certaines ONG, avant d' estimer que la redéfinition des relations entre membres de l' OMC et ONG devait être la première priorité de réforme de l' organisation .
La question stratégique posée par Cancun est de savoir si les membres de l' OMC estiment encore avoir un intérêt à promouvoir une libéralisation multilatérale globale .L' échec de Cancun a révélé les doutes fondamentaux des participants à la négociation .I. 3 . a .
La première nouveauté de Cancun a été l' alliance transatlantique sur l' agriculture .Loin d' être dérisoire par rapport aux attentes des PED et notamment des PMA, la proposition euro - américaine n' en consacrait pas moins une approche globalement conservatrice, pérennisant les politiques agricoles menées dans les pays les plus riches .Les partenaires transatlantiques n' étaient peut-être pas les plus défensifs et certainement pas les plus immobiles .Leur entente stratégique représentait donc un élément profondément nouveau dans le système d' alliance traditionnel .Le Japon et la Corée avaient mal accepté ce rapprochement - " trahison " - de l' Europe avec les Etats-Unis .
L' alliance agricole transatlantique avait été rendue possible après l' accord de Luxembourg de juin 2003 qui, en réformant la PAC, permettait de trouver un point d' intersection aux trajectoires inversées des politiques agricoles européennes et américaines depuis l' Uruguay Round .Depuis 1992 et avec " agenda 2000 "_NEW_ les subventions européennes s' étaient considérablement " américanisées " en progressant régulièrement sur deux axes : la réduction du niveau de soutien aux prix et, surtout, le " découplage " progressif des aides .Inversement, depuis le Fair Act de 1996 et le Farm Bill de 2002, le régime de soutien américain s' était considérablement " européanisé ", d'une part du fait de l' augmentation massive des concours publics au revenu agricole, d'autre part du fait de la tendance au " recouplage " partiel des aides américaines, en particulier via le nouveau mécanisme des " marketing loans " .
L' approche-cadre ", c' est à dire une approche non chiffrée, proposée par l' Europe et les Etats-Unis comme base de négociation agricole consacrait donc globalement l' état de fait atteint des deux côtés de l' Atlantique .Elle prévoyait un effort de réduction des soutiens internes les plus directement liés aux quantités produites, dans des limites des marges de manoeuvres disponibles après le " Farm Bill " et la réforme de la PAC . Elle ne retenait pas l' objectif d' élimination globale des subventions à l' exportation, mais traitait pour la première fois avec parallélisme les objectifs de réduction des subventions à l' exportation américaines ( aide alimentaire, crédits à l' exportation ) et européennes ( restitutions aux exportations ) et en admettait l' élimination pour les productions
Le texte soumis par l' OMC comme base de discussion s' inspirait largement de l' approche transatlantique , mais renforçait ses exigences dans le sens souhaité par les PED, en particulier sur les ambitions de réduction des subventions internes et l' élimination des subventions aux exportations . [Il..._SN] Il fut radicalement rejeté par le " G 21 ", qui ne parvenait à réaliser une synthèse entre les intérêts de ses membres offensifs et défensifs sur la protection douanière, qu' en réclamant de faire porter l' intégralité des efforts de réforme agricole aux pays développés .
Les négociateurs américain et européen ont eu beau jeu de prophétiser l' implosion de ce groupe hétéroclite, " mariage de la carpe et du lapin ", le G21 a montré à Cancun que son ciment n' était pas de plus mauvaise qualité que celui qui avait permis aux partenaires transatlantiques de s' entendre sur les subventions et de surmonter, optiquement, la profonde divergence de leurs intérêts en matière d' accès au marché .
Les deux côtés partageant leur ambiguïté sur le niveau de libéralisation à atteindre en matière de droits de douane agricoles , la question de les subventions devenait logiquement centrale .Elle était radicale pour les pays du G21 .Ces derniers représentent une majorité de la population mondiale, dont une forte proportion, voire une majorité pour la plupart, vit en milieu rural .Leur structure d' exportation révèle une sur-proportion des produits agricoles bruts et des denrées alimentaires par rapport au poids de ces produits dans le commerce mondial .Dans ces conditions, comme le relève D. Cohen à propos des soutiens dans les pays développés, quel que soit le canal par lequel transitent les aides , ces subventions sont une mauvaise nouvelle pour les autres paysans du monde, qu' ils aient vocation à être exportateurs ou pas " .
Enfin, les partenaires transatlantiques convergeaient objectivement pour cantonner le dossier des subventions au coton dans le cadre global de la négociation agricole, sans le distinguer des autres produits, pour ne pas risquer de créer un précédent ouvrant la voie à d' autres négociations sectorielles .L' Europe donnait quelques signaux d' ouverture et indiquait qu' elle s' apprêtait à réformer son régime de subvention dans ce secteur, l'un des absents de la réforme de l' été 2003 .Les Etats-Unis proposaient de globaliser le sujet en traitant l' ensemble des problèmes de la filière, allant de la fibre au vêtement .Intellectuellement intéressant et habile, cet argumentaire apparaissait trop grossièrement comme un simple contre-feu tactique, visant à " noyer " la demande africaine dans une négociation plus complexe .La proposition américaine fut néanmoins reprise dans son intégralité par les autorités de l' OMC, entraînant une radicalisation irréversible des pays africains, qui voyaient ainsi disparaître leur seul intérêt à négocier pour un succès à Cancun .En accompagnement de cette fin de non recevoir, le projet de déclaration suggérait benoîtement d' encourager " la diversification des économies dans lesquelles le coton représente une majorité du PIB " .I. 3 . b .
La deuxième nouveauté fondamentale de Cancun a été la volonté d' une grande partie des pays du Sud, en particulier d' Afrique et de Méditerranée, de conserver les avantages liés aux préférences douanières accordées par leurs grands partenaires du Nord .Compte-tenu de leur part très faible dans le commerce mondial, la compétitivité globale et le potentiel de l' industrie chinoise leur apparaissent désormais comme une menace majeure pour leurs créneaux d' industrialisation naissante ou récente .
Le révélateur de cette menace a été le secteur du textile et de l' habillement .Le grand acquis de l' Uruguay Round , pour les industriels de le Sud , avait été l' engagement de démantèlement du système de quotas commerciaux issus de l' ancien " accord multi-fibre " .Trop longtemps attendue, la disparition de ces quotas limitant leur capacité d' exportation est, paradoxalement, devenue la hantise de nombre de petits pays producteurs, à mesure que se profilait l' échéance de leur suppression totale au 1er janvier 2005 .Face à la montée en puissance très rapide de la Chine dans ce secteur, les quotas sont devenus des garanties de débouché plutôt que des obstacles à leurs exportations .Une fois ces quotas disparus, seule une préférence douanière leur apparaît de nature à compenser le différentiel de compétitivité avec la Chine .Or, le niveau des préférences douanières dont ils bénéficient dans le cadre de les accords passés avec les pays de la " Quad " serait mécaniquement réduit par une réduction générale des droits de douanes à l' OMC . En extrapolant sur la compétitivité de leurs autres industries face à " l' atelier global ", ces pays concluent à la menace d' une réduction tarifaire multilatérale .
[Cliv] Paradoxalement, c' est donc, en partie, du fait des préférences qu' ils leurs accordent, que les pays du Nord ont perdu " leur " Sud à Cancun .Aucun des grands réseaux naturels de solidarité économique - Europe et pays ACP ; Etats-Unis et pays latino-américains - n' a fonctionné : le G90, qui s' opposait à l' Europe sur les " sujets de Singapour ", réunissait majoritairement les pays ACP ; les membres du G21 étaient majoritairement latino-américains et liés par des accords préférentiels ou engagés dans des négociations de libre-échange avec les Etats-Unis .
Le droit de l' OMC dispose théoriquement de tous les outils et garde-fous permettant de gérer avec souplesse l' intensité et le rythme des politiques d' ouverture entre pays de niveaux de développement différents : ces éléments sont d'ailleurs des objets de négociation majeurs dans le cadre du programme de Doha, tant au titre de la " mise en oeuvre " - ajustement des conditions d' application des accords précédents - que du " traitement spécial et différencié " - prise en compte des contraintes particulières des PED dans les négociations - .
Mais la doctrine sur laquelle repose l' organisation se limite fondamentalement à professer les bienfaits du libre-échange sur la croissance, tout en admettant la nécessité d' en ajuster le rythme en fonction des situations particulières .Les institutions de Bretton Woods ont également fondé une partie de leur argumentaire pour le développement sur la libéralisation commerciale .Cancun a montré les limites du pouvoir de conviction cette seule doctrine .
En 2002, la Conférence de Monterrey avait formulé un nouveau consensus international sur les stratégies de développement .Ce consensus de Monterrey mettait globalement à jour l' ancien " consensus de Washington " en lui ajoutant deux éléments nouveaux : une affirmation de la responsabilité des pays en développement dans l' amélioration de leur gouvernance et performances institutionnelles, un engagement de contrepartie des pays du Nord à accroître leur aide au développement . Dans la sphère commerciale ce consensus trouve des points d' application très naturels et concrets : la participation à l' effort de libéralisation et de renforcement des règles contribue à l' amélioration des systèmesFaute d' aide, les pays demeurent dépourvus de capacités administratives à négocier et mettre en oeuvre leurs engagements juridiques .Les conditions concurrentielles demeurent inégales sans d' investissement dans l' infrastructure productive nécessaire à l' essor de leur compétitivité .
Le lien entre politique commerciale et politique d' aide n' a pourtant pas encore été correctement investi par les grands bailleurs d' aide .Si ce lien est théoriquement établi dans les politiques régionales de l' UE, il demeure pratiquement inexistant dans sa politique multilatérale .Un effort de systématisation a été entrepris à l' OMC, depuis les conférences de Singapour et Doha ( 1996 - 2001 ), relayées par la Conférence des Nations-Unies sur le commerce des PMA ( 2000 ), mais demeure principalement cantonné au terrain de l' assistance technique .Or cette forme d' aide ne permet guère d' aborder les problèmes fondamentaux des pays les plus pauvres face à la libéralisation : la capacité à exporter est différente de la capacité à négocier en ce qu' elle relève globalement de la défaillance des infrastructures, de la formation de la main d' oeuvre, de l' absence de systèmes de contrôle sanitaire ...
Les institutions de Bretton-Woods ont commencé à intégrer la problématique du commerce dans leurs programmes .Mais les efforts engagés par la Banque Mondiale se sont jusqu'ici plutôt traduits par des études - visant essentiellement à démonter les gains potentiels de la libéralisation multilatérale, en particulier dans l' agriculture - que sur des programmes concrets de constructions de capacités exportatrices .Le FMI est resté très longtemps réticent à contribuer à la recherche de solutions spécifiques au problème de l' impact sur les finances publiques de la perte de recettes douanières pour les pays en développement réalisant des efforts de désarmement tarifaire multilatéral .
FMI et Banque Mondiale ont annoncé à Cancun de nouvelles propositions, intéressantes mais encore vagues, sur ces terrains : sans doute trop peu trop tard .Les pays en développement ne perçoivent donc pas encore les manifestations concrètes des efforts d' assistance qui les aideraient à s' engager en confiance dans de nouvelles entreprises de libéralisation .
Il est à peu près acquis que Cancun a enterré l' espoir d' une conclusion du cycle de Doha dans les délais fixés, au 1er janvier 2005 .Deux grandes échéances officielles sont aujourd'hui prévues : une réunion du Conseil Général de l' OMC, en décembre 2003, une conférence ministérielle qui devrait se tenir, en principe à Hong-Kong, vers fin 2004 .Entre les deux, l' élection présidentielle américaine risque de figer toute dynamique de négociation .Une reprise rapide est d' autant moins vraisemblable qu' américains et européens ont indiqué rester pour l' instant sur l' expectative .Face aux menaces du statu quo et aux limites des idées de relance technique, la réflexion s' impose sur les conditions de relance politique du cycle .
L' interruption du cycle de Doha à Cancun emporte une menace immédiate pour l' OMC : celle du transfert de responsabilité du " législateur " vers " le juge ", de la négociation de règles vers le mécanisme de règlement des différends, en particulier en matière agricole .
[SujetInv] au 31 décembre 2003 expirera la " clause de paix ", adoptée avec la conclusion de l' Uruguay Round, qui protégeait temporairement les membres de l' OMC du risque de contentieux contre leurs régimes de subvention à l' agriculture .En cas d' accord à Cancun, cette clause aurait du logiquement être prolongée pour garantir un climat serein de négociation . [On...] du fait de l' échec de Cancun, on peut s' attendre à ce que les membres de l' OMC cherchent à obtenir, par le contentieux, les objectifs de réforme agricole non atteints par la négociation .D'ores et déjà, deux panels ont été constitués en 2003 à l' initiative du Brésil, l'un contre le régime de subventions aux exportations de sucre de l' UE, l' autre contre le régime de subvention au coton des Etats-Unis .
Indépendamment de la clause de paix, les tensions liées aux contentieux sont déjà fortes .Les Etats-Unis ont lancé une dispute très sensible pour l' opinion publique, contre le régime communautaire d' autorisation de mise sur le marché des OGM . De son côté, l' Europe se dirige vers la mise en oeuvre de sanctions commerciales contre les Etats-Unis, faute de mise en conformité de ces derniers avec les décisions de l' ORD ( organe de règlement des différends de l' OMC ) dans l' affaire du FSC / ETI, ou, du fait de la vraisemblable prochaine confirmation en appel de la condamnation de la mesure de sauvegarde adoptée en 2002 par le Président Bush dans le secteur
Compte-tenu de l' importance des enjeux politiques en cause, une multiplication des contentieux commerciaux, en alternative à les négociations , pourrait achever d' affaiblir ce qui reste de l' OMC : la crédibilité du système de règlement des différends serait minée par une multiplication des cas de non- respect de ses décisions ; les objectifs mêmes de l' organisation seraient minés par la montée en puissance de rétorsions commerciales croisées liés à ce non- respect .La recherche d' une forme de pacte de " modération " , sinon de " non- agression " , apparaît donc comme un préalable à tout espoir de reprise des négociations multilatérales .
Ce risque apparaît d' autant plus réel que l' administration Bush a adressé plusieurs signaux de défiance vis à vis du multilatéralisme commercial .Le forum de l' OMC ne se voit pas reconnaître de prééminence sur les autres forums de négociation dans la politique commerciale américaine ; les Etats-Unis se sont affranchis de ses règles en 2002 pour protéger leur secteur de l' acier et se montrent extrêmement réticents à mettre en oeuvre les décisions de l' ORD les condamnant : une mise en conformité est aujourd'hui attendue dans 5 affaires importantes gagnées par l' Union Européenne .
Les facteurs de tensions s' accumulent également dans les relations commerciales sino-américaines : depuis longtemps formulées par le secteur du textile-habillement, les demandes de protection pourraient se multiplier dans l' industrie américaine, sous l' influence notamment du facteur monétaire ( sous-évaluation estimée par les autorités américaines de la parité du Yuan contre dollar ) .Le déficit des paiements courants des Etats-Unis, nourri par le déficit commercial , apparaît de moins en moins soutenable au niveau atteint en 2003 ( plus de 5 % du PIB ) .Alors que les Etats-Unis demeurent le principal facteur de croissance mondiale, le risque d' une montée du protectionnisme américain apparaît très réel .
La conjugaison d' une UE contrainte de mettre en oeuvre 0 des sanctions commerciales contre les Etats-Unis pour faire respecter les décisions de l' ORD et d' une montée de le protectionnisme américain , représenterait une menace pour l' économie mondiale .
Faute d' accord multilatéral, les puissances commerciales peuvent privilégier la voie bilatérale ou régionale pour promouvoir leurs objectifs de libéralisation .De fait, les premières déclarations des autorités américaines tendent déjà à privilégier cette seconde voie après l' échec de Cancun : M. Zoellick a indiqué qu' il choisirait ses pays interlocuteurs entre " can do " et " won't do " .L' Union Européene avait choisi de renoncer au lancement de nouvelles initiatives de négociation de libre-échange, bilatérale ou régionale, pendant la durée du cycle de Doha .Après Cancun, la Commission a également fait savoir qu' elle souhaitait prendre le temps de la réflexion et du débat interne pour examiner toutes les options et envisager de réorienter éventuellement dans ce sens la politique commerciale de l' Union Européenne .
La théorie économique reste divisée sur les mérites respectifs du régionalisme et du multilatéralisme .Les gains potentiels de la libéralisation multilatérale apparaissent supérieurs à ceux de la libéralisation sur une base régionale .Ces derniers se partagent traditionnellement entre " effets de création " - qui débouchent sur un accroissement du commerce global -, et " effets de détournement " de la richesse - qui se matérialisent par une simple substitution de sources d' approvisionnement .L' enjeu de l' articulation entre multilatéralisme et régionalisme est donc de maximiser les effets de création et limiter les effets de détournement .Le droit de l' OMC prévoit des dispositions pour garantir la complémentarité des deux dynamiques .
[Present]Sous cette réserve, il n' y a en soi rien de choquant à l'idée de poursuivre une option régionale ou bilatérale .L' Union Européenne en incarne elle -même le meilleur exemple historique et son réseau d' accord avec les pays tiers régit d'ores et déjà près de 80 % de ses échanges extérieurs, par un régime de libre-échange ou d' ouverture préférentielle de son marché .Economiquement, l' Union Européenne aurait probablement intérêt à progresser, au-delà des engagements de l' OMC, par de nouvelles initiatives régionales : en effet, seules échappent aujourd'hui à son réseau de préférences réciproques, ses relations avec les deux zones les plus dynamiques du monde, l' Asie de l' Est ( " ASEAN + 3 " ) et l' Amérique du Nord .
Les pays les plus pauvres et en particulier l' Afrique pourraient être les principales victimes d' un nouvel essor du régionalisme de la part des grandes puissances commerciales .
D'abord, parce qu' un tel mouvement contribuerait vraisemblablement à intensifier la tendance à la structuration de l' économie mondiale autour du triangle Chine / Asie de l' Est - Union Européenne - Etats-Unis, risquant de confiner l' Afrique subsaharienne, qui r M. Zenawi . L' affirmation d' une alternative régionaliste crédible à le multilatéralisme signerait de facto une forme de " Yalta institutionnel " dans la globalisation : aux pays commerçants de négocier entre eux des accords de commerce, aux institutions de Bretton Woods de s' occuper du " traitement social " des pays les plus pauvres .
Ensuite, parce qu' en cas d' initiatives dans leur direction, le rapport de force bilatéral serait naturellement peu favorable aux économies les plus pauvres . Cette réalité est évidente dans le rapport Nord-Sud, comme l' ont montré, immédiatement après Cancun, les pressions américaines sur les pays d' Amérique Centrale et andine pour qu' ils sortent du G21 : le Costa-Rica, la Colombie et le Pérou ont annoncé leur retrait du groupement, après avoir entendu les menaces du Président de la Commission des Finances du Sénat américain .Mais cette menace existe de manière tout aussi évidente du fait de l' apparition de nouveau rapports de force et de stratégies protectionnistes " Sud-Sud " .Un indicateur révèle ce nouvel état de fait : une majorité des enquêtes d' antidumping initiées dans le monde, oppose aujourd'hui des pays en développement entre eux .
Le parlement européen ne s' est pas trompé sur cette menace en réaffirmant clairement sa priorité au multilatéralisme dans sa résolution sur les résultats de Cancun .
L' échec de Cancun a ouvert trois débats sur les moyens de relancer les négociations commerciales en trouvant de nouvelles méthodes pour parvenir à forger un consensus .
[On...] On pourrait estimer que les sujets de SingapoursujetLa tentation pourrait être la même sur l' ensemble des sujets sur lesquels aucun progrès n' a été constaté depuis le lancement du programme de Doha : commerce et environnement, indications géographiques, questions de mise en oeuvre, certains groupe de travail .L' idée de recentrer l' OMC sur son " coeur de métier " , la libéralisation de l' accès à les marchés , est récurrente chez les négociateurs .Elle répond fondamentalement à la vision américaine du cycle de négociation à laquelle s' opposait initialement une " conception européenne de la mondialisation " marquée par la recherche d' un équilibre entre libéralisation et régulation des échanges mondiaux .
[Il..._SN] Il paraît douteux qu' une telle approche suffise à relancer les débats : d'une part, parce que malgré leur rôle formel dans l' échec, les sujets de régulation n' étaient pas au coeur des enjeux de Cancun ; d'autre part, parce que la proposition d' abandon des deux sujets les plus difficiles ( investissement, concurrence ) n' avait pas permis de débloquer la négociation sur place .
En réalité, les ambiguïtés de l' agenda de Doha reflétaient un équilibre entre trois grandes approches : celle d' une majorité de PED qui souhaitaient limiter les discussions à l' existant, à travers les thèmes de la mise en oeuvre des accords d' Uruguay et les questions de développement ; celles des tenants d' un pur cycle de libéralisation ; celles des partisans d' un renforcement du rôle de l' OMC dans la gouvernance multilatérale .Il est à craindre que toute altération de cet équilibre ne revienne à ouvrir une boîte de pandore et éloigne d' autant la perspective d' une reprise des négociations de substance .
La pondération de l' importance des sujets de l'ordre de le jour pour chaque participant ne pourra évoluer réellement qu' au regard des perspectives de progression des différents sujets par la voie régionale ou bilatérale . [Cliv] C' est déjà l' approche américaine, qui privilégie les accords bilatéraux pour traiter de l' investissement . [Cliv] C' est déjà largement l' approche européenne, qui s' efforce de faire reconnaître la protection de ses indications géographiques via ses négociations bilatérales ou régionales : si celles -ci lui permettent d' atteindre ses objectifs, la pression pour des progrès à l' OMC se réduira en la matière .
De fait, l' OMC se reconnaît déjà à deux vitesses par le jeu du principe de traitement spécial et différencié qui autorise une asymétrie d' engagements de la part des pays en développement face aux pays développés .Le consensus était également globalement atteint à Cancun sur l' idée d' exonérer les pays les moins avancés de tout engagement contraignant en matière de libéralisation de l' accès au marché industriel .Le Président de la République française a également proposé à ses partenaires du G8 l' idée d' un " régime commercial spécifique pour l' Afrique ", idée reprise à son compte par l' Union Européenne au sommet d' Evian, mais qui avait rencontré l' opposition des Etats-Unis .Après l' échec de Cancun, la France a relancé cette idée .
L' idée est donc présente et le droit de l' OMC offre d' autres techniques que le traitement spécial et différencié pour différencier le niveau d' obligation entre membres .La principale est celle des accords dits " plurilatéraux ", dont les obligations ne lient que ceux des membres qui l' acceptent, sous réserve du consensus de tous pour recourir à cette technique dérogatoire ; une possibilité équivalente consisterait à prévoir des clauses d' entrée ou de sortie ( " opt-in " ou " opt-out " ) de la négociation de certains accords, par dérogation au principe " d' engagement unique " .
Le recours à ces techniques pourrait être fécond pour contribuer à une relance de la négociation, et surmonter en particulier l' impasse mercantiliste liant les sujets de Singapour aux questions d' accès au marché . [Il..._SP] S' agissant de règles sur l' investissement et la concurrence, ayant vocation à représenter un bien collectif, il serait intellectuellement justifiable des développer par une stratégie incitative, fondée sur le volontariat, sachant que les pays en développement nourrissent de grands doutes sur l' intérêt de telles règles pour leurs stratégies de croissance .
De fait, l' intérêt économique d' un régime multilatéral de l' investissement pour les pays en développement reste par exemple controversé : sa mise en place, à l' OMC, sur une base volontaire, par certains pays, permettrait d' en mieux évaluer les effets . [On..._SN] On peut alors faire le pari que si ces règles révèlent leur intérêt, les effets de concurrence et d' émulation joueraient à plein si certains PED décidaient d' y souscrire : l' Inde s' imaginerait -elle pouvoir rester hors d' un accord auquel souscrirait la Chine ?Pour créer une dynamique de confiance et d' incitation, les pays développés pourraient s' engager à faire bénéficier l' ensemble des membres de l' OMC des engagements qu' ils prendraient dans ce cadre .Enfin, une approche volontaire répondrait à la contestation des sujets de Singapour par la plupart des mouvements de la société civile, dénonçant la volonté d' imposition de nouvelles normes aux pays en développement .Le principal risque d' une telle approche serait politique en ce qu' elle pourrait accentuer la bipolarisation Nord-Sud et un désengagement des pays développés de l' OMC, pour lui préférer d' autres cadres, par exemple celui de l' OCDE . Le risque paraît réduit compte-tenu de l' échec fracassant de l' AMI en 1998 .En tout état de cause, l' enceinte de l' OMC offrirait plus de chances de succès à une telle démarche que celle de l' OCDE, parce qu' elle offre davantage de garanties procédurales aux pays en développement .Ceux -ci auraient d'abord à accepter le principe d' ouvrir ou non de telles négociations " plurilatérales ", de décider s' ils souhaitent ou non y participer, de souscrire ou non des engagements à la conclusion .
L' Union Européenne a ouvert le débat sur la modernisation de l' OMC, qualifiée de " médiévale " par le Commissaire Lamy .Les Etats-Unis ont d'emblée indiqué qu' un tel débat serait une perte de temps .Bis repetita placent, la question de la réforme de l' organisation avait été mise à l'ordre du jour après Seattle .des progrès ont d'ailleurs été réalisés depuis en matière de transparence interne et externe des débats .A la lueur de l' échec de Cancun, de nouvelles questions sont ouvertes, sur lesquelles un progrès paraît souhaitable, en particulier concernant les pouvoirs respectifs du Président des conférences ministérielles et du Directeur Général de l' Organisation, dans l' organisation des débats et des procédures de consultation .
Mais la question centrale reste celle de la méthode de production d' un consensus entre 148 pays sur plus de 20 sujets de négociation .De facto, malgré la contestation ouverte à Seattle, l' OMC n' a jamais pu se passer de l' ancienne pratique du GATT, dite des " green room ", réunions informelles, restreintes aux principaux membres de l' organisation, pour élaborer les projets de consensus . [Cliv] C' est d'ailleurs en " green room " qu' à été décidé l' arrêt de la conférence de Cancun, avant officialisation en réunion plénière .
L' institutionnalisation de cette pratique, la définition de ses règles , procédures , garanties de transparence de le résultat de les débats représenterait le principal enjeu pour surmonter les contradictions du " consensus censitaire " et améliorer le fonctionnement institutionnel .Mais les chances de parvenir à l' élaboration d' un tel " conseil restreint " à l' OMC apparaissent extrêmement limitées .Techniquement, elle supposerait de s' accorder sur la représentativité des grandes catégories de pays et d' intérêts, impliquant de figer les alliances et sur l' établissement de procédures de consultation interne aux groupes de pays représentés par un mandataire .
Le débat sur les voies d' une relance technique du cycle reproduit donc très largement ceux qu' avait engendré l' échec de Seattle, sans réelle traduction concrète depuis .Il comporte des éléments utiles, mais ne pourra occulter les préalables politiques à la relance du cycle du développement .
Les ambiguïtés politiques qui avaient permis de construire l' agenda de Doha ont fonctionné comme " deal breaker " à Cancun, révélant les divergences de conception Nord-Sud sur le partage des responsabilités commerciales globales, la priorité économique de l' agriculture, l' apport de la libéralisation au développement .Aucun progrès vers un consensus ne paraît désormais possible sans affronter ces grandes questions politiques et éliminer les ambiguïtés .
Compte-tenu de l' asymétrie des niveaux de développement, le sens moral voudrait sans doute que les pays développés assument la responsabilité d' une relance du cycle de Doha, en offrant de nouvelles concessions sur le terrain agricole .Indépendamment des résultats de Cancun, la Commission européenne s' est d'ores et déjà engagée dans une proposition de réforme des organisations communes des marchés du sucre, du coton, du tabac et des produits méditerranéens .Si ces propositions aboutissent, elles lui confèreront une marge de manoeuvre nouvelle . La proposition française à le G8 d' un moratoire sur les subventions à les exportations déstabilisatrices pour les marchés africains pourrait également être utilement retravaillée .
Mais le sens commun suggère le réalisme .Les Etats-Unis ont voté en 2002 une loi agricole et vont entrer en période électorale : hormis la découverte d' un intérêt sécuritaire, rien ne paraît aujourd'hui susceptible de venir faire évoluer leurs positions de négociation .L' UE vient de réformer la PAC et l' échec de Cancun pourrait affaiblir la stratégie réformatrice de la Commission, qui liait les négociations de l' OMC aux résultats des réformes agricoles internes .Le Japon reste également en posture très défensive sur l' agriculture .Aucun pays développé ne fera donc de nouvelle concession unilatérale . ne fera donc de nouvelle concession unilatérale .Inversement, aucun pays en développement ne peut réalistement espérer obtenir satisfaction à l' OMC sans prendre le moindre engagement en contrepartie : la stratégie agricole du G21 demandant tous les efforts aux pays développés ne peut déboucher que sur une impasse .
L' enjeu pour l' OMC est donc de forger de nouvelles bases d' accord politique permettant d' envisager une relance globale de ses travaux . L' hypothèse de la convocation d' une réunion ministérielle extraordinaire de l' OMC début 2004 a été envisagée . [On...] On voit mal comment une telle réunion pourrait parvenir à un accord technique sur les mêmes bases qu' à Cancun .Une réunion de ministres, dans un forum à caractère purement politique , pourrait par contre être utile et les institutions de Bretton Woods devraient y être associées .Trois débats doivent être affrontés pour tenter de reconstruire un consensus politique sur la libéralisation multilatérale doivent être affrontés pour tenter de reconstruire un consensus politique sur la libéralisation multilatérale
Face à la difficulté des membres de l' OMC à évaluer l' équilibre des concessions globales à entreprendre au titre de l' agenda de Doha, un accord politique pourrait être recherché sur la définition d' équilibres intermédiaires, demeurant unis entre eux par le principe d' engagement unique .
Les subventions agricoles de le Nord et le protectionnisme industriel à le Sud sont en accusation : Cancun a donc montré qu' il n' y aurait pas d' accord agricole possible sans accord industriel .Or, la plupart des membres de l' OMC expriment un niveau d' ambition inversement proportionnel, entre l' agriculture et l' industrie .Le premier enjeu d' un nouveau compromis politique doit donc être d' admettre que les efforts de libéralisation devront être proportionnels dans les deux secteurs, sur la base la plus ambitieuse possible .Ces champs de négociations sont suffisamment balisés et le travail technique de préparation de Cancun était suffisamment avancé pour que soit éclairé l' équilibre commercial des concessions réciproques .
Les négociations relatives à les services peuvent alors relever d' une logique sectorielle propre dans laquelle le compromis Nord-Sud devra être essentiellement recherché entre progrès de l' ouverture aux investissements et aux mouvements temporaires de main d' oeuvre .
Sur les sujets de Singapour, l' option d' accords plurilatéraux devrait être examinée et la négociation de ces sujets de Singapour mise en balance avec celle des autres règles : les pays en développement ont un intérêt direct au renforcement des disciplines sur l' antidumping, aux questions de mise en oeuvre et de traitement spécial et différencié ; les Etats-Unis réclament l' élimination des subventions aux pêcheries et s' intéressent à deux sujets de Singapour ; le Japon et l' UE demeurent motivés par les quatre sujets, ainsi que, pour cette dernière par l' environneme
L' OMC vit sur un modèle hybride et dépassé, en ne reconnaissant que trois catégories de pays : pays développés, pays en développement et pays les moins avancés : la catégorie des pays en développement est subjective puisqu' elle relève purement d' une " auto-déclaration " ; la catégorie des PMA est objective et relève de critères précisément définis au sein de l' ONU . Ces catégories ne permettent pas de différencier le niveau de responsabilité économique que doivent prendre les pays émergents dans leurs engagements à l' OMC : Singapour, Chine, Cameroun, Côte d' Ivoire
Les pays développés voudraient dès lors introduire des mécanismes de " différenciation " pour tenir compte des évolutions intervenues au sein du groupe des pays en développement .Ces derniers refusent radicalement toute évocation directe et indirecte du sujet .Ce conflit porte une responsabilité majeure dans l' échec de Cancun : il empêche tout avancée forte sur la question du traitement spécial et différencié de la libéralisation, particulièrement en matière agricole .
Or, aucun pays développé n' envisagera d' accorder les mêmes concessions et flexibilités au Cameroun qu' au Brésil ou à l' Inde .Inversement, les pays émergents ont beau jeu de faire porter l' ensemble de la responsabilité de la libéralisation aux pays développés .Le cas du coton est révélateur : Brésil et Inde soutiennent - à juste titre - la demande africaine d' élimination des subventions américaine et européenne mais entretiennent simultanément des droits de douanes très élevés sur leurs propres importations de coton, brut ou transformé .
Cette question est aujourd'hui " explosive " parce que politiquement centrale .Faute de réussir à engager un débat constructif, les ambiguïtés structurelles du programme de Doha ne pourront, au mieux, être surmonté que via des compromis globaux " Nord-Sud " fondés sur des concessions minimales : c' était l' approche tentée à Cancun .
Renforcer l' intérêt des PED à participer à les négociations commerciales et leur fournir plus de " confort " face à les coûts de l' ouverture suppose de développer des stratégies d' aide liant beaucoup plus directement les programmes d' assistance aux pays aux efforts de libéralisation entrepris . La Banque Mondiale a commencé à intégrer cette dimension, en particulier dans sa stratégie envers les pays méditerranéens unis à l' UE par un accord d' association et en systématisant l' intégration de la dimension commerciale dans la formulation de ses stratégies pays .Le FMI a par ailleurs annoncé à Cancun une approche cadre pour aider les pays en développement à affronter les déséquilibres de balance des paiements liés à l' ouverture commerciale .
L' amplification de cet effort et la systématisation du lien entre commerce et aide passe d'une part, par l' affirmation politique d' une véritable coresponsabilité de l' OMC et des institutions dans la poursuite de l' agenda de libéralisation multilatérale des pays en développement, d'autre part, par la mise en place de nouveaux moyens de financement du développement . [Cliv_SN] C' est le sens de l' engagement de principe exprimé en septembre 2003 par le Directeur Général du FMI et le Président de la Banque Mondiale pour développer un programme global de réponse aux besoins d' ajustement et d' investissement résultant de la libéralisation entreprise par les pays en développement . [Il..._SN] Il importe que cet engagement trouve une matérialisation rapide dans des programmes-cadres, précis, concrets et visibles .
L' Europe et les Etats-Unis, qui avaient su converger à Monterrey dans l' annonce d' un accroissement de leur effort d' aide à le développement , ou à le G8 d' Evian dans l' annonce de moyens supplémentaires pour la lutte contre le Sida , devraient exercer ensemble un " leadership " sur ce terrain : la question mériterait d' être inscrite à l'ordre du jour de leur coopération, dans le cadre des structures de dialogue économique et commercial bilatéral mise en place par le " nouvel agenda transatlantique " de 1995
[SujetInv]Enfin, peut -on prendre au sérieux l' idée de " compensation financière " temporaire des effets du protectionnisme, deuxième volet de la demande des pays d' Afrique de l' Ouest pour traiter le dossier du coton .Intellectuellement l' idée relève de la problématique classique du principe " pollueur-payeur " : le protectionnisme des uns produit des externalités négatives pour les autres, susceptibles d' être réduites par un mécanisme de désincitation financière .Sur cette base, la recherche de ressources financières nouvelles liant enjeux commerciaux et aide à le développement pourrait concrètement être envisagée à court-terme à partir d' un mécanisme " d' amende " ou de " compensation financière négociée ", en cas de refus de mise en conformité après une condamnation à l' OMC . Face au risque de multiplication des contentieux et au déséquilibre des rapports de force entre économies riches et pauvres dans la mécanique des rétorsions commerciales, cette piste alternative des sanctions financières mériterait d' être mieux explorée .
[Cliv] C' est aussi parce qu' il n' a pas suffisamment investi le champ de l' aide liée à la libéralisation commerciale que le système commercial a perdu le " Sud " à Cancun et que les ONG caritatives ont occupé la place laissée vide .