TITRE : La lutte contre le terrorisme : essai de bilan institutionnel

AUTEUR : François Vergniolle de Chantal, Docteur en Sciences Politiques de l'IEP de Paris, est Maître de Conférences en civilisation américaine à l'Université de Bourgogne.

Depuis une quarantaine d' années, les républicains se sont fait fort de réduire le poids de l' Etat fédéral .Or l' actuelle lutte contre le terrorisme, menée par une équipe républicaine qui , pourtant , adhère totalement à les critiques contre le Big Government , remettrait en cause l' engagement conservateur en faveur de la décentralisation .Les différentes mesures annoncées depuis septembre 2001 vont toutes dans le même sens, un considérable renforcement de la présence de l' Etat fédéral .Comme toutes les guerres menées par les Etats-Unis, celle entamée contre le terrorisme risquerait, elle aussi, de renforcer la centralisation .   [interro] Quels sont les aspects de ce retour de l' Etat central ?   [interro] Comment s' opère la recentralisation, et avec quelles conséquences dans l' équilibre fédéral ?Finalement, quelles sont les conclusions à tirer de cette évolution ?   [Interro] En particulier, comment s' articule la lutte contre le terrorisme avec ' engagement conservateur en faveur de les Etats fédérés ?Selon nous, la lutte contre le terrorisme ne serait pas similaire aux évolutions entraînées par les autres conflits .Elle débouche en fait sur un activisme tous-azimut, qui concerne aussi bien l' Etat fédéral que les Etats fédérés et les autorités locales ( villes, comtés ) .   [Il..._SN] Plutôt que de parler de centralisation, il faudrait évoquer un renforcement des fonctions légitimes de chacun des niveaux du gouvernement : la défense et la protections des citoyens pour le niveau fédéral ; les autorités locales, elles, gèrent les moyens de réponse immédiats aux agressions terroristes ( police, pompier, santé ) .L' essentiel des problèmes suscités par la protection du territoire contre le terrorisme réside dans la coordination entre les différents organes .L' administration actuelle s' engage résolument dans cette voie, et entame une réorganisation massive des administrations nationales .

Face à l' urgence : les premières décisions de l' administration Bush

Dans le mois qui a suivi l' attentat du 11 septembre, l' administration a procédé à un certain nombre d' initiatives spectaculaires à plus d'un titre, notamment par l' intrusion massive des autorités fédérales dans différents domaines où, jusqu'alors, l' interventionnisme fédéral n' était pas de mise .A commencer par la sécurité aérienne, au vu, bien sûr, du déroulement des attentats : les attaques contre des objectifs civils semblaient alors être l' objectif de prédilection des groupes islamistes .   [Autre_SP] C' est pourquoi, sous la responsabilité du Secrétaire aux Transports, Norman Y. Mineta, un nouveau texte a été adopté par le Congrès dès le 19 novembre, le Aviation and Transportation Security Act ( ATSA, Public Law 107 - 71 ) .   [SujetInv_SN] Ainsi est instituée la Transportation Security Administration (administrationA partir de février 2002, la nouvelle instance a " fédéralisé " les points de contrôle des 429 aéroports commerciaux des Etats-Unis, processus, qui, en fin de compte, devrait encore prendre quelques mois .Dorénavant, les compagnies privées de sécurité - jusqu'ici sous-traitantes de les compagnies aériennes - ne sont donc plus responsables du contrôle des passagers ; près de 28000 fonctionnaires fédéraux doivent maintenant prendre le relais, et leur recrutement devrait se faire avec des critères plus exigeants que ceux requis jusqu'alors .Pendant ce temps, les craintes d' attentats contre d'autres types de cibles civiles se multipliaient .Ainsi, un certain nombre d' élus démocrates ( dont le Sénateur de New York Hillary R. Clinton ) ont appelé en novembre à une prise en charge fédérale de la sécurité des 103 centrales nucléaires du pays par la Nuclear Regulatory Commission .Mais l' initiative est, pour le moment, restée lettre morte au Congrès : en l'état actuel de la situation, la protection des sites nucléaires est toujours assurée par les quelques 57000 réservistes et membres de la Garde Nationale qui ont été mobilisés suite à les attentats .Initialement chargés aussi de la sécurité dans les aéroports, ils en ont été rapidement relevés lors de la création de la TSA ; ils assurent maintenant exclusivement la défense des centrales nucléaires, et l' administration Bush semble s' en satisfaire .

Ces actions immédiates ont été renforcées par d'autres mesures, budgétaires, qui vont directement à l'encontre du libéralisme économique prôné par les républicains .Ainsi, le Président a immédiatement décidé des aides d'urgence : 40 milliards de dollars répartis entre l' Etat de New York et le FBI, les agences de renseignement et l' armée ; à ce montant s' ajoute 15 milliards de dollars pour aider les compagnies aériennes .Autant dire que le non interventionnisme économique de l' Etat fédéral a été immédiatement relegué au second rang devant l' urgence de la situation . La restriction budgétaire a tout de suite cédé la place à la nécessité de lutter contre le terrorisme .

Après quatre années d' excédents fédéraux, le budget de 2003 - qui débute en octobre 2002 - renoue avec les déficits .Sous l' effet conjugué du ralentissement économique et de la lutte contre le terrorisme ( les démocrates rajouteraient aussi les baisses d' impôts parmi les facteurs explicatifs ), le budget devrait afficher un déficit de l'ordre de 43 milliards de dollars .Les principaux postes budgétaires sont dorénavant la sécurité du territoire ( homeland security ) et la défense .Dans le premier cas, le budget passe de 15 milliards de dollars à 38 milliards, une part non négligeable ( un peu moins de trois milliards ) étant consacrée à la lutte contre le bioterrorisme .A un niveau institutionnel, et plus seulement fonctionnel, l' administration Bush a décidé de renforcer considérablement les polices locales, pompiers, et services d'urgence, qui, tous, constituent la première ligne de défense vis-à-vis des attaques terroristes .Environ 3,5 milliards de dollars - soit une multiplication par dix des financements antérieurs - sont ainsi destinés aux autorités locales, municipales et étatiques, c' est-à-dire aux échelons politiques responsables de ces différents corps .En ce qui concerne la défense, le Secrétaire, Donald Rumsfeld , se trouve maintenant à la tête du second poste dans le budget fédéral .Le Président a obtenu une rallonge budgétaire de 48 milliards de dollars, soit une enveloppe qui dépasse le montant du budget militaire annuel de n' importe quel autre pays dans le monde .L' effort ainsi consenti est comparable à celui engagé par Truman lors de la Guerre de Corée .Comme il y a cinquante ans, les Etats-Unis sont véritablement entrés dans un budget de guerre : celui -ci devrait atteindre 396 milliards de dollars en 2003, et, si les prévisions se concrétisent, se chiffrer à 470 milliards en 2007 .

A priori, l' administration Bush a adopté des dispositions budgétaires qui la placent en décalage par rapport à les discours républicains en faveur de la modestie budgétaire et de la nécessaire rigueur dans les dépenses .Dans ce domaine, l' Etat fédéral a bénéficié d' une nouvelle marge de manoeuvre, inespérée au vu de l' orientation politique de l' équipe dirigeante .   [Autre] C' est d' autant plus vrai que ces mesures ne sont pas précisément des décisions sur lesquelles l' administration se serait engagée à revenir .au contraire, la Présidence a, dans un second temps de sa lutte contre le terrorisme, élaboré un cadre plus général qui cherche à pérenniser les décisions prises à l' automne .L' accroissement des pouvoirs de l' Etat fédéral ne tient pas de l' accident de parcours .   [Present_SP] Il s' agit au contraire d' une priorité des pouvoirs publics .pouvoir

L' élaboration d' un cadre de lutte contre le terrorisme

Le rapide panorama des mesures d'urgence que nous venons d' établir a pris place dans un cadre légal établi à l' automne 2001, puis complété par une réorganisation institutionnelle des structures de l' Etat fédéral au printemps 2002 .Ainsi, d' un point de vue législatif cette fois, l' administration Bush a fait présenter une loi de lutte contre le terrorisme .Massivement adoptée par le Congrès et signée par le Président le 26 octobre, le texte ( USA Patriot Act , ou Uniting and Strengthening America by Providing Appropriate Tools Required to Intercept and Obstruct Terrorism , PL 197 - 56 ) renforce considérablement la loi précédente, celle adoptée sous l' équipe Clinton après l' attentat d' Oklahoma City .A l'époque, un grand nombre de républicains avaient réussi à bloquer les principales extensions prévues du pouvoir fédéral, mettant en avant les incohérences des agences " gouvernementales " .Le FBI, chargé de la surveillance de le territoire , était en effet mis en accusation pour sa mauvaise gestion des confrontations avec une secte texane et différents mouvements " antigouvernementaux " .Dans ces conditions, la loi de mars 1996 avait été vidée de toute extension des possibilités de surveillance de l' Etat fédéral .

Rien de tel avec la loi du 26 octobre dernier .   [NoSABERTopth_Pred] Celle -ci repose au contraire sur une extension considérable des possibilités de surveillance, notamment électroniques, et des écoutes téléphoniques .Elle donne une définition du terrorisme intérieur qui est extrêmement large .Ainsi, toute personne se déclarant comme représentant - sans forcément être membre - d' une organisation terroriste , est considérée comme terroriste .Toute aide, et, a fortiori, tout soutien financier, sont des activités terroristes s' ils ont contribué à faciliter une quelconque attaque .Les membres de la famille d' un terroriste peuvent eux -mêmes être considérés comme tels si le Garde des Sceaux le pense .Concrètement, la liste des activités dites terroristes regroupe : toute tentative, menace ou réalisation d' un détournement ou d' un sabotage de n' importe quel moyen de transport ; toute attaque contre une personne protégée par le droit international ( ambassadeur, titulaire de fonctions politiques etc . ) ; enfin, toute utilisation d' une arme en vu de porter atteinte à la tranquillité publique ou de détruire la propriété d' autrui, ce qui s' ajoute aux autres crimes ( incendie volontaire, explosion, meurtre, tentative de meurtre, etc ) déjà inscrits dans le droit pénaL' extension de la définition est telle que, pour certains observateurs, n' importe quelle dispute dans un bar pourrait maintenant tomber sous le coup d' une accusation de terrorisme !Seules les mesures les plus controversées - l' extension de la détention provisoire - ont une durée de validité de quatre ans .

Bien loin de vouloir revenir sur ces mesures adoptées dans l' urgence, l' administration républicaine, dans le cadre de sa nouvelle orientation budgétaire , tente de mettre en oeuvre une réorganisation des pouvoirs de l' administration fédérale .Un grand nombre de commentateurs y voient même une des tentatives les plus ambitieuses depuis la Seconde Guerre Mondiale .

Le 8 octobre 2001, le Président a nommé, par ordonnance, Tom Ridge, jusque là Gouverneur républicain de Pennsylvanie, responsable de la sécurité intérieure .   [Il..._SP] Il était initialement chargé de coordonner depuis la Maison Blanche les activités de défense civile de près de 50 organismes fédéraux dont la CIA et le FBI ( même si le premier restait rattaché au Pentagone, et le second au Ministère de la Justice ) .Les observateurs étaient d'abord sceptiques sur ses chances de s' imposer dans le labyrinthe administratif que constitue la machinerie fédérale .   [Autre] Et ce d' autant plus qu' il disposait d' une équipe de 16 personnes et d' un budget symbolique !

Mais en juin 2002, le Président a décidé de la création d' un Ministère de la Sécurité du Territoire ( Department of Homeland Security ), initiative approuvée à plus de 70 % par ' opinion publique, et relayée au Congrès par le Représentant Marc Thornberry ( républicain, l Texas ), et les Sénateurs Joe Lieberman ( démocrate, Connecticut ) et Arlen Specter ( républicain, Pennsylvanie ) .Ce tout nouveau ministère, dont Tom Ridge est le responsable , va regrouper 22 agences et services dépendant actuellement de 8 ministères différents ( ainsi des gardes-côtes, des douanes, et, peut-être, des services de l' immigration ) .Contrairement à la précédente structure instituée en octobre 2001, celle -ci ne regroupe ni le FBI ni la CIA . Le nouveau ministère serait pourtant le 3ème ministère en nombre de fonctionnaires ( selon les formules, entre 170.000 et 200.000 personnes ), et, regroupant une vaste palette de compétences, serait doté d' un budget d' environ 38 milliards de dollars .

Il complète le plan de réorganisation du FBI annoncé un mois auparavant .Secouée par les scandales et placée sous pression constante par ses autorités de tutelle et les pouvoirs politiques, l' agence est dans une position de plus en plus délicate .D' où la nécessité pour son récent directeur - Robert Mueller a pris ses fonctions une semaine avant les attentats du 11 septembre ! - de reprendre la situation en main . Son plan annonce l' affectation de 600 agents, ordinairement chargés de la lutte contre la criminalité classique, à la lutte anti terroriste ( ce qui représente une multiplication par quatre des effectifs anti terroristes actuels ) .D' ici septembre 2002, le Bureau devrait au total engager 900 nouveaux agents ( qui rejoignent les 7000 existants ) .Un nouveau bureau de renseignement devra centraliser toutes les informations sur la lutte contre le terrorisme .Il sera dirigé par un membre de la CIA ; et c' est là d'ailleurs une des grandes nouveautés introduites par ce plan, l' association plus étroite de la CIA dans le fonctionnement des activités anti terroristes du FBI . En effet, 25 membres de la CIA sont d'ores et déjà délégués au FBI, et d'autres doivent encore être répartis dans les bureaux les plus importants .Enfin, concernant ses missions, le Bureau a des pouvoirs plus étendus ( désormais, il peut par exemple espionner des espaces traditionnels de liberté d' expression, comme les lieux de culte, les bibliothèques et internet ) .Ainsi, l' extension de la mission anti terroriste serait en train de faire profondément évoluer le FBI : il quitterait même son rôle de police pour devenir une agence de renseignement intérieure, tout comme la CIA à ' étranger . l Ces deux initiatives institutionnelles, comme toutes celles évoquées jusqu'à présent, renforcent encore le poids de l' Etat fédéral .L' évaluation que nous venons de faire 0 des modalités de la lutte contre le terrorisme ne laisse donc que peu de place au doute .Bush Jr . risque de rejoindre son père comme un des présidents républicains qui a le plus contribué à la centralisation du pays au cours de les dernières années .Que ce soit pour le budget ou la justice, le poids du pouvoir central se renforce, et ce avec le soutien de l' écrasante majorité de l' opinion publique : les sondages font état d' un niveau de confiance élevé dans l' Etat fédéral, de l'ordre de ce qu' il était au début de les années soixante .Pendant l' administration Clinton, 20 % de les sondés déclaraient faire confiance à l' Etat fédéral ; immédiatement après les attentats, le taux a bondi à 66 % .il a un peu baissé depuis, il reste néanmoins très élevé, ce qui facilite grandement les mesures centralisatrices de l' équipe Bush .

Quelques observations finales sur le fédéralisme

Ces différents éléments plaident tous pour la même conclusion : le renforcement de l' autorité fédérale .Historiquement, pour faire face à des crises - économiques ou militaires - l ' pour faire face à des crises - économiques ou militaires - l' Etat fédéral a toujours été le principal moteur de l' action .Il a étendu, non seulement sa taille - telle que mesurée par exemple en nombre de fonctionnaires - mais aussi son champ de compétences .Les évolutions du New Deal ou de la Seconde Guerre Mondiale furent, de ce point de vue, exemplaires .Il semblerait en aller de même actuellement .

Or le puissant mouvement de centralisation auquel nous assistons depuis le 11 septembre ne contribue que très modestement à une extension des compétences dévolues à l' Etat fédéral .Les mesures de soutien économique annoncées à l' automne prennent principalement la forme d' exemptions fiscales et non pas de transfert monétaire .De même, les autorités " gouvernementales " ont, jusqu'à présent, refusé d' attribuer aux centrales nucléaires la même protection fédérale que celle dont bénéficient dorénavant les aéroports .D'autres exemples sont disponibles .Ainsi, malgré des sondages indiquant une ouverture de l' opinion publique sur ce point, les pouvoirs publics fédéraux se refusent toujours à établir une carte d' identité nationale .Seul le cas de la sécurité aérienne est clairement une extension - à la fois en termes de compétence et de fonctionnaires - du pouvoir fédéral .

Comment rendre compte de cette relative modestie ? Pour nous, la guerre contre le terrorisme a une spécificité en politique interne .Contrairement à une guerre " traditionnelle ", entre Etats souverains, elle contribue tout autant au renforcement des autorités fédérées que des autorités fédérales .Pendant la Seconde Guerre Mondiale, la gestion du conflit a été du ressort de l' Etat fédéral, au détriment de les Etats fédérés .Rien de tel dans le cas présent . Le jeu des relations entre niveaux de gouvernement est à somme positive : autrement dit, la lutte contre le terrorisme renforce - un peu - l' Etat fédéral, certes, mais aussi les Etats fédérés .Au moment de l' envoi des lettres porteuses du bacille du charbon, une douzaine d' Etats fédérés ont créé leur propre structure de défense civile, alors que Tommy Thompson, Secrétaire d' Etat à la Santé, ne semblait pas vraiment en position de mener une campagne d' envergure pour prévenir la panique naissante .

Les experts s' entendent pour souligner que l' actuelle lutte anti terroriste renforce l' Etat fédéral avant tout dans ses fonctions légitimes, à savoir protéger les citoyens, et assurer leur défense .En fait, plutôt que un renforcement unilatéral de l' Etat fédéral, on assisterait aussi à une participation accrue des Etats, des collectivités locales, voire du secteur privé ( dans la mesure où les usagers devront certainement payer pour des améliorations de leur sécurité quotidienne . Dans un territoire aussi vaste que celui des Etats-Unis, le nombre de cibles potentielles est difficilement gérable par une seule autorité . Dans ces conditions, la sécurité du territoire est forcément une activité décentralisée ; les fonctions sont dispersées entre les niveaux de gouvernement et ne peuvent pas être rassemblées sous une seule autorité : selon l' Office of Management and Budget, près de 70 agences - nationales ou locales - ont un poste budgétaire consacré à la lutte contre le terrorisme, et ceci ne tient pas compte des services des Départements d' Etat et de la Défense, ni des services secrets .De ce fait, une grande partie du succès de la lutte anti terroriste est due aux autorités locales .

L' Etat fédéral, lui , se concentre dans des domaines qui ont toujours été les siens : l' amélioration des services de sécurité, la protection des frontières et la lutte contre toute puissance extérieure qui soutiendrait d' une façon ou d' une autre les organisations terroristes .La récente réorganisation annoncée du FBI va dans ce sens .Dorénavant, le Bureau ne devrait plus se pencher autant sur les attaques à main armée dans n' importe quelle banque du pays, mais concentrer ses énergies sur une lutte nationale contre le terrorisme .Les autorités locales sont donc placées en première ligne, et ressentent d'ailleurs le coût des nouvelles attentes à leur endroit .En effet, une des conséquences des attentats du 11 septembre a été une forte réduction des services offerts par les Etats, les villes et les comtés, à tel point que certains Etats envisageraient maintenant de supprimer toute aide aux villes, renforçant par là -même le coût de la sécurité pour les gouvernements non étatiques .Le transfert des ressources fédérées vers le poste de la protection anti terroriste a donc été massif .Un article du Los Angeles Time soulignait ainsi que " Les autorités locales n' avaient pas eu une responsabilité de cette envergure en matière de défense depuis l' époque des Indiens et de la Frontière " .Ainsi, lorsque l' Etat fédéral a tenté, à l' automne, d' arrêter près de 5000 personnes pour les interroger, les polices locales ont été les premières concernées .   [Cliv] Dès les attentats, ce sont bien les forces de sécuritésécuritéLa suite des événements a encore renforcé le poids des responsabilités sur les premiers secours ( first responders ), principalement du ressort des autorités locales .

Les autorités fédérales, outre leurs compétences propres , doivent en fait coordonner les différents acteurs subétatiques à l' oeuvre .   [Cliv] C' est là le rôle essentiel du tout nouveau Secrétariat à la Protection du Territoire .Le thème est loin de être neuf : le trafic de drogue ou le crime international avaient déjà suscité ce genre de débat .Les échanges d' agents entre la CIA et le FBI ont été pratiqués depuis des années .Mais la lutte contre le terrorisme devrait entraîner une coordination à un niveau supérieur, par exemple celui des Secrétariats d' Etat .En ce sens, la création du nouveau ministère en juin dernier est une étape essentielle .Elle est complétée par la création, en avril 2002, d' un Commandement militaire spécifique et national ( Northern Command ) par Donald Rumsfeld .Ce nouvel outil est chargé des réactions d'urgence en cas de attaque terroriste, et peut mobiliser à la fois les moyens terrestres, navals, et aériens des forces armées nationales .Il peut aussi, bien entendu, assister les autorités locales le cas échéant .

Ces deux nouvelles structures ne sont pas assimilables à une tentative de centralisation imposée aux autorités subnationales .au contraire, elles reposent toutes deux sur une pleine et entière reconnaissance des compétences des Etats et des gouvernements locaux .Les rapports entre les nouvelles institutions nationales et les autres niveaux de gouvernement se déroulent donc sous le signe de la collaboration intergouvernementale .

Sur la scène politique américaine, la guerre contre le terrorisme ne remet pas fondamentalement en cause les équilibres fédéraux .L' activisme des pouvoirs publics - et aussi de le privé - est certain, mais ne s' effectue pas au détriment de les autorités étatiques et locales .Les problèmes potentiels résident en fait dans le fonctionnement de cette collaboration : le débat en cours autour de la formation du Département de la Sécurité du Territoire en est la meilleure illustration .Un certain nombre d' experts soulignent que ce futur ministère est chargé de trop de fonctions et devrait en fait se concentrer sur des objectifs plus précis .L' inclusion de la Federal Emergency Management Agency ( FEMA ) , par exemple , dans les compétences de ce nouveau Secrétariat obligerait ce dernier à intervenir dans des situations bien éloignées du terrorisme, comme les feux de forêts ou les inondations .

Néanmoins, au-delà de ces dispositions techniques, l' évolution en cours reste tout simplement dans le droit fil d' un fédéralisme dit " politique ", fait de collaboration entre les niveaux de gouvernement, et que la Cour Suprême avait reconnu comme le fonctionnement régulier des institutions dans l' arrêt Garcia ( 1985 ) .Si les mesures actuelles de l' équipe Bush sont certainement en porte-à-faux par rapport à la jurisprudence plus récente de la Cour, elles sont par contre en plein accord avec la pratique politique des républicains au pouvoir .L' équipe Bush Jr, comme les précédentes , n' hésite pas à utiliser les potentialités de l' administration fédérale lorsque cela est rendu nécessaire par les circonstances .Ni Reagan, ni Bush Sr, ni Gingrich n' ont fait exception à cette règle .Bush Jr renoue, sans hésiter, avec cette pratique .



TITRE : Le contrôle de l'imagerie commerciale : après la campagne d'Afghanistan

AUTEUR : LAURENCE NARDON

Introduction

Ce nouveau rapport du Centre français sur les Etats-Unis fait suite à le policy paper sur " Le Contrôle de l' imagerie satellitaire, un dilemme américain ", publié en septembre 2001, puis mis à jour dans une version en anglais en mars 2002 .

L' objectif initial du présent rapport était de présenter les résultats d' une étude menée par le National Security Council ( NSC ) sur le contrôle de la diffusion de l' imagerie commerciale par le gouvernement américain .Lancée au printemps 2001, cette étude devait s' achever en début de année 2002 .

Malheureusement, certaines difficultés structurelles et conjoncturelles sont apparues et cette étude officielle n' a pas encore vu le jour .Le groupe de réflexion chargé de l ' étude était une sous-commission particulière du Policy Coordinating Committee sur l' espace ( PCC-space ) créé par le NSC . Dans les faits, les efforts du NSC en matière spatiale n' ont pas été suffisants .L' autorité au sein des sous-groupes n' était pas clairement attribuée au NSC . Ed Bolton, Director for Space au NSC sous l' autorité de Frank Miller, n' était pas de rang suffisant pour imposer des compromis aux différentes agences réunies dans le PCC-Space .Surtout, les événements du 11 septembre ont axé les priorités du gouvernement sur l' action et non sur la réflexion .

La campagne d' Afghanistan a entraîné des innovations importantes dans les mécanismes de contrôle de la diffusion de l' imagerie .Mais aucune réflexion d' ensemble n' est intervenue et la situation est pour l' instant confuse .des changements de personnel à la Maison Blanche vont entraîner un recadrage dans les mois qui viennent .

Le buy-to-deny, une innovation d' octobre 2001

Le rejet du shutter control pendant l' opération Enduring Freedom

A l' automne 2001, seule la compagnie Space Imaging proposait des images à haute résolution sur le marché commercial .Opérationnel depuis fin 1999, son satellite Ikonos produit des images à un mètre de résolution en mode panchromatique et à 4 mètres de résolution en mode multispectral .

Au moment de entamer l' opération Enduring Freedom en Afghanistan, l' administration Bush a voulu s' assurer que ces images ne pouvaient tomber entre des mains hostiles, susceptibles d' en faire un usage militaire .A ce niveau de détail, les images pouvaient montrer par exemple la mise en place de bases au sol américaines sur le territoire afghan, le déplacement des troupes américaines sur le terrain, le degré de visibilité des infrastructures Talibanes, etc ...Quoique moins facilement avouable car touchant à la censure, il était aussi important pour l' administration de contrôler l' usage de l' imagerie par les médias . Fin septembre 2001, Space Imaging était déjà en pourparler avec CNN pour vendre à la chaîne d' information télévisée des images des opérations .Le gouvernement ne pouvait courir le risque de voir sa politique commentée ou contestée avec des images, dont la charge émotionnelle est souvent importante .

Depuis l' adoption de la directive PPD - 23 en 1994, l' administration disposait d' un mécanisme pour interdire la diffusion d' imagerie commerciale par les entreprises privées, en cas de crise .Selon la directive, " le secrétaire au commerce peut décider de limiter les opérations d' un satellite commercial, soit lorsque le secrétaire à la défense estime que la sécurité nationale est en jeu, soit lorsque le secrétaire d' Etat estime que des obligations internationales et / ou des politiques étrangères pourraient être compromises " .

L' opérateur du satellite doit alors limiter la prise de vue au-dessus de le territoire concerné ou restreindre la distribution des images .Qui plus est, les communications entre le satellite et ses stations de réception doivent rester accessibles au gouvernement .

Cette procédure dite de shutter control faisait l' objet de critiques de la part de les médias .Notamment, la formulation des conditions dans lesquelles le shutter control pouvait être déclenché était beaucoup trop floue .   [Il..._SN] Selon la jurisprudence relative au Premier amendement à la Constitution, qui garantit la liberté de la presse, il faut " un danger clair et présent " ou " une menace sérieuse et imminente pour la sécurité nationale " pour justifier une quelconque censure .Depuis 1994, des associations de journalistes avaient signalé leur intention d' intenter un procès au gouvernement dès la première utilisation du shutter control, pour en obtenir la reformulation .

Les producteurs d' imagerie spatiale déploraient aussi le choix du mécanisme de shutter control .En cas de application, les entreprises étrangères resteraient libres de vendre leurs images des zones en crise et opéreraient sur un marché d' où la concurrence américaine aurait disparu .

Pour éviter toute complication, le gouvernement a donc adopté une autre solution pour empêcher la diffusion de l' imagerie commerciale .Un accord commercial a été conclu entre la compagnie Space Imaging et l' agence de renseignement responsable de l' imagerie ( la National Imagery and Mapping Agency, NIMA ), accordant à cette dernière une exclusivité sur les images prises de l' Afghanistan .

Rendu public le 18 octobre, l' accord a été signé le 5 octobre pour une durée de un mois .Pour 1,9 millions de dollars, Space Imaging s' engage à ne plus vendre d' images de ' Afghanistan et de la région ( Pakistan, Ouzbékistan ) à d'autres clients que la NIMA . Chaque kilomètre carré imagé est facturé 20 dollars et les commandes ne peuvent porter sur moins de 10.000 km à la fois .L' accord a été renouvelé le 5 novembre pour un second mois .

Après le 5 décembre, l' accord n' a pas été renouvelé .La NIMA, redevenue un client comme les autres , a poursuivi ses commandes sans clause d' exclusivité .

Pour le gouvernement, l' accord de buy-to-deny présentait un certain nombre d' avantages par rapport à le shutter control .Tout d'abord, l' entreprise d' imagerie concernée ne pouvait plus se plaindre d' un manque à gagner, comme dans le cas de un shutter control interdisant la production .au contraire, elle a obtenu en deux mois une somme que l' on peut estimer à 13.2 millions de dollars .

L' association Reporter Sans Frontières et l' association américaine Radio-Television News Directors Association ( RTNDA ) sont plaintes pour leur part de la mesure adoptée .Dans des lettres adressées à Donald Rumsfeld, et aux responsables de la NIMA, elles ont comparé le buy-to-deny à de la censure .Elles n' ont toutefois pas intenté de procès, probablement parce que leurs chances de l' emporter étaient très minces dans le contexte de l' opération Enduring Freedom .

D' un point de vue pratique, l' accord de buy-to-deny était aussi plus facile à mettre en place que le shutter control .Ce dernier implique au moins deux secrétaires : le Secrétaire au commerce prend la décision sur la demande du Secrétaire à la défense ou du Secrétaire d' Etat .   [Cliv_SN] C' est une décision politique qui implique la responsabilité du gouvernement .La décision du buy-to-deny est en revanche une décision commerciale et les négociations ont été discrètement menées par la NIMA .

Enfin, le gouvernement a souligné la grande utilité des images Ikonos pour les forces armées et les agences de renseignement américaines .Celles -ci peuvent les utiliser pour établir la cartographie du territoire, dans le cadre de missions opérationnelles, ainsi que pour communiquer plus facilement avec les forces alliées .Les images commerciales ne sont pas classifiées et peuvent être utilisées sans problème lors de briefings interalliés .

La NIMA résiste à la diffusion de l' imagerie

Ce que la presse a rapidement appelé l' accord de buy-to-deny ( " acheter pour empêcher l' utilisation " ), la NIMA l' appelle pour sa part l' accord de assured access, c' est-à-dire " d' accès assuré " .

L' accord initial semblait inclure une clause d' exclusivité à perpétuité sur les images achetées .   [Il..._SN] Il semble néanmoins que les imagesimageClients et chercheurs peuvent désormais consulter la liste des images commandées par la NIMA à l' automne dernier .Steven Livingstone , professeur à la School of Media and Public Affairs de l' Université George Washington a analysé les images commandées par la NIMA pendant les deux mois couverts par l' accord .

Du 5 octobre au 5 décembre, un total de 470 000 km carrés d' imagerie a été acheté par la NIMA . Il s' avère que les images de l' Afghanistan achetées par la NIMA correspondent bien aux zones de front sur le territoire .Semaine après semaine, elles suivent les mêmes évolutions géographiques que les opérations armées .

  [Il..._SN] Selon les conclusions de l' étude, il est possible que la NIMA ait utilisé les images IkonosimageL' administration ne disposait pas de cartes de tout le territoire afghan et il fallait rapidement pallier ce manque .La situation était la même en 1990, lors de les préparatifs de l' opération Desert Storm .Le Pentagone avait alors acheté des images Spot pour établir des cartes du sud de ' Irak .La NIMA a accompli cette mission en interne .Lors de sa création en 1996, elle a l accueilli les quelques 7000 employés de la Defense Mapping Agency ( DMA ) et l'une de ses missions est la cartographie .

Mais l' utilisation de ces images par les forces armées pour des missions opérationnelles semble avoir été plus difficile .La presse s' est fait l' écho de difficultés dans l' exploitation effective des images et notamment dans leur transmission aux forces sur le terrain .

Conformément à l' accord conclu avec la NIMA, les images de la zone en guerre prises par le satellite Ikonos ne pouvaient être transmises à la station de réception installée par Space Imaging dans les Emirats Arabes Unis ( à Abou Dhabi ) .Elles devaient être reçues et traitées dans les installations de la compagnie sur le territoire américain .Elles étaient donc reçues dans le Colorado ( Denver ) et en Alaska ( Fairbanks ) .Elles étaient ensuite envoyées par e-mail et par courrier spécial à la base aérienne de Bolling, à Washington, DC . Elles y étaient archivées par la NIMA, sans doute après leur exploitation pour la cartographie .

Dans un premier temps, le personnel de l' Air Force désireux d' utiliser les images Space Imaging devait se rendre sur la base de Bolling, copier les images sur des CD ou des disques durs d' ordinateurs portables, puis envoyer ces données par avion en Arabie Saoudite, où elles étaient réceptionnées sur la base de l' U.S . Air Force Prince Sultan .Elles pouvaient alors être distribuées aux soldats de l' Air Force dans une quinzaine de sites du théâtre d' opération .

Les livraisons de Bolling vers la base Prince Sultan étaient effectuées une fois par semaine au début de le conflit .   [Cliv_SP] C' est à ce moment -là qu' elles ont acquis le surnom de Pony Express, du nom des courriers reçus par les pionniers du far West, au XIXème siècle .Elles ont ensuite été envoyées plus facilement par satellite, notamment grâce à le Global Broadcast Service .

  [Il..._SN] Il semble probable que la NIMA a eu des difficultés à distribuer ce type de renseignement .   [Present] Il n' y avait pas de procédure en place pour organiser la distribution ; les agents, qui manquent encore d'habitude face à ces produits différents, entretiennent une certaine méfiance envers une source d' approvisionnement qu' ils ne contrôlent pas totalement .

Au-delà de ces difficultés, certains responsables de l' Air Force et de Space Imaging ont évoqué à mots couverts la mauvaise volonté de la NIMA . L' agence de renseignement est avant tout soucieuse de maintenir des programmes d' observation " nationaux " importants dans les décennies à venir .Or, plus les besoins servis par les entreprises commerciales seront importants, plus les futurs programmes de satellites du NRO pourront être réduits .La NIMA a donc intérêt à restreindre l' accès des forces armées à ' imagerie commerciale, afin que elles ne prennent pas l' habitude d' utiliser ces nouveaux l produits .Elle veut éviter que les crédits destinés à l' acquisition de systèmes militaires soient consacrés à l'achat de produits commerciaux .

Le rapport Rumsfeld de janvier 2001 évalue à 50 % les besoins en renseignement de la NIMA qui pourraient être couverts par de l' imagerie à 50 cm de résolution .Le satellite QuickBird de l' entreprise DigitalGlobe , opérationnel à le printemps 2002 , annonce une résolution de 61 cm en mode panchromatique .La firme Space Imaging a reçu en décembre 2000 une licence pour construire son prochain satellite avec une résolution de 50 cm .L' offre croissante d' imagerie à haute résolution forcera sans doute la NIMA à s' adapter .

Les agences fédérales civiles, utilisatrices concurrentes

Au-delà de la communauté du renseignement et des forces armées américaines, les agences fédérales civiles font également usage d' imagerie spatiale pour mener à bien leur mission .Dans le cadre de une étude réalisée en 2001 pour le Sénat, le Congressional Research Service a tenté d' évaluer l' ampleur de leur recours à l' imagerie .

Sur un total de 19 agences ou ministères interrogés, quinze de données issues de l' observation de la Terre , avec un usage très important pour onze d' entre elles . quinze font usage de données issues de l' observation de la Terre, avec un usage très important pour onze d' entre elles .   [SujetInv] Parmi les sources d' approvisionnement citées figurent les systèmes gouvernementaux civils ( Nasa, NOAA, USGS ), les systèmes commerciaux américains ( Space Imaging, OrbView ), et les systèmes étrangers institutionnels et commerciaux ( Spot, IRS, ERS, Radarsat ) .Les systèmes militaires américains sont plus rarement utilisés, pour des raisons de classification .Les agences fédérales civiles sont des utilisatrices potentiellement importantes de l' imagerie commerciale .

Les budgets qu' elles consacrent à l'achat d' imagerie commerciale sont difficiles à appréhender .Pour certaines agences comme USAID, ou le Département d' Etat, les budgets n' ont pu être reconstitués, car les fonds sont éparpillés entre les différents utilisateurs et les types de dépense ( software, personnel, images ) .D'autres agences, comme le Département de l' énergie , ont un accès gratuit aux images de la Nasa et de la NOAA . Ces deux dernières agences présentent à l' inverse des budgets surdimensionnés, qui recouvrent la maintenance des systèmes de données, des infrastructures et des stations-sol et certaines missions opérationnelles .

Certains autres budgets semblent plus prometteurs : le Département de l' agriculture, par exemple, a dépensé 38.3 millions en imagerie en 2000 et le Département des transports ( incluant les Coast Guard ) en a acheté pour 8 millions en 2001 .Mais d'autres chiffres sont trompeurs .Au sein du Département de la justice, l' Immigration and Naturalisation Service ( INS ) a acquis pour 35 millions de dollars d' imagerie en 2001 et a requis 55 millions pour 2002, mais il semble que ces sommes soient consacrées à l'achat d' imagerie aérienne ( voir détail page suivante ) .

Le total des budgets consacrés par les agences civiles à l'achat d' imagerie spatiale commerciale semble donc peu élevé pour l' instant .Le rapport du Sénat mentionne quelques moyens d' augmenter le recours à ce type de produit dans l' avenir .Il recommande par exemple la mise en place de centres de commande d' imagerie uniques au sein de chaque l' administration, afin de obtenir des prix et des services meilleurs de la part de les fournisseurs ; des investissements communs dans le software et dans la formation à l' interprétation des images ; la possibilité d' acquérir une licence d' exploitation des images valable pour l' administration entière, afin que les agences fédérales puissent se communiquer les images entre elles .

Plus l' usage de l' imagerie commerciale se répandra dans l' administration, plus il sera difficile pour la NIMA et le NRO de justifier la non utilisation de ces données .

Le buy-to-deny n' est pas une solution de long terme

L' accord d' octobre 2001 est une innovation judicieuse .   [Il...] Il n' est pas sûr qu' il pourra être renouvelé dans le futur .Le nombre de fournisseurs américains et étrangers d' imagerie doit s' accroître dans les prochaines années .La NIMA ne peut adopter comme mécanisme de sécurité l' achat toutes les images dangereuses .

Pendant la campagne d' Afghanistan, seul le satellite Ikonos 2 produisait des images à haute résolution, avec des images optiques à 1 mètre et des images multispectrales à 4 mètres .Lors de une prochaine crise internationale, la NIMA pourrait avoir à acheter la production du satellite QuickBird 2 de DigitalGlobe, ( opérationnel au printemps 2002, résolutions de 61 cm en mode panchromatique et 2,44 mètres en mode multispectral ), du satellite OrbView 3 d' Orbimage ( lancement prévu en 2003, résolutions de un mètre en mode panchromatique et 4 mètres en mode multispectral ) et d' Ikonos 3 ( lancement prévu en 2004, 50 cm de résolution en mode panchromatique ) .L' achat de toutes les images produites serait sans doute coûteux et aléatoire .

  [Il...] Quant à les entreprises étrangères, quel que soient leur nombre et la résolution de leurs images, il est peu probable qu' elles acceptent les propositions d' achat exclusif d' une agence de renseignement américaine comme la NIMA .

Le buy-to-deny a été une solution de court terme .   [Il..._SP] De l' aveu des responsables de ' actuelle administration, il n' est pas non plus pensable de revenir au shutter control .L' administration doit donc maintenant s' attacher à trouver un nouveau mécanisme de contrôle .

Vers la formulation d' une nouvelle politique ?

des cadres plus motivés à la Maison Blanche

Les premiers mois de l' administration Bush ont vu un désengagement de la Maison Blanche sur les questions spatiales, attribuées au Pentagone .Le National Security Council ( NSC ) a nommé une seule personne en charge de ces questions .Edward Bolton , lieutenant-général de l' armée de l' Air , résumait sa mission en soulignant que l' espace n' était pas la priorité du gouvernement Bush, que ce soit avant ou après le 11 septembre .Les groupes de travail dépendants de le PCC-Space n' ont pas été très dynamiques .Certains n' ont pas été réunis une seule fois .

En avril 2002, Gil Klinger a remplacé Ed Bolton au poste de Director for Space .Gil Klinger est un responsable de niveau plus élevé .Il a été Deputy Under Secretary of Defense for Space lors de la création de cette fonction en 1994 .Ce poste a été supprimé en 1998 et remplacé par un Assistant Secretary of Defense for Space ( qui chapeaute un " Directorat pour l' espace " ) .Gil Klinger a alors été nommé Director for Policy au National Reconnaissance Office, poste qu' il a conservé jusqu' en 2002 .

Gil Klinger est doté d' une forte personnalité .Il a été appelé à la Maison Blanche par le Senior Director for Defense and Arms Control Frank Miller, pour reprendre en main le dossier espace .   [SujetInv] Parmi les thèmes dont il doit s' occuper en premier figurent le contrôle de l' imagerie, mais aussi le marché des lanceurs, le contrôle des exportations et le dialogue avec les pays étrangers .

Il compte réaffirmer l' autorité de la Maison Blanche face à les autres entités administratives .L' OSTP, la NOAA , le bureau de les exportations ( BXA ) et les autres agences qui participent à les groupes de travail de le PCC-Space devront sans doute à nouveau accepter l' autorité du NSC . Sous la conduite plus énergique de Gil Klinger, les groupes de réflexion pourront s' attaquer au problème des risques liés à la diffusion d' imagerie commerciale à haute résolution .

Les solutions envisagées par l' administration

Autoriser la distribution de l' imagerie à un mètre de résolution sur le marché est un risque que l' administration a pris consciemment en 1994 .Les concurrents étrangers semblaient se diriger de toute manière vers la production de ce type d' imagerie et les Etats-Unis souhaitaient prendre les devants .   [Il..._SN] Il faut maintenant gérer les risques associés à ' ouverture de cette " boîte de Pandore " .

Kevin O'Connell , senior analyst sur les questions d' imagerie spatiale à la Rand Corporation , a une opinion tranchée sur la question .   [Il..._SP] Selon lui, il est inutile de s' acharner à contrôler la diffusion de l' imagerie commercialeimagerieTout l en précisant qu' il faut conserver les possibilités juridiques de restrictions, Kevin O'Connell propose de faire porter les efforts sur la sécurisation en aval .

La Maison Blanche rejoint Kevin O'Connell dans l' idée que le contrôle par l' administration américaine ne restera plus étanche très longtemps .Elle souhaite concentrer ses efforts sur la réponse à apporter aux situations où l' ennemi dispose d' imagerie métrique .Elle n' abandonne pas totalement l' idée du contrôle, mais le situe dans une perspective en amont plus globale .

A un stade très peu abouti de la réflexion des responsables, quelques éléments concrets sont mentionnés pour une nouvelle approche du problème .

Préparer la réponse en cas de diffusion d' imagerie métrique

Acceptant l' idée que l' ennemi ou la presse disposeront d' imagerie à haute résolution lors de futures opérations, le gouvernement doit mettre au point de les réponses appropriées .

Les campagnes militaires

Pour préparer la défense des troupes lors de opérations extérieures, le Département de la Défense devra organiser des exercices militaires spécifiques .des scénarios dans lesquels l' ennemi disposera , lui aussi , d' imagerie à un mètre de résolution , montreront à quels dangers supplémentaires les troupes sont exposées et quelles solutions peuvent être apportées .

L' idée de prendre de vitesse les forces ennemies dans l' obtention et l' exploitation de l' imagerie figurera sans aucun doute dans les enseignements tirés de ces exercices .L' imagerie doit parvenir plus vite aux forces américaines qu' aux forces ennemies .Elle doit aussi être mieux interprétée .   [Il..._SN] Lors de une opération de type Enduring Freedom, il faudrait par exemple que le satellite IkonossatelliteLe délai total ne devrait pas excéder 24 heures .

  [Il..._SN] Il est probable que les forces ennemies ne pourraient obtenir l' imagerie aussi rapidement et ne sauraient pas l' exploiter aussi bien .La diffusion d' imagerie auprès de elles serait moins dangereuse dans ces conditions .

La sécurité du territoire

L' Office of Homeland Security, à la Maison Blanche doit coordonner la réflexion en ce qui concerne la sécurité intérieure .La préparation consistera à voir quelle information opérationnelle l' imagerie métrique peut apporter pour préparer une action hostile sur le territoire américain .   [Il..._SN] Il faudra par exemple recenser les cibles potentielles aux Etats-Unis : aéroports, centrales nucléaires, bases militaires, réservoirs d' eau potable ...Leur sécurisation passe par le camouflage et / ou le renforcement des structures, la révision des droits d' accès aux installations, la restriction des droits de survol et une mise en alerte des forces aériennes .

Les médias et les ONG

L' accès des médias à les images est un autre problème .La presse ou les ONG vérificatrices ( comme par exemple GlobalSecurity.com , dirigée par John Pike ) peuvent questionner la politique du gouvernement sur la base de images accusatrices .La prévention de ce risque très spécifique est délicate .Le gouvernement américain peut soit engager un dialogue avec les médias américains, soit exercer un droit de censure et de saisie .Mais cette seconde défense est illusoire .La transmission de l' information est devenue aujourd'hui trop rapide pour que les autorités fédérales puissent agir à temps ; l' internet et les médias étrangers restent quant à eux difficilement contrôlables .

Pour l' instant, le manque de fournisseurs d' imagerie métrique et la loyauté des médias américains fournissent un garde-fou .   [Present] Mais il n' y a pas de solution claire au problème qui risque de se poser dans l' avenir .

Un contrôle plus en amont

L' administration doit étudier une nouvelle méthode de contrôle de la diffusion de l' imagerie .Celle -ci ne passera plus par l' interdiction de produire ou l' acquisition de droits d' exclusivité .Il lui faut sans doute exercer une influence très en amont sur la production .

Repenser les fondements de la relation entre l' état fédéral et les entreprises d' imagerie commerciale

Les entreprises survivent à l'heure actuelle grâce à les achats institutionnels .Mais ceux -ci trop limités pour permettre aux entreprises de décoller .Compte-tenu de les besoins en imagerie qui peuvent être couverts par ces entreprises et leurs systèmes , le gouvernement semble envisager d' accroître sensiblement le volume de ses achats, afin de mener ces entreprises à une sorte de prospérité .

La direction de la NIMA a mentionné une nouvelle Commercial Imagery Strategy ( dite CIS 2001 ), qui remplacerait la CIS de 1998 .Elle mettrait en place une " nouvelle alliance stratégique " fondée sur plusieurs éléments : la planification à l'avance des achats d' imagerie commerciale par la NIMA, pour permettre aux entreprises d' investir dans leurs systèmes futurs ; le transfert d' exigences de plus en plus raffinées, notamment le traitement de l' information, vers le secteur privé .Le NRO serait soulagé d' une partie de ses missions en résolution métrique et basse .

  [Il..._SP] Il faut pour cela que la NIMA obtienne des fonds très importants du Congrès .L' application des CIS précédentes a montré que les parlementaires américains ne votaient toujours les budgets demandés pour l' achat d' imagerie commerciale par les agences de renseignement .   [Il..._SN] Pour que la nouvelle architecture fonctionne, il faut aussi que le personnel de la NIMA accepte d' utiliser et de diffuser effectivement l' imagerie commerciale auprès de l' ensemble des forces .L' expérience de l' opération Enduring Freedom a montré que certains officiers de renseignement préfèrent conserver les financements pour leurs propres systèmes et résistent à l' évolution en cours .

A terme, l' application de la CIS 2001 signifierait que les entreprises d' imagerie commerciale américaines seraient très fortement intégrées dans l' architecture de renseignement fédérale .Il leur deviendrait difficile de désobéir aux souhaits du gouvernement en cas de crise .Le gouvernement bénéficierait d' un droit d' exclusivité implicite .

il il parvient à se mettre en place, un tel système serait l' objet de critiques : l' exclusivité gouvernementale irait à l'encontre des principes de l' ONU de 1986, selon lesquels un pays observé par un système commercial doit pouvoir acheter les images en question .   [Cliv] Ce serait aussi la fin durable des efforts des entreprisesentrepriseLes entreprises américaines n' auraient plus de commercial que le nom et constitueraient en réalité un système para-public .

Un dialogue avec les pays étrangers producteurs d' imagerie

Le Département d' Etat aura la responsabilité d' entamer des discussions avec les pays qui possèdent des systèmes commerciaux .Selon la Maison Blanche, l' harmonisation des méthodes de contrôle semble un objectif très ambitieux à ce stade : la plupart des pays producteurs n' ont pas encore de système de contrôle particulier .

Les images vendues par les entreprises non américaines restent de résolution plus grossière et présentent pour l' instant moins de danger en termes de sécurité .Lors de la campagne d' Afghanistan, par exemple, Spot Image a reçu peu de commandes de la presse, car les images disponibles ( Spot 1, 2 et 4, résolution de 10 mètres en mode panchromatique ) n' étaient finalement pas assez parlantes pour le public .

  [Cliv_SP] C' est pour cette raison que l' entreprise française se contente actuellement de respecter les décisions de l' ONU .résolutionEn accord avec ces résolutions, Spot Image garantit l' accès des pays observés aux photographies prises, dans des délais et pour un prix raisonnable .Le gouvernement français n' a pas adopté pour l' instant de mécanisme de contrôle plus strict .

Mais les satellites commerciaux non américains progressent eux aussi vers des résolutions plus fines, aux alentours de deux mètres .Le satellite israélien Eros s' approche de la résolution métrique avec une résolution de 1,8 mètres .Spot 5 , qui vient d' être lancé , présente une résolution de 2,5 mètres .Rocsat pour la Corée et Alos pour le Japon , dont les lancements sont prévus pour 2003 et 2004 respectivement , auront tous les deux une résolution proche de 2 mètres en mode panchromatique .La compagnie russe SovinformSpoutnik semble posséder actuellement un système opérationnel d' une résolution de 2 mètres .L' Inde prévoit le lancement du satellite de cartographie IRS-P5 pour 2002-2003 .L' intérêt de l' imagerie à deux mètres reste plus limitée pour des utilisateurs hostiles ou pour les médias .

Si son système de satellites à résolution métrique Pléiades est déployé dans la seconde partie de la décennie, Spot Image proposera alors des images potentiellement plus dangereuses .Les débats interministériels déjà entamés en France devront alors aboutir à l' adoption d' une politique de contrôle plus stricte .

La coordination de ces futurs mécanismes de contrôle avec ceux qui existeront à les Etats-Unis reste à inventer .Dans les situations de crise internationale post-guerre froide, la France, de même que la Russie et Israël , sont le plus souvent dans le même camp que les Etats-Unis .Un dialogue informatif et préparatoire doit être dès à présent entamé .Le Département d' Etat fera connaître ses positions et ses vulnérabilités, puis appréhendera la manière dont les administrations étrangères envisagent d' éventuels contrôles .

Une partie de ce dialogue portera sur la réforme possible des procédures de contrôle des exportations de matériel sensible américain .Les restrictions ne doivent plus être simplement fondées sur la résolution des images, mais pourraient prendre en compte les alliés destinataires des exportations et la nature des technologies considérées .

  [Il..._SN] Il devrait être possible de négocier une harmonisation des attitudes des pays alliés en cas de crise .Ceci ne sera pas forcément vrai pour des pays comme la Chine ou l' Inde .Le contrôle des systèmes commerciaux étrangers doit donc aussi pouvoir reposer, en fin de compte, et selon la gravité du danger ressenti par les Etats-Unis, sur des systèmes militaires .

En conclusion, l' évolution qui se dessine semble constituer une certaine reformulation du concept d' information dominance .Ce concept élaboré dans les années 1990 a été largement adopté par le Pentagone sous l' administration Clinton .Il prévoit la maîtrise de l' information, notamment spatiale et commerciale, dans un but de domination militaire :

Information dominance may be defined as superiority in the generation, manipulation, and use of information sufficient to afford its possessors military dominance . "

Un élément important de l' information dominance est la possibilité d' entraver l' accès de l' ennemi à l' information .

au lendemain de l' opération Enduring Freedom, l' administration Bush repense son approche .Elle doit accepter la possible diffusion de l' imagerie spatiale .Les solutions explorées passent par un dialogue très en amont avec les producteurs américains et étrangers, une utilisation de l' imagerie meilleure et plus rapide que l' ennemi pendant les crises, la préparation dès à présent des ripostes à la diffusion de l' imagerie .



TITRE : L'administration Bush et l'espace : Militarisation, gestion et coopération

AUTEUR : LAURENCE NARDON

Introduction : l' espace de Bush est militaire

Avec l' arrivée au pouvoir de l' administration Bush, l' espace change de nature .La précédente administration avait privilégié une approche industrielle des questions spatiales .Au sein de la Maison blanche, le National Economic Council avait produit un certain nombre de directives facilitant les avancées commerciales des entreprises américaines ( observation, navigation, lanceurs ) .

L' espace de Bush est au contraire un dossier militaire .Donald Rumsfeld a des projets ambitieux en la matière, qui impliquent une réorganisation de l' Air Force, ainsi que des programmes militaires plus avancés .

Les secteurs spatiaux civils et industriels risquent de souffrir de cette évolution .La Nasa entre dans une période de remise en question . Son nouvel administrateur reçoit l' appui de la Maison Blanche pour remettre de l' ordre dans le mode de financement de ses programmes .Les industriels, pour leur part , n' obtiendront sans doute pas un assouplissement de la procédure d' exportation des satellites de télécommunication .

Les premiers mois de l' administration Bush avaient vu un désengagement de la Maison Blanche sur le dossier spatial, délégué au secrétaire à la défense .Mais cette attitude est en train de se modifier, avec un changement du personnel chargé de ces questions au sein de le NSC et de l' OSTP .

  [Il..._SN] Alors que l' Europe progresse dans le domaine spatial, avec l' accroissement des compétences de l' Union ou le lancement du programme Galileo, il est particulièrement important de suivre les évolutions de la politique spatiale américaine .Celles -ci ont un impact direct sur l' effort spatial européen :

PRIORITE AU SPATIAL MILITAIRE

Après le rapport Rumsfeld, les réorganisations en cours

Les affaires spatiales à les Etats-Unis sont affectées par une réorganisation institutionnelle, qui trouve son origine dans les propositions d' une récente Commission parlementaire .L' actuel secrétaire à la défense Donald Rumsfeld a présidé, pendant les derniers mois de l' Administration Clinton, une commission indépendante chargée par le Congrès d' évaluer l' efficacité des structures de gestion des questions relatives à l' espace militaire ( Commission to Assess United States National Security Space Management and Organisation ) .

Le rapport final de cette Commission , publié en janvier 2001 , proposait le développement de capacités de défense active des moyens spatiaux ( armes anti satellites ), ainsi que des modifications institutionnelles assez radicales visant à donner une plus grande importance au domaine spatial .Le secrétaire à la défense s' est efforcé de mettre en oeuvre les propositions de sa Commission .

Les remaniements proposés affectaient la présidence, le Pentagone et l' Armée de l' Air .Certains ont été adoptés ou sont en cours de adoption ; d'autres ne sont pas repris .

Les spaceniks du Pentagone

En ce qui concerne le Département de la Défense, les grands axes du rapport Rumsfeld visant à développer l' espace militaire sont adoptés .Seules quelques modalités diffèrent de celles qui étaient précisément édictées dans le texte de janvier 2001 .

Donald Rumsfeld a obtenu la confirmation d' un certain nombre de personnes dotées d' une grande expérience des questions spatiales au plus haut niveau de son ministère ( au sein de l' Office of the Secretary of Defense - OSD ), de l' état-major interarmées et de l' Air Force .Cela confirme son intention de renforcer l' importance de l' espace dans les affaires militaires .

Compte tenu de la présence de nombreux spaceniks ( " fous de l' espace " ) dans ces postes hauts placés, l'une des recommandations du rapport Rumsfeld est devenue inutile : le poste d' Assistant Secretary for C3, devait être transformé en Under Secretary for Space Intelligence and Information .Un Under Secretary est hiérarchiquement supérieur à un Assistant Secretary .Ce nouvel Under Secretary aurait disposé de plus de moyens, de personnel et d' autorité pour traiter des questions de sa compétence .   [Il..._SN] Dans la situation actuelle, il a semblé inutile de bouleverser l' organigramme, puisque Pete Aldridge ou Steve Cambone suivent de très près ces questions .

Un intérêt plus affirmé pour les questions spatiales au sein de le Département de la Défense pourrait avoir un impact sur celles -ci, au-delà de leurs aspects militaires .Le Pentagone a un avis à rendre sur les relations commerciales des Etats-Unis lorsqu' elles portent sur des matériels militaires ou à usage dual .Depuis le milieu des années 1990, les responsables militaires se déclarent dans l' ensemble favorables à un assouplissement des contrôles d' exportations .Ils pourraient soutenir plus activement les demandes de licences d' exportation de matériel spatial déposées par les industriels auprès de le Département du Commerce ou du Département d' Etat .

Un nouveau rôle pour l' Air Force

L' armée de l' Air revendique depuis les années soixante un rôle prépondérant en matière spatiale .Elle juge que la contiguïté de l' espace aérien et de l' espace extra-atmosphérique fait naturellement des programmes spatiaux - et des importants budgets qui y sont attachés -, une de ses prérogatives .L' armée de terre et la Navy ont évidemment des vues opposées .Or, les propositions que Donald Rumsfeld veut voir appliquées donneront un avantage définitif à l' Air Force .

Le secrétaire à la défense a annoncé des changements à l' automne 2001 .Dans un mémorandum adressé aux responsables du Département et des services armés, ainsi que au directeur de la CIA, il annonce une nouvelle répartition des rôles en matière spatiale parmi les différentes armes .Pete Aldridge ( Under Secretary for Acquisition ) et David Chu ( Under Secretary for Personnel and Readiness ) doivent mettre en route cette réorganisation, qui reprend les grandes lignes du rapport de la commission Rumsfeld .

L' Air Force doit devenir l' agent exécutif pour l' espace au sein de le Département de la Défense .James Roche , le secrétaire de l' Air Force , sera responsable de la planification, de la programmation et de l' acquisition des systèmes spatiaux militaires .L' Under Secretary of the Air Force Peter Teets devient responsable des acquisitions spatiales de l' Air Force et autorité de référence pour les acquisitions spatiales de tout le Pentagone .Sa fonction est jointe à celle de directeur du National Reconnaissance Office ( NRO ) .Le NRO acquiert et opère les satellites d' observation militaires .Les demandes programmatiques du NRO seront donc relayées au plus haut niveau de l' Air Force par l' Under Secretary Peter Teets .

Cette évolution va sûrement faire naître des controverses, car elle fait apparaître une deuxième voie pour l' acquisition des matériels .L' Under Secretary for Acquisition Aldridge sera responsable des grands programmes du Département ( navires, avions, nucléaire, ... ), mais tous les programmes de satellites ou de lanceur seront du ressort du secrétaire de l' Air Force .L' Air Force pourra faire approuver par son secrétaire ses propres requêtes programmatiques spatiales .   [On...] On peut se demander si ce systèmesystème

Par ailleurs, la nomination d' un général de niveau quatre étoiles à la tête de le U.S. Air Force Space Command est adoptée .Ce général ne sera plus chargé en même temps de la direction du NORAD et du U.S. Space Command .Cette décision suit les recommandations du précédent titulaire de ce poste, le général Eberhart, qui avait déclaré avoir du mal à assurer les trois fonctions en même temps .

Le général Lord est à ce poste en avril 2002 .Ce général de niveau 4 étoiles a eu la responsabilité du pas de tir militaire de Vandenberg ( Californie ) de 1993 à 1995, mais son expérience des questions spatiales reste à part cela limitée .   [Present] Il n' y a pas longtemps que l' Air ForceairCes " space cadets " n' ont pas encore atteint le rang de général à 3 ou 4 étoiles .   [Il..._SN] Il a donc été difficile de trouver un général de niveau 4 étoiles pour remplir le poste de U.S. Air Force Commander .

L' Air Force est satisfaite de ces évolutions, qui consacrent sa prééminence en matière spatiale .Mais elle se trouve désormais dans une position délicate .Elle s' oppose bien sûr à toute évolution vers la création d' un corps spatial autonome .La formation d' une cinquième arme dédiée à l' espace affaiblirait considérablement l' Air Force .Elle devra donner aux programmes spatiaux militaires toute la place que Rumsfeld souhaite leur voir prendre, sans toutefois qu' ils acquièrent une importance telle que l' idée d' un space corps indépendant s' impose .

Le secrétaire à l' Air Force James Roche a fait carrière dans la Navy avant de devenir staffer au Sénat ( au Armed Services Committee ), puis de travailler chez Northrop Grumman .Le poste de secrétaire d' une arme est un poste civil .   [Il..._SN] Il n' est pas rare qu' un civil ou un militaire d' une autre arme y soit nommé .Il reste à voir comment cet ancien marin appliquera les directives de Donald Rumsfeld au profit de l' Air Force .

Changement d' attitude de la Maison Blanche

Le rapport Rumsfeld proposait que la Maison Blanche donne une plus grande priorité aux questions spatiales .Cette direction n' a pas été adoptée au départ, mais la situation évolue au printemps 2002 .

Les décisions impliquant directement le président ne sont pas retenues

La commission Rumsfeld proposait que l' espace soit élevé au rang de " priorité nationale " par le président .Ceci n' a pas été fait .

De même, le projet de création d' un Presidential Space Advisory Group n' est pas repris .Ce groupe de conseillers de très haut vol aurait compté des membres de la communauté scientifique civile, des chefs d' entreprises aéronautiques et spatiales, et des conseillers militaires .Il se serait réuni à la demande du président pour se prononcer sur les politiques spatiales aussi bien civiles que militaires, commerciales que scientifiques .Ce groupe n' aurait pas fait partie du gouvernement, à proprement parler .En cela, il différait du National Space Council, qui a existé de 1958 à 1973, puis de 1988 à 1993 .Ce conseil, qui était placé à le même niveau de l' exécutif , avait une existence plus formelle et un large pouvoir de décision .

Le président a jugé que ces évolutions n' étaient pas indispensables .Les questions spatiales, qu' elles soient civiles , militaires ou économiques , ne sont pas une priorité au plus haut niveau de l' exécutif .

Le NSC modifie son attitude

Selon les conclusions de la Commission Rumsfeld, une cellule spatiale plus importante devait être rassemblée au sein de le National Security Council .Mais l' ancien système, dans lequel une seule personne , placée sous l' autorité de le Senior Director for Defense Policy and Arms Control , s' occupe de l' espace au sein de le NSC , a prévalu .

des groupes de travail interministériels , dits Policy Coordinating Committees ( PCC ) , sont organisés sous l'égide de le NSC . Un PCC sur l' espace a commencé à se réunir au printemps 2001 .Il a initié une cellule de réflexion sur le contrôle de l' imagerie spatiale commerciale par le gouvernement, une deuxième sur la question de l' attribution des fréquences radio, et une troisième sur l' avenir du transport spatial .

Mais ces groupes semblent pour l' instant peu actifs .L' autorité au sein de chaque cellule de réflexion a été déléguée à des agences extérieures : Nasa, NIMA, etc .Ceci n' est pas très efficace lorsqu' il s' agit d' amener des agences gouvernementales aux intérêts structurellement contradictoires à atteindre un compromis .Selon Jefferson Hofgard ( Boeing ), attribuer systématiquement l' autorité à le NSC est le seul moyen de forcer l' ensemble des participants à se mettre d' accord .

  [Il..._SP] Il semble que au printemps 2002, la décision de modifier la situation ait été prise .Le Director for Space , Ed Bolton , peu dynamique et de rang modeste ( lieutenant colonel ) vient d' être remplacé par Gill Klinger .Ce dernier, déjà en poste à le Pentagone sous Clinton , est plus senior .Il est connu pour sa force de caractère et tiendra sans doute à reprendre l' autorité sur les sous-groups du PCC-espace .

  [On..._SN] Pour les autres cellules de la Maison Blanche, on note les évolutions suivantes :

Comme pour le NSC, la pratique de la nouvelle administration a été jusqu'à présent de ne pas faire présider par l' OSTP les groupes de réflexion auxquels il participe .   [Il..._SN] Il est possible que le départ de Scott Pace ait à voir avec ce mode de fonctionnement peu efficace .

Les programmes spatiaux militaires pour 2003

Dans le cadre de la réorganisation de ses services, Donald Rumsfeld a également lancé des réformes favorables à une meilleure gestion des programmes spatiaux militaires .

Certains chiffres apparaissent dans le projet de budget pour 2003, présenté par la Maison Blanche le 4 février 2002 .Ils vont être discutés et modifiés par le Congrès avant d' être votés en fin d' année .Les chiffres présentés ici ne sont donc pas définitifs .

Le programme de défense anti missile

Le programme de défense anti missile ( MD ) reçoit 7.5 milliards de dollars dans le projet de budget pour 2003 .   [Present] Il s' agit là du montant destiné à la composante sol de l' architecture MD ( stations radar et systèmes de missiles au sol, comme par exemple les installations en Alaska ) et à sa composante espace SBIRS-Low .Le système SBIRS-Low sera formé d' une constellation de missiles en orbite basse, chargée de faire du suivi au sol d' objets froids ( cold objects tracking ), de l' intelligence électronique, et du renseignement situationnel lors de les conflits ( battle space awareness ) .Ces deux parties de l' architecture anti missile sont gérées par la nouvelle Missile Defense Agency ( MDA ), qui remplace l' ancienne BMDO .

La troisième partie du système de MD est le programme SBIRS-High, qui verra le déploiement de satellites géostationnaires chargés de l' alerte avancée .Cette partie du programme, qui remplacera le système actuel DSP, est gérée par l' Air Force et non par la MDA . Elle reçoit 815 millions de dollars dans le budget 2003 et son coût total est évalué à 4.5 milliards de dollars .

Un effort de R & D sur la militarisation de l' espace

  [Il..._SN] En ce qui concerne les programmes spatiaux hors MD, il est difficile de faire le point des financements proposés à l'heure actuelle, car les lignes budgétaires restent éparpillées et le plus souvent non identifiables dans le projet de budget de la Maison Blanche .Par exemple, les termes " special projects " ou " Technology development " , dans le budget de l' Air Force , peuvent désigner un programme de brouillage des télécommunications .Le regroupement des budgets prévu par le nouveau secrétaire à la défense apportera une amélioration de cet état de fait, mais il n' est pas sûr que les données seront déclassifiées .Les débats dans les Commissions des forces armées de le Sénat et de la Chambre feront sans doute apparaître des précisions en cours de année .

  [On..._SN] On cite le chiffre de 1 milliard de dollars supplémentaire pour les programmes spatiaux, demandé cette année par rapport à le projet 2002, ce qui amènerait le montant total à 8 milliards de dollars .Ce montant inclut l' ensemble des programmes spatiaux non classifiés, dont 920 millions pour ' Advanced Extremely-High Frequency Satellite l Communication System, et le système SBIRS, dans ses composantes High et Low .

Il inclut également les programmes plus innovants de R & D sur la militarisation de l' espace, qui se développent selon deux axes :

Tous ces programmes sont assez anciens et semblent avoir évolué lentement à cause de les réticences du Congrès à accepter le déploiement de systèmes spatiaux offensifs .Les programmes de R & D retenus pour l' instant ne prévoient pas de systèmes offensifs déployables dans l' espace .Dans le contexte de débat sur la militarisation de l' espace auquel on assiste actuellement, cela aurait sans doute un poids politique trop lourd à assumer pour le gouvernement américain .Qui plus est, certaines des technologies développées sont sans doute suffisamment en amont pour pouvoir être déployées sur des plates-formes orbitales dans l' avenir, le cas échéant .

Un débat inédit dans les think-tanks

Lorsque les Américains et les Soviétiques ont commencé à déployer des satellites dans les années 1950 et 1960, l' application la plus précieuse était le renseignement .Les satellites d' observation apportaient une information irremplaçable sur le territoire ennemi .Pour espionner avec efficacité, les systèmes déployés devaient rester les plus discrets possibles .L' administration Kennedy fit adopter en 1960 une décision de classification totale des systèmes spatiaux militaires .   [Present_SN] Depuis cette date et jusque dans les années 1980, il n' y a eu aucune communication officielle sur ce sujet aux Etats-Unis .

Dans les années récentes, alors que ces systèmes étaient mieux connus, leur signification stratégique a été obscurcie par la polémique sur les systèmes de défense antimissile .L' architecture du futur système américain prévoit une composante spatiale .Mais l' espace militaire ne se résume pas à la défense antimissile, et regroupe d'autres éléments .

A la différence de les armes nucléaires, qui sont l' objet de discussions houleuses depuis les années 1960, les systèmes spatiaux militaires sont donc restés jusqu'à présent en dehors de le débat stratégique public .Mais la publication du rapport Rumsfeld en janvier 2001 semble avoir provoqué une prise de conscience .

En 2001 et 2002, plusieurs think-tanks de Washington organisent des séminaires ou des programmes de réflexion sur la militarisation de l' espace .Le Stimson Center tient à jour une bibliothèque électronique regroupant des ouvrages sur les questions de space weaponization ; Le Space Policy Institute de l' université George Washington a reçu une bourse de la fondation MacArthur pour organiser des déjeuners sur ce thème sur une durée de deux ans ; Le Eisenhower World Affairs Institute poursuit des groupes de travail sur l' espace entamés depuis longtemps, mais désormais plus nettement axés sur les aspects militaires ; Le Council on Foreign Relations réunit pour sa part un groupe d' étude sur le même thème ; le Center

Même si le débat se limite encore trop souvent aux seuls experts et a du mal à toucher le grand public, des échanges inédits s' engagent entre partisans et adversaires des projets du Pentagone .   [On...] On assiste peut-être enfin à la naissance de un débat de nature stratégique sur l' espace militaire .

Les défenseurs de l' arms control sont très réservés face à la perspective d' une extension à l' espace de nouveaux types d' armement .Celle -ci leur semble condamnable par principe, mais aussi pour des raisons juridiques .Les armes antisatellites ne sont pas spécifiquement interdites par le Traité de 1967, qui ne prohibe que le déploiement d' armes nucléaires et de destruction massive .Mais le déploiement d' asats reste contraire à l' esprit du Traité et, plus généralement, va à l'encontre des efforts de désarmement intervenus depuis quelques décennies .

D'autres chercheurs se fondent sur des arguments stratégiques pour affirmer que le déploiement d' armements dans l' espace reste contraire aux intérêts américains : les adversaires potentiels des Américains n' ont pas envie d' initier ces déploiements, mais seraient amenés à l' imiter, si les Etats-Unis font les premiers pas .

Ils estiment également que ces moyens spatiaux nouveaux créent une tentation de frappe en premier et par surprise .   [SujetInv] Dans une situation ou il existerait des moyens spatiaux indispensables et des moyens de les détruire, il serait tentant de lancer une attaque-surprise, pour désarmer l' adversaire avant qu' il ne prenne l' initiative lui -même .Les possibilités de frappe préemptive sont un facteur déstabilisant pour les relations internationales et les Etats-Unis ne doivent pas s' engager dans cette voie .

LA NASA REPRISE EN MAIN ?

Un administrateur rigoureux

Le nouvel administrateur de la Nasa a finalement été nommé en décembre 2001 .Sean O'Keefe succède à Dan Goldin, en poste depuis 1992 .Sean O'Keefe a une certaine expérience des questions militaires : il a été secrétaire de la Navy, Staff Director chargé du budget de la défense à la Commission des Appropriations du Sénat et Comptroller au Département de la Défense .Mais son expertise en matière spatiale est réduite .

Sean O'Keefe est redouté pour ses pratiques de gestionnaire rigoureux .Il quitte pour venir à la Nasa les fonctions de directeur adjoint de ' Office of Management and l Budget ( OMB ) .   [On...] On peut penser qu' il voudra sans état d' âme mettre fin aux dérives budgétaires qu' a connues l' agence récemment - notamment avec un dépassement de budget de 800 millions de dollars pour la station internationale .

Il dénonce également la procédure des fonds réservés, attribuables à la discrétion de le Congrès ( les earmarks ) .   [On...] On se souvient que Dan Goldin avait essayé d' en faire autant, mais sans succès : l' administrateur de la Nasa n' a pas le pouvoir d' imposer au Congrès l' abandon de cette pratique .

Cette remise en question financière pourrait s' accompagner d' une réorganisation profonde de la Nasa .Un rapport récent intitulé Strategic Ressources Review analyse de manière critique les missions des différentes bases de la Nasa et propose l' élimination de certaines d' entre elles .   [On...] On imagine mal comment faire accepter de telles mesures aux parlementaires représentant les Etats concernés par cette rationalisation .

Les liens d' amitié personnels de Sean O'Keefe avec le vice président Dick Cheney constitueront un atout précieux dans les tâches délicates du nouvel administrateur .   [On...] Mais on doit s' attendre à ce que la Nasa mette en route toutes ses capacités de lobbying pour échapper à ces réformes .Dan Goldin , pourtant nommé dans le but de réformer les pratiques budgétaires de la Nasa , avait fini par épouser les pratiques traditionnelles de l' agence .

L' arrivée de Sean O'Keefe à la tête de la Nasa est vue par beaucoup comme le signe de nouvelles orientations programmatiques .Si le nouvel administrateur s' avoue toujours en phase de formation au sein de l' agence , certaines de ses décisions commencent à apparaître dans le projet de budget pour 2003 .

Le retour à l' exploration de l' Univers

O'Keefe a mentionné à plusieurs reprises son désir de voir l' agence retourner à sa mission première de recherche et développement .Il a repris à son compte le slogan " back to basics ", déjà entendu .Cette fois-ci, les " basics " en question sont définis comme l' exploration et la découverte, selon des priorités bien ciblées .

Il recommande pour cela des missions automatiques, plutôt que de les missions habitées risquées et coûteuses .Dans le projet de budget pour 2003, la ligne " Sciences de l' Espace " augmente de 19 %, pour atteindre 3,415 milliards de dollars .Une partie de cette augmentation est consacrée à la recherche sur l' utilisation de l' énergie nucléaire en orbite pour les missions longues et le développement de systèmes de propulsion nucléaire pour l' exploration du système solaire lointain .Cette décision est critiquée par les écologistes américains, qui craignent les conséquences pour la population mondiale d' éventuels accidents lors de les lancements ou des réentrées des véhicules concernés .

Par ailleurs, l' exploration de l' Univers devrait être réorganisée au sein de un programme nommé " New Frontiers " .Il devrait succéder aux programmes Pluto-Kuiper et Europa Orbiter qui semblent annulés en tant que tels .Mais le Congrès pourrait à nouveau refuser l' annulation de ces deux programmes de sonde vers Pluton et Europe .En 2001, la sénatrice démocrate du Maryland Barbara Mikulski avait fait réintégrer le programme Pluto-Kuiper dans le budget de la Nasa pour 2002 .

En revanche, le budget Sciences de la Terre stagne, à 1625 millions de dollars .Si l' on considère que 60 millions de ce budget sont attribués aux opérations des réseaux au sol, une dépense qui était auparavant incluse dans la ligne budgétaire de le vol habité , on voit que ce budget est réellement en légère baisse .Comme on le soulignait l' an dernier, les études environnementales ne sont pas une priorité de l' Administration Bush .

La station spatiale

Le programme de station spatiale internationale ( ISS ) et le programme de navette réutilisable sont regroupés dans la ligne budgétaire " Vols Habités " .   [Cliv_SN] Avec 6,1 milliards de dollars demandés pour 2003, en baisse de 10 %, c' est la ligne la plus importante du budget de la Nasa .

Mais le programme de station internationale est l'une des premières cibles du nouvel administrateur .   [Il...] Il faut dire que ce programmeprogrammeParu à l' automne 2001, le rapport Young a constitué une critique extrêmement forte de la gestion financière de la station dans les années récentes .

L' administration a donc décidé de mettre le programme de station " à l' essai " pendant deux ans .Les équipes de la Nasa en charge de le programme de station devront faire la preuve de leur sérieux dans la gestion du programme et l' estimation de ses coûts .

En attendant, l' architecture de la station est réduite à sa version minimale, dite " core complete ", qui pourra accueillir trois astronautes, au lieu de les sept prévus .La possibilité de mener des recherches à bord est quasiment nulle dans cette configuration .La contribution des partenaires étrangers ( Europe , Japon , Canada et Russie ) est affectée, mais l' administration se refuse à promettre la construction future de la station dans sa version complete à 7 astronautes .

Le budget pour construire la navette " core complete " n' est même pas totalement attribué selon les projets de financements 2002-2006, car il manque 603 millions sur cette période .Cette somme doit soi-disant être trouvée dans la réalisation d' économies - ce qui semble douteux .La requête financière 2003 pour l' ISS est de 1,8 milliards .Ce montant inclut les travaux de recherche relatifs à la station, déplacés dans une autre ligne budgétaire .

La succession de la navette

Après la fin du programme Apollo, la Nasa a choisi de se doter d' une navette habitée réutilisable, comme moyen principal d' accès à l' espace .La navette spatiale, dite RLV pour Reusable Launch Vehicle , représente la première génération de véhicule spatial réutilisable .Elle emporte un équipage en orbite et revient sur Terre après sa mission .aux Etats-Unis, les entreprises privées et l' Air Force exploitent des fusées traditionnelles à utilisation unique ( dites ELV pour Expendable Launch Vehicle ) .

Quatre exemplaires de la navette sont actuellement en activité .Endeavor, Atlantis , Discovery , et Columbia ont été construites par Rockwell ( maintenant intégré à Boeing ) .Leur maintenance est assurée par Boeing et Lockheed-Martin, dans le cadre de le consortium U.S. Space Alliance .

Mais ce RLV de première génération n' est pas tout à fait au point .La maintenance des navettes entre chaque vol est longue et coûteuse .La requête budgétaire 2003 pour le programme de navette est de 3,2 milliards ( incluse dans le pôle budgétaire " Vol Habité " ) .Ce financement est insuffisant pour assurer les 6 - 7 missions annuelles et leur nombre devrait être réduit à 4 - 5 par an .Les responsables du programme dénoncent un manque de 1 milliard de dollars sur les 5 prochaines années .

La Nasa doit donc se préparer à remplacer les navettes par un système moins coûteux et plus réactif .Souhaitant repousser les décisions à 2005, les responsables de l' agence ont lancé un programme dit " Integrated space transportation ", qui lance des travaux exploratoires dans deux directions .

Une série d' études doit d'une part chercher à améliorer la navette actuelle .Les responsables du programme déclarent que les quatre modèles n' ont atteint que 30 % de leur cycle de vie utile et qu' un shuttle upgrade pourrait suffire à assurer l' avenir sur le long terme .Les recherches portent notamment sur l' amélioration de la sécurité des vols .Elles prévoient un budget de 1,86 milliards de dollars pour la période 2001-2005 .

Mais un grand effort est engagé d'autre part pour tenter de développer un système totalement nouveau :

La Space Launcher Initiative

Le programme de Space Launcher Initiative ( SLI ) vise à développer un système de lanceur réutilisable entièrement inédit .Les entreprises privées recevront 4,8 milliards de dollars entre 2001 et 2006 pour réaliser des recherches sur ce thème .

Une partie des travaux porte sur les technologies de transport dites " Nasa-unique ", c' est-à-dire consacrées exclusivement aux vols habités .Une autre porte sur l' établissement d' un moyen d' accès commercial à la station spatiale .   [Present_SP] Il s' agit d' encourager les entreprises privées à desservir la station avec leurs lanceurs traditionnels, ce qui constituerait une solution de rechange en cas de problème .

Mais la partie la plus importante de la SLI est le sous-programme de " Second generation RLV ", c' est-à-dire de lanceur réutilisable de seconde génération .L' élément principal du cahier des charges de ce véhicule est l' abaissement des coûts .Il devra ainsi pouvoir mettre en orbite une livre ( 454 grammes ) de matériel pour 1000 dollars contre 10.000 dollars pour la navette actuelle .

Dans le cadre de le système X - 33, qui a été abandonné l' an dernier, la Nasa avait voulu développer un système global .Elle a maintenant changé d' approche .Avec le programme SLI, la Nasa fait travailler un certain nombre d' entreprises sur différentes technologies aérospatiales, qu' il faudra ensuite combiner pour développer le futur lanceur .

Les technologies nécessaires ont été identifiées en 2000, pendant la première année du programme .Par un appel d' offre daté d' octobre 2000, les entreprises intéressées ont été appelées à établir des propositions pour un premier cycle de contrats .Ces contrats ont été conclus en deux fois en 2001 .Vingt-deux entreprises ont été choisies le 17 mai, pour des contrats d' une valeur totale de 766 millions de dollars .Le 17 décembre, 94,6 millions supplémentaires étaient attribués .

au premier rang des entreprises lauréates, Boeing a reçu 136 millions de dollars en mai pour aborder 5 domaines de recherche et 5,4 millions en décembre pour des études sur la survie et la protection des équipages ( dans le cadre de la mission " Nasa-unique " de vol habité ) .Pratt & Whitney reçoit 125 millions pour travailler sur les méthodes de propulsion et les étages supérieurs ; l' entreprise Kistler obtiendra 135 millions de dollars après avoir effectué le vol de démonstration de son lanceur K - 1 ( contrat de 10 millions de dollars avec une option de 125 millions ) .

En décembre, Northrop Grumann et Orbital Sciences Corp . se sont vu attribuer un montant combiné de 20,7 millions de dollars pour des études d' ingénierie système et de définition d' architecture .Rocketdyne reçoit 63 millions et TRW 5,4 millions pour des études sur la propulsion .

Toutes les entreprises retenues ont des chances de participer à la réalisation du futur lanceur de la Nasa .Dans tous les cas, les entreprises sélectionnées en 2001 resteront propriétaires des résultats de leurs travaux, qui auront sans doute des retombées sur les programmes de technologies lanceurs qu' elles poursuivent par ailleurs .

Les résultats du premier bilan intermédiaire ( milestone review ) seront connus début mai 2002 .Un deuxième cycle d' appel d' offres sera lancé par la Nasa en 2002 .Dans le projet de budget pour 2003, la ligne " technologies aérospatiales " connaît une augmentation de 12 %, soit 2,8 milliards, destinés principalement au projet SLI .

Vers un rapprochement avec le Département de la Défense ?

Sean O'Keefe a mentionné à plusieurs reprises la possibilité de coordonner les efforts de recherches de la Nasa et du Département de la Défense sur le futur lanceur réutilisable .L' étude " One Team " menée pendant 4 mois par l' agence et l' Air Force sur ce sujet s' est achevée en début de année 2002 .Elle devait identifier les possibilités de travaux conjoints entre les deux entités .

  [Il..._SN] Mais il semble difficile de réconcilier les besoins des militaires et des scientifiques .En effet, le Département de la Défense a des exigences bien particulières en ce qui concerne son système de lanceur futur .Les militaires veulent pouvoir effectuer un lancement dans les 12 à 48 heures suivant la décision de lancement .Ils veulent aussi pouvoir lancer jusqu' à 20 fusées en deux ou trois semaines si la situation l' exige .En revanche_NEW_ le vol habité s' avère inutilement risqué et coûteux pour les militaires .

En revanche, les missions habitées apparaissent comme l'une des raisons d' être de la Nasa, et leur maintien reste jusqu'à présent une priorité .

  [Il..._SN] Il semble donc difficile de pousser les recherches communes Nasa-AirNasa   [Cliv] Si les conclusions de l' étude " One Team " ne sont pas encore rendues publiques, c' est peut-être parce que elles ne sont pas très optimistes .

Une autre voie explorée par Sean O'Keefe est celle de la privatisation de la navette .La shuttle privatization a été mentionnée sans beaucoup de précisions dans le projet de budget 2003 et dans diverses interventions du nouvel administrateur .Depuis l' accident de la navette Challenger en 1986, les navettes ne peuvent plus accomplir de missions commerciales .Le président Reagan n' avait pas voulu que la vie des équipages soit risquée pour mettre en orbite des satellites privés .

La présente Administration pourrait revenir sur cette loi .La privatisation de la navette pourrait se limiter au tourisme spatial, dont quelques expériences lucratives ont déjà eu lieu .

  [Interro] LE CONGRES ET LES INDUSTRIES : PAS DE REFORME DES CONTROLES D' EXPORTATION ?

des échanges industriels peu développés

Par une convergence d' éléments très divers, l' espace semble être un secteur dans lequel les relations industrielles transatlantiques sont très limitées .

  [Present] Tout d'abord, il n' y a pas de tradition de coopération entre industries spatiales américaines et européennes .Parce que ils ne souhaitaient pas voir proliférer les technologies balistiques, les Etats-Unis ont vu d' un mauvais oeil les efforts de mise au point de un lanceur européen. .La base industrielle européenne s' est donc développée de façon indépendante .

La restructuration des industries et la globalisation des échanges dans les années 1990 ont entraîné la mise en place de programmes de coopération dans de nombreux domaines, tels que l' automobile, la métallurgie ( aluminium ) et les hautes technologies .

Mais le domaine spatial n' a pas bénéficié de cette évolution .En effet, les programmes spatiaux restent marqués par des commandes finalement peu nombreuses et la prééminence des marchés publics .Ceux -ci imposent en Europe la procédure du juste retour industriel, qui est peu favorable à l' importation de composants américains .Parallèlement, les parlementaires américains sont jaloux des productions réalisées dans leur circonscription et ne souhaitent pas les voir sous-traitées à l' étranger .

  [Cliv_SP] C' est dans le secteur des télécommunications par satellite, que les perspectives de profit sontsatellitedes coopérations significatives, entre Loral et Alcatel , ont été engagées depuis de nombreuses années .

Qui plus est, les espoirs de gain technologique sont rarement suffisants pour justifier des coopérations .Les technologies moteur de Snecma, qui ont suscité une coopération avec Pratt & Whitney forment un cas particulier .Hormis cet exemple, les technologies sélectionnées de part et d'autre de l' Atlantique sont trop similaires pour laisser beaucoup d' intérêt aux échanges de savoir-faire .

De même, du point de vue financier, la production spatiale n' est pas suffisante pour que son regroupement sur l' autre continent amène des économies d' échelle .

Enfin, l' éventuelle volonté des gouvernements de lancer une coopération internationale dans le domaine spatial , trouve son expression hors du domaine commercial et industriel .En effet, la plupart des applications spatiales sont duales, et dès lors très délicates à organiser dans un cadre multinational .Les institutionnels choisissent plutôt des programmes scientifiques comme celui de Station Spatiale Internationale pour lancer un partenariat à signification politique .

La rigidité des procédures américaines d' exportation de technologies et de matériels sensibles est une cause supplémentaire de difficulté des échanges industriels .Elle tient avant tout à l' attitude des parlementaires et à l' action parfois contradictoire des lobbies .Les espoirs d' évolution dans ce domaine n' ont pas abouti jusqu'à présent, mais renaissent avec chaque session parlementaire .

Le strict contrôle des exportations de matériel sensible

Les systèmes de satellites et de lanceurs sont gouvernés par différentes procédures d' exportation, selon qu' ils sont considérés comme des armements ou simplement des matériels à usage dual .Dans les années 1990, plusieurs firmes américaines ont été accusées d' avoir transmis des technologies balistiques protégées à la Chine, dans le cadre de exportation de satellites américains devant être lancés sur des fusées chinoises Longue Marche .Le Congrès a alors resserré les procédures d' exportation, au grand dam des constructeurs de satellite américains .

L' administration Bush est arrivée au pouvoir avec le projet de faire assouplir ces procédures par le Congrès, mais la session parlementaire 2001 n' a abouti à rien .La session 2002 devrait reprendre le dossier .

Armements et matériel dual

aux Etats-Unis, les exportations d' armement et de matériel à usage dual sont gouvernées par des systèmes différents .La loi fixe les grands principes .des règlements établissent ensuite la liste précise des matériels considérés ( liste des munitions, liste des matériels à usage dual, . ) .Enfin, les policy directives fixent l' attitude pratique des services qui traitent des demandes .Ces dernières ne sont pas toujours rendues publiques et peuvent même parfois ne pas faire l' objet d' un texte formel .

Pour les exportations d' armements, la loi actuellement en application, le Arms Control Exportation Act ( ACEA ), date de 1976 . Les décrets d' application, appelés International Trade in Arms Regulations ( ITAR ) sont établis par le Département d' Etat, après consultation du Département de la Défense et sur décision du président .Le Département d' Etat établit donc la liste des munitions, qui détermine les matériels qui seront considérés comme des armes .

La loi ACEA elle -même n' est pas remise en question .   [Cliv_SN] Ce sont les ITAR qui font l' objet de fréquentes modifications et de constantes critiques .Dans sa plate-forme électorale, le président avait indiqué qu' il souhaitait modifier les réglementations d' exportation, sans néanmoins préciser sa démarche .

Pour les exportations de matériel dual, la loi appliquée est le Export Administration Act .Elle a été modifiée en 2000 ( 106ème Congrès ) .Les tentatives de modification n' ont pas abouti en 2001 ( 107ème Congrès ) . 10 Les règlements d' application, dits Export Administration Regulations, établissent cette liste et sont adoptés par le Département du Commerce .A nouveau, une procédure de consultation du Département d' Etat et du Département de la Défense est prévue .

Les exportations de satellites

Les procédures d' exportation de satellites forment deux cas particuliers, l'un pour les satellites de télécommunication, l' autre pour les satellites d' observation .Dans les faits, seule la première catégorie fait l' objet de fréquentes exportations .

Les satellites de télécommunication, même commerciaux , ont longtemps été portés sur la liste des munitions ( ITAR ) .Leur exportation était contrôlée au même titre que les armements .

Mais en 1990, le Congrès a souhaité renforcer la position des entreprises américaines, dans une perspective de conquête des marchés extérieurs .Le président Bush a transféré une partie des satellites de communication sur la liste des matériels duaux en 1992, et le président Clinton y a porté l' ensemble de ces satellites en 1996 .Leur exportation était dès lors contrôlée par le Département du Commerce, selon une procédure plus simple et plus rapide .

Dans la seconde moitié des années 1990, divers scandales ont éclaté .Les entreprises américaines Loral et Hughes ont été accusées d' avoir illégalement transmis à la Chine des technologies balistiques, lors de le lancement en 1996 de satellites américains sur des lanceurs Longue Marche .En 1998, le Congrès a ramené le pouvoir d' attribution des licences d' exportation au Département d' Etat ( Strom Thurmond Act du 17 octobre 1998 ) et les satellites de télécommunication sont revenus sur la liste de munitions ITAR à compter de le 15 mars 1999 .   [Il...] Il faut noter toutefois que les transferts de technologies frauduleux étaient intervenus à l'occasion de l' exportation de satellites sous le régime ITAR d' avant 1992 !

La décision de 1998 a eu des répercussions sur les marchés spatiaux .Compte tenu de l' ampleur politique des scandales, le service responsable au sein de le Département d' Etat a traité les dossiers de demande de licence d' exportation de manière tatillonne et extrêmement lente .Certains clients étrangers ne peuvent attendre plusieurs années avant de savoir s' ils pourront acheter un satellite américain et ont préféré s' adresser à d'autres fournisseurs .Cela a bien sûr gêné les constructeurs de satellites américains .

  [Il..._SN] Symétriquement, il est devenu difficile pour les entreprises étrangères d' obtenir des contrats de lancement de satellites américains .satelliteToutefois, l' aménagement de régimes spéciaux pour les pays Otan et les autres pays alliés, ainsi que pour l' entreprise Arianespace, lève les obstacles majeurs à l' exportation de satellites américains vers l' Europe et à leur lancement par l' entreprise européenne

  [Il..._SP] Il reste difficile pour les constructeurs de satellites américains d' exporter vers le reste du Monde et les entreprises de lanceurs de ces régions restent pénalisées .

Le 3 mai 2001, Dana Rohrabacher , président de la sous-commission Espace et Aéronautique de la commission Science de la Chambre de les Représentants et Howard Berman , représentant démocrate de Californie , ont introduit une proposition de loi ( H.R. 1707 ), demandant que les licences d' exportation des satellites de communication soient à nouveau accordées par le Département du Commerce . 12 Plus précisément, c' est le hardware nécessaire à la construction de ces satellites qui devait être transféré de la liste des munitions à la liste des matériels duaux .

Pendant l' été, cette proposition est devenue un amendement à la proposition de loi visant à réformer l' exportation du matériel dual ( Export Administration Act ) .La proposition de loi et son amendement se sont ensuite enlisés dans les débats de fin d' année .

  [Il..._SN] Il n' est pas sûr qu' une telle mesure aurait bénéficié aux entreprises européennes, car elle réintroduisait une plus large concurrence - de la part des constructeurs de satellites américains et de la part de les lanceurs du reste du monde - sur un marché étroit .

La question de l' exportation des satellites de télécommunication ne devrait pas être soulevée pendant la présente session .La situation internationale s' est fortement modifiée pour les Etats-Unis depuis l' année dernière et, même si la Maison Blanche poursuit sa réflexion sur le sujet, l' assouplissement des procédures d' exportation n' est pas à l'ordre de le jour .

La situation est plus stable pour les satellites d' observation .

Vers 1992, dans les premières années qui ont suivi la fin de la guerre froide, la robuste industrie américaine de l' observation spatiale a pu craindre que les agences de renseignement nationales lui commandent désormais moins de satellites d' observation dans l' avenir .La question de la commercialisation et de l' exportation d' imagerie et de systèmes clef en main s' est alors posée .

Les satellites d' observation spatiale voient leurs exportations gouvernées par une loi particulière, le Land Remote-Sensing Act ( actuellement dans une version de 1992 ) .Une Presidential Decision Directive ( PDD - 23 ) de 1994 établit une procédure distincte pour l' exportation de systèmes clef en main et pour l' exportation d' imagerie :

1 ) Le Département d' Etat , après consultation de le Département de la Défense et de le Département de le Commerce décide de l' exportation de systèmes de satellite d' observation clef en main .Les satellites d' observation figurent donc sur la liste des munitions ITAR et ce, quelle que soit leur résolution ( très haute pour des satellites d' observation de type militaire, ou très basse pour les satellites de météorologie ) .

  [Il..._SN] Il a été prévu un temps d' introduire une distinction entre les satellites d' une résolution supérieure à 10 mètres, dont l' exportation aurait été autorisée par le Département du Commerce et les satellites d' une résolution inférieure, qui auraient été gouvernés par le Département d' Etat, mais cette mesure n' est jamais entrée en vigueur .

  [Present] Concrètement, il n' y a jamais encore eu de cas d' exportation de systèmes de satellites d' observation clef en main, même de météorologie .Les Emirats Arabes Unis avaient demandé à acheter un satellite d' observation à haute résolution en 1992, c' est-àdire avant la PDD - 23, mais la demande a été refusée .Les exportations américaines restent jusqu' à aujourd'hui limitées aux satellites de télécommunication 13 .

2 ) Après consultation de le Département d' Etat ( Bureau of Political Military Affairs ) , de le Département de la Défense ( assistant secretary for C3-I ) , de le Département de l'intérieur ( chargé de les questions d' environnement ) et de les agences attribue les autorisations d' opération et de vente d' imagerie par les entreprises américaines .

  [Present] Il n' y a pas de changement envisagé pour l' instant sur ce type de procédures d' exportation .La Maison-Blanche a cependant mis en place un comité de réflexion sur l' observation spatiale et les implications de la commercialisation d' imagerie sur la sécurité nationale .Les recommandations de ce groupe pourraient toucher aux questions d' exportation des satellites imageurs et de l' imagerie elle -même .



TITRE : Le triangle syro-libano-israélien : scénarios de crise

AUTEUR : May Chartouni-Dubarry

  [Cliv] C' est devenu presque une tradition : chaque premier ministre en Israël entame sa législature en relançant l' option " Le Liban d'abord " .Dès son élection et la formation de son gouvernement en juin 1996, Benyamin Netanyahou a tenté de négocier via les Syriens un retrait israélien unilatéral du Liban-sud assorti de garanties de sécurité draconiennes, sans offrir aucune contrepartie sur le Golan, si ce n' est une vague promesse d' une réouverture des négociations syro-israéliennes interrompues en mars 1996 .Manoeuvre tactique de la part de un gouvernement qui a annoncé haut et fort sa détermination de ne céder aucun pouce du Golan ou prélude à un revirement de stratégie par rapport à la politique suivie par les travaillistes sous Itzhak Rabin puis Shimon Pér

Un an et demi après l' arrivée de l' équipe de Benyamin Netanyahou au pouvoir, l' option " Le Liban d'abord " semble avoir fait long feu .Cet écran de fumée s' est rapidement dissipé : le Liban n' est pas plus une priorité pour le présent gouvernement qu' il ne l' a été pour son prédécesseur .Loin de marquer une rupture avec la politique libanaise suivie par l' État hébreu depuis l' instauration de la zone de sécurité au sud Liban en 1985, cette initiative ressemble davantage à une manoeuvre tactique visant tout à la fois à " tester " l' acteur syrien, à montrer à l' opinion publique israélienne que le gouvernement tente de trouver une issue à l' inextricable problème libanais et à rectifier auprès de la communauté internationale une image négative de fossoyeur politique et juridique du processus de paix en se déclarant prêt à se conformer " sous certaines coCes " conditions " - un redéploiement progressif à négocier contre des garanties de la part de l' État libanais de désarmer la résistance libanaise et l' ouverture de négociations de paix séparées avec l' État hébreu - reproduisent dans leur formulation générale le schéma du traité israélo-libanais avorté du 17 mai 1983, qui, quinze ans plus tard, fait figure d' anathème pour le couple syro-libanais qui s' est formé à l'issue de les accords de Taëf en 1989 .

Fait significatif, l' option " Le Liban d'abord " omettait délibérément de faire mention d' un retrait simultané du Golan .au contraire, cette " ouverture " en direction de le Liban s' accompagnait d' une volonté claire de clore les négociations syro-israéliennes, voire d' en annuler tous les acquis et les avancées, en niant formellement qu' un quelconque engagement formel ait été pris par Itzhak Rabin dès 1994 concernant le principe d' un retrait du Golan .   [Present] Selon Benyamin Netanyahou, il ne s' agirait là que d' hypothèses " parmi d'autres posées sur la table de négociations .Le gouvernement actuel ne s' estime donc ni politiquement, ni juridiquement lié par des promesses ou engagements qui n' ont fait l' objet de documents écrits, signés et ratifiés .Dès juin 1996, le Premier ministre exprimait cette position sans ambiguïté : " Le gouvernement considère le plateau du Golan comme vital à la sécurité de l' État ; le principe de la souveraineté israélienne sur le Golan est à la base de toute forme d' accord avec la Syrie " .En même temps que il fermait la porte à toute négociation avec Damas, celui -ci demandait donc implicitement aux Syriens de l' aider à s' extirper du bourbier libanais .

Alors que le gouvernement précédent avait totalement avalisé le principe de la " concomitance des deux volets ", syrien et libanais, Benyamin Netanyahou lançait un véritable défi à la Syrie en tentant de dissocier les deux occupations du Golan et du Liban-sud .Si cette manoeuvre était diplomatiquement prévisible , en revanche ce qui est plus étonnant depuis le retour à le pouvoir de le Likoud , c' est la prudence certaine dont il fait preuve dans sa gestion de la politique libanaise .Cette retenue contraste avec le discours musclé tenu tant à l'égard de la Syrie ou de l' Iran, co-parrains du Hezbollah, qu' à l'égard de l' État libanais menacé et sommé quotidiennement de se comporter en acteur souverain et d' étendre son autorité sur l' ensemble de son territoire faute de s' attirer les foudres de la puissante machine militaire israélienne .

Alors que l' on aurait pu en toute logique, dans un contexte non plus de gel mais de régression du processus de paix, s' attendre à une " réactivation " de les options militaires israéliennes notamment à le Liban , c' est l' inverse qui prévaut sur le terrain .Non que le Sud meurtri par plus d' un quart de siècle de guerre, dite de " faible intensité ", connaisse une période de répit . Mais le bilan plus que mitigé de la dernière opération israélienne en territoire libanais , appelée " Raisins de la colère " , a contribué avant même la victoire électorale de Benyamin Netanyahou à un rétrécissement des options israéliennes au Liban .En effet, le nouveau premier ministre hérite d' une situation ingérable au Liban-sud que son intransigeance vis-à-vis de la Syrie ne fait qu' accroître .

Le triangle syro-libano-israélien s' est rigidifié selon un schéma désormais bien connu où le Liban, bien que reconnu aux termes des accords de Taëf comme un État pleinement souverain, demeure le théâtre central où s' affrontent les deux acteurs syrien et israélien .Si cette configuration triangulaire n' a rien de bien nouveau , en revanche , les paramètres en ont été substantiellement modifiés par rapport à le modus vivendi syro-israélien instauré au lendemain du redéploiement israélien de 1985 .   [SujetInv] au " dialogue de la dissuasion " dont la principale vertu avait été de prévenir tout risque d' escalade incontrôlé entre les deux armées présentes sur le sol libanais, s' est substitué un déséquilibre stratégique notable au détriment de la partie israélienne .Le piège du Liban-sud s' est refermé sur l' État hébreu : aucune option militaire ne semble viable et une issue politique est plus que jamais fonction de la volonté syrienne .

Cet article se situe précisément à ce tournant .Il vise à apporter un éclairage prospectif sur l' évolution, à moyen terme - dans les six ans à venir - de ce triangle syro-libano-israélien en fonction de les scénarios qui nous semblent les plus plausibles .L' analyse de la configuration actuelle, les enjeux de le volet syro-israélien de le processus de paix et l' imbrication étroite de le couple syro-libanais dans les dynamiques de ce triangle serviront de canevas à ces scénarios de crise .

État des lieux

Historique et enjeux des négociations

L' année 1994 constitue probablement un tournant dans les négociations syro-israéliennes qui piétinaient depuis le lancement du processus de paix à Madrid en octobre 1991 .Trois événements majeurs vont contribuer à en relancer la dynamique : la rencontre à Genève entre Hafez al-Assad et le président Clinton au cours de laquelle le président syrien exprime officiellement son engagement pour la paix ; l' acceptation en juillet 1994 par Itzhak Rabin ( jamais confirmée officiellement ) du principe d' un retrait israélien du Golan jusqu' aux lignes du 4 juin 1967 ; et la signature de l' accord de paix jordano-israélien qui donne à la partie israélienne les coudées plus franches pour avancer sur le volet syrien .La définition de la position israélienne, résumée par la formule de Itzhak Rabin devenue célèbre depuis " la profondeur de le retrait ( de le Golan ) sera proportionnelle à la profondeur de la paix ", a permis de lever toute ambiguïté sur la reconnaissance par la partie israélienne de la résolution 242 des Nations unies comme la base des négociations de paix avec la Syrie .Itzhak Rabin a ainsi donné satisfaction à Hafez al-Assad qui exigeait comme point de départ des négociations un engagement israélien ferme sur un retrait total du Golan .   [Il...] Dès le départ, il était clair que Hafez al-Assad n' accepterait pas moins que ce que Anouar al-Sadate avait obtenu .La rétrocession du Golan dans sa totalité constitue un objectif vital pour le président syrien pour des raisons symboliques et de légitimité - réparer l' honneur perdu de la défaite de 1967 alors qu' il était ministre de la Défense .La partie israélienne voulait compenser la perte du Golan par des mesures de sécurité drastiques, seul moyen d' obtenir l' adhésion de l' opinion publique israélienne à un accord de paix avec la Syrie .La normalisation devait en outre être pleine et entière : ouverture des frontières, libre circulation des hommes et des biens, échange d' ambassades ...   [Cliv] Mais ce sont véritablement les pourparlers engagés à Maryland, de décembre 1995 à février 1996, qui ont permis d' avancer sur les quatre dossiers litigieux : l' étendue du retrait, les arrangements de sécurité, la normalisation des relations, et le calendrier de mise en oeuvre .Les discussions avaient comme base un document de travail élaboré et rédigé par les Américains, intitulé " Objectifs et principes des arrangements de sécurité " ( Aims and Principles of Security Arrangements ) qui réaffirme le principe selon lequel la sécurité de l'une des deux parties ne doit pas être aux dépens de la sécurité de l' autre partie .

En l' espace de quelques mois à peine, Israéliens et Syriens auraient accompli des progrès fulgurants dans leur marche vers la paix .Une nouvelle ère allait s' ouvrir pour la région grâce à la " clef " syrienne sans laquelle il n' y a pas de paix globale viable au Moyen-Orient .L' État hébreu allait pouvoir consolider les acquis obtenus sur les autres volets du processus de paix et se désengager progressivement du Liban-sud .L' un des principaux objectifs israéliens était bien entendu de s' extirper de ce triangle infernal dans lequel l' état de guerre froide avec la Syrie l' avait enfermé au Liban-sud .Mais l' année 1996 ne sera pas celle de la paix syro-israélienne .   [On...] Nous examinerons plus loin les perceptions et les interprétations syriennes et israéliennes de ce " rendez-vous manqué " avec l' histoire .Mais ce court épisode des négociations avortées est riche d' enseignements quant à la mécanique de fonctionnement de ce triangle .En effet, alors que la Syrie gère son couple avec le Liban sur la base de la concomitance et l' indissociabilité des deux volets, la partie libanaise a brillé par son absence avant de disparaître complètement du paysage des négociations .   [Il..._SP] Il est vrai qu' en s' accrochant avec entêtement à l' application inconditionnelle de la résolution 425, la délégation libanaise s' est engagée, dès l' ouverture du processus à Madrid en 1991, dans un dialogue de sourds avec les représentants israéliens qui refusaient de négocier sur la base de une résolution qui n' offre, selon eux, aucune garantie de sécurité pour l' État hébreu .Mais l' explication de l' inexistence des négociations libano-israéliennes réside ailleurs .Au moment où les pourparlers syro-israéliens démarrent sur des bases encore incertaines, le Liban - et non sa partie sud - constitue paradoxalement le seul point non litigieux entre les deux parties .Les projets grandioses du tandem Begin / Sharon au pays de le Cèdre ne constituent plus aujourd'hui qu' une parenthèse amère dans une politique qui, depuis l' entrée des troupes syriennes au Liban en 1976, s' est appuyée avec constance sur le " dialogue de la dissuasion " entre Damas et Tel-Aviv .Au-delà de ses aspects techniques, ce modus vivendi était bâti sur une reconnaissance mutuelle par ces deux puissances d' intérêts de sécurité vitaux dans ce pays .Loué par les uns pour sa fonction stabilisatrice, dénoncé par les autres pour son cynisme à l'égard de un pays réduit à n' être plus qu' une zone-tampon, cet accord a été sérieusement menacé par l' opération " Paix en Galilée " en 1982 dont l'un des objectifs majeurs était d' éliminer toute présence syrienne du Liban en y installant un État dominé par les maronites et allié d' Israël . Le redéploiement israélien en 1985 renouait avec la politique libanaise suivie par l' État hébreu dans les années 70 privilégiant le maintien du statu quo dans les relations avec Damas et limitant le champ de son intervention à la zone de sécurité qu' elle a établie depuis dans le sud du Liban .

La réalité stratégique du couple syro-libanais n' a pas constitué - et ne constituera pas - un obstacle dans les négociations syro-israéliennes .Résignés et même soulagés pour certains d' une prise en charge syrienne du Liban, les Israéliens soutiennent dans leur quasi-unanimité l' option d' un retrait conditionnel du Liban-sud qui renforcerait la sécurité de la frontière nord de l' État hébreu .L' un des leitmotivs de les responsables politiques et de les représentants de l' intelligentsia est qu' Israël n' a aucune visée territoriale ou revendication idéologique au Liban et particulièrement dans sa partie sud .L' autre réalité est le sentiment mélangé de désillusion, d' amertume et de ressentiment à l'égard de les Libanais et plus particulièrement des maronites .David Kimche , qui a pris une part active à les négociations israélo-libanaises et à l' élaboration de le traité avorté de le 17 mai 1983 , parle de terrible déception alors que Yossi Olmert, avec beaucoup moins de distance et de retenue, affirme qu' aucun Libanais, qu' il soit chrétien ou musulman, ne mérite que lui soit versé une seule goutte de sang israélien .

À propos de l' opportunité manquée ...

La version syrienne la plus élaborée et la plus détaillée en est fournie par le principal négociateur syrien, ambassadeur de Syrie à Washington, Walid al-Moualem .La responsabilité de l' échec des pourparlers de Wye Plantation est rejetée sur la partie israélienne et plus spécifiquement sur Shimon Pérès qui a décidé, dans la foulée, la suspension des négociations, l' organisation d' élections anticipées et le déclenchement d' une vaste offensive au Liban en avril 1996 .

Selon l' ambassadeur syrien, Itzhak Rabin et Shimon Pérès avaient chacun leur style et obéissaient à un rythme de négociations différent .Le premier était méfiant, réticent, avançait prudemment et à petits pas .Devenu Premier ministre, Shimon Pérès était mû par un sentiment d'urgence .Il désirait entrer en campagne électorale avec un accord syro-israélien clefs en main .Les deux pierres d' achoppement sur lesquelles butait l' accord final étaient liées aux arrangements en matière de sécurité et à la nature de la " normalisation " .Les exigences israéliennes en matière de sécurité étaient jugées inacceptables pour les Syriens qui réclamaient l' application du principe de symétrie concernant les postes de surveillance avancés et les zones démilitarisées .Sur le dossier de la normalisation, les Syriens opposaient à la vision israélienne d' une " paix chaude ", une normalisation graduelle, en faisant prévaloir qu' il est encore prématuré pour l' opinion publique syrienne d' assimiler et d' accepter un passage brutal d' une situation de guerre à une situation de paix .Sur le volet du retrait du Golan et de sa profondeur, Walid al-Moualem et le président Assad lui -même ont affirmé que les Israéliens, conformément à la condition posée par les Syriens comme préalable à la poursuite des négociations, s' étaient dès 1994 engagés sur le principe d' un retrait jusqu' aux lignes du 4 juin 1967 .

Si l' on a une version monolithique prévisible en Syrie, les Israéliens en revanche sont partagés sur l' interprétation et les implications de cette opportunité manquée .Le débat oppose ceux qui croient que la paix était une option stratégique réelle pour la Syrie à ceux qui restent convaincus que les objectifs de Hafez al-Assad, une situation de non belligérance, étaient fondamentalement différents de la paix telle que la conçoivent les Israéliens .Pour les tenants de la première thèse, un accord sous le forme d' une " Déclaration de principes " était sur le point d' être conclu .L' opportunité manquée serait due à une erreur de calcul de la part de le président Assad qui n' a pas voulu comprendre et entendre qu' il était de sa tâche de convaincre l' opinion publique israélienne, très réticente et en majorité encore opposée à un retrait total du Golan, de son engagement réel pour la paix .Une rencontre au sommet avec Shimon Pérès aurait contribué à créer une dynamique propre .En refusant d' effectuer ce geste symbolique en direction de les Israéliens, il aurait contraint celui -ci à suspendre les négociations et à provoquer des élections anticipées .Pour les tenants de l' autre thèse, le président syrien a fondamentalement peur de la paix en raison de ses implications sur la stabilité du régime et sur le poids stratégique régional de la Syrie .Son adhésion au processus de Madrid et au principe de " La terre contre la paix " n' aurait été qu' une manoeuvre tactique pour empocher les dividendes que lui valait en soi sa posture de négociation .À l' inverse, la paix aurait à terme contribué à la " banalisation " de l' acteur syrien en réduisant considérablement sa valeur stratégique .

L' un des enjeux du débat porte, comme de coutume en Israël, sur la personnalité de Hafez al-Assad .De plus en plus de voix s' élèvent qui considèrent que le président syrien constitue un obstacle à la paix et qu' Israël devrait attendre l' après-Assad avant de relancer un quelconque processus de négociations avec la Syrie .Certaines figures traditionnelles du Likoud, tel Yossi Olmert , mettent en cause la légendaire habileté politique et manoeuvrière du président syrien en affirmant que celui -ci n' a jamais su transformer les " cartes " dont il disposait en atouts tangibles .De l' autre côté du spectre politique, des personnalités telles que Itamar Rabinovitch, principal négociateur et fin connaisseur des questions syriennes, ne disent pas autre chose en qualifiant Hafez al-Assad d' homme du passé ", foncièrement conservateur et qui n' a jamais réussi à bien saisi

Personne n' est en mesure aujourd'hui de confirmer ou d' infirmer la thèse courante selon laquelle si Shimon Pérès avait remporté les élections, une " Déclaration de principes " aurait été signée en l' espace de quelques mois, prélude à un accord de paix global .   [Il...] Rétrospectivement, il est assez troublant de constater que l' opinion publique israélienne ne conserve pas le sentiment d' une opportunité historique manquée avec la Syrie .Est -ce parce que Hafez al-Assad a, avec consistance, refusé de s' adresser directement à elle comme le lui demandait avec insistance la partie israélienne ? En outre, Itzhak Rabin s' était engagé à soumettre cet accord sur le Golan à référendum, prenant par là un gros risque, la société israélienne n' étant guère acquise à la formule " La paix en échange de la terre " appliquée à la Syrie .Enfin, deux visions quasi irréconciliables de la paix continuaient à s' opposer : la paix est conçue par Damas comme un moyen de contenir Israël dans ses frontières, alors que pour la partie adverse la paix constitue une fin en soi devant se traduire par une normalisation totale des relations tout en garantissant à l' État hébreu les conditions optimales de sécurité .

Selon toute probabilité, un arrangement était sur le point d' être conclu bien que il soit difficile d' en déterminer les termes et le contenu .Les responsables israéliens qui ont été impliqués très dans les négociations sont très évasifs sur le sujet .   [Present_SN] Selon Itamar Rabinovitch, il n' y aurait eu aucun accord entre les deux parties sur les postes de surveillance avancés ou sur les zones démilitarisées .En outre, la délégation israélienne aurait bien demandé un redéploiement de l' armée syrienne mais non une réduction de la taille des forces armées, contrairement à les affirmations de la délégation syrienne .Quant au retrait du Golan, il n' aurait été abordé que de façon très hypothétique .La récurrence du terme " hypothétique " dans le discours officiel israélien , de droite comme de gauche , s' agissant de le principe même de le retrait laisse quelque peu sceptique quant à l' imminence de cette paix manquée .   [Il..._SN] Il est évident que la grande prudence stratégique de Hafez al-Assad et ses réserves idéologiques concernant le processus de normalisation avec l' État hébreu ne sont pas seules en cause .Les perceptions israéliennes de la Syrie restent fondamentalement négatives et il n' est pas sûre qu' une poignée de main entre Shimon Pérès et Hafez al-Assad aurait suffi à calmer les craintes des Israéliens, nourries par trente ans de campagne selon laquelle renoncer au Golan, c' est renoncer à la sécurité de la Galilée .   [On...] Enfin, on semble déceler quelques notes discordantes entre Shimon Pérès et Uri Savir d' un côté, et Itamar Rabinovitch - qui avait été nommé par Itzhak Rabin - de l' autre .Bien que il n' en ait jamais fait état publiquement, Itamar Rabinovitch ne semblait partager ni l' empressement de Shimon Pérès à vouloir conclure un accord, ni son enthousiasme pour donner un contenu nouveau plus économique et culturel aux négociations dans le cadre de sa vision du " Nouveau Moyen-Orient " .

L' anecdote qui illustre bien la distance " psychologique " qui séparait les deux parties , syrienne et israélienne , est celle relative à la volonté de Shimon Pérès, en pilote averti, de " voler haut et vite " ( to fly high and fast ) .Il usait de cette métaphore pour convaincre ses interlocuteurs syriens qu' il était dans leur intérêt et leur sécurité réciproques d' accélérer le rythme des négociations et d' en changer les modalités, en provoquant une rencontre au sommet avec Hafez al-Assad et en élevant les négociations directes au niveau de les chefs d' État et de gouvernement .À cela, les Syriens rétorquaient qu' il était certes important de " voler " mais qu' il était tout aussi important de ne pas se tromper sur le lieu et le moment de l' atterrissage .

Les scénarios

Les deux scénarios identifiés et analysés ici sont ceux qui déterminent une configuration spécifique du triangle syro-libano-israélien, avec ses prolongements sur les situations internes, et ses implications régionales et internationales propres : le scénario du statu quo et l' option d' un retrait israélien du Liban-sud .Ces deux cas de figure comportent des variantes intermédiaires que sont les risques d' escalade militaire et même de guerre ouverte ou les percées et les progrès sur le front diplomatique .Néanmoins, l' effondrement de la dynamique et de l' architecture de le processus de paix israélo-arabe a réduit l' éventail des options .Le triangle syro-libano-israélien se situe aujourd'hui dans cette zone grise, intermédiaire, entre l' option de la paix et celle de la guerre, mais qui reste une zone de crise et de turbulences .

Maintien du statu quo actuel

Le scénario de " ni guerre , ni paix " est sans aucun doute le plus plausible aujourd'hui concernant l' évolution à moyen terme du triangle syro-libano-israélien .La perspective d' une reprise des négociations s' éloigne au fur et à mesure que la confusion politique s' accroît en Israël .   [Present] Contrairement à ce qui se passe sur le front intérieur, en Palestine, il n' y a pas ici de sentiment d'urgence pour Israël,IsraëlMais le gouvernement de Benyamin Netanyahou semble bien déterminé à ne céder sous aucun prétexte aux pressions qu' exerce Damas via le Hezbollah pour ramener la partie israélienne à la table des négociations, sur la base de la paix en échange du double retrait du Golan et du Liban-sud .D'ailleurs, le Premier ministre estime que le Golan ne constitue pas une priorité pour le président Assad .La stabilité interne, le rôle de la Syrie à le Liban , ses relations avec les États-Unis et son poids régional sont, selon lui, des enjeux autrement plus vitaux .

Parallèlement, les deux puissances israélienne et syrienne redoublent de vigilance pour éviter l' escalade et la confrontation militaire directe .Le retour de part et d'autre au discours belliqueux et radical qui caractérisait les relations entre les deux États avant Madrid , les rumeurs de surarmement et de mouvements de troupes , ne sauraient faire oublier que, depuis la guerre d' octobre de 1973 et les accords de désengagement sur le Golan, la frontière syro-israélienne est, comparée au foyer de tension permanent du Liban-sud, un îlot de paix .

Certains stratèges israéliens, minoritaires , ont pourtant élaboré des scénarios de conflit entre Damas et Tel-Aviv, qui se fondent sur l' hypothèse centrale que la situation de statu quo n' est viable ni pour l'une ni pour l' autre des deux parties soumises à des échéances internes et à des pressions internationales croissantes .Il ne fait pas de doute que la Syrie maintiendra au Liban-sud une pression militaire indirecte aussi forte que le lui permettent les lignes rouges fixées par l' accord de cessez-le-feu d' avril 1996 - sans impliquer ses 35 000 soldats stationnés au Liban - et aussi longtemps que le gouvernement israélien en place refusera de reprendre les négociations là où elles se sont arrêtées .Délimitée géographiquement à la zone de sécurité, la guerre d' usure que se livrent le Hezbollah ( 1 500 hommes ) et l' armée israélienne épaulée par l' ALS ( Armée de le Liban-sud qui compte 2 500 hommes ) , comporte certes des risques de dérapage, comme en 1993 et 1996, lors de les deux opérations " Justice rendue " et " Raisins de la colère " .Néanmoins, les règles du jeu scrupuleusement respectées par Israël et la Syrie depuis l' entrée de les troupes de Damas en 1976 - règles que la création de le Comité de surveillance de le cessez-le-feu n' a d'ailleurs fait que formaliser vingt ans plus tard - ont instauré des mécanismes efficaces d' endiguement de ces risques .Une escalade militaire généralisée dont le Liban-sud serait le détonateur ne pourrait, dans le contexte actuel, que venir d' une décision stratégique israélienne visant à en découdre par la force avec le Hezbollah, pacifier sa frontière nord sans avoir à payer un quelconque prix à la Syrie .Mais le syndrome libanais en Israël pèse de tout son poids, psychologique certes mais également politique .La succession de revers que continue à subir Tsahal à l' intérieur même de sa zone de sécurité ne fait que raviver ce sentiment d' échec et d' impuissance, relançant le débat public interne sur le maintien de la zone de sécurité, sur lequel nous reviendrons plus loin .Outre les fortes résistances de l' opinion publique à toute nouvelle expédition chez le petit voisin au nord, le gouvernement israélien doit également compter avec les oppositions et les divisions qui se sont développées au sein de son propre état-major sur l' opportunité d' une nouvelle action militaire pour " casser " le statu quo actuel et y imposer un nouvel ordre garantissant la sécurité " absolue " à la fois des populations du nord mais également celle des soldats de Tsahal .Que ce soit une opération punitive massive prenant en otage la population civile libanaise ( à l'instar de les " Raisins de la colère " ) ou l' extension de la zone de sécurité vers le nord ou encore une attaque ciblée contre les positions de l' armée syr aucune de ces trois variantes de l' option militaire n' apparaît dans le contexte actuel comme une stratégie gagnante .Aucune ne semble susceptible d' échapper à la logique de l' enlisement qui, depuis 1982-1985, est perçue comme une " malédiction " proprement libanaise où l' arme militaire finit par se retourner politiquement contre son utilisateur .

En outre, il va sans dire que le contexte régional et international actuel ne se prête guère à une nouvelle action militaire israélienne au Liban .Le désengagement et la passivité relatives de l' Administration américaine à le Proche-Orient sont incontestablement l'un des éléments du statu quo actuel .Dans le même temps, les conséquences diplomatiques du blocage du processus de paix et les réalignements géostratégiques qui se dessinent à le Moyen-Orient , en même temps que la vague croissante d' anti américanisme dans le monde arabe , n' augurent rien de bien rassurant à terme pour les intérêts et la position des États-Unis dans la région .L' activisme diplomatique tous azimuts que déploie la Syrie pour parer à les risques d' isolement que l' élection de Benyamin Netanyahou avait à un moment fait craindre, notamment par le biais de la consolidation des liens stratégiques avec la Turquie, a porté ses fruits .Le soutien réitéré apporté par l' Égypte et l' Arabie Saoudite à Damas , leur dénonciation quotidienne de la politique israélienne et de la complaisance américaine , leur refus de participer à le sommet économique de Doha de novembre 1997 , puis leur part constituent autant de signaux d'urgence lancés à Washington par ses deux alliés les plus fiables dans la région .   [Il..._SP] Il est peu probable qu' à un moment où la capacité de médiateur de l' Administration américaine est sérieusement mise en cause par ses partenaires arabes, celle -ci avalise une action militaire israélienne au Liban .Échaudé par le coup de poker électoral qui a précipité Shimon Pérès dans la désastreuse opération " Raisins de la colère ", Washington ne voudrait en outre surtout pas prendre le risque de condamner ainsi le volet syrien des négociations, ce qui signerait l' arrêt de mort du processus .   [SujetInv] Tant que la partie syrienne continuera à se montrer disposée à reprendre les négociations avec Israël sur la base de " ce_NEW_ continuera à se montrer disposée à reprendre les négociations avec Israël sur la base de " ce disposée à reprendre les négociations avec Israël sur la base de " ce avec Israël sur la base de " ce sur la base de " ce qui a été conclu à Wye Plantation ", les responsables américains veilleront à éviter toute escalade militaire dont l' objectif premier serait pour le gouvernement israélien d' imposer par la force l' option " Le Liban d'abord " .Le maintien du statu quo est un pis-aller aujourd'hui pour Washington qui a tant investi dans le processus de paix et qui peut se targuer d' avoir réalisé de remarquables percées sur le dossier syro-israélien en un laps de temps assez court, compte tenu de l' antagonisme profond qui opposait les deux parties .Il n' est pas question de revenir sur les acquis de Wye Plantation, qu' il faut geler en attendant que le verrou israélien se débloque, soit par un bouleversement de la donne interne, soit par un changement de l' état d' esprit de la communauté juive américaine et de ses puissants groupes de pression dans le sens de une plus grande fermeté à l'égard de le gouvernement actuel afin que il réactive le processus de paix .

  [Present] À ce jour, il n' y a donc pas eu ce dangereux glissement que beaucoup redoutaient, entre le retour à un état de guerre froide entre Israël et la Syrie et une détérioration incontrôlable de la situation au Liban-sud .   [Interro] L' autre front, celui de le Golan , pourrait -il se rallumer dans ce contexte de regain de tension ?   [Interro] Le gouvernement israélien pourrait -il être tenté de porter le conflit en territoire syrien pour résoudre le dilemme dans lequel il se retrouve pris aujourd'hui au Liban-sud du fait de sa propre intransigeance sur le Golan et de l' absence d' une alternative militaire crédible pour sortir du bourbier libanais ?Cette option ne recueille pratiquement pas d' échos en Israël même parmi les milieux les plus " syrophobes " au sein de la coalition gouvernementale qui, redoutant l' ouverture d' un nouveau front sur le Golan, préconisent d' infliger enfin un coup fatal à la présence syrienne au Liban .Toutes les opérations israéliennes dans ce pays n' ont effectivement jamais pris pour cible les positions de l' armée syrienne dans la Békaa ( à l'exception de les frappes préventives de 1982 ), alors même que c' était Damas et non Beyrouth qui était politiquement visée .   [Il..._SN] Il est peu probable que l' option militairesécurité

Certains stratèges israéliens, minoritaires , n' écartent pourtant plus l' éventualité d' une guerre limitée que déclencherait le président syrien pour sortir de l' impasse politique devenue intenable .Les tenants de ce scénario reprennent à contre-pied une thèse communément partagée - par des hommes politiques aussi différents que Itamar Rabinovitch et Benyamin Netanyahou - selon laquelle Hafez al-Assad n' aurait jamais été pressé de signer un accord de paix sur le Golan .   [SujetInv_SP] au contraire rétorquent ceux -là, le président syrien se trouve aujourd'hui dans la même situation d'urgence que Yasser Arafat ou que Shimon Pérès à la veille des élections qui allaient sceller politiquement son sort .Il partagerait également ce même sentiment d' amertume et de frustration d' avoir laissé la " victoire " lui échapper alors qu' il était si proche de le but : le retour du Golan sous souveraineté syrienne .Privé d' options diplomatiques pour libérer le Golan et face à l' inertie de la communauté internationale, Hafez al-Assad pourrait être tenté par une opération militaire sur le modèle de la guerre d' octobre 1973, sous la forme de une incursion limitée au Golan dans la zone du mont Hermon, forçant ainsi Américains et Européens à intervenir rapidement pour prévenir les risques d' escalade et relancer les négociations .Ce scénario reste peu convaincant, ne serait -ce que par la place centrale qu' il accorde à la psychologie du président syrien qui, arrivant au seuil de son existence et à l'heure terrible des bilans, opterait brutalement pour un revirement de la stratégie qui a été la sienne depuis 1973 et qui a été globalement gagnante en termes de poids régional, pour se précipiter tête baissée dans une confrontation militaire avec Israël, dans une ultime tentative de jouer quitte ou double : c' est-à-dire récupérer le Golan ou perdre tous les acquis engrangés jusque-là, dont la mainm   [On...] En outre et sans être un fin stratège, on voit mal selon quelle logique IsraëlIsraëlLe président Assad - qui a toujours dans ses calculs accordé une place centrale à les équilibres stratégiques - sait qu' une tentative syrienne pour occuper par la force une partie du Golan entraînera une riposte israélienne dévastatrice .Les conditions qui prévalent aujourd'hui sont en outre radicalement différentes du contexte régional et international qui a permis à Anouar al-Sadate de récolter les fruits politiques d' une opération militaire limitée dans ses objectifs .Le président égyptien disposait alors d' atouts stratégiques majeurs qui font défaut à Hafez al-Assad - et qui expliquent d'ailleurs le choix historique de la Syrie de renoncer à la parité stratégique avec l' État hébreu et d' accepter l' option de la paix : l' effondrement de l' Union soviétique, le découplage des divers volets égyptien, jordanien et palestinien, la disparition d' un " front " arabe commun, etc .Enfin, une défaite militaire de cette taille infligée à l' armée syrienne risquerait fort de provoquer un cataclysme interne .La dernière chose que souhaiterait le président syrien est de se retrouver piégé dans une confrontation militaire avec Israël .

Hafez al-Assad continuera à privilégier l' option actuelle de " ni guerre, ni paix " que la Syrie a connue de 1974 à 1991 avant qu' elle ne se rallie au processus de Madrid .La suspension des négociations a évidemment considérablement réduit ses options .Néanmoins, le président Assad a une longue expérience de ces situations de statu quo et il sait comment en exploiter les failles et tourner à son profit le processus de " pourrissement " actuel, pour préparer les conditions de nouvelles négociations de paix .Loin de le réduire à l' impuissance ou à la passivité, la perpétuation de ce scénario le poussera de plus en plus à jouer de sa capacité de nuisance en agissant sur quatre leviers : faire payer Israël un prix de plus en plus lourd au Liban-sud ; geler tout processus de normalisation entre Arabes et Israéliens et renforcer son soutien aux mouvements d' opposition aux accords d' Oslo ; jouer sur les tensions entre Tel-Aviv et Washington ; et enfin rentabiliser au mieux les deux cartes, iranienne et irakienne .

Le scénario du statu quo réduit donc plutôt que il ne favorise les risques d' escalade militaire .En revanche, il n' est pas immuable en ce sens que l' on est entré, non pas dans une situation de gel du processus de paix, comme l' auraient souhaité ses architectes américains, mais dans une phase de régression .En effet, tels les deux accords de paix égypto-israélien et jordano-israélien, si certains acquis semblent aujourd'hui irréversibles, la paix des peuples régresse de façon assez inquiétante .Pour certains, cela relève d' une vision romantique et angélique de la réconciliation historique des sociétés arabes et israélienne, bien éloignée des véritables impératifs et intérêts politiques, économiques et stratégiques censés guider le processus de paix .Mais, si les États arabes peuvent décider de faire la paix dans un premier temps sans leurs peuples, ils ne peuvent la faire contre eux .Le raidissement et même la radicalisation des opinions publiques arabes vis-à-vis d' Israël ont aujourd'hui des réminiscences d' une époque que l' on croyait révolue depuis une dizaine d' année : celle du refus du fait accompli israélien .Un tel état de chose, s' il se prolongeait , aurait des incidences politiques et stratégiques dans la mesure où la marge de manoeuvre des États arabes se retrouverait progressivement réduite vis-à-vis d' Israël mais aussi de Washington .Déjà affaiblis sur le plan interne, ils seront de plus en plus contraints à répondre de leurs choix face à des sociétés qui ne voient guère se matérialiser les dividendes de la paix et face à une contestation politique interne, majoritairement islamiste, opposée à la normalisation avec l' État hébreu .Autant que l' évolution politique interne en Israël ou la question de l' après-Assad, cette donnée est essentielle dans l' évaluation des différents scénarios et de leur probabilité .

La principale clef du statu quo actuel réside sans aucun doute en Israël .En dépit de l' opposition virulente de l' ensemble des élites - hommes politiques, intellectuels, armée, services de sécurité et de renseignements - et d' une position de plus en plus inconfortable au sein de son propre parti, le Premier ministre semble être passé maître dans l' art de la survie politique .   [Autre] Si le maintien de Benyamin Netanyahou au pouvoir et sa réélection en l' an 2000 semblent constituer une garantie contre la reprise des négociations syro-israéliennes, rien ne permet d' affirmer aujourd'hui qu' un changement de la donne politique israélienne, à moyen terme, débloquera l' impasse actuelle .Dans tous les cas de figure envisagés, motion de censure contre le gouvernement ( qui requiert 61 voix au sein de la Knesseth ) ou contre le Premier ministre ( 80 voix ), provoquant des élections anticipées dans le premier cas, et la nomination d' un nouveau chef de gouvernement dans l' autre, il est probable que le Golan et la paix avec la Syrie ne constitueront pas des enjeux prioritaires tant au niveau de l' opinion publique que de la classe politique .Ce désintérêt s' explique par le fait que ces enjeux ne sont pas pour l' heure vitaux pour la sécurité d' Israël .   [Il..._SN] Il est vrai que la frontière syro-israélienne est la plus sûre, à telle enseigne que le Golan et le lac de Tibériade sont aujourd'hui les lieux de villégiature privilégiés des Israéliens, les colons eux -mêmes se reconvertissant massivement dans le secteur touristique .

En dépit de ses professions de foi préélectorales que le Golan restera israélien et qu' il s' y emploiera pour cela, la position de Benyamin Netanyahou sur la paix avec la Syrie est plus ambivalente qu' il n' y paraît .Ainsi, à la veille de la première tournée dans la région du secrétaire d' État américain, Madeleine Albright , à le mois de septembre 1997 , de les rumeurs persistantes ont circulé dans les médias israéliens sur des messages secrets que le Premier ministre aurait fait parvenir à Hafez al-Assad, via Dennis Ross et / ou Uzi Arad, son conseiller politique, pour examiner les possibilités d' une reprise des négociations avec la Syrie .Le Premier ministre aurait proposé une version édulcorée de la formule lancée par Itzhak Rabin et reprise par Shimon Pérès, selon laquelle la profondeur du retrait n' est plus proportionnelle à la profondeur de la paix, mais aux garanties de sécurité que Damas est prête à concéder à l' État hébreu sur le Golan .Bien que le cabinet du Premier ministre ait confirmé la nouvelle, il a refusé d' en divulguer la teneur .Benyamin Netanyahou est prisonnier non seulement de son approche idéologique - que l' on peut résumer concernant la Syrie par " la paix avec le Golan " - mais également de ses impératifs de survie politique au quotidien .Toute concession sur le Golan risque en effet de provoquer l' effondrement de sa propre coalition .Avigdor Kahalani, ministre de la Sécurité intérieure et leader de le parti de la " Troisième voie " , l'un des officiers ayant combattu sur le Golan , est formellement opposé à toute forme de restitution du plateau vital, selon lui, pour la sécurité de l' État hébreu .

Variations autour du scénario du retrait unilatéral du Liban-sud ... ou comment décomposer le triangle ?

Impensable à la veille de l' opération " Raisins de la colère ", ce scénario avec toutes ses variantes fait désormais partie du domaine du " politiquement " envisageable . Il a été retenu ici en raison de l' évolution du débat en Israël sur le Liban qui, en moins de deux ans, a acquis une acuité sans précédent .Le tabou qui , depuis 1982 , inhibait la liberté de débattre de la politique libanaise de l' État hébreu a été levé .L' audience que recueille l' option de le retrait unilatéral de le Liban-sud s' est élargie de façon spectaculaire en l' espace de deux ans à peine .Les causes sont liées à la prise de conscience, déjà latente mais accélérée par le bilan négatif des " Raisins de la colère ", du fait qu' Israël n' a pas les moyens de gagner cette guerre d' usure au Liban-sud et que la zone de " sécurité " est devenue en soi une source d' insécurité où de jeunes soldats israéliens continuent de payer de leur vie une politique que certains jugent " archaïque " et dépassée .Une autre raison fondamentale à cette remise en question de la légitimité même de les arguments sécuritaires , qui justifient le maintien de la zone de sécurité , est liée à l' arrêt net et brutal du processus de paix avec la Syrie .Tant que les négociations syro-israéliennes semblaient en bonne voie et sur le point d' aboutir à un accord global, incluant le règlement du problème libanais, les victoires de la guérilla remportées par le Hezbollah avaient moins d'importance .L' impasse à le Liban-sud était vécue comme un mal nécessaire mais provisoire .Alors qu' aujourd'hui l' option de la paix avec la Syrie semble durablement enterrée, des voix de plus en plus nombreuses s' élèvent en Israël pour réclamer une révision de la politique libanaise et une redéfinition de ses objectifs à la lumière de la situation actuelle .Ce sentiment d'urgence au Liban-sud est exacerbé aussi par le nouveau cadre imposé par l' accord de cessez-le-feu qui a mis un terme à l' opération " Raisins de la colère " d' avril 1996 et a contribué à rétrécir considérablement le champ des options israéliennes .Cet arrangement impose des conditions restrictives à l' armée israélienne rendant à terme sa position intenable .Le système dans le cadre duquel opère l' armée israélienne à le Liban-sud est devenu de plus en plus rigide, ne serait -ce qu' en raison de l' existence du Comité de surveillance du cessez-le-feu qui bride l' action de l' armée israélienne et neutralise en grande partie sa puissance de feu en lui interdisant de s' en prendre aux civils .En outre, la présence d' Américains et de Français au sein de ce comité a de facto contribué à une forme d' internationalisation du conflit .Sur le plan militaire et en dépit de les récentes déclarations du ministre de la Défense sur les " bons résultats " obtenus par l' armée israélienne grâce à la mise en oeuvre de tactiques de combat plus performantes, Tsahal reste astreint à une position défensive face à le Hezbollah dont les méthodes de guérilla se sont considérablement affinées au cours de ces dix dernières années et qui semble contrôler parfaitement le terrain .Pour la première fois depuis l' instauration de la zone de sécurité, le nombre de tués israéliens a dépassé en 1997 celui des Libanais, civils et combattants du Hezbollah confondus .

La question du maintien de la zone de sécurité est devenue un facteur de division aussi bien parmi la classe politique qu' au sein de l' état-major de l' armée qui se garde pourtant d' étaler au grand jour ses discordances internes .L' option du retrait unilatéral, total ou partiel , provoque un débat public particulièrement vif entre partisans et opposants .Les prises de position sur cette question transcendent les lignes de clivages traditionnels Likoud / Parti travailliste et finissent par brouiller encore davantage un échiquier politique déjà confus .Ainsi, si la " colombe " travailliste, Yossi Beilin, et le " faucon " du Likoud et ministre des Infrastructures nationales, Ariel Sharon, soutiennent tous deux l' option du retrait unilatéral, leurs motivations sont loin de être les mêmes .L' architecte de l' opération de 1982 " Paix en Galilée ", qui rejoint par là les positions de le parti de la " Troisième voie " , est favorable à un retrait unilatéral, à la seule condition qu' il ne soit pas négocié avec les Syriens .L' objectif est non seulement de priver la Syrie de son atout-maître, mais également de dissocier les deux volets libanais et syrien .   [Present_SN] Il ne s' agit plus de l' option "optionLe retrait se transforme alors en une carte contre la Syrie .Mais l'un des arguments majeurs de Ariel Sharon reste qu' Israël doit pouvoir décider en toute liberté du moment, des modalités et des conditions d' un retrait .Yossi Beilin et d'autres, dont l' Association des 4 mères " de soldats israéliens servant au Liban-sud, s' appuient davantage sur des arguments de type humanitaire pour démonter le raisonnement stratégique et sécuritaire qui sous-tend le maintien de cette Le nombre de soldats israéliens tués au Liban ( 1 200 environ depuis 1982 ) et le bilan chaque année un peu plus élevé devraient, selon eux, inciter les responsables israéliens à changer de politique .Ils soutiennent que Tsahal serait bien plus en mesure de défendre la sécurité de l' État d' Israël à partir de le territoire israélien .   [On..._SN] À l' extrême gauche de l' échiquier politique, on retrouve des opposants au retrait tels que le député Yossi Sarid ( Meretz ) - l'un des plus virulents critiques de l' opération " Paix en Galilée " - qui redoute dans ce cas de figure un déluge de katioushas sur le nord d' Israël, contraignant l' armée israélienne à revenir en force au Liban en y lançant une invasion massive, terrestre et aérienne .

Le consensus apparent au sein de les forces armées sur la nécessité de maintenir cette zone-tampon aussi longtemps que Israël et la Syrie ne sont parvenus pas à un accord politique semble sérieusement ébranlé .Le doute commence à gagner un nombre croissant d' officiers supérieurs du Commandement de la région nord quant à l' efficacité d' une politique dont le but déclaré est de protéger la sécurité de la frontière nord d' Israël sans pour autant exposer la vie des soldats israéliens .Bien que ces responsables militaires ne fassent aucune déclaration publique sur une nécessaire révision de la stratégie israélienne au Liban, certaines " fuites " laissent à penser que l' option d' un retrait unilatéral fait de plus en plus d' émules jusqu' aux plus hauts échelons de la hiérarchie militaire .De l' avis de ces militaires, l' enlisement de Tsahal à le Liban-sud commence à affecter sérieusement le moral des troupes alors que l' assurance et la combativité du Hezbollah ne font que se renforcer sur le terrain .À l' inverse, l' ALS censée au départ être la cheville ouvrière de tout le dispositif israélien à le sud est devenue au fil de le temps et plus précisément depuis deux ans un allié de moins en moins fiable et de plus en plus difficile à gérer et à contenir .Plusieurs sources, israéliennes et autres , font état de défections de plus en plus nombreuses en son sein de jeunes combattants qui vont grossir les rangs du Hezbollah et / ou se transforment en agents doubles transmettant au Hezbollah des renseignements sur les mouvements et les opérations tactiques des troupes israéliennes .

Contre les tenants de cette thèse, un noyau dur d' officiers continue à défendre fermement le maintien de la zone de sécurité comme un moindre mal .Un retrait sans garantie de sécurité, même avec menaces de représailles massives en cas de attaques de le Hezbollah sur le nord d' Israël , serait un coup de poker aux risques incontrôlables, qui exposerait directement les populations civiles .Les combattants du Hezbollah s' étendraient tout au long de la frontière et tenteraient des opérations d' infiltration en territoire israélien .Le retrait porterait également un coup fatal au prestige de Tsahal vis-à-vis de l' opinion publique israélienne mais également arabe, contrainte pour la première fois de se replier sous la pression d' une guérilla de quelques milliers d' hommes .Ainsi, selon Uri Lubrani, coordinateur des opérations israéliennes à le Liban-sud , ce serait pure folie que d' envisager un retrait dans les conditions actuelles, même assorti de mesures sécuritaires et logistiques, impliquant une tierce partie, la France par exemple, qui en garantirait la bonne application .Il est convaincu que le maintien de la zone de sécurité est la situation la moins coûteuse pour Israël en termes de sécurité .Il considère l' option " Le Liban d'abord ", dans toutes ses formulations et déclinaisons, comme mort-née, mais n' est pas partisan pour autant de la réédition d' une attaque de type " Raisins de la colère " .

La pression croissante de l' opinion publique relayée par le malaise dans les rangs de l' armée face à les succès militaires remportés par le Hezbollah - notamment contre le fameux char d' assaut Merkava, fleuron de l' industrie de l' armement israélienne Néanmoins, la radicalisation de ce débat ne peut manquer à terme de faire éclater les contradictions - et peut-être bien les divisions internes - du gouvernement qui marche, par conservatisme ou absence de consensus interne, dans les pas de son prédécesseur mais sans avoir de direction précise .   [interro] S' agit -il de ne rien entreprendre au Liban qui puisse y miner l' influence et la prédominance de la Syrie, seule puissance en mesure de garantir une pacification de la frontière nord d' Israël permettant aux troupes de Tsahal de se retirer en toute sécurité ?   [Interro] Mais alors comment résoudre cette contradiction inhérente à la position israélienne qui reconnaît à la Syrie les pleins droits sur le Liban mais ne lui en concède aucun sur le Golan ?

Les probabilités d' un tel scénario de retrait unilatéral restent minces .En dépit de l' acuité du débat, l' opinion publique ne semble pas dans sa majorité gagnée par l' idée du retrait .L' une des raisons à cela est liée à la perception négative de la notion d' unilatéral " qui équivaudrait à " inconditionnel ", donc à une forme de reddition de l' armée israélienne .En réalité, aucun des acteurs principaux ne souhaite qu' Israël le mette en pratique, surtout dans sa version inconditionnelle et non concertée : ni les Syriens qui se retrouveraient privés de leur principal levier de pression sur Israël, ni l' État libanais qui redoute l' installation d' un vide stratégique au Liban-sud favorisant les tensions et les règlements de compte intra-libanais, ni Washington et ses alliés arabes - notamment l' Égypte et l' Arabie Saoudite qui ont officiellement avalisé et soutenu la stratégie syrienne sur la " concomitance des deux volets " - c

Un tel cas de figure présente pourtant bien des avantages du point de vue israélien, l' isolement du couple syro-libanais n' en est pas des moindres .Non point que l' État hébreu cherche à défaire ce couple ; comme il a été souligné plus haut, aucun dirigeant israélien de droite ou de gauche ne souhaite aujourd'hui s' immiscer dans les relations bilatérales entre la Syrie et le Liban .Mais, en renonçant à sa zone de sécurité, Israël aurait réussi à s' extirper de ce triangle hors duquel le couple syro-libanais perd l'un de ses éléments essentiels de cohésion et de légitimation .Le redéploiement des troupes syriennes, prévu par les accords de Taëf , serait de nouveau à l'ordre de le jour .   [Il..._SN] Par ailleurs, il n' est pas du tout sûr, contrairement à les craintes exprimées par les opposants à un retrait unilatéral, que le Hezbollah " poursuive " l' armée israélienne en Israël pour deux raisons majeures .La première est qu' il est très délicat pour la Syrie d' apporter sa caution implicite à des opérations militaires menées en territoire israélien, par crainte à la fois de l' ampleur prévisible de la riposte israélienne et de la réprobation internationale que cela ne manquera pas de susciter, de la part aussi bien des États-Unis et de l' Union européenne que des alliés égyptien et saoudien de la Syrie .La deuxième raison tient à la stratégie proprement interne du Hezbollah qui prime sur toute autre considération d' ordre régional .La direction actuelle de le mouvement ne voudrait en aucun cas mettre en péril les bénéfices politiques de plus d' une douzaine d' années de résistance à l' occupation israélienne en " ouvrant ", en cas de retrait des troupes de Tsahal, un nouveau front sur la frontière libano-israélienne .Le capital de sympathie et de soutien dont il bénéficie sur le plan national et l' audience croissante qu' il s' est taillé au sein de la communauté chiite face à le mouvement Amal pourraient en être durablement affectés et menacer la survie même du mouvement sur la scène politique libanaise .

Malgré les avantages qu' elle présente, une telle initiative israélienne constituerait un coup de poker, tant les risques restent grands et imprévisibles .Un bien timide ballon d' essai a été lancé avec l' évacuation par l' ALS d' une douzaine de villages de la région de Jezzine .Cette manoeuvre visait à tester la capacité de l' État libanais à reprendre le contrôle des zones " libérées ", dans l' hypothèse d' un retrait par étapes ( autre variante du retrait unilatéral ) .Face à l' absence de réaction de la part tant du Hezbollah que de l' armée libanaise, le gouvernement israélien semble pour l' heure avoir renoncé à la carte " Jezzine d'abord " . Mais cette option comme celle d' un retrait total restent ouvertes .   [SujetInv_SP] Beaucoup dépendra de la configuration future des rapports de forces internes en Israël dont il est difficile de saisir les contours, et de l' évolution de la relation avec Washington .Une impasse prolongée sur le dossier palestinien peut également pousser le gouvernement israélien à cette forme de fuite en avant en évacuant ses troupes de la zone de sécurité .Il n' est pas exclu que Benyamin Netanyahou ait, en son for intérieur, déjà pris cette décision et qu' il attende le moment opportun pour abattre une carte qu' il estime gagnante .L' ALS prend très au sérieux la possibilité d' un retrait subit et non concerté de Tsahal, comme le prouvent les déclarations de son commandant, Antoine Lahad, qui, pour la première fois, a publiquement menacé Israël de représailles en cas de retrait unilatéral .

Mais, si un tel retrait s' effectuait dans le contexte actuel de blocage diplomatique, même sous la bannière de la résolution 425, il ne contribuerait certainement pas à désamorcer le climat de tension .L' État libanais serait bien en peine de reprendre le contrôle du Liban-sud, bien que, techniquement, l' armée soit aujourd'hui tout à fait en mesure de remplir le rôle prévu par les accords de Taëf .Il devra faire face à un grave dilemme en cas de retrait : soit laisser le champ libre au Hezbollah - sur instructions syriennes -, soit déployer l' armée libanaise dans une région qui échappe totalement depuis 1978 à l' autorité du pouvoir central et remplir le rôle de garde-frontières au bénéfice de Israël .La Syrie, quant à elle , célébrera à grands renforts de médias et de déclarations triomphalistes la " libération " du Liban-sud comme la victoire de la résistance libano-syrienne .Mais le temps des festivités passé, le président Assad devra relever ce défi qui met à plat sa stratégie de négociation face à Israël .Il pourrait opter pour l' escalade mais encore faudrait -il qu' il puisse justifier au regard de la communauté internationale la poursuite d' actions de " résistance " en territoire israélien .des substituts au Hezbollah - trop identifié aujourd'hui à la résistance libanaise contre l' occupation israélienne - devront être trouvés qui agiront alors sous le slogan " Libérer la Palestine " .Le président Assad pourrait se servir des principaux mouvements d' opposition palestiniens qu' il abrite pour recréer un nouveau " fathland " au Liban-sud, comme aux heures de gloire de la résistance palestinienne au Liban .

L' autre alternative - qui semble la plus probable - est qu' il prendra sagement le temps de la réflexion, en évitant surtout de se lancer dans une action précipitée qui risquerait de menacer son emprise sur le Liban .Son réflexe premier sera plutôt de chercher à protéger la solidité du couple syro-libanais même s' il doit dans le même temps mettre entre parenthèses son " combat " pour libérer le Golan .Il sait qu' il dispose d' atouts non négligeables en cas de retrait unilatéral israélien .Le premier d' entre eux et le plus important est que personne - ni la troïka libanaise, ni les pays arabes, ni Israël, ni l' Iran, ni les États-Unis, ni même la France ou l' Union européenne - n' exigera de la Syrie qu' elle se conforme enfin aux dispositions des accords de Taëf qui prévoient le redéploiement puis le retrait des troupes syriennes, selon un échéancier bien précis mais sans cesse repoussé en raison de les " conditions exceptionnelles " que traverse le Liban, autrement dit l' occupation israélienne et la nécessité vitale d' y mettre un terme .La crainte réelle d' un basculement du Liban dans la guerre civile agit comme un repoussoir pour tous les acteurs régionaux ou internationaux impliqués directement ou indirectement sur la scène libanaise .Même l' Iran - qui figure en tête de la liste de les " rogue states " établie par l' Administration Clinton - ne serait pas favorable à une rupture du statu quo intercommunautaire libanais issu de Taëf qui a considérablement amélioré la position et le poids de la communauté chiite .   [Il...] Il est important de souligner à cet égard, contrairement à la perception largement partagée en Israël, que Téhéran reste un acteur extérieur au triangle syro-libano-israélien et que son influence sur le Hezbollah a été démesurément exagérée .   [Present_SP] Il ne s' agit pas de nier la réalité des faits, à savoir que ce mouvement est né en 1985 de l' alliance syro-iranienne au Liban, à un moment où il y avait une véritable prolifération de milices au Liban .Mais ce mouvement a réussi à se hisser au rang de parti politique et à s' affirmer, à travers sa participation au jeu électoral et sa forte représentation parlementaire, comme un acteur à part entière sur la scène politique libanaise - pour autant bien sûr que l' on puisse qualifier de vie politique, l' immobilisme et la paralysie qui frappent les institutions de la IIe République libanaise .En tout état de cause, le jeu de Téhéran à le Liban a toujours soigneusement évité de heurter de front ou de court-circuiter le " maître et seigneur des lieux " syrien .Les États-Unis s' abstiendront également d' exercer des pressions dans ce sens pour les raisons qui ont été évoquées plus haut - ménager la Syrie dans l' espoir d' un déblocage du processus de paix - et parce que ils ne font guère confiance à la capacité de l' État libanais à assurer la paix civile et à imposer son autorité sur l' ensemble du territoire .Quant aux Israéliens, ils seront plus que sensibles aux arguments que la Syrie ne manquera d' agiter comme autant d' épouvantails contre d' éventuelles pressions pour que elle retire ses troupes du Liban .Le premier de ses arguments concerne la " porosité " de la frontière libano-israélienne : seule Damas est aujourd'hui en mesure de contrôler les groupes potentiels qui voudront se lancer dans de nouvelles opérations de guérilla en territoire israélien .Le deuxième argument, tout aussi porteur , est lié à la question des 300 000 réfugiés palestiniens au Liban dont le sort est de plus en plus incertain, compte tenu à la fois du refus de l' État libanais d' envisager une quelconque solution d' intégration " et du déraillement du processus d' Oslo .Là encore, le rôle de la Syrie peut s' avérer vital .Enfin, la position commune de la France, de l' Union européenne et de la majorité de les pays arabes est que la Syrie doit demeurer une partie centrale de tout accord ou " désaccord " dans le cas de un retrait unilatéral israélien ...

Conclusion

Le triangle syro-libano-israélien est aujourd'hui complètement verrouillé par l' impasse du processus de paix .   [Cliv] Des trois parties prenantes à ce jeu triangulaire, c' est sans conteste l' acteur israélien qui détient la clef d' un " déblocage " .   [Il..._SN] au terme de cette étude, il semble probable que l' option du statu quooptionMais la scène politique israélienne reste confuse et son évolution, même à court terme, demeure imprévisible ; ce qui n' est pas sans déconcerter les amateurs de scénarios que nous sommes et qui avons appris qu' une démocratie offrait plus de transparence et de lisibilité au niveau de sa politique extérieure et de sa sécurité qu' une autocratie, et qu' elle était naturellement plus encline à opter pour la paix .   [Il..._SN] Il n' est pas de notre propos ici d' analyser les mutations sociopolitiques diverses que connaît l' État d' Israël .Mais le processus de paix et son accélération en l' espace de trois ans à peine ont eu l' effet d' un séisme sur une société contrainte de se redéfinir dans son double rapport à son environnement resté étranger et à son identité propre .Le refus de l' assimilation que prône Benyamin Netanyahou n' est que l'une des expressions de ce choc historique .   [Il..._SN] Il n' est dès lors pas acquis que son départ suffise à remettre sur les rails le processus de paix .Ehoud Barak , secrétaire général de le Parti travailliste , lui -même , se garde bien de s' engager clairement sur le sujet .Homme secret, il fait très peu de discours et se présente toujours comme le successeur de Itzhak Rabin .   [On...] On suppose qu' une fois au pouvoir et disposant d' une majorité confortable, il donnerait la priorité au volet palestinien .Concernant les négociations avec le couple syro-libanais, il adoptera à n' en pas douter la même approche que Itzhak Rabin et Shimon Pérès, à savoir que la Syrie reste le passage obligé de tout règlement global .Au mois d' août 1997, il avait envoyé par l'intermédiaire de la délégation d' Arabes israéliens, en visite à Damas, une lettre au président syrien dans laquelle il s' engageait à suivre la voie de la paix tracée par Itzhak Rabin .

Hafez al-Assad qui , à cette occasion , a loué les vertus d' homme de paix de le président de le Parti travailliste , continuera à observer avec beaucoup d' attention les évolutions politiques internes en Israël .À mi-parcours entre la suspension des négociations début mars 1996 et la fin du mandat de Benyamin Netanyahou en l' an 2000, le président syrien n' a de meilleur choix que celui d' attendre en tablant sur le fait que le temps joue contre le premier ministre israélien et discrédite les options qu' il défend, en démontrant qu' il n' y aura pas de sécurité pour l' État hébreu sans paix réelle .Et cette paix doit passer par la restitution du Golan et l' évacuation du Liban-sud tout en préservant l'une des victoires les plus éclatantes de Hafez al-Assad : la consolidation de son hégémonie au Liban .



TITRE : Scénarios syriens : processus de paix, changements internes et relations avec le Liban

AUTEUR : Volker Perthes*

  [Il..._SN] Il a fallu beaucoup de temps et de longs débats internes à la Syrie avant d' accepter l' idée que le processus de négociations bilatérales et multilatérales, lancé lors de la conférence de Madrid en 1991, pouvait à terme déboucher sur une paix réelle avec Israël .En effet, une large partie de l' élite politique comme intellectuelle redoutait les conséquences de la paix et de la " normalisation " sur la position régionale de la Syrie, sa stabilité interne et sa situation économique . Damas est demeurée pendant un long moment sceptique quant à la volonté réelle d' Israël de parvenir à un accord équitable et satisfaisant pour les deux parties .   [Cliv] Ce n' est qu' en 1995 que les responsables syriens ont commencé à croire qu' une base commune pouvait être trouvée avec le gouvernement travailliste .Et de fait, les négociations tenues à Maryland de décembre 1995 à janvier 1996 ont été beaucoup plus sérieuses et poussées que tous les " rounds " précédents .   [Cliv_SP] C' est à ce moment -là, semble -t-il, que les Syriens ont pris la décision de s' engager pleinement dans le processus de paix .

Mais les choses allaient se dérouler autrement que prévu .La victoire de Benyamin Netanyahou à les élections de 1996 a pris les responsables syriens par surprise ; ils ne l' avaient évidemment ni souhaitée, ni intégrée dans leur stratégie de négociation comme une éventualité plausible .   [Autre] Mais rien ne pourra les contraindre aujourd'hui à renégocier avec le gouvernement du Likoud ce qui avait été déjà négocié avec ses prédécesseurs ou de revenir sur les bases de l' accord tel qu' il semblait se préciser avec les travaillistes, autrement dit un retrait israélien " total " du Golan en échange d' une paix " totale " .

Par conséquent, le scénario le plus probable , aussi longtemps que le Likoud demeurera à le pouvoir , est la prolongation de la situation de " ni paix, ni guerre " entre la Syrie et Israël, autrement dit la poursuite de la guerre d' usure au Liban-sud avec toujours les risques d' escalade généralisée et d' une confrontation directe entre les forces israéliennes et syriennes .À court et moyen termes, le scénario le plus improbable reste celui d' une reprise des négociations menant à terme à un accord de paix syro-israélien, en raison soit d' un changement de l' équipe au pouvoir en Israël, soit d' un revirement de stratégie de la part de le gouvernement actuel .

Cette étude tente, pour chacun de ces deux cas de figure, d' analyser les implications qui pourraient en résulter sur la situation interne de la Syrie, sa position et sa stratégie régionales, en mettant plus particulièrement l' accent sur les relations avec le Liban .La " question de la succession " de le pouvoir syrien actuel sera également abordée .Enfin, quelques suggestions seront faites concernant plus spécifiquement la politique européenne vis-à-vis de la Syrie, du volet syro-israélien des négociations et du " couple " syro-libanais .

Le lecteur devra garder à l' esprit les limites inhérentes à ce genre d' exercice .Les scénarios développés ici et leur probabilité de réalisation se fondent certes sur des informations et une analyse objectives .   [Il..._SN] Il n' en demeure pas moins que les sociologues et politologues ne sont pas pourvus de dons de voyance qui rendraient leurs prévisions infaillibles .

Ni guerre, ni paix "

  [Il..._SN] En supposant que le gouvernement de Benyamin Netanyahou se maintienne au pouvoir en Israël, il est probable que l' impasse actuelle du processus de paix persiste surtout au niveau de son volet syrien .Cela d' autant plus que la prolongation de cette situation instable de " ni guerre , ni paix " - qui prévaut d'ailleurs entre Israël et la Syrie depuis 1974 - est perçue par beaucoup, notamment parmi les responsables de la politique moyen-orientale à Washington, comme étant la plus favorable .   [SujetInv] Pour la ligne " dure " israélienne, un traité de paix avec la Syrie n' a jamais été considéré comme valant la perte du Golan ; les dirigeants syriens sont à cet égard honnêtes quand ils affirment que, pour eux, le temps ne presse pas .Si les deux parties peuvent s' accommoder du statu quo actuel, elles ont un égal intérêt à éviter la guerre ouverte et réussiront en toute probabilité - comme l' expérience passée tend à le démontrer - à le faire .

L' environnement régional et international

L' intransigeance israélienne et l' impasse du processus de paix ont contribué jusque-là à renforcer la position de la Syrie vis-à-vis de ses alliés dans la région .Dans le court et moyen termes au moins, les alliés arabes de la Syrie, autrement dit ses partenaires de la déclaration de Damas ( l' Égypte et les États du Conseil de coopération du Golfe ), continueront à lui apporter leur concours politique et financier .Damas pourra également compter sur le soutien moral et politique de la Ligue arabe, dont l' expression la plus forte a été la décision prise en 1996 de lier le processus de normalisation avec Israël aux progrès accomplis au niveau de les deux volets syro-israélien et israélo-palestinien .La reconnaissance de ce lien entre la " normalisation " régionale et les négociations bilatérales avec l' État hébreu conjure pour la Syrie le spectre de l' isolement dans le cadre de un " Nouveau Moyen-Orient " façonné par Israël, la Jordanie, certains États arabes du Golfe et du Maghreb auquel se joindrait peut-être la Turquie .Ce lien vient également rappeler aux Israéliens que Damas ( autant que Gaza ) demeure le passage obligé vers l' établissement de relations économiques et commerciales avec le monde arabe .Quant aux relations syro-iraniennes, elles ne sont pas tributaires de l' attitude de la Syrie vis-à-vis d' Israël mais sont fondées plus largement sur des intérêts communs .   [Il..._SN] Il n' en demeure pas moins que le gel actuel des relations entre la Syrie et Israël supprime un facteur de tension potentiel entre les deux alliés .Le timide rapprochement esquissé avec l' Irak répond en large partie aux craintes que suscite le renforcement de l' alliance stratégique entre Israël et la Turquie .   [Il..._SP] Il ne faut cependant pas s' attendre à voir se former une contre-alliance syro-irakienne .La méfiance réciproque reste forte entre Damas et Bagdad, et il est probable que les responsables syriens limiteront leurs relations avec le régime irakien en fonction de ce que leurs alliés arabes du Golfe jugeront acceptable .

Sur le plan international, les relations de la Syrie ne seront pas affectées outre mesure par l' impasse actuelle et cela tant que Damas continuera à faire la preuve de son engagement en faveur de la paix .L' Administration américaine, qui n' est pas sans ignorer que la collaboration de la Syrie est essentielle pour relancer le processus , ne cédera probablement pas aux pressions du Congrès en faveur de un durcissement de la politique américaine à l'égard de Damas .Pour l' Union européenne, un accord syro-israélien reste la clef de la paix et de la stabilité au Moyen-Orient et en Méditerranée .Conscients que leur contribution au volet syro-israélien des négociations est limitée, l' UE, et certains États européens individuellement , continueront à favoriser une plus grande participation de la Syrie et d' Israël dans le cadre de les projets de coopération euro - méditerranéenne, et notamment la négociation d' un accord d' association entre l' UE et la Syrie .Damas considère cette initiative européenne comme un moyen d' intégrer la mondialisation économique via l' Europe plutôt que par le biais de un " Nouveau Moyen-Orient " dominé par Israël .La Syrie acceptera l' assistance européenne pour accompagner le processus de réformes mais ne tolérera pas qu' on en lui dicte le rythme - que ce soit l' Europe plutôt que la Banque mondiale n' y changera rien .   [Il..._SN] En outre, tant que le volet syro-israélien demeurera bloqué, il est peu probable que la Syrie soit soumise à des pressions américaines, européennes ou arabes pour desserrer son emprise sur le Liban .

Le Liban

Selon la vision " realpoliticienne " de Damas, la configuration des rapports de force à le Machrek reste essentiellement dominée par la compétition entre les deux principales puissances régionales : Israël et la Syrie .Dans cette perspective, les acteurs arabes " secondaires " - la Jordanie , les Palestiniens et le Liban - devraient dans leur intérêt propre accepter de se placer sous la houlette syrienne .Toute forme de relations que l'une de ses parties engagerait avec l' État hébreu, stratégique ou économique, sans coordination préalable avec Damas, contribuerait à affaiblir le camp arabe .Depuis que l' OLP et la Jordanie ont choisi de faire cavalier seul, la carte libanaise est devenue encore plus vitale pour Damas qui veille jalousement à travers son emprise sur tous les aspects de la politique libanaise à prévenir toute tentative de dissocier les deux volets syrien et libanais, à l'instar de l' option israélienne du " Le Liban d'abord " et de ses différentes variantes .La Syrie dispose des moyens nécessaires pour empêcher le Liban de s' engager dans une négociation séparée avec Israël et mettra toute l' énergie nécessaire afin que le règlement du problème libanais soit partie d' un accord global syro-israélien .En l'absence de progrès dans les négociations entre Damas et Tel-Aviv, la stratégie syrienne consistera à maintenir une pression constante, quoique limitée, sur Israël, à travers son soutien conditionnel au Hezbollah et autres groupes de résistance, mais toujours en évitant d' exposer les forces armées ou le territoire syriens .

  [Present_SN] Il existe deux éventualités, quoique peu probables, qui pourraient bouleverser cette situation .La première est celle d' un retrait unilatéral des forces israéliennes du Liban - en application de la résolution 425 du Conseil de sécurité des Nations unies - avec menace de représailles massives en cas de attaques en territoire israélien .L' autre possibilité serait une escalade de la violence entre les forces israéliennes et le Hezbollah qui pourrait amener Israël à lancer une attaque de large envergure contre le Liban et contre des cibles syriennes .Dans ces deux cas de figure, la Syrie se retrouverait dans une situation embarrassante .Elle pourrait difficilement dénoncer un retrait israélien du Liban-sud mais, dans le même temps, elle deviendrait de facto responsable de la sécurité de la frontière nord d' Israël sans avoir en contrepartie gagné l' engagement d' un retrait israélien du Golan .Damas pourrait être tentée de faire avorter une telle manoeuvre israélienne en encourageant le Hezbollah à intensifier ses activités .Une initiative de ce type serait néanmoins pleine de risques, dans la mesure où Damas serait condamnée par la communauté internationale pour avoir fait échouer une démarche de paix .Sans oublier qu' une intensification de les activités de le Hezbollah finirait par provoquer une escalade généralisée avec cette fois de les raids israéliens contre des cibles syriennes . Damas pourrait difficilement s' abstenir de riposter au cas où ses troupes seraient attaquées, mais elle n' est pas sans ignorer les lourdes pertes que cela lui coûterait .

  [Il..._SN] En réalité, il est peu probable que le gouvernement Netanyahou veuille appliquer la résolution 425 en se retirant unilatéralement et sans conditions du Liban-sud .Sa proposition " Le Liban d'abord " visait à parvenir à un règlement sur le front libanais assorti de garanties syriennes .Dans le même temps, Damas a tout intérêt à éviter une escalade incontrôlable au Liban-sud et considère que le Comité de surveillance du cessez-le-feu remplit parfaitement cette mission en contenant le conflit dans ses limites propres .Une guerre ouverte conduirait à une défaite syrienne .Israël réussira sans aucun doute à bouter la Syrie hors du Liban, mais elle devra dans le même temps renoncer à son projet de normalisation de ses relations avec l' ensemble du monde arabe pour une décennie, ou plus encore, et prendre le risque de s' exposer à des attaques à l' intérieur même de son territoire et peut-être aussi à une guerre d' usure sur les deux fronts, libanais et syrien .Par conséquent, les deux parties israélienne et syrienne n' ont aucun intérêt à laisser se développer un tel scénario .

Sur le plan de la situation interne au Liban, l' impasse actuelle de le processus ne peut que renforcer la détermination de la Syrie à maintenir la forme de stabilité très spécifique qu' elle a contribuée à asseoir dans ce pays .Cela se traduit par un soutien actif au gouvernement libanais dans ses efforts pour développer son appareil de sécurité et pour imposer d'une main de fer l' ordre public et la sécurité interne dans les régions sous son contrôle effectif ; cela exclut la zone de sécurité occupée par Israël et certaines zones de combat périphériques .Mais le type même de stabilité que Damas cherche à promouvoir à le Liban y limite singulièrement les perspectives de changements politiques .Le régime syrien préfère collaborer avec le même groupe de personnes sur le long terme ; il n' a aucun intérêt à encourager une alternance au niveau de le pouvoir libanais et veillera à maintenir l' équilibre actuel entre les principaux piliers de la coalition gouvernementale .Les élections législatives de 1996 ont illustré clairement cette stratégie de maintien du système en place .   [Present] Il y a certes eu de " vraies " élections dans la mesure où il existait une large marge de compétition et de choix possibles .Néanmoins, l' influence syrienne a joué un rôle décisif, et parfois ouvertement, dans la finalisation des listes électorales dans les zones sensibles de manière à y garantir une place pour toutes les forces proches du régime issu de Taëf, tout en maintenant un savant équilibre entre les différents candidats .De la même manière, un deuxième renouvellement du mandat du président Hraoui n' est pas à exclure .Dans le même temps, Damas se gardera d' intervenir dans la définition de la politique économique et sociale au Liban, à la seule condition que la main-d'oeuvre et les produits syriens soient épargnés par les mesures de nature protectionniste que le gouvernement libanais jugera bon de prendre .La Syrie a tout intérêt à ce que le processus de reconstruction aboutisse en raison à la fois des opportunités de travail que ce marché pourrait offrir aux chômeurs en Syrie et, à plus long terme, de la contribution libanaise à la modernisation de l' économie syrienne .Bien que certains Syriens considèrent le Liban un peu comme le Hong-Kong de la Syrie, l' objectif de Damas n' est pas de réaliser une union politique avec ce pays et encore moins de l' annexer .L' une des raisons principales à cela et non de les moindres est qu' une telle initiative contribuerait à bouleverser tant l' équilibre régional que la situation intérieure des deux pays - des risques que le régime syrien cherche à tout prix à éviter .

Les implications internes

Bien que la prolongation pour une période indéfinie de cette situation de " ni guerre, ni paix " convienne à la majeure partie de l' establishment syrien, elle n' augure rien de bon à moyen et long termes pour les perspectives de développement du pays .En effet, cette situation ne peut que favoriser l' immobilisme sur le plan interne à un moment où la Syrie devrait s' engager dans des réformes politiques et économiques vitales pour affronter les défis de la prochaine décennie et au-delà .Dans la prochaine décennie, l' économie syrienne devra chaque année gérer quelque 200 000 à 250 000 nouveaux arrivés sur le marché de l' emploi ( actuellement, celui -ci ne peut en absorber que la moitié ) ; cela dans un contexte de baisse des revenus pétroliers, d' un épuisement probable des réserves pétrolières, d' une sévère crise de la balance des paiements - à moins de attirer les investisseurs étrangers et de renforcer la flexibilité et la compétitivité des industries de production syriennes - et enfin dans un contexte de risques d' une paupérisation accrue .Afin de faire face à l' ensemble de ces défis, la Syrie devra relancer et accélérer le train de réformes économiques timidement entreprises à la fin de les années 80 et au début de les années 90 mais qui a évité de s' attaquer aux enjeux les plus sensibles tels que la privatisation des banques, le développement du marché boursier, ainsi que la libéralisation des investissements commerciaux et industriels .La Syrie devra en outre développer ses ressources humaines - ses étudiants, ses technocrates, sa main-d'oeuvre en général, ainsi que ses élites intellectuelle, administrative et bureaucratique .Enfin, dans le but de créer un environnement propice aux investisseurs locaux et internationaux, la Syrie devra également se conformer aux règles d' un État de droit, avec un gouvernement responsable et un système juridique fiable .

Toutefois, la prolongation du rapport de forces existant sur les plans interne et externe - l' absence de progrès dans les négociations et le maintien de le pouvoir actuel - n' incitera pas le régime syrien à prendre les décisions nécessaires pour accélérer les réformes économiques et encore moins politiques .D'abord, la configuration politique interne n' est pas de nature à y encourager les forces en faveur de un changement .La marge de manoeuvre de ceux qui militent pour des réformes en profondeur est limitée ; toute initiative dans ce sens menacerait les intérêts et les privilèges de larges secteurs de la base de soutien au régime .   [On..._SP] On ne peut non plus compter sur des soulèvements de nature politique ou sociale .La Syrie est pratiquement devenue un État dépourvu d' opposition ( sérieuse ) ; la situation économique connaît une amélioration certaine comparée aux années 80 et le régime sera probablement en mesure de prévenir toute crise d' envergure dans les prochaines années - en cas de urgence, l' Arabie Saoudite et le Koweit restent toujours disposés à apporter leur aide .Le Président lui -même a gagné en popularité du fait de sa capacité à stabiliser le pays et à gérer au mieux le processus de paix comme les relations de la Syrie avec le reste des pays arabes .

Deuxièmement, les décisions fondamentales de nature à provoquer l' opposition d' une grande partie de la bureaucratie ou d'autres piliers du régime ne peuvent être prises que par le sommet, c' est-à-dire par le Président lui -même .Cependant, pour Hafez al-Assad, la politique économique reste secondaire, à moins de avoir une incidence ou un lien directs avec la sécurité de l' État ou du régime . Le président syrien est peut-être conscient du besoin impérieux de réformes dans son pays, mais il n' entreprendra rien qui puisse mécontenter la principale base de soutien à son régime tant que le processus de paix n' aura pas abouti .Le régime syrien est convaincu, semble -t-il, qu' aussi longtemps que l' éventualité d' une guerre contre Israël n' est pas totalement écartée, il serait très mal avisé de démanteler les fondements de l' économie étatiste, tel le secteur de l' industrie publique, et ce, quels que soient ses dysfonctionnements propres .Hormis quelques mesures de changement purement formelles, le régime se gardera bien d' engager le pays sur la voie de réformes d' ordre structurel susceptibles de provoquer un mouvement de mécontentement social ou de favoriser l' émergence de centres de pouvoir économiques autonomes - comme cela pourrait être le cas avec une privatisation massive ou avec l' établissement d' un secteur bancaire privé .

Troisièmement, la nature et la structure du pouvoir en Syrie ne changeront pas tant que persistera la menace d' une confrontation militaire .Le pluralisme contrôlé permet à certains réformateurs à l'intérieur de le régime et aux milieux d' affaires de faire entendre leur voix .Mais aucune véritable mesure de libéralisation politique - telle que l' autorisation de créer 0 des partis politiques indépendants de le Front national progressiste dirigé par le Ba'th , une compétition électorale entre ces partis ou une presse indépendante - ne sera envisagée ou tolérée tant que les conditions régionales exigeront de la Syrie qu' elle serre les rangs " .Enfin, le président Assad ne modifiera pas la composition de l' équipe au pouvoir sans la perspective de résultats positifs concrets au niveau de le processus de paix .Certains des fidèles du président Assad ont atteint l' âge de la retraite et sont sur le point d' être remplacés .Une nouvelle génération d' officiers de l' armée et de les services de sécurité ont été formés pour prendre la relève .Les personnalités-clefs telles que Abdel-Halim Khaddam , Hikmat al-Shihabi , Mustafa Tlas et quelques autres conserveront néanmoins leurs fonctions ne serait -ce que pour aider le président syrien à gérer le processus de paix .Cela est d' autant plus probable que ce processus est aujourd'hui extrêmement précaire .des personnalités plus jeunes, telles que l' ambassadeur de Syrie à Washington , continueront à mener l' essentiel de les négociations mais le rôle de la vieille équipe à le pouvoir formée de militaires d' expérience et de confiance , ainsi que de " gesti restera indispensable pour gérer les véritables défis : soit la finalisation et le succès des négociations, soit, dans le pire des cas, l' effondrement de celles -ci menant à la confrontation militaire .

L' ensemble de ces facteurs vont dans le sens de la continuité ; ils contribuent également à rendre la Syrie fiable et permettent à ses partenaires comme à ses adversaires de calculer et de prévoir l' attitude de ses dirigeants .Cela est important pour une issue heureuse au processus de paix .Dans le même temps et paradoxalement, cet état de choses favorise l' immobilisme qui caractérise la vie politique en Syrie, la peur du changement, et augmente les risques de se retrouver loin derrière les autres acteurs régionaux qui ont d'ores et déjà commencé à se préparer pour intégrer la nouvelle division du travail au Moyen-Orient .

Le scénario de la paix : en cas de accord syro-israélien ...

La Syrie a réitéré à maintes reprises et de façon explicite sa volonté de reprendre les négociations avec Israël .des discussions sérieuses - et non pas le type de négociations purement formelles qui ont dominé la période allant de Madrid à la défaite de le gouvernement Shamir - ne sauraient cependant être envisagées sans un changement de majorité en Israël ou, perspective plus improbable, sans un revirement dans la stratégie du gouvernement de Netanyahou vis-à-vis de la Syrie et d' un éventuel retrait du Golan .Dans les deux cas, les négociations ne reprendront pas nécessairement " là où elles ont été suspendues " ( comme le réclame officiellement la Syrie ), mais plus vraisemblablement sur la base de un accord de principe selon lequel l' objectif du processus est de parvenir à une " paix totale " en échange d' un " retrait total " .À cet égard, la formule de Itzhak Rabin " la profondeur de le retrait sera proportionnelle à la profondeur de la paix " est aujourd'hui perçue par des responsables au sein de les services de sécurité en Syrie comme un principe rationnel et opérationnel .   [Il..._SP] Si les deux parties en manifestaient une égale volonté politique, il ne faudrait pas plus d' un an, et peut-être moins encore, pour parvenir à un règlement .Celui -ci comprendra sans aucun doute des arrangements de sécurité, tels que les dispositions concernant la présence de forces internationales sur les hauteurs du Golan ; un calendrier fixant les étapes du retrait israélien ( militaires et colons compris ) ; le principe de la normalisation des relations ; et un compromis sur la définition des frontières qui permettra à la Syrie de récupérer la majeure partie des territoires à l' ouest de ladite " frontière internationale " de 1923 ( qui correspond à la frontière séparant les territoires sous mandat britannique et françai)Parallèlement à la phase finale des négociations syro-israéliennes, les deux parties mettront au point les arrangements concernant spécifiquement le Liban .Ceux -ci, quoique négociés officiellement entre les deux délégations libanaise et israélienne, définiront les termes d' un accord de paix et d' un retrait israélien de la zone de sécurité au Liban-sud, les modalités du désarmement du Hezbollah et de la mi

L' environnement régional et international

Une percée significative dans les négociations de paix syro-israéliennes ouvrirait la voie à une normalisation entre l' État hébreu et le monde arabe dans son ensemble .L' impossibilité pour Israël d' établir 0 des liens avec les États arabes plus périphériques tant que il n' a satisfait pas à les revendications territoriales de la Syrie constitue en fait l'un des atouts-clefs de Damas dans le cadre de négociations futures avec Tel-Aviv .   [Il..._SN] Même en cas de paix, il ne faut pas escompter un développement significatif des relations économiques et sociales entre ces deux États qui, en tout état de cause, resteront tributaires de la lutte d' influence et de prééminence régionale qui continuera pendant un temps encore à les opposer .La Syrie mettra donc en garde les autres États arabes, et notamment les pays du CCG ( Conseil de coopération du Golfe ), contre une normalisation trop hâtive avec Israël .Néanmoins, avec la restitution de ses territoires, Damas perdra l'un de ses principaux moyens de pression sur les États arabes du Golfe qui, sans pour autant lui retirer leur soutien, ne se sentiront plus redevables à la Syrie qui a toujours su monnayer sa position dans le conflit israélo-arabe .au contraire, les États du CCG seront même en mesure de exiger de la Syrie en contrepartie qu' elle soutienne sans ambiguïté leur politique et leurs intérêts dans la région .Plutôt que de continuer à lui apporter une aide financière, ils rechercheront les opportunités d' investissement, poussant ainsi la Syrie à créer un environnement économique plus favorable .

Dans un contexte de paix, la Syrie demeurera un acteur central au Moyen-Orient comme au sein de la Ligue arabe .N' étant plus soumise à la menace directe d' une guerre avec Israël, elle verra sa sécurité renforcée et son intégrité territoriale rétablie .Ses relations avec la Jordanie et l' OLP connaîtront une amélioration sensible dans la mesure où les sources de tension avec ces deux acteurs régionaux étaient causées par les divergences autour de le processus de paix .   [Autre_SP] Quant à ses liens avec l' Égypte et le CCG, tout porte à croire qu' ils demeureront solides .Washington honorera la signature d' un traité de paix syro-israélien en rayant la Syrie de la liste des pays " soutenant le terrorisme ", en lui apportant une aide économique limitée et en n' opposant plus son veto aux programmes de la Banque mondiale .L' Europe, enfin , effacera sans doute une grande partie de la dette syrienne .

Dans le même temps, la Syrie verra son importance stratégique se réduire .Elle sera peut-être enfin considérée par l' Occident comme un pays ami mais perdra en contrepartie son statut d' acteur essentiel .Bruxelles, par exemple , continuera à insister sur le rôle de la Syrie en tant que partenaire à part entière dans le cadre de le projet euro - méditerranéen, mais aucun traitement privilégié ne lui sera concédé au cas où elle refuserait de se conformer aux mêmes conditions que les autres pays arabes ( application graduelle du libre-échange, introduction d' un régime d' État de droit, etc . ) .   [On...] On peut également supposer que les pressions politiques sur la Syrie se renforceront, notamment de la part de les États-Unis, pour un retrait ou un redéploiement significatif de ses troupes au Liban une fois le Hezbollah désarmé .

Le Liban

Un accord de paix syro-israélien ne fera sans doute aucune référence explicite au Liban .Israël acceptera, selon toute vraisemblance, un maintien des troupes syriennes dans ce pays pour une période intérimaire, afin de s' assurer du désarmement effectif du Hezbollah et des autres groupes de résistance .Néanmoins, sur le moyen et long termes, la Syrie sera forcée d' adopter un profil plus bas au Liban, non pas tant suite à des pressions israéliennes ou occidentales - qui irriteront certes Damas mais auxquelles elle saura résister - que pour des raisons inhérentes aux évolutions internes propres à la Syrie et au Liban .L' impératif purement stratégique pour Damas de maintenir 0 des positions militaires avancées au pays de le Cèdre faiblira une fois que les troupes israéliennes auront évacué le Liban-sud .Sans la supprimer complètement, un accord de paix réduira de façon significative la menace d' une attaque sur la Syrie à partir de le territoire libanais et particulièrement de la Békaa .En outre, un retrait israélien et le désarmement du Hezbollah contribueront à renforcer la stabilité interne au Liban .   [Present] Il y aura donc d' autant moins de raisons pour les troupes syriennes de remplir le rôle de forces de police .

Le régime syrien est également conscient du fait que l' opposition à la tutelle syrienne ira croissant une fois le Liban débarrassé de l' occupation israélienne .Il procédera sans doute à une révision " rationnelle " de sa politique libanaise .Par la suite, le degré d' interférence de la Syrie dans les affaires intérieures de son petit voisin dépendra, en large partie, de la capacité des hommes politiques libanais à rompre avec cette tradition historique consistant à entraîner de façon active les acteurs extérieurs dans leurs conflits internes .ils ils réussissaient à se prendre en main et à résoudre les problèmes politiques et sociaux de leur pays sans " assistance " étrangère, on pourrait s' attendre à ce que le redéploiement, sans cesse reporté, des troupes syriennes ait enfin lieu dans un contexte de " réduction graduelle " de la domination politique de Damas sur le Liban .La réduction graduelle signifie que la Syrie veillera à maintenir une certaine influence sur les affaires politiques et de sécurité de ce pays, principalement en plaçant des hommes de confiance aux postes les plus sensibles au sein de l' armée libanaise et du Deuxième Bureau, en soutenant des forces politiques ayant fait la preuve de leur loyauté envers Damas et enfin en opposant son veto à l' ascension " politique de personnes connues pour lui être ouvertement hostiles et qui brigueraient des postes gouvernementaux haut placés .De plus, la série d' accords conclus entre les deux États et qui couvrent tous les domaines de la coopération ( tels que la sécurité , le commerce , le travail , l' agriculture , la santé et le partage des eaux de l' Oronte ) garantira la pérennité des intérêts de la Syrie au Liban et préservera le caractère privilégié de ses relations avec ce pays même avec la fin de son système de tutelle actuel .Néanmoins, une réduction plus hâtive et même désordonnée de la présence et de l' influence syriennes n' est pas à exclure au cas où se produirait un changement de régime brutal à Damas .

Paix et stabilité interne

Contrairement à les affirmations de certains observateurs, le président Assad n' a plus besoin de maintenir le pays dans un état de guerre pour des raisons de légitimité interne .Son régime jouit d' une popularité plus grande aujourd'hui qu' il y a dix ou quinze ans .Sa gestion du processus de paix - en engageant son pays sur la voie de la paix régionale mais sans y s' précipiter tête baissée - semble recueillir l' assentiment des partisans du pouvoir comme de ses opposants .La perspective d' une paix avec Israël a dès le départ été présentée à l' opinion publique comme " la paix des braves " et surtout pas comme une mise au rabais des aspirations nationales du peuple syrien .

La concrétisation de la paix entre les deux États conduira certainement à des évolutions significatives sur la scène politique syrienne .En tout premier lieu, le président Assad devra procéder à des changements de personnes au sein de son équipe .Cela ne soulèvera pas trop de difficultés dans la mesure où ses vieux fidèles seront d'ici là complètement exténués et probablement soulagés de prendre une retraite bien méritée .Le sentiment d' un grand nombre au sein de l' establishment syrien est que cette équipe aura fait son temps au moment où le Golan sera libéré .Le Président lui -même ne se retirera sans doute pas de la vie politique, mais s' appliquera à promouvoir à des postes de responsabilité des éléments plus jeunes, notamment parmi les officiers supérieurs travaillant en étroite coopération avec son fils et quelques technocrates " modernistes " ayant une expérience du secteur privé .Deuxièmement, une fois le traité de paix conclu ( et probablement avant qu' il ne soit ratifié par le Parlement ), Hafez al-Assad cherchera à se rallier le soutien officiel des institutions plus traditionnelles du régime, à savoir le parti Ba'th et le Front national progressiste .   [Il..._SN] Il est quasi certain qu' une conférence générale du Ba'th aura lieu, afin de intégrer en son sein la jeune génération de dirigeants et avaliser l' accord de paix .Cela ne pourra se faire sans procéder à certains amendements dans les statuts et les principes du parti, très marqués par les références à l' éternel conflit avec l' entité sioniste, et ouvrira ainsi la voie à une libéralisation significative du système politique .Cela est d' autant plus probable que, jusque-là, les rigidités du système ont été justifiées par la permanence de l' état de guerre .La primauté de la confrontation avec Israël et l' impératif de serrer les rangs pour y faire face font partie des arguments légitimant le maintien de la loi d'urgence et la restriction des activités politiques au seul et unique Front national progressiste .Nombreux sont ceux qui, en Syrie, s' attendent à ce que la paix avec Israël conduise à l' instauration d' un régime plus ouvert, plus libéral et même démocratique .Ces attentes sont, nous semble -t-il, quelque peu exagérées .   [Present] Aussi longtemps que le président Assad tiendra les rênes du pays, il n' y aura pas d' auto-dissolution du régimerégimePlus vraisemblablement, quelques mesures seront prises dans le sens de un renforcement du processus de pluralisme contrôlé lancé par le régime dans la première moitié des années 90 .Le modèle à suivre en l'occurrence sera probablement celui de l' Égypte - et non pas celui de la Turquie, comme le souhaiteraient certains libéraux en Syrie -, c' est-à-dire un régime aux structures encore fondamentalement autoritaires mais qui introduirait une certaine dose de pluralisme et quelques rudiments de base d' un État de droit, ce qui le rendrait plus " fréquentable " sur la scène internationale .Troisièmement, le régime entreprendra d' accélérer le train des réformes économiques .L' argument sécuritaire justifiant le maintien d' un secteur public pléthorique ne jouera plus avec la fin de l' état de guerre .Une privatisation sélective sera discutée et certains des dossiers clefs qui ne peuvent être tranchés que par le haut, comme l' établissement d' un marché financier, finiront par attirer l' attention du Président lui -même .De plus, un accord de paix syro-israélien, loin de engendrer un " Nouveau Moyen-Orient " intégré , créera nécessairement de nouvelles formes de compétition entre les économies régionales .Dans la mesure où la paix renforcera la stabilité de la région, les investisseurs internationaux commenceront à songer sérieusement à y placer leurs capitaux, et les acteurs régionaux entreront en compétition pour attirer ces investisseurs potentiels .La Syrie, comme d'autres , devra déployer de véritables efforts pour moderniser et ouvrir son économie afin de créer un environnement plus attractif pour les milieux d' affaires .   [Cliv_SN] Ce sont les facteurs politiques internes qui détermineront la rapidité et l' efficacité avec lesquelles la Syrie répondra à ces pressions structurelles .Un changement qualitatif, quoique limité, au niveau de le personnel compétent, lui permettra de relever ces défis .   [Il...] Il est significatif de constater qu' au sein de l' élite politico-intellectuelle syrienne, les partisans de la libéralisation économique comme ses opposants se rejoignent pour établir un lien très clair entre la " paix régionale " et " la réforme interne " .

Toute initiative dans le sens du changement se heurtera à certaines résistances .   [Present_SN] Il y aura des divergences d' opinion au sein de le parti Ba'th, de la machine bureaucratique et des syndicats .   [Present] Au niveau de l' appareil de sécurité, il n' y aura vraisemblablement pas d' opposition significative .Les militaires auront leur mot à dire dans la phase finale des négociations et ils considéreront le traité de paix comme étant en grande partie le leur ; par ailleurs, nombreux sont ceux qui, au sein de les services de sécurité, ont pris la mesure de l' urgente nécessité de réformer le système politique et l' économie en Syrie .Dans le même temps, Hafez al-Assad fera en sorte de protéger les intérêts corporatistes de l' appareil de sécurité .Dans ce contexte, il ne fait pas de doute que le président syrien réussira à passer outre aux oppositions émanant de la base de pouvoir traditionnelle du régime .

  [Il..._SN] Quant à l' État hébreu - et contrairement à ce que pensent certains Israéliens -, il lui sera plus facile, et probablement moins risqué, de faire la paixpaixLe régime qui succédera à celui de Hafez al-Assad sera, quel qu' il soit, moins stable .Il devra en premier lieu faire la preuve de sa légitimité nationaliste à travers une surenchère dans la rhétorique populiste et ne sera de ce fait certainement pas disposé à faire davantage de concessions sur le dossier des négociations avec Israël .Les conditions syriennes pour la paix resteront donc grosso modo les mêmes .Le président Assad et la signature qu' il apposera à le bas d' un traité de paix garantiraient - dans la mesure où il existe des " garanties " en politique internationale - ce que tout autre successeur serait incapable de faire : à savoir la pérennité d' un accord et son respect même en cas de changement de régime, ainsi que la bonne mise en oeuvre de toutes les dispositions concernant la normalisation et les arrangements de sécurité .

Le facteur " Assad " : quelques mots sur l' enjeu de la succession ...

Dans la mesure où le régime syrien est fortement personnalisé, un changement au sommet pourrait bien bouleverser l' équilibre interne et tout au moins ouvrir une ère nouvelle pour la Syrie en y modifiant l' ordre des priorités politiques .Le régime qui succédera à celui -ci sera, selon toute probabilité, plus libéral et donnera la priorité aux réformes politiques et sociales plutôt que aux questions de politique régionale .Le successeur de Hafez al-Assad sera moins expérimenté que l' homme qui a présidé aux destinées de la Syrie depuis 1970 .   [Il..._SN] Il lui sera extrêmement difficile de maintenir le rôle que la Syrie a réussi à jouer pendant un quart de siècle au Moyen-Orient et cherchera de ce fait à " comprimer " sa politique régionale .La façon la plus aisée de y s' prendre est de limiter l' engagement politique et militaire au Liban - en cantonnant les forces syriennes dans une mission sécuritaire et en se désengageant de la vie politique interne du Liban - ou même d' y mettre un terme .La Syrie ne pourra plus en tout état de cause exercer le même droit de regard sur les affaires intérieures libanaises .Néanmoins, cela n' empêchera pas le développement des relations syro-libanaises, plus particulièrement dans le domaine de la coopération économique et technique .

Ces prévisions se basent sur l' hypothèse selon laquelle l' arrivée au pouvoir du successeur de Hafez al-Assad ( à la suite de le décès de ce dernier ou, moins vraisemblablement, de son renversement ou de sa propre démission ) se déroulera sans graves troubles internes ou régionaux .La pseudo-question de la succession en Syrie a été débattue pendant plus d' une décennie et demeure l' objet des spéculations les plus diverses .L' enjeu central du débat porte sur la manière dont la succession aura effectivement lieu .Deux scénarios s' affrontent . s' affrontent .Le premier affirme que la mort du Président fera immanquablement basculer la Syrie dans l' anarchie, les conflits interconfessionnels et même dans une longue guerre civile avec les risques d' éclatement du pays en mini-États communautaires .Selon ce même scénario, l' installation d' une situation d' anarchie en Syrie conduirait vraisemblablement à un départ précipité et même désordonné des troupes syriennes du Liban .Selon que le pouvoir central réussisse ou non à conserver le contrôle de ses troupes, celles -ci soit seront acheminées pour reprendre en main la capitale ou d'autres parties du territoire syrien, soit refuseront de se soumettre et tenteront de s' emparer de toute parcelle d' autorité ou de territoire qui sera à leur portée .Même si la Syrie ne devait pas se désintégrer en de petites entités ou tomber dans un scénario à la libanaise et même si l' autorité du pouvoir central devrait être rétablie à l'issue de la guerre civile, l' État syrien serait de toute manière considérablement affaibli comparé à aujourd'hui, se rapprochant davantage de la Syrie des années 50 que de l' acteur-clef qu' il était devenu au Moyen-Orient sous Hafez al-Assad .

Bien que l' on ne puisse pas écarter complètement le scénario de l' anarchie, il est loin de être le plus réaliste, ou même le plus honnête intellectuellement .Il exprime, au moins en partie, une forme de " wishful thinking " de la part de ceux qui le défendent .

Le scénario alternatif - que l' auteur considère comme le plus plausible - part de l' hypothèse selon laquelle l' État syrien sera tout à fait capable de faire face à la fois à la mort du Président et à un changement de régime . encore Ni les affrontements interconfessionnels, ni une situation d' anarchie, ni moins encore la_NEW_ la guerre civile ne constituent des options sérieuses et cela pour de nombreuses raisons .La plus importante est que la légitimité de l' État n' est plus remise en cause aujourd'hui - comme c' était le cas dans les années 50 et 60 - et un sentiment d' appartenance nationale s' est développé dans l' ensemble du pays .Toutes les composantes ou presque de la société syrienne, la bourgeoisie et l' appareil de sécurité inclus , ont intérêt au maintien de l' État, de sa stabilité et, autant que possible, de son poids régional .La quasi-situation de guerre civile qui a prévalu de 1979 à 1982 constitue une expérience qu' aucun des plus importants acteurs sociétaux ne souhaiterait revivre .L' intérêt général à éviter toute forme de déstabilisation est tel que l' on ne saurait exclure, dans le cas de une vacance du pouvoir présidentiel, que les institutions de l' État jouent pleinement leur rôle .Ainsi, dans le but de prévenir les risques de chaos, les responsables militaires et de la sécurité respecteraient les dispositions constitutionnelles réglant le problème de la succession, comme ce fut le cas en Égypte lorsque Anouar al-Sadate succéda à Gamal Abdel Nasser .   [Present] À la différence des années 60, il n' existe plus aujourd'hui un corps d' officiers hautement politisé dont l' objectif serait de bouleverser les structures socioéconomiques existantes .L' appareil sécuritaire s' est transformé en une force conservatrice, capable de préserver à la fois ses intérêts corporatistes et les structures sociétales actuelles .De plus, l' armée syrienne a démontré jusque-là un degré de cohésion interne certain .Au cas où les officiers de l' armée viendraient à douter de la capacité d' un régime civil post-Assad à remplir son rôle, ils auraient probablement recours à une prise de pouvoir militaire .   [On...] De même, on ne saurait sous-estimer la capacité des différentes branches des services de sécuritésécuritéEn dépit de leurs divergences d' intérêt dans d'autres domaines, les principaux " barons " de la sécurité en Syrie voudront coûte que coûte conserver le contrôle de la rue et sauront parfaitement s' y prendre .

  [Interro] Même parmi ceux qui estiment une transition relativement douce du pouvoir syrien actuel plus probable que le scénario du chaos, il existe 0 des différences sur l' identité même de le successeur de Hafez al-Assad : serait -ce, avec l' accord tacite ou explicite des forces de sécurité, un autre officier alaouite, peut-être même le fils du président, Bachar, ou alors un responsable politique ou militaire sunnite ?Toutes les réponses restent spéculatives .Et bien que la question de savoir qui sera aux commandes en Syrie soit d' une grande importance, l' avenir de ce pays - de son évolution interne comme de son poids régional - ne dépend ni de l' enjeu confessionnel ( si le prochain président est alaouite ou sunnite ), ni de la nature et de la forme de la succession au pouvoir actuel, " dynastique " ( au cas où Bachar al-Assad succéderait à son père ) ou plus républicain .   [Il..._SP] Il faudrait plutôt s' interroger sur la future élite politico-administrative qui sera en charge des affaires du pays .Pour gérer efficacement les défis internes et régionaux à moyen terme, la Syrie devra se doter de dirigeants politiques et administratifs ( à tous les échelons du pouvoir et pas seulement au sommet ) dont la vision du monde soit radicalement différente de celle de la classe politique actuelle .Cette nouvelle élite devra adopter une approche qualitativement différente de l' État, de l' économie et de la notion de sécurité nationale : elle devra penser en termes de citoyenneté plutôt que en termes de contrôle, en termes de compétence plutôt que de favoritisme et enfin en termes de sécurité mutuelle plutôt que de équilibres à somme nulle .

L' Europe et la Syrie : assister pour réformer

L' Europe a un intérêt réel à établir une relation de partenariat solide avec la Syrie et à l' intégrer dans une architecture de sécurité euro - méditerranéenne .Le but de cette étude n' est pas de fournir une liste de prescriptions à l' intention des responsables européens .Seules quelques suggestions sont proposées sur les principes qui, selon l' auteur et à la lumière de les scénarios décrits plus haut, devraient guider les politiques européennes vis-à-vis de la Syrie .

Le processus de paix syro-israélien

L' UE et certains États européens pris individuellement ne pourront jouer qu' un rôle très limité dans le processus de négociations entre Israël et la Syrie .La Syrie, tout comme le Liban et les Palestiniens , fait peut-être davantage confiance à l' UE qu' aux États-Unis .Mais, connaissant les limites des pressions que l' Europe est en mesure de exercer efficacement sur l' État hébreu, ils continueront à solliciter la médiation américaine lorsqu' ils estimeront qu' une intervention extérieure de poids est nécessaire pour finaliser un accord .La politique méditerranéenne de l' Europe peut néanmoins apporter une contribution spécifique au processus de paix, en fournissant notamment le cadre d' un dialogue permanent même quand les négociations directes sont dans l' impasse .   [Il..._SN] Afin de corriger cette perception d' un Occident globalement plus favorable à l' État hébreu, il est tout aussi important que l' Europe maintienne fermement ses positions de principe soutenant une paix globale qui garantirait à la fois la sécurité d' Israël, le droit des Palestiniens à l' autodétermination et le rétablissement de l' intégrité territoriale de la Syrie et du Liban .L' Europe devrait exprimer très clairement sa volonté d' apporter un soutien financier et technique à un éventuel accord de paix ( y compris l' engagement de troupes de certains États européens ou l' envoi d' un contingent européen dans le cadre de forces de maintien de la paix dans le Golan ou au Liban-sud, au cas où les pays concernés le souhaiteraient ) .Dans le même temps, l' UE devrait tenter de faire entendre aux Israéliens que, s' ils désirent réellement parvenir à un règlement satisfaisant avec la Syrie, ils seraient beaucoup plus avisés de négocier aujourd'hui avec Hafez al-Assad plutôt que de attendre ses successeurs éventuels .

La position régionale de la Syrie

La politique méditerranéenne de l' Europe et les relations bilatérales syro-européennes constituent un élément fondamental de la nouvelle configuration régionale au Moyen-Orient de l' après-paix .Ces deux facteurs alimentent les attentes de la Syrie ( comme celles d'autres pays ) sur ce que sera et à quoi ressemblera l' environnement régional au lendemain d' un règlement du conflit israélo-arabe .De ce fait, en traitant la Syrie comme la pierre angulaire du partenariat euro - méditerranéen, l' UE peut et devrait s' employer à calmer les craintes syriennes d' une marginalisation dans le cadre de un " Nouveau Moyen-Orient ", selon l' idée chère à Shimon Pérès et à rassurer la Syrie sur l' importance du rôle qu' elle sera amenée à jouer dans la nouvelle division régionale du travail en période de paix .

La Syrie et le Liban

L' un des principes directeurs de la politique européenne devrait être de traiter avec le Liban comme avec une entité autonome et indépendante - et non point comme une annexe de la Syrie .L' Europe ne peut et ne doit pas consentir à ce que Damas exerce un droit de regard sur les relations libano-européennes .L' Europe doit également être très claire sur le fait qu' elle considère la présence militaire syrienne au Liban comme légitime mais provisoire - et légitime seulement dans la mesure où elle demeure provisoire et dans le cadre défini par les accords de Taëf .

L' évolution interne en Syrie

La politique de l' Europe à l'égard de la Syrie devrait concentrer ses efforts pour aider ce pays à s' adapter à un environnement régional en mutation .La Syrie n' est pas un État pauvre et l' aide financière européenne dont elle bénéficie, bien que appréciée, n' atteindra jamais ni le niveau ni l' adéquation de l' aide en provenance de les pays arabes du Golfe .Là où l' Europe est mieux équipée que les riches alliés pétroliers de la Syrie, c' est au niveau de l' aide qu' elle peut apporter pour lui permettre de développer son système légal et institutionnel, son infrastructure éducative et, surtout, ses ressources humaines ( dans le secteur privé comme dans l' administration publique ) afin



TITRE : Le Liban et le couple syro-libanais dans le processus de paix Horizons incertains

AUTEUR : Joseph Bahout*

  [On...] On a trop souvent tendance à oublier que l' accord de Taëf - mettant fin à la guerre du Liban - comprenait presque sur pied d' égalité deux volets consacrés à l' interne et à l' externe ; tandis que le premier incluait un ensemble de réaménagements de l' édifice institutionnel et politique, le second était consacré à la souveraineté libanaise avec, pour partie principale, les lignes directrices des futures relations libano-syriennes .   [On...] On a aussi trop tendance à oublier que c' est au moment où ces mêmes accords de Taëf devenaient effectifs qu' un nouvel ordre stratégico-politique s' ébauchait au Moyen-Orient dans la foulée de la deuxième guerre du Golfe et que c' est, surtout, à ce même moment que s' annonçaient les voies du processus de paix entamé quelque temps plus tard à Madrid .Cet enchaînement faisait d'ailleurs un bien curieux écho à quantité d' analyses averties, récurrentes dans les milieux libanais depuis 1975, ainsi que à des certitudes populaires bien ancrées, selon lesquelles il ne saurait y avoir de solution au conflit libanais sans solution durable de la question israélo-arabe .

  [Il...] Si les causalités sont loin de être aussi directes - et les déterminismes aussi simples - entre les deux dossiers belligènes, il n' en demeure pas moins frappant qu' à l'heure où le processus de paix semble durablement enlisé, la question d' un avenir viable pour le Liban peut être à nouveau légitimement posée aujourd'hui .Dans un premier temps, par sa structure à deux étages, l' accord de Taëf faisait de la Syrie le garant principal de l' application des réformes et y liait ainsi en partie sa présence dans ce pays .Dans un deuxième temps, et par le fait d' évolutions régionales et plus proprement libanaises qu' il n' y a pas lieu de rappeler ici, la Syrie faisait passer son rôle libanais à un stade supérieur, devenant un acteur interne de la vie politique libanaise, quitte à y apparaître parfois comme le décideur exclusif .L' entrée de la Syrie dans le processus de paix , sans en être l' explication unique , est sans doute pour beaucoup dans ce processus de tutellisation rampante .Elle l' est, d'abord, par l' acquiescement implicite dont cette tutellisation fait l' objet de la part de les États-Unis, parrains et architectes en chef des négociations, soucieux de rassurer le plus possible Damas quant à son principal acquis régional à l'heure où tout, dans la région, connaît des transitions aussi rapides qu' imprévisibles .Elle l' est, ensuite, par le fait que cet acquis devient de plus en plus précieux pour la Syrie après les paix séparées d' Oslo et de Wadi Arba qui voient les Palestiniens et la Jordanie échapper à la coordination arabe telle que la comprend Hafez al-Assad .Ainsi laissé par la majeure partie de la communauté internationale en tête-à-tête avec son puissant voisin syrien, le Liban voyait le temps mort de la négociation l' effacer graduellement comme sujet sur le plan diplomatique, et son tuteur mettre à profit cette fenêtre d' opportunité pour institutionnaliser son emprise et rendre l' ingestion le plus difficilement réversible .D' où l' hypothèse la plus partagée, et qu' il s' agira de soumettre à l' examen ici, selon laquelle un déblocage des négociations et l' aboutissement à un règlement syro-israelien ne manqueraient pas de se traduire par un affaiblissement de l' emprise syrienne

Le présent article se propose donc d' explorer les avenirs possibles du Liban dans un tel contexte, en prenant en considération les champs politico-sécuritaires et socioéconomiques .aux niveaux de la situation du Sud, de la relation régissant le couple syro-libanais, des institutions et forces politiques internes, et de la reconstruction et de le socioéconomique , le diagnostic de l' effet pervers de l' état actuel de " ni paix , ni guerre " qui se prolonge dans la région sur la situation libanaise conduira à constater une déperdition croissante de la réalité libanaise en termes de souveraineté et de vitalité politique .Si l' ordre actuel au Liban est celui de la fin d' un état de guerre, il est encore loin de être celui d' une pleine paix civile dont le sens s' imposerait à tous .   [Present] À partir de cet état des lieux, il s' agira alors d' examiner, par une approche aussi prospective que possible, les probabilités d' inversion de la dégradation en cours, et ce, en cas de reprise sérieuse des négociations de paix et en cas de percée réelle sur le volet syro-israélien .

Le Liban entre blocage régional et abdication diplomatique

Sept ans après le début du processus de paix ouvert à Madrid en 1991, la situation du Liban comme acteur étatique et comme négociateur à part entière a quelque chose d' ironiquement paradoxal . De tous les États appelés à se joindre à la négociation, le Liban était en effet le seul dont la lettre d' invitation faisait figurer autre chose que la seule résolution 242 comme base de règlement de son contentieux avec Israël .Fort, lui , d' une autre résolution de le Conseil de sécurité ( la 425 ) , il s' écartait ainsi insensiblement du principe directeur de la négociation, à savoir " La terre contre la paix ", pour - du moins la diplomatie libanaise l' a -t-elle pensé un moment - aller devant les instances internationales réclamer tout simplement, serait -on tenté de dire, un retrait israélien inconditionnel du sud du Liban .À ceux qui, au sein de la classe politique libanaise issue de Taëf, considéraient alors qu' en entrant dans un forum où les retraits étaient conditionnés par des traités de paix, le Liban perdait sa carte diplomatique maîtresse, ou encore à ceux qui, au sein de la même classe, estimaient que l' attitude du Liban constituait un écart à leurs yeux inacceptable par rapport à la stratégie syrienne résumée par la résolution 242, la diplomatie libanaise répondait par un argumentaire en deux temps : la 425 devra uniquement assurer un retrait militaire du Sud et cette étape ne s   [Cliv] C' est alors que le Liban se joindra à ses pairs arabes, étape politique et diplomatique, pour signer avec eux, et pas avant, une paix " juste et globale " basée sur la résolution 242 .Pour logique qu' il soit, cet argumentaire occultait deux choses : d'une part, il n' intégrait pas réellement ce qui se passait au même moment sur le terrain, c' est-à-dire dans le Sud occupé, où la résistance opérée par le Hezbollah doublait la dynamique politique des négociations libano-israéliennes par une logique militaire qui finirait, forcément, par imposer d'autres temporalités et d'autres équations .L' argumentaire n' admettait pas assez, d'autre part, que l' objet de ses propres négociations, le Sud, ne soit plus exclusivement sien, mais revête maintenant une fonctionnalité essentielle dans la stratégie négociatrice syrienne, comme l'un des derniers leviers à même de amener Israël, sous la pression des coups portés par la résistance, à débloquer l' impasse sur le Golan d'abord et à y concéder davantage ensuite .   [Cliv_SN] C' est l' alignement graduel de la position officielle libanaise sur ce dernier point, ainsi que l' instrumentalisation à outrance par la Syrie de la carte libanaise, qui vont progressivement mettre un terme à la singularité et à la distinction offerte au Liban par la résolution 425 et miner son existence comme acteur régional autonome .Alors que les négociations libano-israéliennes s' arrêtent définitivement au bout de le 12e round, la Syrie reprend les siennes en incluant dans ses dossiers la question du Sud ; négociations dont elle tient quand même le Liban informé - a posteriori, il est vrai .La " concomitance de les deux volets " ( Talazum al-masarayn ) , comme l' appelle désormais le lexique officiel libanais , devient dès lors l' unique doctrine diplomatique du pays ; seulement, elle n' est nullement comprise comme un parallélisme résultant de la coordination entre deux acteurs étatiques agissant de concert, mais comme l' attente libanaise passive que quelque chose se débloque sur le front syrien pour pouvoir revenir dans le jeu .De cette subordination en découlent alors bien d'autres, qui ont pour résultat de dévoyer le rapport existant au départ entre la présence syrienne au Liban et les dynamiques internes en cours dans ce pays .   [SujetInv_SP] À l' équation de Taëf qui liait la mise en oeuvre des réformes à le redéploiement militaire syrien et à la redéfinition de les " relations privilégiées " , succède une équation qui, implicitement, fait de la présence syrienne une fonction de la donne régionale .D' où l' évidence selon laquelle le temps mort des négociations est un temps durant lequel se perpétue et s' aggrave le rapport inégal syro-libanais, avec les conséquences politiques et économiques internes qui en résultent .

Le couple syro-libanais isolé

  [Il..._SN] Il est désormais admis que la carte libanaise est l' atout régional le plus précieux entre les mains de la Syrie .   [Cliv_SP] Aussi, c' est sur le couple syro-libanais que se concentreraient pressions des uns et réactions des autres pour tenter de modifier le statu quo, et dans un contexte pareil, l' utilisation du terrain libanais pour amener la Syrie à plus de souplesse dans la négociation n' est pas à exclure .L' éventail des instruments est à ce niveau multiple, empruntant le biais du socioéconomique et de la dette libanaise croissante, jouant sur le ressentiment politique du camp chrétien, ou prenant aussi le visage de la " légalité internationale " en ouvrant plusieurs registres sur lesquels le Liban est perçu comme en manquement ( drogue, asiles de terroristes recherchés, ou encore droits de l' homme non respectés ... ) .Un degré supérieur de pression serait par ailleurs celui de la déstabilisation sécuritaire de faible ou moyenne intensité .Face à les cas de figure évoqués, l' alternative de Damas serait de s' agripper avec encore plus de force à son acquis régional .Dans ces cas extrêmes, le recours de la Syrie elle -même à la violence n' est pas totalement à exclure .Toutefois, une logique de ce type est lourde de risques, ne serait -ce que parce que elle mettrait en lumière une carence essentielle du rôle dévolu par la communauté internationale à la Syrie au Liban, à savoir celui de mettre à profit le temps de sa gestion libanaise pour y consolider la paix civile .

En cas de blocage prolongé dans la région, et aussi éloignée qu' une telle éventualité puisse paraître, le retour de la violence armée sur la scène libanaise ne saurait être exclu .L' ancienne équation " paix libanaise si paix régionale " redeviendrait alors opératoire . Nombre de dynamiques internes libanaises se prêtent d'ailleurs à un tel appel belligène .La guerre s' est achevée sur un sentiment de réconciliation incomplète ; perçu ou réel, ce sentiment exprime l' idée que la guerre a clairement fait des vainqueurs et des vaincus .À d'autres niveaux aussi, beaucoup de comptes sont encore à régler entre les différentes factions libanaises, et leur règlement par les armes n' est pas - comme on pourrait le penser - unanimement rejeté, si les conditions régionales le permettaient - en assurant l' approvisionnement en armes et les prolongements d' alliances .De telles attitudes trouvent des relais jusqu' au sein de le pouvoir, dont les pratiques ont généralisé un regain de crispation communautaire devenue depuis sept ans une véritable culture politique dominante .   [Autre] Aussi, force est de constater qu' aujourd'hui au Liban s' expriment dans certains milieux, et se lisent à certains indices, des perceptions qu' un climat semblable à celui de l' année 1975 couve sous la cendre ...Bien sûr, d'autres forces travaillent les sociétés civile et politique libanaises ; des forces qui tentent de démontrer que la guerre a été une véritable leçon et que la violence ne saurait rien régler .La transversalité de ces forces est toutefois encore bien faible et leur impact limité à certains cercles élitaires, sinon marginal .Il l' est d' autant plus que les partenaires extérieurs du Liban, ignorant trop souvent ces dynamiques pourtant dignes d' être investies, préfèrent se donner pour seul interlocuteur un Liban certes officiel, mais lourdement hypothéqué .

L' éventualité d' un regain de tension violente à le Liban acquerrait plus de consistance encore - mais aussi plus de complexité - si elle venait à se greffer sur, ou à avoir lieu à un moment où la situation interne syrienne risque de se compliquer en raison de la transition délicate que ne manquera pas d' ouvrir la succession du président Assad .Ce texte n' est bien sûr pas le lieu d' envisager des scénarios de cet ordre, mais il est nécessaire de remarquer que l' imbrication des espaces politiques libanais et syrien a atteint un degré tel qu' il est difficile d' en séparer les dynamiques strictement internes et d' en délimiter des effets circonscrits .Le va-et-vient entre ces deux espaces est loin de être à sens unique ; depuis vingt ans maintenant que le pouvoir syrien pratique et fréquente le Liban, ses crises et ses modes de production sociales et politiques, nul ne sait plus très bien qui des deux acteurs a le plus teinté l' autre .   [Il...] Dans ce domaine comme dans d'autres, plutôt que de parler uniquement de domination à sens unique ou d' hégémonie unilatérale, il conviendrait aussi de parler de convergence entre deux régimes et deux types de fonctionnement .Dans un cas de figure comme celui -ci, l' espace libanais ne serait plus un espace neutre où se projette seulement la puissance syrienne, mais un espace où se projettent également les rivalités des " barons " de cette puissance .Plus encore, plusieurs indices montrent que le Liban est aussi pour eux un espace-ressource et - par procuration - un vivier de forces d' appoint pour leurs propres luttes d' influence .

Hypothèques et viabilité du politique au Liban

En cas de blocage persistant et durable au niveau de les négociations, et si la dégradation sécuritaire était exclue - la Syrie ne pouvant ainsi contribuer à nier sa propre raison d' être au Liban -, Damas a tout de même largement d'autres moyens de s' y assurer le contrôle quasi exclusif, pour un temps du moins, en profitant de sa maîtrise devenue inégalée de toutes les ressources du jeu local .   [Il..._SP] Dans pareil cas de figure, il faut s' attendre à la perpétuation sous égide syrienne des modes de gestion politique en cours aujourd'hui au Liban, sans exclure, de plus, de brusques durcissements sur des dossiers sensibles ou à même de le devenir .

L' ensemble de l' édifice politique mis en place au Liban depuis Taëf est dans ce sens parfaitement instrumentalisable .D'abord, la " troïka " présidentielle - née d' un enchevêtrement savamment dosé de les pouvoirs et de les prérogatives entre les deux branches de l' exécutif , et entre elles et le législatif - est une structure doublement propice .Elle est génératrice de divisions durables et infinies d'une part, permettant, à chaque fois, à Damas d' en réconcilier in extremis les acteurs .Elle est, d'autre part, génératrice d' immobilisme et de statu quo décisionnel, ce qui permet, à chaque fois aussi, à Damas de trancher pour l' option qui a sa faveur .En perpétuant ainsi le besoin d' arbitrage syrien, la structure constitutionnelle libanaise assure à la Syrie un " monitoring " permanent et sans failles, tout comme elle la prémunit contre tout risque de dérapage et contre toute velléité - de quelque partie libanaise qu' elle émane - d' élargissement de marge de manoeuvre .Le pouvoir étatique ainsi tenu, le contrôle s' étend par la suite à l' ensemble de la classe politique institutionnelle ou à l' activité agréée ou admise .au terme de deux scrutins législatifs, d' un long travail de pénétration du terrain qui dure depuis parfois deux décennies, d' innombrables retournements d' alliances entre les forces locales sur la scène libanaise et d' une connaissance profonde des ressorts de la sociologie politique libanai Damas peut être assurée aujourd'hui de contrôler la quasi-totalité des membres du Parlement, des partis politiques en exercice, des forces, groupes et associations à capacité mobilisatrice plus ou moins notable .Elle profite, de surcroît, en cela de la dislocation des forces traditionnellement opposées à sa politique libanaise ( les Forces libanaises, l' ossature de certaines anciennes brigades de l' armée, le mouvement aouniste, certains groupes islamistes, des réseaux arafatistes ou proches de l' OLP, les sympathisants du Ba'th irakien rival ... ) .Enfin, maîtresse des échéances diverses, Damas peut, tour à tour, les utiliser pour renforcer et consolider ses instruments de contrôle ( élections législatives, par exemple ) ou, au contraire, pour les geler et les annuler afin de éviter des tests difficiles ou gênants selon la conjoncture ( élections municipales, jusque-là ; élection présidentielle de 1995 ) .Aussi, au nom de les " circonstances ( régionales ) exceptionnelles " et des " dangers qui menacent la sécurité nationale et la paix civile ", le déficit démocratique ne cesse de se creuser au niveau de l' exercice du pouvoir, mais aussi - de façon croissante - à celui de l' exercice et de l' expression des libertés et des droits fondamentaux .

Dans un tel contexte, l' équilibre actuel - imposé mais fluctuant , entre les trois principales forces politiques libanaises que représentent Rafiq Hariri , le Hezbollah et l' armée libanaise - est appelé à perdurer .   [Il..._SP] Concernant ce triangle, il est possible de parler de trois projets politiques sensiblement divergents en termes d' objectifs, de stratégies et d' alliances locales et régionales .Leur compétition et leurs différends restent toutefois pour l' heure inscrits dans une équation de conflit et de coopération très précisément rythmée et dosée par l' impératif de leur subordination à ce que les libanais appellent désormais le " plafond syrien " ( As-saqf as-sury ) .

Par son ambitieux projet de reconstruction, et la dynamique économique que cela provoque et entretient, Rafiq Hariri joue sur un besoin syrien de stabilité économique et sociale au Liban dans la période d' attente qu' imposent à tous les négociations .   [Cliv_SN] C' est cette logique qui a largement présidé à sa nomination comme Premier ministre en 1992, à l'issue de les élections législatives controversées auxquelles il n' avait pas directement pris part, et à un moment où la crise économique libanaise atteignait la côte d' alerte .Certes, par ailleurs, Rafiq Hariri incarne et représente bien d'autres aspects et bien d'autres fonctionnalités .Présent dans les coulisses du jeu politique libanais depuis près de quinze ans, son entregent, sa surface financière et ses réseaux lui confèrent une possibilité non négligeable de convertir l' ensemble des forces politiques de la guerre en forces de gouvernement .D'autre part, sa facette saoudienne, ses relations d' affaires et personnelles avec plusieurs dirigeants de le Golfe , d'autres parties de le monde arabe et de certains pays industrialisés , constituent des atouts sur lesquels Damas peut s' appuyer pour gérer la période difficile d' adaptation aux nouvelles règles du jeu international, de négociations et de gestion de la carte libanaise dans un environnement volatil .

Considérant la centralité que la résistance au sud occupe dans la stratégie négociatrice syrienne, le Hezbollah acquiert une place prépondérante, et souvent à part, dans le jeu politique libanais .Son exception provient bien sûr de l' activité militaire qu' il est désormais pratiquement le seul à entreprendre contre Israël, ce qui l' a exempté de se soumettre à la dissolution des milices à la fin de la guerre .Mais elle provient aussi de ce qu' il est l' expression la plus évidente de l' alliance syro-iranienne .D' un point de vue strictement libanais, les analyses et les degrés d' acceptation du fait que représente le Hezbollah sont multiples et diverses . " Contre-société " potentiellement dangereuse ( car porteuse de projet de théocratisation de la vie politique ) pour les uns, vecteur d' ingérence syro-iranienne ( à l'origine de la prolongation de l' épreuve du Liban-sud ) pour d'autres, le Hezbollah est aussi considéré par beaucoup comme un parti politique - aux spécificités certes notables - somme toute parfaitement intégré au jeu politique libanais, voire banalisé .   [Autre] Ce qui est invoqué à cet égard est l' entrée du parti dans le paysage parlementaire dès 1992, ses positions relativement modérées sur plusieurs questions internes et ses relations très largement étendues à toutes les parties libanaises : autant de caractéristiques qui font de lui une force semblable à d'autres forces dites de " l' opposition institutionnelle " .   [Il..._SN] Il reste évident que l' importance du Hezbollah s' impose à tous, ne serait -ce qu' en raison de sa fonction - en concurrence avec le mouvement Amal - d' encadrement et de mobilisation effective et symbolique d' une partie de la communauté chiite, et de la place qu' occupe désormais cette dernière dans tous les équilibres libanais .

La fin de la guerre a fait apparaître un besoin pressant de sécurité .L' armée libanaise, devenue au fil de le conflit l'un de ses acteurs majeurs , se voit alors confier, en étroite collaboration avec les troupes syriennes stationnées au Liban, le rôle de gardien de l' ordre et de la paix civile .   [NoSaber] À la croissance numérique qu' un tel rôle impose, s' ajouteront par la suite d'autres fonctions que l' armée se donnera .Face à le projet de la résistance et à ses débordements potentiels, l' armée joue - vis-à-vis des parrains du processus - le rôle de garant, afin que les termes de tout arrangement soient respectés ; corollairement, elle suggère, également aux partenaires étrangers, qu' en cas de défaillance soudaine de la présence armée syrienne - pour des raisons qu' il n' est pas possible de discuter ici - elle serait prête à remplir le vide sécuritaire, mais aussi à parer à toute potentielle défaillance politique .Face au projet " tout-économique ", l' armée se donne une image de creuset intégrateur de la nation et de ses générations montantes, multipliant publications, camps de jeunes et campagnes diverses de civisme .Plus encore, face à la dégradation de l' image de la classe politique libanaise, elle se pose aussi en recours possible, en jouant de surcroît sur une opinion dont de vastes segments ne seraient pas hostiles à un scénario bonapartiste .

Représentant la reconstruction, la résistance et la sécurité, ces trois forces expriment - parfois lourdement - des divergences découlant de leurs logiques intrinsèques, mais dont les expressions reflètent aussi les positions nuancées de leurs propres alliés et protecteurs respectifs au sein de le leadership syrien, quant à les politiques à suivre au Liban ou envers le dossier régional .Les membres de ce leadership, en retour , jouent de ces différences, afin de mettre en avant telle ou telle option en fonction de l' état d' avancement du processus lui -même .

La divergence la plus flagrante , la plus profonde aussi , est celle qui oppose Rafiq Hariri au Hezbollah .En la matière, tout ou presque a été dévoilé durant les deux semaines d' avril 1996, lors de l' opération " Raisins de la colère " .Pour le Premier ministre dont la priorité absolue est son projet de reconstruction, la libération du Sud doit - autant que possible - être obtenue par la négociation .La résistance est en ce sens coûteuse, au sens propre du terme, surtout si elle devait mener Israël à exécuter sa menace de destruction des infrastructures, en riposte à sa vulnérabilité au Sud .   [Cliv_SN] D'autre part, c' est la véritable opposition entre deux " projets de société " qui sépare les deux forces, les valeurs sociétales véhiculées par le Hezbollah pouvant difficilement s' acclimater avec l' imagerie du Liban de demain incarnée par les technocrates d' une économie de services, extravertie et dépendante .En présentant sa bataille législative à l' été 1996 comme étant celle de la " modération contre l' extrémisme ", Rafiq Hariri pointait aussi bien cela du doigt .Aussi, il fait peu de doute que le modus vivendi entre la formation islamiste et Rafiq Hariri doive presque exclusivement à la pression syrienne .

Entre Rafiq Hariri et l' armée libanaise, les crises ont été tout aussi fréquentes et pas toujours feutrées .des promotions d' officiers - dont le numéro deux de les renseignements militaires - bloquées par le Premier ministre , à les accusations directes lancées à les " services " pour leur immixtion dans plusieurs manifestations de la vie civile , en passant p est longue .Par deux fois, Rafiq Hariri ira jusqu' à sous-entendre que l'une des raisons essentielles de la crise économique est à rechercher dans le budget démesuré alloué aux forces armées et au traitement de la troupe .Effectivement, en absorbant une bonne partie des milices dissoutes, l' armée a vu ses effectifs s' hypertrophier depuis le début de la décennie .   [SujetInv] Mais à ce développement numérique correspond aussi un changement assez profond de structure, l' armée se présentant aujourd'hui comme un corps où les officiers sont en surnombre et où les avantages sociaux et matériels qui leur sont conférés sont en croissance constante .D' instrument militaire, l' armée est en passe de devenir un véritable corps social, doté de ses logiques propres et de ses revendications corporatistes .   [NoSaber] Par ailleurs, se greffent sur ces évolutions des lectures politico-communautaires de la troupe .Alors que, traditionnellement au Liban, l' armée était considérée comme l'un des outils privilégiés de l' hégémonie maronite, elle est aujourd'hui perçue comme le vecteur d' une ascendance chiite au sein de les appareils de l' État .   [Cliv] Plus profondément, c' est là encore deux quasi - " projets de société " qui s' affrontent et qui cherchent, chacun, à se placer d'ores et déjà comme l' acteur de réserve idéal en cas de règlement régional .

En cas de avancée des négociations, non seulement ces équilibres seront modifiés, mais la nature et l' action mêmes de chacun de ses acteurs ( pour deux d' entre eux du moins ) seront appelées à varier sensiblement .La déflation du conflit israélo-libanais poussera sans aucun doute vers une plus grande conversion du Hezbollah en force exclusivement politique et vers une plus grande intégration de cette dernière dans les rouages institutionnels .   [Cliv] C' est en ce sens que une ligne de plus en plus affirmée au sein de les cadres du parti prône, depuis un certain temps déjà, la " libanisation ", c' est-à-dire une plus grande distance à prendre par rapport à les impératifs stratégiques proprement iraniens, même si la filiation idéologique et spirituelle avec Téhéran n' est pas à remettre en question .La Syrie aura - encore plus qu' actuellement - un rôle essentiel à jouer dans ce processus, en faisant accepter à son allié local les logiques du règlement régional et en obtenant probablement pour lui, en compensation, des concessions substantielles à l'intérieur de le système libanais .Dans le cas contraire, la conversion du Hezbollah pourrait s' avérer plus problématique .L' option du désarmement forcé de le Hezbollah serait alors imposée à la Syrie ou encore à l' armée libanaise .Tant l'une que l' autre ont déjà eu des affrontements avec le Hezbollah : en 1987, lorsque l' armée syrienne ne put entrer dans la banlieue sud qu' après un assaut qui fit 27 morts dans les rangs du Hezbollah ; et, en septembre 1993, lorsque l' armée libanaise tira sur des manifestants du parti qui protestaient contre la signat faisant 13 morts dans leurs rangs . Si les rancoeurs se sont depuis éteintes, elles pourraient être suscitées à nouveau .La reconversion pourrait d'autre part être freinée - ou compliquée - par la relance, de la part de les États-Unis le plus probablement, de demandes judiciaires concernant des affaires passées de " terrorisme " et pouvant atteindre certains cadres aujourd'hui bien en vue de le Hezbollah, dont des parlementaires .Cette dernière éventualité étant bien entendu sujette à l' état des relations libano-américaines et syro-américaines à ce moment là . Quant à la coexistence du Hezbollah avec le projet Hariri dans un système où ce dernier, toutes choses étant égales par ailleurs , sera une force probablement plus autonome , elle sera sans doute fonction de l' état des relations entre la Syrie, les États du Golfe - essentiellement l' Arabie Saoudite - et l' Iran .   [Il...] Il faut toutefois se figurer ce que pourrait devenir le Hezbollah comme force politique interne, si la carte de la résistance au Sud ne faisait plus partie de son arsenal discursif et mobilisateur .Dans ce sens, le parti a déjà entamé une diversification de ses thèmes d' action et de revendication, en se portant présent sur les fronts de la revendication sociale et des libertés publiques où il montre d'ailleurs une capacité notable à lier des alliances avec des forces très disparates sur l' échiquier politique libanais, jouant en cela d' une forte légitimité acquise sur le champ de bataille .Par ailleurs, une reconcentration du parti sur des thèmes politiques proches de ceux de les autres mouvements islamistes de la région - avec lesquels le Hezbollah est d'ailleurs en relation - n' est pas à exclure ; elle a toutefois pour limite de faire alors réapparaître un clivage communautaire entre les deux grandes familles de l' Islam .

Quant à l' armée, son rôle dans l' après-règlement continuerait d' être crucial .Aussi, au nom de la nécessité d' assumer l' engagement sécuritaire au Sud, elle plaidera probablement pour un accroissement de ses effectifs et de ses moyens, surtout si elle devait à la fois assurer le déploiement dans la partie méridionale et dans le reste du pays .   [Cliv_SP] C' est sur cette économie des forces arméespaixLe déploiement de forces étrangères de maintien de la paix dans le cadre de les arrangements à prévoir serait en ce sens un moyen de sortir de cette logique .   [Cliv] C' est du reste en se présentant comme la force concrète de substitution à l' armée syrienne que l' armée libanaise tente de promouvoir son image tant auprès de les franges anti syriennes de l' opinion qu' auprès - plus discrètement - des Etats-Unis dont elle a traditionnellement toujours été très proche .À cet égard, le travail de contrôle syrien à l' oeuvre au sein de l' armée depuis 1991 , et dont attestent le traité de défense commune et les sessions d' entraînement de les officiers libanais en Syrie , est supposé constituer pour Damas la garantie que les forces armées libanaises ne seront pas entraînées, comme elles l' ont souvent été, dans des actions hostiles à la politique libanaise .   [Autre] C' est pourquoi il serait à craindre qu' en cas de divergences sérieuses entre la Syrie et les parties tierces, autour de la gestion du terrain libanais en situation de paix, l' armée ne soit l' objet de polarisations .   [Il..._SN] À plus long terme, il serait cependant plus probable que la pacification de la région entraîne une diminution de l' importance de l' armée dans l' équation politique, même si elle devait conserver l' essentiel de ses acquis sociaux .   [Il...] À cet égard, il faut rappeler que ce débat est propre à l' ensemble des États de la région : la démobilisation entraînera -t-elle un recul d' influence des militaires dans la vie politique des sociétés concernées ou, au contraire, cette influence sera -t-elle appelée à s' affirmer, parfois sous l' encouragement des parrains de la paix, pour garantir les engagements pris ?Dans le cas du Liban, un facteur supplémentaire s' ajoute à cela .La coexistence entre l' armée et le projet Hariri, toujours en cas de pacification , pourrait se faire sur le mode " taiwanais ", c' est-à-dire celui de la nécessité d' assurer les investisseurs étrangers et leurs capitaux contre des risques de mécontentement social ...

En cas de percée sur le volet syro-israélo-libanais des négociations et en cas de desserrement de l' emprise syrienne sur le Liban, la relève libanaise et la viabilité politique de le pays dépendraient encore d'autres facteurs, largement internes .Les hypothèques à ce niveau sont nombreuses .En premier lieu, la grande fragmentation de la société libanaise, aggravée par quinze années de guerre, et dont l' histoire montre qu' elle est une source récurrente d' appel à l' ingérence extérieure dans les affaires du pays mais aussi de ses communautés . La classe politique libanaise reflète, amplifie et sans doute recrée les conditions de cette fragmentation ; elle y ajoute un égoïsme indépassable et une culture politique souvent étroite et " paroissiale " .En contrepartie, une contre-élite foncièrement différente - et à même de jouer des rôles de nature et d' envergure qualitativement autres - n' a pas émergé ou, du moins, n' est pas prête d' être structurée autour de projets lisibles et repérables .Pour une bonne part, elle est d'ailleurs le fait de personnalités de l' ancienne classe politique ou de ses héritiers, souvent marquée par des velléités revanchardes .des personnalités politiques se détachent pourtant, et contribuent encore, par des positions courageuses et notables, à préserver un minimum d' immunité à la vie politique libanaise .Leur action reste toutefois individuelle et le moindre de leurs échecs n' est pas justement cette incapacité à fédérer des positions par ailleurs attendues par une large part de la société .Le poids de la tutelle et celui de les blocages régionaux sont certainement à cet égard un facteur à prendre en compte .   [Il..._SN] Il reste que la nécessité de recréer les circuits de recrutement et de mobilité d' une nouvelle élite politique, mais aussi administrative, est pressante si le Liban doit, dans un Proche-Orient pacifié, affronter des défis d' un tout autre ordre que ceux qu' il a connus jusqu'ici .Dans ce sens, l'un des atouts majeurs du projet Hariri est justement de pouvoir se présenter comme un vecteur politique de transversalité dans la société libanaise et comme porteur d' une modernisation - certes coûteuse et autoritaire .   [SujetInv] Reste que la culture politique suggérée tant par son discours que par certaines des mesures prises depuis cinq ans laissent entrevoir une distance certaine entre ce projet et des pratiques pleinement démocratiques .Quoi qu' il en soit, la principale limite du projet Hariri reste dans sa propre surévaluation .En accréditant - ou ne laissant se confirmer - la thèse de la " non alternative " ( La badil ) à ce projet, le Liban court le risque - auquel il a jusque-là échappé - d' aligner son système politique sur celui de l' ensemble des États arabes de la région, en raison du manque total d' alternance et de la non circulation de leurs élites, tal d' alternance et de la non circulation de leurs élites, leur difficulté à entrevoir avec sérénité la succession politique ou naturelle de leurs dirigeants .

L' économique, entre déperditions et potentialités

La perpétuation du statu quo actuel se paie d'ores et déjà en forte déperdition du potentiel économique libanais .   [Il...] Il est difficile de ne pas voir que l' essentiel du projet économique engagé après la guerre, et qui prendra une ampleur et une vitesse grandissantes à partir de 1992 avec l' arrivée directe au pouvoir de Rafiq Hariri, est basé sur l' hypothèse, faite alors, que la paix serait installée dans l' ensemble de la région quelque deux à trois ans plus tard .Au moment de son entrée en fonctions en octobre 1992, le Premier ministre promettait aux Libanais des réalisations considérables pour le printemps suivant .La plupart des rapports rédigés au tout début des années 90 prévoyaient la réduction quasi totale du déficit public libanais dès 1994-1995, un taux de croissance soutenu de 8 à 9 % à partir de ces mêmes années, le début du passage de l' investissement public en travaux d' infrastructure à des investissements plus productifs, etc .   [Il...] Il est facile de constater aujourd'hui le caractère plus qu' optimiste de ces projections et de ces promesses .Bien sûr, la réparation de l' infrastructure physique du pays a été largement entamée .Elle est toutefois encore insuffisante alors qu' une majeure partie des sommes qui lui étaient allouées ont été dépensées .Ces dépenses comprennent une large part de coûts et de frais non pris en compte au départ, et que l' on peut sans risque attribuer à la situation alarmante de l' administration, mais aussi et surtout aux blocages et nuisances politiques - locales et régionales - qu' il s' agit chaque fois de surmonter ou de contourner financièrement .Alors que le coût global de la reconstruction était censé se chiffrer à environ 20 milliards de dollars, la seule dette publique libanaise - interne et externe - atteint déjà 13 milliards de dollars .

  [Il..._SP] En cas de blocage durable des négociations, il faut s' attendre à la perpétuation de la morosité économique, à la dégradation de l' état des finances publiques, à l' accroissement de la dette - ou au moins de son service - sans décollage réel de l' activité productive .Les taux d' intérêt élevés , outils d' une politique monétaire restrictive destinée avant tout à la défense de la stabilité de la monnaie nationale , découragent une bonne partie des investissements productifs au plan local, réduisent le niveau de la consommation et gonflent artificiellement la bulle spéculative foncière .Les investisseurs étrangers, lorsqu' ils s' installent à le Liban , le font en " stand-by ", par le biais de petites structures, mobiles et peu coûteuses, dans une logique de prise d' options au cas où les choses se débloqueraient dans la région .   [Present] Quant à les capitaux libanais à l' étranger, estimés à plus de 30 milliards de dollars, et sur lesquels beaucoup d' espoirs se fondent, il s' agit d'abord de voir quel est leur degré de mobilité, quel est encore leur degré de " libanité " et, enfin, quelles sont les conditions politiques que leurs détenteurs attendent pour les diriger vers leur pays d' origine .Dans le même temps, les pesanteurs et blocages politiques rendront pratiquement impossibles et vaines les tentatives de réforme administrative - si elles ont lieu .Ainsi, la corruption qui grève les finances publiques est appelée à perdurer .Un déficit accru par le fait que la situation sociale devenant de plus en plus critique , il sera difficile à l' ensemble de la classe politique de priver le corps social des fonctionnaires de la prébende que constituent pour eux l' emploi public et ses avantages en nature .Ces considérations macroéconomiques se traduisent douloureusement sur le niveau de vie des Libanais .Si la classe moyenne à l' assise autrefois large n' en finit pas de s' étioler depuis le début de la guerre, l' après-guerre a vu se développer une nouvelle pauvreté aux proportions objectivement alarmantes .   [Cliv] C' est dire que le blocage persistant de la situation régionale aura donc pour effet d' entamer sérieusement la crédibilité et l' image - au départ très avantageuses - de Rafiq Hariri comme opérateur économique et comme homme miracle de la convalescence libanaise d' après-guerre .Si cette situation s' envenimait , ses effets pourraient même s' avérer politiquement dangereux et devenir, par contrecoup, des facteurs de crise économique syrienne, ne serait -ce que par le biais de le marché de l' emploi que le chantier libanais offre au surplus de main-d'oeuvre syrienne .   [Cliv] Ce n' est d'ailleurs là pas la moindre des fonctions syriennes du projet Hariri, à savoir celui de générateur de prospérité pour la Syrie .

En dépit de tous ces signaux négatifs, l' économie libanaise garde quand même de grandes ressources de viabilité si le blocage régional était levé .Certes, comme tous les autres États de la région, le Liban aura à vivre des adaptations difficiles et parfois douloureuses, la nouvelle division régionale du travail imposant sacrifices et contraintes de type nouveau .   [Il..._SN] Il est d'ores et déjà probable que le Proche-Orient économique dans l' après-paix se dessinera autour de deux ensembles plus ou moins intégrés, dont les relations seront sujettes aux considérations politiques, mais aussi à celles de l' avantage comparatif .Si la première de ces zones regroupe les " trois " - Palestine , Jordanie et Israël - , une zone " à deux " devra lui faire contrepartie, regroupant la Syrie et le Liban .Dans ce sens, les dynamiques à l' oeuvre dès maintenant dans le couple syro-libanais sont essentielles et constituent autant de chances que de pesanteurs .   [Il..._SP] et Si la perception actuellement dominante est celle du modèle Chine / Hong-Kong, il est vrai qu' à maints égards, le Liban remplit pour la Syrie la fonction d' un espace économique compensatoire, il n' en demeure pas moins que le fonctionnement optimal de cet ensemble pour le bénéfice des deux parties comporte ses conditions .Il appartiendra donc au pouvoir libanais de rééquilibrer la mise en oeuvre des traités économiques entre le Liban et la Syrie, en faisant jouer pleinement la règle des avantages comparatifs, en réduisant les protectionnismes appuyés sur les rapports de force inégaux entre les deux pays et en s' éloignant - le plus tôt serait le mieux - de pratiques plus proches de la prédation économique que la Syrie exerce sur certains secteurs libanais .À ce niveau, le problème de la main-d'oeuvre syrienne , dont les estimations les plus prudentes chiffrent la ponction à un minimum de 1 milliard de dollars par an , se pose en termes particulièrement complexes, tant il mêle les considérations économiques à d'autres, plus psychosociologiques, engageant des représentations dangereusement négatives de l' autre .Par ailleurs, le Liban peut être envisagé par la Syrie aussi comme un espace de spécialisation par procuration .Certains faits signalent déjà que plusieurs entreprises libanaises servent dès aujourd'hui d' école à des cadres syriens formés pour la plupart à l' étranger .au sens plus large, d'ailleurs, l' entrée dans le marché libanais de la reconstruction d' un certain nombre d' entrepreneurs syriens contribue à l' acquisition par ces derniers de réflexes propres à une économie de marché ouverte et plus compétitive .

Les conditions économiques de la paix imposeront au Liban une double adaptation : avec l' économie syrienne, mais aussi avec celle d' Israël .Dans ce sens, plusieurs secteurs devront être sacrifiés, d'autres développés plus encore et mieux dans une perspective de spécialisation et d' excellence ( banque, hospitalisation, système éducatif, informatique et télécommunication ... ) .À plus long terme, et si les blocages étaient véritablement levés, la possibilité que le Liban serve d' espace intermédiaire entre le marché israélien et les marchés arabes - et plus spécifiquement syrien - ne peut pas être exclue .De pareilles perspectives ne manqueront pas, cependant, de placer les entrepreneurs libanais dans des situations de tension, difficiles à tenir si les échanges commerciaux continuaient d' être idéologisés dans une logique de refus de normalisation totale même après la paix .

Relever ces défis nécessite dès maintenant que le Liban s' engage sur la voie de certaines corrections et réformes de son environnement économique et social .Les conditions du miracle économique des années 50 , 60 et 70 ont drastiquement changé et la guerre n' y est certainement pas pour peu .À titre d' exemple uniquement, l' économie libanaise devra progressivement accommoder un nombre croissant de nouveaux venus sur son marché du travail, en raison de une pyramide des âges en rajeunissement constant depuis un certain temps .Le système éducatif et de formation professionnelle devra retrouver son rôle central de qualification .   [Cliv_SP] C' est de lui, ainsi que d' un système fiscal plus juste, que dépend la recréation d' une classe moyenne importante .Une grande partie des entreprises devront moderniser leurs structures organisationnelles et consolider leur capitalisation ; à l' ère de la compétition régionale et de la mondialisation, il y a peu de place pour des entreprises essentiellement familiales et parfois sous-capitalisées .L' avantage comparatif du Liban en termes de tourisme ne pourra être exploité si des actions résolument volontaires n' étaient entreprises pour arrêter la dégradation catastrophique de son environnement naturel ...

Le Liban et l' intégration régionale

L' économie libanaise dans un Proche-Orient en voie de pacification , voire même le couple économique syro-libanais dans un tel environnement , sera aussi largement dépendant de ce que les négociations multilatérales dessineront comme cadres et comme contraintes .Concernant le Liban, cela est vrai pour deux domaines au moins : celui de l' eau et celui des réfugiés .Si la position officielle israélienne, maintes fois réitérée, est de n' avoir aucune visée territoriale sur le Liban , cela ne saurait exclure que des arrangements concernant l' eau libanaise ne soit mis sur la table des négociations .À tort ou à raison, le Liban est présenté comme un pays excédentaire en eau, dans une région où sa rareté fait loi .À cet égard, Israël pourrait invoquer le précédent du traité libano-syrien de partage des eaux de l' Oronte, où le Liban s' est montré légèrement généreux, pour exiger à son tour, et sur d'autres cours d' eau, le droit à l' utilisation de certaines quantités .Pareil point renvoie à la question plus globale des négociations multilatérales et à ce qui y attend le Liban .

Pour politiquement défendable que soit la position libanaise de boycott des négociations multilatérales, celle -ci aura eu jusque-là, et aura davantage encore à l'avenir, un prix plus élevé pour le Liban que pour le partenaire syrien, dans la mesure où le Liban est concerné de façon vitale par le dossier des réfugiés où se joue le sort des quelque 300 000 Palestiniens stationnés sur son sol .il il peut continuer à s' en tenir à une stricte rhétorique juridique en la matière, le Liban ne pourra pas longtemps ignorer qu' en cas de paix, ce genre de question sera plutôt réglée selon des modes de transnationalité, modes qui revisiteront sans doute largement les principes traditionnels du droit international public au profit de mécanismes juridiques plus souples et plus inventifs aujourd'hui envisagés sans lui .Si l' absence aux négociations multilatérales a ses raisons, un palliatif momentané serait, pour le Liban, d' être aussi présent que possible au sein de autres forums - multilatéraux mais moins chargés diplomatiquement et politiquement .Outre que le Liban, s' il y était traité comme acteur autonome réaffirmerait ainsi son identité diplomatique, il y gagnerait aussi par le fait que ses représentants prendraient là le pouls de ce qui se prépare pour lui et pour la région dans différents domaines .

  [On...] À cet égard, on peut légitimement s' inquiéter de l' état d' impréparation " du négociateur libanais en ce qui a trait à certains dossiers techniquement pointus .Sur des questions cruciales comme celle de l' eau, des réfugiés palestiniens, de l' intégration économique ou des futurs systèmes de sécurité collective, le consensus national est loin de être formé, l' accumulation de connaissances et d' expertises est embryonnaire, la mise à contribution des spécialistes est au mieux informelle et dispersée, quand elle n' est pas simplement écartée pour des raisons de conformité politique .Le temps mort depuis l' arrêt de les négociations libano-israéliennes aurait pu être mis à profit pour avancer sur la maîtrise de ces dossiers .Dans ce sens, en se montrant aussi craintif et réticent à l'encontre de toute présence d' experts libanais dans des cénacles internationaux portant sur ces sujets, Beyrouth se prive d' opportunités sérieuses de construction de capacités négociatrices futures .

Conclusion : l' avenir du couple syro-libanais

Si, selon certaines analyses, la Syrie peut - ou préfère - ni guerre ", s' accommoder de l' état de " ni paix, le Liban, lui , a clairement intérêt à un déblocage et à une issue rapides des négociations .Là n' est n' est pas la moindre de ses différences avec la Syrie .Le Liban joue aujourd'hui sa viabilité dans une course contre la montre et chaque jour passé dans la situation actuelle se paie cher : en vies humaines au Sud, en déliquescence politique à l' intérieur, en marasme économique, en ponction de plus en plus lourde opérée par son protecteur sur ses ressources, en désenchantement tous les jours plus profond que vivent ses citoyens .

Est -ce à dire que c' est dans la paix que réside la seule clef de l' entier recouvrement du Liban ? La relation syro-libanaise dans sa forme actuelle est sans doute appelée à se prolonger pour un temps encore .   [Present] Il s' agit là d' un processus tissé sur le long terme, dont les configurations sont fluides et à même de accommoder les pressions exogènes .La Syrie a créé au Liban des facteurs de contrôle durable, dont le moindre n' est pas sa maîtrise du complexe que constituent l' élite politique et une partie importante des forces sociales effectives .Le Document d' entente nationale mettant fin à la guerre devait être compris, au départ, comme un arrangement intérimaire, adaptable et améliorable, une plateforme offrant des perspectives ouvertes sur des relations syro-libanaises plus mutuellement bénéfiques et sur des équilibres internes plus novateurs .Toutefois, la conjoncture régionale et internationale des premières années de la décennie 90 , ainsi que les rapports de force interarabes et intra-libanais , avaient alors laissé le champ libre à une lecture unilatérale - et fermée - par la Syrie du sens de l' accord de Taëf et avaient ainsi gravement dévoyé la relation syro-libanaise .L' impact simple et direct d' une percée réelle du processus de paix sur cette relation reste donc limité, contrairement à ce qu' un " wishfull thinking " largement répandu chez les Libanais laisserait croire .Quand bien même un tel processus entraînerait le retrait, le redéploiement ou l' allégement des effectifs militaires syriens au Liban, d'autres types de contrôle pourraient aisément s' y substituer ou en prendre le relais .Dans ce sens, si le retrait militaire syrien est nécessaire, il n' est en aucune façon suffisant .Un véritable rééquilibrage des relations syro-libanaises reposera largement sur la capacité qu' auront - à partir de les données du Liban actuel - de nouvelles forces sociales et politiques à mettre à profit les marges offertes par la nouvelle donne régionale, par la vitalité économique du pays, et par leur formulation commune d' un projet de vie politique - où les Libanais seront réconciliés autant avec eux -mêmes qu' avec leur environnement, pour réaffirmer une véritable souveraineté libanaise .

Celle -ci ne devra, en aucun cas, se reconstruire contre la Syrie ou sur le ressentiment aveugle envers elle .De telles tendances existent .En effet, malgré le côté incantatoire des déclarations officielles libanaises sur la fraternité qui caractérise désormais les relations entre les deux pays, malgré le slogan du président Assad lui -même selon lequel Libanais et Syriens sont " un seul peuple dans de l' aspect idyllique d' une telle relation est démenti par les détails du vécu quotidien .Les échauffourées sanglantes de la Cité sportive, qui ont opposé à le mois de juin 1997 les supporters de les équipes syrienne et libanaise de football , ne sont qu' un spécimen des rancoeurs accumulées entre les deux sociétés, où se mêlent l' économique et le social à l' identitaire et au patriotique .

Aussi, l' avenir d' une réelle coopération syro-libanaise qu' exige un Proche-Orient en paix passe, en grande partie, par un travail de réajustement des perceptions croisées de ces deux sociétés .D'une part, la Syrie a été véritablement intériorisée par la représentation collective libanaise comme le démiurge et le régulateur des crises, comme la partie prenante et l' arbitre, omnisciente, omnipotente et omniprésente .   [On...] De l' autre côté, on oublie parfois que le Liban a fini par devenir partie intégrante du système syrien lui -même .Le régime du Mouvement rectificatif du président Assad vit avec le Liban - et avec sa crise - sans interruption aucune depuis au moins 1976 .Une grande partie de son édifice politique et militaire s' est structuré au Liban, s' est même parfois structuré par le Liban .   [Il..._SN] Il est vrai que des pratiques uniformisées de part et d'autre de la frontière ont peut-être progressivement lissé les deux espaces ; mais elles ont aussi exacerbé les plus petites différences .   [Cliv] C' est justement entre ces deux extrêmes, celui de la fusion et celui du rejet, que le Liban et la Syrie - seuls mais ensemble - devront réapprendre à vivre .



TITRE : LA CONTESTATION DE LA MONDIALISATION : UNE NOUVELLE EXCEPTION FRANÇAISE ?

AUTEUR : Eddy Fougier

A la fin des années 1980, un consensus semble se dégager en France autour de l' idée de la fin de ce que l' on appelait l' exception française " .Les clivages idéologiques irréconciliables et l' atmosphère de guerre civile larvée ont disparu, tandis que les grands conflits sociaux, mais aussi l' engagement et la participation politique, sont en net déclin .   [Autre_SN] C' est pourquoi l' apparition d' une forte contestation de la mondialisationmondialisationElle paraît contredire cette forme de " fin de l' histoire " à la française, c' est-à-dire cette reconnaissance quasi généralisée des principes de l' alternance démocratique, mais aussi, et surtout, de l' économie de marché .   [On...] On peut dès lors se demander si cette contestation témoigne d' un retour de cette fameuse " exception française " ou si elle est seulement le symptôme des difficultés traversées par une société confrontée aux défis de l' actuel processus de mondialisation .

La singularité de la contestation à la française

La contestation française de la mondialisation n' est pas tant singulière par ses caractéristiques, que par son influence notable sur la société et sur le débat politique .Cette contestation à la française est née, en grande partie, dans le sillage de le débat sur Maastricht, mais aussi de la réapparition de mouvements sociaux importants, avec les actions des " sans " ( logement, travail, papier ) et surtout les grèves du secteur public fin 1995 .La création, en juin 1998 , d' ATTAC et son succès rapide , l' intense campagne menée par la Coordination contre l' AMI ( Accord multilatéral sur l' investissement négocié à l' OCDE ) et le démontage de le restaurant McDonald's à Millau par des militants font de la France à travers ses figures médiatiques, notamment celle de José Bové, l'un des hauts lieux de la lutte contre la " mondialisation libérale ", avant même l' organisation des manifestations deElle le reste et le sera tout particulièrement en 2003 puisqu' elle devrait accueillir deux des grands événements de l' année sur le front contestataire : les manifestations à l'occasion de le sommet du G8 à Evian du 1er au 3 juin 2003, et le Forum social européen, qui se déroulera à Saint-Denis du 29 octobre au 3 novembre 2003 .

  [Present] Il n' existe pas pour autant un mouvement antimondialisationmouvement   [On..._SP] On doit davantage parler d' une mouvance ou d' une nébuleuse de groupes souvent très disparates par leurs structures, leurs objectifs ou leurs effectifs que d' un mouvement structuré .En outre, la contestation française apparaît plutôt altermondialiste qu' antimondialiste, dans la mesure où les protestataires défendent une autre mondialisation que l' actuelle " mondialisation libérale " .Ses acteurs apparaissent donc assez diversifiés et éloignés des clichés réduisant la critique de la mondialisation en France aux groupes ou aux personnalités les plus visibles lors de les manifestations à l'occasion de les sommets internationaux ou des réunions propres aux contestataires ( Forum social mondial et, aujourd'hui, Forum social européen ) ou dans les médias, à savoir José Bové et ATTAC . En effet, les activités protestataires ne se résument pas à ces manifestations .Les groupes s' expriment également à travers une intense activité de lobbying auprès de les " décideurs " ou du grand public en réalisant un certain nombre de campagnes sur des thèmes spécifiques comme la dette, la taxe Tobin ou les organismes génétiquement modifiés ( OGM ) ; une activité d' information, d' analyse, de pédagogie et de publications ; et de contre-expertise sous la forme de une surveillance et d' une évaluation de la politique menée par diverses institutions ( nationales ou internationales ) ou par des entreprises, fondement d' un véritable contre-pouvoirAinsi, bien plus qu' ATTAC et la Confédération paysanne de José Bové, les groupes les plus impliqués dans les campagnes sont d'abord des organisations de solidarité international ( OSI ), souvent d' origine confessionnelle, telles Agir ici, AITEC, Artisans du monde, le CCFD, le CRID, Peuples solidaires, le Réseau Afrique-Europe Foi et justice, RITIMO, Solagral ou Terre des hommes, ou d'autres ONG, comme des groupes écologistes ( Les Amis de la Terre et Greenpeace ) et l' association de défense des droits de l' homme de Danielle Mitterrand, France Libertés .En fait, la mouvance contestataire française est composée de trois types de groupes : les ONG, les mouvements sociaux et les " nouveaux groupes contestataires " .

Les ONG appartenant à la mouvance sont des organisations spécialisées dans l' aide au développement et la lutte contre la pauvreté dans les pays du Sud ou la protection de l' environnement .Mais d'autres ONG tendent également à s' impliquer dans la critique de la " mondialisation libérale ", comme celles qui défendent les droits de l' homme, la condition féminine ou les minorités sexuelles .Elles s' expriment principalement par le biais de campagnes, surtout axées sur l' amélioration de la situation des pays du Sud ( développement durable, annulation de leur dette, lutte contre la politique menée par les institutions financières internationales ) .Une part notable de la contestation française, à l'instar de la situation existant dans d'autres pays , est ainsi composée d' organisations d' origine confessionnelle, rappelant que l' Église est également un pôle important de critique du capitalisme .Les mouvements sociaux comprennent des mouvements de défense des exclus - les " sans " -, des mouvements paysans et des syndicats radicaux, comme Sud-PTT . Ils s' expriment en particulier par le biais de manifestations, souvent assez spectaculaires, mais aussi de campagnes contre l' OMC . Enfin, les nouveaux groupes contestataires, contemporains de la mondialisation, ont été spécifiquement créés en liaison avec ce thème .Ils comprennent des associations, comme ATTAC, des réseaux, des observatoires et des " groupes de surveillance " qui s' expriment par le biais de campagne, de publications ou de promotion de telle ou telle action .Ils sont surtout présents dans la lutte contre l' OMC . On peut distinguer parmi eux des groupes réformistes, qui sont dans une logique d' engagement plus que d' affrontement face à les " acteurs " de la mondialisation ( gouvernements, entreprises, institutions internationales ) et qui acceptent d' entrer dans des mécanismes de consultation mis en place par ces derniers, et des groupes radicaux qui, eux, sont plutôt dans une logique d' affrontement et se refusent à tout compromis avec le " système " .Pourtant, concrètement, leurs différences apparaissent beaucoup plus floues, en tout cas plus de degré que de nature .

Ces groupes incarnent une certaine continuité historique avec les formes de contestation passées ( ouvrière, intellectuelle, " anarchiste ", mais aussi celle de l' Église ) et dans la tonalité de leurs critiques .Mais ils s' inspirent également de courants plus contemporains, comme les mouvements " post-matérialistes " des années 1960-1970 ou la mouvance ONG . Par ailleurs, ils ont une structuration inédite et de nouveaux objectifs .A la différence de la contestation ouvrière et marxiste d' autrefois, les groupes protestataires actuels n' aspirent plus au " Grand soir ", c' est-à-dire à une forme de prise de pouvoir politique et de transformation radicale de la société par la force, ou de toute révolution de type socialiste impliquant, par exemple, une appropriation collective des moyens de production .Ainsi, personne, au sein de la mouvance contestataire , ne défend l' expérience soviétique en tant que modèle alternatif au capitalisme .Un groupe comme ATTAC affirme même ne refuser ni l' existence du marché, ni celle de l' entreprise privée . Leur objectif réside donc plutôt dans la formation de contre-pouvoirs efficaces, et non dans la prise de pouvoir politique ou même une éventuelle participation gouvernementale .La contestation française présente donc de nombreuses similitudes avec la nébuleuse contestataire internationale , mais aussi quelques particularités , avec d' un côté , une quasi absence de think tanks , de groupes spécialisés sur la mondialisation , d' se structure également autour de les grandes campagnes internationales ( contre l' OMC et les institutions de Bretton Woods, et en faveur de la taxe Tobin et de la remise de)

Une France contestataire ?

  [Present_SN] Il existe une contestationcontestationSon influence est tangible tant sur la société que sur le discours politique .Elle peut être mesurée par le nombre d' adhérents ou de sympathisants des groupes protestataires .Le cas d' ATTAC est particulièrement emblématique de ce point de vue .L' association compte aujourd'hui environ 30 000 adhérents et 230 comités locaux, y compris dans les universités et les grandes écoles .Les résultats aux élections professionnelles des syndicats appartenant à la mouvance montrent que ces groupes ont une représentativité certaine dans des secteurs qui tendent à fournir une grande partie des soutiens à la contestation de la mondialisation en France : l' agriculture, le secteur public et l' enseignement .La Confédération paysanne a obtenu 28 % des suffrages lors de les élections aux chambres d' agriculture en janvier 2001 .Le syndicat Sud obtient des scores importants lors de les élections de représentants des salariés au conseil d' administration de grandes entreprises du secteur public ( second syndicat à la Poste et à France Télécom, troisième à la SNCF ) ou même d' entreprises privées ( second syndicat chez Michelin ) .Enfin, la FSU est la première fédération syndicale du personnel enseignant, mais aussi de la fonction publique de l' État .Les succès éditoriaux ( ouvrages de José Bové , de Susan George , de Viviane Forrester ou de Pierre Bourdieu , l' évolution des ventes du Monde diplomatique ) ou le nombre important de signataires de pétitions ( 110 000 en faveur de la taxe Tobin , 520 00 sont également les symptômes .

Les enquêtes d' opinion soulignent enfin que la perception des contestataires et surtout de leurs principales propositions est largement positive et tend même à dépasser les clivages partisans traditionnels, sauf si ces groupes sont bien identifiés à gauche .Ainsi une très importante majorité des personnes interrogées est favorable à la taxe Tobin et à l' annulation de la dette .   [On...] On ne peut pas parler pour autant de France contestataire .Les Français ne sont pas majoritairement et foncièrement hostiles à la mondialisation, et n' apparaissent pas globalement partisans d' une fermeture économique et culturelle .Ils se montrent néanmoins plutôt inquiets face à les conséquences les plus négatives de ce processus et tendent à soutenir les propositions de régulation et d' humanisation " .

L' influence des contestataires est également évidente sur la politique et sur le débat .Mais elle apparaît faible sur la décision politique à proprement parler .En effet, au-delà de leur impact très notable sur le discours politique, leur effet sur la décision paraît assez limité .Ceci est illustré par l' étude de deux cas où la France a joué un rôle fondamental : l' échec des négociations sur l' Accord multilatéral sur l' investissement ( AMI ), suite à son retrait, et l' adoption d' une législation sur la taxe Tobin .Dans le premier cas, considéré comme la première " victoire " des contestataires, leur rôle sur la décision française a été beaucoup plus réduit que ce qu' ils affirment eux -mêmes, tandis que dans le second, la législation adoptée n' a aucune incidence pratique et le gouvernement, malgré une rhétorique plutôt favorable, s' est montré fermement opposé à toute mise en place effective d' une taxe Tobin .En fait, l' étude du processus de décision indique que les contestataires sont influents lorsque deux conditions sont réunies : lorsqu' ils font la promotion de micro propositions concrètes et techniques sur lesquelles le gouvernement français peut avoir prise, et

En définitive, leur influence la plus notable est sur le débat .La grande victoire des contestataires français est, en effet, d' avoir réussi à influencer la perception globale de la mondialisation en France et à définir les termes mêmes du débat .Les résultats des élections présidentielles et législatives de mai - juin 2002 en ont, par exemple, été une illustration .La gauche au pouvoir, écartelée entre , d'une part , une approche pragmatique et réaliste de l' économie de marché et de la mondialisation et , d'autre part , un discours souvent assez proche de les thématiques de les contestataires , a certainement souffert électoralement de ces contradictions, alors qu' un grand nombre de sympathisants de gauche étaient séduits par le discours contestataire défendant une " gauche de gauche " .Cette influence est également perceptible dans les débats au sein de une gauche en crise suite à ces défaites, en particulier chez ceux qui souhaitent que sa pratique s' adapte à son discours et qui reprennent à leur compte nombre d' analyses et de propositions contestataires .

Malgré sa vigueur, la contestation en France n' a pourtant, pour le moment, pas véritablement modifié les trois grandes tendances durables de la société française : la pacification idéologique, sociale et politique .Elle ne constitue donc pas le ferment d' une nouvelle " exception française ", celle -ci n' ayant pas vraiment créé de nouvel antagonisme idéologique fondamental autour de la mondialisation et les Français, globalement, n' étant pas opposés à son processus .La contestation apparaît en fait comme le symptôme d' une crise, celle de la difficile adaptation du " modèle social français " - crise d' adaptation de l' économie, de la société et du gouvernement, au sens large du terme - et du " modèle républicain " - crise de la représentation, de la démocratie représentative et du politique - au contexte contemporain marqué par la mondialisation .Elle soulève également l'un des principaux défis économique, social et politique en liaison avec les effets de la mondialisation, à savoir l' intégration économique,



TITRE : Les élections de mi-mandat aux Etats-Unis (5 novembre 2002)

AUTEUR : François Vergniolle de Chantal

Les dernières élections de mi-mandat sont en opposition avec les schémas électoraux traditionnels : ce point a été souligné à maintes reprises dans la presse .La victoire du GOP ( Grand Old Party ) s' inscrit en faux contre cette " loi d' airain " de la démocratie américaine selon laquelle le parti du Président au pouvoir perd des sièges aux élections de mi-mandat .L' élection de 2002 rejoint en ceci les précédents de 1934 et de 1998, où des Présidents démocrates ont réussi à enregistrer des gains électoraux durant leur mandat . A chaque fois, l' Exécutif a pris avantage de cette situation pour faire passer son programme dans des conditions aisées .Le cas de FDR est, de ce point de vue, exemplaire .En 2002, le résultat de Bush est d' autant plus surprenant que le Législatif est rarement de la même orientation politique que le Président, et ce de manière de plus en plus fréquente depuis la fin des années soixante . A un premier niveau, il semble ainsi que l' élection de 2002 mette un terme aux blocages partisans trop souvent caractéristiques de la vie politique américaine .Le Parti républicain est maintenant en position de totale responsabilité, tandis que le souvenir de la dernière présidentielle s' efface et, avec lui, le discrédit qui entachait à la fois la Cour Suprême et la Présidence .Néanmoins, dans les faits, cette conclusion exagère l' impact de la victoire républicaine .Comme on le verra, la fin d' un Congrès démocrate est loin de être suffisant pour modifier les équilibres institutionnels : le mandat de Bush est fragile, et les contraintes qui pèsent sur ses décisions restent puissantes .   [On...] A partir de un bilan ponctuel de ces élections, on tentera donc de valider notre évaluation plus générale .

Les élections de mi-mandat du 5 novembre 2002 : une victoire de la Présidence

Les élections mettaient en jeu les 435 sièges de la Chambre des Représentants, 34 sièges au Sénat, et 36 postes de Gouverneurs .Malgré le second tour de l' élection sénatoriale en Louisiane le 7 décembre dernier et l' élection d' une Sénatrice démocrate, les résultats définitifs constituent une victoire assez nette pour les républicains : ils détiennent dorénavant une majorité de 51 sièges au Sénat ( 47 démocrates ), de 228 sièges à la Chambre ( 203 démocrates ), et de 26 Gouverneurs ( 24 démocrates ) .Ainsi, ils possèdent maintenant tous les leviers institutionnels du pouvoir - la Cour Suprême étant majoritairement conservatrice depuis les années quatre-vingt -, ce qui constitue une configuration extrêmement rare à l' aune de la pratique politique des vingt dernières années .Le " divided government ", l' opposition partisane entre Congrès et Présidence, caractérisant la vie politique américaine de façon particulièrement marquée depuis la fin des années soixante . Bush Jr . se retrouve maintenant en position de force ; et tous les commentateurs ont souligné la facilité que cela lui procurait dans la lutte anti terroriste, aussi bien que dans la gestion de la crise irakienne 2 .   [On...] Nous allons ici nous pencher sur les conséquences purement partisanes et politiques sur la scène publique américaine .

  [Il...] Mais auparavant, il faut immédiatement souligner que ce succès est imputable à la stratégie individuelle du Président Bush .Il s' est personnellement impliqué dans le déroulement de la campagne, en jouant pleinement sur les règles localistes du scrutin .   [Il..._SN] En première approche, il semble que cette participation individuelle extrêmement forte, en proportion inverse de sa fragilité issue de 2000, ait eu des conséquences positives pour les républicains .républicainSa popularité personnelle très solide ( 60 % de satisfaits ) a rejailli sur son parti .Néanmoins, une analyse plus fine révèle rapidement que le comportement du Président a surtout eu des conséquences sur le camp adverse, celui des démocrates .Ils ont été privés de toute marge de manoeuvre pour se distancier d' un Président qui n' a pas hésité à jouer la carte nationaliste pour s' assurer une vaste popularité .   [Cliv] C' est donc d'abord la focalisation sur le Président, sensible pendant toute la campagne, qui a conduit à la défaite des démocrates .Leur absence de message fort a été flagrante .Tout comme le manque de figure charismatique pour se faire entendre, à l' exception, contestable, de Tom Daschle, Sénateur démocrate du Dakota du Sud ( depuis 1986 ), et actuel président du groupe démocrate au Sénat ( Senate Minority Leader depuis 1995 ) . Si on prend les trois grands thèmes importants - les impôts, la sécurité du territoire ( homeland security ), et l' Irak - les démocrates ont apporté la preuve de leurs divisions, tout particulièrement en ce qui concerne la sécurité du territoire .En effet, la réorganisation de l' Etat fédéral impulsée par l' équipe Bush a une conséquence sociale lourde : elle conduit à modifier le statut de plusieurs catégories de fonctionnaires fédéraux, dans le sens de la remise en cause de certains de leurs acquis sociaux .Le mouvement de consolidation des structures fédérales à l' oeuvre se traduit concrètement par le regroupement des fonctionnaires fédéraux sur le plus petit dénominateur social commun .Etant donné le poids de les syndicats au sein de le Parti démocrate , on aurait pu s' attendre à une réaction vigoureuse de leur part .Or il n' en a rien été .Le discours nationaliste l' ayant très largement emporté de part et d'autre , il s' est avéré être un piège électoral particulièrement efficace pour les démocrates .Au niveau des classes moyennes modérées, les électeurs se sont tournés de préférence vers l' original plutôt que vers la copie : ils ont suivi les républicains plutôt que les démocrates .A l' inverse, au niveau des électeurs traditionnellement démocrates, le parti a souffert de son manque d' affirmation, de sa faible différenciation par rapport à le GOP . Sur les autres sujets, le Président est aussi en mesure de mettre en oeuvre son programme .Il peut créer son fameux " Ministère de la Sécurité du Territoire " .Il va pouvoir aussi faire pérenniser plus facilement son programme de baisse des impôts : Thomas Daschle n' est plus en position de s' opposer .De même, d'autres projets devraient bénéficier de cette nouvelle configuration politique : celui de la privatisation des retraites ( Social Security ), ou encore l' exploitation des réserves énergétiques de l' ANWR ( Alaska National Wildlife Refugee ), chère à un grand nombre des contributeurs de la campagne républicaine 3 .En fin de compte, le Parti démocrate donne l' impression d' avoir perdu sur les deux tableaux .   [Il..._SN] Il semble également que les responsables du partipartiReagan avait déjà utilisé cette caractéristique de la vie politique américaine, qui revient régulièrement sur le devant de la scène depuis Andrew Jackson dans les années 1830 4 .Dans une période de crise et d' incertitude, les discours de type " Axe de le Mal " sont bien perçus par l' électorat, à la différence de les flottements enregistrés côté démocrate .Les responsables démocrates ont laissé une impression d' inutile sophistication .   [On...] On pourrait aisément prendre d'autres exemples en politique interne, mais l' idée resterait la même : les démocrates n' ont pas saisi ce besoin de proximité des électeurs, à la différence de un Président qui, lui, en use et abuse, notamment avec la lutte anti terroriste .

  [Cliv_SP] C' est dans ce cadre général que prend place la recomposition des forces au Congrès et au niveau de les Etats .   [On...] Nous aimerions maintenant évoquer quelques-unes des personnalités marquantes qui émergent de cette élection, en commençant par le Congrès, puis en se penchant sur les Gouverneurs .   [On..._SP] Une fois ce panorama achevé, nous conclurons sur les limites qui, à court terme, vont sans doute conduire le Présidentprésident   [On..._SP] Enfin, nous tenterons de tirer quelques conclusions générales sur l' état du système politique américain .

Les conséquences partisanes de l' élection

  [Cliv] C' est bien sûr au Congrès que la situation évoluecongrèsFace au Président Bush, les démocrates semblent tiraillés entre un besoin de retour aux sources idéologiques et une poursuite de la politique de modération mise en oeuvre par Bill Clinton .Le choix de Nancy Pelosi, élue de San Francisco , comme Minority Leader ( responsable de la minorité démocrate ) à la Chambre de les Représentants , et le maintien de Tom Daschle à la tête de le groupe démocrate à le Sénat traduisent, respectivement, cette tension .Nancy Patricia d' Alesandro Pelosi est une des plus élues les plus " libérales " de la nation, c' est-à-dire, engagée à gauche .Elle représente le 8ème district de Californie depuis 1987, en étant confortablement réélue à chaque fois .Elle a construit sa carrière sur la lutte contre le SIDA, et la fermeté de sa position vis-à-vis de la Chine .Malgré son opposition au Président Clinton sur de nombreux points - et en particulier la question chinoise - elle est un des plus efficaces contributeurs ( fund-raiser ) du Parti démocrate 6 .Elle siège par ailleurs à la Commission du Renseignement ( Intelligence Committee ) depuis le 107ème Congrès, et dans celle d' attribution des crédits ( Appropriations Committee ) depuis le 102ème Congrès .Dès janvier 2002, elle avait obtenu le poste de Minority Whip, ce qui l' avait propulsé à un des deux postes les plus importants du groupe minoritaire .   [Cliv_SN] A première vue, ce sont les contributions financières obtenues par Pelosi qui lui ont valu cette importante promotion .   [Il..._SN] Mais il reste que le message idéologique est également clair : son engagement à gauche est un signal de radicalisation des démocrate .

Face à cette recomposition démocrate, les républicains ne sont pas en reste .Tout comme chez leurs adversaires, la tendance est nettement à la radicalisation idéologique .Nancy Pelosi doit ainsi apprendre à cohabiter avec le Représentant Tom Delay, Whip du parti, allié indispensable du Speaker J. Dennis Hastert, et élu du Texas depuis 1984 .Sa réputation de strict conservateur n' est plus à faire .   [Cliv] Malgré ses relations tumultueuses avec l' ancien Speaker Newt Gingrich, c' est bien T. Delay qui a rédigé l' essentiel du programme conservateur de 1994 ( Le Contrat avec l' Amérique ), en s' en prenant notamment à l' extension du pouvoir fédéral .Il aurait largement contribué à la chute de Gingrich en 1997 et son remplacement par Hastert, le tout avec le soutien du " Majority Leader " Dick Armey .Ce trio - avec T.Delay occupant donc la troisième place - est plus que jamais fermement à la tête du Parti républicain .Hastert est clairement le plus modéré des trois .Ancien professeur d' histoire, Hastert est un élu républicain depuis 1986 pour la 14ème circonscription de l' Illinois .Sa promotion de Chief Deputy Majority Whip à celle de Speaker remonte à 1998, et fut organisée avec comme message explicite de calmer les haines partisanes au sein de la Chambre .   [On...] On ne peut pas en dire autant du Majority Leader, Dick Armey, nettement plus idéologue .Elu de la 26ème circonscription de le Texas depuis 1986 , il est un ancien universitaire, économiste, partisan acharné de Reagan, et qui acquiert sa position de prééminence lors de le 104ème Congrès .Ses conceptions fiscales extrêmement conservatrices sont connues : il est partisan d' un taux unique d' impôt fédéral sur le revenu - la fameuse " flat tax " à 17 % - et s' était violemment opposé à Bush Sr lors de l' augmentation des impôts en 1990 .Son activité intellectuelle est encore intense : outre une partie du programme de 1994, il a aussi écrit une série de livres d' actualité sur les nécessaires réformes à mener : Price Theory : A Policy-Welfare Approach ( 1977 ), The Freedom Revolution ( 1995 ) et The Flat Tax ( 1996 ) .

au Sénat, la situation est plus stable par définition .Mais là aussi, le constat est identique : l' activisme idéologique est de plus en plus marqué, tout particulièrement du côté républicain .Côté démocrate, en effet, le pragmatisme de les " Nouveaux démocrates " chers à Bill Clinton semble se poursuivre .Tom Daschle , Senate Minority Leader depuis plusieurs années , représente, avec, jusqu' à récemment, Richard Gephart à la Chambre, une poursuite du pragmatisme clintonien .Le Président trouvait en eux d' utiles relais au sein de le législatif, même si les ambitions des uns et des autres pouvaient occasionnellement perturber les relations .Après les derniers résultats, la démission de Gephart a ouvert la voie à Pelosi, Daschle restant seul .Sa pratique des républicains au cours de le 104ème Congrès l' a habitué à adopter une position souple, tout en tenant efficacement la base .Il a ainsi pu réformer les règles du Sénat lors de le 107ème Congrès dans un sens favorable aux démocrates .Son opposition au programme de Bush Jr est ferme - comme p . ex . sur les baisses d' impôts - mais sans caractère idéologique ou revendicatif comme certains le craignent de Pelosi .Daschle est maintenant considéré comme un des présidentiables démocrates potentiels en 2004, et ce d' autant plus que Gore a officiellement annoncé en décembre dernier qu' il ne se représenterait pas .Mais au sein du GOP, la situation est radicalement différente .Malgré le départ de certains " poids lourds " de la droite républicaine - Jesse Helms ( Caroline du Nord ) et Strom Thurmond ( Caroline du Sud ) - la relève est assurée par des élus clairement ancrés à droite : en l'occurrence Elizabeth Dole ( élue à 54 % ) et Lindsay Graham ( qui recueille 55 % des voix ) .Le principal responsable de le groupe républicain était le Sénateur du Missouri Trent Lott jusqu' en décembre 2002 .Elu en 1988 , il devient le " Majority Leader " du Sénat en 1996, à la fin de le 104ème Congrès, lorsque Bob Dole se lance dans la campagne présidentielle 7 . Son parcours de républicain modéré - il travaillait pour un Représentant démocrate lorsqu' il est arrivé à Washington en 1968 - a été régulièrement marqué par des déclarations embarrassantes .Par ailleurs, son arrivée comme " Majority Leader " a coincidé avec l' érosion de la majorité républicaine . Lott n' a jamais réellement réussi à consolider ses troupes .Ses tentatives pour atteindre un consensus sont fragiles, et ne résistent pas à sa propension à tenir haut et fort des propos trop controversés .Le pragmatisme contrarié de Lott est le résultat direct de l' amenuisement de la majorité républicaine jusqu' en 2002 .Qu' en est -il maintenant que le GOP est dans une situation plus confortable, non seulement au Sénat, mais également à la Chambre et au niveau de les Etats ?   [interro] Peut -on s' attendre à une évolution sensible, peut-être plus radicale, du Parti républicain ?Pour l' instant, le nouveau responsable du GOP à le Sénat , B. Frist , semble adopter une politique de stricte adhésion à la Présidence Bush 8 .Mais il est encore trop tôt pour dire s' il va s' agir d' une personnalité de transition ou bien s' il pourra s' affirmer .

Au niveau des Gouverneurs, les changements sont moins massifs qu' au sein de le Législatif .   [Cliv] Néanmoins, ce n' est pas une fonction à négliger : tous les derniers Présidents d' envergure - Clinton, Bush Sr, Reagan et Carter - ont été des Gouverneurs avant d' atteindre la Présidence .Que ce soit l' Arkansas, la Californie, ou le Texas, l' accession à le poste de Gouverneur semble maintenant être un marche-pied efficace pour atteindre le poste le plus élevé du pays .A ce niveau, une autre figure montante du Parti démocrate a acquis une certaine visibilité 9 .   [Present_SP] Il s' agit de Bill Richardson, qui vient d' être élu Gouverneur du Nouveau Mexique en battant le républicain John Sanchez, 57 % à 38 % .En Europe, sa réputation vient essentiellement de son action diplomatique, notamment à l' ONU, entre 1997 et 1998 .Il était devenu membre de l' équipe présidentielle de Clinton en 1998, comme Secrétaire à l' Energie, avant de se lancer dans une carrière politique nationale .Sa récente élection constitue ainsi son premier succès sur la voie de l' enracinement électoral, un élément qui, jusqu'à présent, avait toujours manqué à ce haut fonctionnaire .Ses prises de position traduisent une modération certaine, même si ses engagements en faveur de la lutte contre la pollution ou l' extension de la couverture-santé ( health care ) sont solides .A part ce nouveau venu sur la scène étatique, les autres résultats étaient attendus .La réelection de Jeb Bush en Floride n' est pas une surprise étant donné la soutien massif que son Président de frère lui a apporté : 56 % contre 43 % pour Bill McBride 10 .En Californie, le démocrate modéré Gray Davis a été aisément réélu ( 48 % contre 42 % pour son adversaire, Bill Simon ), de même que le républicain - lui aussi modéré et lui aussi élu en 1994 - de New York, George Pataki ( à 50 % contre 33 % pour Carl McCall ) .La seule " surprise " vient peut-être du changement à Hawaï : cet Etat, historiquement démocrate, est passé aux républicains en élisant Linda Lingle à 52 % contre 47 % pour son adversaire .Les démocrates ont aussi reculé en Géorgie, en Caroline du Sud et dans le Maryland, où leur candidate, Kathleen Kennedy Towsend, est la fille aînée de Robert Kennedy .Ils ne l' ont emporté clairement que dans des Etats industriels comme l' Illinois, le Michigan ( avec Jennifer Granholm, une des élues les plus en vue de le Parti démocrate ), et la Pennsylvanie .

Les limites de la victoire républicaine .

  [On..._SN] Au-delà de ces résultats, on peut lire les élections de 2002électionCertes, les attentats du 11 septembre 2001 ont déjà très largement permis au Président d' asseoir sa légitimité .Cette victoire charismatique a d'ores et déjà été mise au crédit du Président .L' apport des dernières élections est un peu différent, mais tout aussi sensible .Comme on le sait, la fragile majorité républicaine du 107ème Congrès ( 2000-2002 ) avait été remise en cause par la défection d' un Sénateur républicain modéré, qui, en se déclarant non inscrit, avait fait passer la majorité du Sénat aux démocrates 11 .Cet accident de parcours a maintenant été effacé .Les républicains ont récupéré leur majorité et ne dépendent plus du vote d' un Sénateur non inscrit .De même, la Cour Suprême a maintenant retrouvé de son prestige, pourtant largement entamé par la " résolution " de la crise de l' élection présidentielle en 2000 .Son soutien en faveur du candidat Bush Jr se trouve maintenant validé politiquement .Le Président peut ainsi considérer à nouveau la possibilité de nommer des Juges conservateurs non seulement à la Cour Suprême mais aussi aux cours fédérales inférieures .Alberto Gonzales est de plus en plus cité comme choix potentiel du Président en remplacement de Rehnquist, actuellement Président de la Cour ( Chief Justice ), ou de la Juge O'Connor .Par ailleurs, le Président pourrait aussi tenter à nouveau de choisir le Juge Charles W. Pickering pour un poste dans une Cour d' Appel, pourtant rejeté par la Commission Judiciaire du Sénat en mars 2002 12 .En clair, et plus généralement, les élections de 2002 constituent une sortie de la crise de légitimité issue de la présidentielle de 2000 .Tous les éléments ralentis ou décrédibilisés depuis la début de la Présidence Bush sont dorénavant débloqués politiquement et institutionnellement .

  [Il..._SN] Néanmoins, malgré cette situation, situation, il semble que le parti du Président doive modérer ses ambitions et gérer un grand nombre de contraintes .   [Il..._SN] Ainsi, en dépit de la victoire des républicains, il faut largement en nuancer l' importance .Les caractéristiques de l' élection sont telles qu' il faut se garder de toute conclusion de long terme quant à la présidentielle de 2004 .

La participation électorale ne permet pas d' avoir une vue complète de l' électorat .La participation s' est établie à 39.3 %, en hausse légère de 2 points par rapport à l' an 2000 .La participation n' a été véritablement élevée que dans quelques Etats bien précis, comme le Minnesota ( avec le soudain décès du Sénateur P. Wellstone et la mobilisation autour de son remplacement ), le Dakota du Sud, Etat d' origine de Tom Daschle : dans ces deux cas, la participation a pu atteindre 60 % .Certains taux sont par contre curieusement bas .Ainsi des 45 % du Maine, où la participation est normalement beaucoup plus élevée . Ou encore, la Floride, dont le taux ne dépasse pas 43 %, alors que les enjeux y étaient particulièrement importants . Le Gouverneur de l' Etat, Jeb Bush , ayant en effet bénéficié d' un important soutien de le Président , la médiatisation de l' élection a été particulièrement intense .   [Present] Dans ces conditions, il n' y a pas vraiment de raz-de-marée électoral en faveur de le Président, et encore moins de réalignement électoral .Une analyse plus précise confirme aisément ce diagnostic :

Au Sénat par exemple, la vraie majorité n' est pas de 50, mais de 60, puisque c' est là la majorité nécessaire pour empêcher une obstruction parlementaire ( filibuster ) .Dans ces conditions, et malgré le renforcement de la majorité républicaine, la continuité devrait être la règle en pratique !Le GOP n' a aucune chance d' atteindre ce seuil .D' une manière plus générale, et comme toujours dans le système américain, la complexité de la procédure législative est telle, qu' elle assure une modération des républicains majoritaires .Autre élément qui devrait favoriser la prudence de l' équipe actuelle, la fragilité de la structure électorale du GOP . Le Nord-Est est une partie du pays déterminante pour les futurs succès du GOP : en effet, le Maine ayant élu deux Sénatrices républicaines modérées, Susan Collins et Olympia Snowe, et celles -ci sont tout à fait nécessaires pour n' importe quelle majorité, même simple, au Sénat .Or ces deux élues sont tout particulièrement modérées sur les questions de moeurs ( l'une d' elle, Olympia Snowe, est même pro-choice ) .Dans ces conditions, le Parti républicain ne peut qu' adoucir ses prises de position, afin de conserver ses légers avantages sur les démocrates .Et ceci non seulement dans le domaine social, mais aussi dans d'autres . Ainsi, les derniers changements à la tête de la Commission de l' Environnement ( Environment and Public Works ) à le Sénat en témoignent .La réputation d' opposant systématique à l' EPA ( Environment Protection Agency ) de le nouveau Président , James M. Inhofe , devrait s' altérer devant les nécessités du compromis partisan 13 .Ce schéma devrait se répéter et se généraliser au niveau de la collaboration institutionnelle .

Conclusion

Les élections de 2002 ne permettent pas de conclure sur un mandat clair pour le Président Bush .Sa victoire, indéniable , est somme toute modeste, et les gains enregistrés au Congrès ne sont pas tels qu' ils permettent au Président d' assurer le passage de ses principales mesures .A l' inverse, l' opinion publique, elle , perçoit bien les républicains comme étant maintenant responsables à part entière .Dans ces conditions, les démocrates peuvent s' assurer un certain rebond électoral s' ils évitent la marginalisation partisane qui est leur principal risque .La seule conclusion à long terme que l' on semble pouvoir tirer de ces élections est le quasi-équilibre entre les différentes institutions .   [Present_SN] Il y a une forme d' entropie institutionnelle qui ressort des chiffres définitifs de l' élection rappelés au début de cet essai .Cette situation est en clair contraste avec les élections de 1994 : l' engagement idéologique avait été tel que les impasses auxquelles cela a conduit ont traumatisé les élus .Depuis lors, les responsables politiques jouent de préférence la carte de la modération, au point que le rapport de force partisan s' équilibre et bloque le processus décisionnel .En effet, la recherche de la modération ne va pas jusqu' à cultiver le consensus avec le parti adverse .   [Il...] Il semble tout simplement que le risque politique ne paie plus sur la scène publique américaine .



TITRE : Dans l'" après-Saddam ", il y a encore " Saddam "

AUTEUR : David BARAN David Baran est le pseudonyme d'un journaliste indépendant, ancien consultant en relations internationales pour le Moyen-Orient.

Le renversement d' un régime n' a jamais permis d' en faire table rase .Comme on le constate déjà avec le recyclage des forces de police, d' une dépravation notoire, l' Irak ne fera pas exception .Mais l' héritage de l' ère précédente ne manquera pourtant pas de surprendre - et même d' indigner - tous ceux qui ont communié dans l' anathème de Saddam Hussein .Et ils sont nombreux .En effet, le cadre moral imposé au débat sur le bien-fondé d' une guerre contre l' Irak obligeait chacun à une dénonciation unanime et convenue de la brutalité du régime .La moindre critique émise à l'encontre de la politique des Etats-Unis était retournée en un cautionnement des pratiques les plus condamnables du tyran ( de la même façon, toute dénonciation des abus commis par Israël est taxé d' antisémitisme ) .Cet argumentaire culpabilisateur disqualifiait éthiquement les détracteurs de la guerre et structurait le débat, en interdisant de concevoir le régime autrement que d' un point de vue moral .D'autres points de vue existent .En Irak, par exemple, la population avait beau être lasse des exactions bien réelles du pouvoir en place, elle s' interrogeait sur l' avenir non pas en des termes généraux, comme celui de " liberté ", mais de façon pragmatique .   [Interro] Comment le nouveau pouvoir pourrait -il être démocratique ?Comment éviter des conflits interethniques ?   [interro] Qui assurera la sécurité - notamment, qui protégera le centre ville de Bagdad contre la population déshéritée des faubourgs ?   [Interro] Combien de temps dureront les pénuries ?Hors d' Irak, au lieu de engager une discussion technique devant apporter des réponses convaincantes à ces questions, les différentes parties au débat restaient prisonnières d' une vision strictement négative du régime, dont la chute ne pouvait être que souhaitable ... et advienne que pourra .Or ce régime, aussi brutal et illégitime fût -il, constituait de fait un dispositif sophistiqué de gestion d' une population traversée de tensions .Loin de être fruste et purement répressif, il répondait, par sa complexité, à la complexité de la réalité sociale à laquelle il était confronté .   [On...] On peut donc s' inquiéter de ce que la politique des Etats-Unis soit justement fondée sur la négation de cette complexité, que le régime lui -même n' a jamais cessé de prendre au sérieux .Le scénario de la guerre était des plus élémentaires : les héros américains, au prix de quelques balafres, abattent le vilain dans son repère digne d' un film de James Bond, les opprimés en liesse célèbrent leurs libérateurs ... et la vie devient meilleure, tout simplement .Grande perdante de ce scénario laconique, cette complexité de la réalité irakienne semble prête à prendre sa revanche sur une Administration, celle de George W. Bush, qui n' a aucune arme à lui opposer .

Le projet des Etats-Unis se réduit apparemment à restaurer l' appareil d' Etat existant, au sommet duquel prendrait place un nouveau type de gouvernement .des problèmes se posent déjà au sommet, mais les plus insolubles proviennent sans doute de la base .Saddam Hussein a laissé en héritage un appareil d' Etat dysfonctionnel, voire irrécupérable .Doublé d' un appareil de parti et d' un appareil présidentiel, concurrencé par un rôle social croissant des communautés, ruiné par l' embargo, symboliquement synonyme de corruption plus que d' une quelconque universalité, l' Etat " irakien , à vrai dire , n' en est pas un au sens propre et ne risque pas de le redevenir .   [Il..._SN] D'une part, alors qu' il faut, avec Max Weber, D'une part, alors qu' il faut, avec Max Weber, " concevoir l' Etat contemporain comme une communauté humaine qui, dans les limites d' un territoire déterminé ( ... ), revendique avec succès pour son propre compte le monopole de la violence il apparaît que ce monopole en IrakIrakD'autre part, la culture de prédation instaurée par le régime de Saddam Hussein , couplée à cette dispersion de la violence , non seulement compliquera les relations entre la population et l' Etat, mais minera inévitablement celui -ci de l'intérieur .

Une violence diffuse

Avant-guerre, le recours à la force et l' usage de la violence ne relevaient que marginalement de l' Etat .Certes, l' armée jouait un rôle en matière de répression interne et la police, sous tutelle du ministère de l' Intérieur, était théoriquement chargée de la lutte contre les délits et les crimes en milieu urbain .L' appareil judiciaire prononçait certaines peines, et le ministère du Travail et des Affaires sociales gérait une partie du système pénitentiaire .Cela dit, de nombreux autres acteurs, indépendants de l' Etat, intervenaient en parallèle .Le parti Baas, très actif en ville , assurait l' essentiel des fonctions de police en milieu rural, en collaboration avec les tribus .Les Fedayins de Saddam faisaient office de police de choc, spécialisée dans les opérations musclées .Partisans et Fedayins disposaient de leurs propres cellules de détention .D'autres formations paramilitaires, comme la Garde républicaine et les forces d' intervention d'urgence , servaient d' instrument de répression, aux côtés de l' armée ou en son lieu et place .Ces organes n' offraient pas au régime une maîtrise totale, " totalitaire " pour reprendre un terme utilisé à tort et à travers, de la force .Consacré prioritairement à la défense de ses intérêts particuliers, le régime tendait à déléguer certaines de ses prérogatives .Les tribus puissantes localisées le long de les frontières recevaient des armes ( pick-up équipés de mitrailleuses lourdes, fusils-mitrailleurs de modèles plus récents que l' armée, etc . ) au nom de une mission, en principe régalienne, de contrôle du territoire .Pour se faire, elles opéraient en coordination avec le Parti et le renseignement, rendaient des comptes directement à la Présidence et n' avaient aucun rapport, à cet égard, avec l' Etat .Autre délégation de compétence, la justice tribale a largement supplanté la justice civile, corrompue et sinistrée .du meurtre à l' accident de voiture, en passant par le divorce, un nombre croissant de litiges débouchent désormais sur des procédures tribales de règlement .Les assassins condamnés à mort par la justice civile voyaient même leur peine commuée en prison à vie pour peu que ils versent aux plaignants le " fasl ", c' est-à-dire les " dommages et intérêts " prévus par le droit tribal .Le régime a été jusqu' à autoriser chacun à faire sa loi, dans le cas dit des " crimes d' honneur ", commis impunément par les parents masculins d' une femme considérée coupable de mauvaises moeurs .Prompt à écraser certaines conduites subversives, le régime savait aussi faire preuve d' une grande mesure quant il semblait que cela était à son avantage .des tribus ont pu piller des dépôts d' armes, attaquer des locaux de l' appareil d' Etat ou éliminer des fonctionnaires, tels que les représentants honnis du ministère de l' Irrigation, sans encourir de sanctions majeures .Exemple plus parlant, les tribus du gouvernorat d' al-Anbar ont longtemps racketté les voyageurs sur la route entre Amman et Bagdad, unique moyen d' accès en Irak jusqu' à la fin de les années 1990, avant que le régime ne se décide à mettre un terme à ce banditisme .Alors que des images d' une répression brutale viennent forcément à l' esprit, les méthodes employées donnent à méditer sur la subtilité des rapports entre le pouvoir central et les pouvoirs locaux que sont devenues les tribus : Saddam Hussein a dépêché un émissaire éminent auprès de les cheikhs rassemblés en congrès, auxquels il a seulement rappelé leurs nobles devoirs de maintien de l' ordre .La force, qui génère le cercle vicieux de les représailles , restait ici à l' état d' une menace tacite, bien comprise des chefs de tribus .A ceux -ci, le régime, conscient de la vexation qu' il commettrait en les accusant ouvertement de les vols et en exigeant leur sujétion , ménageait adroitement une porte de sortie honorable .

La politique en Irak ne se réduisait donc pas à l' exercice permanent de la violence .En encourageant la renaissance des tribus et les phénomènes de communautarisation en général, le régime s' est placé au coeur d' un jeu dont il possédait seul la capacité d' arbitrage .Unique garantie d' un quelconque intérêt général, il s' est investi d' un rôle modérateur des tensions qu' il a lui -même attisées ...Il tirait d'ailleurs l' essentiel de sa légitimité, y compris auprès de ses détracteurs, de cette qualité minimale de rempart contre le chaos .   [Interro] Pourquoi la disparition du pouvoir signifierait -elle forcément l' anarchie ?Déjà, parce que trop d' armes circulent au sein de la population irakienne . Les prix en vigueur sur le marché noir en début de année aident à s' en faire une idée .Le meilleur modèle de kalachnikov, à savoir le modèle russe , léger et pliable , utilisé par la Garde républicaine , coûtait 100 dollars au plus .Les fusils dits " GC " , d' un format , d' un calibre et d' une portée supérieurs à le kalachnikov , oscillaient entre 100 et 350 dollars, selon l' origine ( Iran ou Etats-Unis ) .Un lance-roquettes RPG en bon état de marche valait à peine plus de 150 dollars .A titre de comparaison, une arme rare comme un pistolet italien Beretta dépasse les 800 dollars .   [Cliv] C' est dire la banalité du RPG ...Cet excédent d' armes légères, né de l' effort de guerre contre l' Iran , alimentait d'ailleurs un trafic illégal, mais lucratif, vers la Syrie et l' Arabie Saoudite .

La dispersion d' un tel arsenal nourrissait évidemment une violence chronique .des problèmes d' accès à l'eau pouvaient se solder par des tirs rangés entre voisins à la campagne .des combats très graves entre deux tribus rivales, qui s' étaient approprié des stocks d' arme chimique pendant la débâcle de 1991 , ont été rapportés .D'autres conflits locaux ont impliqué des Howitzers, de grosses pièces d' artillerie .Face à ces accès de violence, le régime restait le seul garde-fou .Bien que il n' ait jamais pu confisquer les armes légères en circulation, d'une part, et qu' il ait lui -même armé certains de ses alliés, de l' autre, ses capacités vigoureuses d' intervention et son monopole sur les blindés lui assuraient cependant la suprématie en toutes circonstances .A cet égard, la force d' occupation américaine se retrouve dans le même cas .   [interro] Mais comment pourrait -elle s' entremettre à chacun des innombrables conflits qui ne manqueront pas de surgir ?   [Interro] Pour pacifier le pays, comment collectera -t-elle des armes faciles à cacher, voire à enterrer, et à qui les Irakiens tiendront d' autant plus qu' ils craindront l' anarchie ?   [Interro] Quant aux futures forces irakiennes, bras armé d' un nouveau régime dont on peine à imaginer la légitimité , ne renoueront -elles pas tout simplement avec les méthodes tant réprouvées de l' ancien ?

  [SujetInv] A ce scénario catastrophiste s' oppose la vision américaine d' un Irak apaisé, prospère et démocratique .La prospérité pourrait être en effet la seule arme efficace contre les dissensions et la violence .Mais, plutôt que de attendre sa réalisation miraculeuse, pourquoi, là encore, ne pas la concevoir en des termes techniques ?   [On...] On sait déjà qu' elle n' a de chance d' apparaître qu' à quelques conditions, dont on peut citer les plus évidentes :

Une culture de prédation

Ce dernier obstacle n' est pas des moindres .Les pillages qui ont fait suite à l' effondrement de le régime n' étaient qu' une manifestation particulièrement visible de toute une culture de prédation, née des pénuries et des incertitudes dont souffre la population irakienne depuis 1991 .Cette culture consiste en une appropriation immédiate et sauvage, au détriment de la collectivité, des ressources matérielles disponibles tant que il est encore temps .Cette logique s' est traduite de multiples façons .Elle inspirait évidemment les pratiques de l' élite au pouvoir, qui se comportait comme si elle n' avait effectivement pas de lendemain .Un mois avant cette guerre perçue comme imminente , Ahmed Watban Ibrahim al-Hassan , fils d' un demi-frère de Saddam Hussein , s' accaparait encore, par exemple, le terrain d' un souk populaire du quartier d' al-Mansour, à Bagdad, investissant jusqu'au dernier moment dans l' immobilier !Quant à le fils aîné de Saddam Hussein, Oudeï, il personnifiait, par ses prédations non seulement commerciales mais sexuelles, l' attitude générale des hauts responsables du régime .

Néanmoins, la focalisation sur leurs personnes néglige les phénomènes beaucoup plus vastes, endémiques, de corruption et de racket qui formaient en Irak une sorte d' économie généralisée de l' intérêt particulier .Une majorité de fonctionnaires complétaient leurs maigres salaires grâce à les bakchichs .Chaque métier donnait lieu à des stratégies de rançonnage spécifiques .Les professeurs, quant ils ne mettaient pas directement leur complaisance à prix, gagnaient leur vie par des cours particuliers coûteux et ambigus, car devenus une condition sine qua non de la réussite aux examens .Les tarifs s' envolaient d'ailleurs à l'approche de ceux -ci .des instituteurs allaient jusqu' à dépouiller quotidiennement leurs élèves de leurs barres chocolatées, revendues par la suite .des agents de l' irrigation autorisaient des pompages illicites contre rémunération .des officiers dans l' armée faisaient payer des dérogations au service militaire ou des affectations privilégiées .Même de soi-disant " gardiens " de parkings publics exigeaient des automobilistes une rétribution excessive en se faisant passer pour des collaborateurs de l' inquiétant Comité olympique, quartier général d' Oudeï .La corruption s' étendait en outre à des secteurs sensibles, comme la sûreté ou le renseignement, chacun tirant de son pouvoir de circonstance des revenus plus ou moins ingénieux .Le tout s' organisait en une économie proprement cannibale, dans laquelle une voiture ou une maison abandonnée était immédiatement désossée par les plus pauvres, qui, n' ayant aucun pouvoir de circonstance à exploiter, métabolisaient en quelque sorte les résidus .Le régime tirait naturellement profit de ce qu' une chercheuse a récemment qualifié de " dictature des besoins " .Les prétendues largesses de Saddam Hussein , distribuées à les Tikritis et autres alliés , ont été largement exagérées .Les Fedayins de Saddam, pourtant totalement dévoués à la cause de le régime , ne touchaient pas plus de 50 000 dinars par mois ( environ 25 dollars ) .Le salaire d' un lieutenant colonel du Renseignement militaire ne dépassait guère 70 000 dinars .Quant à les gardes rapprochés de Saddam Hussein, dont l' entraînement extrêmement sévère faisait de nombreuses victimes parmi les rangs, leur pécule estimé de 2 à 3 millions ( soit de 1 000 à 1 500 dollars ) peut paraître plutôt modeste pour une élite absolue .   [On...] Alors que des célibataires du célèbre quartier populaire de Saddam City considéraient 100 000 dinars comme la somme nécessaire pour vivre dignement, on comprend mieux les efforts déployés par beaucoup pour améliorer leur quotidien en multipliant les sources de revenu, quitte à se compromettre en cumulant les avantages du parti Baas, les gratifications offertes par la Présidence, les primes de " l' Association des amis du président ", etc .De tels arrangements pragmatiques expliquent pourquoi la population déshéritée du sud de l' Irak, majoritairement chiite et hostile au régime, n' en était pas moins majori-tairement baasiste .Les exemples de cynisme dans les relations à le pouvoir sont nombreux .En voici un concernant les tribus . En mai 2002, une réunion très discrète, tenue à Amman par des cheikhs pour discuter de les perspectives de changement politique , était dominée par les Shammar Jerba et les Baradost .Or les Shammar Jerba, notamment la puissante famille de les Al Mohammed , ont notoirement entretenu des rapports étroits avec le régime, dont leurs activités commerciales ont beaucoup profité .Quant aux Baradost, ces kurdes sont apparentés aux Zibar, mercenaires de Bagdad employés contre le nationalisme kurde dans les années 1970 et contre l' Iran dans les années 1980 .Quand le vent a tourné, en 1991, les Baradost sont entrés en compétition avec les deux partis kurdes ( l' UPK et le PDK ) pour le partage du pouvoir au Kurdistan autonome, avant de revenir, dépités, dans le giron du régime .   [Cliv] Mais ce sont sans doute ces policiers qui reprennent aujourd'hui du service qui fournissent le meilleur exemple de l' opportunisme ambiant .Issus des mêmes milieux sociaux que les pillards, ces policiers suscitaient bien des craintes avant la guerre de la part de la population irakienne, qui s' attendait justement à ce que ils se rangent du côté de les voleurs à la faveur du chaos .Ces " volontaires " que les Etats-Unis présentent comme un modèle de coopération n' ont fait que trouver un nouveau maître cautionnant leurs abus .   [SujetInv_SN] Partout réapparaissent les pratiques en vigueur sous l' ancien régime .Les " opposants " apportés dans leurs bagages par les " libérateurs " de l' Irak ne seront pas les derniers à les imiter .Le nouveau gouverneur autoproclamé de Mossoul, Mish'an Rakkad al-Damin al-Jebouri , est un archétype en la matière .Placé arbitrairement par Saddam Hussein à la tête de sa tribu, couvert de privilèges, sollicité pour l' enrôlement de recrues dans la Garde républicaine au début des années 1980, il a longtemps servi de conseiller du tyran pour les affaires tribales, avant de s' installer à l' étranger .Conspué dès sa réapparition à Mossoul, il doit son retour en politique à l' instrumentalisation de la puissance américaine pour imposer son autorité ...Conscients de la fragilité de leur pouvoir dans un pays où s' annonce une guerre de tous contre tous, les successeurs de l' ancien régime risquent fort d' adopter la logique de prédation qui prévalait jusqu'ici .Décrite par un Irakien comme la loi du " easy come, easy go ", cette logique se fonde précisément sur l' incertitude qui pèse sur l' avenir .Or cette incertitude, alors que les tensions qui traversent l' Irak commencent à s' exprimer sans entraves, n' est pas prête d' être levée .



TITRE : La maîtrise des espaces, fondement de l'hégémonie militaire des Etats-Unis

AUTEUR : Barry R. POSEN

Depuis la fin de la guerre froide, les spécialistes de politique étrangère se sont demandé quel nouvel ordre mondial succéderait à la bipolarité Est-Ouest, et quelle nouvelle doctrine remplacerait pour les Etats-Unis celle du containment .Ceux qui pensent que nous sommes arrivés à un " moment unipolaire " de l' Histoire et prônent pour les Etats-Unis une politique de " suprématie ", c' est-à-dire d' hégémonie, l' ont apparemment emporté sur ceux qui pariaient sur l' émergence d' un monde mul-tipolaire et penchaient pour une politique étrangère plus retenue .Certains estiment peut-être que ce " moment unipolaire " sera court ; mais tout montre au contraire qu' il pourrait bien durer .Unipolarité et hégémonie vont cependant durer un certain temps, même si d' aucuns estiment que les Etats-Unis pourraient eux -mêmes contribuer, par indiscipline ou hyperactivité, à en précipiter la fin .L' un des piliers de l' hégémonie des Etats-Unis est leur immense puissance militaire .Les seules données économiques suffiraient à leur donner une large marge de supériorité : ce pays dépense plus pour la défense que la quasi-totalité des autres grandes puissances militaires, dont la plupart sont d'ailleurs ses alliés .Certains estiment que les Etats-Unis bénéficient aussi d' un avantage qualitatif unique, décisif, concernant l' utilisation militaire des technologies de l' information - on parle à ce sujet de " révolution dans les affaires militaires " .Ces pages proposent une analyse plus nuancée .D'abord, en définissant les domaines d' intervention dans lesquels les Etats-Unis disposent d' une réelle maîtrise - au sens de " maîtrise des mers " . Puis en se demandant si cette " maîtrise " fonde leur hégémonie et si elle ne pourrait être confrontée pas bientôt à un défi à sa mesure . Enfin, en rappelant qu' il existe encore des zones dans lesquelles cette maîtrise est contestée, ou du moins contestable, par des adversaires grands ou petits .

La maîtrise des " espaces communs "

L' appareil militaire américain a, aujourd'hui, la maîtrise globale des " espaces communs " : la mer, le ciel, et l' espace .Celle -ci est comparable à la " suprématie navale " chère à Paul Kennedy .Ces " espaces communs " ne relèvent de la souveraineté d' aucun pays et constituent les voies de circulation et d' accès de notre monde .Le ciel appartient en principe aux pays qui se trouvent en dessous, mais rares sont les Etats qui peuvent interdire le survol des avions américains au-delà de 15 000 pieds .La " maîtrise " américaine ne signifie pas que d'autres pays ne peuvent accéder à ces zones en temps de paix, ni qu' ils ne peuvent y déployer des systèmes d' armes si les Etats-Unis n' y font pas obstacle .Elle signifie que les Etats-Unis, plus que tout autre pays, peuvent en faire un large usage militaire ; qu' ils peuvent de façon crédible menacer d' en dénier l' usage aux autres ; et qu' ils peuvent défaire tout Etat qui tenterait par la force de les empêcher d' en disposer : le challenger ne pourrait avant longtemps reconstituer ses forces, tandis que les Etats-Unis n' auraient pas de difficulté à préserver, restaurer, ou renforcer leur emprise après la bataille .

Cette maîtrise des espaces est le facteur militaire clef de la prééminence globale des Etats-Unis .Elle leur permet d' utiliser de façon plus poussée d'autres éléments de puissance, dont leurs propres forces économiques et militaires, et celles de leurs alliés .Elle aide les Etats-Unis à affaiblir leurs adversaires en restreignant leurs possibilités d' accès au soutien extérieur, économique, militaire ou politique, et leur fournit de puissants atouts pour fixer les conditions d' une bataille éventuelle dans les zones contestées qui seront évoquées ci-après .Elle permet aux Etats-Unis de se jeter dans la guerre sans long préavis, même dans des régions où leur présence militaire est réduite, comme le montre la guerre menée en Afghanistan contre les Talibans après les attentats du 11 septembre .La maîtrise des espaces donne aux Etats-Unis un potentiel militaire qui peut être mobilisé au service de une politique étrangère hégémonique à un point qu' aucune puissance maritime n' a connu dans le passé .au XIXe siècle, quand la Grande-Bretagne avait la maîtrise des mers, ses capacités de projection de forces n' allaient guère plus loin que la portée des canons des navires de la Royal Navy : celle -ci pouvait transporter une armée un peu partout dans le monde, mais elle avait souvent devant elle, une fois débarquée, un parcours long et difficile ; et sans débarquement, les Britanniques n' avaient qu' une capacité d' influence limitée sur les événements .Les Etats-Unis bénéficient d' une maîtrise des mers similaire et peuvent également transporter partout dans le monde des forces armées importantes .La maîtrise de l' espace exo-atmosphérique leur permet de scruter en profondeur tous les territoires et de collecter sur eux plus d' informations qu' ils ne peuvent en traiter .Dans des conditions favorables, les Etats-Unis peuvent localiser et identifier d' importantes cibles militaires et transmettre rapidement ces données à leurs " tireurs " .Leur puissance aérienne, à terre ou embarquée , peut atteindre des cibles situées très loin à l'intérieur de les terres, et les munitions de précision leur permettent souvent de les frapper et de les détruire .Si les forces terrestres s' aventurent à terre, elles rencontrent donc un adversaire affaibli et disposent d' informations fiables, de bonnes cartes et d' une connaissance précise de leurs propres positions .Les Etats-Unis peuvent enfin recourir à des frappes aériennes réactives, précises et destructrices qui garantissent aux troupes terrestres une grande liberté de manoeuvre, même si elles ne déterminent pas toujours à elles seules l' issue de la bataille .

  [interro] Quelles sont les origines de cette maîtrise des espaces ?La première, évidente , est tout simplement le poids économique des Etats-Unis - 23 % du produit brut mondial d' après la CIA . A titre de comparaison, la Chine et le Japon, qui sont les deuxième et troisième puissances, n' en représentent respectivement que 10 % et 7 % .En outre, en consacrant 3,5 % de leur budget national à la défense ( soit 1 % du produit brut mondial ), les Etats-Unis peuvent entreprendre des projets plus importants que n' importe quel autre pays dans le domaine militaire .Les armements et les plates-formes nécessaires pour s' assurer de cette maîtrise de les espaces , et en user , sont en effet coûteux : leur conception et leur fabrication reposent sur un énorme complexe scientifique et industriel .En 2001, les Etats-Unis ont engagé autant d' argent pour la recherche et développement ( R & D ) militaire que l' Allemagne et la France pour la totalité de leur défense .L' utilisation militaire des nouvelles technologies de l' information, domaine où les Etats-Unis excellent, joue ici un rôle-clef . Les systèmes nécessaires à la maîtrise de les espaces requièrent des compétences pointues dans l' intégration des systèmes et la gestion de projets industriels à grande échelle, autres domaines d' excellence des Etats-Unis .La conception d' armements nouveaux et de nouvelles tactiques repose sur une expérience accumulée sur des décennies et s' incarne dans la mémoire institutionnelle des centres de R & D, privés et publics, qui oeuvrent dans le domaine militaire .   [Il..._SN] Il faut enfin, pour gérer ces systèmes, un personnel hautement qualifié et très bien formé .Pour toutes ces raisons, un Etat qui voudrait acquérir 0 des capacités militaires concurrençant celles de les Etats-Unis devrait s' acquitter de " droits d' entrée " très élevés .

La maîtrise de l' espace

Les satellites de reconnaissance, de navigation et de communication fournissent aux Etats-Unis l' infrastructure globale nécessaire à leurs opérations militaires .Selon le général Michael Ryan, ancien chef d' état-major de l' U.S . Air Force, les Etats-Unis disposent de 100 satellites militaires et de 150 satellites commerciaux, soit plus de la moitié de tous les satellites aujourd'hui actifs dans l' espace .Le chiffre exact de leurs dépenses spatiales militaires n' est pas disponible, mais un expert l' évalue pour 1998 à un peu moins de 14 milliards de dollars - soit le budget de la NASA . Ce chiffre a sûrement progressé depuis et continuera de progresser compte tenu de l' importance accordée à l' espace par Donald Rumsfeld .des satellites commerciaux sont certes utilisés à des fins militaires de reconnaissance et de communication ; mais la plupart sont contrôlés par des entreprises américaines ou alliées, et leur exploitation peut être interrompue par les Etats-Unis .   [Il...] Il reste qu' en matière de projection de forces, les Etats-Unis dépendent beaucoup de leurs satellites, et que ceux -ci représentent du même coup une cible particulièrement attrayante pour leurs adversaires .Tous les satellites ne sont cependant pas également vulnérables .La plupart des tactiques et techniques qu' un adversaire plus faible utiliserait contre les Etats-Unis ne fonctionneraient sans doute qu' une fois : par exemple les mines spatiales ou un " micro-satellite " d' interception en orbite .En outre, les Etats-Unis possèdent des capacités anti satellites naissantes qu' ils pourraient utiliser en cas de conflit .Même sans disposer de tout l' éventail des techniques spatiales, leurs capacités de frappe de précision sont conséquentes et peuvent détruire ou neutraliser les éléments terrestres des forces spatiales adverses .En cas de conflit, les capacités satellitaires des Etats-Unis seraient mises à mal, ce qui compliquerait pour un temps leurs opérations militaires ; mais toute bataille spatiale aurait probablement pour effet de dénier à l' adversaire les moyens d' accéder de nouveau à l' espace .

La maîtrise des mers

La maîtrise des lignes de communication maritimes permet aux Etats-Unis de projeter leur puissance militaire sur de vastes distances .Elle repose à la fois sur les capacités de l' U.S . Navy et sur un réseau très élaboré de bases navales .Les sous-marins nucléaires d' attaque ( SNA ) sont peut-être l' atout essentiel en matière de guerre anti sous-marine en haute mer, laquelle est elle -même la clef de la maîtrise durable des espaces maritimes .L' Union soviétique a longtemps rivalisé avec les Etats-Unis grâce à sa flotte de SNA, mais elle n' a pu l' emporter .A plus de 1 milliard de dollars pièce ( et plus de 2 pour le dernier modèle américain ), rares sont les pays qui peuvent s' offrir des SNA modernes : seules la Grande-Bretagne, la France, la Russie et la Chine en produisent - et cette dernière très difficilement .A la fin des années 1990, de nombreux SNA en cours de fabrication sont demeurés dans les chantiers russes : aucun SNA nouveau n' a été mis en service .L' U.S . Navy dispose de 55 SNA, quatre étant en construction . Elle prévoit d' en construire en gros deux tous les trois ans, et de convertir quatre sous-marins nucléaires lanceurs d' engins ( SNLE ) Ohio en sous-marins dotés de missiles de croisière non nucléaires en vue de attaques terrestres .La Navy domine aussi la surface des océans, avec 12 porte-avions ( dont neuf à propulsion nucléaire ) emportant des avions très performants .A part la France, qui en possède désormais un, aucun autre pays n' a de porte-avions nucléaire .   [On...] A 5 milliards de dollars le porte-avions de classe Nimitz, on comprend pourquoi .Par ailleurs, le Marine Corps dispose de 12 porte-aéronefs, chacun au moins deux fois plus grand que les trois navires comparables de la Royal Navy ( classe Invincible ) .Pour protéger leurs porte-avions et équipements amphibies, les Etats-Unis se sont équipés, depuis 1991, de 38 destroyers multifonctions de classe Arleigh Burke, d' une valeur de plusieurs milliards de dollars, qui sont en mesure de effectuer des frappes terrestres et des missions antiaériennes et anti sous-marines en environnement dangereux .   [Present] Il s' agit certainement là du navire de surface le plus performant au monde .Même si les Etats-Unis ont réduit depuis 1990 leurs forces basées à l' étranger et ont abandonné certaines installations, par exemple aux Philippines, le système de bases hérité de la guerre froide est resté pour l' essentiel intact, et l' expansion de l' OTAN a même fourni des bases supplémentaires dans l' est et le sud de l' Europe .Depuis la guerre du Golfe, l' accès aux régions-clefs a été amélioré, les Etats-Unis ayant développé un réseau de bases aériennes, d' installations portuaires et de centres de commandement dans tout le golfe Persique où troupes et avions se relaient en permanence .Ils ont installé des stocks de munitions et des équipements de soutien et de combat tout autour de le monde, sur terre et sur mer, qui représentent l' équivalent de trois divisions et demie .Depuis 1991, les Etats-Unis ont également amélioré de façon significative leurs capacités de transport aérien et maritime sur longue distance .

La maîtrise des airs

Une panoplie d' engins volants spécialisés dans l' attaque, le brouillage et l' acquisition électronique de le renseignement donne aux Etats-Unis une capacité de " suppression " ( destruction ou neutralisation ) des défenses aériennes ennemies ( SEAD ) .Elle limite l' efficacité des missiles sol-air ennemis et d' éventuels chasseurs, et permet aux Etats-Unis d' user, sans trop de risques, du ciel de l' adversaire au-dessus de 15 000 pieds .A cette altitude, leurs avions sont hors de portée des moyens de défense " rustiques ", comme les canons automatiques .Les Etats-Unis possèdent d' importants stocks de munitions aériennes de précision : leurs pilotes peuvent donc, même à cette altitude, détruire de façon fiable des cibles aussi réduites que des chars ou des bunkers .Tout un éventail d' engins tels que les satellites , les avions de reconnaissance et les drones leur fournit aussi des informations, importantes même si imparfaites, sur la localisation et l' identification des cibles majeures .Ces capacités sont apparues durant l' opération Rolling Thunder, au Vietnam ( 1965-1968 ) ; les résultats présents sont donc le fruit de plus de trois décennies d' effort .Aucun autre Etat dans le monde, à l' exception possible d' Israël , ne dispose de moyens aussi sophistiqués en matière de SEAD ou de frappes de précision .La maîtrise des espaces communs est au coeur de la puissance des Etats-Unis, au point qu' elle est rarement explicitement reconnue ...Sa pleine exploitation est rendue nécessaire par les difficultés qui attendent leurs forces au contact de l' adversaire .En dessous de 15 000 pieds, à quelques centaines de kilomètres des côtes ennemies et au sol, les Etats-Unis entrent en effet dans une zone où leur domination est contestée .Les militaires américains espèrent atteindre dans ces zones la même marge de supériorité que celle dont ils disposent dans les " espaces communs " .Mais cela n' est pas le cas, et ne le sera sans doute jamais .

Les zones contestées de la domination des Etats-Unis

Les adversaires rencontrés par les Etats-Unis depuis 1990 se sont rarement montrés coopératifs .Ils savent quels sont les points forts de ce pays et s' emploient à les neutraliser .Les militaires américains utilisent le terme de " menace asymétrique " pour désigner le recours par un adversaire aux armes de destruction massive, au terrorisme ou à n' importe quelle autre méthode classique prenant en compte les atouts des Etats-Unis .   [On...] En inventant un terme spécifique, on tombe cependant dans une sorte de piège logique : les adversaires intelligents sont désignés par un terme spécial, ce qui signifie implicitement que les autres sont censés être stupides .   [Il...] Or, il est peu probable qu' il en aille ainsi, et il est de toute façon dangereux de raisonner de la sorte en matière militaire .En réalité, plus les Etats-Unis s' approcheront du territoire tenu par l' ennemi, plus celui -ci se montrera efficace, sous l'effet de facteurs politiques, physiques et technologiques combinés .Les cas de l' Irak, de la Serbie , de la Somalie , de l' Iran , les embuscades rencontrées en Afghanistan au cours de l' opération Anaconda montrent qu' il est possible de lutter militairement avec les Etats-Unis .Seuls les Somaliens peuvent revendiquer quelque chose qui ressemble à une victoire ; mais les autres ont imposé aux Etats-Unis des coûts inattendus, préservé leurs forces, et souvent survécu à l' affrontement jusqu' à pouvoir hélas colporter entre eux leurs recettes .Ces pays ou entités étaient petits, pauvres, et souvent très en retard militairement .Ces exemples appellent à la prudence .Les facteurs essentiels sont ici les suivants .En premier lieu, la guerre a en général pour les acteurs locaux un intérêt politique de premier ordre, souvent bien plus important que celui des Etats-Unis .Leur tolérance à la souffrance est donc plus grande .En deuxième lieu, en dépit de leur taille réduite, ces acteurs supplantent d' ordinaire les Etats-Unis dans une ressource précise : le nombre d' hommes en âge de combattre .Même s' il n' est plus l' élément déterminant de la guerre terrestre, il reste un facteur critique, notamment en ville, dans la jungle ou en montagne .Troisièmement, les " locaux " disposent en général d' un avantage : ils jouent à domicile .Si les Etats-Unis ont constitué au fil de les décennies la mémoire institutionnelle qui leur permet de maintenir leur maîtrise des espaces, les acteurs locaux ont fait un travail similaire sur leur propre pays .Ils connaissent intimement le terrain et la météo, et ont mis au point, sur des décennies, voire des siècles, des tactiques et des stratégies adaptées à leurs milieux .Quatrièmement, nombre des chefs militaires de ces Etats ou entités ont été formés dans le monde développé - pendant la guerre froide, la formation militaire fut souvent utilisée comme instrument d' influence politique .Ils ont appris les tactiques en vigueur en Occident, comme l' usage des armes occidentales, et les meilleurs d' entre eux peuvent tourner ces connaissances contre les Etats-Unis .Certains rapports montrent d'ailleurs que les adversaires des Etats-Unis ont échangé leurs expériences .Cinquièmement, l' arsenal nécessaire à le combat rapproché , à terre , dans les airs à basse altitude ou dans les eaux territoriales est beaucoup moins coûteux que les armements nécessaires à la guerre dans les " espaces communs " .En outre, la diffusion des capacités économiques et technologiques civiles trouve son parallèle dans le domaine militaire : de nouveaux fabricants apparaissent, cherchant des débouchés à l' export, et l' arsenal pour le combat rapproché connaît un perfectionnement constant .Tous ces facteurs se renforcent et contribuent à créer une " zone contestée " .Dans une telle zone, les interactions entre les Etats-Unis et les forces locales vont souvent prendre la forme d' un véritable affrontement .Tout ceci n' annonce pas forcément une défaite américaine, mais nombre de difficultés .

Le combat littoral

Depuis la fin de la guerre froide, l' U.S . Navy a voulu montrer qu' elle offrait des réponses adaptées aux réalités contemporaines .Au début des années 1990, n' ayant plus d' adversaire en mer, elle a commencé à se réorienter afin de influer sur le combat terrestre .Les premiers documents en ce sens s' intitulent, de façon révélatrice, From the Sea et Forward from the Sea .Le chef des opérations navales a récemment mis l' accent sur les missions de la Navy à proximité du littoral adverse, dans un document de doctrine : Sea Power 219 .La Navy admet que le " combat littoral " est une mission différente de celles pour lesquelles elle s' était spécialisée, exigeant compétences et moyens particuliers ; mais elle n' a réalisé que peu de progrès depuis dix ans .Nombreux sont les pays experts en combat littoral .La Suède, l' Allemagne et Israël , probablement la Corée de le Sud , sont sans doute les meilleurs pour combiner les arsenaux et les technologies les plus modernes, ainsi que un entraînement et des tactiques appropriés .La Chine, Taiwan , la Corée de le Nord et l' Iran ont développé des forces militaires considérables dans ce domaine, même si tous souffrent de quelques lacunes .Une force structurée pour le combat littoral combine plusieurs éléments : mines, missiles anti navires, sous-marins diesels, vedettes d' attaque rapides, radars et moyens électroniques, batteries mobiles de missiles sol-air ( SAM ) à longue portée, avions et hélicoptères .Ces systèmes sont relativement peu coûteux .Ces dernières années, aucune grande puissance n' a eu à combattre une marine côtière de bon niveau, mais les mines et les missiles anti navires ont touché ou coulé plusieurs navires britanniques et américains depuis 1980, des îles Malouines au golfe Persique .Prises séparément, ces armes sont un obstacle et un danger potentiel mortel .Ensemble, elles créent des synergies difficiles à briser, surtout si la nature du " terrain " est favorable à la défense, par exemple dans des eaux closes comme celles du golfe Persique .L' U.S . Navy pourrait sans doute démanteler une défense littorale performante, mais avec du temps et de lourdes pertes en hommes et en matériel .

Le problème des 15 000 pieds

En dessous de 15 000 pieds, les avions de combat tactiques sophistiqués et coûteux restent vulnérables à l' action de moyens pléthoriques et peu coûteux comme l' artillerie anti aérienne automatique ( AAA ) légère de tout calibre, les SAM, et surtout les systèmes portables à guidage infrarouge comme les missiles américains Stinger .En dépit de un taux de pertes très bas, 71 % de celles subies par les forces aériennes alliées pendant la guerre de le Golfe furent provoquées par l' AAA et des SAM infrarouges à courte portée .Les forces aériennes occidentales volent donc au-dessus de 15 000 pieds afin de éviter ce type d' armement .   [Autre] Ce qui réduit sensiblement les pertes mais compromet la localisation des forces ennemiesforcesdes moyens de défense anti aérienne simples, peu coûteux , permettent donc de protéger les forces au sol, même s' ils n' abattent que peu d' avions adverses .Les moyens de défense anti aérienne sont encore plus efficaces s' ils sont structurés dans un système de défense anti aérienne intégré ( SDAI ), qui relie les systèmes à courte portée, intercepteurs de combat et autres SAM à moyenne et longue portée à des radars, des moyens de renseignement électronique et un système de communication .Dans ce cas, pour que les forces aériennes occidentales puissent opérer sans risque, les radars, les communications et les SAM de l' adversaire doivent être neutralisés ou détruits .   [Il..._SP] Il faut pour cela disposer de toute une panoplie d' instruments, et l' espace aérien adverseespaceLes militaires chargés de la défense anti aérienne ont appris qu' il leur suffit de survivre pour accomplir une partie de leur mission, à savoir la protection des forces au sol .Aussi ne s' exposent ne s' exposent -ils que lorsqu' ils le souhaitent, ce qui n' en contraint pas moins les Etats-Unis à rassembler à chaque fois l' ensemble de leurs moyens SEAD, pourtant rares et coûteux .Les opérations de " suppression " sont détectables par le renseignement électronique et les moyens d' alerte avancée ennemis .La défense peut ainsi " rationner " les attaques et être alertée à l'avance .Si les défenseurs sont suffisamment patients, ils se trouveront de temps à autre dans une situation tactique qui leur permettra d' abattre un avion .En 1999, l' armée serbe a montré qu' une AAA de basse altitude et un SDAI bien structuré - quoique obsolète - pour les altitudes moyenne et haute, constituaient un soutien puissant pour des forces au sol tentant de survivre aux attaques de l' U.S . Air Force .Ces forces terrestres présentaient un large éventail de cibles petites et mobiles ; les Serbes surent camoufler leurs tanks, véhicules et canons .Ils usèrent d' une grande variété de leurres pour tromper les pilotes américains, et la plupart des SAM mobiles serbes échappèrent aux attaques .Les Etats-Unis durent donc entreprendre chaque jour des opérations de " suppresion " ( SEAD ), alertant ainsi les Serbes à l'avance .Certes, le succès de ces derniers ne pouvait être que limité .Qu' il s' agisse de réseaux de transport ou d' infrastructures économiques, les objectifs fixes de grande taille comme les ponts et les centrales électriques ne pouvaient être déplacées ou camouflées , et ils furent donc détruits .   [Il...] il fut sans doute décourageant pour les forces serbes d' abattre aussi peu d' avions ennemis, l' OTAN infligea finalement assez peu de dommages aux forces terrestres serbes déployées au Kosovo .

Le problème de l' infanterie légère

L' opération Tempête du désert suggère qu' il est peu de forces terrestres au monde qui puissent rivaliser avec l' armée américaine, en terrain ouvert et dans le cadre de une bataille mécanisée .Mais il est d'autres configurations de combat terrestre : en ville ou en montagne, dans la jungle ou dans les marais .Et les Etats-Unis doivent avoir conscience des difficultés qui peuvent les y attendre .La première est une simple question d' effectifs .Les trois pays désignés comme appartenant à l' axe de le Mal " - la Corée de le Nord , l' Irak et l' Iran - ont des armées de conscription .Elles représentent en tout 16 millions d' hommes âgés de 18 à 32 ans .Sans doute_NEW_ ces hommes sont -ils entraînés très inégalement .Mais ce nombre donne tout de même une idée du potentiel dont disposent ces pays : les hommes constituent une importante ressource militaire, ici et ailleurs .La population de la planète devrait passer d' environ 6 milliards en 2003 à 8 milliards en 2025, l' essentiel de cette augmentation touchant les pays en développement .Les futurs fantassins devraient n' avoir aucun mal à s' équiper .   [Present_SP] Il y aurait dans le monde quelque 250 millions d' armes légères à usage militaire ou policier, y compris les mortiers et les armes antichars portables .Les stratèges américains doivent aussi prendre conscience du problème de police qui risque de se poser si les Etats-Unis tentent de conquérir et de réorganiser politiquement des pays peuplés .Occuper par exemple l' Irak, pays de 22 millions d' habitants , et y maintenir l' ordre exigerait la présence sur place de 50 000 hommes, à condition que après la victoire, comme le prévoient de façon optimiste les responsables militaires, le ratio policiers / population des Etats-Unis convienne également en Irak ( 2,3 pour 1 000 ) .Ces 50 000 hommes représentent 10 % des effectifs actifs de l' armée des Etats-Unis, et sans doute un cinquième des troupes de combat .Or le personnel militaire est devenu presque trop cher à recruter aux Etats-Unis .Pour faire des économies, une récente étude du Pentagone suggérait d'ailleurs de réduire les effectifs de 90 000 hommes, soit une division active sur dix : mais cette recommandation n' a pas été retenue .Il est tentant de croire que les gros bataillons de l' infanterie légère adverse seront aisément battus par des forces terrestres lourdes et " high-tech " .Les cas de la Somalie et de l' Afghanistan montrent que ce n' est pas si simple .Les forces d' élite envoyées à Mogadiscio en 1993 ont souffert de lourdes pertes, en partie du fait de leurs propres erreurs .Les combattants somaliens se sont battus avec courage et habileté, aidés par l' environnement urbain .   [Present] Il existe d'ailleurs des " fantassins urbains " encore mieux armés et préparés, comme les Russes l' ont découvert à Grozny .Et les informations trouvées dans les camps d' entraînement d' Al-Qaida en Afghanistan montrent qu' une infanterie peut être formée de façon efficace avec des méthodes relativement simples et " low-tech " .L' opération Anaconda, en terrain montagneux , témoigne du succès de cet entraînement .L' adversaire, camouflé , s' y est montré extrêmement habile : une colonne d' alliés afghans a été prise en embuscade de très près .Et tous les moyens de reconnaissance et de renseignement américains n' ont probablement pu localiser que la moitié des positions préparées par l' ennemi dans la vallée de Shah y Kot .Tous les hélicoptères d' attaque envoyés en appui ont été criblés de balles, et l' infanterie a souvent dû se déployer sous des tirs précis de mortier, ce qui explique la plus grande part des deux douzaines de blessés infligées aux Etats-Unis le premier jour .Au bout de plusieurs jours de combat, de nombreux éléments d' Al-Qaida ont pu s' échapper à la faveur du mauvais temps .Durant cette opération, Al-Qaida s' est battue avec des armes simples et très répandues de type soviétique : fusils d' assaut, lance-grenades, mortiers et mitrailleuses .Mais de nouvelles générations d' armes d' infanterie, peu coûteuses , seront bientôt accessibles aux adversaires potentiels des Etats-Unis .En bref, un grand nombre d' hommes en âge de combattre , un terrain favorable , un bon entraînement , et de grandes quantités d' armes peu coûteuses peuvent constituer un défi significatif pour les forces militaires américaines .

Les Etats-Unis ont jusqu'ici eu la chance de ne combattre que des ennemis disposant seulement d' une des trois capacités de base - aérienne, terrestre ou maritime .Et quand l' adversaire se spécialisait dans l'une d' elles, il n' était pas toujours du meilleur niveau .Les Serbes étaient très efficaces, mais leurs meilleures armes avaient une génération de retard, voire plus .En outre, bien que ils se soient battus rudement, la guerre n' avait pour eux qu' un objectif limité .Les Somaliens se sont battus avec ténacité et ont tout simplement chassé les Etats-Unis .Mais ils n' étaient ni aussi bien armés, ni aussi bien entraînés que les combattants d' Al-Qaida dans la vallée de Shah Y Kot .Ces derniers n' étant pas aussi bien armés que le seront certains de les adversaires futurs que les Etats-Unis pourraient affronter - ils n' étaient d'ailleurs que quelques centaines sur le champ de bataille .Enfin, les actions menées le long des littoraux par l' U.S . Navy pendant la guerre de le Golfe ont bénéficié de conditions tout à fait fortuites, l' Irak ne s' étant pas préparé sérieusement au combat naval .   [On...] On ne peut prédire avec certitude si les Etats-Unis auront un jour à affronter un adversaire doté de l' éventail complet des capacités créant la " zone contestée " .Et il il venait à se présenter, ils pourraient refuser le défi .   [Il..._SN] A horizon de dix ans, pourtant, il est plausible que l' Iran et la Chine auront acquis la maîtrise de certaines capacités aériennes, terrestres et maritimes .La Corée de le Nord est sans doute assez performante dans le domaine de le combat rapproché au sol, mais plus médiocre en matière de défense antiaérienne et de combat littoral .Les capacités actuelles de l' Irak sont difficiles à évaluer précisément .La Russie sera probablement la principale source des meilleurs systèmes de défense anti aérienne vendus dans le monde, mais la Chine ne tardera pas à entrer sur le marché .La Russie vend également des systèmes d' armes très performants pour la défense côtière .   [Il...] Il est d'ailleurs probable qu' elle conservera sa compétence en matière de défense anti aérienne et qu' elle réinvestira le domaine du combat littoral .Mais elle rencontrera plus de difficultés en matière de forces terrestres, et en particulier d' infanterie .

Les conséquences de la maîtrise globale

Nul ne doute que les Etats-Unis soient aujourd'hui la plus grande puissance militaire du monde, et la plus grande puissance globale depuis l' avènement de la voile . Leur suprématie militaire est à la fois une conséquence et une cause de l' inégale distribution de la puissance aujourd'hui .Si les Etats-Unis n' étaient pas dominants économiquement et technologiquement, ils ne seraient pas la première puissance militaire .

Cette domination militaire est aussi la conséquence de certains choix, comme celui d' avoir de vastes budgets d' armement, ou de certains types de dépenses .Les Etats-Unis jouissent d' une supériorité dans les capacités militaires qui leur permet une projection globale de puissance .La maîtrise des espaces communs - air , mer , espace - , leur offre toute une gamme d' options stratégiques dont les autres pays sont privés, bien que ils profitent, eux aussi, de ce " bien collectif " .Aussi longtemps que les Etats-Unis feront bon usage de cette maîtrise, nombre d' Etats jugeront que leur prééminence sert leurs intérêts .   [Il..._SP] Il sera donc difficile, pour d'autres, de la remettre en cause avant longtemps .   [Il..._SN] Pour autant, il est essentiel que les Etats-Unis ne concluent pas que les capacités qui leur assurent la maîtrise des espaces, ainsi que la possibilité d' accéder à tous les champs d' opérations, leur promettent un même niveau de supériorité dans toutes les circonstances .Pour des raisons démographiques, politiques et technologiques, le " combat rapproché " restera très probablement difficile .Les responsables civils et militaires du Pentagone partent souvent du principe selon lequel la supériorité technologique des Etats-Unis dans les zones " maîtrisées " peut être reproduite dans les zones contestées, pour peu que on investisse suffisamment dans la technologie .   [Cliv] C' est sans doute une chimère .Les Etats-Unis devraient réfléchir à une stratégie raisonnable, qui leur permette d' exploiter concrètement la supériorité que leur confère la maîtrise des espaces pour créer les conditions les plus favorables aux affrontements dans les zones contestées .Une stratégie militaire exploitant pleinement cette maîtrise de les espaces n' est pas compliquée dans son principe .La maîtrise des mers permet aux Etats-Unis de rassembler leurs propres forces, et celles de leurs alliés, pour disposer localement d' une supériorité matérielle massive et couper l' adversaire de ses soutiens politiques et militaires .La maîtrise de l' espace exo-atmosphérique permet d' étudier attentivement l' ennemi et d' adapter en conséquence les forces à employer contre lui .La maîtrise de l' air permet d' épuiser prudemment les forces restantes de l' adversaire .Au bon moment, les Etats-Unis et leurs alliés peuvent frontalement défier un adversaire très affaibli dans la zone contestée .Ces éléments, onéreux et durables , de la supériorité de les Etats-Unis leur donnent de telles capacités - même si leur mobilisation peut s' avérer lente - que bien peu d' Etats seront tentés de s' y mesurer .   [Il...] Si tel était pourtant le cas, il suffirait aux Etats-Unis de mettre en oeuvre une stratégie exploitant patiemment leur maîtrise des espaces communs : peu d' adversaires pourraient la supporter, ou y résister .



TITRE : L'adversaire irakien

AUTEUR : David BARAN

L' Irak, disaient les spécialistes à la fin de les années 1980, était l'un des pays les plus méconnus au monde .Avec l' embargo, les années 1990 ont encore aggravé cette situation, en isolant ce pays autrefois fréquentable .En dépit de un contexte de guerre annoncée, l' adversaire irakien de Washington reste insaisissable, si ce n' est par des analyses se focalisant sur les " capacités militaires " de Saddam Hussein .Or les guerres, pour reprendre l' expression d' un expert , ne tiennent jamais à des " facteurs tangibles ", c' est-à-dire chiffrables ( nombre d' hommes, de chars ou de missiles dans chaque camp ) .Le régime actuel a survécu plus de 30 ans à d' innombrables dangers qui ont contribué à forger un dispositif de sécurité sophistiqué, dont le rôle durant le conflit pourrait être déterminant .Ce dispositif, initialement simple , s' est enrichi dans l' épreuve, pragmatiquement .Il est le résultat d' une sorte d' apprentissage, fait d' erreurs, de corrections, de perfectionnements .Par sa plasticité, il offre à Saddam, au-delà de les seules capacités militaires, un ensemble de ressources qui pourraient se révéler utiles en temps de guerre .

La consolidation du pouvoir : 1968-1980

Le régime actuel a pris le pouvoir à l'occasion de un coup d' Etat militaire, orchestré par le parti Baas, qui demeure le parti unique en Irak à ce jour .Pour asseoir son autorité, il a procédé au remaniement de l' appareil de sécurité et au développement d' institutions propres .Il a hérité d' un dispositif de coercition classique, comprenant une armée de taille modérée ( née en 1921 et incluant une force aérienne, la plus ancienne du monde arabe ), un service de renseignement militaire dit Istikhbarat ( chargé, depuis le début des années 1930, à la fois d' informer l' armée et de garantir sa loyauté ) et une police politique connue sous le nom de Amn, ou Sûreté ( remontant aux années 1920 ) .   [SujetInv] A ces vénérables ancêtres datant 0 de la Monarchie s' ajoutait une innovation ultérieure majeure, la Garde républicaine, formée en 1963 à partir de éléments de l' armée régulière .Consacré à la protection de la Présidence et agissant sous son autorité directe, ce corps d' élite est l' aïeul des fameuses Gardes républicaines de Saddam Hussein .

Le développement et la subversion de l' armée

De ces quatre structures, l' armée est celle qui a connu les transformations les plus spectaculaires .Rassemblant 50 000 hommes en 1968, elle en aurait compté près de dix fois plus en 1980 .Cet élargissement s' est accompagné de la pénétration de l' institution militaire par le Parti .L' admission à l' Académie militaire a été restreinte aux seuls membres du Baas .La peine de mort est venue sanctionner toute activité politique alternative dans l' armée .Comme il était théoriquement possible à l'ancienne génération de demeurer apolitique, les soldats ont été encouragés à désobéir aux ordres d' officiers non baasistes au cas où ils les jugeraient " suspects " .

Le recrutement militaire, répondant à des critères idéologiques nouveaux , maintenait cependant d' anciens principes de ségrégation communautaire .Les Anglais, sous la Monarchie , avaient rapidement institué une politique discriminatoire d' admission à l' école militaire, favorisant les Arabes sunnites au détriment de les Kurdes et des Arabes chiites .En outre, le déclin économique amorcé à cette époque par la bourgade de Tikrit , patrie de Saddam , avait engendré de nombreuses vocations militaires .   [SujetInv] Préexistait donc au coup d' Etat de 1968 une sorte de corps sur lequel les nouveaux dirigeants politiques, eux -mêmes sunnites et originaires de Tikrit, pouvaient compter .Le régime n' a fait qu' accentuer ces tendances sectaires au sein de l' armée .Lorsque Saddam Hussein a revêtu les fonctions de président de la République, en 1979, des Tikriti occupaient presque tous les postes prééminents de commandement .

L' extension du dispositif militaire et de sécurité

Parallèlement à ces réformes, le régime a inauguré des instruments inédits en matière de sécurité .Deux d' entre eux méritent mention .   [Present_SP] Il s' agit de l' Armée populaire et d'arméeIssus du Parti et formant d'emblée des organes relativement sûrs, ils venaient concurrencer l' armée régulière et la Sûreté, deux institutions dont la fidélité n' était pas acquise a priori .Mise sur pied au début de les années 1970, l' Armée populaire est l' avatar d' une milice aussi éphémère que redoutable, responsable des quelques mois de terreur post-révolutionnaire qui ont suivi la première et brève accession des baasistes au pouvoir en 1963 .Les Moukhabarat, établis en tant que tels vers 1973 , sont issus d' un organe de sécurité interne élaboré par le Parti, contraint d' agir, entre 1963 et 1968, dans la clandestinité .Saddam Hussein , réputé être l' architecte de cet organe implacable , rassemblant un noyau dur de militants de les plus engagés , y a certainement été à bonne école .En 1973, une spectaculaire tentative d' assassinat lui fournit le prétexte nécessaire à une véritable refonte : préparée par le directeur général de la Sûreté, Nadhem Gezar, elle ne visait pas moins que le président de la République, Ahmed Hassan al-Bakr, et l' homme fort du moment, Saddam Hussein .Seul le ministre de la Défense y a perdu la vie ; le régime, lui, gagnait une excellente occasion d' asseoir son pouvoir .Outre diverses mesures renforçant l' autorité du président et des hautes instances du régime, l' affaire Gezar a justifié le remaniement et l' expansion soudaine des services de sécurité .Elle a favorisé l' établissement des Moukhabarat comme organe concurrent de la Sûreté .Quant à l' armée populaire, encadrée par le Parti mais placée par précaution sous le contrôle opérationnel des Moukhabarat, elle a amorcé une forte progression de façon à accompagner la croissance de l' armée .Mobilisant 50 000 hommes en 1977, elle en rassemblait 250 000 en 1980 .

Pour verrouiller son emprise sur ce dispositif en pleine croissance, Saddam Hussein a eu recours à deux formes de centralisation de l' autorité .L' une consistait à nommer des proches à des postes-clefs, tout en veillant à se prémunir de leurs ambitions personnelles .Taha Yassin Ramadhan, camarade de lutte d' une loyauté sans faille , commandant 0 de l' armée populaire à partir de 1974 , était ainsi flanqué d' un second rapportant directement à Saddam .Dans un même esprit, celui -ci nommait son demi-frère, Barzan Ibrahim al-Hassan, adjoint au directeur général des Moukhabarat dès leur conception .L' autre forme de centralisation, plus institutionnelle, consistait à court-circuiter les hiérarchies traditionnelles dans certains secteurs sensibles .Ainsi, les escadrons d' attaque de la Force aérienne sont passés dès 1978 sous la coupe de Saddam Hussein .Plus tard, la Sûreté et les Istikhbarat, soustraits à les ministères de l' Intérieur et de la Défense , respectivement , ont de même été soumis à la tutelle d' une présidence concentrant toujours plus d' autorité .

Tout ce processus sera renforcé par le développement de l' image de l' ennemi intérieur, relais des " impérialistes " et autres " sionistes ", avant que l' identification des minorités irakiennes " complices " soit bientôt doublée de celle d' un ennemi extérieur autrement important : l' Iran .

Une guerre ogresse : 1980-1990

Ayant pris officiellement les commandes du pays, sûr de ses forces, persuadé de pouvoir vaincre l' Iran en quelques opérations décisives, Saddam Hussein a jeté l' Irak dans un conflit inutile et épuisant .L' armistice du 8 août 1988 a arrêté les comptes, selon les estimations les plus pessimistes, à 500 000 morts dans chaque camp .Pourtant, huit ans de combats acharnés ont à peine altéré le tracé des frontières .A l'intérieur du pays, en revanche, la situation a considérablement changé : à bien des égards, l' Irak s' est ruiné par son énorme effort de guerre .Mais les forces armées et l' appareil de sécurité se sont épanouis, leur renforcement dans les années 1970 cédant la place à une formidable explosion .

Une armée aussi immense que jugulée

L' armée, bénéficiant d' un programme d' armement massif , a connu à cette époque une nouvelle inflation, comptant près de un million d' hommes à la fin de la décennie .Ce chiffre évocateur a aidé à faire de l' Irak, après l' invasion du Koweït, cet ennemi terrible requérant une coalition de 33 pays, dont les plus puissants au monde .En fait, la croissance numérique de l' armée, autant que son surarmement , servait à compenser de graves déficiences .Elle souffrait d'abord d' un style rigide de commandement .Politique et hyper centralisé, celui -ci laissait peu d' initiative aux professionnels de la guerre .Une planification excessive des opérations aboutissait à un manque fatal de réactivité .Les plans d' attaque, fixant parfois 0 des objectifs chimériques , étaient élaborés sous la supervision personnelle du commandant en chef des Forces armées, c' est-à-dire de Saddam .Les unités sur le front ne pouvaient ni annuler un assaut, ni frapper des cibles impromptues sans en référer aux quartiers généraux .Le succès du concept d' armée idéologique est un second handicap à relever .L' armée, placée sous la surveillance de les Istikhbarat , était aussi traversée d' un maillage de structures du Parti doublant la hiérarchie militaire et veillant au respect de une stricte orthodoxie politique .Le " bureau militaire " de le Baas et les Istikhbarat examinaient séparément les candidatures aux postes d' officiers .Peu attentif aux aptitudes militaires, ils scrutaient les activités civiles des gradés .Les commandants sélectionnés, craignant constamment les accusations de déloyauté , se pliaient ensuite à des ordres absurdes pour manifester leur totale soumission .Ces considérations politiques ont d'abord promu une norme de médiocrité militaire au sein de l' armée .Il subsistait naturellement des commandants valeureux .Les besoins en personnel avaient d'ailleurs eu le mérite d' ouvrir plus équitablement le recrutement des gradés à la population chiite, qui ne fournissait pas seulement, comme on l' a parfois prétendu, la " chair à canon " .Nombre d' officiers chiites compétents ont pris la tête de corps d' armée et les héros acclamés parmi eux n' étaient pas l' exception .La guerre, qu' il fallait bien gagner , obligeait le régime à ne pas trop s' aliéner une hiérarchie frustrée de ses prérogatives et allant jusqu' à donner quelques signes de mutinerie .Confronté à de cuisantes défaites et à la stratégie iranienne de " marée humaine ", Saddam a dû s' en remettre, finalement, aux conseils de quelques commandants de confiance .Ce changement ne signifiait pas la consécration publique du talent militaire, au contraire .A ce moment, Saddam Hussein a justement modifié sa stratégie médiatique, reléguant dans l' ombre les officiers les plus illustres pour se protéger de leur popularité .Une série d' accidents suspects, causant notamment la mort d' Adnan Kheirallah Tulfah , cousin et beau-frère de le président , cumulant les postes de commandant en chef adjoint de les forces armées , de ministre de la Défense et de vice-Premier ministre , a incité les héros ayant survécu au conflit à opter d' eux -mêmes pour la plus grande modestie et la plus parfaite discrétion .

Les auxiliaires et contrepouvoirs

Conformément à sa vocation de contrepouvoir, l' Armée populaire s' est étendue proportionnellement aux forces régulières .Selon son commandant Taha Yassin Ramadhan, elle dépassait en 1984 les 500 000 conscrits et venait d' être dotée d' armes lourdes .Son rôle sur le front la plaçait surtout en soutien à l' armée .Palliant le vide créé par la concentration des forces à l' est, elle assurait aussi des campagnes d' arrestation de déserteurs et diverses fonctions de logistique et de contrôle dans l' arrière-pays .

Dans le courant de la guerre, deux autres formations sont venues peser dans ce jeu de contrepoids .La Garde républicaine, initialement prétorienne , s' est muée en une vaste force offensive, s' ajoutant aux armées régulière et populaire .Et l' expansion de la force aérienne a conduit au déploiement d' un Corps aérien de l' armée, pourvu essentiellement d' hélicoptères et indépendant du reste de l' aviation .Redoutant ses propres avions, le régime a également réduit, par un entraînement minimal, les capacités opérationnelles des pilotes d' attaque .Autre signe de défiance, la Garde républicaine et l' Armée populaire ont été équipées d' un arsenal de D.C.A. considéré supérieur à celui de la Défense aérienne, qui relevait de l' armée .Malgré une organisation et une doctrine comparables, d' inspiration soviétique, la Garde se distinguait de l' armée par sa capacité à mener des opérations plus complexes et impliquant des blindés .Recevant l' équipement le plus moderne grâce à un système d' approvisionnement spécifique et prioritaire, elle devait son efficacité à un personnel de qualité, motivé par le prestige de ses fonctions et par les avantages qui y étaient attachés, en terme de soldes, primes, permissions, rations, achats subventionnés, etc .   [SujetInv] S' ébauchait ainsi un système de préséances que le régime a systématisé par la suite .La Garde inaugurait en outre une forme nouvelle de recrutement, faisant appel aux contingents de quelques grandes tribus arabes et sunnites, alliées du régime .Ainsi, le régime désavouait ouvertement le concept d' armée idéologique, fondement même de l' armée .Les effectifs de la Garde républicaine ont été particulièrement renforcés au cours de les deux dernières années du conflit .Elle dépassait les 100 000 hommes lors de l' armistice et atteignit sa taille maximale de 150 000 hommes à la fin de la décennie .Multipliant les succès face à un ennemi affaibli, elle a joué un rôle concluant dans la " victoire " finale de l' Irak contre l' Iran .Performante et loyale, rompue à l'usage des gaz de combats employés en coordination avec le Corps aérien pour endiguer les " marées humaines " iraniennes, la Garde républicaine s' annonçait enfin comme une arme de choix en politique intérieure .

des innovations en matière de sécurité

Deux formations apparues dans la première moitié des années 1980 restent aujourd'hui encore aussi obscures que décisives .   [Present_SP] Il s' agit de la Sécurité spéciale,sécuritéSelon les avis, elle serait issue d' unités de la Garde stationnées à Bagdad pendant la guerre ou d' un premier bras armé de la Sécurité spéciale .Quoi qu' il en soit, elle apparaît comme une structure bien délimitée par une tâche unique : isoler physiquement les centres névralgiques du régime de leur environnement menaçant .Cet objectif simple implique en fait une extrême polyvalence, pour garder les édifices vitaux du pouvoir, tenir front à une sédition de blindés ou couvrir les déplacements furtifs de Saddam Hussein .La Garde républicaine spéciale a en outre reçu très tôt ses propres armes de D.C.A., ce qui illustre à quel point la notion de redondance est un précepte structurant du dispositif de sécurité irakien .Les origines de la Sécurité spéciale, service le plus secret et le plus sensible de le régime , sont encore plus incertaines .Sa structure précise et l' étendue exacte de ses affectations ne sont pas accessibles à un observateur extérieur au monde du renseignement .   [Il...] Il serait d'ailleurs surprenant que même les agents de ce service aient une vision complète et détaillée de son organisation .   [On..._SP] Néanmoins, on peut tenter de la décrire grossièrement en deux points .D'une part, la Sécurité spéciale s' est imposée comme l' instrument de contrôle d' un appareil militaire et de sécurité en pleine effervescence .La guerre contre l' Iran et le développement économique du pays, impliquant une importante présence étrangère en Irak , a commandé une forte expansion des Istikhbarat et des Moukhabarat, s' ajoutant à celle de l' armée, de l' Armée populaire et de la Garde républicaine .Les effectifs de la Sûreté ont également progressé durant les années 1980, bien que ils aient été purgés par Ali Hassan al-Majid, cousin de Saddam, et que son importance relative au sein de l' appareil de sécurité ait eu tendance à diminuer .Chargée de déceler toute dissidence, la Sécurité spéciale s' est appuyée dans chacune de ces institutions sur des éléments recrutés discrètement, cooptés pour un loyalisme absolu et préalablement éprouvé .

D'autre part, elle s' est affirmée comme une sorte de pouvoir exécutif propre aux intérêts supérieurs du régime .Les ordres émis ou transmis par ses agents sont indiscutables .Son intervention signifie toujours que l' affaire est d'importance en haut lieu .Ainsi, la Garde républicaine, relevant officiellement de le Commandement en chef de les forces armées , lui a été fonctionnellement subrdonnée .   [Cliv] Mais c' est surtout dans le domaine dit de l' industrialisation militaire " que son rôle d' exécutif occulte s' est révélé .Hussein Kamel Hassan al-Majid , neveu et gendre de Saddam Hussein , cerveau de l' industrialisation militaire et architecte supposé de la Sécurité spéciale , a mis celle -ci au service de le programme ambitieux d' armement et d' approvisionnement militaire, secteur exigeant, sensible et formateur s' il en est .La Sécurité spéciale a notamment joué un rôle-clef dans la mise en place d' un réseau de fournisseurs via des sociétés-écrans, dans le détournement d' infrastructures civiles à des fins militaires, dans la coordination des acteurs divers du secteur et dans la protection de l' information, grâce à un cloisonnement accru de l' appareil de sécurité et à la mise en oeuvre des techniques de dissimulation indispensables à ce programme .Bref, les années 1980, ponctuées par une guerre ogresse , par des besoins insatiables en armement et par une terrible opération de répression ( dite Anfal ) à le Kurdistan , ont été les années d' une activité intense du point de vue de l' appareil de sécurité .Les horreurs de l' opération Anfal, orchestrée par Ali Hassan al-Majid , ont laissé comme symbole le gazage de Halabja .du point de vue de l' appareil de sécurité, elles ont démontré l' efficacité de petites unités paramilitaires, composées d' éléments tribaux, de militants baasistes et d' agents de l' appareil de sécurité, milices dont l' usage s' est aujourd'hui systématisé .

La débâcle et les sanctions : 1990-2002

La stratégie adoptée pour envahir le Koweït, en août 1990 , signalait le déclin de l' armée .La maîtrise des airs, assurée par la Force aérienne , a permis le largage, par des hélicoptères du Corps aérien, de commandos de la Garde républicaine aux points stratégiques de l' émirat .L' armée n' a servi, plus tard, que de force d' occupation .   [Cliv_SP] Pour la petite histoire, c' est par la radio que le ministre de la Défense et le chef d' état-major de l' armée auraient pris connaissance de l' invasion .L' humiliation de l' institution militaire entérinait la perte progressive, durant les années 1980, de ses fonctions de répression interne et de socialisation de la population dans une perspective de construction nationale, etc .Face à la coalition des Alliés, l' armée a d'ailleurs cédé à une débandade quasi généralisée .La Garde républicaine, à le contraire , s' est montrée digne des espoirs que le régime avait placés en elle .

Une défaite paradoxale et ambiguë

La défaite patente de l' Irak montrait à l'évidence la faillite d' une stratégie dépassée .Statique et essentiellement défensive, inspirée des tactiques soviétiques et de la guerre contre l' Iran, minée par des considérations sécuritaires et d' incroyables erreurs de jugement, cette stratégie ignorait surtout que aucune guerre classique ne pouvait être gagnée contre les Etats-Unis .L' armée irakienne n' avait jamais réussi à maîtriser des opérations coordonnées complexes .La supériorité technique acquise face à les Iraniens , précisément pour compenser de telles défaillances , devenait dérisoire comparée à l'avance de l' OTAN . Saddam Hussein a vite compris qu' il existait des réponses imaginatives et non technologiques à opposer aux armements de l' ennemi .Confronté à la suprématie aérienne américaine, le régime a ordonné aux servants de la Défense aérienne d' évacuer leurs positions de tir en moins de trois minutes, initiant la technique des tirs furtifs .Il a disséminé de nombreux blindés dans les villes, notamment à Bagdad, où sont restées intactes jusqu' à la fin de la guerre des unités entières de la Garde républicaine .Les avions rescapés de les premières nuits de bombardement ont également été dispersés, garés dans des zones urbaines, intégrés à des sites archéologiques, abrités sur des routes détournées ou encore dissimulés dans des hangars déjà détruits .Le Corps aérien, rivé à le sol et escamoté d'emblée , n' a ainsi perdu en tout que six hélicoptères .De même, les employés de l' appareil de sécurité ont déserté leurs locaux officiels .Certains dormaient dans leurs voitures ou s' invitaient dans des familles qui ne pouvaient guère leur refuser l' hospitalité .D'autres disposaient déjà de locaux banalisés .Dès les années 1970, la Sûreté avait installé des antennes locales dans les quartiers, rachetant des pavillons d' habitation à des prix imposés .Cette politique s' est étendue après les bombardements massifs de 1991 .   [Il...] Il est notoire que Saddam Hussein lui -même, pendant les frappes, a eu recours à une mobilité constante plutôt que aux fortifications, quitte à passer lui aussi la nuit " chez l'habitant ", entouré de gardes du corps .Les Etats-Unis, sait -on aujourd'hui, souhaitaient pourtant le localiser pour le tuer d' un missile bien placé .

Ces exemples d' esquive convergent vers une doctrine nouvelle et tacite de préservation . Trois facteurs majeurs ont contribué à la survie du régime . ont contribué à la survie du régime .Tout d'abord, la préservation de Bagdad comme sanctuaire , malgré de nombreux sacrifices , a fait paraître Saddam Hussein comme difficilement " délogeable ", à moins de une invasion hasardeuse de la capitale .Ensuite, la préservation au sein des forces armées de les forces dites " frappantes " ( quwat dhareba ) a autorisé de surprenantes contre-attaques face à un adversaire enorgueilli par la faible résistance de l' armée .Plus fidèles et plus motivées que les unités régulières, ces unités d' élite spécialisées dans les opérations ponctuelles s' étaient justement éclipsées durant la première phase du conflit, s' abritant dans le tissu urbain de Bagdad . Enfin, la préservation de l' appareil de sécurité, dans ses dimensions préemptive et répressive , assurait au régime, affaibli, de rester maître de sa population .Avec les encouragements de Georges Bush, des révoltes ont éclaté lors de le retrait allié dans presque tout le pays, d'abord dans le sud chiite, puis au Kurdistan .Les soulèvements ont touché jusqu' à certains secteurs de la capitale .Ce qu' on a appelé une " Intifada " ressemblait beaucoup, à vrai dire, à des émeutes désordonnées .Pillages et carnages y étaient la norme en l'absence de direction politique .Le pouvoir en place a étouffé sans mal ce feu de paille attisé puis délaissé par Washington .Les villes, les campagnes et surtout les mémoires portent aujourd'hui encore les marques d' une répression dont la Garde républicaine et, dans une moindre mesure, le Corps aérien ont été les instruments de prédilection .Les Irakiens, dont beaucoup avaient d'abord cru à le régime , voire adulé Saddam Hussein , n' en étaient certes pas à leurs premiers désenchantements .Néanmoins, la guerre et l' Intifada ont signé un divorce plus formel entre le pouvoir et la population .Cette fois, chacun avait irrémédiablement failli à l' autre .L' embargo a facilité cette rupture en devenant le responsable désigné de la souffrance du peuple et du retard du pays .Dispensé de prodiguer un quelconque bien-être social, conscient de l' inanité de toute relance idéologique, le régime est dès lors consacré à la seule défense de ses intérêts vitaux .

Un resserrement du dispositif militaire et de sécurité

Les transformations de son dispositif militaire après la guerre résument bien la révision de ses ambitions .Saddam a pris acte de l' ampleur de la débâcle et des limitations imposées par la tutelle internationale à la fabrication et à l' importation d' armements nouveaux .L' armée régulière aurait été réduite à 350 000 hommes environ .Au-delà des chiffres, elle souffre surtout de la démoralisation des soldats, de la défiance du régime et d' une grave pénurie de pièces de rechanges pour un armement extrêmement diversifié .   [SujetInv_SN] Lui a été retiré le commandement de la Défense aérienne, formation qui s' est distinguée par sa vaillance et son utilité durant le conflit .Contrepartie douteuse, un département des Istikhbarat, la Sécurité militaire , en a été détaché en 1992 pour former un troisième organe de surveillance imposé à l' armée .Sécurité militaire et Défense aérienne sont passés sous le contrôle direct de la Présidence, conformément à une logique de centralisation toujours renforcée .La Force aérienne et l' Armée populaire ont également pâti des restructurations d' après-guerre .Après une prestation lamentable face à les Alliés, l' aviation s' est vu couper les ailes par la mise en place d' immenses zones d' exclusion aérienne, limitant ses capacités d' intervention et d' entraînement .L' Armée populaire, réformée en tant que telle , s' est réincarnée sous diverses formes dégénérées, dont l' Armée de libération de Jérusalem ( jeish tahrir al-quds ) n' est que la dernière en date .Né en 1998, ce monstre de 7 millions de soi-disant " volontaires " , burlesques et démotivés , sert des fonctions de propagande et de domination qui n' ont rien de militaire .En revanche, le régime a patronné trois formations importantes .Bien que il ait réduit de moitié les effectifs de la Garde républicaine, passée de 150 000 à 70 000 hommes, il a veillé à en reconstituer les précieuses unités mécanisées et blindées .Pour ce faire_NEW_ il a eu recours, outre quelques importations illégales, à la cannibalisation des matériels rescapés du pilonnage, souvent au détriment de l' armée .Le régime s' est aussi détourné de son aviation au profit de un Corps aérien plus opérationnel .Il en a consolidé les escadrons habitués à opérer en coordination étroite avec la Garde républicaine .L' importation de pièces de rechange est d'ailleurs révélée plus facile pour les hélicoptères, qui bénéficient d' un double statut civil et militaire .Enfin, les incursions quasi quotidiennes des avions anglo-saxons dans les zones d' exclusion aérienne et les " frappes " régulières de missiles de croisière ont stimulé l' intérêt porté par Saddam Hussein à la Défense aérienne, rénovée et amadouée par des privilèges semblables à ceux dont bénéficie la Garde républicaine .   [On...] On ne saurait souligner assez que c' est là la principale disposition militaire classique prise par l' Irak contre un adversaire étranger .

En somme, le régime a remodelé et réorienté ses forces armées pour aller vers un système plus sûr et plus compact, au caractère répressif et défensif .Dans cette configuration, il ne représente plus guère, en dépit de les accusations des Etats-Unis, une menace pour ses voisins .Saddam Hussein perçoit plutôt l' armée, la Garde républicaine et le Corps aérien comme une menace à son encontre, bien que ils garantissent son hégémonie grâce à le monopole de l' artillerie lourde et des blindés .Depuis 1988, la Garde républicaine est cantonnée à la périphérie de la capitale, où elle délimite à son tour un périmètre d' accès interdit à l' armée régulière .Dans tout le pays, un réseau de checkpoints détecte le moindre mouvement de troupes .A chacun de ces checkpoints, au moins dix plantons relevant de hiérarchies différentes incarnent la méfiance ambiante .   [SujetInv_SP] Reste à dire que chaque unité comprend un agent de renseignement officiel, disposant de plus d' autorité que son commandant effectif, et d'autres rapporteurs plus officieux, pour mesurer à quel point les considérations sécuritaires priment sur toutes les autres formes d' efficience, notamment militaire .

Quant à l' armement non conventionnel du régime, qu' il existe ou non, il ne peut avoir d' utilité sans l' appui de forces conventionnelles, sauf en cas de agression .Il paraît de toute façon exagéré par les Etats les plus va-t-en-guerre .La réactivation des programmes des années 1980 exigerait l' importation illégale mais facilement décelable de toutes sortes d' équipements, étant donnée l' ampleur du démantèlement des infrastructures réalisé par l' ancienne commission en désarmement des Nations unies ( UNSCOM ) .Elle offrirait donc, en toute logique, des pièces à conviction abondantes .En temps normal, la survie de Saddam Hussein découle d' une savante mainmise sur le pays .En politique intérieure, ses principales sources de contrariété ont trouvé des solutions durables au cours de les années 1990 .Le régime a malmené la communauté chiite et décapité sa hiérarchie religieuse .Il a mené à bien l' assèchement des marais, au sud, ancien sanctuaire de déserteurs et d' opposants .L' autonomie octroyée aux trois " gouvernorats " de le Nord a réglé le problème que posait l' asile inexpugnable des montagnes du Kurdistan .Dernier refuge naturel, de luxuriantes palmeraies ont été détruites sur des surfaces considérables .Quant au tissu urbain, il reste quadrillé par un maillage d' informateurs renseignant efficacement Moukhabarat et Sûreté .Pour parfaire son contrôle du territoire, le régime a élargi son dispositif sécuritaire en y intégrant les tribus, jugées responsables de leurs membres et des régions qu' elles occupent .Lorsque des troubles localisés surgissent, le régime applique un principe de responsabilité collective et intervient brutalement .Une technique usuelle consiste à encercler, voire bombarder, le village ou le quartier concerné avant d' y mener des rafles .La Sécurité Spéciale, les Moukhabarat , la Sûreté et le Parti disposent tous de leurs bras armés paramilitaires, qui opèrent souvent en collaboration avec la Garde républicaine et les troupes régulières .L' usage simultané de plusieurs de ces formations illustre une fois encore la notion de redondance .Pour compliquer ce jeu de contrepoids, le fils aîné de Saddam Hussein , Oudei , y a ajouté en 1995 sa propre milice, probablement pour contrer l' emprise de son frère cadet Qousei sur l' appareil de sécurité .Formés de jeunes déshérités, triés sur le volet, endoctrinés et soumis à un entraînement sévère, ces " Fedayin de Saddam " n' apportent pourtant rien de nouveau à un appareil amplement suffisant pour maîtriser une population essentiellement inerte .

au plan interne, les menaces les plus sérieuses viendraient donc de l' appareil de sécurité lui -même ... s' il n' avait été soigneusement verrouillé .   [Il..._SP] A vrai dire, il est impossible de rendre compte de la pléthore de précautions prises en réponse à les tentatives d' assassinat, aux coups d' Etat manqués, aux complots ourdis jusqu' au sein de la Garde spéciale, aux trahisons de proches tels que Hussein Kamel, ainsi que aux moyens dispensés à l' étranger pour subvertir le système .   [SujetInv] Se mêlent recouvrements de compétences, concurrence entre services, contrôles croisés, dédoublement des mécanismes de commandement, redistribution permanente du personnel, fabrication de " conspirations-hameçons ", etc .Cette complexité ne doit pas, d'ailleurs, faire illusion .L' appareil de sécurité n' est pas une machinerie parfaite, rationalisée .La Sûreté et les Moukhabarat, par exemple , sont minés par une corruption notoire, non seulement tolérée mais intégrée et instrumentalisée par le régime .   [Cliv] C' est là le point important : cette architecture est perpétuellement en mouvement .Or le mouvement est une ressource de ce régime qui est tout sauf conservateur .

Un scénario possible pour une guerre annoncée

La plasticité du régime est un facteur ignoré dans toutes les anticipations de la guerre .Constatant que les " options militaires " de l' Irak sont limitées, les analystes n' envisagent comme alternative à ces options classiques que le scénario catastrophe des " armes de destruction massive " .Ils n' entrevoient rien, semble -t-il, entre une débandade assurée des forces armées irakiennes et une sorte d' apocalypse, renvoyant à l' imaginaire du dictateur fou .   [On...] En Irak, pourtant, on craint moins la possibilité d' un suicide dévastateur que celle d' un usage stratégique et retors de gaz de combat, qui serait éventuellement attribué à l' armée des Etats-Unis pour galvaniser l' opposition populaire contre " l' agresseur " .Saddam Hussein , pragmatique , s' est assurément aguerri face à les menaces extérieures .Les " frappes " et autres ingérences étrangères l' ont préparé à cette confrontation ultime .Elles lui ont appris à escamoter ses cibles les plus vitales, à savoir la personne physique des hauts responsables, les missiles sol-air de la Défense aérienne et d' éventuelles armes de destruction massive .Les inspecteurs eux -mêmes lui ont montré les limites et les failles des méthodes de surveillance occidentale .Il oblige ainsi ses ennemis à se rabattre sur des cibles offertes, coquilles vides des édifices officiels ou centres de commandements de la Défense aérienne, centres dont l' importance au sein de le système de défense n' est plus nécessairement cruciale .Le régime escamote parfois jusqu' aux cibles les plus ordinaires .Lors des bombardements de 1998, des écoles, ainsi que de les installations industrielles et de les hangars alimentaires , ont accueilli des dépôts de munitions .Ces écoles abritent actuellement les membres du Parti chargés de maintenir l' ordre dans chaque quartier .Ceux -ci ont quitté leurs locaux officiels, imitant l' ensemble de l' appareil de sécurité .

Le régime compte sur la dispersion de son personnel pour maintenir la population dans l' inertie, peut-être même pour mener des opérations de guérilla contre des forces américaines obligées de s' engager dans le pays profond .Toutes les formations paramilitaires citées plus haut sont rompues aux combats de rue .Extrêmement mobiles, elles opèrent au besoin en civil et bénéficient d' une connaissance intime du terrain .   [interro] Resterons -elles loyales ?   [On...] On peut supposer que l' immense majorité des Irakiens ne combattra volontiers ni pour défendre le pouvoir, ni pour le défier .Tous redoutent la capacité de survie fabuleuse de Saddam Hussein, conjuguée à sa capacité - non moins fantastique - de répression .Ils pourraient obéir longtemps, mais sans zèle, aux consignes du régime, en attendant la certitude de sa chute .Il suffirait alors que la guerre traîne, qu' elle engendre des pénuries et de nombreuses victimes, pour que Saddam galvanise ses troupes les plus fidèles, maintiennent les plus déloyales dans l' irrésolution et gagne ainsi du temps .Ceci n' est qu' un des scénarios possibles, évidemment, aux côtés de une guerre éclair, propre et sans surprise .   [Autre_SN] Ce qui est sûr , c' est que les dispositions prises par le régimerégimeSaddam Hussein ne se soucie guère, semble -t-il, d' opposer une armée crédible contre les Etats-Unis .   [interro] Alors, où est donc l' adversaire irakien ?Dans l' imprévu, justement .



TITRE : Les Etats-Unis et le pétrole § De Rockefeller à la Guerre du Golfe

AUTEUR : Pierre Noël, * Economiste du pétrole ; Docteur en science politique. Chercheur au Centre français sur les Etats-Unis à l'Ifri ; chercheur associé au LEPIIEPE, université de Grenoble. noel.cfe@ifri.org

Une histoire d' entrepreneurs

La naissance et le développement de l' industrie pétrolière américaine ne furent pas une " affaire d' Etat " ; pour l' essentiel, cette histoire est une histoire d' entrepreneurs .En cela, les Etats-Unis se distinguent de tous les autres pays, industrialisés ou non .   [On...] Nous verrons plus loin qu' il ne fallut pas attendre très longtemps les premières interventions publiques dans le secteur, interventions multiformes et de grande ampleur .   [On...] Mais on ne trouve aux Etats-Unis aucun des attributs quasi-universels de l' industrie pétrolière, tellement répandus qu' ils apparaissent parfois comme naturels : ni entreprise publique ; ni monopole sur l' exploration, la production, le transport ou la distribution ; ni subordination de l' industrie à des objectifs " supérieurs ", de politique industrielle ou de politique étrangère .Les Etats-Unis font même exception à la règle de la propriété publique sur les ressources - exception plus discrète peut-être que les précédentes, mais qui porte plus loin .

au commencement était le droit

Les ressources naturelles contenues dans le sous-sol sont en général propriété publique .Investir en vue de l' exploitation minière ou pétrolière requiert, partout dans le monde ou presque, l' obtention d' un droit auprès de la puissance publique, par exemple sous la forme de une licence .   [Autre] Tel n' est pas le cas aux Etats-Unis,Etats-Unis   [Il..._SN] Pour forer sur une parcelle donnée, il faut et il suffit d' obtenir un droit de son propriétaire légitime .Le contrat par lequel ce droit est transféré s' appelle un lease ; c' est un contrat de droit privé .

  [On...] On ne saurait exagérer l' importance de cette singularité juridique ; osons affirmer qu' elle représente un des principaux déterminants de l' histoire pétrolière des Etats-Unis .La propriété sur la terre étant très peu concentrée , même à l'échelle de une province pétrolière , le marché de les droits d' exploration est nécessairement concurrentiel .Cette absence de contrôle sur le marché de l' exploration induit à son tour la concurrence sur le marché du pétrole lui -même .L' économie industrielle a redécouvert, ces trois dernières décennies et sous l' influence de Ronald Coase, le déterminisme juridique dans l' organisation économique .Dans le cas de l' industrie pétrolière américaine, la règle de droit semble induire mécaniquement la concurrence .Et il il fallait chercher un fil rouge courant tout au long de l' histoire pétrolière des Etats-Unis, on le trouverait dans l' affrontement permanent entre la dynamique concurrentielle et les forces contraires, puissances " organisatrices " publiques ou privées .

Ascension et chute de John D. Rockefeller

souvent de très nombreux entrepreneurs, des aventuriers risquant leur fortune personnelle , tentèrent leur chance dans l' exploration pétrolière à partir de les années 1860 .Acquérant des droits sur de minuscules parcelles ou sur des milliers d' hectares, ils furent les acteurs de l' ère héroïque de l' histoire pétrolière américaine .Mais l' amont pétrolier ( exploration et production ) est une activité extrêmement risquée et pour beaucoup de ces pionniers l' expérience tourna court .La plupart ne découvrirent rien mais ceux qui eurent la chance d' accéder au stade de la production affrontèrent la dure réalité d' un marché libre de matière première .Le développement intensif des premières découvertes précipita rapidement une chute du prix du pétrole, qui passa de $ 37 à $ 7 entre 1870 et 18904 .   [SujetInv_SN] S' ensuivit une vague de faillites et un mouvement de consolidation de l' industrie ( sélection et concentration ) .

Dans cet univers de concurrence " sauvage ", la première manifestation des forces organisatrices ( ou plus exactement : planificatrices ) ne vint pas de l' extérieur - de la puissance publique - mais de l' industrie elle -même .Un jeune homme de 25 ans, John D. Rockefeller , après avoir tenté brièvement sa chance dans l' amont , délaissa ce jeu " où s' épuisent les pauvres gens " pour se concentrer sur le raffinage, à la tête de la Standard Oil .Très tôt Rockefeller comprit l' intérêt de l' intégration horizontale, c' est-à-dire l' absorption ou les alliances avec les concurrents, et verticale, d'abord dans le transport ( en amont et en aval des raffineries ), plus tard dans la production .Son ascension fut fulgurante .En 1873, la Standard Oil détenait déjà entre 30 et 40 % des capacités de raffinage du pays, et jusqu' à 90 % en 1878 .au tournant du siècle, la S.O. exportait 50 % de sa production ; les Etats-Unis étaient, de très loin, le premier exportateur de pétrole au monde, et l' huile était au second rang des produits d' exportations américains, après le coton .

L' accession de la Standard Oil a une situation de quasi-monopole sur l' aval pétrolier - et, par là, au statut de " régulateur " de l' industrie dans son ensemble - devait donner lieu au premier grand procès antitrust de l' histoire économique des Etats-Unis .En cela, l' aventure de Rockefeller revêt une importance qui dépasse la sphère pétrolière .La principale loi antitrust américaine, le Sherman Act de 1890 , fut largement rédigée en référence au cas S.O. En 1909, au terme de plusieurs années d' une procédure initiée par le département de la Justice, une cour fédérale établissait l' existence de pratiques anti concurrentielles dans les activités de la S.O. - en particulier ses " accords " préférentiels avec les transporteurs ferroviaires - et décidait de dissoudre le trust en 35 entités indépendantes, sur la base de le Sherman Act ( décision confirmée par la Cour Suprême en 1911 ) .Plusieurs des grandes compagnies pétrolières américaines sont issues de ce démembrement .Cet événement marque un tournant dans l' histoire pétrolière du pays et symbolise l' entrée dans l' ère des interventions publiques .

Soixante ans d' intervention publique

A partir des années 1920 et jusqu' au début des années 1980, le marché pétrolier américain a vécu sous un régime de très forte intervention publique .   [On..._SN] On distinguera les mesures dites de proration, le contrôle des importations, et le contrôle des prix .

La mise en place de la politique de proration, entre le début de les années 1920 et le milieu de les années 1930 , correspond à un immense effort de la puissance publique - d'abord au niveau de les Etats, puis du gouvernement fédéral - pour soustraire la coordination des producteurs de pétrole au processus concurrentiel et la soumettre à un très haut degré de planification centrale .La proration est née d' une volonté de limiter le " gaspillage " et la " surproduction " que le régime concurrentiel était sensé entraîner .Concrètement, les grands Etats producteurs ( Oklahoma , Texas , Louisiane - à l' exception notable de la Californie , qui ne fut jamais " prorationniste " ) décidèrent de limiter leur production pétrolière en attribuant des quotas à chaque champs, puis à chaque puits en activité, afin de maintenir un prix largement supérieur au prix concurrentiel .Ces efforts locaux étaient coordonnés au sein de une instance inter-étatique, l' interstate compact .Plus tard, dans le cadre du New Deal, la puissance fédérale pris en charge la coordination et une partie de la mise en oeuvre du régime de proration .

La crise des années 1930 , survenant juste après les découvertes géantes de Seminole et de l' East Texas , précipita une chute des prix qui renforça la perception du caractère destructeur de la libre concurrence .En fait, le principal problème était de nature juridique - le droit, encore .La règle dite de " capture " , qu' imposèrent les tribunaux de common law à la fin de le XIXe siècle , autorisait un producteur à forer dans un réservoir déjà exploité par un autre producteur opérant depuis un terrain voisin .Cette règle introduisait des incitations économiques perverses et générait, effectivement, une importante surproduction en même temps que nombre de puits inutiles .Mais la proration ne réglait pas ce problème, au contraire : parce que les puits les moins productifs étaient exemptés de quotas, le système généra un énorme gaspillage de ressources .Le régime de proration, qui survécut jusqu' au début de les années 1970 , servait essentiellement les intérêts des milliers de petits producteurs les moins performants, et des hommes politiques qui contrôlaient un système profondément corrompu .L' industrie pétrolière, qui est certainement un de les symboles de le capitalisme américain , fut pendant plus d' un demi-siècle soumise à un régime - certes incomplet - de planification centralisée .

Le contrôle des importations représentait un complément naturel et indispensable du régime de proration .La trop forte pénétration du pétrole vénézuelien et moyen-oriental eût réduit à néant les efforts des Etats " prorationnistes " pour défendre un prix supérieur au prix de concurrence .Plus généralement, la concurrence du pétrole importé représente une menace permanente pour l' industrie pétrolière américaine, et ce dès l' entre-deux-guerres .En conséquence, la tentation protectionniste traverse toute l' histoire pétrolière américaine .Les mesures les plus célèbres , parmi de nombreuses autres , sont les voluntary oil import quotas de 1949 et les mandatory oil import quotas de 1959 .

Au début des années 1970, les objectifs de l' intervention publique sur le marché pétrolier changèrent brutalement .   [On..._SP] Du soutien des prix intérieurs par la réglementation de l' offre et des importations, on passa à la lutte contre les effets de la hausse des prix .prix   [On..._SP] On pourrait dire : de la protection des producteurs à la protection des raffineurs et des consommateurs .Un système complexe de contrôle des prix et de réglementation de la commercialisation fut mis en place, par strates successives, avec des effets pervers très importants .   [On...] On citera en particulier les entraves à l' allocation marchande du brut et des produits pétroliers, qui jouèrent un rôle décisif dans les pénuries consécutives à l' embargo pétrolier arabe de 1974 et à la révolution iranienne de 1979 - les fameuses gasoline lines qui traumatisèrent l' Amérique ; mais aussi, plus structurellement, les " subventions aux importations " introduites par le système des entitlements, par lequel les raffineurs s' approvisionnant en pétrole " domestique " subventionnaient ceux qui recouraient aux importations .A la fin des années 1970, l' administration Carter souhaitait libéraliser le marché pétrolier mais se heurtait à de fortes résistances au Congrès .Une loi votée en 1978 prévoyait un decontrol progressif étalé sur 10 ans ; l' administration Reagan le réalisa en un mois .

Le " moment Reagan " et l' option libérale

Le premier mandat de Ronald Reagan à la Maison Blanche , et même les premiers mois de ce mandat , apparaissent rétrospectivement comme une période charnière dans l' histoire pétrolière américaine, où furent prises des orientations rompant avec le passé et engageant l' avenir .La politique conduite par l' administration Reagan était inspirée par l' idée que l' efficacité et la sécurité énergétiques ne s' obtiennent pas contre les forces du marché, mais en s' appuyant sur elles .

R. Reagan prononça son discours inaugural le 20 janvier 1981 ; le 28 janvier, il signait l' Executive Order n° 12287 ( le premier de son mandat ), dont la première section dispose : " All crude oil and refined petroleum products are exempted from the price and allocation controls adopted pursuant to the Emergency Petroleum Allocation Act of 1973, as amended .The Secretary of Energy shall promptly take such action as is necessary to revoke the price and allocation regulations made unnecessary by this Order . " L' Executive Order prenait effet le jour même .

Le Congrès, beaucoup plus interventionniste que l' administration , ne désarma pas et en mars 1982 le Sénat vota le Standby Petroleum Allocation Act, qui octroya